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Rapport d'enquête aéronautique A95H0004

Incident lié à l'altitude - Écart intempestif
Tarom - Romanian Air Transport
Airbus Industrie A310-325 YR-LCA
Près de Rivière-du-Loup (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'avion effectuait un vol entre Chicago (Illinois) aux États-Unis et Amsterdam, aux Pays-Bas. Il volait en croisière au niveau de vol (FL) 330 à la vitesse de Mach 0,83, le pilote automatique numéro 2 embrayé. L'équipage venait d'être autorisé à se rendre au point d'entrée dans l'espace océanique lorsque le pilote automatique a débrayé. L'avion est alors monté rapidement (une augmentation de l'accélération verticale de l'ordre de 1,94 g a été enregistrée dans les cinq secondes qui ont suivi le débrayage du pilote automatique). Pendant cette montée rapide, le taux de montée a dépassé à plusieurs reprises les 12 000 pieds par minute, l'angle de cabré maximal avoisinant les 30 degrés. L'avion a atteint le FL385 à une vitesse indiquée minimale de 155 noeuds. Il y a eu quatre avertissements de décrochage qui ont débuté au FL385 et ont persisté quand l'avion s'est mis à descendre rapidement. La descente s'est poursuivie à des taux parfois supérieurs à 12 000 pieds par minute jusqu'au FL315, où l'avion s'est remis à monter rapidement. L'équipage a réussi à mettre le pilote automatique numéro 1 en marche (plusieurs tentatives s'étaient avérées infructueuses pendant la descente), et l'angle de montée est devenu moins prononcé. L'avion s'est mis en palier au FL350, puis le Centre de Moncton (Nouveau-Brunswick) a autorisé l'équipage à maintenir cette altitude. Le vol s'est poursuivi jusqu'à destination sans autre incident connu. Il n'y a eu aucun conflit avec d'autres aéronefs pendant l'incident. Aucune blessure ni aucun dommage à l'avion n'ont été signalés.

Le Bureau a déterminé que l'incident a été provoqué par un mauvais réglage de la servocommande de profondeur du pilote automatique, ce qui a donné lieu au premier cabré pris par l'avion, et par l'intervention inefficace ou incorrecte de l'équipage sur la commande de tangage, ce qui a fait décrocher l'avion. Le centrage arrière et la vitesse élevée de l'avion ont contribué à l'incident.

This report is also available in English

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

L'avion transportait 14 membres d'équipage et 80 passagers. Il effectuait un vol commercial international régulier (TAROM - ROT 006) entre Chicago (Illinois) aux États-Unis et Amsterdam, aux Pays-Bas. L'appareil volait en croisière au niveau de vol (FL)Note de bas de page 1 330 à la vitesse de Mach 0,83 et se trouvait près de Rivière-du-Loup (Québec). Le commandant de bord était aux commandes. Le pilote automatique (PA) était embrayé (CMD2) dans les modes de maintien d'altitude (ALT) et de navigation (NAV), et le système de gestion de vol (FMS) s'occupait de la navigation. Les automanettes étaient embrayées en mode vitesse/Mach.

Peu de temps après avoir contacté le Centre de Moncton (Nouveau-Brunswick), à 2 h 52 min 40 s UTCNote de bas de page 2, l'équipage a été autorisé à se rendre directement à SCROD, le point d'entrée océanique du vol dans le réseau des routes préférentielles au-dessus de l'Atlantique Nord (NAT). Le contrôleur a demandé une heure estimée de passage à SCROD. Le commandant de bord venait de faire l'entrée de trajectoire directe vers SCROD dans le FMS; il était en train de trouver l'estimée à SCROD demandée par le Centre de Moncton en utilisant la page plan de vol du FMS apparaissant sur le panneau de commande et d'affichage (CDU) lorsqu'il a perçu une sorte de chuintement qu'il a attribué à de la turbulence. Le PA a débrayé, et l'avion s'est mis en cabré; l'avion a atteint l'accélération normale maximale de 1,94 g dans les cinq secondes qui ont suivi le débrayage.

L'avion s'est mis à monter à un taux parfois supérieur à 12 000 pieds par minute (pi/min)Note de bas de page 3, selon un angle de cabré maximal avoisinant les 30 degrés. L'appareil est monté au FL385, soit quelque 5 500 pieds au-dessus de l'altitude autorisée, et la vitesse indiquée (KIAS) a chuté à 155 noeuds. Il y a eu plusieurs avertissements de décrochage qui ont débuté au FL385 et ont persisté pendant que l'avion se mettait en descente rapide. Après l'avertissement de décrochage, le pilote a entrepris une sortie de décrochage. L'enregistreur de vol a enregistré quatre avertissements de décrochage.

Au moment où la descente à partir du point de vitesse minimale (155 noeuds) a débuté, les réacteurs produisaient une forte poussée. Vers le FL350, une tentative infructueuse a été faite pour embrayer le pilote automatique numéro 2 (PA2). Quelque cinq secondes plus tard, au moment où l'avion franchissait le FL340 en descente, le pilote automatique numéro 1 (PA1) a été embrayé. Des taux de descente dépassant les 12 000 pi/min ont été enregistrés pendant la descente. Au moment où l'avion passait le FL320 en descente, le commandant de bord a dit par radio au Centre de Moncton qu'il était désolé et que l'avion avait de très gros ennuis. L'avion est descendu de 7 000 pieds jusqu'au FL315 ou presque, et à ce moment-là le PA1 a débrayé, et l'avion est reparti en montée rapide. Le commandant de bord a déclaré que, par moments, les deux pilotes ont probablement actionné les commandes en même temps, et peut-être de façon contradictoire.

Quand l'avion a franchi le FL320 en montée, le PA1 (CMD1) a été embrayé, et le taux de montée a diminué. L'avion a atteint le FL350 et s'est mis en croisière à cette altitude vers 2 h 56 min 30 s, soit trois minutes environ après le début de l'incident. À ce moment-là, l'équipage a appelé le Centre de Moncton et a donné l'heure estimée de passage à SCROD. Le contrôleur du Centre de Moncton, qui avait observé les écarts d'altitude de l'avion, a demandé à l'équipage la nature de ses ennuis. L'équipage de conduite a déclaré qu'il avait des problèmes de pilote automatique mais qu'il avait repris la situation en main et que tout allait bien. Une minute plus tard environ, le contrôleur a demandé à l'équipage s'il voulait rester au FL350, ce à quoi l'équipage a répondu par l'affirmative. ROT 006 a alors été autorisé à maintenir le FL350. Rien n'indiquait que l'équipage voulait dérouter l'avion. Il n'y a eu aucun conflit avec d'autres aéronefs. Le vol s'est poursuivi jusqu'à Amsterdam sans autre incident connu.

L'incident s'est produit le 1er mars à 22 h 53, heure normale de l'Atlantique (le 2 mars à 2 h 53 UTC), de nuit, par 48°22′ de latitude Nord et 70°08′ de longitude Ouest.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - - - -
Blessés graves - - - -
Blessés légers/indemnes 14 80 - 94
Total 14 80 - 94

1.3 Dommages à l'aéronef

L'exploitant a déclaré que l'avion n'avait pas été endommagé.

1.4 Autres dommages

Il n'y a eu aucun autre dommage.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Généralités

Commandant de
bord
Premier Officer
Age 46 ans 43 ans
Licence pilote de ligne pilote de ligne
Date d'expiration du certificat de validation en état de validité en état de validité
Nombre d'heures de vol 12,717 7,568
Nombre d'heures de vol sur type en cause 1,532 837
Nombre d'heures de vol sur type en cause 181 90
Nombre d'heures de vol dans les 90 derniers jours 181 30
Nombre d'heures de service avant l'événement 4.5 4.5
Nombre d'heures libres avant la prise de service 36 36

1.5.2 Le commandant de bord

Le commandant de bord est diplômé de l'école de pilotage militaire Aurel Vlaicu, section civile, depuis 1969. Il a obtenu sa licence de pilote professionnel en 1970, puis celle de pilote de ligne en 1980. Il a piloté de nombreux appareils pour le compte de TAROM, comme le LI-2, l'IL-14, l'AN-24, le BAC 1-11, l'IAR 818 et le Boeing 707. Après avoir suivi un entraînement au centre d'Aeroformation à Toulouse, en France, il a subi une vérification de compétence de commandant de bord sur A310 le 23 février 1993. La fin de son entraînement et son autorisation NAT-MNPS-ETOPS remontent au 23 avril 1993. Aucun problème particulier n'a été constaté pendant son entraînement.

Le commandant de bord était aux commandes lors de l'incident. Normalement, c'est le copilote qui aurait dû être aux commandes à ce moment-là. Le copilote avait effectué la première partie du vol. Toutefois, avant l'incident, le copilote avait demandé à prendre quelques minutes de repos, et le commandant de bord avait pris la relève. Conformément aux procédures de TAROM, le PA1 (CMD1) aurait dû être utilisé pendant que le commandant de bord était aux commandes; toutefois, c'est le PA correspondant au pilote qui aurait normalement dû être aux commandes à ce moment-là qui était en marche. Comme c'est le copilote qui était censé être aux commandes, c'est le pilote automatique CMD 2 qui était embrayé au moment de l'incident.

1.5.3 Le copilote

Le copilote est diplômé de l'école de pilotage militaire Aurel Vlaicu, section civile, depuis 1975. Il a obtenu sa licence de pilote professionnel en 1975 et sa licence de pilote de ligne en 1981. Pendant qu'il était au service de TAROM, il a occupé le poste de copilote sur de nombreux avions, comme l'AN-2, l'AN-24 et le BAC 1-11. En 1992, il est passé commandant de bord sur BAC 1-11. Il a obtenu la qualification de copilote sur A310 le 3 mai 1993 après avoir suivi un entraînement au centre d'Aeroformation à Toulouse, en France; il a terminé son entraînement NAT-MNPS-ETOPS le 11 février 1994. Aucun problème particulier n'a été constaté pendant son entraînement.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Généralités

Constructeur Airbus Industrie
Type A310-325
Année de construction 1991
Numéro de série 636
Certificat da navigabilite en état de validité
Nombre total d'heures de vol cellule 8,587
Type de moteur (nombre) Pratt & Whitney PW4156 (2)
Masse maximale autorisée au décollage 164,000kg
Type(s) de carburant recommandé(s) Jet Fuel (A ,B, JP, 4, 5, 8)
Type de carburant utilisé Jet A

1.6.2 Circuits hydrauliques

L'A310 possède trois circuits hydrauliques indépendants qui fonctionnent en permanence et qui ont reçu les appellations de bleu (B), vert (V) et jaune (J). Chaque circuit est alimenté par sa propre bâche et assure une pression de sortie de quelque 3 000 livres au pouce carré (lb/po²). Le circuit vert est entraîné par deux pompes, une sur chaque réacteur. Le circuit bleu est entraîné par une pompe sur le réacteur numéro 1. La pression du circuit jaune est assurée par une pompe entraînée par le réacteur numéro 2. Les circuits bleu et jaune possèdent également des pompes électriques capables de fournir la pression nécessaire.

Le circuit jaune possède en plus une turbine à air dynamique capable d'assurer une pression hydraulique de secours. Grâce à des soupapes coupe-feu, il est possible d'isoler les pompes entraînées par les réacteurs de leur bâche respective. Le fait de tirer la poignée coupe-feu d'un réacteur provoque la fermeture de la soupape connexe. De plus, la soupape coupe-feu du circuit jaune se ferme dès que le capteur décèle un bas niveau de liquide dans la bâche, et ce, afin de conserver du liquide en cas d'utilisation de la turbine à air dynamique.

1.6.3 Commandes de vol

1.6.3.1 Généralités

Toutes les gouvernes sont manoeuvrées par trois servocommandes irréversibles, chacune étant alimentée par l'un des trois circuits hydrauliques indépendants (B, V, J). Le stabilisateur compensable est actionné par les circuits vert et jaune. La compensation en tangage est assurée par le stabilisateur articulé à la structure de l'avion. Volets rentrés, l'accélération verticale maximale autorisée (g) est de +2,5 g et -1,0 g.

1.6.3.2 Gouvernes de profondeur

Sur l'A310, le contrôle en tangage est assuré par deux gouvernes de profondeur articulées au stabilisateur. Chaque gouverne de profondeur est actionnée par trois servomoteurs commandés par une double tringlerie mécanique composée de biellettes dynamométriques, de câbles, d'un dispositif de sensation artificielle relié au câble desservant le manche gauche et de biellettes limiteurs de charge. Une servocommande de pilote automatique est connectée à la gouverne de profondeur gauche, laquelle est mécaniquement reliée à la gouverne de profondeur droite. En croisière, si l'équipage exerce sur le manche une force supérieure à 150 newtons, le pilote automatique se débranche.

Normalement, les deux gouvernes de profondeur se déplacent ensemble. Le braquage maximal se situe entre -30 degrés en cabré et +15 degrés en piqué quand le PA est débrayé. Lorsque le PA est embrayé, le braquage maximal se situe entre 18 degrés en cabré et 9 degrés en piqué. Un dispositif de désaccouplage en tangage est installé de façon à éviter tout braquage asymétrique intempestif des gouvernes de profondeur en vol et pour permettre un désaccouplage des circuits de profondeur gauche et droit au décollage (vitesse indiquée inférieure à 195 noeuds).

1.6.3.3 Compensation en tangage

Il y a deux calculateurs de compensation en tangage, chacun comprenant deux chaînes de calcul indépendantes pour les commandes et la surveillance. Chaque circuit de compensation en tangage envoie des directives de tangage au stabilisateur. La plage de manoeuvre va de +3 degrés (avion en piqué) à -14 degrés (avion en cabré). Le déplacement du compensateur s'arrête lorsque le stabilisateur arrive à +2,5 degrés en piqué et à -13 degrés en cabré pour qu'il n'atteigne pas les butées mécaniques. La vitesse de déplacement et l'efficacité de la compensation du stabilisateur sont fonction du mode et de la configuration de l'avion. Normalement, les deux circuits de compensation en tangage sont embrayés, le circuit numéro 1 étant celui qui se met automatiquement en action tandis que le circuit numéro 2 est synchronisé en secours. En exploitation normale, le circuit de compensation en tangage numéro 1 a priorité sur le circuit numéro 2.

Pour la configuration que présentait l'avion pendant l'incident en vol, il existe quatre fonctions de compensation en tangage : compensation électrique, compensation automatique, compensation de Mach/Vc et compensation d'angle d'attaque (alpha).

En compensation électrique, on peut faire déplacer le stabilisateur de façon à pouvoir déplacer les gouvernes de profondeur de part et d'autre de leur position neutre en vol. La compensation se fait au moyen de deux commandes à bascule montées sur chaque volant. Si ces commandes sont actionnées simultanément de façon contradictoire, la compensation s'arrête. Les commandes à bascule de compensation montées sur les volants sont désactivées lorsqu'un PA est embrayé. La vitesse de déplacement du stabilisateur est fonction de la vitesse de l'avion. À des vitesses indiquées supérieures à 240 noeuds, le stabilisateur se déplace à 0,17 degré/seconde; cette vitesse augmente de façon linéaire jusqu'à un maximum de 0,9 degré/seconde à des vitesses indiquées égales ou inférieures à 200 noeuds.

La compensation automatique fonctionne si un PA est embrayé et elle est conçue pour faire le calcul de la commande que le PA donne aux gouvernes de profondeur pour les garder au neutre. La position neutre des gouvernes de profondeur à la vitesse de Mach 0,83 est d'environ 0,4 degré en cabré en raison des forces aérodynamiques qui déforment légèrement les gouvernes de profondeur. Volets rentrés, la compensation automatique déplace le stabilisateur à un taux qui est fonction de la commande que le pilote automatique donne aux gouvernes de profondeur; la vitesse maximale est de 0,066 degré/seconde en compensation automatique. De par sa conception, la compensation automatique permet d'éviter les à-coups au moment du débrayage du PA.

La fonction de compensation de Mach/Vc sert à améliorer la stabilité longitudinale de l'avion en faisant varier la position du stabilisateur en fonction des variations du nombre de Mach ou de la Vc (vitesse préétablie). À mesure que la vitesse augmente, le circuit de compensation de Mach/Vc crée un moment de cabré qui permet de conserver une bonne stabilité à des vitesses de plus en plus élevées. À mesure que la vitesse chute, il se crée un moment de piqué. En compensation de Mach, le stabilisateur peut prendre un angle de cabré maximal de 0,7 degré; en compensation de Vc, il peut prendre un angle de cabré maximal de 0,82 degré.

La compensation d'angle d'attaque (alpha) sert à contrer le mouvement de cabré qui apparaît à des nombres de Mach élevés et à des angles d'attaque excessifs à basse vitesse. La fonction de compensation alpha entre en action en mode manuel (PA non embrayé), si les volets, les becs et les aérofreins sont rentrés, peu importe la position du train d'atterrissage. Avec ce type de compensation, le stabilisateur peut prendre un angle de piqué maximal de 1,0 degré.

1.6.4 Systèmes de vol automatique

Le PA peut être embrayé en CMD de façon à contrôler l'avion dans les trois axes. Plusieurs conditions sont nécessaires pour que le PA puisse être embrayé et le rester. Voici quelques-unes des conditions qui doivent être respectées pour qu'il y ait utilisation continue du pilote automatique (CMD) :

En croisière, le PA se débranche si une force supérieure à 150 newtons est exercée sur le manche (axe de tangage).

Les commandes électriques du PA sont transmises à la tringlerie mécanique par les servomoteurs du PA. Le PA1 (CMD 1) reçoit sa pression hydraulique du circuit vert. Quand le PA2 (CMD 2) est utilisé, le PA reçoit sa pression hydraulique du circuit jaune. Certains exploitants favorisent l'utilisation du PA1 (CMD 1) parce qu'il y a un plus grand nombre de pompes hydrauliques pour le circuit vert.

Quand elles sont armées, les automanettes réagissent en modulant la poussée par déplacement des manettes des gaz. La vitesse normale de déplacement des manettes est d'environ un degré par seconde; en mode de remise des gaz (mode GA), si le cran du mécanisme de poussée est enclenché (plancher alpha), cette vitesse passe à quelque huit degrés par seconde.

1.6.5 Protection du domaine de vol

L'avion possède plusieurs dispositifs servant à empêcher toute sortie intempestive du domaine de vol normal, notamment des vibreurs de manche, la Vmax (vitesse maximale affichable) et le plancher alpha.

Les vibreurs de manche de l'avion signalent aux pilotes l'imminence d'un décrochage grâce à des générateurs de vibrations montés sur les manches. En configuration lisse, la vitesse de déclenchement du dispositif (Vss) est égale à 1,138 la vitesse de décrochage (Vs) et est fonction du facteur de charge.

Grâce à la protection de vitesse maximale affichable (Vmax), il est impossible de choisir un nombre de Mach supérieur à 0,84. En cas de choix d'une vitesse excessive, les calculateurs de poussée ou les FCC limitent la vitesse.

La fonction de plancher alpha entre en action si les automanettes sont armées et si un angle d'attaque supérieur à 8,5 degrés est détecté en configuration lisse. Si un angle d'attaque trop prononcé est détecté, un cran du mécanisme de poussée s'enclenche, ce qui produit une poussée correspondant au mode choisi sur la boîte de commande.

1.6.6 Circuit carburant

L'avion est équipé de quatre réservoirs d'aile, d'un réservoir central, d'un réservoir auxiliaire et d'un réservoir d'équilibrage logé dans le stabilisateur. L'ordre d'utilisation des réservoirs est choisi automatiquement et est conçu de manière à conserver un centrage arrière qui a pour effet de réduire la traînée et, par voie de conséquence, de diminuer la consommation de carburant. En général, c'est le carburant du réservoir central qui est utilisé en premier. Ensuite du carburant est transféré du réservoir d'équilibrage au réservoir central, en fonction des circonstances, afin de maintenir le centre de gravité aux environs de 37 % de la corde aérodynamique moyenne (MAC) (si la masse est élevée), et aux environs de 35 % de la MAC (si la masse est faible). La limite de centrage arrière se situe à 40 % de la MAC (pour un vol au-dessus de 20 000 pieds). Un voyant d'avertissement ECAM (jaune) s'allume si le centre de gravité atteint 41 % de la MAC, et un voyant d'alarme ECAM (rouge) s'allume si le centre de gravité atteint 43 % de la MAC.

Le transfert automatique de carburant du réservoir d'équilibrage au réservoir central est géré par le calculateur de centrage (CGCC). TAROM et d'autres exploitants ont signalé des problèmes concernant le taux de fonctionnement du CGCC qui ont donné lieu à des problèmes concernant le transfert automatique de carburant pour maintenir le centrage de l'avion.

Le dispositif de transfert automatique de carburant est tombé en panne (trim tank syst fault) pendant le vol ROT 006, et l'équipage a actionné manuellement les commandes des soupapes et des pompes carburant appropriées pour garder le bon centrage de l'avion. Selon la liste de vérifications, lorsque cette situation survient, il faut transférer vers l'avant du carburant (autant que peut contenir le réservoir central) provenant du réservoir d'équilibrage. Le commandant de bord a déclaré qu'il avait commencé à transférer rapidement vers l'avant du carburant provenant du réservoir d'équilibrage, pendant l'incident.

L'avionneur a déclaré qu'il a été démontré que la stabilité longitudinale de l'avion est positive avec un centrage arrière situé à 43 % de la MAC, mais que la stabilité longitudinale de l'avion ne serait pas aussi bonne avec des valeurs de centrage arrière qu'avec des valeurs de centrage moyen.

1.6.7 Antécédents de maintenance

TAROM possède des installations de maintenance à sa base principale de Bucarest, en Roumanie, et les vérifications progressives de maintenance en ligne sont assurées par des employés de TAROM. Les vérifications plus poussées ainsi que les travaux de grande révision sont effectués par Swissair, en général à Zurich, en Suisse.

Les dossiers de maintenance de l'avion couvrant des périodes antérieures et postérieures à l'incident ont été examinés. Certains points techniques pouvant être pertinents ont été relevés.

1.6.7.1 Maintenance des commandes de vol

Il semble que les services de maintenance de TAROM n'ont pas été mis immédiatement au courant de l'incident parce que le commandant de bord n'a pas signalé l'incident dans le carnet de l'avion, ni les ennuis de commandes de vol.

Au terme du vol entre Amsterdam et Bucharest après le vol de l'incident, l'avion a effectué environ 31 heures de vol. Il s'est ensuite rendu de Bucarest à Zurich où il a subi une vérification systématique de type «C» le 5 mars 1995. Au cours de cette vérification, les deux FCC ont été enlevés de l'avion pour pouvoir subir les modifications énoncées dans la consigne de navigabilité 94-185-165. Les renseignements contenus dans la mémoire des appareils, qui auraient pu expliquer la raison du débrayage du PA qui a marqué le début de l'incident, n'ont pu être récupérés car les appareils n'étaient pas disponibles quand on s'est rendu compte qu'on avait besoin des renseignements en mémoire.

Au cours de la vérification de type «C», les deux gouvernes de profondeur ont été changées à cause d'une inspection inhérente à une éventuelle infiltration d'eau dans leur structure. Une vérification du réglage de la servocommande de profondeur du PA ne faisait pas partie du processus de changement des gouvernes de profondeur.

Le 19 décembre 1994, Airbus Industrie a envoyé un télex à tous les exploitants (AOT), portant le numéro 27-20, pour indiquer aux exploitants d'A310 les mesures de maintenance à prendre en cas de problèmes de réglage des servocommandes du PA. TAROM a reçu le télex AOT 27-20, et des arrangements ont été faits pour que l'avion en cause dans le présent incident fasse l'objet d'une vérification du réglage des servocommandes du PA. Le carnet technique de l'avion montre que les travaux en question ainsi que d'autres travaux de maintenance ont été effectués le 6 janvier 1995 par le personnel de maintenance de TAROM. L'entrée suivante a été faite : A/P actuators rigging (réglage des servocommandes du PA). C'était la première fois que le personnel de TAROM faisait des vérifications de réglage sur le A310.

Après l'incident, TAROM a demandé à l'avionneur de vérifier le fonctionnement du circuit de commande en tangage. Des employés d'Airbus se sont rendus à Bucarest où ils ont effectué le 16 mars 1995 une vérification du réglage de la servocommande de profondeur du PA. Au cours de la vérification effectuée par l'équipe d'Airbus, il est apparu que la servocommande de profondeur du PA était mal réglée, et il a fallu faire «un tour» de réglage au cours de l'opération. Certains employés de maintenance ont laissé entendre que la mauvaise broche (celle décrite dans le manuel de maintenance) avait peut-être été utilisée pendant les vérifications de réglage du 6 janvier 1995. Les travaux de maintenance qui ont été effectués dans le cadre des vérifications de réglage du 6 janvier 1995 ont fait l'objet d'un examen au cours duquel TAROM a déclaré qu'il est possible que la bonne broche ait été utilisée mais que la broche n'a peut-être pas été insérée au complet, parce que le personnel n'avait pas l'habitude d'exécuter des procédures de réglage et manquait d'expérience dans ce domaine.

Après le réglage du 16 mars 1995, on a demandé aux pilotes de TAROM de vérifier les caractéristiques de la commande en tangage de l'avion en cas de débrayage du PA. Les pilotes n'ont constaté que des «à-coups» en tangage relativement faibles au moment du débranchement du PA. L'entrée suivante a été faite : tendency to climb with 100-200 ft/min (tendance à monter de l'ordre de 100 à 200 pi/min).

1.6.7.2 Circuit carburant

L'avion avait éprouvé des ennuis récurrents avec son dispositif de compensation du centrage par transfert de carburant. Entre le 23 janvier et le 10 mars 1995, il y avait au moins 11 entrées dans les carnets techniques portant sur le circuit du réservoir d'équilibrage de carburant. En général, le problème avait été réglé en réinitialisant le CGCC. L'entrée suivante a été faite : trim tank syst fault (panne du circuit du réservoir d'équilibrage), et la correction apportée était la suivante : reset CGCC (réinitialisation du CGCC).

Le personnel de maintenance de TAROM et celui de Swissair ont déclaré que le CGCC de l'A310 avait présenté des problèmes récurrents; d'autres exploitants d'A310 ont signalé des problèmes identiques. De la condensation dans le réservoir d'équilibrage du stabilisateur ou un problème de densité de carburant ont été évoqué comme explications possibles à ce problème d'équilibrage par transfert de carburant.

1.6.7.3 Circuit hydraulique

On a relevé plusieurs entrées relatives au circuit hydraulique jaune :

Des vérifications ont été faites, et les pompes ont été changées. De plus, les fiches Cannon ont été nettoyées. Finalement, en avril 1995, le personnel de maintenance a découvert que le capteur de bas niveau de liquide donnait, par intermittence, une fausse alarme qui provoquait la fermeture de la soupape d'arrêt.

1.6.7.4 Coupures de pilote automatique

Dans les semaines qui ont suivi l'incident, des entrées ont été faites pour signaler des coupures du PA2. En plus de l'incident du 13 mars mentionné ci-dessus et portant sur un problème de basse pression du circuit jaune, une autre coupure du PA est survenue le 4 avril; l'entrée suivante a été faite : FMS2 and A/P 2 u/s for 1 min (panne 1 minute FMS2 et PA2.

Aucune coupure du PA1 n'a été signalée dans les deux mois qui ont précédé et qui ont suivi l'incident.

1.7 Renseignements météorologiques

Les renseignements météorologiques pertinents ont été obtenus auprès du centre météorologique de la Direction de l'environnement atmosphérique. Aucun message SIGMET n'avait été diffusé dans la région où se trouvait l'avion, aucune turbulence n'avait été prévue dans la région de l'incident, et aucun rapport de pilote (PIREP) ne signalait de turbulence dans cette même région.

Le vent prévu au FL340 au-dessus de Rivière-du-Loup devait souffler du 240 degrés vrai à 107 noeuds. Les variations dans la vitesse verticale du vent (cisaillement vertical) étaient, en moyenne, de l'ordre de 2,2 noeuds par 1 000 pieds au-dessus du FL340, et d'à peine 1 noeud par 1 000 pieds au-dessous du FL340. Avec du cisaillement vertical de cet ordre, la présence de turbulence en ciel clair est très peu probable. Les stations voisines, Sept-Îles (Québec) et Mont-Joli (Québec), annonçaient des conditions (direction et vitesse du vent, température) presque identiques à celles de Rivière-du-Loup, ce qui indique une faible probabilité de cisaillement horizontal du vent.

1.8 Aides à la navigation

Rien n'indique que les aides à la navigation disponibles aient présenté des problèmes.

1.9 Télécommunications

Des transcriptions des conversations radio entre l'équipage et le Centre de Moncton, et également des dialogues par liaison terrestre entre les contrôleurs de Montréal (Québec) et de Moncton, ont été faites. Aucun problème au niveau de la qualité des messages radio n'a été constaté.

L'équipage était en contact radio VHF avec le Centre de Moncton. Bien qu'il fut encore dans l'espace aérien de Montréal, il avait reçu l'instruction de contacter Moncton, ce qui est la procédure normale de transfert dans cette région. Peu après avoir contacté le Centre de Moncton, à 2 h 52 min 40 s, l'équipage a été autorisé à mettre le cap sur SCROD, et le contrôleur a demandé une heure estimée de passage à ce point. ROT 006 a accusé réception de l'autorisation et a donné 4 h 2 UTC comme heure estimée de passage à SCROD. Le contrôleur a demandé à l'équipage de confirmer cette estimée, et l'équipage a répondu qu'il allait faire une nouvelle vérification. Presque deux minutes se sont écoulées avant que l'équipage rappelle le Centre de Moncton.

À 2 h 55 min 2 UTC, l'équipage de ROT 006 a appelé pour dire qu'il avait de très gros ennuis; le contrôleur de Moncton a répondu Go ahead (Parlez), et ROT 006 a répondu à son tour Standby (Attendez). Une trentaine de secondes plus tard, le contrôleur du Centre de Montréal a appelé son collègue par ligne terrestre pour parler de ROT 006. Le contrôleur de Moncton a déclaré qu'il ne voulait pas déranger l'équipage en l'appelant.

À 2 h 57 min 17 s, le commandant de bord a précisé au contrôleur du Centre de Moncton qu'il y avait eu une coupure intempestive du PA mais qu'il avait finalement réussi à reprendre la situation en main. La possibilité de problèmes liés à la turbulence a été évoquée par le contrôleur. Au cours d'un message radio ultérieur, ROT 006 a signalé que tout était rentré dans l'ordre.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

Sans objet.

1.11 Enregistreurs de bord

1.11.1 Enregistrements disponibles

L'A310 de TAROM est équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR), d'un enregistreur phonique (CVR) et d'un enregistreur numérique des systèmes de surveillance intégrée de l'avion (DAR). Comme la capacité d'enregistrement du CVR n'est que de 30 minutes, les données pertinentes ont été remplacées par d'autres et n'étaient plus disponibles à des fins d'analyse. Le 3 mars 1995, le BST a demandé le FDR pour pouvoir en analyser les données. L'exploitant, par l'entremise des autorités de l'Aviation civile roumaine, a indiqué que le FDR n'était pas disponible. Les données pertinentes du FDR avaient été remplacées par d'autres parce que l'avion avait effectué plus de 25 heures de vol depuis l'incident. L'exploitant a fourni une disquette de 3,5 pouces contenant les données du DAR enregistrées pendant l'incident. Des duplicata ont également été envoyés au Bureau Enquêtes-Accidents (BEA) français ainsi qu'à l'avionneur, Airbus Industrie, à Toulouse. L'annexe A présente des tracés détaillés des données du DAR.

Des renseignements tirés de l'analyse des données radar (ADR) ont pu être obtenus du Système de traitement des données radar de Transports Canada, à partir du Centre de Moncton utilisant le radar installé à Sept-Îles. La représentation des données radar a été faite par le Laboratoire technique du BST à l'aide du logiciel RADEX. Les données radar et celles du DAR sont cohérentes. L'annexe A présente des tracés tirés des données radar.

1.11.2 Description du DAR

TAROM utilise le DAR de Penny and Giles comme outil de surveillance des vols, et la compagnie dispose d'installations à Bucarest lui permettant d'analyser les données du DAR. Ce dernier utilise les mêmes transducteurs de paramètre que le FDR, mais il n'est pas protégé contre les impacts. Les données enregistrées peuvent être récupérées facilement sans avoir à démonter un seul composant de l'avion.

Le DAR, de la façon dont il fonctionnait au moment de l'incident, n'a pas enregistré les données en permanence. Il y avait eu un arrêt d'enregistrement, mais il venait tout juste de reprendre quand il y a eu coupure du PA, et un autre arrêt a eu lieu avant que l'avion ne se remette en palier au FL350. Tous les paramètres ont semblé être enregistrés correctement.

La disquette des données du DAR a été analysée par le Laboratoire technique du BST, les données d'étalonnage ayant été fournies au BST par Airbus Industrie et TAROM.

1.11.3 Paramètres enregistrés

Le DAR enregistre plus de 230 paramètres. Les taux d'échantillonnage de ces paramètres varient de un par quatre secondes (force exercée sur le volant et force exercée sur le manche) à huit par seconde (accélération, ou facteur g). Voici les paramètres qui ont été retenus dans le cadre de l'enquête :

1.11.4 Situation initiale

Nota : Consulter le lexique de l'annexe A pour la signification des termes anglais.

Les données du DAR (débutant à 2 h 53 min 20 s UTC) ont révélé que l'avion volait en croisière au FL330 à la vitesse calculée de 296 noeuds ou Mach 0,83. Cette vitesse était plus élevée que la vitesse de croisière économique normale de Mach 0,80 environ. L'avion était en léger virage à gauche selon un angle de roulis (inclinaison latérale) de 7 degrés, et le cap de 73 degrés magnétique allait en diminuant. Les paramètres discrets du PA montrent que le PA2 était embrayé et que le PA1 ne l'était pas. Le circuit des automanettes était embrayé en mode vitesse/Mach. Il y a eu coupure du PA2 à 2 h 53 min 28 s.

Figure 1. Systèmes de vol automatique selon le DAR
Systèmes de vol automatique selon le DAR

1.11.5 Caractéristiques de la manoeuvre

Après le débrayage du PA2, l'avion s'est mis en cabré. Une accélération verticale maximale (facteur de charge) de 1,94 g est apparue en moins de cinq secondes; l'angle de cabré de l'avion a augmenté jusqu'à 29,5 degrés en moins de 25 secondes. Au point de cabré maximal, l'accélération verticale a diminué à moins de 1 g (avec un minimum de 0,5 g) et est restée inférieure à 1 g jusqu'à ce que l'avion passe le FL362 en descente. L'angle de piqué maximal a été de 15 degrés et a été atteint à 2 h 54 min 35 s au moment où l'avion passait le FL365 en descente. À 2 h 54 min 42 s, le PA2 a été réembrayé avant d'être rapidement débrayé lorsque le PA1 a été mis en marche à 2 h 54 min 45 s. L'altitude pression minimale enregistrée a été de 31 580 pieds (à 2 h 55 min 10 s); la vitesse avait augmenté à 292 noeuds (vitesse corrigée). Au point d'altitude minimale, le PA1 a débrayé de nouveau. L'avion s'est remis à monter rapidement, mais le taux de montée a diminué à 2 h 55 min 20 s, au moment où le PA1 a finalement pu être embrayé pour de bon.

Au moment du débrayage du PA2 qui marque le début de l'incident, l'avion avait une inclinaison latérale de 8 degrés. L'avion s'est incliné doucement à droite jusqu'à une inclinaison latérale droite de 10 degrés. L'inclinaison latérale a oscillé de gauche à droite avec un maximum de 12 degrés à gauche, puis elle s'est stabilisée à l'horizontale, une fois le PA1 embrayé pour de bon à 2 h 55 min 20 s.

1.11.6 Déplacement des gouvernes de profondeur

L'angle des gouvernes de profondeur était de 1,05 degré en piqué avant le débrayage du PA2. Dès que le débrayage s'est produit, l'angle des gouvernes de profondeur est passé rapidement à 1,76 degré en cabré. Le premier mouvement visant à contrer le déplacement des gouvernes de profondeur a été enregistré à 2 h 53 min 33 s, quand celles-ci ont pris un angle de 0,3 degré en piqué. Ce déplacement en sens opposé s'est produit au moment où une force de piqué exercée sur le manche a été enregistrée. L'angle des gouvernes de profondeur a ensuite fluctué avec une amplitude de un degré par rapport à la position approximative de 1,5 degré en cabré. L'angle de piqué maximal pris par les gouvernes de profondeur a été de 4,5 degrés et a été atteint à 2 h 54 min 14 s. À 2 h 54 min 45 s, le PA1 a été embrayé; l'angle des gouvernes de profondeur est alors passé à 1,0 degré en piqué et est resté centré autour de cet angle de 1,0 degré en piqué.

Figure 2. Gouvernes selon le DAR
Gouvernes selon le DAR

Nota : Consulter le lexique de l'annexe A pour la signification des termes anglais.

1.11.7 Stabilisateur

Avant le débrayage du PA2, l'angle du stabilisateur est resté à 1,4 degré en cabré et, juste après le débrayage, il est passé aux environs de 0,4 degré en cabré. Au début, le stabilisateur a fluctué légèrement autour de la position neutre. Au point de tangage maximal (à 2 h 53 min 53 s), le stabilisateur compensable avait un angle de 0,5 degré en piqué. Le stabilisateur a ensuite pris un angle de 1,0 degré en piqué à 2 h 54 avant de revenir à un angle de 0,4 degré en cabré à 2 h 54 min 47 s. Le stabilisateur a finalement repris l'angle approximatif de 1,4 degré en cabré qu'il avait avant le débrayage du PA lorsque l'avion s'est remis en palier au FL350.

1.11.8 Vitesse et angle d'attaque

Juste après le débrayage du PA2, la vitesse, qui était de 296 noeuds en croisière au FL330, a commencé à diminuer de façon régulière. Cette diminution de vitesse a coïncidé avec une augmentation de l'angle de tangage et de l'angle d'attaque. À 2 h 53 min 32 s (soit 4 secondes environ après le débrayage du PA 2), l'angle d'attaque a augmenté rapidement de la valeur qu'il avait en croisière (+1 degré environ) jusqu'à 9,5 degrés. Juste après, la plus importante force totale (gauche et droite) en cabré exercée sur le manche d'au moins 110 newtons (environ 24 livres) a été enregistrée.

La vitesse enregistrée a chuté à 154,5 noeuds au moment où l'avion se retrouvait à l'altitude pression maximale de 38 470 pieds (FL385). Au FL385, l'angle d'attaque a augmenté aux environs de +11,2 degrés. Au même moment (à 2 h 54 min 10 s), un avertissement de décrochage a été enregistré. L'angle d'attaque a ensuite diminué rapidement jusqu'à +7 degrés environ. Une dizaine de secondes plus tard, l'angle d'attaque s'est de nouveau mis à augmenter et a atteint +12,1 degrés, alors que l'angle de tangage qui diminuait était de 3 degrés; il y a eu un autre avertissement de décrochage, et l'angle d'attaque a diminué. Deux autres augmentations à +11 degrés ont été enregistrées pour l'angle d'attaque et, à chaque fois, il y a eu un avertissement de décrochage. Le dernier de ces avertissements s'est produit à 2 h 54 min 40 s, au moment où l'avion avait une vitesse de 205 noeuds (vitesse qui augmentait) et passait le FL358 en descente.

1.11.9 Manettes des gaz et EPR

Les rapports de pression réacteurs (EPR) enregistrés pour les réacteurs gauche et droit pendant que l'avion était en croisière au FL330 sont tous les deux de 1,21. Les EPR enregistrés pour les deux réacteurs sont demeurés à des niveaux identiques tout au long de l'incident. L'angle des manettes des gaz a augmenté dans la seconde qui a suivi le débrayage du PA2; l'EPR a augmenté à 1,42 en moins de cinq secondes. L'angle des manettes des gaz a ensuite diminué rapidement à une cadence supérieure à 19 degrés par seconde. Puis cet angle a de nouveau augmenté de quelque 7 degrés par seconde; l'EPR a suivi et s'est stabilisé à 1,58 en moyenne. L'avion en montée passait le FL375 à 172 noeuds lorsque l'angle des manettes des gaz s'est remis à augmenter rapidement; l'EPR a fait une pointe à 1,65. Une diminution de l'angle des manettes des gaz a été enregistrée et l'EPR s'est de nouveau stabilisé à 1,58 à 2 h 54 min 4 s. Après le passage à l'altitude maximale, une petite augmentation de l'EPR a été constatée à 2 h 54 min 27 s (1,60), en même temps qu'une augmentation rapide de l'angle des manettes des gaz. Au bout d'une seconde et demie, cet angle a diminué avant de se remettre à augmenter cinq secondes plus tard, à une cadence approximative de 2 degrés par seconde, au moment où l'avion passait le FL365 en descente; l'angle des manettes des gaz a augmenté à 81 degrés. L'EPR a alors augmenté à 1,67 avant de redescendre doucement vers la valeur moyenne antérieure de 1,58 environ, les manettes des gaz restant à un angle de quelque 81 degrés.

D'après Airbus, si les manettes des gaz se sont déplacées à 2 h 53 min 34 s, à 2 h 54 min 4 s et à 2 h 54 min 27 s, c'est parce qu'un pilote les a déplacées lui-même.

Les tableaux du manuel de vol indiquent que le niveau de poussée maximale continue au FL360 correspond à un EPR de 1,675, si la température totale (TAT) se situe entre −20 et −40 degrés Celsius.

Figure 3. Manettes des gaz selon DAR
Manettes des gaz selon DAR

Nota : Consulter le lexique de l'annexe A pour la signification des termes anglais.

1.11.10 Forces contraires exercées sur les commandes

L'enquête a révélé que pendant certaines parties de l'incident, des forces contraires ont été exercées sur le manche.

À 2 h 53 min 45 s, au moment où l'avion passait le FL350 en montée selon un angle de tangage de 22 degrés, le manche gauche était en position de cabré et le manche droit en position de piqué. En raison de la géométrie du système de commandes, les forces se sont additionnées, ce qui a donné lieu à une force nette de cabré.

À 2 h 54 min 42 s, la force exercée sur le volant du copilote a augmenté à 80 newtons environ et y est restée pendant une quinzaine de secondes; l'avion s'est incliné à gauche et s'est stabilisé à une inclinaison latérale gauche de 8 à 12 degrés pendant ce temps.

1.11.11 Performances et paramètres des systèmes

Le DAR a révélé que la masse de l'avion était de 131 000 kg au moment de l'incident, que le vent soufflait du 233 degrés vrai à une vitesse relativement constante comprise entre 112 et 114 noeuds.

Avant l'incident, le centrage était stable à 38,6 % de la MAC. Au cours de l'incident, le centre de gravité s'est déplacé vers l'arrière jusqu'à 39,6 % de la MAC lorsque l'avion a atteint le FL385. À 2 h 54 min 23 s, le centre de gravité s'est déplacé vers l'avant et a atteint 33 % environ de la MAC lorsque l'avion a été sur le point de se remettre en croisière stable au FL350.

Aucune chute de pression au-dessous des minimums n'a été enregistrée dans le circuit hydraulique jaune. Toutes les quatre secondes, on mesure la pression et l'on vérifie si la pression est basse dans les servocommandes. Il peut s'écouler au plus 2,2 secondes entre les échantillonnages de chacun de ces deux paramètres.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

Sans objet.

1.13 Renseignements médicaux

Aucun problème d'ordre médical qui aurait pu perturber les capacités de l'équipage n'a été signalé.

1.14 Incendie

Il n'y a pas eu d'incendie.

1.15 Questions relatives à la survie

Selon les déclarations du personnel de cabine, ni l'équipage ni les passagers n'ont eu de problèmes importants à cause de l'incident. Les forces en vol ont été davantage ressenties dans la partie arrière de l'avion. Aucune blessure n'a été signalée.

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Recherches

En plus de fournir les données du DAR au BST, TAROM a fait parvenir à l'avionneur une copie des données du DAR sur disquette. Airbus Industrie a examiné les données et a transmis des renseignements sur le comportement de divers systèmes au cours de l'incident. De plus, l'avionneur a donné des renseignements sur les performances de l'avion ayant un rapport avec l'incident.

1.16.2 Automanettes

Une seule opération faite par le calculateur TCC 1 (thrust control computer) est enregistrée par l'enregistreur de vol. L'avionneur, cependant, a déclaré que ses recherches ont révélé que le dispositif des automanettes était resté embrayé pendant tout l'incident. Cette conclusion est basée sur les vitesses de déplacement des manettes et sur les propriétés de redondance du dispositif.

1.16.3 Déplacement du stabilisateur compensable

Une étude d'Airbus Industrie portant sur le déplacement du stabilisateur pendant l'incident a révélé que l'équipage n'a pas actionné le système de compensation pendant l'incident. Le mouvement de piqué du stabilisateur entre 2 h 53 min 28 s et 2 h 54 min 45 s suivi d'un mouvement en cabré semble avoir aidé l'équipage à reprendre la situation en main. Ce déplacement du stabilisateur a été attribué aux propriétés des modes Alpha/Mach/Vc du compensateur. L'avionneur a déclaré que le stabilisateur avait fonctionné normalement.

1.16.4 Avertissement relatif au centrage

L'avionneur a examiné la situation de centrage arrière qui est survenue pendant le vol. Ses recherches ont montré que l'équipage avait probablement reçu un avertissement de centrage arrière, après quoi l'équipage avait décidé de transférer du carburant vers l'avant. Cet avertissement se fonde sur un calcul, effectué par le calculateur central d'alarmes (FWC), d'un centrage «aérodynamique» tiré en partie de la position du stabilisateur. Durant l'incident, les gouvernes de profondeur se sont déplacées vers le haut tandis que le stabilisateur se déplaçait vers le bas, ce qui a amené le FWC à calculer un centrage plus à l'arrière qu'en réalité. L'avionneur a jugé que le voyant d'avertissement jaune de «centrage arrière» (qui s'allume normalement à 41 % de la MAC) s'était fort probablement déclenché à une valeur inférieure à 41 %.

1.16.5 Caractéristiques de décrochage de l'A310

On a demandé à l'avionneur de fournir les vitesses au FL370 et l'angle d'attaque correspondant aux indications de l'imminence d'un décrochage et au décrochage comme tel. Airbus Industrie a indiqué que les vibrations apparaissaient à Mach 0,63 pour un angle d'attaque de 6,5 degrés. L'avertissement de décrochage survient à un angle d'attaque de 10 degrés, le décrochage aérodynamique ayant lieu à des angles d'attaque supérieurs à 10,6 degrés. L'avionneur a ajouté que, à des altitudes supérieures à 30 000 pieds, les vibrations apparaissent avant l'avertissement de décrochage, ce qui permet au pilote d'être prévenu grâce aux propriétés aérodynamiques intrinsèques de l'avion, conformément aux exigences de la partie 25.207 des Federal Aviation Regulations (FAR).

1.16.6 Forces exercées sur les commandes

Les forces exercées sur les commandes qui ont été mesurées par le FDR ont fait l'objet d'un examen qui a révélé à Airbus Industrie que la commande de tangage avait été manoeuvrée de façon incorrecte très tôt après le début du cabré pris par l'avion. Étant donné que les recherches et les tests effectués par Airbus Industrie ont montré que le déplacement au neutre de la gouverne de profondeur déplace la gouverne de profondeur à un angle de cabré maximal de 0,4 degré, l'avionneur a également attribué une partie du premier déplacement de la gouverne de profondeur, après le débrayage du PA, à une certaine intervention de l'équipage sur les commandes. L'examen de l'avionneur a également permis de constater que le degré d'efficacité des gouvernes de profondeur en piqué dont disposait l'équipage était bien plus grand que l'usage qu'en a fait l'équipage durant la phase de montée de l'incident.

1.17 Renseignements sur la compagnie et la gestion

La compagnie aérienne TAROM appartient à l'État. Les services de maintenance de TAROM relèvent du directeur technique de la compagnie. Swissair effectue sur une base contractuelle des travaux de maintenance pour le compte de TAROM, et pour de nombreuses autres compagnies réparties à travers le monde, y compris au Canada. Le conseiller technique de Swissair en poste à Bucarest surveille les travaux de maintenance en ligne effectués par TAROM. Le calendrier des grandes visites et des travaux spéciaux de maintenance devant être effectués par Swissair est coordonné par le représentant de Swissair après consultation avec l'organisme de maintenance de TAROM.

Airbus Industrie a un responsable du service à la clientèle sur place à Bucarest; cette personne aide TAROM dans l'exploitation de l'A310 et sert de contact entre l'avionneur et la compagnie.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Route de navigation

Juste avant la coupure du PA qui a marqué le début de l'incident en vol, l'avion avait été autorisé à se rendre directement de sa position (48°22′N, 70°08′W) à SCROD (54°37,0′N, 55°52,0′W). Avant cela, l'avion se dirigeait vers le point de compte rendu ANCER (48°33,5′N, 06°25,3′W).

Une modification de trajectoire sol de 18 degrés était nécessaire pour que l'avion puisse se rendre, de la position où il se trouvait, vers SCROD plutôt que vers ANCER.

1.18.2 Incident à Orly

Le 24 septembre 1994, en approche finale sur l'aéroport de Paris-Orly, en France, le même avion, YR-LCA, était parti dans un cabré de 60 degrés suivi d'un piqué de plus de 30 degrés. Le BEA a publié un rapport préliminaire indiquant qu'une sortie 20/20 des becs et des volets à une vitesse légèrement supérieure à la vitesse indiquée limite de 195 noeuds était à l'origine de l'incident. Pendant cet incident, le PA n'était pas en marche. Juste avant l'incident, le stabilisateur s'était déplacé de plus de 10 degrés de sa position stable pendant l'approche finale.

1.18.3 Autres cas de tangage de l'A310

Le 25 novembre 1994, un A310 d'une compagnie aérienne asiatique a effectué une manoeuvre intempestive après une coupure du PA à la vitesse de Mach 0,83. Après le débrayage, les gouvernes de profondeur se sont déplacées de 0,7 degré en piqué à 1,05 degré en cabré, ce qui s'est traduit par un facteur de charge de 1,78 g. Les gouvernes de profondeur ont été mises à 3,52 degrés en piqué, ce qui a donné lieu à un léger facteur de charge négatif. Les gouvernes de profondeur se sont ensuite déplacées en direction opposée pour produire un facteur de charge de 2,15 g. Quelques passagers ont été blessés pendant l'incident à cause des forces d'accélération négatives et positives.

Au cours d'un vol d'essai effectué à la suite de l'incident, il est apparu que l'avion partait en cabré si le PA débrayait. Des essais au sol ont confirmé qu'il y avait déplacement des gouvernes de profondeur chaque fois que le PA était débrayé. La compagnie aérienne a eubeau remplacer certains composants, y compris le moteur de la servocommande de tangage du PA, et effectuer un nouveau réglage complet de la tringlerie de commande du PA et des gouvernes de profondeur, ces dernières se déplaçaient toujours au moment du débrayage du PA. Finalement, il a été établi, avec l'aide d'Airbus Industrie, que la broche de réglage mentionnée dans le manuel de maintenance ne convenait pas. À la suite de l'incident en vol de l'avion de la compagnie aérienne asiatique, le télex AOT 27-20 a été envoyé à tous les exploitants. Au moins trois autres cas de tangage intempestif (à la suite d'une coupure du PA) ont été signalés par d'autres compagnies aériennes.

1.18.4 Le télex AOT 27-20

Le télex AOT 27-20, qui s'appliquait à tous les A300, A300-600 et A310, a été envoyé par Airbus Industrie le 19 décembre 1994. Le télex (voir annexe B) indiquait qu'il était impossible de faire un réglage mécanique à zéro du PA avec la broche de réglage (réf. OU131388) indiquée dans le manuel de maintenance de l'avion 27-31-00, tranche de page 501, alinéa 1 a. La broche n'est pas assez longue pour traverser le levier du limiteur de couple et effectuer le réglage interne de la servocommande du PA. Le télex AOT 27-20, sous la rubrique des «conséquences», précisait ce qui suit :

[TRADUCTION LIBRE] Si le PA est mal réglé, l'avion risque de partir rapidement en cabré ou en piqué s'il y a coupure inopinée du PA. L'amplitude du braquage des gouvernes de profondeur et du facteur de charge connexe est fonction de l'importance du mauvais réglage. De plus, puisque la broche et le principe de réglage sont les mêmes pour la servocommande en lacet du PA, cette dernière risque elle aussi d'être mal réglée, et ce mauvais réglage peut éventuellement se traduire par des mouvements intempestifs en lacet au moment de la coupure du PA.

Le télex AOT 27-20 exigeait une vérification du réglage des servocommandes en tangage et en lacet du PA à l'aide d'une broche ordinaire de 8 mm de diamètre sur 200 mm de longueur (réf. 98A27307541000). La figure 4 permet de comparer les deux broches.

Figure 4. Broches de réglage
Broches de réglage

Cette vérification de réglage devait être effectuée «à la prochaine occasion, mais pas plus de 500 heures de vol après réception du présent télex». La durée de la vérification avait été estimée à une heure-personne par avion. Le télex précisait qu'une révision temporaire aux chapitres du manuel de maintenance de l'avion indiquant la mauvaise broche de réglage serait publiée d'ici le début de janvier 1995. De plus, l'avionneur exigeait que les résultats des vérifications de réglage demandées dans le télex AOT 27-20 lui soient transmis. Le message envoyé le 25 janvier 1995 par le responsable sur place du service à la clientèle d'Airbus, après une inspection effectuée par TAROM, précisait que l'avion numéro 450-636-644 avait subi les vérifications demandées dans le télex et que les résultats étaient bons.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

L'avion se trouvait en croisière au FL330 où tout se déroulait normalement. Le commandant de bord était aux commandes et effectuait des tâches habituelles de navigation. L'analyse porte sur le problème de PA à l'origine de l'incident, sur la réaction de l'avion et de l'équipage, sur les parties du vol comprenant le rétablissement et l'après-rétablissement ainsi que le retour en croisière. L'analyse aborde également les mesures de maintenance qui ont été prises avant et après l'incident.

2.2 Coupure du pilote automatique

Le PA2 (CMD2) était en marche lorsque les événements ont débuté. Le commandant de bord utilisait le FMS en mode NAV et venait tout juste d'y entrer le point d'entrée océanique SCROD, et il consultait le CDU pour trouver la nouvelle estimée demandée par le contrôleur. Au même moment, le commandant de bord a entendu une sorte de chuintement qui lui a fait penser au bruit créé par la turbulence; c'est alors que le PA a débrayé et que l'avion s'est mis en cabré.

Le bruit entendu par le pilote pouvait faire croire que de la turbulence était à l'origine de l'incident. Après avoir examiné les conditions météorologiques qui prévalaient dans la région au moment de l'incident, on a jugé que la présence de turbulence était peu probable. Le vent, bien que violent (plus de 100 noeuds), avaient de faibles composantes de cisaillement vertical et horizontal. Les températures prévues pour les régions avoisinantes étaient très basses. Il n'y a eu aucun autre rapport de turbulence en ciel clair dans la région de l'incident. L'équipage concerné n'a signalé aucun autre problème de turbulence en vol après avoir regagné son niveau de croisière. Les bruits du genre de ceux entendus par le commandant de bord peuvent être la conséquence de modifications rapides de l'angle de la trajectoire de vol, de l'angle d'attaque ou d'un mouvement de lacet. La modification rapide de l'inclinaison longitudinale et de l'angle d'attaque ressentie au début des événements pourrait très bien expliquer le bruit entendu par le commandant de bord. Le bruit est probablement survenu au moment du débrayage du PA et serait attribuable à la réaction de l'avion, et non pas à une force extérieure comme de la turbulence en ciel clair.

Il n'a pas été possible d'examiner les FCC parce qu'ils ont été enlevés de l'avion après l'incident, et les raisons de la coupure n'ont pu être établies. Le fait qu'aucune entrée n'a été consignée après l'incident dans le carnet de l'avion pour signaler les problèmes de PA a empêché que les dispositifs puissent subir une analyse de maintenance en temps opportun. Il est évident que l'incident méritait une entrée dans le carnet de l'avion.

Quelques-unes des conditions nécessaires pour que le PA reste embrayé ont été examinées dans l'espoir de cerner la cause du débrayage. Aucune entrée ne signalait des ennuis sur plusieurs des systèmes examinés. Par exemple, aucun ennui de moteur des servocommandes de tangage et de roulis n'avait été signalé. Les FCC, les moteurs des servocommandes de tangage et de roulis ainsi que les systèmes de compensation en tangage n'ont subi aucune panne dans les semaines ayant précédé et ayant suivi l'incident. Rien n'indiquait que les systèmes d'amortissement de lacet avaient présenté des problèmes; les IRS 1, 2 et 3 ont fonctionné normalement pendant le vol de l'incident. Il semble que les ADC 1 et 2 et les FCU aient fonctionné pendant la totalité du vol de l'incident. Aucun des membres de l'équipage n'actionnait les commandes manuellement au moment du débrayage; toutefois, la possibilité que l'avion se soit mis en cabré à la suite d'une certaine intervention de l'équipage, peu après le débrayage du PA, ne peut être écartée.

Comme l'avion était en virage à gauche au moment du débrayage du PA et que l'avion s'est ensuite mis en cabré, l'hypothèse d'un déplacement asymétrique des gouvernes de profondeur a été envisagée. De par leur conception, les deux gouvernes de profondeur ne pouvaient fonctionner indépendamment à la vitesse de l'avion au moment de l'incident. Il n'y a eu ni rapport ni indication de déplacement asymétrique des gouvernes de profondeur, et le comportement de la commande en roulis a semblé normal. Le virage à gauche était la conséquence normale de l'entrée du nouveau point de cheminement SCROD, et n'indique nullement qu'un déplacement anormal ou asymétrique des gouvernes de profondeur puisse être un facteur qui aurait déclenché l'incident.

Deux conditions nécessaires à l'embrayage du PA (une bonne alimentation électrique et une bonne pression) sont des possibilités qui n'ont pu être écartées comme cause du débrayage du PA2. Par ailleurs, les forces exercées sur le manche par l'équipage ou l'utilisation par l'équipage du bouton de débrayage semblent des causes peu probables du débrayage du PA.

Aucune entrée précise signalant une mauvaise alimentation électrique du PA2 ayant pu mener au débrayage n'a été faite. Toutefois, la possibilité d'une panne d'alimentation électrique de courte durée, non détectée et passagère du PA ne peut être écartée.

L'examen des antécédents de maintenance de l'avion a permis de relever plusieurs entrées relatives à la pression du circuit hydraulique jaune. Plusieurs semaines après l'incident, il a été établi que ce problème récurrent de pression était relié à une fausse détection de l'avertisseur de bas niveau de liquide dans la bâche, provoquant la fermeture d'une soupape d'arrêt, mesure prévue pour conserver du liquide dans le circuit jaune pour faire fonctionner la turbine à air dynamique. On a relevé dans le carnet de l'avion des entrées qui signalaient des défaillances intermittentes du circuit jaune et parfois de brèves coupures du PA2; ces entrées ont été faites avant et après l'incident. La pression hydraulique du PA2 provient du circuit jaune.

Le DAR n'a révélé aucune perte de pression du circuit hydraulique jaune au moment du débrayage du PA. Toutefois, l'intervalle auquel cette pression est échantillonnée ne dépasse pas les 2,2 secondes, et le DAR peut très bien ne pas avoir enregistré une perte de pression passagère. Une entrée faite le 13 mars 1995 indiquait qu'une perte de pression dans le circuit jaune n'avait duré que deux secondes.

Après avoir examiné les systèmes pouvant empêcher que le PA reste embrayé, il semble logique de conclure qu'une raison possible du débrayage spontané du PA2 serait une perte de pression passagère dans le circuit hydraulique jaune. Cette perte de pression serait peut-être due à un petit déplacement du liquide au moment du virage à gauche vers SCROD, ce qui aurait provoqué une fausse alarme de bas niveau.

2.3 Réactions de l'avion

2.3.1 Introduction

Une accélération verticale maximale (facteur de charge) de 1,94 g est apparue dans les quatre secondes qui ont suivi le débrayage du PA. Un examen des déplacements des gouvernes de profondeur et du stabilisateur montre que l'avion a réagi par un violent déplacement en cabré des gouvernes de profondeur qui sont passées de +1,05 degré en piqué à 1,76 degré en cabré au moment de la coupure du PA. Ce déplacement des gouvernes de profondeur a donné lieu à un rapide moment de cabré. Toutefois, si l'on compare cet incident à celui survenu au même avion à Orly le 24 septembre 1994, on constate que le stabilisateur s'est très peu déplacé. Les caractéristiques et l'origine de ces deux incidents sont différentes et semblent n'avoir aucun rapport d'ordre technique.

Le facteur de charge subi par l'avion pendant l'incident survenu au Canada a été inférieur au maximum permis de 2,5 g, mais il a tout de même atteint une valeur élevée pour un avion de cette catégorie. La discussion qui suit porte sur les raisons du déplacement des gouvernes de profondeur.

2.3.2 Déplacement des gouvernes de profondeur

Des exploitants d'A310 ont signalé des montées et des descentes intempestives au moment de la coupure du PA en croisière. En Asie, en novembre 1994, un A310 est parti en montée prononcée après un débrayage du PA; plusieurs passagers ont été blessés parce que les commandes ont dû être manoeuvrées violemment pour arrêter la montée, et des forces d'accélération négatives sont apparues. Le débrayage du PA et la gravité de l'événement ont été attribués à une certaine intervention de l'équipage sur la commande de tangage. Un autre exploitant européen d'A310 a signalé des faits identiques, mais pas aussi graves. Tous ces événements ont un point en commun : la servocommande de profondeur du PA était mal réglée. Le mauvais réglage a été attribué à l'utilisation d'une broche de réglage de mauvaise dimension. La mauvaise broche était celle mentionnée dans le manuel de maintenance homologué. À la suite de l'incident qui est survenu en Asie en 1994, l'avionneur a envoyé le télex AOT 27-20 à tous les exploitants d'A310 pour leur demander de vérifier le réglage suspect. TAROM a reçu le télex AOT 27-20, et le carnet de l'avion montre que les travaux ont été effectués pour se conformer au télex. Quinze jours après l'incident de TAROM près de Rivière-du-Loup, des techniciens de l'avionneur ont aidé TAROM à vérifier le réglage de la servocommande de profondeur du PA. L'équipe d'Airbus a découvert des problèmes de réglage et a fait les corrections nécessaires pour satisfaire aux exigences du télex AOT 27-20. La servocommande de profondeur du PA était donc mal réglée au moment de l'incident.

Le mauvais réglage incline la position neutre des gouvernes de profondeur si le PA est embrayé. Si la servocommande est bien réglée, ces gouvernes restent au neutre et ne bougent pas au moment du débrayage automatique du PA, ce qui évite les «à-coup» ou moment de tangage. En vol en palier, si le PA est embrayé tandis que la servocommande de profondeur est mal réglée, le stabilisateur compense cette mauvaise position des gouvernes de profondeur en produisant une compensation opposée. Si les gouvernes de profondeur sont mal réglées vers le bas (+), le stabilisateur équilibre le tout par une compensation en cabré. Ce sont les conditions qui prévalaient au moment de l'incident.

Le DAR montre que les gouvernes de profondeur sont passées de 1,05 degré en piqué à 1,76 degré en cabré, soit une modification en cabré de quelque 2,8 degrés. L'avionneur a déclaré qu'un mauvais réglage de la servocommande de profondeur du PA n'aurait pas dû provoquer un tel déplacement des gouvernes. L'avionneur a indiqué que les gouvernes se seraient déplacées d'au plus 0,4 degré en cabré et que le reste du déplacement pourrait s'expliquer par une certaine intervention des pilotes. Le fait que le commandant de bord était en train de se servir du FMS et que le copilote faisait une pause semble infirmer l'hypothèse voulant que l'équipage aurait manoeuvré la commande de tangage exactement au moment du débrayage du PA. Toutefois, la possibilité d'une certaine intervention d'un pilote sur la commande de tangage, causant une partie du déplacement des gouvernes de profondeur et le premier cabré pris par l'avion, ne peut être écartée.

On a conclu que le cabré pris par l'avion en réaction à la situation est directement attribuable au mauvais réglage de la servocommande de profondeur du PA.

2.3.3 Vitesse de l'avion

La vitesse de l'avion au début de l'incident était de Mach 0,83; bien qu'inférieure de Mach 0,01 par rapport à la vitesse limite, elle était tout de même supérieure à la vitesse de croisière économique normale qui est de Mach 0,8. La pression dynamique plus forte a augmenté la réaction en tangage de l'avion à cause du déplacement des gouvernes de profondeur. Le dispositif de compensation de Mach/Vc aurait eu peu ou pas d'effet sur le cabré au moment du débrayage du PA parce qu'il n'y a pas eu d'augmentation de vitesse. À mesure que la vitesse chutait pendant la montée, l'effet de compensation de Mach/Vc aurait modifié l'assiette de piqué; pendant la descente, des changements dans l'assiette de cabré seraient apparus.

2.3.4 Centrage

À cause d'ennuis apparents du CGCC et du séquencement de transfert de carburant, le centrage se trouvait en arrière du maximum normal fixé aux environs de 37 % de la MAC. L'effet sur le premier moment de cabré a dû être minime, le stabilisateur se chargeant de compenser la plupart des effets du centrage arrière. Toutefois, pendant la montée, le centrage est passé encore plus à l'arrière de sa valeur en croisière de 38,5 % de la MAC pour atteindre 39,3 %. Quand l'avion a atteint la vitesse minimale au cours de l'incident, le commandant de bord a actionné les interrupteurs d'ouverture des robinets carburant pour déplacer le centrage vers l'avant.

Le centrage arrière a réduit légèrement la vitesse de décrochage. L'avionneur a déclaré que la stabilité longitudinale de l'avion aurait été assurée avec un centrage avoisinant la limite de centrage arrière fixée à 40 % de la MAC, mais que l'avion aurait eacute;té plus stable en centrage avant. Le fait que le commandant de bord a décidé de transférer du carburant pendant la partie descente de l'incident a provoqué un effet de piqué qui n'a pas dû aider à rétablir la situation au moment où l'avion arrivait au FL315. Il semble que l'équipage ait géré la défaillance du CGCC d'une manière qui n'était pas conforme à la procédure de la liste de vérifications.

2.3.5 Manettes des gaz

À plusieurs reprises pendant l'incident, les manettes des gaz se sont déplacées, ce qui a provoqué des variations de poussée (EPR). Dans les premiers moments de l'incident, les automanettes ont commandé le déplacement des manettes des gaz car la vitesse était passée sous la vitesse cible. Comme le prouve la vitesse de déplacement des manettes, l'équipage a réduit manuellement l'angle des manettes de la position de 72 degrés quand les EPR ont atteint 1,4. Par voie de conséquence, les EPR sont passés approximativement aux valeurs de croisière. Les automanettes ont ensuite ramené fidèlement les manettes des gaz à la position de 72 degrés, et les EPR se sont stabilisés vers 1,6. La poussée des réacteurs est demeurée élevée puisque les automanettes essayaient d'atteindre la vitesse cible, ce qui n'était pas possible compte tenu du fort taux de montée. Il y a eu verrouillage de la puissance dans le cadre des mesures de protection du domaine de vol, une fois que l'avion a atteint des angles d'attaque importants.

2.4 Réactions de l'équipage

La charge de travail de l'équipage n'était pas lourde quand l'incident a débuté. Le commandant de bord s'occupait de tout puisque le copilote avait pris quelques instants de repos. Le commandant effectuait des tâches ordinaires de navigation qui lui demandaient de se pencher pour consulter le CDU. L'attention du pilote était concentrée sur le CDU au moment du débrayage du PA.

Le commandant de bord a perçu un bruit qu'il a attribué à de la turbulence, et il a réagi au cabré en poussant sur le manche quelque cinq secondes plus tard. Cette force opposée exercée sur les gouvernes de profondeur a réussi temporairement à ramener les forces d'accélération au-dessous de 1 g. Il ne fait aucun doute que les forces ressenties par l'équipage ont dû sembler extrêmement importantes pour l'A310. Plusieurs oscillations du taux de tangage, du déplacement des gouvernes de profondeur et des forces d'accélération verticales ont été observées. Ces forces d'accélération verticales sont restées inférieures à 1 g, une fois l'angle de cabré maximal atteint. Les pilotes auraient pu exercer physiquement des forces plus importantes sur le manche pour éviter l'angle de tangage important ou ils auraient pu jouer avec le compensateur de tangage pour réduire les forces au manche. En n'exerçant pas toute la force possible sur le manche et en ne compensant pas au maximum, l'équipage a permis d'éviter l'apparition de forces d'accélération négatives qui auraient pu occasionner des blessures aux occupants; toutefois, cela a permis à l'avion de se mettre en situation de décrochage. À certains moments au cours de l'incident, immédiatement après le premier débrayage du PA, l'avion n'était plus maîtrisé, et les interventions qui ont été faites sur les commandes étaient inappropriées pour redresser l'avion. C'est l'embrayage du PA qui a permis le rétablissement de l'avion au début de la seconde montée qui a suivi la descente au FL315.

Les messages radio du commandant de bord sont empreints d'inquiétude et indiquent que l'avion avait de sérieux ennuis. L'équipage a dû faire de gros efforts pour essayer de reprendre la situation en main. Le copilote a voulu prêter main-forte au commandant de bord et a lui aussi actionné les commandes. Les mesures prises par les pilotes n'étaient pas nécessairement coordonnées, ce qui aurait très bien pu créer des problèmes. En décidant de ne pas déranger l'équipage quand il a constaté les écarts d'altitude, le contrôleur du Centre de Moncton a réduit la charge de travail de l'équipage. Une telle décision aurait été difficile à prendre s'il y avait eu des conflits avec d'autres avions. Le rétablissement avec mise en croisière à 2 000 pieds au-dessus de l'altitude autorisée montre que l'incident a troublé l'équipage. Toutefois, rien n'indique que l'équipage était inquiet au point de se dérouter pour que des mesures de maintenance puissent être prises, ni au point de signaler l'incident dans le carnet de l'avion.

2.5 Maintenance

C'est un problème de maintenance qui est à l'origine de l'incident. En effet, la servocommande de profondeur du PA était mal réglée. Le problème avait été relevé par l'avionneur qui l'avait signalé aux exploitants d'A310 par le télex AOT 27-20. Dans le télex, l'avionneur avait également signalé une façon provisoire de remédier au problème.

Malgré une vérification du réglage de la servocommande de profondeur du PA environ deux mois plus tôt, l'avion n'était toujours pas réglé correctement. Il y a deux explications possibles : soit que la mauvaise broche de réglage a été utilisée, soit que la broche de réglage n'a pas été insérée au complet, parce que le personnel de maintenance du transporteur n'avait pas l'habitude d'exécuter des procédures de réglage et manquait d'expérience dans ce domaine.

3.0 Faits établis

  1. La procédure de réglage de l'avion contenue dans le manuel de maintenance a entraîné un mauvais réglage de la servocommande de profondeur du pilote automatique car cette procédure précisait l'utilisation d'une broche de réglage qui ne convenait pas.
  2. Compte tenu de ses dimensions, la broche de réglage ne pouvait pas régler correctement la servocommande de profondeur du pilote automatique.
  3. L'avionneur avait prévenu les exploitants d'A310, y compris TAROM, qu'il fallait revérifier le réglage des servocommandes du pilote automatique à l'aide d'une broche de réglage différente, laquelle était précisée dans le télex AOT 27-20.
  4. L'exploitant avait vérifié le réglage des servocommandes du pilote automatique, mais la servocommande de profondeur était restée mal réglée, soit parce que la mauvaise broche de réglage avait été utilisée ou parce que la bonne broche de réglage n'avait pas été insérée au complet.
  5. Au moment du débrayage du pilote automatique, les gouvernes de profondeur n'étaient pas au neutre et le stabilisateur était mal compensé à cause des corrections apportées automatiquement à ce dernier pour tenir compte du mauvais réglage.
  6. Le pilote automatique numéro deux (CMD2), lequel reçoit son alimentation hydraulique du circuit jaune, était utilisé au moment de l'incident.
  7. Le circuit hydraulique jaune avait des ennuis de transmetteur de quantité qui a provoqué à l'occasion une perte de pression passagère dans le circuit lors d'autres vols.
  8. Le pilote automatique numéro deux a débrayé, peut-être à cause d'une indication temporaire de bas niveau ou de basse pression dans le circuit hydraulique jaune; des ennuis dans d'autres dispositifs essentiels au fonctionnement du pilote automatique n'ont toutefois pu être écartés comme cause possible de ce débrayage.
  9. Le mouvement de cabré des gouvernes de profondeur et la compensation erronée du stabilisateur ont provoqué un moment de cabré quand le pilote automatique a débrayé.
  10. Le nombre de Mach élevé de l'avion a ajouté au moment de cabré.
  11. À certains moments au cours de l'incident, immédiatement après le premier débrayage du PA, l'avion n'était plus maîtrisé, et les interventions qui ont été faites sur les commandes étaient inappropriées pour redresser l'avion.
  12. Le circuit carburant de l'A310 a des ennuis récurrents de CGCC.
  13. Le centrage de l'avion était plus à l'arrière que la normale à cause d'une défaillance du CGCC et des mesures prises par l'équipage en réaction à la défaillance.
  14. Le dispositif de protection du domaine de vol a aidé l'équipage à reprendre la situation en main à partir de la partie à basse vitesse de l'incident et a essayé d'apporter des changements d'assiette bénéfiques pendant la montée et la descente.
  15. L'équipage n'a pas signalé l'incident dans le carnet de l'avion, mais il aurait dû le faire.
  16. La décision du contrôleur du Centre de Moncton de ne pas déranger l'équipage à un moment critique a facilité la tâche de l'équipage qui essayait de reprendre la situation en main.

3.1 Causes et facteurs contributifs

L'incident a été provoqué par un mauvais réglage de la servocommande de profondeur du pilote automatique, ce qui a donné lieu au premier cabré pris par l'avion, et par l'intervention inefficace ou incorrecte de l'équipage sur la commande de tangage, ce qui a fait décrocher l'avion. Le centrage arrière et la vitesse élevée de l'avion ont contribué à l'incident.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

Il y a deux exploitants d'A310 au Canada : Air Club International et le ministère de la Défense nationale (MDN). (Les Lignes aériennes Canadien International effectuent des travaux de maintenance pour le compte du MDN). Les deux exploitants ont été contactés en mai 1995 pour vérifier si les instructions du télex AOT 27-20 avaient été exécutées. Tous les A310 au Canada avaient subi les vérifications des servocommandes de PA exigées dans le télex AOT 27-20.

Comme l'indique le télex AOT 27-20, une modification au manuel de maintenance de l'A310 (et de l'A300-600) exigeant l'utilisation de la broche de réglage 98A27307541000 a été publiée le 1er juin 1995.

La consigne de navigabilité (CN) 95-164-183 (B) a été publiée par la Direction Générale de l'Aviation Civile de France le 30 août 1995, sa date d'entrée en vigueur ayant été fixée au 9 septembre 1995. Au Canada, les consignes de navigabilité publiées par le pays de construction sont obligatoires. Cette consigne précisait que, dans les 500 heures de vol, les exploitants devaient exécuter les mesures indiquées dans le télex AOT 27-20 et s'assurer que les chapitres du manuel de maintenance avaient été mis à jour.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.

Annexes

Annexe A - Données radar et données supplémentaires de l'enregistreur numérique des systèmes de surveillance intégrée de l'avion

L'annexe A-1 s'intitule Sept-Îles Radar Data (Données du radar de Sept-Îles).

Les annexes A-2, A-3, A-4 et A-5 s'intitulent Tarom A310-300,
YR-LCA, Altitude Deviation, 02 March 1995 (Écart d'altitude survenue le 2 mars 1995 à l'A310-300 de Tarom, YR-LCA).

Consulter le lexique bilingue ci-après pour la signification des termes anglais utilisés dans les graphiques.

LEXIQUE
Ail Rate taux aileron
Aileron LH (deg + L Turn) aileron gauche (degrés + virage à gauche)
Aileron RH (deg = R Turn) aileron droit (degrés + virage à droite)
Altitude (feet) altitude (pi)
Altitude Rate (ft/min) taux d'altitude (pi/min)
Angle of attack:(No flaps)(deg) angle d'attaque, volets rentrés (degrés)
A/P 1 pilote automatique no 1
A/P 2 pilote automatique no 2
Body Pitch Rate (deg/sec) taux de tangage du fuselage degrés/s)
Body Roll Rate (deg/sec) taux de roulis du fuselage (degrés/s)
Column force RH (daN) force sur le manche droit
Column force LH (daN) force sur le manche gauche
Command Mode A/P 1 en mode PA1
Command Mode A/P 2 en mode PA2
Computed Airspeed (kts) vitesse préétablie (noeuds)
Data Loss perte de données
Derived VSI (ft/min) vitesse verticale (pi/min)
ELEV gouverne de profondeur
Elevator Position RH (deg) position de la gouverne de profondeur droite (degrés)
Eng 1 réacteur 1
Eng 2 réacteur 2
EPR rapport de pression réacteur
EPR Actual Eng 2 (ratio) EPR réel - réacteur 2
EPR Actual Eng 1 (ratio) EPR réel - réacteur 1
EPR Command Eng 1 (ratio) EPR réacteur 1
EPR Command Eng 2 (ratio) EPR réacteur 2
EPR TGT EPR cible
EPR Target TCC1 (ratio) EPR cible calculateur TCC 1 (thrust control computer)
FCC ALT altitude selon le calculateur des commandes de vol (FCC)
FCC: Set Alt Acq Arm Pos FCC : altitude sélectionnée, altitude atteinte, en position armée
FD Pitch tangage avant
FD Roll roulis avant
Flight Director Pitch (deg) tangage (en degrés) selon le directeur de vol
Flight Director Roll (deg) roulis (en degrés) selon le directeur de vol
Heading cap
LH gauche
Magnetic Heading (deg) cap magnétique (degrés)
N1 Eng 2(% rpm) N1 - réacteur 2 (% tr/min)
N1 Eng 1 (% rpm) N1 - réacteur 1 (% tr/min)
Normal Acceleration (g) accélération normale (g)
Pitch Angle (deg) angle de tangage (degrés)
Pitch Rate taux de tangage
Pressure Altitude (feet) altitude pression (pi)
Rate Angle (deg) angle de roulis (degrés)
Rate of climb vitesse ascensionnelle
RH droit(e)
Roll roulis
Roll Angle (deg) angle de roulis
Roll Rate taux de roulis
Rudder gouverne de direction
Rudder Position (deg + Nose) braquage gouverne de direction (degrés + nez)
Speed vitesse
Stab stabilisateur
Stabilizer Position (deg) braquage stabilisateur (degrés)
Stall Warning avertissement de décrochage
tr/min tours par minute
TRA Eng 1 (deg) angle des manettes des gaz du réacteur no 1 (degrés)
TRA Eng 2 (deg) angle des manettes des gaz du réacteur no 2 (degrés)
VHF très haute fréquence
Wheel Force LH (daN) force sur le volant gauche (décanewtons)
Wheel Force RH (daN) force sur le volant droit (décanewtons)
Figure 5. Sept-Îles Radar Data
Sept-Îles Radar Data
Figure 6. Sept-Îles Radar Data
Sept-Îles Radar Data
Figure 7. Sept-Îles Radar Data
Sept-Îles Radar Data
Figure 8. Sept-Îles Radar Data
Sept-Îles Radar Data
Figure 9. Sept-Îles Radar Data
Sept-Îles Radar Data

Annexe B - Télex à tous les exploitants (AOT) 27-20

Le télex a été envoyé en anglais à tous les exploitants.

ALL OPERATORS TELEX - ALL OPERATORS TELEX SUBJECT: A300/A300-600/A310/AUTOPILOT ACTUATORS RIGGING CHECK.
OUR REF: A300/A300-600/A310/AOT 27-20/19 DEC 1994

  1. AIRCRAFT AFFECTED
    ALL DELIVERED A300, A300-600, AND A310 AIRCRAFT.
  2. REFERENCED DOCUMENTATION
    AMM 22-13-23 AUTOPILOT PITCH ACTUATOR REMOVAL/INSTALLATION
    (A300-600 AND A310)
    AMM 22-13-24 PITCH TORQUE LIMITER LEVER REMOVAL/INSTALLATION
    (A300-600 AND A310)
    AMM 22-13-27 AUTOPILOT YAW ACTUATOR REMOVAL/INSTALLATION
    (A300-600 AND A310)
    AMM 22-13-28 YAW TORQUE LIMITER LEVER REMOVAL/INSTALLATION
    (A300-600 AND A310)
    AMM 22-11-28 AUTOPILOT YAW SERVOMOTOR REMOVAL/INSTALLATION (A300)
    AMM 22-11-29 YAW TORQUE LIMITER LEVER REMOVAL INSTALLATION (A300)
    AMM 22-12-28 AUTOPILOT PITCH ACTUATOR REMOVAL/INSTALLATION (A300)
    AMM 22-12-29 PITCH TORQUE LIMITER LEVER REMOVAL/INSTALLATION (A300)
    AMM 27-31-00 PAGE BLOCK 501 PITCH MECHANICAL CONTROL ADJUSTMENT/ TEST (A300, A300-600 AND A310).
  3. REASON REASON
    3.1. FACTS
    DURING A TEST FLIGHT, ONE OPERATOR HAS REPORTED A/C PITCH UP AT AUTOPILOT 1/2 DISENGAGEMENT DURING CRUISE. AFTER REPLACEMENT OF THE PITCH AUTOPILOT ACTUATOR, ANOTHER FLIGHT TEST WAS CARRIED OUT AND SIMILAR PHENOMENON WAS REPORTED. THE ASSOCIATED UPWARD DEFLECTION OF THE ELEVATOR SURFACE AT THE TIME OF A/P DISCONNECTION WAS AROUND 1.5 DEG. DURING TROUBLE SHOOTING AND RIGGING CHECK, IT WAS FOUND THAT THE MECHANICAL ZERO RIGGING OF THE A/P ACTUATOR COULD NOT BE ACHIEVED WHEN USING THE PIN P/N OU131388 AS RECOMMENDED IN A300-600 AND A310 AMM 27-31-00 PAGE BLOCK 501 PARA 1.A (4). FURTHER INVESTIGATIONS REVEALED THAT THIS PIN IS NOT LONG ENOUGH TO GO THROUGH THE TORQUE LIMITER LEVER AND TO INTERNALLY RIG THE A/P ACTUATOR.
    AFTER ADJUSTMENT OF THE MECHANICAL ZERO RIGGING USING A LONGER PIN, AN UNEVENTFUL FLIGHT TEST WAS PERFORMED.
    3.2. CONSEQUENCES
    IN CASE OF AUTOPILOT INCORRECT RIGGING, SUDDEN A/C PITCH UP OR PITCH DOWN COULD BE EXPERIENCED AT THE TIME OF UNFORESEEN A/P DISCONNECTION. THE AMPLITUDE OF ELEVATOR DEFLECTION AND ASSOCIATED LOAD FACTOR WILL DEPEND ON THE RIGGING OFFSET.
    IN ADDITION AS THE RIGGING PIN AND PRINCIPLE IS SIMILAR ON THE YAW AUTOPILOT ACTUATOR, THE SAME INCORRECT RIGGING COULD BE INTRODUCED DURING ADJUSTMENT OF THIS ACTUATOR, SUCH AN INCORRECT RIGGING COULD GENERATE YAW JERK AT A/P DISCONNECTION.
    3.3. AIM
    AIM OF THIS AOT IS TO REQUEST THE RIGGING CHECK OF BOTH PITCH AND YAW AUTOPILOT ACTUATOR USING A STANDARD 8 MM DIA AND 200 MM LONG PIN P/N 98A27307541000 WHICH IS EASIER TO USE THAN THE PIN P/N OU131388 AND PROVIDES A MORE POSITIVE INDICATION CONCERNING THE RIGGING CONDITION.
  4. SHORT TERM ACTION
    4.1. PLANNING
    IT IS REQUESTED TO CHECK THE RIGGING OF THE PITCH AND YAW AUTOPILOT ACTUATOR AT THE NEXT CONVENIENT OPPORTUNITY BUT NOT EXCEEDING 500 FLIGHT HOURS AFTER RECEIPT OF THIS AOT.
    THE CORRESPONDING ELAPSED TIME IS ONE MAN HOUR PER A/C FOR BOTH CHECKS (HALF AN HOUR PER ACTUATOR).
    4.2. DESCRIPTION
    FOR A300-600 AND A310:
    - CHECK THE PITCH AUTOPILOT ACTUATOR RIGGING AS DESCRIBED IN AMM 27-31-00 PAGE BLOCK 501 PARA 1.D (4). AT STEP (B) DO NOT RIG THE AUTOPILOT SERVO MOTOR WITH PIN P/N OU131388 BUT WITH PIN P/N 98A27307541000, FULLY INSERT RIGGING PIN TO ASCERTAIN CORRECT RIGGING.
    - CHECK THE YAW AUTOPILOT ACTUATOR RIGGING AS DESCRIBED BELOW:
    MAKE SURE THAT RUDDER TRIM IS SET AT ZERO AND THAT RUDDER PEDAL ARE SET AT NEUTRAL.
    INSTALL RIGGING PIN P/N 98A27307546000 IN THE RUDDER CONTROL MAIN BELLCRANK.
    INSTALL RIGGING PIN P/N 98A27307541000 IN THE YAW AUTOPILOT ACTUATOR AND CHECK RIGGING. IN CASE THE PIN CANNOT FULLY ENGAGE, THEN JUST THE LENGTH OF THE PUSHROD (10) AS DESCRIBED IN ABOVE
    AMM 22-13-27 PAGE BLOCK 401 PARA 1.B (4) (C) 3.
    FOR A300:
    - CHECK THE PITCH AUTOPILOT ACTUATOR RIGGING AS DESCRIBED IN AMM 27-31-00 PAGE BLOCK 501 PARA 1.B (4).
    - CHECK THE YAW AUTOPILOT ACTUATOR RIGGING AS DESCRIBED BELOW:
    MAKE SURE THAT RUDDER TRIM CONTROL WHEEL IS SET AT ZERO AND THAT RUDDER PEDALS ARE SET AT NEUTRAL.
    INSTALL RIGGING PIN P/N 98A27307546000 IN RUDDER CONTROL MAIN BELLCRANK.
    INSTALL RIGGING PIN P/N 98A27003001000 IN THE YAW AUTOPILOT ACTUATOR AND CHECK RIGGING. IN CASE THE PIN CANNOT FULLY ENGAGE, THEN ADJUST THE LENGTH OF THE PUSHROD (10) AS DESCRIBED IN ABOVE AMM 22-11-28 PAGE BLOCK 401 PARA 1.B (4) (C) 3.
    4.3. MATERIAL TOOLING.
    FOR A300-600 AND A310
    THE FOLLOWING RIGGING PINS ARE REQUIRED: P/N 98A27307549000, 98A27307541000, AND 98A27307546000.
    FOR A300
    THE FOLLOWING RIGGING PINS ARE REQUIRED: P/N 98A27003001000, 98A27307549000 AND 98A27307546000.
  5. FURTHER ACTION
    A TEMPORARY REVISION WILL BE ISSUED BY EARLY JAN 95 TO AMEND ALL AMM CHAPTERS LISTED IN PARA.2 (EXCEPT AMM 27-31-00 PAGE BLOCK 501 FOR A300 WHICH IS CORRECT) IN ORDER TO DELETE THE RIGGING PIN P/N OU131388 AND REPLACE IT BY PIN P/N 98A277003001000 FOR A300 A/C AND BY PIN P/N 98A27307541000 FOR A300-600 AND A310 A/C.
  6. REPORTING/ACKNOWLEDGEMENT
    OPERATORS ARE REQUESTED TO ACKNOWLEDGE RECEIPT OF THIS AOT TO AI/SE-EQ R. LASCOURS WITHIN 48 HOURS AFTER RECEIPT. THIS ACKNOWLEDGEMENT CAN BE MADE THROUGH THE AIRBUS CUSTOMER SUPPORT OFFICE WHEN AVAILABLE.
    RIGGING CHECK RESULTS (CORRECT OR INCORRECT) AND PERFORMED RE-ADJUSTMENT (MODIFICATION OF PUSHROD LENGTH, SHORTENED OR LENGTHENED) ARE TO BE SENT TO AIRBUS ENGINEERING SERVICES ATTENTION AI/SE-E42, AS SOON AS POSSIBLE, AFTER THE AOT APPLICATION.
    BEST REGARDS
    D. THERIAL
    DIRECTOR OF ENGINEERING SERVICES
    CUSTOMER SERVICE DIRECTORATE.

Annexe C - Liste des rapports pertinents

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe D - Sigles et abréviations

ADC
calculateur de données aérodynamiques
ADR
analyse des données radar
ALT
mode de maintien d'altitude
AOT
télex destiné à tous les exploitants, pour All Operators Telex
ATC
contrôle de la circulation aérienne
B
bleu (circuit hydraulique)
BEA
Bureau Enquêtes-Accidents
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CDU
panneau de commande et d'affichage
CGCC
calculateur de centrage
CMD(1,2)
commande; indication que le pilote automatique est embrayé
CN
consigne de navigabilité
CVR
enregistreur phonique
DAR
enregistreur numérique des systèmes de surveillance intégrée de l'avion
EPR
rapport de pression réacteur
ETOPS
exploitation des biréacteurs long-courriers, pour extended-range twin-engined operations
FAR
Federal Aviation Regulations
FCC
calculateur des commandes de vol
FCU
poste de commande
FDR
enregistreur de données de vol
FL
niveau de vol
FMS
système de gestion de vol
FWC
calculateur central d'alarmes
g
facteur de charge
GA
mode de remise des gaz
h
heure(s)
IRS
système inertiel de référence
J
jaune (circuit hydraulique)
kg
kilogramme(s)
KIAS
vitesse indiquée (en noeuds)
lb/po²
livre(s) au pouce carré
MAC
corde aérodynamique moyenne
MDN
ministère de la Défense nationale
min
minute(s)
mm
millimètre(s)
MNPS
spécifications de performances minimales de navigation
N
Nord
NAT
réseau des routes préférentielles au-dessus de l'Atlantique Nord
NAV
système de gestion de vol en mode de navigation
PA
pilote automatique
PA1
pilote automatique numéro 1
PA2
pilote automatique numéro 2
PIREP
rapport de pilote sur les conditions météo en vol
pi/min
pied(s) par minute
ROT
Romania Air Transport (plan de vol)
s
seconde(s)
SAT
température de l'air statique
SIGMET
avertissement de dangers météorologiques en vol
TAT
température totale
TCC
calculateur TCC (thrust control computer)
UTC
temps universel coordonné
V
vert (circuit hydraulique)
VHF
très haute fréquence
Vmax
vitesse maximale affichable
Vs
vitesse de décrochage
Vss
vitesse de déclenchement du vibreur de manche
W
ouest
minute(s)
°
degré(s)