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Communiqués

BST no M 05/2001

PUBLICATION DU RAPPORT NO M00C0033 DU BST SUR LE NAUFRAGE DU « TRUE NORTH II » QUI A CAUSÉ DEUX PERTES DE VIE LE 16 JUIN 2000 DEVANT L'ÎLE FLOWERPOT, BAIE GEORGIENNE (ONTARIO)

Port Elgin (Ontario) le 11 mai 2001 - Lorsque le « TRUE NORTH II » a appareillé de l'île Flowerpot à destination du port de Tobermory au matin du 16 juin 2000, son sort en était déjà jeté à cause des conditions météo défavorables et des lacunes en matière de sécurité du navire. Le navire a été balayé par de hautes vagues et a coulé. Cette tragédie a coûté la vie à deux écoliers, et 18 autres personnes, dont 11 compagnons de classe des victimes, ont réussi à atteindre la rive.

Pendant son enquête sur cet accident mortel, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a constaté que des modifications apportées au navire avaient compromis son étanchéité à l'eau, que l'équipement de sauvetage n'était pas rapidement et facilement accessible, et qu'il n'y avait qu'un seul membre d'équipage à bord du navire, alors qu'il y aurait dû y en avoir deux. Au fil des ans, ni ces lacunes ni d'autres manquements à la sécurité n'avaient été relevés au cours des inspections périodiques réglementaires.

« Le naufrage du « TRUE NORTH II » est le résultat d'une foule de facteurs défavorables. Pris isolément, aucun de ces facteurs n'aurait suffi à causer l'accident, mais tous ces facteurs réunis ont mené à la tragédie. Des facteurs qui, de prime abord, semblent sans conséquence, se sont combinés et ont donné lieu à cet accident regrettable », a déclaré M. Benoît Bouchard, président du BST, lorsqu'il a pris la parole aujourd'hui à Port Elgin (Ontario) à l'occasion de la publication du rapport d'enquête du BST sur le naufrage du « TRUE NORTH II ».

M. Bouchard a ajouté : « Pour tous les navires à passagers qui sillonnent la baie Georgienne, pour tous les navires d'observation des baleines de la côte ouest et pour tous les bateaux affrétés pour la pêche en haute mer sur la côte de l'Atlantique, il faut instaurer une mentalité axée sur la sécurité qui permette d'affirmer : 'À bord de ce navire, les passagers et les membres de l'équipage peuvent avoir l'esprit tranquille.' Nous ne devrions pas attendre qu'un accident aussi tragique se produise pour penser sécurité. C'est pourquoi nous devons en tirer des leçons dans l'espoir qu'un tel accident ne se reproduise jamais. C'est ce que les familles espèrent, et c'est ce à quoi tous les Canadiens et Canadiennes s'attendent. »

Le Bureau a formulé trois recommandations qu'il a bon espoir sauront favoriser l'instauration de cette philosophie en matière de sécurité.

Premièrement, le Bureau demande à l'organisme de réglementation, soit le ministère des Transports, d'accélérer le travail d'examen qu'il a entrepris au sujet des lacunes du processus d'inspection des navires et de délivrance des certificats. Le BST recommande aussi que l'organisme de réglementation publie des rapports d'étape dans le but d'informer la population canadienne des mesures prises pour régler les problèmes.

Deuxièmement, le Bureau recommande que la Sécurité maritime de Transports Canada instaure au sein de son organisation une approche à la sécurité qui permettra aux gestionnaires et aux inspecteurs de sécurité de relever toutes les pratiques et conditions dangereuses et d'y remédier, et de faire en sorte que les inspections ne se limitent pas à un contrôle de la conformité avec les règles en vigueur.

Le Bureau croit que les règles ont une raison d'être, à savoir qu'elles visent à assurer la sécurité des membres d'équipage et des passagers. Pour ce faire, il faut relever les pratiques et conditions dangereuses, même si elles ne sont pas nécessairement interdites par le règlement, et y remédier.

Troisièmement, le Bureau recommande que Transports Canada oblige les exploitants de petits navires à passagers à prendre un certain nombre de mesures de sécurité bien précises. Ces mesures consistent notamment à faire, avant l'appareillage, des exposés sur la sécurité à l'intention des passagers, portant sur l'équipement de sécurité et les procédures d'urgence. De plus, les navires devraient être équipés d'un radeau de sauvetage rapidement et facilement utilisable, d'équipement de sauvetage facilement accessible et d'un dispositif permettant de signaler immédiatement une situation d'urgence.

En outre, le Bureau s'inquiète que la formation de certains exploitants de navire ne soit pas adéquate et que le système de délivrance des brevets ne mette pas ces lacunes en évidence.

À la suite de cet accident, Transports Canada, l'organisme chargé de réglementer le transport maritime et les autres modes de transport, travaille à l'élaboration de nombreuses mesures de sécurité. Par exemple, Transports Canada a annoncé qu'il entendait exiger que les petits navires aient des radeaux de sauvetage qui se dégagent d'eux-mêmes en cas de naufrage. De plus, le Ministère met au point une série d'initiatives visant à améliorer les activités d'embauche, de formation et de surveillance des inspecteurs. Il s'est aussi engagé à vérifier la qualité de certains rapports d'inspection relatifs aux navires à passagers.

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada est un organisme indépendant régi par une loi du Parlement. Sa mission est de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilitéés civiles ou pénales.

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Documentation

(Le 11 mai 2001) - Le 16 juin 2000, pendant qu'il rentrait à Tobermory (Ontario) en provenance de l'île Flowerpot, dans la baie Georgienne (Ontario), sur des eaux agitées et dans des conditions météorologiques modérées [ce qui représente des conditions difficiles pour un navire de cette taille], le petit navire à passagers « TRUE NORTH II » a été balayé par une série de vagues qui ont enfoncé la porte avant de la superstructure, envahi le pont principal et pénétré dans la coque par les hauts. Le navire a coulé rapidement dans 15 mètres d'eau, à quelque 200 mètres de l'île Flowerpot vers 10 h 30 heure locale. Des 20 personnes qui étaient à bord, 18 ont dérivé jusqu'au rivage, portées par deux engins flottants. Deux écoliers de septième année ont péri noyés.

Les navires comme le « TRUE NORTH II » doivent faire l'objet d'inspections annuelles visant à s'assurer que l'état de la structure de la coque, des machines, de l'équipement électrique, de l'équipement de sauvetage et de l'équipement de navigation et de communication continue de convenir à une exploitation sûre. L'inspection comprend aussi un processus permettant de s'assurer non seulement que les navires et leur équipement sont conformes, mais aussi que les équipages sont compétents et sont en mesure d'exploiter leurs navires en toute sécurité.

Pertinence du régime d'inspection de la SMTC et de sa culture en matière de sécurité

Les exploitants de navires à passagers comme le « TRUE NORTH II », de même que les exploitants de petits navires et de petits bateaux de pêche, n'ont pas toujours une connaissance exhaustive des pratiques sûres d'exploitation de leurs navires et des exigences de sécurité connexes. De ce fait, la sécurité des passagers peut reposer sur les inspections de sécurité, car ces inspections permettent de s'assurer que l'état des navires permet de les affecter sans danger à l'usage auxquels ils sont destinés, que les navires sont munis de dispositifs de sécurité adéquats et que toutes les exigences de sécurité sont respectées.

Cette enquête a fait ressortir des lacunes dans les procédures et des lacunes d'exécution et de gestion associées au régime d'inspection du programme d'inspection de sécurité, notamment :

Les lacunes que l'enquête a révélées en ce qui a trait au régime d'inspection des navires de la SMTC ne se limitent pas à ce navire ou à cette région en particulier. Depuis 1990, le BST a mené plusieurs enquêtes sur des accidents maritimes qui ont permis de constater des lacunes relatives au régime d'inspection des navires.

Les modifications apportées au « TRUE NORTH II », comme l'ajout d'équipement, l'obturation par soudage des sabords de décharge et la non-étanchéité à l'eau du pont, sont passées inaperçues et, par conséquent, n'ont pas été prises en compte par les inspecteurs lors de leurs inspections périodiques.

Par suite de cet accident, la SMTC, région de l'Ontario, procède à son propre examen du processus d'inspection et de délivrance des certificats touchant le « TRUE NORTH II » et les navires similaires. Le Bureau croit savoir que la vérification de l'examen réglementaire en question ne se limitera pas à ce navire ou à cette région en particulier et qu'elle s'étendra à l'ensemble de l'organisation de la SMTC. Le Bureau s'en réjouit et espère que ces mesures permettront de constater les manquements à la sécurité dans les meilleurs délais et de réduire les risques avec efficacité. Le Bureau note aussi que, même si certaines des mesures recommandées dans le cadre de cet examen ont été prises, il reste bon nombre de questions qui n'ont pas encore été abordées, et plusieurs mesures qui en sont encore à l'étape de la planification. Comme des inspections de sécurité de qualité et la détection rapide des pratiques et conditions dangereuses sont des éléments critiques de la sécurité des équipages et des passagers, particulièrement ceux des petits navires, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports établisse un calendrier visant à accélérer l'examen des lacunes du processus d'inspection et de délivrance des certificats, et qu'il présente au public des rapports d'étape indiquant l'envergure des mesures prises pour combler les lacunes qui ont été relevées.

[M01-01]

En outre, le Bureau croit que, pour que le régime d'inspection des navires de la SMTC atteigne ses objectifs de sécurité, il faut remédier aux lacunes du système dans un contexte global. La philosophie de sécurité de la SMTC est fondée sur le respect des règles. D'autre part, les navires bénéficient souvent de droits acquis grâce auxquels des navires qui présentent des lacunes en matière de sécurité ou des problèmes potentiels continuent d'être exploités sans être assujettis aux règles appropriées. Le Bureau convient que le respect des règles est nécessaire, mais il est d'avis que le seul respect des règles ne suffit pas. Une telle approche peut concentrer l'attention des inspecteurs de sécurité sur certains éléments à l'exclusion des autres au point où les lacunes sur le plan de la sécurité dont le règlement ne fait pas expressément mention peuvent passées inaperçues et, par conséquent, rien n'est fait pour remédier à la situation.

Aussi rigoureuses soient-elles, les règles ne peuvent pas couvrir tous les aspects d'un système de sécurité. Les inspecteurs de sécurité doivent interpréter les renseignements et se servir de leur jugement pour évaluer des conditions dangereuses, qu'elles fassent ou non partie du cadre réglementaire. Le Bureau croit qu'avec l'appui et les instructions voulues de la direction, les inspecteurs de navires de la SMTC seront en mesure de relever des pratiques et des conditions dangereuses qui ne sont pas nécessairement interdites par le règlement, et de prendre les mesures qui s'imposent. Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports, Sécurité maritime, mette en place au sein de son organisation une approche à la sécurité qui permettra à la direction et aux inspecteurs de relever les pratiques et conditions dangereuses et d'y remédier, et faire en sorte que les inspections ne se limitent pas à un contrôle de la conformité aux règles.

[M01-02]

Préparatifs d'urgence et possibilités de survie

Dans des situations de détresse qui évoluent rapidement, comme celle que le « TRUE NORTH II » a connue, il est essentiel que l'équipement de sauvetage soit rapidement et facilement utilisable et accessible pour l'équipage et les passagers.

Des accidents antérieurs ont convaincu le Bureau que le fait de donner des directives de sécurité avant l'appareillage peut accroître les chances de survie pendant une situation d'urgence. Comme il n'y avait pas de plan relatif à l'équipement de sauvetage et qu'il n'y avait pas eu d'exposé sur la sécurité avant le départ, les passagers n'étaient pas préparés à une situation d'urgence et ignoraient où se trouvaient les gilets de sauvetage et les autres équipements d'urgence et engins de sauvetage. On n'a pas fait de démonstration sur la façon de se servir de cet équipement avant le départ; des démonstrations de ce genre ne sont pas pratiques courantes chez les exploitants de petits navires à passagers.

On a aussi appris que la disponibilité immédiate de l'équipement de sauvetage est d'une importance capitale pour ce qui est du déploiement et de l'utilisation de cet équipement en situation d'urgence. Même s'il y avait des gilets de sauvetage à bord, ceux-ci étaient arrimés de telle façon qu'ils n'ont pas été disponibles rapidement et facilement. Il y avait aussi à bord deux bouées de sauvetage qui étaient rangées de telle façon que les passagers en détresse n'ont pas pu y accéder rapidement. Tout cet équipement de sauvetage devait être à la disposition des passagers en cas d'urgence, mais il n'a pas servi. Le radeau de sauvetage gonflable du « TRUE NORTH II » n'était pas muni d'un dispositif à dégagement hydrostatique, et ne pouvait pas non plus se dégager de lui-même; son déploiement ne pouvait pas se faire sans une intervention humaine. De plus, il était fixé au toit de la superstructure, auquel il était impossible d'accéder facilement. Par conséquent, le radeau a coulé avec le navire.

Après l'accident, le BST a fait des visites à l'improviste à bord de 25 navires des environs de Toronto et de Tobermory, afin d'examiner les dispositifs d'arrimage des radeaux de sauvetage et des engins flottants. Ces visites ont permis de constater que plusieurs radeaux de sauvetage installés à bord de navires à passagers étaient arrimés et assujettis de telle façon qu'ils ne se seraient pas déployés comme prévu en cas d'urgence et qu'ils n'auraient donc été d'aucune utilité dans ces circonstances. Par la suite, le BST a informé la SMTC de ces conditions dangereuses (Avis de sécurité maritime, ASM no 09/00).

Il est essentiel que les installations à terre soient en mesure d'intervenir dans les meilleurs délais lorsque survient une situation d'urgence. Le « TRUE NORTH II » a fait naufrage si rapidement qu'il a été impossible de lancer un message Mayday. Les efforts de sauvetage ont été entrepris dès que les autorités de recherche et sauvetage ont été informées de l'accident par un navire qui passait par hasard dans le secteur et dont les occupants ont remarqué les gens qui étaient dans l'eau.

En plus du radiotéléphone VHF de marine, on peut trouver sur le marché un certain nombre d'appareils permettant de signaler une situation d'urgence, par exemple les radiobalises de localisation des sinistres (RLS) et les transpondeurs de recherche et sauvetage (SART). Certains navires sont tenus d'avoir des RLS et des SART à leur bord, mais les petits navires comme le « TRUE NORTH II » ne sont pas tenus d'en être équipés dans le secteur où il est exploité.

Malgré l'identification de ces manquements à la sécurité, et malgré les recommandations du Bureau et les mesures prises par Transports Canada pour y donner suite, les enquêtes du Bureau démontrent encore que ces manquements à la sécurité ne sont toujours pas corrigés. Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports oblige les petits navires à passagers à faire des exposés sur la sécurité avant l'appareillage et oblige ces navires à être équipés d'un radeau de sauvetage pouvant être déployé rapidement et facilement, d'équipement de sauvetage rapidement et facilement accessible et de moyens permettant de signaler immédiatement une situation d'urgence.

[M01-03]

Préoccupations liées à la sécurité

L'évaluation de la compétence de l'exploitant du « TRUE NORTH II » a été basée sur le fait qu'il était déjà titulaire d'un brevet et sur l'expérience qu'il avait acquise en travaillant dans la région de Tobermory pendant longtemps. Toutefois, pendant tout ce temps, il avait exploité son navire alors que la sécurité était compromise en raison de conditions et de pratiques dangereuses qui étaient passées inaperçues.

L'enquête a permis de constater que les conditions et pratiques dangereuses suivantes étaient devenues la norme depuis plusieurs années :

L'un ou l'autre de ces manquements à la sécurité pris individuellement n'aurait peut-être pas entraîné le naufrage et les pertes de vie; plutôt ce sont ces facteurs réunis qui ont mené à cet accident. Pour qu'il soit en mesure de réduire les risques au minimum, l'exploitant doit se rendre compte des lacunes sur le plan de la sécurité. Or, pour être conscient de ces risques, il doit avoir des connaissances qui lui permettent de bien saisir dans quelle mesure ces lacunes peuvent compromettre la sécurité.

Au cours de la dernière décennie, dans plusieurs enquêtes sur des accidents mettant en cause des petits navires à passagers, des navires de service et des petits bateaux de pêche, le BST a relevé des manquements aux exigences imposées aux exploitants en matière de formation, de connaissances et de délivrance des brevets.

Les conclusions et les recommandations que le BST a déjà publiées font ressortir combien les connaissances, les habiletés et les compétences des capitaines et des officiers sont importantes pour la sécurité des personnes qui sont à bord d'un navire. Le processus de délivrance initiale des brevets et de renouvellement qui est en vigueur à la SMTC vise à confirmer que les exploitants possèdent et continuent de posséder les connaissances et les compétences nécessaires pour assurer l'exploitation en toute sécurité du navire ainsi que la sécurité des personnes qu'il transporte.

Le Bureau craint qu'en raison de lacunes dans les processus d'évaluation et de délivrance des brevets, des exploitants ayant des compétences inadéquates ne soient autorisés à entretenir et à exploiter des navires, et que les équipages et les passagers ne courent inutilement des risques en cas d'urgence. Le Bureau entend surveiller la situation afin de déterminer si des correctifs appropriés sont apportés, et il déterminera si d'autres mesures s'imposent, le cas échéant.



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