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Rapport d'enquête aéronautique A94F0048

Atterrissage sur la queue
Canada 3000 Airlines Ltd.
Boeing 757-28A C-FXOO
Acapulco (Mexique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'avion transportait 9 membres d'équipage et 167 passagers. Il effectuait un vol d'affrètement international entre Toronto (Canada) et Acapulco (Mexique). Au terme d'une approche à vue sur la piste 28 à Acapulco, la queue de l'avion a râclé la piste. Personne n'a été blessé; l'appareil a été légèrement endommagé.

Le Bureau a déterminé que la queue de l'avion a râclé la piste parce que l'équipage de conduite n'a pas rentré les aérofreins avant l'atterrissage. Les facteurs suivants ont contribué à l'incident: la prise de mesures autres que celles prévues dans les procédures d'utilisation normalisées et le manuel de vol de l'avion, une mauvaise gestion des ressources de l'équipage et des listes de vérifications suivies de façon incomplète.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 14 décembre 1994, le Boeing 757 de Canada 3000 immatriculé C-FX00 effectuait un vol d'affrètement international entre Toronto (Canada) et Acapulco (Mexique) sous l'indicatif de vol CMM 3507. L'avion était parti de Toronto depuis 4 heures et 53 minutes. Il transportait deux pilotes, sept agents de bord et 167 passagers.

À l'arrivée à Acapulco, l'équipage de l'avion a été autorisé à exécuter une approche à vue sur la piste 28. Le commandant de bord, qui était le pilote aux commandes, a annoncé au cours de l'exposé sur l'approche à vue que l'approche au radiophare omnidirectionnel (VOR)Note de bas de page 1 à très haute fréquence (VHF) servirait de moyen de secours. Le système d'approche aux instruments (ILS) semblait fonctionner, mais on n'était pas certain s'il était utilisable. L'avion est arrivé vers le repère d'approche finale (FAF) en faisant une correction de la gauche pour prendre la trajectoire d'alignement de piste, en palier à quelque 2 100 pieds-mer, à 210 noeuds, volets à la position 5, train rentré, pilote automatique embrayé.

Figure 1 - Vue de profil de l'ILS 28 à Acapulco (Mexique)
Vue de profil de l'ILS 28 à Acapulco (Mexique)

Avant d'intercepter la trajectoire d'alignement de descente de l'ILS, le commandant de bord a sélectionné le mode approche sur le directeur de vol. Peu de temps après, l'avion est parti en piqué, ce qui s'est traduit par un taux de descente de l'ordre de 2 000 pieds par minute (pi/min) environ; le taux de descente a fini par diminuer avant de se stabiliser aux environs de 1 200 pi/min. Le commandant a sorti les aérofreins pour empêcher la vitesse d'augmenter. Quelque 41 secondes après le début de la descente, le message « AUTOPILOT.raquo; est apparu sur le système d'affichage des paramètres réacteurs, de mise en garde et d'alarme (EICAS), et les voyants principaux d'avertissement se sont allumés (pour indiquer que le pilote automatique ne fonctionnait plus correctement); 11 secondes plus tard, au moment où l'avion franchissait 800 pieds-sol en descente, le voyant « CONFIG.raquo; sur le tableau central s'est allumé en plus des voyants principaux d'avertissement (pour indiquer que le train d'atterrissage n'était pas sorti). Sept secondes plus tard, l'alarme sonore « Glide Slope.raquo; a été donnée par le dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS) pour indiquer que l'avion se trouvait au-dessous de la trajectoire de descenteNote de bas de page 2.

Le train d'atterrissage a alors été sorti, et le pilote automatique a été débrayé. Six secondes après la première alarme du GPWS, l'alarme « Too Low Terrain.raquo; s'est fait entendre; les alarmes de trajectoire de descente et de proximité du relief ont continué à se faire entendre jusqu'à ce que le train soit sorti et verrouillé, ce qui s'est produit à 400 pieds-sol environ. L'avion se trouvait alors à 3,2 repères au-dessous de la trajectoire de descente et volait à une vitesse de 185 noeuds. Les volets ont été sortis 14 secondes plus tard, et, quand ils ont atteint la position 30, l'avion se trouvait à 250 pieds-sol environ.

L'avion a touché des roues à 17 h 9, heure normale du Centre (HNC)Note de bas de page 3, les aérofreins sortis et les automanettes embrayées. Il présentait une assiette de cabré de 11,5 degrés, et la queue de l'avion a râclé la piste.

Personne n'a été blessé; l'avion a été légèrement endommagé.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - - - -
Blessés graves - - - -
Blessés légers/Indemnes 9 167 - 176
Total 9 167 - 176

1.3 Dommages à l'aéronef

La section arrière de l'avion a été endommagée: la peinture a été égratignée sur une bande de quatre pieds de longueur, et un drain profilé a été légèrement abîmé. Le revêtement n'a pas été perforé, et la structure intérieure ne présentait aucun dommage. Les égratignures sur la peinture se trouvaient à une quinzaine de pieds du sol, là où des stries foncées (taches) sont apparues sous l'effet de l'écoulement de l'air. Ni le premier officier ni le commandant de bord n'ont remarqué les dommages pendant la vérification extérieure à Acapulco; il faisait noir et les vérifications ont été faites avec une lampe de poche. Les dommages sont également passés inaperçus au moment de l'inspection de maintenance effectuée après le retour de l'avion à Toronto; ils sont également passés inaperçus pendant la vérification extérieure (prévol) faite par un autre premier officier le lendemain de l'incident. C'est un technicien qui a découvert les dommages pendant le refoulement de l'avion.

1.4 Autres dommages

Aucun.

1.5 Renseignements sur le personnel

Commandant de bord Premier officier
Âge 63 ans 35 ans
Licence pilote de ligne pilote de ligne
Date d'expiration du certificat de validation 1er juillet 1995 1er avril 1995
Nombre total d'heures de vol 20 000Note de bas de page 4 5 037
Nombre total d'heures de vol sur type en cause 275 37
Nombre total d'heures de vol dans les 90 derniers jours 110 37
Nombre total d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours 110 37
Nombre d'heures de service avant l'événement 6,5 6,5
Nombre d'heures libres avant la prise de service 50 50

1.5.1 Le commandant de bord

Le commandant de bord volait sur Boeing 757 pour le compte de la compagnie depuis le 14 décembre 1990. Il était passé de premier officier à commandant de bord en juillet 1993, puis il avait terminé sa formation avant d'être nommé en octobre 1993 pilote vérificateur de compagnie habilité à faire passer les vérifications des types A et B. Sa qualification de vol aux instruments du groupe 1 était valide jusqu'au 1er décembre 1996. Il avait effectué plusieurs milliers d'heures de vol sur des avions de transport au cours de sa longue carrière dans l'armée canadienne. Ses dossiers à la compagnie et à Transports Canada le présentent comme un pilote compétent n'ayant éprouvé aucune difficulté avec les programmes de formation dispensés par la compagnie et les programmes pour devenir pilote vérificateur de compagnie. Il avait reçu la formation d'une journée en gestion des ressources de l'équipage (CRM) dispensée par la compagnie.

Le commandant de bord a déclaré qu'il était de bonne humeur et qu'aucune pression n'avait été exercée sur lui, que ce soit avant ou pendant le vol. Comme il avait parfois des maux de dos causés par de l'arthrite, il s'était fait prescrire un myorelaxant; toutefois, il n'en avait pas pris le jour de l'incident et il a précisé que, de toute façon, ce médicament n'avait aucun effet secondaire.

Il avait agi comme pilote vérificateur au moment de la vérification de compétence en ligne du premier officier qui avait eu lieu deux jours auparavant.

1.5.2 Le premier officier

Le premier officier avait été embauché par la compagnie récemment. Il venait de quitter les Forces canadiennes où il avait piloté l'Aurora, un avion multiturbopropulseur. Il avait subi avec succès sa vérification compétence pilote (PPC) le 30 novembre 1994, et sa vérification de compétence en ligne le 12 décembre 1994. Sa qualification de vol aux instruments du groupe 1 était valide jusqu'au 1er décembre 1996. Ses dossiers révèlent que son rendement a été satisfaisant durant sa formation. Il y avait une seule observation qui précisait que le pilote avait tendance à préparer et à effectuer des approches qui aboutissaient à de longues finales lentes. Il avait reçu la formation CRM de la compagnie, et il avait lui-même dispensé de la formation CRM dans l'armée.

Il a déclaré que, le jour de l'incident, il n'avait ressenti aucune pression inhabituelle, si ce n'est celle inhérente à la nouveauté de ses fonctions. Il a toutefois précisé qu'il était fatigué à la suite de son dernier vol. Il avait déjà volé avec le commandant de bord et il se sentait à l'aise de piloter avec lui.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur Boeing
Type et modèle 757-28A
Année de construction 1992
Numéro de série 25621
Certificat de navigabilité valide
Nombre total d'heures de vol cellule 12 621
Type de moteur (nombre) RB 211-535-E4 (2)
Masse maximale autorisée au décollage 250 000 lb
Type(s) de carburant recommandé(s) Jet A1
Type de carburant utilisé Jet A1

1.7 Renseignements météorologiques

D'après les souvenirs du commandant de bord et du premier officier, les conditions météorologiques à l'arrivée à Acapulco étaient les suivantes : ciel clair avec vents calmes et visibilité de six milles dans la brume sèche. Le commandant a précisé qu'il avait établi le contact visuel avec l'aéroport à 10 milles.

1.8 Aides à la navigation

Au Mexique, les Avis aux aviateurs (NOTAM) sont distribués par l'intermédiaire du Réseau du service fixe des télécommunications aéronautiques (AFTN). Grâce à l'AFTN, les NOTAM sont disponibles en même temps partout dans le monde. Le NOTAM A3818/94, qui portait sur l'ILS de la piste 28 à Acapulco, a été reçu par Transports Canada à Ottawa (Canada) le 14 décembre 1994 à 22 h 4. Le NOTAM indiquait que l'ILS de la piste 28 à Acapulco serait inutilisable à compter de 22 h 5 le 14 décembre 1994, et ce, jusqu'à nouvel avis.

Canada 3000 reçoit les NOTAM concernant le Mexique par l'entremise d'American Airlines, qui est branché directement sur l'ordinateur de l'AFTN à la Federal Aviation Administration (FAA) et qui télécharge tous les NOTAM internationaux sur le réseau SABRE dès qu'ils arrivent dans l'ordinateur de l'AFTN. Canada 3000 se sert de son branchement sur le réseau SABRE pour télécharger les NOTAM de régions données. À 17 h 2, la compagnie a interrogé le système pour obtenir la météo en route et les NOTAM pour Toronto à Acapulco. À ce moment-là, le NOTAM en question n'avait pas encore été diffusé; par conséquent, il n'a pas été mis dans la trousse prévol remise à l'équipage. Le NOTAM est arrivé pendant que l'avion était en route, et l'équipage n'en a jamais eu connaissance.

À l'arrivée à Acapulco, le contrôle de la circulation aérienne (ATC) a avisé l'équipage que l'ILS n'était pas utilisé. Malgré des demandes répétées, l'équipage n'a pas réussi à connaître l'état de l'installation, et l'équipage de conduite a commencé l'approche sans vraiment savoir si l'ILS fonctionnait ou non.

Une des conditions qui provoque l'apparition du message « AUTOPILOT.raquo; est un signal ILS manquant de fiabilité.

1.9 Télécommunications

L'incident a été signalé au BST; toutefois, la première évaluation de l'incident n'a pas révélé la possibilité de découvrir d'importants manquements à la sécurité, et le BST a décidé de ne pas ouvrir d'enquête. Deux mois environ après l'incident, après l'analyse de l'enregistreur de données de vol (FDR) et la préparation et l'examen d'une animation vidéo, il a été décidé que l'incident devait faire l'objet d'une enquête. C'est à cause du délai que l'enregistrement ATC n'a pu être utilisé pour l'enquête.

Les membres de l'équipage de conduite ont déclaré qu'ils avaient essayé, mais en vain, d'obtenir des éclaircissements sur l'état de fonctionnement de l'ILS, et ont précisé que la langue et la terminologie en usage à l'ATC d'Acapulco avaient été des facteurs à l'origine des incertitudes de l'équipage à propos de l'ILS. Après l'incident, la compagnie a publié une note interne pour avertir ses équipages de conduite du problème d'ILS à Acapulco; elle a également avisé Transports Canada.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

La piste 28 de l'aéroport d'Acapulco mesure 10 827 pieds de longueur. On peut y effectuer des approches ILS, VOR, VOR/DME (équipement de mesure de distance) et NDB (radiophare non directionnel). La trajectoire de descente ILS a un angle de 2,7 degrés. Mis à part l'ILS, ni l'aérodrome ni ses installations n'ont joué un rôle dans le présent incident.

1.11 Enregistreurs de bord

L'avion était équipé d'un FDR et d'un enregistreur phonique (CVR). Les données FDR relatives au vol de l'incident ont été récupérées. Les données CVR ont été remplacées par d'autres pendant le vol de retour vers Toronto.

1.12 Approches

1.12.1 Normes d'approche de la compagnie

Les pilotes de Boeing 757 de Canada 3000 sont tenus d'effectuer les approches conformément aux procédures recommandées par Boeing, lesquelles peuvent être modifiées au besoin pour respecter les procédures de la compagnie et les instructions de l'ATC. Les autorités aéroportuaires demandent de plus en plus aux exploitants de faire des approches lisses à bas régime et à vitesse élevée afin de permettre le plus grand nombre possible d'arrivées et de minimiser les bruits. Cette obligation de voler à haute vitesse prend généralement fin au repère d'approche finale ou à la radioborne extérieure. Toutefois, d'après l'ensemble des procédures d'approche des procédures d'utilisation normalisées (SOP) de Canada 3000, tout avion doit, à 500 pieds-sol en approche, être stabilisé sur la trajectoire de descente à une vitesse de VRef + 10 noeuds, train d'atterrissage sorti et verrouillé, volets en position d'atterrissage et aérofreins armés en vue de leur sortie automatique à l'atterrissage.

1.12.2 L'approche en question

À la suite des instructions données par l'ATC d'Acapulco, le commandant de bord, qui était le pilote aux commandes, a annoncé un guidage radar jusqu'à l'approche à vue, l'approche VOR servant de moyen de secours. À une dizaine de milles, l'équipage a reçu son autorisation d'approche à vue. Puisque l'avion approchait du repère d'approche finale, le pilote automatique était en marche, les automanettes embrayées en mode vitesse. Comme les récepteurs à bord de l'avion semblaient recevoir de bons signaux de l'ILS, le commandant de bord a décidé d'embrayer le mode d'approche ILS du pilote automatique à 23 h 6 min 37 s lors de l'interception de la trajectoire de descente, ce qui n'a rien d'inhabituel puisque la direction de la compagnie préconise l'utilisation de moyens automatiques durant les approches à vue et que, à ce moment-là, rien n'indiquait qu'on ne pouvait pas se fier à l'ILS.

Juste avant d'intercepter la trajectoire de descente, l'avion se trouvait à 2,9 repères à gauche de la trajectoire d'alignement de piste, à une vitesse corrigée de 210 noeuds environ, à 2 000 pieds au radioaltimètre, à 7,1 mi au DME, au cap de 290 degrés magnétique afin d'intercepter la trajectoire d'alignement de piste, les aérofreins rentrés, les volets en position 5 et le train rentré. Le pilote automatique a intercepté la trajectoire de descente, l'avion est parti en piqué prononcé, et le pilote automatique a établi un taux de descente initial de quelque 2 000 pi/min afin de tenir compte du fait que l'avion se trouvait alors au-dessus de la trajectoire de descente. Quatorze secondes plus tard, le commandant de bord a sorti les aérofreins pour réduire la vitesse et pour pouvoir braquer davantage les volets. À ce moment-là, l'avion se trouvait à 1,9 degré à gauche de la trajectoire d'alignement de piste, la vitesse avait augmenté à 216 noeuds, et l'avion était à 0,7 repère environ au-dessus de la trajectoire de descente. D'après le manuel de vol de l'avion, les aérofreins ne doivent être utilisés qu'à une altitude égale ou supérieure à 800 pieds-sol.

À 23 h 7 min 26 s, les voyants principaux d'avertissement se sont allumés et le message de mise en garde « AUTOPILOT.raquo; est apparu sur l'EICAS pour indiquer que le pilote automatique ne fonctionnait plus correctement. Les indications suivantes auraient également dû apparaître : disparition des barres directrices du directeur de vol; avertissement sonore (quatre bips en une seconde, puis plus rien); voyant « AUTOPILOT.raquo; allumé sur le tableau central; et une barre jaune en travers de l'annonciateur de mode G/S. À ce moment-là, le pilote automatique aurait dû cesser d'utiliser l'ILS pour la navigation verticale et aurait dû retourner au mode inertiel pour le tangage. L'équipage de conduite n'a pas réagi aux indications de mauvais fonctionnement du pilote automatique, et l'avion a poursuivi sa descente au taux de 1 300 pi/min environ. De plus, à ce moment-là, l'avion avait intercepté la trajectoire d'alignement de piste et la suivait; la vitesse de l'avion passait au-dessous de 208 noeuds, les volets étaient toujours en position 5, le radioaltimètre indiquait 1 000 pieds; l'avion se trouvait alors à 1,4 repère environ au-dessous de la trajectoire de descente. En vertu des procédures de Canada 3000, le pilote qui n'est pas aux commandes doit alerter le pilote aux commandes en annonçant « SINKRATE.raquo; dès que le taux de descente dépasse les 1 000 pi/min en finale d'une approche aux instruments à angle fixe en descente finale; ceci n'a pas été fait.

À 23 h 7 min 35 s, le levier des volets a été mis en position 15 avant d'être ramené en position 5. Aucun des deux pilotes n'a pu se rappeler avoir exécuté cette manoeuvre; quoi qu'il en soit, le FDR montre que les volets ont été sortis en position 15 avant de revenir en position 5. Il se peut qu'il y ait eu une fausse manoeuvre, que la sortie des volets ait été commandée à la place de la sortie du train d'atterrissage, et qu'il y ait eu correction immédiate. Il n'a pas été possible de déterminer lequel des deux pilotes a commandé la sortie des volets; habituellement, c'est le pilote qui n'est pas aux commandes qui effectue cette manoeuvre.

Quelque deux secondes plus tard, au moment où l'avion en descente passait 800 pieds au radioaltimètre, le FDR a enregistré le message « LDG-Config-Gear.raquo;. Un tel avertissement aurait dû se traduire par les indications suivantes dans le poste de pilotage: les voyants principaux d'avertissement s'allument; l'avertissement « GEAR NOT DOWN.raquo; apparaît sur l'EICAS; le mot « CONFIG.raquo; s'allume sur le tableau central; puis le signal sonore d'avertissement retentit. Dans le même temps, la mise en garde « SPEEDBRAKES EXT.raquo; aurait dû apparaître sur l'EICAS, le voyant « SPEED BRAKES.raquo; du tableau central aurait dû s'allumer, et une alarme sonore aurait dû se faire entendre. (Il se peut que cette alarme sonore ait été masquée par l'avertissement de configuration du train d'atterrissage (qui est un signal sonore continu). Sept secondes plus tard, le premier officier a commandé la sortie du train d'atterrissage, sur ordre du commandant de bord. Presque dans le même temps, l'alarme sonore « Glide Slope.raquo; du GPWS a retenti, suivie peu après de l'alarme sonore du GPWS annonçant « Too Low Terrain.raquo;. Entre ces alarmes, le commandant de bord avait débrayé le pilote automatique pour terminer l'approche à vue. Il était difficile de communiquer à cause du bruit des alarmes en arrière-fond, et, à la demande du premier officier, les alarmes ont été coupées.

Quand l'avion en descente est passé à 500 pieds au radioaltimètre, une altitude que le pilote aux commandes est censé annoncer et à laquelle l'approche doit être stabilisée, l'avion avait une vitesse de 194 noeuds, le train d'atterrissage était en mouvement, les volets étaient encore à la position 5, l'appareil arrivait à 3,4 repères au-dessous de la trajectoire de descente, les aérofreins étaient à 85 %Note de bas de page 5 et les automanettes étaient encore embrayées.

Le commandant de bord et le premier officier savaient tous les deux que l'avion n'était pas stabilisé à 500 pieds-sol. Le commandant a poursuivi l'approche à vue même si, en vertu de la politique et des procédures de la compagnie, une remise des gaz est obligatoire en cas d'approche non stabilisée en configuration d'atterrissage à 500 pieds-sol. Le premier officier connaissait également cette politique de la compagnie, mais il a choisi de ne rien dire au commandant de bord, se disant que le commandant avait la situation en main. Par la suite, le commandant a déclaré que, s'il s'était trouvé dans des conditions de vol aux instruments, il aurait remis les gaz sans hésiter, mais comme il s'agissait d'une approche à vue, ce n'était pas selon lui une dérogation grave aux procédures.

L'équipage de conduite a poursuivi l'approche, et le train d'atterrissage s'est verrouillé en position sortie quand l'avion est passé à 400 pieds-sol environ. Les volets ont ensuite été sortis en position 30 pour l'atterrissage. Le FDR révèle que le verrouillage du train n'est survenu que dans les 5 à 10 secondes environ qui ont précédé le toucher des roues, moment auquel la vitesse a été ramenée à VRef. Au toucher des roues, le cabré a augmenté jusqu'aux environs de 11,5 degrés. Pendant l'atterrissage, aérofreins sortis et automanettes embrayées, la queue de l'avion a râclé la piste.

L'équipage de conduite a déclaré que les vérifications à l'atterrissage avaient été effectuées en retard et très rapidement. L'avion s'est posé avec les aérofreins sortis, ce qui révèle que les vérifications à l'atterrissage n'ont pas été effectuées au complet puisque les aérofreins n'ont pas été rentrés et armés. Ni le commandant de bord, ni le premier officier n'ont remarqué que les aérofreins étaient restés sortis. Le manuel d'exploitation stipule que le premier officier doit aider le commandant de bord à exécuter les procédures et les listes de vérifications du poste de pilotage. Le manuel précise également que le commandant de bord doit vérifier chaque point de la liste de vérifications avant atterrissage et qu'il est interdit de passer au point suivant avant que le précédent n'ait été exécuté. Le pilote qui n'est pas aux commandes doit annoncer chaque point de la vérification à l'atterrissage et s'assurer de recevoir la bonne réponse, ce qui revient à dire que les deux pilotes doivent s'assurer que les vérifications se présentant sous forme de questions et de réponses sont bien exécutées. Lors du vol de l'incident, le commandant de bord (pilote aux commandes) n'a pas rentré ni armé les aérofreins, et aucun des deux pilotes ne s'est assuré que les vérifications à l'atterrissage avaient été exécutées au complet.

Le manuel d'exploitation stipule que le pilote qui n'est pas aux commandes doit surveiller l'assiette en tangage de l'avion à l'atterrissage et annoncer « PITCH - PITCH.raquo; si le cabré vient à atteindre ou à dépasser les 7,5 degrés. Le pilote aux commandes doit alors empêcher toute nouvelle augmentation du cabré et abaisser le nez de l'avion pour ramener cet angle au-dessous de 7 degrés. Aucun des deux pilotes ne surveillait l'angle de tangage pendant l'atterrissage, et l'annonce n'a pas été faite.

Au cours de l'approche, le pilote qui n'était pas aux commandes aurait dû donner deux autres avertissements verbaux pour signaler au pilote aux commandes que des corrections à l'approche s'imposaient. D'après le manuel de vol de l'avion et les SOP de la compagnie, il devrait y avoir des annonces dès que la vitesse dépasse de plus de 10 noeuds celle choisie ou que l'écart par rapport à la trajectoire de descente atteint ou dépasse 1 repère; aucune annonce n'a été faite, ni dans un cas ni dans l'autre. Le premier officier a déclaré qu'il avait constaté certains écarts et que, à chaque fois qu'il avait été sur le point de donner un avertissement au commandant, ce dernier était déjà en train de corriger.

Après le vol, le commandant de bord n'a pas discuté des anomalies survenues pendant l'approche, et aucun des deux pilotes n'a rédigé de rapport. Canada 3000 ne possède aucune politique relative aux genres d'anomalies et de circonstances inhabituelles que les équipages de conduite devraient signaler après un vol.

1.13 L'organisation et la direction

L'avionneur, les instances de réglementation et la compagnie étaient conscients que la queue de l'avion risquait de râcler la piste si l'avion se posait aérofreins sortis. La formation et les procédures ont été conçues pour éviter de tels incidents.

La direction de la compagnie avait en fait pris des mesures après un incident similaire survenu en juin 1994 au cours duquel la queue d'un Boeing 757 exploité par un autre transporteur avait râclé la piste. À la suite de l'incident de juin 1994, le chef pilote des Boeing 757 de la compagnie avait envoyé une lettre à tous les pilotes de Boeing 757 dans laquelle il résumait les faits essentiels de l'incident et les enjoignait de garder une main sur la poignée des aérofreins tant que ceux-ci étaient sortis et de communiquer avec l'autre pilote au moment de la sortie des aérofreins pour s'assurer que les deux pilotes sont bien au courant de la configuration. Lors du vol de l'incident, le commandant de bord n'a pas laissé sa main sur le levier des aérofreins, mais il a avisé le premier officier au moment de leur sortie. Le commandant a déclaré que son bras cachait le levier en question puisqu'il a laissé sa main droite sur les manettes de gaz pendant l'approche.

Une politique de la compagnie permet aux pilotes d'annuler les voyants principaux d'avertissement et de mise en garde ainsi que les signaux sonores au moment de leur déclenchement (pour limiter les sources de distraction et réinitialiser les systèmes d'avertissement), de lire et de comprendre les messages fournis par l'EICAS et les divers voyants, puis de les annuler s'ils le jugent opportun. Lors du vol de l'incident, l'équipage de conduite a annulé les avertissements et les alarmes mais aucun des deux pilotes n'a remarqué que l'EICAS affichait « SPEEDBRAKES EXT.raquo; ni que le voyant des aérofreins sur le tableau central était allumé. Un essai effectué par la compagnie après l'incident a révélé que l'EICAS de l'avion ainsi que les systèmes d'avertissement en question fonctionnaient correctement.

Après l'incident, le chef pilote a envoyé une lettre à tous les pilotes de Boeing 757. Dans cette lettre, il examine les procédures relatives aux approches stabilisées: obligation de sortir le train et les volets au plus tard à 1 000 pieds-sol s'il n'y a pas de radioborne extérieure ni de repère d'approche finale en service ou si l'avion a été positionné à l'intérieur de ces repères; annonces normalisées; respect des listes de vérifications; surpassement des interrupteurs d'alarme, et réaction aux alarmes du GPWS. Le chef pilote attire également l'attention des pilotes sur leur obligation de s'acquitter de leurs tâches avec professionnalisme. Lors du vol de l'incident, le passage à l'ensemble radioborne extérieure/repère d'approche finale (OM/FAF) a coïncidé avec l'interception de la trajectoire de descente; en conséquence, les volets auraient dû être sortis, et les vérifications à l'atterrissage auraient dû être faites à ce moment-là.

Le chef pilote des Boeing 757 et d'autres responsables de la compagnie ont déclaré qu'ils étaient surpris du comportement du commandant de bord au cours du vol de l'incident; son rendement avait toujours été supérieur à la moyenne, et l'incident était tout à fait imprévisible.

1.14 Systèmes automatiques et vol VFR

Les systèmes automatiques utilisent des données provenant de divers capteurs pour établir la trajectoire de vol et l'assiette d'un avion et pour le faire évoluer de façon sûre et efficace. Comme les paramètres de vol à surveiller varient en fonction des différentes phases de vol, les systèmes de commandes de vol automatiques fonctionnent en plusieurs modes, le choix étant en grande partie fonction de la phase de vol et des tâches immédiates à accomplir. Quand un avion vole avec l'intervention de systèmes automatiques, il importe que les pilotes connaissent le mode actuel de fonctionnement et établissent leur stratégie de surveillance des performances de l'avion en conséquence s'ils veulent rester conscients de la situation.

Si le pilote ne connaît pas le mode de fonctionnement ou adopte une stratégie de surveillance inadaptée au mode, des renseignements importants risquent de passer inaperçus ou d'être mal interprétés. Le fait de connaître le mode de fonctionnement permet au pilote d'interpréter ou de prévoir exactement les actions exercées sur les commandes, les avertissements et les alarmes provenant d'un système automatique. Une mauvaise évaluation de la situation peut donner lieu à une mauvaise interprétation de renseignements ou de faits, à de la confusion ou à la perte de secondes précieuses pour l'évaluation de la situation.

Au cours de l'approche en question, le commandant de bord a couplé le pilote automatique à l'ILS. Toutefois, pendant que le système automatique essayait de se servir de l'ILS pour piloter l'avion, le commandant s'est presque exclusivement consacré à la surveillance extérieure tout en se fiant en grande partie à des indices extérieurs pour juger de la sécurité de l'approche, ce qui aurait été une bonne méthode s'il avait piloté manuellement pendant une approche à vue.

1.15 Enregistreurs de bord et prévention des accidents

Il existe des systèmes qui, grâce aux données FDR, permettent aux utilisateurs d'analyser régulièrement les tendances et d'identifier les anomalies à la fin des vols. Si de tels systèmes ne sont pas encore utilisés au Canada, ils le sont largement en Europe, et les États-Unis y ont recours de plus en plus souvent. L'Organisation de l'Aviation civile internationale (OACI) préconise l'utilisation de tels systèmes comme méthode efficace de prévention des accidents. Autre avantage, en utilisant fréquemment les données, on augmente les chances que l'enregistreur fonctionne bien et que la documentation soit en ordre, en cas d'incident. Toutefois, le coût d'un tel système est élevé, et les syndicats de personnel navigant s'interrogent sur sa mise en place et son utilisation. Ce type d'utilisation des données est connu sous le nom d'«assurance de la qualité en exploitation» (AQE).

L'analyse des données enregistrées peut fournir à un exploitant des renseignements sur le fonctionnement des moteurs, la consommation de carburant, les vitesses des avions, les profils de vol ainsi que l'utilisation et la performance de divers équipements. Ces renseignements peuvent prévenir l'équipage en cas de défaillance imminente d'un équipement et aider à la mise en place de procédures et de techniques plus sûres et plus efficaces. L'entraînement en vol et en simulateur pourra alors être adapté de façon à se concentrer sur les zones problématiques identifiées grâce aux analyses des données. Il n'est pas nécessaire d'identifier les pilotes personnellement pour que l'exploitant puisse tirer des enseignements de tels programmes; on reconnaît volontiers que le programme devrait servir à trouver des façons d'améliorer la sécurité et l'efficacité d'une compagnie aérienne, et qu'il ne devrait pas servir à surveiller le niveau de compétence des pilotes.

Si la compagnie avait utilisé un programme AQE, elle aurait peut-être pu envisager la possibilité d'un tel incident, ce qui lui aurait permis d'agir en conséquence au niveau de la formation et des consignes. Bien que des systèmes AQE soient actuellement disponibles, leurs coûts de mise en place sont élevés, et aucune autre compagnie aérienne canadienne n'en utilise à l'heure actuelle. Il n'est donc pas surprenant que Canada 3000 ne dispose pas d'un tel système. Une fois les dommages découverts, la compagnie a réagi, et les données FDR ont servi à établir les circonstances de l'incident.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

L'équipage de conduite n'a pas exécuté l'approche conformément aux SOP, et la queue de l'avion a râclé la piste à l'atterrissage. La queue de l'avion a râclé la piste parce que les aérofreins étaient sortis, ce qui a donné lieu à un angle d'attaque important pour conserver suffisamment de portance, et, par voie de conséquence, un angle de cabré prononcé. L'analyse va porter sur l'attitude de l'équipage de conduite face aux procédures, les SOP de la compagnie, la gestion des ressources de l'équipage (CRM) et les systèmes d'avertissement de l'avion.

2.2 Attitude de l'équipage de conduite face aux procédures

L'incident aurait pu être évité si le commandant de bord ou le premier officier s'était conformé aux exigences du manuel de vol du Boeing 757 et aux SOP de la compagnie, qui précisent qu'il faut faire une remise des gaz si l'avion n'est pas stabilisé en approche et en configuration d'atterrissage au plus tard à 500 pieds-sol. Le commandant de bord et le premier officier ont reconnu qu'ils étaient tous les deux au courant de cette règle et qu'ils avaient remarqué pendant l'approche que l'avion n'était pas stabilisé à 500 pieds-sol.

Le commandant de bord a choisi de poursuivre la manoeuvre malgré une approche non stabilisée à 500 pieds-sol, parce qu'il a jugé qu'il pouvait corriger la situation malgré les écarts et terminer l'approche.

Le premier officier était conscient que l'avion n'était pas stabilisé à 500 pieds-sol, mais il était convaincu que le commandant de bord avait la situation bien en main et qu'il prenait les mesures qu'il fallait pour mener à bien l'approche et l'atterrissage. Compte tenu de son peu d'expérience en ligne et de son peu d'heures de vol pour le compte de la compagnie, il n'osait pas suggérer à un pilote vérificateur de compagnie chevronné de faire une remise des gaz.

Résultat, aucun pilote n'a décidé de remettre les gaz. Si la queue n'avait pas râclé la piste à l'atterrissage, avec les dommages à l'avion que l'on a constatés, personne n'aurait été mis au courant des anomalies survenues pendant l'approche et l'atterrissage, aucun rapport n'étant exigé et aucun des deux pilotes n'ayant éprouvé le besoin d'en rédiger un. De plus, l'alarme sonore du GPWS en approche est également un événement qui exige une remise des gaz d'après les SOP. Le fait qu'une remise des gaz n'a pas été faite est considéré comme un manque de respect des procédures.

2.3 Rapports d'incident et d'accident

La compagnie n'avait pas de politique sur les types de circonstances inhabituelles qui porterait un équipage de conduite à faire un rapport; toutefois, compte tenu des alarmes, des avertissements et des annonces du GPWS pendant l'approche finale, le commandant de bord aurait dû juger que les circonstances du vol étaient inhabituelles. L'incapacité de l'ILS et (ou) du pilote automatique de l'avion à guider correctement l'appareil sur la trajectoire de descente aurait pu être signalée pour permettre un suivi. Les anomalies ont été signalées après qu'on a découvert que l'avion présentait des dommages.

2.4 Procédures d'utilisation normalisées (SOP)

Le commandant de bord a décidé de sortir les aérofreins peu après l'interception de la trajectoire de descente plutôt que de suivre les procédures homologuées contenues dans le manuel de vol de Boeing et les SOP de la compagnie, lesquelles consistaient à sortir le train et les volets pour conserver la vitesse voulue. Pendant l'approche, l'interception de la trajectoire de descente a eu lieu au moment du passage à l'OM/FAF, moment auquel on procède normalement à la sortie du train.

La procédure voulant qu'on retarde la sortie du train d'atterrissage jusqu'à la radioborne extérieure ou au repère d'approche finale, ou aux environs de 1 000 pieds-sol en cas de positionnement à l'intérieur de ces repères, fait partie des SOP et est conforme aux procédures nationales et internationales. Après l'incident, le chef pilote a envoyé une lettre à tous les pilotes pour leur souligner cette procédure. Un avertissement de configuration apparaît si l'avion descend au-dessous de 800 pieds-sol et que le train n'est pas sorti et verrouillé. Lors d'une approche exécutée à des taux de descente normaux, si la sortie du train d'atterrissage a été commandée à 1 000 pieds-sol, le train se verrouille en position sortie à 800 pieds. La sortie du train a été commandée à 700 pieds-sol, et l'alarme s'est déclenchée. Cette alarme a sans aucun doute décontenancé davantage l'équipage de conduite qui était déjà déconcerté en raison de tous les messages et avertissements.

Ni le constructeur, ni la compagnie n'approuvent la sortie des aérofreins en approche finale, que ce soit en conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) ou en conditions météorologiques de vol à vue (VMC), pour empêcher la vitesse d'augmenter. Il est reconnu qu'on risque d'oublier les aérofreins quand ils sont déployés et que cela augmente considérablement le risque de faire un atterrissage sur la queue, ce qui explique la raison d'être de la règle qui stipule qu'il faut rentrer les aérofreins à 800 pieds en descente.

Les faits révèlent que la sortie des aérofreins, la sortie tardive du train d'atterrissage et des volets ainsi que les vérifications incomplètes à l'atterrissage qui ont permis aux aérofreins de rester sortis, ont contribué directement à l'incident et aux dommages. Il semble que les listes de vérifications, les procédures relatives aux listes de vérifications, les SOP, les avertissements et les alarmes des systèmes de l'avion étaient adéquats et permettaient d'éviter l'incident. Toutefois, en pilotant l'avion comme il l'a fait et en remplissant ses fonctions de commandant de bord comme il l'a fait, le commandant de bord a éludé tous les dispositifs de protection. Le premier officier venait d'être embauché et n'avait pas d'expérience sur l'avion ni au sein de la compagnie, il n'a pas surveillé correctement l'approche éxécutée par le commandant de bord, et lorsque c'était nécessaire, il n'a pas fait part de ses inquiétudes au commandant de bord d'une manière efficace ou persuasive.

2.5 Gestion des ressources de l'équipage (CRM)

La gestion des ressources de l'équipage (CRM) est l'interaction entre les membres de l'équipage, notamment les membres de l'équipage de conduite pendant le vol. Elle a pour objet de permettre aux membres de l'équipage d'avoir conscience de la situation et d'effectuer le vol en toute sécurité et conformément aux procédures. Une bonne gestion des ressources de l'équipage permet d'obtenir les résultats suivants: bonnes communications, assurance de la part des membres d'équipage, leadership de la part du commandant de bord, respect des procédures et des politiques de la compagnie, bonne prise de décisions.

D'après les déclarations des membres de l'équipage de conduite et les données FDR, il est évident que, dans les derniers instants du vol, les ressources de l'équipage n'ont pas été bien gérées. Le commandant de bord n'a donné aucune nouvelle instruction d'approche quand il a décidé d'utiliser l'ILS; il n'a pas tenu le premier officier au courant de ses intentions; il n'a pas effectué correctement les vérifications à l'atterrissage et il n'a pas pris les bonnes mesures au point de stabilisation à 500 pieds-sol ainsi qu'au moment de l'alarme du GPWS. De plus, son analyse de la situation n'était pas compatible avec les alarmes et les messages que lui donnaient les systèmes de l'avion. Le commandant de bord n'a pas laissé le premier officier participer assez directement à l'approche, c'est pourquoi il a été difficile pour le premier officier de faire des observations utiles pendant l'approche.

Le premier officier n'a pas utilisé des méthodes CRM efficaces. Il n'a pas ait les annonces obligatoires concernant les anomalies pendant l'approche finale, notamment le taux de descente élevé, la vitesse élevée, l'écart important d'alignement de descente, et l'angle de cabré prononcé de l'avion. Il n'a pas insisté sur les bonnes mesures au point de stabilisation à 500 pieds-sol en signalant au commandant de bord que l'approche n'était pas stabilisée, et il ne s'est pas assuré que toutes les vérifications à l'atterrissage avaient été effectuées correctement. En somme, le premier officier n'a pas pris de mesures efficaces pour corriger les anomalies pendant l'approche. Cette situation est peut-être attribuable au peu d'heures de vol du premier officier pour le compte de la compagnie et sur l'avion; de plus, le premier officier se fiait peut-être trop au professionnalisme du commandant de bord, compte tenu du poste qu'il occupait au sein de la compagnie. Le premier officier avait dispensé de la formation CRM pendant sa carrière militaire, il avait reçu la formation CRM de la compagnie et avait plus de 5 000 heures de vol à son actif. De la part d'un membre d'équipage qui possède une formation semblable, on s'attend à ce qu'il aurait pu prendre des mesures plus fermes et fasse preuve de plus d'autorité pendant l'approche. Le commandant de bord a manqué son approche parce qu'il s'est plutôt concentré sur l'approche à vue pendant que le pilote automatique utilisait l'ILS, et parce qu'il n'a pas donné de nouvelles instructions en approche, pas plus qu'il n'a avisé le premier officier quand il a changé d'idée et qu'il a couplé le pilote automatique à l'ILS. À partir de ce moment-là, le premier officier s'est trouvé mal placé pour l'aider pendant l'approche parce qu'il n'était plus sûr de ce qu'on attendait de lui, compte tenu de son manque d'expérience en ligne. Le fait que le premier officier n'a pas osé alerter le commandant pendant l'approche a probablement renforcé l'impression du commandant qui croyait avoir la situation bien en main.

Quand le commandant de bord a couplé le pilote automatique à l'ILS, il n'a pas modifié sa technique de surveillance pour voir comment le pilote automatique exécutait l'approche à l'ILS. Il a plutôt continué à surveiller les repères extérieurs, qui étaient moins précis que les renseignements qu'affichaient les instruments de bord. Ce genre de surveillance peut semer la confusion et aggraver les problèmes si des difficultés surviennent pendant l'approche. Il aurait fallu qu'avant le début de l'approche les deux membres de l'équipage de conduite soient au courant des procédures à suivre, ce qui les aurait aidés à rester conscients de la situation.

Quand le signal de l'ILS est devenu incertain et que le taux de descente de l'avion s'est mis à augmenter, le commandant de bord a probablement détecté et interprété les faits moins rapidement que s'il avait consacré la plus grande partie de son attention au système automatique. Le commandant est devenu moins conscient de la situation au point que, pendant tout le reste de l'approche, il a réagi aux événements au lieu de les prévoir et d'agir en fonction de ce qui se passait pour rester maître de la situation. Pour pouvoir mener à bien l'approche et l'atterrissage, il est finalement revenu à l'approche à vue en débrayant le pilote automatique.

L'idée que se faisait le premier officier de la situation était différente de celle du commandant de bord. Il ne savait pas entre autres ce que le commandant avait l'intention de faire; le commandant avait donné des instructions à l'approche et avait ensuite changé de plan sans rien dire. De plus, compte tenu de son peu d'expérience au sein de la compagnie et de son peu d'expérience et de participation à des approches de ce type, il avait peu de points de comparaison; c'est pourquoi il n'était pas en mesure d'aider le commandant. Le premier officier avait une assez bonne idée de la situation mais en l'absence de bonnes communications avec le commandant, il hésitait à agir.

Cette interaction entre le commandant de bord et le premier officier a donné lieu à de la confusion, à une mauvaise répartition des tâches de l'équipage, à des procédures incomplètes exécutées à la hâte et à de mauvaises décisions prises tardivement. Ces facteurs ont tous contribué au fait que la queue de l'avion a râclé la piste.

2.6 Systèmes de l'avion

L'avion s'est comporté comme il le devait pendant l'approche, et a donné les alarmes, les avertissements et les messages prévus dans les circonstances. Il semble que le commandant de bord et le premier officier aient été déconcertés par autant d'alarmes en si peu de temps. Ils n'ont pas réagi au message de mise en garde « AUTOPILOT.raquo; qui est apparu sur l'EICAS et aux indications associées à ce message, et ils ne pouvaient se rappeler exactement quels alarmes et quels messages EICAS ils avaient reçus. Quoi qu'il en soit, comme l'équipage de conduite n'était pas certain du bon fonctionnement de l'ILS, le commandant de bord aurait pu cesser de l'utiliser quand l'avion s'est mis à descendre au-dessous de l'alignement de descente et trop rapidement.

Finalement, le commandant de bord a débrayé le pilote automatique et a essayé de mener à bien l'approche et l'atterrissage. Ironiquement, les systèmes de l'avion conçus pour aider l'équipage de conduite à rester conscient de la situation (comme l'EICAS, le GPWS) sont devenus une entrave aux communications dans le poste de pilotage à cause du volume et de la fréquence des signaux émis pendant l'approche. Les deux pilotes savaient probablement que les systèmes de l'avion donnent un avertissement de configuration à 800 pieds-sol si le train d'atterrissage n'est pas sorti, qu'un avertissement concernant les aérofreins apparaît si les aérofreins sont sortis au-dessous de 800 pieds-sol, et que le GPWS donne des alarmes de trajectoire de descente et de proximité du relief pour les conditions qui prévalaient pendant l'approche. Toutefois, la manière dont les membres de l'équipage ont réagi aux avertissements et le fait qu'ils ne s'attendaient pas à recevoir des avertissements révèlent que soit les pilotes ne connaissaient pas bien les systèmes d'avertissement et leurs interactions dans une situation qui change constamment, ou bien les pilotes étaient tellement en retard sur l'avion qu'ils ne pensaient même pas que la manière dont l'approche était exécutée ferait apparaître des avertissements et des mises en garde. Qu'une mauvaise connaissance des systèmes ou qu'un retard des pilotes sur l'aéronef soit en cause, ou les deux, la situation était anormale, en particulier pour un pilote vérificateur de compagnie et un pilote venant tout juste de terminer avec succès sa formation initiale.

3.0 Faits établis

  1. Les membres de l'équipage de conduite possédaient les licences, la formation et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
  2. Rien n'indique que des facteurs physiologiques aient pu perturber les capacités des membres de l'équipage de conduite.
  3. L'avion était en bon état de service et il a donné à l'équipage de conduite les alarmes et les avertissements pertinents pendant l'approche.
  4. Un NOTAM signalant que l'ILS d'Acapulco était inutilisable avait été diffusé, mais l'équipage de conduite ne l'avait pas reçu.
  5. Les membres de l'équipage de conduite n'étaient pas certains si l'ILS fonctionnait bien, et ils ont vainement essayé de confirmer verbalement s'il était utilisable.
  6. Le message de mise en garde « AUTOPILOT.raquo; est probablement apparu en raison d'un mauvais fonctionnement du radiophare d'alignement de descente.
  7. Les deux membres de l'équipage de conduite avaient reçu la formation CRM, mais les principes de cette formation n'étaient pas évidents en approche finale.
  8. Pour ne pas prendre trop de vitesse après l'interception de la trajectoire de descente, le commandant de bord a sorti les aérofreins, contrairement aux directives du manuel de vol de l'avion et aux SOP qui prévoyaient une sortie du train d'atterrissage et des volets.
  9. L'avion n'a pas été stabilisé à 500 pieds-sol, et le commandant de bord n'a pas remis les gaz comme l'exigent les procédures de la compagnie.
  10. Pendant l'approche et l'atterrissage, le premier officier n'a pas fait les annonces exigées par les SOP en cas d'écart.
  11. Le commandant de bord a utilisé une technique de surveillance inappropriée pendant l'approche à vue, pilote automatique couplé à l'ILS, ce qui a causé de la confusion et retardé la prise de décisions.
  12. Le commandant de bord n'a pas laissé sa main sur le levier des aérofreins, contrairement aux recommandations de l'avionneur et aux SOP.
  13. L'équipage de conduite a effectué l'approche et l'atterrissage aérofreins sortis, et la queue de l'avion a râclé la piste; l'équipage de conduite n'a pas surveillé l'angle de tangage à l'atterrissage.
  14. La compagnie n'avait pas de politique sur les types de circonstances inhabituelles qui porteraient un équipage de conduite à faire un rapport concernant un vol.

3.1 Causes

La queue de l'avion a râclé la piste parce que l'équipage de conduite n'avait pas rentré les aérofreins avant l'atterrissage. Les facteurs suivants ont contribué à l'incident: la prise de mesures autres que celles prévues dans les procédures d'utilisation normalisées et le manuel de vol de l'avion, une mauvaise gestion des ressources de l'équipage et des listes de vérifications suivies de façon incomplète.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Mesures prises par l'exploitant

Deux jours après l'incident, l'exploitant a envoyé une lettre à ses pilotes de Boeing 757 pour souligner les principaux points mis en évidence par l'analyse des données FDR faite par la compagnie. La lettre insistait sur l'importance de se conformer aux politiques et aux procédures relatives aux approches stabilisées à 500 pieds-sol, à la sortie du train et des volets en IMC et en VMC, aux communications, à l'utilisation des mécanismes de surpassement des alarmes de proximité du sol ou de configuration du train, et au GPWS. En janvier 1995, une autre lettre a été envoyée pour insister sur le contenu de la lettre précédente et pour annoncer la mise en oeuvre d'une nouvelle SOP relative à l'annulation des alarmes ou des avertissements dans le poste de pilotage.

La compagnie a, semble-t-il, engagé des discussions avec une compagnie aérienne de premier plan pour mettre en place un système d'assurance de la qualité en exploitation (AQE) et pour mettre à jour sa formation en matière d'automatisation du poste de pilotage. De plus, la compagnie est en train de perfectionner son programme de formation CRM.

4.1.2 Mesures prises par Transports Canada

4.1.2.1 Approches lisses

À la suite de cet incident et d'observations faites par des pilotes de Canada 3000, Transports Canada et Canada 3000 ont examiné les procédures d'approche lisse du Boeing 757. Ces procédures ont été améliorées par la suite en vue d'assurer que les équipages disposent de bonnes indications sur la technique à utiliser tout en ayant conscience de la nécessité de faire une remise des gaz si l'approche n'est pas stabilisée à l'altitude minimale précisée dans la SOP. Les pilotes vérificateurs de compagnie ont été avertis qu'un plus grand nombre d'approches non stabilisées risque de survenir si l'on accorde une trop grande importance aux approches lisses.

4.1.2.2 Procédures d'utilisation normalisées (SOP)

Le Règlement de l'aviation canadien renferme un certain nombre d'exigences touchant les SOP qu'utilisent les compagnies. Les SOP doivent permettre aux membres d'équipage d'exploiter les aéronefs à l'intérieur des limites précisées dans les manuels de vol et elles doivent respecter les normes des services aériens commerciaux. Les exploitants ne seront plus seulement tenus de mettre en place et de tenir à jour des SOP, il leur faudra également donner de la formation à leurs pilotes à ce sujet et faire subir à ces derniers des épreuves en ce qui concerne l'utilisation des SOP.

4.1.3 Mesures prises par l'OACI

L'analyse des données tirées d'enregistreurs comme les enregistreurs numériques de données de vol, les enregistreurs de données de vol d'accès facile (QAR) et les systèmes de surveillance des cycles de fonctionnement (HUMS) peut permettre de détecter très tôt les dangers et de prendre les mesures correctives qui s'imposent. C'est pourquoi, en mars 1995, l'OACI a fait part de son intention d'inclure, comme pratique recommandée, une exigence en vertu de laquelle les exploitants devraient établir, en coopération avec leurs équipages de conduite, un programme de surveillance du rendement qui ne comporterait pas de mesure punitive.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.

Annexes

Annexe A - Liste des rapports pertinents

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant:

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe B - Sigles et abréviations

AFTN Réseau du service fixe des télécommunications aéronautiques ou RSFTA
AQE assurance de la qualité en exploitation
ATC contrôle de la circulation aérienne
BST Bureau de la sécurité des transports du Canada
CRM gestion des ressources de l'équipage
CVR enregistreur phonique
DME équipement de mesure de distance
EICAS système d'affichage des paramètres réacteurs, de mise en garde et d'alarme
FAA Federal Aviation Administration
FAF repère d'approche finale
FDR enregistreur de données de vol
GPWS dispositif avertisseur de proximité du sol
h heure(s)
HNC heure normale du Centre
HUMS système de surveillance des cycles de fonctionnement
ILS système d'atterrissage aux instruments
IMC conditions météorologiques de vol aux instruments
lb livre(s)
min minute(s)
NOTAM Avis aux aviateurs
OACI Organisation de l'Aviation civile internationale
OM radioborne extérieure
pi/min pied(s) par minute
PPC vérification compétence pilote
QAR enregistreur de données de vol d'accès facile
s seconde(s)
SOP procédures d'utilisation normalisées
UTC temps universel coordonné
VHF très haute fréquence
VMC conditions météorologiques de vol à vue
VOR radiophare omnidirectionnel VHF
VRef vitesse de référence d'atterrissage