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Rapport d'enquête aéronautique A96W0072

Collision avec le relief/la glace
Canadian Helicopters Limited Western Division
Bell 206B Jetranger (hélicoptère) C-FZSI
9 milles terrestres au sud (vrai) de Mould Bay (Territoires du Nord-ouest)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère Bell 206B portant le numéro de série 647 avait quitté l'aéroport de Mould Bay (Territoires du Nord-Ouest) à 7 h 29, heure normale des Rocheuses (HNR) Note de bas de page 1, pour se rendre selon les règles de vol à vue (VFR) à Sachs Harbour et à Inuvik. Le pilote devait rencontrer vers 9 h un avion Twin Otter à une cache de carburant en route située à 140 milles terrestres au sud de Mould Bay, près de Mercy Bay. L'hélicoptère n'est pas arrivé à Mercy Bay et, vers 10 heures, l'équipage de conduite du Twin Otter a commencé une recherche aérienne le long de la route directe vers Mould Bay. Il a localisé les restes brûlés et éparpillés d'une épave d'hélicoptère sur la glace de mer, environ neuf milles au sud de la station météorologique de Mould Bay. Une équipe de recherches au sol a quitté rapidement la station météorologique à bord d'un véhicule nordique à chenilles. Elle a atteint le lieu de l'accident vers 15 heures, et elle a établi que l'épave était bien celle de l'hélicoptère porté manquant. Le pilote avait été tué.

Renseignements de base

La baie de Mould est située sur l'océan Arctique, sur la côte est de l'île du Prince Patrick. Elle est orientée nord-sud et est entourée sur trois côtés par des collines chauves s'élevant jusqu'à 900 pieds. La baie mesure environ 20 milles de longueur, sa largeur atteignant quelque 8 milles à son embouchure qui donne sur le passage de Crozier. L'accident s'est produit près de l'extrémité sud, sur la route directe entre l'aéroport de Mould Bay et la cache de carburant de Mercy Bay. La station météorologique de Mould Bay est une station de l'Arctique septentrional située sur la côte nord de la baie de Mould.

L'hélicoptère avait été affrété par une compagnie de recherches polaires pour récupérer des bouées maritimes et les ramener à un camp situé sur la banquise à quelque 300 milles au nord-ouest de Mould Bay. Le pilote avait amené l'hélicoptère d'Inuvik à Mould Bay le 18 avril, et il avait atteint le camp sur la banquise le 19 avril. Il avait travaillé à partir du camp pendant quatre jours avant de retourner à Mould Bay le 23 avril. Le client n'ayant plus besoin des services de l'hélicoptère, ce dernier est reparti vers Inuvik le 26 avril au matin.

Les conditions régionales pour Mould émises à 4 h 30 HNR le 26 avril indiquaient qu'il y aurait généralement des conditions VFR pendant la période prévue pour le vol. On prévoyait des nuages épars entre 2 000 et 3 000 pieds-mer dont les sommets atteindraient 5 000 pieds. La visibilité devait être supérieure à six milles terrestres avec, à l'occasion, une visibilité allant de quatre à six milles dans une neige légère. Localement, des stratus donnant des plafonds de 300 à 800 pieds-sol et des visibilités comprises entre ½ et 4 milles dans du brouillard et de la neige légère étaient prévus dans les régions soumises à un flux d'air ascendant en direction du rivage. Le pilote avait téléphoné à la station radio d'aérodrome communautaire (CARS) de Sachs Harbour avant de partir, et il avait établi qu'il y avait de bonnes conditions météo VFR à Sachs Harbour.

Le message SA AUTO5 émis à 14 h UTC (7 h HNR) à Mould Bay Note de bas de page 2 faisait état d'un ciel dégagé au-dessous de 10 000 pieds, d'une visibilité supérieure à 9 milles terrestres, d'une température de −18 ° C, d'un point de rosée de −21 ° C et d'un vent du 360 ° vrai à 4 noeuds. Des conditions identiques ont été signalées une heure plus tard. D'après l'estimation du personnel de la station météorologique, il y avait un ciel couvert entre 500 à 1 000 pieds et la visibilité était comprise entre 1 et 4 milles quand l'hélicoptère a quitté Mould Bay. Le Twin Otter avait quitté Mould Bay en direction de Mercy Bay à 9 h HNR; l'équipage de conduite a déclaré qu'au départ, le ciel était couvert à 500 pieds et que la visibilité se situait entre 1 et 4 milles. Compte tenu des différences importantes entre les renseignements météorologiques fournis par des témoins oculaires et ceux transmis par l'AWOS, il a été considéré que l'AWOS de Mould Bay ne donnait pas les véritables conditions météorologiques qui régnaient au moment de l'accident.

Le pilote avait obtenu sa licence de pilote professionnel en 1993, et il totalisait approximativement 1 500 heures de vol. Il avait été élevé à Sachs Harbour et il connaissait donc très bien le relief et le climat arctiques. Il avait souvent chassé et fait de la motoneige dans les conditions de voile blanc qui règnent dans l'Arctique. Pendant plusieurs années, il avait été engagé de façon saisonnière pour rassembler les troupeaux de rennes dans la région de Tuktoyaktuk (Territoires du Nord-Ouest) à l'aide d'un hélicoptère Robinson R-22. Les dossiers de formation, tant pour la licence de pilote privé que pour celle de pilote professionnel, montrent que le pilote avait reçu au total 10,6 heures de formation aux instruments en double commande avant d'acquérir sa licence de pilote professionnel d'hélicoptère. Il ne possédait ni annotation de vol de nuit ni qualification de vol aux instruments, et rien n'indiquait qu'il avait suivi une formation additionnelle au vol aux instruments après avoir reçu sa licence de pilote professionnel.

Une autopsie et un examen des dossiers médicaux n'ont révélé aucune preuve d'incapacité ou de facteurs physiologiques ou psychologiques qui auraient pu perturber les capacités du pilote. Les tests n'ont révélé la présence d'aucune drogue courante.

Les dossiers montrent que l'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Il possédait l'instrumentation de base nécessaire au vol aux instruments. L'instrumentation de vol était installé au centre du panneau d'instruments, à la gauche du pilote et au-dessus de la console radio.

La trace laissée par l'épave montrait que l'appareil se dirigeait vers le sud lorsqu'il a percuté la glace, en piqué de quelque 40 ° et incliné à gauche de 45 ° environ à gauche. La cellule s'est largement désintégrée. Le réservoir intégral de carburant ainsi que trois barils de 10 galons de carburéacteur, lesquels étaient, croit-on, placés dans la cabine de l'hélicoptère, se sont rompus pendant l'accident. La surface de glace était entaillée et recouverte de suie sur la plupart de la longueur de la trace laissée par l'épave. Comme l'hélicoptère a été presque entièrement détruit au moment de l'accident et de l'incendie qui a suivi, il n'a pas été possible de déterminer si une défaillance ou un mauvais fonctionnement antérieur à l'impact avait contribué à l'accident; néanmoins, rien de tel n'a été découvert.

La Publication d'information aéronautique.e Transports Canada (AIP) décrit le voile blanc comme un phénomène optique atmosphérique des régions polaires au cours duquel l'observateur semble être pris au milieu d'un halo uniformément blanc. Ni les ombres, ni l'horizon ni les nuages ne sont discernables, et il y a perte de la perception de la profondeur et de l'orientation. Le voile blanc se produit au-dessus d'une surface entièrement recouverte de neige et au-dessous d'un ciel uniformément couvert. Il est possible de rencontrer ce phénomène en volant au-dessus de grandes étendues d'eau gelée à une certaine distance du rivage. L'AIP recommande aux pilotes d'éviter de telles conditions, sauf s'ils disposent de l'instrumentation nécessaire à bord de leur appareil et ont suffisamment d'expérience.

En cas d'entrée dans des conditions de voile blanc, ce qui peut se produire dans des conditions météorologiques largement supérieures aux minima requis pour le vol en VFR, il faut immédiatement passer au vol aux instruments. Une absence de références visuelles qui arrive de façon sournoise peut être le premier signe du voile blanc, et tout retard à le reconnaître peut accélérer la désorientation. La connaissance et l'expérience, la compréhension des causes et des effets du voile blanc et le fait de conserver des compétences suffisantes de vol aux instruments de façon à éviter toute désorientation peuvent être les meilleures façons de se prémunir contre un accident dû au voile blanc.

Le Manuel d'exploitation.de Canadian Helicopters avertit les pilotes de ne pas essayer de voler en VFR dans des conditions de voile blanc et leur demande de rester vigilants en tout temps face au danger que représente une entrée intempestive dans de telles conditions. Le programme de formation périodique VFR que dispense Canadian Helicopters n'offre aucune formation élémentaire au vol aux instruments, mais rien dans la réglementation n'oblige la compagnie à dispenser ce genre de formation périodique.

La désorientation spatiale se traduit par une fausse perception et (ou) une fausse interprétation de l'assiette de l'aéronef par rapport aux références horizontale et gravitationnelle. Les pilotes ayant peu d'heures de vol aux instruments sont particulièrement sujets à la désorientation spatiale lorsqu'ils se retrouvent dans des conditions où ils n'ont plus de références visuelles extérieures pour évaluer leur assiette.

Il y a deux écoles de pensée quant à la formation permettant d'éviter les accidents d'hélicoptère dûs à une perte intempestive de toute référence visuelle extérieure. La première consiste à équiper les hélicoptères de l'instrumentation de base nécessaire au vol aux instruments et à offrir périodiquement une formation élémentaire au vol aux instruments aux pilotes VFR. Un pilote pourrait ainsi conserver la maîtrise de son appareil suffisamment longtemps pour retrouver des conditions de vol à vue en cas d'entrée dans des conditions de voile blanc ou d'autres conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Certains exploitants croient que cette façon de faire pourrait donner aux pilotes VFR un faux sentiment de confiance et les inciter à entrer délibérément dans des conditions de vol aux instruments à cause de leurs meilleures compétences en vol aux instruments. Le risque de collision avec des obstacles peut mettre en péril un aéronef autant que la perte de maîtrise lorsque le pilote alterne entre le vol à vue et le vol aux instruments à basse altitude. Une seconde école de pensée consiste à donner une formation qui enseigne au pilote à reconnaître très tôt et éviter complètement toutes les conditions IMC potentielles sans recevoir aucune formation périodique au vol aux instruments. Ce serait une façon d'inciter les pilotes à ne pas tenter de se servir de leurs compétences limitées en vol aux instruments pour lutter contre le voile blanc ou toute autre condition IMC. Les tenants de cette école de pensée préconisent le déroutement, le demi-tour ou l'atterrissage avant la perte des références visuelles.

L'hélicoptère possédait un récepteur de système de positionnement global (GPS). Le GPS est un moyen de navigation précis et bon marché qui peut être particulièrement utile pendant un vol VFR au-dessus d'un relief sans traits caractéristiques ou dans des régions où le compas n'est pas fiable. Le GPS permet de naviguer directement d'un point à un autre, ce qui se traduit par la meilleure utilisation possible du carburant et par une élimination quasi totale des risques de se perdre. La tendance à prendre plus de risques dans d'autres domaines, par exemple essayer de voler en VFR dans de mauvaises conditions météorologiques, peuvent prendre le pas sur les avantages que procurent le GPS. Cette tendance est connue sous l'appellation de compensation du risque. Les données récupérées dans le GPS indiquaient que ce dispositif fonctionnait au moment de l'impact.

L'hélicoptère était muni d'une radio haute fréquence (HF). Le vernier de synthonisation de l'antenne HF était installé sur la paroi gauche de la console d'instrumentation centrale. La position du vernier et de l'aiguille indicatrice obligeait le pilote à regarder en bas et à gauche pour effectuer le réglage de l'antenne HF. La compagnie de recherches offrait régulièrement un suivi des vols sur 5 680 kHz, et le pilote avait dit à un exploitant de Mould Bay qu'il allait l'appeler sur 5 680 cinq minutes environ après le décollage. Quelque cinq minutes après le décollage, seul le signal d'une porteuse HF a été entendu pendant trois à cinq secondes, ce qui indiquait que le pilote essayait peut-être de régler l'antenne HF. Il n'y a eu aucune autre communication ultérieure avec le pilote. Le lieu de l'accident se trouvait à cinq minutes environ de vol de l'aéroport de Mould Bay.

L'hélicoptère était équipé d'un émetteur de localisation d'urgence (ELT) Pointer Sentry C-4000 fixé sur le côté droit du passage du tunnel du levier de collectif situé au centre de la cabine. L'ELT a été arraché de son support et du fil d'antenne à l'impact. Le boîtier a été perforé, et le circuit commandant l'interrupteur a été endommagé, si bien qu'aucun signal n'a été émis.

Analyse

Quand le pilote a quitté l'aéroport de Mould Bay, il y avait des conditions météorologiques VFR marginales puisque, selon les estimations, il y avait un plafond avec ciel couvert entre 500 et 1 000 pieds et une visibilité comprise entre 1 et 4 milles dans du brouillard et de la neige légère. Dans de telles conditions, il y avait probablement un voile blanc recouvrant les huit milles de mer gelée dans la baie de Mould. L'examen de l'épave a montré que l'hélicoptère était incliné à gauche et en descente quand il a percuté la glace, signe qu'il n'était plus maîtrisé. La violente dislocation de l'hélicoptère et la trace laissée par l'épave sont typiques de celles de nombreux accidents dûs au voile blanc. Il est probable que le pilote a perdu ses références visuelles à cause du voile blanc, qu'il a été désorienté et qu'il a fini par perdre la maîtrise de son appareil. Le pilote était peut-être en train de régler la radio au moment des faits, ce qui aurait contribué à sa désorientation.

À cause de sa facilité d'utilisation et de sa précision, le GPS incite à naviguer en ligne droite. Les données retrouvées dans le GPS après l'écrasement et le lieu de l'accident situé en ligne droite entre l'aéroport de départ et la destination indiquent que le GPS fonctionnait et que le pilote s'en servait comme principal moyen de navigation. Sa décision d'entreprendre et de poursuivre le vol dans des conditions météorologiques propices au voile blanc a peut-être été influencée par la présence du GPS, par les prévisions régionales favorables et par le fait qu'il savait qu'il faisait beau à Sachs Harbour.

L'AWOS de Mould Bay ne donnait pas les véritables conditions météorologiques qui régnaient au moment de l'accident, mais ceci n'a pas été considéré comme un facteur dans cet événement.

Faits établis

  1. Le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
  2. Les dossiers montrent que l'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
  3. Il est probable que le pilote a perdu ses références visuelles et qu'il a été désorienté par le voile blanc au-dessus de la mer gelée.
  4. Le pilote avait une expérience limitée du vol aux instruments.
  5. À cause des dommages subis à l'impact, l'ELT n'a transmis aucun signal.
  6. L'AWOS de Mould Bay ne donnait pas les véritables conditions météorologiques qui régnaient au moment de l'accident, ce qui n'a toutefois pas été considéré comme un facteur dans cet événement.

Causes et facteurs contributifs

Après avoir poursuivi le vol dans des conditions de voile blanc, le pilote a perdu la maîtrise de son hélicoptère, probablement parce qu'il a été désorienté.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

À la suite de cet accident, Canadian Helicopters Western Division a revu sa politique en matière de formation et a ajouté une formation en procédures d'urgence dans le cadre de son programme de formation périodique en VFR. On va y insister sur les dangers à vouloir «forcer» la météo et sur l'importance d'éviter des conditions météorologiques susceptibles de produire le phénomène de voile blanc. Cette formation va également préparer les pilotes à rester en vol rectiligne en palier, à monter et à descendre et à faire un demi-tour complet en s'aidant des instruments, au cas où ils perdraient leurs références visuelles.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.