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Rapport d'enquête aéronautique A94A0124

Mauvais fonctionnement des freins
Provincial Airlines Ltd.
Piper PA-31-350 Navajo Chieftain C-GWLW
Fox Harbour (Terre-Neuve)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Piper Navajo Chieftain effectuait un vol entre Mary's Harbour et Fox Harbour (Terre-Neuve). Le serrage initial des freins pendant la course à l'atterrissage à Fox Harbour a produit un freinage normal. Toutefois, les sollicitations suivantes des freins se sont traduites par une course des pédales de frein plus grande et par un freinage moins efficace. Le commandant de bord a pris les commandes et a effectué une giration au sol plutôt que de sortir en bout de piste et de descendre un talus rocheux de 75 pieds. Les membres d'équipage et les trois passagers ont évacué l'avion et se sont rendus à l'aérogare à pied. Personne n'a été blessé.

Le Bureau a déterminé que l'échauffement du liquide de freins est la cause la plus probable du mauvais fonctionnement des freins. L'atterrissage brutal à Mary's Harbour, le temps insuffisant de refroidissement des freins entre les atterrissages à Mary's Harbour et à Fox Harbour, la technique de freinage de l'équipage de conduite et le circuit de freinage standard de l'avion ont contribué à l'accident.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le Piper Navajo Chieftain avait effectué un vol régulier de 28 minutes entre St. Anthony et Mary's Harbour (Terre-Neuve), localité située à environ 66 milles au nord de là. Neuf minutes après l'atterrissage à Mary's Harbour, l'avion a décollé à destination de Fox Harbour situé à huit milles à l'est.

L'avion s'est posé sur la piste 05 à Fox Harbour à environ 200 pieds au-delà du seuil, et le copilote, qui était aux commandes a serré les freins. Les sollicitations suivantes des freins se sont traduites par une course des pédales de frein plus grande et par un freinage moins efficace. Le commandant de bord a pris les commandes et a effectué une giration au sol plutôt que de sortir en bout de piste et de descendre un talus rocheux de 75 pieds.

L'équipage de conduite et les trois passagers ont évacué l'avion. Personne n'a été blessé.

  1. Les unités correspondent à celles des manuels officiels, des documents, des rapports et des instructions utilisés ou reçus par l'équipage.
  2. Voir l'annexe B pour la signification des sigles et abréviations.
  3. Les heures sont exprimées en HAT (temps universel coordonné [UTC] moins trois heures et demie) sauf indication contraire.

L'accident s'est produit de jour par 52° 22′ de latitude Nord et 55° 41′ de longitude Ouest1, à une altitude de

75 pieds-mer, vers 9 h2, heure avancée de Terre-Neuve (HAT)3.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - - - -
Blessés graves - - - -
Blessés légers/indemnes 2 3 - 5
Total 2 3 - 5

1.3 Dommages à l'aéronef

L'avion a subi des dommages importants pendant l'atterrissage.

1.4 Autres dommages

Aucun.

1.5 Renseignements sur le personnel

Commandant de bord Copilote
Age 25 ans 26 ans
Licence pilote de ligne pilote professionnel
Date d'expiration du certificat de validation 1 er mai 95 1 er janvier 1995
Nombre total d'heurs de vol 4,000 2,500
Nombre total d'heures de vol sur type en cause 1,200 1,200
Nombre total d'heures de vol dan le 90 derniers jours 300 300
Nombre total d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours 180 300
Nombre d'heures de service avant l'accident 2 4
Nombre d'heures libres avant la prise de service 12 38

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur - Piper Aircraft Corporation
Type - PA-31-350 Navajo Chieftain
Année de construction - 1974
Numéro de série - 317405221
Certificat de navigabilité- valide
Nombre d'heures de vol cellule - 9 368
Type de moteur (nombre) - Lycoming TIO-540-J2BD (2)
Type d'hélice/de rotor (nobmre) - Hartzell HC-E3YR-2ATF (2)
Masse maximale autorisée au décollage - 7 250 lb
Type(s) de carburant recommandé(s) - essence aviation 100-130
Type de carburant utilisé - essence aviation 100 LL

L'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.

À l'origine, l'homologation de type de l'avion indiquait une masse maximale au décollage et à l'atterrissage de

7 000 livres. Toutefois, une modification approuvée apportée à l'avion, soit un générateur de tourbillons, avait augmenté la masse maximale au décollage à

7 250 livres. La modification n'avait pas changé la masse maximale à l'atterrissage de 7 000 livres.

Au moment de l'atterrissage à Mary's Harbour, la masse de l'avion était supérieure de 125 livres à la masse maximale autorisée à l'atterrissage. La masse et le centrage de l'avion pendant l'atterrissage à Fox Harbour étaient dans les limites prescrites.

1.7 Renseignements météorologiques

D'après le système automatisé d'observations météorologiques (AWOS) de Mary's Harbour, les conditions au moment de l'accident étaient les suivantes : nuages épars à 1 300 pieds, visibilité de cinq milles dans des averses de pluie et vent faible.

Les conditions météorologiques à Fox Harbour signalées par l'équipage de conduite étaient les suivantes : visibilité de trois milles dans des averses de pluie, bancs de brouillard et vent faible et variable.

1.8 Renseignements sur l'aérodrome

L'aéroport de Fox Harbour, qui est exploité par le gouvernement de

Terre-Neuve, comprend une piste en gravier de 2 200 pieds de longueur et de 75 pieds de largeur. Une surface molle en gravier de 100 pieds s'étend au-delà de l'extrémité départ de la piste 05, et elle est suivie d'un talus rocheux qui descend sur 75 pieds.

1.9 Actions de l'équipage de conduite

1.9.1 Maîtrise de l'avion

Le pilote aux commandes est chargé de la maîtrise de l'avion. Lorsqu'un pilote doit passer les commandes de l'avion à l'autre pilote, le pilote qui prend les commandes doit déclarer «Je prends les commandes», et le pilote qui les remet doit déclarer

«Tu as les commandes». Ce transfert des commandes peut être amorcé par l'un ou l'autre des pilotes.

Le transfert verbal des commandes, du pilote aux commandes au pilote non aux commandes, ne s'est pas fait de façon appropriée pendant l'atterrissage à Fox Harbour. Toutefois, le pilote non aux commandes, c'est-à-dire le commandant de bord, a effectivement pris les commandes de l'avion et s'est rendu compte qu'il ne pouvait pas freiner lui non plus.

Les procédures de la compagnie en cas de remise des gaz demandent que le pilote qui est aux commandes de l'avion pousse sur les manettes des gaz. Pendant l'atterrissage à Fox Harbour, le commandant de bord a demandé «remise des gaz», mais il n'a pas poussé sur les manettes des gaz. Le commandant de bord a alors décidé que la longueur de piste restante n'était pas suffisante pour remettre les gaz, de sorte qu'il a effectué une giration au sol pour ne pas franchir l'extrémité de départ de la piste et le talus.

1.9.2 Technique de freinage

L'équipage de conduite utilisait la technique de freinage qui consistait à pomper les freins après le toucher des roues. Une autre technique de freinage aurait consisté à serrer les freins après le toucher des roues et à conserver une pression de freinage franche jusqu'à ce que l'avion s'immobilise. Cette dernière technique assure une distance d'atterrissage plus courte. En outre, le circuit de freinage, à cause d'une pression de freinage constante plus élevée, pourrait absorber plus de chaleur avant que le liquide de freins ne s'échauffe.

L'équipage de conduite croyait que sa technique de freinage se traduisait par une usure moins importante et une durée de vie plus longue des composants du circuit de freinage de l'avion. Cette technique était une pratique acceptée et utilisée par certains des pilotes de l'exploitant.

L'exploitant n'avait pas de manuel de procédures d'utilisation normalisées (SOP) pour l'avion en question.

1.10 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

1.10.1 Généralités

L'avion a subi des dommages importants pendant l'atterrissage. La giration au sol a produit une surcharge sur le verrou train sorti du train d'atterrissage principal gauche de l'avion, ce qui a causé la rupture du verrou et l'affaissement du train. L'hélice du moteur gauche a été endommagée lorsqu'elle a heurté le sol après l'affaissement du train d'atterrissage. Les panneaux de l'aile gauche étaient visiblement plissés sur six pieds du côté extérieur de l'aile, et le volet gauche était endommagé. Le stabilisateur et la gouverne de profondeur gauches étaient également endommagés, de même que la structure du fuselage au-dessous de la porte cabine principale.

1.10.2 Examen des freins

Après l'accident, on a vérifié le circuit de freinage pour déceler des dommages et pour constater son état de fonctionnement. Il n'y avait aucun signe de fuite de liquide de freins en provenance des composants du circuit de freinage. Lorsque les freins ont été serrés, les pédales étaient molles, comme lorsqu'il y a de l'air dans le circuit de freinage. Lorsqu'on a effectué la technique de pompage sur les pédales, puis qu'on les a tenues enfoncées, la pression sur les pédales est restée ferme.

Les disques de frein des roues principale de l'avion et les ensembles de frein de roue, y compris les garnitures de frein, les cylindres de frein et les plaques de couple de frein, ont été déposés et transportés à l'atelier du bureau régional de Moncton (Nouveau-Brunswick). Les constatations suivantes ont été faites :

Disques de frein : Les deux disques de frein étaient voilés au-delà de la limite de 0,015 pouce du fabricant. Le disque de frein de la roue gauche présentait un voilement de 0,139 pouce, et celui de la roue droite, de 0,054 pouce. Le disque gauche était un peu plus mince que le disque droit parce qu'il avait accumulé plus de cycles d'atterrissage depuis le montage. L'épaisseur des deux disques de frein était dans les limites spécifiées dans le Component Maintenance Manual.(CMM) du fabricant des freins.

Figure 1 - Disque de frein
Disque de frein

Cylindres de frein de roue : Les deux cylindres de roue étaient intacts et ne présentaient aucun signe de crique ni de fuite externe.

Garnitures du frein gauche : Les six garnitures de frein satisfaisaient aux exigences d'épaisseur minimale spécifiées dans le CMM et même les dépassaient. Le renfort en acier de certaines des garnitures était voilé et bleuâtre.

Plaque de pression du frein gauche : Trois garnitures de frein sont fixées à la plaque de pression et sont situées du côté du piston de frein du disque.

Figure 2 - Frein
Frein

Les garnitures sont fixées à des goujons qui sont rivés à la plaque de pression. Cette plaque était déformée, les six goujons présentaient du jeu dans la plaque, et plusieurs d'entre eux avaient ovalisé leur trou respectif.

Garnitures du frein droit : Il ne restait qu'une quantité minime de matériau sur les six garnitures de frein. Deux des trois garnitures de la plaque d'appui étaient usées au point que les contours des trous de goujons de fixation étaient visibles sur la face des garnitures. Le CMM indique que la garniture est usée au-delà des limites lorsque les trous de goujon sont visibles sur sa surface.

Figure 3 -Frein sur le disque
Frein sur le disque

Les trois garnitures de la plaque d'appui étaient usées presque jusqu'aux limites minimales d'épaisseur.

Plaque de pression du frein droit : La plaque de pression du frein droit était voilée, mais les goujons de fixation des garnitures de frein ne présentaient pas de jeu dans la plaque.

1.11 Conception des freins et freinage

1.11.1 Conception des freins

La valeur nominale de l'énergie cinétique des roues et des freins (série 40-102/30-68) de l'avion pendant un atterrissage normal est de 700 000 lb pi, ce qui indique que l'avion effectue 35 arrêts au dynamomètre à cette énergie et à un taux de décélération de 10 pi/s/s.

On considère qu'un arrêt au dynamomètre est l'équivalent de l'énergie cinétique qui est produite pendant un atterrissage court. Par conséquent, des garnitures de frein neuves doivent pouvoir effectuer un minimum de 35 atterrissages avant qu'il soit nécessaire de les remplacer.

Des freins standard 30-68A avaient à l'origine été montés sur le Piper Navajo, qui avait une masse maximale à l'atterrissage de 6 500 livres et une vitesse d'environ 70 noeuds dans la configuration d'atterrissage. La masse à l'atterrissage est passée à 7 000 livres, et la vitesse, à 74 noeuds dans la configuration d'atterrissage, lorsque le Navajo Chieftain a été mis en service. Les mêmes freins avaient été homologués pour les modèles Navajo, mais des freins robustes, dont l'énergie nominale était plus élevée, étaient offerts pour le Chieftain.

Les freins de la série 30-68 ont une valeur nominale de 700 000 lb pi, mais ils peuvent fonctionner à une valeur nominale supérieure. Néanmoins, lorsque l'énergie produite est plus élevée que la valeur nominale de conception et que les freins ne se sont pas refroidis suffisamment pour dissiper l'énergie accumulée, tout freinage supplémentaire peut produire une perte d'efficacité des freins par échauffement ( fading., le voilement des disques de frein et une réaction anormale des freins.

Tous les cylindres de frein comprennent des isolants qui assurent une protection contre le transfert de la chaleur du disque de frein aux cylindres de frein.

1.11.2 Mise en état des garnitures de frein

La mise en état des garnitures de frein est une procédure recommandée par le fabricant qui doit être suivie après le montage de garnitures neuves sur l'avion. Deux freinages consécutifs avec arrêt complet sont effectués à une vitesse de 30 à 35 noeuds afin de lisser le matériau des garnitures et d'assurer une durée de vie en service optimale des garnitures. Si la mise en état n'est pas effectuée, la durée de vie en service des garnitures diminue et les freins sont moins efficaces. En outre, il y a une sensation de «pédale dure» correspondante, et un effort plus important que la normale doit être exercé sur les pédales pour ralentir l'avion.

1.11.3 Échauffement des freins

Si les disques de frein s'échauffent pendant l'atterrissage, ils peuvent se voiler. À mesure que le disque se voile, le jeu entre les garnitures et le disque diminue. De plus, le mauvais alignement entre le disque et les garnitures répartit la pression inégalement, ce qui rend le freinage moins efficace.

Une énergie calorifique excessive peut se produire si les freins n'ont pas eu suffisamment de temps pour refroidir entre les arrêts. Cette énergie résiduelle est emmagasinée dans le disque et est ajoutée à l'énergie produite pendant l'arrêt suivant. Les températures élevées qui en résultent peuvent dépasser la capacité d'isolement des freins et causer l'échauffement du liquide de freins à l'arrière des pistons de cylindre de frein. Puisqu'un gaz est compressible, toute sollicitation continue des freins produit une course excessive des pédales et un mauvais freinage ou pas de freinage du tout.

Le liquide de freins atteint une température plus élevée sans s'échauffer lorsqu'il est sous pression. Si la température du liquide est suffisamment proche du point d'échauffement lorsque le liquide est sous pression, ce dernier s'échauffe lorsque la pression est supprimée.

1.12 Énergie cinétique des freins à l'atterrissage

1.12.1 Formule de l'énergie cinétique

Chaque frein est conçu selon une capacité de freinage particulière mesurée en lb pi. La formule pour calculer l'énergie cinétique (Ec) qui peut être produite au frein pendant un atterrissage est la suivante :

Ec =M x (V x V) x 0,0443 divisé par X, où
Ec =énergie cinétique,
M =masse à l'atterrissage de l'avion en livres,
V =vitesse à l'atterrissage de l'avion en noeuds, et
X =nombre de freins par avion.

1.12.2 Calculs de l'énergie cinétique

Pour les calculs suivants, on a utilisé les masses à l'atterrissage de l'avion calculées à partir du devis de poids de l'avion en question.

Deux vitesses à l'atterrissage à Mary's Harbour ont été utilisées pour souligner l'importance de la vitesse à l'atterrissage dans la détermination de l'énergie cinétique des freins. Pour le deuxième calcul, on a utilisé la vitesse à l'atterrissage la plus élevée que l'équipage pense avoir atteinte.

Premier calcul pour Mary's Harbour

Ec = M x (V x V) x 0,0443 divisé par X
= 7 125 x 75 x 75 x 0,0443 divisé par 2
= 887 730 lb pi
Deuxième calcul pour Mary's Harbour
Ec = M x (V x V) x 0,0443 divisé par X
= 7 125 x 85 x 85 x 0,0443 divisé par 2
= 1 140 240 lb pi

La masse de l'avion était supérieure de 125 livres à la masse maximale autorisée à l'atterrissage, mais l'atterrissage en surcharge a augmenté l'énergie produite de moins de 2 %.

Premier calcul pour Fox Harbour

Ec = M x (V x V) x 0,0443 divisé par X
= 6 286 x 80 x 80 x 0,0443 divisé par 2
= 891 103 lb pi

1.13 Renseignements supplémentaires

1.13.1 Renseignements sur l'entretien

Une inspection no 3 suite à un incident et des réparations du circuit de freinage avaient été effectuées la veille de l'accident. Les réparations comprenaient le remplacement de tous les joints toriques des deux freins de roue et du robinet du frein de stationnement.

La fiche des pièces et des rectifications de l'exploitant indiquait d'abord que 6 des 12 garnitures de frein avaient été remplacées, puis la fiche avait été modifiée et indiquait 9.

La fiche no 09916 du dossier d'entretien de l'avion indique que les plaquettes (garnitures de frein) étaient usées au-delà des limites, et la rectification indique que les plaquettes avaient été remplacées. Elle n'indiquait pas combien de plaquettes avaient été remplacées.

Le technicien d'entretien d'aéronef (TEA) n'a pas remarqué l'importance du voilement du disque du frein gauche lorsqu'il a remplacé les garnitures du frein gauche. Toutefois, il a réussi à serrer les quatre boulons et à faire tourner le pneu. Le commandant de bord avait aidé le TEA à purger le circuit de freinage en pompant les freins aux deux places de pilotage.

La mise en état des garnitures de frein de l'avion en question n'avait pas été effectuée après le remplacement des garnitures, même si les freins avaient subi un essai de fonctionnement.

L'équipage de conduite n'avait remarqué aucun freinage anormal avant l'atterrissage à Fox Harbour.

Les dossiers de l'avion pour les

100 heures d'utilisation précédentes indiquaient que les garnitures de frein avaient une durée de vie en service se situant entre 80 et 160 atterrissages avant qu'elles soient remplacées.

L'avion avait effectué

deux atterrissages depuis que ses freins avaient été réparés.

1.13.2 Renseignements sur le vol

L'avion était parti de St. Anthony avec 800 livres de carburant à bord, et sa masse au décollage était de 7 240 livres. L'avion avait atterri à Mary's Harbour avec 685 livres de carburant à bord, et sa masse à l'atterrissage était de 7 125 livres.

Le centrage de l'avion était dans les limites prescrites, mais la masse à l'atterrissage à Mary's Harbour dépassait de 125 livres la masse maximale autorisée à l'atterrissage.

L'intervalle entre la fin du roulage à l'arrivée à Mary's Harbour et le début du roulage au départ a été de neuf minutes.

Avant d'atterrir à Fox Harbour, le pilote aux commandes a exécuté la liste de vérifications du manuel de vol qui demandait entre autres de faire la vérification de la pression des freins, et il a indiqué que les freins fonctionnaient normalement.

2.0 Analyse

2.1 Composants du circuit de freinage

Le voilement excessif des disques de frein indiquait que les disques avaient subi des températures plus élevées que la normale. Le plus grand nombre d'atterrissages accumulés par le disque de frein gauche a probablement contribué au voilage plus important de ce disque. L'importance du voilement des disques au moment des réparations des freins n'a pu être déterminée. Le voilement important d'un disque de frein peut produire une traînée du frein, diminué l'efficacité du freinage et augmenté la course des pédales de frein pour aligner les garnitures de frein avec le disque de frein. Les pédales étaient molles à cause du voilement important des disques.

Le TEA n'a pas remarqué l'importance du voilement du disque du frein gauche lorsqu'il a remplacé les garnitures du frein gauche. Toutefois, il a réussi à serrer les quatre boulons et à faire tourner le pneu.

Il est possible que le frein gauche présentait de la traînée et que la chaleur supplémentaire qui s'est dégagée pendant la circulation au sol, l'atterrissage et le décollage ait été la cause du voilement supplémentaire qui a été observé sur le disque gauche. La traînée du frein serait attribuable à la diminution du jeu entre le disque du frein gauche voilé et les garnitures de frein neuves. Le frein droit ne présentait pas de traînée parce que les garnitures de ce frein n'avaient pas été remplacées.

Il est possible que la traînée du frein gauche ait été assez importante pour dégager de la chaleur supplémentaire, sans que l'avion présente un mouvement de lacet à gauche perceptible pendant les manoeuvres au sol.

L'équipage de conduite n'avait remarqué aucun freinage anormal avant l'atterrissage à Fox Harbour.

Le fonctionnement des pédales de frein pendant l'examen effectué après l'accident a montré que le circuit de freinage ne présentait aucune fuite interne ni externe.

2.2 Chaleur résiduelle et technique de freinage

Les isolants de piston de frein protègent les cylindres de frein de la chaleur qui se dégage sur le disque pendant le freinage. Le voilement excessif des disques, la déformation de la plaque de pression de frein et la déformation et la décoloration des renforts des garnitures de frein indiquent que ces composants avaient subi un échauffement.

Lorsque le disque de frein ne peut pas absorber plus de chaleur et que la capacité thermique de l'isolant de cylindre est dépassée, la température du cylindre de frein peut augmenter à cause du transfert de chaleur en provenance du disque de frein et causer l'échauffementdu liquide de freins à l'arrière des pistons de cylindre.

La chaleur produite lorsque les freins ont été serrés pendant l'atterrissage à Fox Harbour, combinée à la chaleur résiduelle de l'atterrissage précédent, s'est traduite par un échauffement des composants du circuit de freinage. Si la température du liquide de freins était près du point d'échauffement lorsque le liquide était sous pression pendant le serrage des freins, la diminution de la pression lorsque le copilote relâchait les freins pendant le pompage peut alors s'être traduite par l'échauffement du liquide.

Lorsque le liquide de freins s'échauffe, le serrage suivant des freins se traduit par une course accrue des pédales de frein et par une diminution de l'efficacité du freinage.

Si le pilote aux commandes avait conservé la pression sur les pédales plutôt que d'utiliser la technique de freinage par pompage, la pression de freinage accrue aurait peut-être pu empêcher le liquide de freins d'atteindre le point d'échauffement.

2.3 Garnitures de frein

Les documents de l'avion indiquaient que 9 des 12 garnitures de frein avaient été remplacées la veille. Puisque les garnitures peuvent produire un minimum de 35 arrêts à un freinage normal avant que la limite minimale de l'épaisseur des garnitures soit dépassée, on peut conclure que 9 des 12 garnitures présenteraient une usure minimale après seulement deux atterrissages.

Puisque les six garnitures du frein droit présentaient une usure beaucoup plus importante que celle des garnitures du frein gauche, il est probable que seules les six garnitures du frein gauche avaient été remplacées pendant l'entretien des freins, et non pas les neuf garnitures comme l'indiquait la fiche des pièces et des rectifications. On n'a pu déterminer quel était l'état des garnitures du frein droit lorsque l'entretien a été effectué.

Le jeu des goujons dans la plaque de pression du frein gauche était très probablement présent pendant les travaux effectués sur les freins puisqu'il n'y avait pas de marques d'impact, autour des goujons, qui auraient indiqué que le jeu était dû à l'accident survenu à l'atterrissage. Ce jeu peut avoir produit un léger mouvement ou déplacement des garnitures de frein lorsque les freins ont été initialement serrés.

Toutefois, le mauvais fonctionnement des deux freins n'a pu être attribué aux garnitures usées du frein droit ni au jeu des goujons dans la plaque de pression du frein gauche.

2.4 Actions de l'équipage de conduite

Le fait que le commandant de bord a provoqué une giration au sol a permis de réduire les risques de blessures graves et de dommages importants. Si l'avion était descendu sur le talus rocheux, les réservoirs de carburant d'aile auraient pu s'éventrer et provoquer un incendie après l'écrasement.

3.0 Faits établis

  1. L'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur.
  2. Les pilotes n'ont signalé aucune anomalie du circuit de freinage avant l'atterrissage à Fox Harbour.
  3. L'avion était muni d'un circuit de freinage standard.
  4. Les composants des freins présentaient des signes indiquant que des températures élevées avaient été atteintes.
  5. Les disques de frein étaient voilés au-delà des limites maximales acceptables.
  6. Des garnitures de frein ne satisfaisaient pas aux limites minimales d'épaisseur indiquées dans le Component Maintenance Manual.
  7. Il est probable que le liquide de freins s'est échauffé pendant l'atterrissage à Fox Harbour.
  8. La technique de freinage par pompage de l'équipage de conduite n'était peut-être pas la méthode la plus appropriée dans le cas d'un atterrissage sur piste courte.
  9. L'intervalle entre les atterrissages à Mary's Harbour et à Fox Harbour était trop court pour permettre aux disques de frein de se refroidir suffisamment.
  10. La longueur de piste restante était insuffisante pour permettre à l'équipage de conduite de faire une remise des gaz après le mauvais fonctionnement des freins.
  11. Le commandant de bord a effectué une giration au sol, ce qui a permis de réduire les risques de blessures graves et de dommages importants.
  12. Les membres d'équipage et les passagers ont évacué l'avion sans problème.
  13. L'exploitant n'a pas de manuel de procédures d'utilisation normalisées (SOP) pour le PA 31-350, ce qui n'est d'ailleurs pas exigé par la réglementation en vigueur.

3.1 Causes

L'échauffement du liquide de freins est la cause la plus probable du mauvais fonctionnement des freins. L'atterrissage brutal à Mary's Harbour, le temps insuffisant de refroidissement des freins entre les atterrissages à Mary's Harbour et à Fox Harbour, la technique de freinage de l'équipage de conduite et le circuit de freinage standard de l'avion ont contribué à l'accident.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

Depuis cet accident, l'exploitant a équipé ses avions Piper Navajo, qui atterrissent sur des pistes courtes, d'un robuste circuit de freinage à étrier double.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.

Annexes

Annexe A - Liste des rapports de laboratoire pertinents

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe B - Sigles et abréviations

AWOS
système automatisé d'observations météorologiques
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CCM
Component Maintenance Manual
Ec
énergie cinétique
h
heure(s)
HAT
heure avancée de Terre - Neuve
lb
livre(s)
M
masse à l'atterrissage de l'avion en livres
SOP
procédures d'utilisation normalisées
pi
pied(s)
pi/s/s
pied(s) par seconde par seconde
UTC
temps universel coordonné
V
vitesse à l'atterrissage de l'avion en noeuds
X
nombre de freins par avion
°
degré(s)
minute(s)