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Rapport d'enquête aéronautique A96A0134

Impact sans perte de contrôle
Cargair Ltée
Cessna 172N C-GBZG
Inlet Saint-Paul (Terre-Neuve)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le C-GBZG faisait partie d'un groupe de quatre appareils. Le groupe est parti à 18 h 39, temps universel coordonné (UTC)Note de bas de page 1, pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) entre Natashquan (Québec) et Stephenville (Terre-Neuve). Le C-GBZG a été vu pour la dernière fois dans les nuages quand il s'approchait de la côte de Terre-Neuve au-dessus de l'inlet Saint-Paul. Les tentatives pour communiquer avec le pilote ont été infructueuses. Un satellite de recherche et de sauvetage (SARSAT) a capté le signal d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) à proximité de l'inlet Saint-Paul. Les recherches et les secours ont été retardés à cause du mauvais temps sur les lieux, et l'épave n'a été repérée que le lendemain matin. L'enquête a révélé que l'avion avait heurté le relief à environ 1 100 pieds-mer vers 20 h 10 UTC (17 h 40, heure locale). Les trois occupants de l'avion ont perdu la vie dans l'accident; l'avion a été détruit.

Renseignements de base

Le C-GBZG était l'un des quatre avions loués par un groupe de touristes étrangers venus en vacances piloter au Canada. Chaque pilote était titulaire d'une licence qui répondait aux exigences de Transports Canada, et les vols devaient se dérouler uniquement dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC). Les pilotes n'avaient jamais volé dans la région maritime du Canada.

Le groupe avait passé la nuit à Sept-Îles (Québec) et se dirigeait vers Stephenville (Terre-Neuve). Il devait faire escale à Natashquan (Québec) pour se ravitailler en carburant. Avant le départ, le groupe a discuté de la route de vol prévue, et l'un des pilotes, l'organisateur, a téléphoné à la station d'information de vol (FSS) de Sept-Îles vers 13 h UTC et a reçu un exposé météo. La transcription de la conversation téléphonique indique que le groupe devait s'attendre à rencontrer des averses de pluie le long de sa route et à des plafonds entre 800 et 3 000 pieds-sol. On a dit au pilote qu'une dépression située à 120 milles marins environ au sud-ouest de Stephenville se déplaçait vers le nord-est. On prévoyait des plafonds entre 100 et 1 000 pieds et une visibilité d'un quart de mille à trois milles, de la bruine et du brouillard, ainsi que des vents du sud-ouest sur la côte dûs à cette dépression.

À l'aéroport, l'organisateur a parlé en personne avec le spécialiste de la FSS, a déposé le plan de vol du groupe et a reçu l'imprimé météorologique qu'il a montré au groupe. Le spécialiste lui a suggéré de demander un autre exposé météo en arrivant à Natashquan, avant de continuer sa route. L'organisateur a déclaré ne pas avoir demandé ni reçu d'exposé météorologique après celui de Sept-Îles.

Les prévisions d'aérodrome pour Stephenville émises le 22 juillet 1996 à 9 h 9 UTC, valables pour 24 heures à compter de 10 h UTC, étaient les suivantes :

Les prévisions d'aérodrome pour Stephenville émises le 22 juillet 1996 à 15 h 24 UTC, valables pour 24 heures à compter de 16 h UTC, étaient les suivantes :

Les quatre avions sont partis de Sept-Îles à 16 h UTC et sont arrivés à Natashquan à 17 h 41 UTC où il faisait soleil et chaud et la visibilité était bonne. Vers 18 h 39 UTC, après le plein, les quatre appareils sont partis de Natashquan sur la route prévue au plan de vol, laquelle passait par le radiophare non directionnel (NDB) Whiskey de Cape Whittle (Québec), directement vers Cow Head (Terre-Neuve). Chaque pilote avait une carte de navigation VFR à bord ainsi qu'un système de positionnement mondial (GPS) personnel pour naviguer.

Les quatre appareils ont traversé le golfe du Saint-Laurent entre 1 000 et 3 000 pieds-mer, sans se perdre de vue. Le C-GBZG était à l'arrière du groupe. À l'approche de la côte de Terre-Neuve, à cause de la nébulosité croissante, il était difficile de garder le contact visuel avec le sol et avec les autres avions. Les pilotes ont discuté de la météo, mais personne n'a appelé une FSS pour s'informer des plus récentes conditions météorologiques.

Photo 1. Route du vol
Route du vol

Les avions syntonisaient la fréquence 122,9 MHz pour communiquer entre eux. Le dernier contact radio avec le pilote du C-GBZG a eu lieu à environ 30 milles à l'ouest de l'inlet Saint-Paul, lorsque le pilote a répondu à une remarque générale faite sur la fréquence par un autre membre du groupe. À 10 milles de la côte, le pilote de l'avion de tête a signalé sa position et a déclaré qu'il se mettait en descente. L'organisateur du groupe, pilote de l'avant-dernier avion, a déclaré, en descendant à moins de 1 000 pieds-mer à la verticale de l'inlet Saint-Paul, qu'il pouvait voir le relief en pente forte juste au-delà de l'inlet, relief qui était masqué par les nuages. Il a viré à droite vers le sud pour suivre les deux premiers avions. Il a ensuite vu le C-GBZG entrer dans les nuages, sur ce qui semblait être le cap de la route, à une altitude supérieure à quelque 500 pieds à celle de son propre avion.

Il a appelé le pilote pour lui dire de virer immédiatement, mais toutes les tentatives pour le contacter ont été infructueuses. Les trois avions ont continué jusqu'à moins de 33 milles de Stephenville où le plafond était rendu à 500 pieds-sol. Ils ont viré vers le nord, au-dessus de l'eau, et sont retournés à Natashquan.

L'enquête a révélé que le C-GBZG s'est écrasé contre le relief à quelque 1 100 pieds-mer, à peu près au cap de la route. Les volets étaient braqués à fond à l'impact. Le moteur et l'hélice se sont détachés de l'avion, et la cabine a été fortement comprimée et déformée.

L'examen du moteur et des instruments de vol effectué par le Laboratoire technique du BST situé à Ottawa a révélé que le tachymètre affichait 2 600 tr/min, que le variomètre affichait un taux de descente de 1 300 pi/min et que l'alimentation électrique de l'avion fonctionnait bien au moment de l'accident. Les calculs ont révélé qu'au moment de l'impact, la masse et le centrage de l'avion se trouvaient dans les limites permises. L'avion avait fait l'objet d'une inspection des 100 heures le 15 juillet 1996, après 6 549,4 heures de vol cellule. L'avion avait effectué quelque 18 heures de vol après cette inspection. Aucune anomalie relative à l'avion n'avait été consignée. L'examen de l'épave n'a pas permis de déceler de défaillances antérieures à l'impact.

Le pilote totalisait quelque 1 341 heures de vol, toutes sur monomoteurs. Il ne possédait pas la qualification de vol aux instruments, mais il avait reçu une formation poussée sur le vol aux instruments au cours de l'année précédente. Au moment de l'accident, le C-GBZG transportait également l'épouse du pilote (en place arrière) et un autre pilote qui n'était pas aux commandes (en place avant droite). Ce pilote venait d'obtenir sa licence. Il totalisait quelque 74 heures de vol et avait été commandant de bord sur certains vols effectués au Canada.

Un autre membre du groupe a déclaré avoir vu le pilote du C-GBZG pénétrer dans les nuages au cours d'un autre vol. Le pilote qui n'était pas aux commandes avait dit à l'un des membres du groupe que le pilote aux commandes avait pénétré intentionnellement dans les nuages à l'occasion et qu'il avait piloté aux instruments. Le pilote qui n'était pas aux commandes avait aimé l'expérience et faisait confiance au pilote du C-GBZG.

L'examen des dossiers médicaux du pilote n'a révélé aucun problème médical qui aurait pu nuire à son rendement. L'examen pathologique effectué après l'accident n'a fourni aucun indice permettant de penser que le pilote aurait pu souffrir d'une incapacité soudaine avant l'accident.

Les résultats des analyses toxicologiques ont révélé que le pilote avait un taux d'alcoolémie de 99 milligrammes par 100 millilitres (0,099 % par volume). L'échantillon de sang a été prélevé dans la cavité corporelle, ce qui donne des taux d'alcoolémie moins précis que si l'échantillon avait été pris dans une veine ou une artère. Après un décès, le taux d'alcoolémie dans les échantillons de sang peut changer sous l'effet de la putréfaction et de la contamination. L'analyse de l'échantillon prélevé a révélé qu'il y a pu y avoir putréfaction. Par conséquent, le taux d'alcoolémie consigné peut avoir augmenté ou diminué par rapport à celui qui existait au moment du décès.

Analyse

Le groupe était en vacances et n'avait sans doute aucun horaire à respecter qui l'aurait contraint à terminer le vol, même si du mauvais temps était prévu. Les pilotes n'avaient pas l'habitude de voler dans l'Est du Canada, une région où l'on peut s'attendre à ce que les conditions météorologiques changent rapidement. Comme il faisait beau à Natashquan et que le groupe connaissait mal l'évolution météorologique locale, il a sans doute cru qu'il n'avait pas lieu de s'informer des dernières conditions météorologiques.

Lorsque le pilote du C-GBZG a communiqué pour la dernière fois avec le reste du groupe, vers 30 milles à l'ouest de l'inlet Saint-Paul, rien n'indiquait que son avion avait des difficultés. Les dernières caractéristiques de vol observées et l'examen du lieu de l'accident indiquent que l'appareil était en vol contrôlé avant et au moment de l'impact. Les résultats de l'examen pathologique n'ont fourni aucun indice permettant de penser que le pilote aurait subi une incapacité soudaine avant l'accident.

La météo à l'inlet Saint-Paul ne s'était pas dégradée au point de devenir inférieure aux limites de vol VFR, et le pilote aurait dû voir l'avion devant lui. Il avait une carte de navigation VFR, et la visibilité au-dessous des nuages lui permettait d'apercevoir la côte et le relief au-delà de l'inlet.

L'organisateur n'a pas réussi à contacter le pilote du C-GBZG, après l'entrée du C-GBZG dans les nuages. Il est possible que le C-GBZG se soit écrasé avant que le pilote se fasse dire de virer immédiatement ou qu'il ait reçu l'avertissement trop tard pour prendre des mesures d'évitement.

Le pilote du C-GBZG ne possédait pas la qualification de vol aux instruments (IFR), mais il possédait une vaste expérience. Il avait reçu une importante formation au vol aux instruments et il était déjà entré dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) au cours d'un vol VFR. Il est probable qu'il a pénétré intentionnellement dans les nuages, sans savoir qu'il se trouvait à proximité du relief. Puisque le variomètre indiquait un taux de descente de 1 300 pi/min, le pilote était probablement en descente pour reprendre le contact visuel avec le sol quand l'accident est survenu.

Les résultats des examens toxicologiques ont révélé la présence d'alcool dans le sang du pilote. Cependant, puisque le taux d'alcoolémie a pu être modifié par la putréfaction et la contamination, il est impossible de déterminer avec précision le taux réel au moment du décès.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

  1. L'avion était entretenu conformément aux exigences de Transports Canada, et la masse et le centrage de l'avion se trouvaient dans les limites permises au moment de l'accident.
  2. Rien n'indique qu'il y ait eu un mauvais fonctionnement d'un système de l'avion avant l'accident.
  3. L'avion était en vol contrôlé avant et au moment de l'accident.
  4. Le pilote était titulaire d'une licence conforme à la réglementation de Transports Canada.
  5. Le pilote ne possédait pas la qualification de vol aux instruments, mais il avait reçu une formation poussée sur le vol aux instruments au cours de l'année précédente.
  6. Le pilote avait déjà pénétré intentionnellement dans les nuages au cours d'un autre vol.
  7. L'organisateur a déclaré ne pas avoir demandé ni reçu d'exposé météorologique après celui de Sept-Îles.
  8. La météo en route et à destination s'est dégradée pendant le vol.
  9. Il est probable que le pilote a pénétré intentionnellement dans les nuages, sans savoir qu'il se trouvait à proximité du relief.
  10. Il a été impossible de déterminer avec précision le taux d'alcoolémie du pilote.

Causes et facteurs contributifs

Après avoir rencontré du mauvais temps, le pilote n'a pas pris de mesures pour ne pas pénétrer dans les nuages, sans doute parce qu'il ne savait pas qu'il y avait une importante élévation de terrain sur sa trajectoire de vol. L'avion a heurté le relief alors que le pilote avait le contrôle de l'avion.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.