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A15H0001 (SII taxis aériens)

Kathy Fox, présidente du BST

Pierre Gavillet, Enquêteur principal regional

Ottawa (Ontario)

7 novembre 2019

Seul le texte prononcé fait foi.

Pierre Gavillet

Bonjour,

L'industrie canadienne de l'aviation est à l'image du pays -- diversifiée et unique en son genre. Et le secteur du taxi aérien en est le parfait exemple, utilisant  des avions plus petits pour le transport de moins de 10 passagers, ce secteur fournit aux Canadiens un large éventail de services. Pensons aux hélicoptères qui mènent des personnes blessés ou malades à l'hôpital; aux hydravions qui font la navette entre les villes côtières ou desservent des camps de chasse ou de pêche; et aux autres appareils qui conduisent des travailleurs vers les régions éloignées, ou transportent des passagers, des denrées et de l'équipement vers les communautés isolées.

Ces précieuses liaisons aériennes ont contribué à bâtir le Canada et à pourvoir aux besoins de sa population. Pourtant, le taxi aérien est plus à risque que les autres secteurs de l'aviation commerciale. Au cours des 10 dernières années, l'aviation commerciale au Canada a amélioré son rendement en sécurité. Malgré cela, le taxi aérien continue d'enregistrer plus d'accidents et plus de pertes de vie que tous les autres secteurs combinés.

Il en est ainsi, en partie, à cause de la nature du travail. Le taxi aérien évolue dans un contexte très différent de celui des autres secteurs et notamment celui des avions de ligne régulière. Les exploitants n'ont souvent pas d'horaire établi et volent dans des espaces aériens non contrôlés vers des régions éloignées où; les aérodromes et les aides à la navigation sont plutôt rares. En général, les vols sont moins longs, ce qui occasionne plus de décollages et d'atterrissages. L'accès à l'information météorologique ou à de l'équipement de pointe peut être difficile, spécialement si l'avion date de plusieurs décennies.

Mais la principale explication à l'origine de si nombreux accidents est plus insidieuse et comporte deux éléments : une acceptation des pratiques non sécuritaires et une gestion inadéquate des dangers opérationnels. Bien que la plupart des exploitants s'efforcent de voler en toute sécurité, beaucoup sont toujours vulnérables à ces facteurs sous-jacents.

Aujourd'hui le BST publie les résultats d'une enquête exhaustive sur la question. Une analyse qui met en évidence les principaux risques auxquels font face les exploitants de taxis aériens, et l'incidence de ces risques sur la sécurité de chaque vol.

Nous faisons également quatre recommandations qui visent…

Ces quatre recommandations viennent s'ajouter à 22 autres recommandations que le BST a déjà publiées pour améliorer la sécurité dans ce secteur. Mme Fox reviendra sur ces recommandations mais tout d'abord, voici quelques mots au sujet de l'enquête et de ce qu'elle nous a permis d'apprendre.

La sécurité du taxi aérien est un problème de longue date. Des études menées il y a 30 ans démontraient que les activités de taxi aérien se déroulent dans un contexte particulier posant des risques très différents. Nous avons examiné plus de 700 événements survenus entre 2000 et 2014, et 167 rapports d'enquête du BST. Nous avons ensuite interviewé 125 personnes appartenant à près de trois douzaines d'exploitants au pays; ainsi qu'à Transports Canada.

À partir de cette information, nous avons regroupé les défis qui surviennent quotidiennement dans ce secteur sous 19 thèmes de sécurité. Cela dit, les accidents découlent essentiellement des deux facteurs sous-jacents que j'ai mentionnés plus tôt. Dans un premier temps, une dérive progressive et lente vers l'acceptation des pratiques non sécuritaires. Ici il n'est pas question des infractions réglementaires, mais plutôt une dérive graduelle des pratiques pour réussir un vol, comme voler dans des conditions météorologiques limites. Ces pratiques, que les exploitants peuvent ne pas considérer comme non sécuritaire parce qu'elles sont perçues comme faisant partie de l'exécution du travail…sont aggravées par le facteur numéro deux : la gestion inadéquate des dangers opérationnels, comme le fait de ne pas avoir de balance disponible pour s'assurer que l'avion ne soit pas surchargé.

Ce secteur étant très varié, il n'y a pas juste un accident typique, mais nous pouvons vous illustrer la problématique grâce à la mise en situation suivante.

Comme toute entreprise, les exploitants de taxis aériens doivent gérer des pressions concurrentes afin de fournir un service, d'assurer leur sécurité et de rester viable financièrement.  

Tant que ces pressions concurrentes demeurent équilibrées, le vol devrait se dérouler sans problème. Mais ces pressions changent continuellement et poussent les exploitants aux limites de certaines frontières, au-delà desquelles il y a des conséquences.

Voilà où est le problème :  -  Au seuil de la limite de la sécurité. Ces pressions concurrentes peuvent forcer les taxis aériens à traverser dans un espace qui n'est pas sécuritaire. Le vol n'aboutira pas nécessairement à un accident, mais sa marge de sécurité s'en trouvera réduite. La solution est d'améliorer l'équilibre entre ces trois pressions—en particulier d'augmenter la pression de sécurité.

Mme Fox va maintenant expliquer le contexte des 4 recommendations émises aujourd'hui.

Kathy Fox

Merci, Pierre.

Les travailleurs du secteur de l'hydro auront toujours besoin de se rendre aux postes de distribution électrique... en toute sécurité. Les gens en régions éloignées auront toujours besoin de se rendre à l'hôpital... en toute sécurité. Quelle que soit la région ou la nature du service, il y aura toujours un besoin pour le taxi aérien. Mais ni l'équipage, ni les passagers ne devraient avoir à composer avec un niveau de sécurité moindre que pour les services de vols réguliers.

Donc, les choses doivent changer. Cela signifie que les clients, passagers, équipages de conduite et exploitants doivent arrêter d'accepter des pratiques non sécuritaires, et s'exprimer pour qu'elles n'aient pas lieu. Cela signifie aussi d'appliquer une gestion proactive de la sécurité... le tout dans le but de créer une culture d'exploitation sécuritaire.

Le but de notre première recommandation est de favoriser cette collaboration.  Ainsi, nous voulons que Transports Canada « collabore avec les associations du secteur pour développer des stratégies, des produits éducatifs et des outils pour aider les exploitants de taxis aériens et leurs clients à éliminer l'acceptation des pratiques non sécuritaires ».

Notre deuxième recommandation porte sur les moyens de promouvoir une gestion proactive de la sécurité avec une culture de sécurité positive.

Nous voulons que les principales associations de l'industrie encouragent les exploitants de taxis aériens à adopter une gestion proactive de la sécurité et une culture de sécurité positive par le biais de formations et de partage de pratiques exemplaires, d'outils et de données de sécurité propres à leurs activités. Plusieurs le font déjà, mais il y a encore plus à faire.
Notre troisième recommandation découle de ce que nous avons appris des discussions avec les exploitants et de notre examen des rapports d'enquêtes du BST en ce qui concerne, notamment, les lacunes dans le règlement et les normes de Transports Canada.

Certains exploitants s'en tiennent à l'essentiel, c'est-à-dire à ce qui est requis par le règlement, et pas plus.

Par contre, d'autres exploitants et leurs clients dépassent les exigences et adoptent des concepts qui ne font pas encore partie de la réglementation. Par exemple :

Ces différentes approches créent un niveau inégal de sécurité à l'échelle du pays et dans tout le secteur et cette réalité est très peu connue des passagers.

Encore une fois, il est temps d'améliorer la sécurité. Il est temps que Transports Canada examine les failles cernées par la présente enquête et que Transports Canada actualise la réglementation et les normes pertinentes.

[pause]

Notre quatrième recommandation porte sur l'incidence de ces mesures de sécurité et sur les données nécessaires à une évaluation, comme les heures de vol ou les mouvements.

À l'heure actuelle, le gouvernement ne compile pas par secteur, les données sur les heures de vol et les mouvements en aviation commerciale au Canada. En conséquence, bien que nous connaissions le nombre annuel d'accidents et de pertes de vie dans le secteur du taxi aérien, nous ne pouvons pas calculer le taux d'accidents par heures de vol. Cette information est importante, car si le nombre d'accidents fluctue, il nous est impossible de savoir si cela résulte d'un moins grand nombre de vols ou d'autre chose. Les intervenants ont besoin de ces données pour savoir si les mesures prises fonctionnent réellement.

Voilà pourquoi nous recommandons aujourd'hui que Transports Canada exige que tous les exploitants commerciaux rassemblent et déclarent les données sur les heures de vol et les mouvements pour leurs aéronefs, par secteur et par type d'aéronef, et que Transports Canada publie ces données.

Si Transports Canada et l'industrie donnent suite aux quatre recommandations que nous faisons aujourd'hui et aux 22 recommandations antérieures du BST, la sécurité dans le secteur du taxi aérien au Canada sera améliorée.

Merci.