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Rapport d'enquête aéronautique A94Q0131

Perte de maîtrise et décrochage
Champion 7GCB Citabria C-GGTD
Lac Boily (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le pilote a décollé du lac Boily (Québec) avec un passager à bord pour un vol local selon les règles de vol à vue. Après le décollage, le pilote a réalisé que l'aéronef était trop bas pour franchir une colline qui se trouvait dans la trajectoire de montée. Il a alors amorcé un virage serré vers la droite et à basse altitude pour faire demi-tour et revenir amerrir. Pendant le virage, l'avion a piqué du nez, est descendu et a heurté le sol. Le pilote a subi des blessures graves tandis que le passager a subi des blessures mortelles; l'avion a été détruit par l'incendie qui s'est déclaré après l'accident.

Le Bureau a déterminé que l'hydravion n'a pas atteint les performances de décollage et de montée habituelles parce qu'il était trop chargé et que les performances de l'appareil ont été réduites à cause de la traînée produite par le canot pliant attaché au flotteur droit et possiblement à cause de courants d'air descendants. L'hydravion a décroché pendant un virage serré à une altitude insuffisante pour redresser.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 24 juillet 1994, le pilote a décollé du lac Convent (Québec) selon les règles de vol à vue (VFR)1 à destination du lac Dissimieux (Québec) avec un passager à bord pour aller à la pêche sur des lacs avoisinants. Avant le départ, le pilote a attaché un canot pliant sur le flotteur droit et a embarqué un moteur hors-bord ainsi qu'un bidon d'essence qu'il a placés dans la cabine.

En vol, à la verticale du lac Boily (Québec), le pilote a aperçu des pêcheurs et a décidé d'amerrir pour s'enquérir des conditions de pêche. L'amerrissage s'est effectué sans problème. Les pêcheurs sont venus à leur rencontre et ils ont eu une brève discussion. Le pilote a vérifié s'il y avait de l'eau dans les flotteurs avant de repartir. Le pilote a aligné l'aéronef en direction ouest pour décoller dans les 5 000 derniers pieds du lac Boily.

1 Voir l'annexe A pour la signification des sigles et abréviations.

2 Les unités correspondent à celles des manuels officiels, des documents, des rapports et des instructions utilisés ou reçus par l'équipage.

3 Les heures sont exprimées en HAE (temps universel coordonné [UTC] moins quatre heures) sauf indication contraire.

Les témoins qui ont observé le décollage ont déclaré que la course au décollage avait semblé longue. Le pilote a déclaré que durant la montée initiale, il s'était rendu compte que l'aéronef n'atteignait pas les performances habituelles de montée et qu'il n'arriverait pas à franchir une colline située dans la trajectoire de montée. Il a alors amorcé un virage serré à droite à basse altitude pour revenir amerrir. Pendant le virage, l'aéronef a piqué du nez, est descendu et a heurté des arbres puis le sol en piqué prononcé, l'aile gauche basse. Un incendie s'est déclaré après l'immobilisation de l'appareil au sol.

Quelques minutes plus tard, les pêcheurs se sont dirigés vers les lieux de l'écrasement pour porter secours aux occupants de l'appareil accidenté. Le pilote était grièvement blessé; le passager avait subi des blessures mortelles. L'avion a été détruit par l'incendie.

L'accident s'est produit de jour, par 49 degrés 58 minutes de latitude Nord et 69 degrés 35 minutes de longitude Ouest2, dans des conditions météorologiques de vol à vue, vers 12 h 30, heure avancée de l'Est (HAE)3.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - 1 - 1
Blessés graves 1 - - 1
Blessés légers/indemnes - - - -
Total 1 1 - 2

1.3 Dommages à l'aéronef

L'aéronef a été détruit par l'impact et par l'incendie qui s'est déclaré après l'écrasement.

1.4 Renseignements sur le pilote

Pilote
Âge - 46 ans
Licence - pilote privé
Date d'expiration du certificat de validation - 7 avril 1995
Nombre d'heures de vol - 380
Nombre d'heures de vol sur type en cause - 230
Nombre d'heures de vol dans les 90 derniers jours - 12
Nombre d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours - 12
Nombre d'heures de service avant l'accident - N/D
Nombre d'heures libres avant la prise de service - N/D

Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.

1.5 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur - Champion Aircraft Corp.
Type et modèle - Champion 7GCB
Année de construction - 1960
Numéro de série - 43
Certificat de navigabilité (Permis de vol) - valide
Nombre d'heures de vol cellule - 2 370
Type de moteur (nombre) - Lycoming 0-320-A2B (1)
Type d'hélice/de rotor (nombre) - McCauley 1A170 (1)
Masse maximale autorisée au décollage - 1 732 lb
Type(s) de carburant recommandé(s) - essence aviation 100 LL et 100-130
Type de carburant utilisé essence aviation - 100 LL

L'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.

L'aéronef n'était pas équipé d'un avertisseur de décrochage.

1.5.1 Masse et centrage de l'avion

La masse maximale autorisée de l'appareil sur flotteurs est de 1 732 livres.

Il a été estimé qu'au décollage la masse totale de l'appareil sur flotteurs dépassait d'environ 73 livres la masse maximale autorisée. Le centrage se situait à +19,16 pouces, entre les limites de +16,2 à +19,2 pouces.

Selon le Manuel de pilotage.de Transports Canada, «les limites de masse et de centrage sont principalement imposées aux avions pour les raisons suivantes :

1.6 Renseignements météorologiques

Les observations météorologiques faites à 12 h à l'aéroport de Baie-Comeau (Québec), situé à environ 65 milles au sud-est du lieu de l'accident, étaient les suivantes : nuages fragmentés dont la base était à 3 000 pieds, visibilité de 20 milles, vents du 230 degrés à 15 noeuds, et température de 21,8 °C.

Des témoins ont déclaré qu'il y avait des vagues sur le lac, surtout aux endroits les plus exposés au vent. Le pilote a déclaré qu'il avait rencontré des courants d'air descendants après le décollage. Des courants d'air descendants se trouvent parfois sur le côté sous le vent d'une colline et sont souvent causés par les vents qui soufflent par-dessus la colline.

Figure 1 - Trajectoire du C-GGTD
Trajectoire du C-GGTD

1.7 Renseignements sur le lac Boily

Le lac Boily est orienté d'est en ouest et mesure environ trois milles de long. En direction ouest et au bout du lac, il y a une vallée entre deux collines. Cette vallée tourne vers la gauche et mène éventuellement à un autre lac.

Le pilote ne connaissait pas bien le relief au bout du lac et ne savait pas que la vallée débouchait sur un autre lac.

1.8 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

L'avion s'est immobilisé sur un cap d'environ cinq degrés magnétique. Une pale d'hélice était complètement enfoncée dans le sol, recouverte d'une couche épaisse de mousse et de lichen; l'autre pale était peu déformée. Le moteur et le fuselage reposaient sur le côté gauche, inclinés à un angle d'environ 60 degrés. La section arrière du fuselage était pliée vers la gauche, vis-à-vis du compartiment à bagages, et la structure de la queue était intacte.

Le moteur hors-bord s'est déplacé vers l'avant lorsque l'avion a heurté trois épinettes de quelque 60 pieds de haut. Le siège du passager, à l'arrière, a été arraché de ses points d'ancrage, et le dossier du siège a été déformé lors de l'impact.

Durant l'impact, l'aile gauche s'est rompue en trois sections, et l'aile droite s'est détachée du fuselage peu avant l'immobilisation de l'appareil au sol. L'aile droite a été projetée vers l'avant et reposait en partie sur le toit du poste de pilotage.

Aucune défaillance mécanique n'a été décelée qui aurait pu affecter le fonctionnement de l'appareil en vol.

1.9 Renseignements médicaux

Rien n'indique qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques aient pu pertuber les capacités du pilote.

1.10 Incendie

Après l'immobilisation de l'appareil au sol, le carburant du réservoir de l'aile s'est déversé dans la cabine, et un incendie s'est aussitôt déclaré. Le réservoir d'essence de l'aile droite était situé au- dessus du poste de pilotage et est probablement à l'origine de l'incendie. L'incendie s'est propagé très rapidement dans l'appareil et a également été alimenté par le réservoir d'essence de l'aile gauche. Les trois épinettes heurtées par l'avion ont été partiellement brûlées. Tous les composants inflammables de l'avion ont été détruits; toutefois, les composants en métal, étant plus résistants à la chaleur, ont été très peu endommagés. Il est permis de croire que l'incendie n'a pas été assez violent ou n'a pas duré assez longtemps pour faire fondre des composants comme le carter moteur en alliage d'aluminium.

La grande partie de l'aile droite a été détruite par le feu, ainsi que le quart de la partie avant du flotteur gauche. Compte tenu des déformations structurales minimes observées sur les deux extrémités du fuselage (cabine/moteur, queue) et sur les flotteurs, il est permis de croire que la vitesse de l'appareil était relativement réduite lors de l'impact avec le sol et que les forces ont été absorbées principalement par l'aile gauche lors du contact avec les arbres.

1.11 Questions relatives à la survie des occupants

Malgré la gravité de ses blessures, le pilote a réussi à sortir de l'appareil par le pare-brise; toutefois, le passager blessé n'a pu évacuer l'appareil qui a pris feu immédiatement après s'être immobilisé.

1.12 Illusions produites par la dérive

Il peut arriver que l'on soit amené à manoeuvrer un avion relativement près du sol. Dans ces cas-là, il est très important de reconnaître et de comprendre les illusions produites par la dérive. Le vent peut créer des illusions donnant des impressions trompeuses qui, si elles sont mal interprétées, peuvent entraîner des conditions de vol dangereuses.

En volant face au vent, la diminution de la vitesse par rapport au sol est appréciable. En volant vent arrière, l'augmentation de la vitesse par rapport au sol est facilement remarquable, parfois au point que l'on est tenté de réduire la vitesse de l'appareil ce qui, à l'extrême, pourrait conduire au décrochage.

1.13 Performances de l'avion

Il n'y a aucune donnée de performances pour le Citabria sur flotteurs, mais une course au décollage d'environ 2 500 pieds est normalement adéquate dans des conditions standard.

Quand la masse de l'avion est supérieure à la masse maximale autorisée, les performances de l'avion sont réduites. Il se produit une large réduction dans le taux de montée, la vitesse de décrochage augmente, et la distance de décollage augmente.

Un courant d'air descendant diminue le taux de montée d'un avion et peut provoquer une perte d'altitude. Il est également possible que le courant d'air descendant empêche l'avion de prendre de l'altitude.

Le canot pliant sur le flotteur droit de l'appareil causait de la traînée parasite, ce qui a réduit les performances de l'appareil.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Puisqu'aucune défaillance mécanique qui aurait pu contribuer à l'accident n'a été décelée et que l'avion aurait pu facilement décoller dans la distance utilisée par le pilote, l'analyse porte sur les points suivants : la surcharge de l'aéronef, la dégradation des performances, les illusions créées par la dérive et la survie des occupants.

2.2 Surcharge de l'aéronef

La masse de l'appareil au décollage dépassait d'environ 73 livres la masse maximale autorisée, ce qui a réduit les performances de l'appareil durant le décollage et la montée. Comme il n'existe pas de tableau de performances pour le Citabria, il n'a pas été possible d'établir avec précision la dégradation des performances de l'appareil. Toutefois, il est permis de croire que la surcharge de l'appareil a eu une incidence négative sur le taux de montée de l'appareil et sur la distance nécessaire pour le décollage.

2.3 Dégradation des performances

Comme il disposait d'une distance de 5 000 pieds pour décoller avec un vent debout de 15 noeuds, l'avion aurait sans doute pu franchir la colline facilement. Cependant, la surcharge de l'appareil, les courants d'air descendants et la traînée produite par le canot pliant sur le flotteur droit ont réduit les performances de décollage et de montée de l'aéronef au point que l'avion ne pouvait franchir la colline. Le pilote a alors amorcé un virage serré à droite et à basse altitude pour revenir amerrir, mais il n'a pas maintenu une vitesse assez élevée pendant le virage, et l'avion a décroché. En virage et en altitude constante, la vitesse de décrochage augmente proportionellement à l'angle d'inclinaison de l'appareil. Plus l'angle d'inclinaison est important, plus la vitesse de décrochage est élevée.

2.4 Illusions créées par la dérive

Lorsque le pilote a viré de vent debout à vent de travers pour revenir amerrir, il est possible qu'il ait subi les illusions créées par la dérive, ce qui aurait pu faire croire au pilote que la vitesse de l'appareil était suffisante pour effectuer une manoeuvre à basse altitude. L'aéronef n'était pas muni d'un avertisseur de décrochage; ce dispositif aurait pu alerter le pilote que l'angle d'attaque de l'aile était trop prononcé et que l'hydravion était sur le point de décrocher. Étant donné la basse altitude à laquelle l'aéronef a décroché, le pilote n'a pu effectuer une sortie de décrochage, et l'hydravion s'est écrasé.

2.5 Questions relatives à la survie des occupants

Compte tenu des dommages attribuables à l'impact, on a jugé que les forces d'impact ne dépassaient pas les limites normales de la résistance humaine et que le passager aurait pu survivre à l'accident si l'incendie ne s'était pas déclaré.

3.0 Faits établis

  1. L'hydravion était trop chargé.
  2. Les performances de l'aéronef ont été réduites à cause de la surcharge et de la traînée produite par le canot pliant attaché au flotteur droit et possiblement à cause de courants d'air descendants.
  3. L'aéronef n'était pas équipé d'un avertisseur de décrochage.
  4. Pendant la montée et le virage, l'appareil a décroché et s'est écrasé.
  5. La basse altitude de l'appareil ne permettait pas au pilote d'effectuer une sortie de décrochage.

3.1 Causes

L'hydravion n'a pas atteint les performances de décollage et de montée habituelles parce qu'il était trop chargé, et parce que les performances de l'appareil ont été réduites à cause de la traînée produite par le canot pliant attaché au flotteur droit et possiblement à cause de courants d'air descendants. L'hydravion a décroché pendant un virage serré à une altitude insuffisante pour redresser.

4.0 Mesures de sécurité

Le Bureau n'a, jusqu'ici, recommandé aucune mesure de sécurité.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.

Annexes

Annexe A - Sigles et abréviations

BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
h
heure(s)
HAE
heure avancée de l'Est
lb
livre(s)
UTC
temps universel coordonné
VFR
règles de vol à vue