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Rapport d'enquête aéronautique A97H0011

Perte de maîtrise pendant la remise des gaz (Atterrissage interrompu)
Air Canada
Canadair CL-600-2B19 C-FSKI
Aéroport de Fredericton (Nouveau-Brunswick)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'avion immatriculé C-FSKI du vol 646 d'Air Canada effectuait un vol régulier. Il avait décollé de l'aéroport international de Toronto/Lester B. Pearson (Ontario) à 21 h 24, heure normale de l'Est, à destination de Fredericton (Nouveau-Brunswick). à son arrivée à Fredericton, le plafond signalé était à 100 pieds, le ciel était obscurci, la visibilité était d'un huitième de mille dans le brouillard et la portée visuelle de piste était de 1 200 pieds. L'équipage a exécuté une approche aux instruments de catégorie I sur la piste 15 et a décidé d'atterrir. à quelque 35 pieds au-dessus de la piste, le commandant de bord a jugé que l'avion ne pouvait pas se poser en toute sécurité et il a ordonné au premier officier, qui était aux commandes, de remettre les gaz. Au moment où l'appareil atteignait son assiette de remise des gaz de 10 degrés environ, l'avion a fait un décrochage aérodynamique et a raclé la piste; il a dévié vers la droite et a parcouru, à toute allure et hors contrôle, quelque 2 100 pieds à partir du premier point d'impact. Il a fini sa course après avoir heurté un gros arbre. Tous les occupants ont réussi à évacuer l'appareil, sauf sept passagers qui sont restés coincés et ont dû attendre les secours. L'avion transportait 39 passagers et 3 membres d'équipage. Neuf occupants ont été grièvement blessés; les autres ont subi des blessures légères ou n'ont pas été blessés. L'accident est survenu à 23 h 48, heure normale de l'Atlantique.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

L'avion de transport régional à réaction de Canadair CL600-2B19Note de bas de page 1 effectuant le vol 646 d'Air Canada a décollé de l'aéroport international de Toronto/Lester B. Pearson (Ontario) à 21 h 24, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 2 pour effectuer un vol régulier à destination de Fredericton (Nouveau-Brunswick). L'avion transportait deux membres d'équipage de conduite, un agent de bord, 37 passagers et deux bébés. Le premier officier était en place droite et faisait fonction de pilote aux commandes (PF) pour le vol. Les prévisions météorologiques et les conditions signalées à l'aéroport de Fredericton à l'arrivée étaient les suivantes : visibilité verticale de 100 pieds et visibilité horizontale d'un huitième de mille dans le brouillard. La portée visuelle de piste (RVR) était de 1 200 pieds pour un atterrissage sur la piste 15 avec les feux de piste à l'intensité 5.

Le vol s'est déroulé sans incident jusqu'à l'approche finale sur l'aéroport de Fredericton. L'avion volait sur pilote automatique selon les instructions de l'équipage, du système de gestion de vol et des signaux en provenance du système d'atterrissage aux instruments (ILS) de la piste 15 de Fredericton. Les phares d'atterrissage de l'avion étaient allumés pendant l'approche et pendant l'atterrissage. Le commandant de bord a établi le contact visuel avec les feux d'approche de piste à travers le brouillard à quelque 300 pieds au-dessus du sol (agl), soit 100 pieds au-dessus de la hauteur de décision pour l'approche. à la hauteur de décision (200 pieds au-dessus de la piste), le commandant de bord (le pilote non aux commandes ou PNF) a annoncé qu'il avait les feux de piste en vue, et le premier officier a répondu qu'il allait atterrir. Le premier officier a débranché le pilote automatique à quelque 165 pieds agl pour pouvoir effectuer le reste de l'approche et l'atterrissage en pilotage manuel.

Figure 1 - L'interieur de l'avion
L'interieur de l'avion

Une fois le pilote automatique débranché, l'avion s'est mis à dériver au-dessus de la trajectoire d'approche, et le commandant de bord a conseillé à deux reprises au premier officier de descendre vers la trajectoire d'approche. Le premier officier a réduit les gaz en réaction à la première intervention verbale du commandant de bord qui lui conseillait de faire descendre l'avion, et il a réduit les gaz au ralenti à quelque 80 pieds agl. Quelques instants plus tard, le commandant de bord, conscient que l'avion se trouvait à gauche de l'axe mais ne connaissant pas la distance parcourue au-dessus de la piste et n'étant pas certain que l'atterrissage pouvait se poursuivre en toute sécurité, a donné l'ordre de remettre les gaz, ce dont le premier officier a accusé réception. Les manettes des gaz ont été avancées, le premier officier a sélectionné le mode de remise des gaz sur le directeur de vol et a commencé à augmenter l'angle de cabré de l'avion pour suivre les indications des barres directrices (10 degrés en cabré). Environ une seconde après que le premier officier eut accusé réception de l'ordre de remise des gaz, le vibreur de manche (avertissement de décrochage) s'est déclenché. Au moment où l'avion atteignait 10 degrés en cabré, soit une seconde et demie environ après le déclenchement du vibreur de manche, le commandant de bord a annoncé « VOLETS » et il a réglé les volets en position de remise des gaz. Le hululeur du système antidécrochage (SPS) a retenti, et l'avion a fait un décrochage aérodynamique.

L'avion s'est incliné à droite de quelque 55 degrés, et l'extrémité de l'aile droite a raclé la piste à quelque 2 700 pieds du seuil et 45 pieds à gauche de l'axe de piste, l'extrémité de l'aile droite se repliant vers le haut à quatre pieds environ de l'extrémité. L'avion s'est incliné sur la gauche, et les ailes de l'avion sont revenues à l'horizontale; puis quelque 260 pieds plus loin sur la piste, l'aile droite de l'avion a raclé la piste de nouveau, cette fois dans une assiette de piqué de quelque 12 degrés avec une inclinaison de quelque 20 degrés à droite. Le train d'atterrissage avant s'est détaché de l'avion, l'ailette de bout d'aile droite s'est rompue, le radome et le revêtement inférieur du poste de pilotage et de la partie avant ont été lourdement endommagés. Toute alimentation électrique a cessé sauf l'éclairage de secours. L'avion a basculé à gauche avant de retomber sur son train principal.

Les réacteurs tournaient alors à plein régime. L'avion est sorti sur le côté droit de la piste juste après l'intersection avec la piste 09/27. L'avion a poursuivi sa course dans la neige sur les roues du train principal avant de heurter un fossé qui longeait la piste à quelque 200 pieds de la piste. Les traces dans la neige au-delà du fossé étaient beaucoup moins prononcées que les traces laissées par les roues du train principal. Ces traces ont été faites par les carénages des volets et par certains équipements de l'avion qui se balançaient au bout de câbles encore fixés à l'appareil. Les traces montrent que l'avion a repris l'air après avoir heurté le fossé, qu'il est resté très près du sol et qu'il a décrit un arc de cercle avant de heurter une colline de sable à quelque 1 000 pieds à droite de la piste. Les traces au sol ayant été largement effacées par la circulation des véhicules de secours, il a été impossible de déterminer l'endroit précis où l'avion a heurté la colline pour la première fois; toutefois, on a trouvé des morceaux de l'avion près du pied de la colline. Au sommet de la colline, l'avion s'est déporté vers la droite et a heurté des arbres, dont un de quelque 22 pouces de diamètre, avant de s'immobiliser. L'avion a fini sa course au cap de 314 degrés magnétique, à quelque 1 130 pieds à l'ouest de la piste et à 2 100 pieds du premier point d'impact sur la piste. Voir l'annexe B1.

Le réacteur droit a cessé de fonctionner au sommet de la colline. Le réacteur gauche a continué à tourner pendant quelque temps (jusqu'à 15 minutes selon les témoins) avant que le commandant de bord ne parvienne finalement à le couper avec la manette des gaz. à partir du moment où l'avion a heurté la piste et pendant sa sortie de piste, l'équipage ne pouvait plus maîtriser l'appareil parce qu'il faisait noir à l'intérieur et à l'extérieur de l'avion, et également parce que l'avion était endommagé; l'équipage était désorienté parce qu'il subissait des secousses. Il n'y a pas eu d'incendie après l'accident. L'accident est survenu à 23 h 48, heure normale de l'Atlantique (HNA)Note de bas de page 3.

On a procédé à une évacuation d'urgence. Le personnel d'intervention d'urgence a dû dégager sept passagers de l'avion. Le dernier passager a été dégagé de l'avion à 2 h 34. L'avion transportait 42 personnes. Neuf des 35 personnes qui ont été transportées à l'hôpital ont dû être hospitalisées.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués 0 0 0 0
Blessés graves 1 8 0 9
Blessés légers/Indemnes 2 31 0 33
Total 3 39 0 42

1.3 Dommages à l'aéronef

L'avion est resté généralement intact; l'empennage n'a subi aucun dommage et la partie supérieure de l'avion n'a subi qu'une seule déchirure, là où le gros arbre a pénétré dans l'avion. L'aile gauche présentait une échancrure sur le bord d'attaque qui a été attribuée au contact avec le sol ou avec un arbre; les volets intérieurs présentaient des dommages qui ont été attribués au contact avec le sol. L'ailette de bout d'aile droite s'est repliée vers le haut au moment du contact avec la piste, mais elle est restée attachée à l'aile et ne s'est détachée que quelques instants avant que l'avion s'immobilise. Le revêtement inférieur du poste de pilotage et de la partie avant de l'avion, jusqu'à la trappe du compartiment avionique, a été démoli quand le train avant s'est détaché de l'avion et pendant les impacts avec la piste et le fossé. L'avion a laissé un sillon jonché de matériel électronique et d'éléments de structure provenant du nez de l'avion; les trois trains d'atterrissage et leurs structures connexes ont été retrouvés le long du sillon. Le revêtement inférieur de l'avion, à partir du train d'atterrissage vers l'arrière jusqu'à la trappe du compartiment de l'équipement à l'arrière du fuselage, présentait des dommages attribuables au détachement du train d'atterrissage et aux impacts avec le fossé et la colline. L'avion a heurté l'arbre au niveau de la porte passagers. L'arbre est resté debout. à mesure que l'avion se déplaçait vers l'avant, l'arbre pénétrait dans la cabine. Quand l'avion s'est immobilisé, l'arbre était debout et se trouvait à neuf pieds environ à l'arrière de la porte passagers, juste à gauche de l'axe de l'avion. Mis à part les dommages à la cabine causés par l'arbre, le reste du plancher de la cabine, les rails des sièges, les sièges et les compartiments de rangement supérieurs n'ont pas été déformés ni endommagés. La partie de l'avion en avant de l'office, en direction avant, était fortement tordue dans le sens contraire des aiguilles d'une montre.

1.4 Autres dommages

Il n'y a pas eu d'autres dommages, sauf qu'un peu de végétation a été endommagée là où l'avion a fini sa course.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Généralités

Commandant Premier officier
Âge 34 ans 26 ans
Licence pilote de ligne pilote de ligne
Date d'expiration du certificat de validation juin 1998 juin 1998
Nombre total d'heures de vol 11 020 3 225
Nombre total d'heures de vol sur type en cause 1 770 60
Nombre total d'heures de vol dans les 90 derniers jours 217 60
Nombre total d'heures de vol sur type dans les 90 derniers jours 217 60
Nombre d'heures de service avant l'événement 7 7
Nombre d'heures libres avant la prise de service 17 24

1.5.2 Le commandant de bord

Le commandant de bord a commencé son instruction au pilotage en 1979. En 1982, il s'inscrit au Seneca College of Applied Arts and Technology où il obtient un diplôme en technologie de l'aviation et vol en mai 1985. De juin 1985 à mai 1987, il travaille pour la compagnie Pem Air comme instructeur puis comme commandant de bord principal de la base et comme gestionnaire de l'école de pilotage. En mai 1987, il commence à travailler pour la compagnie Voyageur Airways comme pilote de ligne sur King Air BE-100 et comme instructeur commandant de bord pour les équipages de BE-100. En mai 1988, il commence à travailler pour la compagnie Air Nova comme premier officier sur DHC-8 avant de passer commandant de bord et instructeur. Il travaille comme pilote pour Air Nova pendant sept ans, dont six comme commandant de bord. En juin 1995, il commence à travailler pour Air Canada comme premier officier sur CL-65. En octobre 1996, il passe commandant de bord, et en octobre 1997, il obtient la qualification lui permettant de s'acquitter des tâches de commandant de bord ayant reçu l'entraînement en ligne. Au moment de l'accident, il totalisait 1 770 heures de vol sur type, dont un peu plus de 975 heures comme commandant de bord.

Au moment de l'accident, il possédait un certificat de validation de licence de catégorie I en état de validité. Sa qualification de vol aux instruments du groupe I était valable jusqu'en septembre 1998. Sa dernière vérification de compétence pilote (PPC) avait eu lieu en juillet 1997 et était valable jusqu'en janvier 1998. Il était qualifié pour les atterrissages de catégorie II.

1.5.3 Le premier officier

Le premier officier fait ses études au Seneca College of Applied Arts and Technology où il obtient un diplôme en technologie de l'aviation et vol en mai 1993. Le même mois, il devient instructeur sur Cessna au Toronto Flight Centre. De février 1995 à février 1996, il travaille comme pilote de vols d'affrètement et comme instructeur pour ATR Inc., une compagnie de vols d'affrètement basée sur l'île de Toronto. En février 1996, il commence à travailler pour la compagnie Grand Aviation comme pilote de vols d'affrètement sur Piper Cheyenne II. En septembre 1997, il devient premier officier sur CL-65 pour Air Canada, après avoir reçu 85 heures de formation théorique et effectué 36 heures de vol en simulateur, comprenant sa PPC et une épreuve de qualification de vol aux instruments (IFT). Du 22 novembre au 5 décembre 1997, il effectue un peu plus de 29 heures de vol pendant sa formation préparatoire au vol de ligne. Au cours de ces vols, il effectue 10 étapes de vol comme PF et 7 comme PNF. Le 9 décembre 1997, il fait l'objet d'une vérification de compétence en ligne où il se qualifie comme premier officier sur CL-65. Il effectue ses autres heures de vol sur type du 10 au 16 décembre.

Au moment de l'accident, il possédait un certificat de validation de licence de catégorie I en état de validité et sa qualification de vol aux instruments du groupe I était valable jusqu'en juin 1998. Sa première PPC sur CL-65 avait eu lieu en novembre 1997 et était valable jusqu'en juin 1998. Il était qualifié pour agir comme PNF pendant les atterrissages de catégorie II. Il était également titulaire de la qualification d'instructeur et de la qualification d'instructeur de voltige.

1.5.4 Le personnel de cabine

Il y avait un seul agent de bord de service à bord de l'avion. Au moment de l'accident, l'agent de bord occupait le siège qui lui avait été assigné (porte L1). Il possédait quelque 28 années d'expérience avec Air Canada, dont deux ans sur CL-65, et il était qualifié sur tous les appareils d'Air Canada. Par pure coïncidence, une agente de bord d'Air Canada qualifiée sur CL-65 se trouvait à bord à titre de passagère (siège 3E). Elle travaillait pour Air Canada depuis un an et demi et était qualifiée sur tous les appareils d'Air Canada.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Généralités

Constructeur Bombardier Inc., Canadair
Type et modèle CL-600-2B19
Année de construction avril 1995
Numéro de série 7068
Certificat de navigabilité délivré le 19 mai 1995
Nombre d'heures de vol cellule 6 061,23 heures
Nombre de cycles 5 184
Nombre d'aterrissages 5 135
Type de moteur (nombre) General Electric, modèle CF34-3A1(2)
Masse maximale autorisée au décollage 51 000 lb (23 133 kg)
Type(s) de carburant recommandé(s) Jet A, Jet A1, JP5, JP8, Jet B, et JP4
Type de carburant utilisé Jet A1

On a récupéré 2 230 litres (1 825 kg) de carburant de l'avion après l'accident, et on a déchargé 1 064 kg de bagages. Selon les estimations, la masse de l'avion au moment de l'accident était de 44 180 livres (20 036 kg), cette estimation est basée sur une masse prévue au décollage de Toronto de 22 000 kg et sur la consommation de carburant estimée en fonction des données de débit de carburant de l'enregistreur de données de vol (FDR). Selon les documents de vol et les calculs, la masse et le centrage de l'avion étaient dans les limites prescrites pendant le vol.

1.6.2 Systèmes de l'avion

1.6.2.1 Directeur de vol

Le système de contrôle automatique de vol (AFCS) du CL-65 est un système intégré de pilote automatique et de directeur de vol, ce dernier fournissant à l'équipage un guidage visuel au moyen d'une barre de tendance magenta sur l'indicateur de contrôle d'assiette. L'équipage utilise les indications de la barre de tendance pour piloter l'avion en fonction des directives de tangage et de roulis générées par les ordinateurs commandes de vol (FCC). Le directeur de vol fournit des directives pour l'exécution des modes verticaux suivants : tangage, maintien de l'assiette longitudinale voulue; décollage, qui génère une directive de cabré de 15 degrés, laquelle est ramenée à 10 degrés s'il y a perte d'un réacteur; présélection d'altitude; maintien d'altitude; vitesse; vitesse verticale; alignement de descente; et remise des gaz, qui génère une directive de cabré de 10 degrés. Il peut arriver que le directeur de vol génère une directive dans le mode vertical et une autre dans le mode latéral à un moment donné.

Selon la théorie d'exploitation de l'avion, l'équipage doit suivre les directives du directeur de vol pour avoir une bonne maîtrise de l'appareil. Cependant, si l'équipage utilise uniquement les barres directrices comme source de guidage dans les modes verticaux, cela ne suffit pas à assurer la sécurité du vol; l'équipage doit également tenir compte des limitations d'emploi de l'avion et des procédures d'utilisation normalisées (SOP) s'il veut que l'avion demeure à l'intérieur de son domaine de vol certifié. Dans le cas du présent accident, les directives de tangage du mode de remise des gaz n'ont pas tenu compte de la configuration de l'avion, ni de la vitesse, ni de l'angle d'attaque, ni des autres paramètres de performance. Ce type d'agencement se retrouve souvent, et les normes relatives à la certification et à l'équipement n'exigent pas que les directives du directeur de vol soient liées aux paramètres de performance.

Le dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS) du CL-65 est programmé pour détecter tout cisaillement du vent. Dans ce cas, le FCC génère une directive de dégagement, qui est basée sur les données de vitesse, d'angle d'attaque, d'assiette longitudinale, de hauteur radioaltimétrique et de configuration des volets; le signal de sortie est généré sur les barres directrices du directeur de vol. Les limites en tangage des directives de dégagement sont basées sur l'altitude de l'avion et sur son angle d'attaque. à moins de 50 pieds, la directive en tangage est limitée à l'angle d'attaque de l'avertissement de décrochage (vibreur de manche), alors que de 50 à 400 pieds, la directive est limitée à deux degrés de moins que l'angle d'attaque de l'avertissement de décrochage. Les indications du limiteur de pente (marge alpha) apparaissent sur l'écran principal de vol et indiquent le changement d'assiette longitudinale maximal que l'on peut effectuer avant que l'avion n'atteigne l'angle d'attaque de déclenchement du vibreur de manche. Il n'y a aucun calcul ni aucune indication semblables dans le cas du mode de remise des gaz; les barres directrices indiquent toujours 10 degrés de cabré.

1.6.2.2 Système antidécrochage (SPS)

Au cours des premières étapes d'un décrochage aérodynamique, le décollement localisé des filets d'air sur l'aile du CL-65 est minime, et le tremblement résultant du décollement des filets d'air ne peut pas être considéré comme un indice important de l'imminence d'un décrochage. Puisque le CL-65 présente peu d'indice normal de l'imminence d'un décrochage, il a été équipé d'un système antidécrochage (SPS). Le SPS comprend un vibreur de manche qui prévient le pilote que la vitesse de l'avion avoisine la vitesse de décrochage; il comprend également un pousseur de manche qui abaisse le nez de l'avion, au besoin, pour empêcher l'avion de se mettre en décrochage.

Deux girouettes d'angle d'attaque, situées de part et d'autre du nez de l'avion, déterminent le paramètre d'angle d'attaque. Le calculateur du SPS, à l'aide de deux chaînes indépendantes, utilise le paramètre d'angle d'attaque qu'il combine aux paramètres du nombre de Mach, du braquage des volets et de l'accélération latérale pour prévenir l'équipage de l'imminence d'un décrochage et pour empêcher l'avion de décrocher. Quand l'angle d'attaque change, le calculateur note le taux de variation et, au besoin, intègre un facteur de correction pour permettre au dispositif de protection de se déclencher avant ses points de déclenchement normaux.

En vol, le calculateur du SPS contrôle en permanence les paramètres qui déterminent les points de déclenchement de l'angle d'attaque du SPS. Il y a trois points de déclenchement, chacun ayant un angle d'attaque supérieur, qui donnent lieu aux situations suivantes :

  • Auto-allumage - si l'une des deux girouettes d'angle d'attaque atteint ce point de déclenchement, le circuit d'allumage continu du réacteur se met en marche afin de prévenir toute extinction réacteur causée par l'angle d'attaque élevé de l'avion.
  • Vibreur de manche - si l'une des deux girouettes d'angle d'attaque atteint ce point de déclenchement, le vibreur du côté correspondant se met en marche et le pilote automatique se débranche. Comme les deux manches sont reliés entre eux, les vibrations peuvent être ressenties sur un manche comme sur l'autre.
  • Pousseur de manche - si l'une des deux girouettes d'angle d'attaque atteint ce point de déclenchement, l'avertisseur de décrochage se fait entendre et les voyants de décrochage rouges intégrés à l'auvent clignotent. Si les deux girouettes d'angle d'attaque atteignent le point de déclenchement du pousseur de manche, le pousseur de manche se met en marche.

Le mécanisme du pousseur de manche est conçu pour empêcher tout décrochage aérodynamique en exerçant une force sur le manche pour abaisser le nez de l'avion si l'avion atteint l'angle d'attaque de déclenchement du pousseur de manche (angle d'attaque de décrochage) selon les calculs de l'ordinateur de bord. Le Canadair Regional Jet Airplane Flight Manual (manuel de vol de l'avion ou AFM) contient un graphique (page 06-01-23) qui permet de calculer la vitesse de déclenchement du pousseur de manche (vitesse de décrochage) à diverses masses de l'avion. à la masse de 44 180 livres (masse estimée de l'avion au moment de l'accident), avec les volets braqués à 45 degrés et le train d'atterrissage sorti, les vitesses corrigée et indiquée de déclenchement du pousseur de manche devaient être de quelque 109 noeuds sous une force d'accélération de 1 g. Au moment du décrochage aérodynamique, l'avion était soumis à une force d'accélération de quelque 1,227 g; par conséquent, la vitesse de déclenchement du pousseur de manche devait être de quelque 120 noeuds, la vitesse de décrochage naturel devait être de quelque 116 noeuds, et l'angle d'attaque de déclenchement du pousseur de manche devait être de quelque 13,5 degrésNote de bas de page 4. Au moment du décrochage, les volets avaient quitté la position de 45 degrés et avaient commencé à rentrer de quelques degrés; de plus, la force g augmentait; ces deux éléments ont dû provoquer une légère augmentation de la vitesse de déclenchement du pousseur de manche, mais cela n'a eu aucune incidence sur l'angle d'attaque de déclenchement du pousseur de manche.

Les enregistreurs de bord révèlent que les événements suivants se sont produits pendant la tentative de remise des gaz : le vibreur de manche s'est mis en marche au moment où la vitesse de l'avion était de 129 noeuds et que l'assiette longitudinale franchissait les 4 degrés; puis le roulis à droite et l'amorce de décrochage se sont produits et l'avertisseur de décrochage s'est fait entendre au moment où la vitesse était de 124 noeuds et que l'assiette longitudinale était de 9,7 degrés. Au moment où l'avertisseur de décrochage s'est fait entendre, les girouettes d'angle d'attaque gauche et droite indiquaient respectivement 8,7 degrés et 9,4 degrés environ. Le pousseur de manche ne s'est pas mis en marche parce que même si l'angle d'attaque droit avait atteint son point de déclenchement, l'angle d'attaque gauche lui n'avait pas atteint le sien.

1.6.2.3 Indications de vitesse

L'avion est équipé de deux calculateurs de données aérodynamiques qui utilisent les données du circuit Pitot, les données statiques et pneumatiques ainsi que les données de température de l'air dynamique pour calculer les vitesses suivantes qui s'affichent sur le côté gauche des écrans principaux de vol : vitesse indiquée, nombre de Mach indiqué, vecteur de tendance de vitesse, vitesse maximale (nombre de Mach et vitesse indiquée), avertissement de survitesse, marge de décrochage et avertissement de décrochage.

La vitesse indiquée est présentée sous la forme d'un ruban blanc mobile avec un index fixe qui indique la vitesse courante. Un vecteur de tendance magenta indique la vitesse prévue pour les 10 secondes à venir. Le curseur de référence de vitesse magenta se déplace le long du ruban de vitesse selon le réglage établi par le pilote à l'aide du bouton de vitesse. Le curseur de référence couvre cinq noeuds de part et d'autre de l'index central et constitue la principale référence de vitesse; les SOP stipulent que le curseur doit être réglé sur la vitesse cible appropriée à toutes les phases du vol. Une bande à carreaux rouges et noirs est affichée sur le ruban de vitesse; elle commence à la vitesse de décrochage calculée jusqu'au bas du ruban et sert à indiquer que la vitesse de l'avion commence à être basse. Avant la descente, les vitesses VFTO (vitesse finale au décollage) et V2 sont réglées par le pilote et s'affichent en couleur cyan sur le ruban de vitesse. VFTO est la vitesse de montée sur un seul réacteur et V2 est la vitesse de sécurité au décollage; ces deux vitesses sont utilisées dans le cas d'une approche interrompue, mais pas lors d'une approche normale. En approche finale, le curseur de référence est réglé à VREFNote de bas de page 5 plus un facteur donnéNote de bas de page 6.

La masse prévue à l'atterrissage était de 20 200 kg (44 530 lb). La VFTO avait été réglée à 173 noeuds et la V2 à 145 noeuds, qui est la vitesse de sécurité au décollage avec volets sortis à 8 degrés. En approche finale, le curseur de référence de la vitesse avait été réglé à 144 noeuds (VREF plus 5 noeuds) conformément aux SOP d'Air Canada.

1.6.2.4 Les volets

Le CL-65 est équipé de volets à double fente actionnés par deux moteurs électriques à l'aide d'un levier de commande des volets; si un seul moteur électrique fonctionne, les volets se déplacent moins vite. Le braquage des volets recommandé pour l'atterrissage est de 45 degrés. Pour une remise des gaz, on recommande de braquer les volets à 8 degrés. Les volets se déplacent à une vitesse uniforme et ils ont besoin d'environ 13,5 secondes pour se déplacer de 45 degrés, qu'il s'agisse de la rentrée ou de la sortie. Les volets ont besoin de 11 secondes environ pour passer de 45 à 8 degrés.

Le FDR révèle que les volets ont commencé à rentrer à partir de 45 degrés quand le commandant de bord a fait l'annonce « VOLETS » et quand l'avertisseur de décrochage s'est fait entendre. Après l'accident, on a trouvé les volets braqués à 24 degrés.

1.7 Renseignements météorologiquesNote de bas de page 7

1.7.1 Généralités

Le compte rendu des conditions météorologiques, préparé après l'accident par le centre météorologique du Nouveau-Brunswick d'Environnement Canada, révèle qu'un front chaud a traversé le Nouveau-Brunswick dans la soirée du 16 décembre 1997. Des stratus et un brouillard étendu sont restés dans le secteur chaud pendant le reste de la nuit. Les données obtenues par satellite pour la période commençant à 14 h le 16 décembre et se terminant à 8 h le 17 décembre montrent que le front chaud s'est déplacé sur le Nouveau-Brunswick comme prévu et que le faible front froid qui a suivi est resté à l'ouest de la région pendant cette période.

1.7.2 Prévisions météorologiques

Les prévisions météorologiques de zone publiées le 16 décembre à 19 h 30 pour le secteur chaud du Nouveau-Brunswick au moment de l'accident étaient les suivantes : nuages épars, à l'occasion nuages fragmentés (base des nuages à 3 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) et sommet des nuages à 5 000 pieds), couche de nuages épars à 8 000 pieds (sommet à 12 000 pieds), nuages épars en altitude et visibilité de 6 milles. Les prévisions faisaient également état de plafonds de stratus par endroits entre 200 et 600 pieds agl et d'une visibilité de 1 à 3 milles dans le brouillard et la brume, surtout dans les terres basses.

Les prévisions d'aérodrome terminus suivantes pour Fredericton, publiées le 16 décembre à 18 h 40 et valables à partir de 19 h le 16 décembre jusqu'à 7 h le 17 décembre, avaient été fournies à l'équipage dans leur dossier d'information avant le vol :

  • Vents prévus du 180 degrés à 5 noeuds, visibilité de 6 milles, nuages épars à 1 000 pieds agl, nuages fragmentés à 4 000 pieds. Conditions temporaires prévues de 19 h à 21 h le 16 décembre : visibilité d'un mille et demi dans des averses de faible neige et ciel couvert à 400 pieds agl.
  • à compter de 21 h le 16 décembre : vents du 200 degrés à 6 noeuds, visibilité de 6 milles, nuages épars à 400 pieds et nuages fragmentés à 2 500 pieds. Conditions temporaires prévues à partir de 21 h le 16 décembre jusqu'à 2 h le 17 décembre : nuages fragmentés à 400 pieds et ciel couvert à 2 500 pieds; de 1 h à 3 h le 17 décembre : vents du 240 degrés à 8 noeuds.

Les prévisions révisées suivantes pour Fredericton publiées à 21 h 39 le 16 décembre, valables à partir de 21 h le 16 décembre jusqu'à 7 h le 17 décembre, avaient été fournies à l'équipage à 23 h 10 le 16 décembre par l'agent d'opérations d'Air Canada à l'aide du système d'échange de données sur réseau Arinc (ACARS) :

  • Vents variables à 3 noeuds, visibilité de ¼ mille dans le brouillard, visibilité verticale de 100 pieds. Conditions temporaires à partir de 21 h le 16 décembre jusqu'à 7 h le 17 décembre : visibilité de 4 milles, nuages épars à 400 pieds et nuages fragmentés à 1 500 pieds.

1.7.3 Conditions météorologiques réelles

L'accident est survenu à 23 h 48. Les conditions météorologiques réelles signalées pour Fredericton étaient les suivantes : à 21 h 25, 21 h 49 et 22 h : vent calme, visibilité de ¼ mille dans le brouillard, visibilité verticale de 100 pieds, température de −8 °C, point de rosée de −8 °C; remarques : ciel couvert 8/8 dans le brouillard. à 23 h, 23 h 57 et minuit, les conditions n'avaient pas changé, sauf que la visibilité avait diminué à 1/8 mille dans le brouillard et qu'à 23 h, on mentionnait que la RVR pour la piste 15 était de 1 000 pieds.

Après le départ du vol ACA 646 de Toronto, un agent d'opérations d'Air Canada a communiqué à l'équipage une mise à jour des conditions météorologiques par l'intermédiaire de l'ACARS. Le bulletin de 23 h a été transmis à l'équipage par l'ACARS à 23 h 10. Le contrôle de la circulation aérienne a également fourni à l'équipage les renseignements météorologiques. à 23 h 28, l'équipage a reçu le bulletin suivant du spécialiste de l'information de vol : 23 h : vent calme, visibilité de 1/8 mille, RVR de 1 000 pieds dans le brouillard pour la piste 15, visibilité verticale de 100 pieds, température de −8 °C, point de rosée de −8 °C, calage altimétrique de 29,82 pouces. à 23 h 28, la RVR était de 1 400 pieds avec réglage des feux à l'intensité 5. à 23 h 35, 23 h 41 et 23 h 46, la RVR pour la piste 15 qui a été donnée à l'équipage était de 1 200 pieds avec réglage des feux à 5Note de bas de page 8.

à l'aide des données FDR, on a calculé que les vents en approche finale soufflaient du 238 degrés magnétique à 34 noeuds à 1 000 pieds asl, du 246 degrés à 17 noeuds à 500 pieds, et du 256 degrés à 10 noeuds à 200 pieds.

Les conditions météorologiques signalées à Saint John, l'aéroport de dégagement de l'équipage, à 23 h le 16 décembre étaient les suivantes : visibilité de 8 milles, quelques nuages à 300 pieds, nuages fragmentés à 1 400 pieds, température de 3 °C, point de rosée de 2 °C, calage altimétrique de 29,82 pouces. Les conditions signalées à minuit le 16 décembre étaient les suivantes : visibilité de 8 milles, ciel couvert à 1 800 pieds, température de 3 °C, point de rosée de 1 °C, calage altimétrique de 29,80 pouces.

1.7.4 Conditions givrantes

Les prévisions de zone pour la région du Nouveau-Brunswick située derrière le front chaud indiquaient qu'au moment de l'accident, il y aurait du givre occasionnel de léger à modéré dans les nuages. L'isotherme 0 °C devait se situer à la surface et il devait y avoir des couches où la température était supérieure au point de congélation entre 3 000 et 6 000 pieds asl. Le téphigrammeNote de bas de page 9 de Caribou (Maine) pour le 16 décembre à 20 h indiquait une brusque inversion de température en altitude. Les prévisions de vents en altitude pour la région de Fredericton, valables à compter de 17 h le 16 décembre jusqu'à 2 h le 17 décembre, indiquaient des températures de congélation jusqu'à 9 000 pieds asl. Les observations météorologiques en surface pour Fredericton indiquent qu'à 23 h le 16 décembre, la température du réservoir sec était de −7,7 °C et le point de rosée était de −8,3 °C; à 23 h 57 le 16 décembre, la température était de −7,6 °C et le point de rosée était de −8,1 °C.

L'équipage a déclaré que l'avion n'avait pas volé dans les nuages avant les étapes finales de l'approche sur Fredericton, où l'avion avait alors pénétré dans les nuages à une altitude située entre 500 et 1 000 pieds agl. L'équipage a ajouté qu'il n'avait observé aucun signe de givrage pendant le vol. Dans les deux heures qui ont précédé l'accident, deux appareils ont atterri à Fredericton dans des conditions météorologiques similaires. Lors de l'enquête, l'équipage de l'un des appareils a déclaré qu'en approche finale, il avait remarqué un léger givrage après avoir pénétré dans les nuages, et qu'après l'atterrissage il avait observé un peu de givre blanc sur le bord d'attaque de la voilure. L'équipage de l'autre appareil a déclaré qu'il n'avait pas observé de givre pendant l'approche ni sur les ailes après l'atterrissage. Une personne qui a emprunté la route entre Edmundston et Fredericton le soir de l'accident a déclaré avoir rencontré du brouillard givrant au nord de Fredericton.

1.8 Aides à la navigation

L'aéroport de Fredericton est desservi par un radiophare omnidirectionnel (VOR) à très haute fréquence (VHF) et par un radiophare non directionnel (NDB). Ces aides à la navigation permettent d'effectuer des approches de non-précision sur les pistes 09, 15 et 27. La piste 15 est également desservie par un système d'atterrissage aux instruments (ILS) qui permet les approches de catégorie I, qui est la seule approche de précision sur cet aéroport (voir l'annexe A). La hauteur de décision de l'ILS est de 200 pieds au-dessus de la cote du point d'atterrissage. La station d'information de vol (FSS) est équipée pour assurer la surveillance et le contrôle de l'ILS. Ce système ne présentait aucune anomalie au moment de l'accident. Un vol spécial de vérification de service effectué le 17 décembre 1997 par NAV CANADA a confirmé que l'ILS fonctionnait normalement.

Les CL-65 d'Air Canada sont équipés de deux radios VHF qui fournissent les données pour le VOR, le radiophare d'alignement de piste, l'alignement de descente et la radiobalise. Ils sont également équipés de deux ADF (radiogoniomètres automatiques), de deux DME (équipement de mesure de distance) pour la navigation et d'un transpondeur. De plus, l'avion est équipé d'un radar météorologique, d'un TCAS/ACAS (système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions), d'un GPWS et d'un FMS (système de gestion de vol). Le FMS est un système de navigation intégré qui permet la navigation point à point et la navigation orthodromique grâce à sa base de données intégrée; il permet également la navigation à l'estime et fournit les données VOR et DME.

L'équipage a utilisé le FMS pour la phase en route du vol et pour la descente jusqu'à l'approche. Il a ensuite exécuté une approche ILS sur la piste 15 de l'aéroport de Fredericton. L'équipage a déclaré que tous les systèmes de bord et au sol avaient fonctionné normalement.

1.9 Télécommunications

L'avion est équipé de deux radios VHF pour les communications. Les deux radios VHF ont fonctionné normalement pendant le vol.

L'avion est également équipé d'un ACARS dont Air Canada se sert pour surveiller le déroulement du vol et pour assurer les communications entre le centre de régulation des vols et l'avion. L'ACARS de l'avion et les installations au sol ont fonctionné normalement pendant le vol.

Pendant l'arrivée du vol ACA 646, les communications entre l'équipage de conduite et le spécialiste de la FSS se sont déroulées normalement et conformément aux règles établies. Les renseignements météorologiques ont été transmis à l'équipage en temps opportun.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

1.10.1 Généralités

L'aéroport de Fredericton est un aéroport certifié, exploité par Transports Canada, et qui répond aux exigences du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Cet aéroport est maintenant un aéroport non contrôlé, c'est-à-dire qu'il ne bénéficie plus des services de contrôleurs d'aérodrome pour faire le contrôle du trafic au sol et du trafic aérien local; toutefois, il y a encore une tour de contrôle à l'aéroport. L'aéroport bénéficie des services de spécialistes de l'information de vol, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et ces spécialistes travaillent à partir de la tour. L'aéroport possède deux pistes : la 15/33 qui mesure 6 000 pieds de longueur sur 200 pieds de largeur, et la 09/27 qui mesure 5 100 pieds de longueur sur 200 pieds de largeur. Leur surface est asphaltée.

1.10.2 Balisage lumineux de la piste et portée visuelle de la piste (RVR)

La piste 15 est équipée d'un balisage lumineux d'approche à haute intensité avec des feux séquentiels indicateurs d'axe de piste, de feux de seuil et d'extrémité de piste, et de feux de bord de piste à haute intensité. L'intensité de ces systèmes lumineux peut être réglée de 1 à 5, les feux étant les plus brillants au réglage 5. Au moment de l'arrivée du vol ACA 646, les feux étaient réglés à 5. Selon l'information recueillie, tous les feux fonctionnaient normalement au moment des faits.

La piste 15 est équipée pour mesurer la RVR; l'équipement optique est situé près des installations ILS, du côté sud de la piste 15 à 1 100 pieds environ du seuil. Un ordinateur combine les données en provenance du capteur de lumière ambiante et du réglage d'intensité des feux de piste pour produire un indice de visibilité, en pieds, qui est affiché sur la console des opérations de la FSS. La RVR est affichée en graduations de 200 pieds si l'indice est compris entre 600 pieds et 4 000 pieds, et en graduations de 500 pieds si l'indice est supérieur à 4 000 pieds. L'indice maximal est de 6 000 pieds. Aucun mécanisme n'enregistre les indices RVR antérieurs, mais l'équipement RVR affiche, enregistre et conserve les messages d'erreur. Aucun message d'erreur n'a été enregistré au moment de l'accident.

1.10.3 État de la piste

Une équipe de déneigement et de déverglaçage était de service le soir de l'accident. La dernière lecture du coefficient canadien de frottement sur piste (CRFI) sur toute la longueur de la piste 15 avait été prise quelque 50 minutes avant l'arrivée du vol ACA 646; le coefficient était de 0,48Note de bas de page 10. à ce moment-là, 60 % de la piste était propre et sèche, et 40 % de la surface était couverte de plaques de glace. La piste a alors été sablée par l'équipe d'entretien, puis une lecture abrégée du CRFI dans la zone du toucher des roues de la piste 15 a été faite quelques minutes avant l'arrivée du vol ACA 646. Le CRFI était alors de 0,40. Ce renseignement a été transmis à l'équipage du vol ACA 646.

1.10.4 Services de contrôle de la circulation aérienne

Les services de contrôle de la circulation aérienne (ATC) pour les vols effectués selon les règles du vol aux instruments (IFR) dans la région de l'Atlantique, qui comprend la région de Fredericton, sont assurés par les contrôleurs du centre de contrôle régional (ACC) de Moncton. Le contrôleur de l'ACC de Moncton a fourni à l'équipage du vol ACA 646 l'information d'aéroport et lui a délivré les autorisations appropriées. Une fois ACA 646 établi en approche finale à 18 milles au nord-ouest de l'aéroport, on a demandé au pilote de contacter la FSS de Fredericton.

Le spécialiste de l'information de vol de la FSS à l'aéroport de Fredericton doit fournir les services suivants : le service consultatif d'aéroport aux pilotes; le service de contrôle des véhicules au sol; le fonctionnement du balisage lumineux de piste, d'approche, de roulage et d'autres balisages lumineux d'aéroport; les observations météorologiques 24 heures sur 24; le service de NOTAM (avis aux navigateurs aériens); le service d'alerte VFR (vol selon les règles du vol à vue) de la zone de contrôle de Fredericton; il doit également fournir des services de soutien et de surveillance et donner des comptes rendus de fonctionnement conformément aux ententes en vigueur. Au moment des faits, les effectifs étaient conformes aux lignes de conduite de la région et étaient suffisants compte tenu de la charge de travail.

Le spécialiste de l'information de vol de service la nuit de l'accident était dûment qualifié pour s'acquitter de ses fonctions. Il possédait plus de 19 années d'expérience comme spécialiste de l'information de vol et travaillait à Fredericton depuis deux ans. Il avait pris son service à 20 h et travaillait seul. Au moment de l'accident, il n'y avait aucun autre aéronef en communication radio avec la FSS, et tous les véhicules étaient à bonne distance de la piste 15. Le spécialiste de la FSS a transmis à ACA 646 tous les renseignements nécessaires en vertu des règles et des procédures régissant l'exploitation des FSS.

Quand ACA 646 a contacté la FSS, le spécialiste lui a donné les conditions météorologiques et les renseignements concernant l'état de la piste à l'aéroport de Fredericton. Quand ACA 646 a annoncé neuf milles en approche finale, le spécialiste lui a donné le plus récent rapport sur l'état de la piste (celui qu'il avait reçu du contremaître d'entretien d'aéroport) et il a confirmé qu'il n'y avait aucun véhicule sur la piste 15. Le dernier contact radio entre la FSS et ACA 646 a eu lieu quand l'équipage a annoncé qu'il se trouvait par le travers du NDB de Fredericton; la FSS avait alors donné à ACA 646 les conditions de vent (calme) et lui avait dit que la RVR était de 1 200 pieds avec les feux d'approche et de piste réglés à l'intensité 5 (maximum). Aucune autre communication n'était prévue avant que l'avion ait atterri ou amorcé une remise des gaz. Quand le spécialiste s'est rendu compte que l'heure d'arrivée prévue pour le vol ACA 646 était passée et que l'équipage ne l'avait pas rappelé, il a entrepris une recherche coordonnée par radio avec l'ACC de Moncton, et il a demandé au personnel d'entretien de l'aéroport et au personnel d'intervention d'urgence de faire des recherches au niveau de la piste.

Aux aéroports non contrôlés, les pilotes doivent assurer leur propre espacement par rapport aux autres aéronefs. Les pilotes prennent la décision d'atterrir ou de décoller en fonction du trafic connu et de la disponibilité de la piste; ils n'ont pas besoin d'autorisation de décollage ni d'autorisation d'atterrissage. Aux aéroports contrôlés, les contrôleurs d'aérodrome fournissent les mêmes services consultatifs d'aéroport que les spécialistes de l'information de vol; toutefois, aucun pilote n'a le droit de décoller ni d'atterrir sans l'autorisation du contrôleur, ce qui doit se faire en fonction du trafic aérien et au sol connu. Étant donné que le vol ACA 646 évoluait en IFR, l'autorisation d'atterrissage aurait été la seule communication supplémentaire entre l'avion et le contrôleur d'aérodrome, s'il y avait eu un contrôleur d'aérodrome à Fredericton au lieu d'un spécialiste de l'information de vol. Le contrôleur d'aérodrome aurait sans aucun doute autorisé le vol ACA 646 à atterrir car il n'y avait aucune raison valable de ne pas le faire.

1.11 Enregistreurs de bord

1.11.1 Généralités

L'enregistreur de données de vol (FDR) et l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) de l'avion ont été récupérés par le BST et acheminés au Laboratoire technique du BST pour dépouillement et analyse. Les deux enregistreurs ne présentaient aucun dommage et contenaient des données exploitables.

1.11.2 L'enregistreur de données de vol (FDR)

Le FDR est un enregistreur à semi-conducteurs de marque Loral F1000 portant la référence S800-2000-00 et le numéro de série 00943. L'enregistrement contenait un peu plus de 60 heures d'information. Le BST a utilisé son système de récupération, d'analyse et de présentation (RAPS) pour récupérer les données du vol de l'accident et les données de quelques vols précédents. Les données du vol de l'accident étaient de très bonne qualité. L'enregistrement ne présentait aucune perte d'information de synchronisation ni de perte de données avant le deuxième impact avec la piste. Environ quatre secondes après le deuxième impact, il y a eu une perte de données de quelques secondes. La perte de données est probablement attribuable à une interruption de l'alimentation électrique et/ou aux dommages au système d'acquisition des données au moment de l'impact avec le sol, probablement avec le fossé. On a transmis les données relatives à l'atterrissage au fabricant du FDR qui, grâce à des techniques manuelles de récupération des données, a réussi à récupérer les données des cinq dernières secondes du vol après la perte de données.

Quelques-unes des dernières données de l'enregistrement semblent être valables malgré les dommages dus à l'impact; les vitesses de soufflante N1 des réacteurs gauche et droit enregistrées sont d'environ 94 % pour le réacteur gauche et de 92 % pour le réacteur droit. Les trois derniers échantillons de cap enregistrés, environ 271 degrés, ne correspondent pas au cap d'immobilisation de l'avion de 314 degrés, ce qui laisse croire que le FDR aurait cessé de fonctionner juste avant l'immobilisation de l'avion. Les volets de l'avion étaient braqués à 24 degrés après l'accident; le FDR indique que les volets rentraient à quelque 28 degrés au moment de la perte de données. Il a été impossible de déterminer avec certitude à quel moment le FDR a cessé de fonctionner parce que les données du FDR n'étaient pas entièrement fiables.

1.11.3 L'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR)

Le CVR est un enregistreur de marque Loral A100A portant la référence 93-A100-83 et le numéro de série 62289. Le CVR contenait les enregistrements des canaux audio du commandant de bord, du premier officier et du microphone d'ambiance (CAM) du poste de pilotage. Les conversations étaient faciles à comprendre, principalement parce que les microphones des interphones des pilotes ont été sur ON pendant tout le vol.

L'enregistrement du CVR a été numérisé dans les systèmes informatisés du BST pour analyse et transcription. L'enregistrement débute au moment où l'avion est en vol de croisière au niveau de vol (FL) 330, une quinzaine de minutes avant la descente, et s'arrête environ quatre secondes après l'impact avec la piste.

Le CVR a cessé d'enregistrer au moment de la perte de données du FDR, quelque quatre secondes après le deuxième impact avec la piste. Le CVR était équipé d'un contacteur à inertie unidirectionnel qui s'ouvre et provoque l'arrêt du CVR si l'avion subit une force de décélération supérieure à 2 g (facteur de charge) dans l'axe longitudinal. La décélération longitudinale au moment du deuxième impact était inférieure à 2 g. Il a été impossible de déterminer si le CVR a cessé de fonctionner à cause de la décélération ou à cause des dommages subis au moment de l'impact de l'avion avec le sol à l'extérieur de la piste. La communauté internationaleNote de bas de page 11 considère que l'utilisation d'un contacteur à inertie est une méthode peu fiable pour provoquer l'arrêt du CVR, et elle se préoccupe du fait qu'un tel contacteur pourrait interrompre prématurément le fonctionnement du CVR.

1.11.4 Reconstitution du vol

On a réalisé une animation par ordinateur pour déterminer avec plus de facilité la chronologie des événements et pour établir une datation chronologique de la position de l'avion par rapport à la piste pendant la tentative de remise des gaz. Les renseignements fournis par les enregistreurs de bord, les enregistrements de l'ATC, les déclarations des pilotes et les marques sur la piste ont été utilisés pour réaliser l'animation.

Les renseignements obtenus grâce à la reconstitution du vol ont été utilisés pour établir le déroulement du vol et pour faire l'analyse des questions relatives à l'exploitation et aux performances de l'avion.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

Après l'accident, les enquêteurs ne pouvaient pas ouvrir la porte de service de l'office. On a alors retiré des panneaux afin d'examiner et d'actionner autant que possible le mécanisme d'ouverture de la porte. Le mécanisme n'était pas endommagé et a fonctionné normalement jusqu'à ce que le coin arrière de la porte entre en contact avec le revêtement de l'avion, ce qui a empêché la porte de se déplacer plus loin. En regardant vers l'avant, la zone du poste de pilotage était tordue dans le sens contraire des aiguilles d'une montre par rapport à la cabine, sans doute à cause de la collision avec l'arbre. Le vrillage était suffisamment prononcé pour désaligner la porte et pour qu'elle reste coincée. Il a été conclu que la porte aurait pu fonctionner normalement si elle ne s'était pas coincée.

Le levier de commande des volets de l'avion a été trouvé à la position Volets 8 (remise des gaz). Les volets étaient braqués à 24 degrés environ. On a conclu que les volets n'avaient pas eu le temps de rentrer à 8 degrés avant que le courant électrique qui alimentait les moteurs des volets soit coupé. Les déporteurs étaient rentrés et étaient presque de niveau avec la structure adjacente. Le FDR révèle que les déporteurs étaient rentrés.

Les deux atterrisseurs principaux se sont détachés de l'avion. Les ferrures qui retenaient les points d'articulation dans les extrémités supérieures des jambes de train se sont fracturées, ce qui a permis aux extrémités supérieures des jambes de train de glisser franchement à l'extérieur. Ce type de construction permet de minimiser les dommages aux ailes advenant des dommages au train d'atterrissage dans un accident et de réduire les probabilités de déversement du carburant des ailes et les risques d'incendie. Le train avant et une partie de la jambe se sont détachés au moment de l'impact avec la piste; le reste du train avant s'est détaché au niveau du fossé.

La vérification des positions des vannes qui commandent l'alimentation et la distribution de l'air de prélèvement réacteur a révélé ce qui suit : les deux vannes d'arrêt de prélèvement d'air (alimentation) du 14e étage étaient ouvertes; les deux vannes modulatrices et d'arrêt du système d'antigivrage des ailes étaient fermées; les deux vannes d'arrêt et de régulation de pression du système d'antigivrage des nacelles étaient fermées. Il s'agit des positions que ces vannes adoptent habituellement si leur alimentation électrique est coupée. Les interrupteurs d'antigivrage étaient tous les deux sur OFF, ce qui coïncide également avec la position des vannes.

Le tableau de bord a été lourdement endommagé par les forces d'impact, surtout les instruments à cadran en verre. Certains dommages mineurs ont été attribués aux tentatives faites par le commandant de bord pour couper le réacteur gauche. Après l'immobilisation de l'appareil, les deux réacteurs ont continué à tourner à régime élevé. L'équipage a tiré les poignées coupe-feu pour couper les réacteurs, mais cette commande ne fonctionnait pas, car il n'y avait plus d'alimentation électrique dans le poste de pilotage. Le commandant de bord a alors tenté de couper les réacteurs en plaçant les manettes des gaz en position d'arrêt. Le réacteur droit s'est arrêté au moment où le commandant de bord a coupé les gaz. Toutefois, étant donné que l'enquête a révélé que la conduite carburant du réacteur droit était rompue, il est possible que ce réacteur se soit arrêté parce que l'alimentation en carburant a été coupée ou par suite d'une panne d'alimentation. Le commandant de bord n'arrivait pas à ramener la manette des gaz du réacteur gauche vers l'arrière. Il s'est alors levé et a mis le pied contre le tableau de bord. Il est parvenu à tirer la manette, et le réacteur s'est arrêté. On a découvert que le câble de commande du réacteur gauche avait été étiré et tendu et avait été endommagé quand l'arbre a pénétré dans l'avion, ce qui a rendu la manette des gaz du réacteur gauche difficile à déplacer.

Le lendemain de l'accident, des personnes au service d'Air Canada ont recouvert de peinture les marques de commerce et le nom d'Air Canada figurant sur l'avion. Il y a eu une certaine confusion entourant la permission de peindre l'avion; toutefois, l'appareil n'a pas été endommagé quand les marques de commerce et le nom ont été recouverts de peinture, et aucun renseignement qui aurait pu être utile à l'enquête n'a été modifié, ni effacé, ni perdu. Le BST a pris des mesures pour qu'il n'y ait plus de confusion concernant les travaux de peinture de cet ordre.

1.13 Renseignements médicaux

L'examen de l'emploi du temps des pilotes dans les 72 heures qui ont précédé l'accident et des circonstances entourant l'accident n'a révélé aucun facteur d'ordre médical, physique ou psychologique ayant eu une incidence néfaste sur le rendement des pilotes pendant le vol de l'accident.

1.14 Incendie

Il n'y a pas eu d'incendie, que ce soit avant ou après l'accident.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 Généralités

L'avion a été évacué d'urgence après s'être immobilisé. Sept passagers ont dû être dégagés de l'épave par le personnel d'intervention d'urgence. L'avion transportait 42 personnes. Trente-cinq d'entre elles ont été transportées à l'hôpital dont 9 (8 passagers et le commandant de bord) ont été hospitalisées. Quelques passagers ayant sorti de l'appareil par les issues d'aile ont glissé et sont tombés sur l'aile dont la surface était glissante et ont subi des blessures légères.

Tous les passagers qui ont été grièvement blessés (8) étaient assis dans les quatre premières rangées de la cabine pendant le vol; sept d'entre eux se trouvaient du côté gauche de l'avion au moment de l'impact, là où l'arbre a pénétré dans l'avion, ou un peu plus à l'arrière; le huitième passager grièvement blessé était assis à droite.

1.15.2 L'avion

Le CL-65 accidenté possédait 50 sièges passagers. Il y avait 12 rangées de 4 sièges identifiés à partir de la gauche par les lettres A, B, C et E; il y avait également une treizième rangée (la rangée 13) comprenant 2 sièges du côté gauche. L'avion transportait 37 passagers adultes et 2 bébés. Chaque bébé était assis sur les genoux de la personne qui l'accompagnait (sièges 1E et 12E). Il n'y avait pas de rangées de sièges vides, et il n'y avait aucune personne à bord souffrant d'une incapacité temporaire ou permanente.

Le CL-65 possède cinq issues de secours : la porte passagers, la porte de service de l'office, les deux issues d'aile et la trappe d'évacuation du poste de pilotage. Dans le cas d'un atterrissage sur le ventre, la porte de service de l'office et les issues d'aile sont les issues principales; la porte passagers est considérée comme une issue auxiliaire parce que l'assiette de l'appareil risque de gêner le fonctionnement et l'utilisation de l'escalier. La trappe d'évacuation du poste de pilotage ne doit servir qu'en dernier recours dans tous les cas d'évacuation d'urgence. La porte passagers du CL-65 accidenté s'est détachée de ses supports et est restée coincée en travers du seuil de la porte quand l'arbre a pénétré dans l'avion. La porte de service de l'office s'est bloquée pendant l'accident. Le commandant de bord a essayé de l'ouvrir, mais en vain. Les deux issues d'aile ont fonctionné normalement et ont été utilisées pendant l'évacuation. Personne ne s'est servi de la trappe d'évacuation. Le fait qu'il n'a pas été possible d'ouvrir la porte de service de l'office n'a pas vraiment gêné l'évacuation.

Le CL-65 transporte du matériel de secours qui est placé à divers endroits dans l'appareil. Il transporte entre autres une hache, un levier et quatre lampes de poche. Ces articles revêtent une certaine importance dans le cas qui nous occupe. Trois des lampes de poche se trouvent dans le poste de pilotage et la quatrième est sous le siège de l'agent de bord. Le levier se trouve dans la trousse de lutte contre l'incendie qui est dans la penderieNote de bas de page 12. Les lampes de poche et la hache de l'avion accidenté ont été utilisées après l'accident.

Le paragraphe 602.61 (1) du RAC stipule, notamment, que pour un vol au-dessus de la surface de la terre, un aéronef doit transporter à bord du matériel de survie qui offre les moyens « (d) d'émettre des signaux de détresse visuels. » Le paragraphe 602.61 (2) du RAC stipule que cette.exigence ne s'applique pas dans le cas de « (c) un aéronef multimoteur qui est utilisé au sud de la latitude 66°30'N : (i) soit en vol IFR dans l'espace aérien contrôlé, (ii) soit sur des routes aériennes désignées ».

Le circuit d'éclairage de secours de l'avion comprend des projecteurs conçus pour éclairer la cabine passagers et les zones d'entrée, des enseignes indicatrices d'issue lumineuses, des projecteurs d'évacuation extérieure au niveau des portes et des issues d'aile, et un dispositif d'éclairage de voie d'évacuation au niveau du plancher. Quand les accumulateurs sont complètement chargés, l'alimentation de secours a une autonomie d'une quinzaine de minutes. Le circuit d'éclairage de secours de l'avion accidenté a fonctionné comme prévu; il s'est déclenché quand le circuit d'alimentation électrique est tombé en panne.

On peut utiliser le système de sonorisation à partir du poste de pilotage ou du combiné de l'agent de bord. Le système est alimenté par le bus batterie de 28 volts c.c. (courant continu). Le système de sonorisation de l'avion accidenté est devenu inutilisable après l'accident parce qu'il y a eu une panne d'alimentation électrique. Ce système n'a pas de circuit d'alimentation de secours.

1.15.3 Procédures d'urgence d'Air Canada

Si le personnel de cabine pense qu'une collision est imminente (raclements métalliques, assiette anormale de l'avion, etc.), il doit prendre la position de sécurité et ordonner aux passagers d'adopter cette position. Le personnel de cabine est formé pour réagir dans une situation semblable, qu'il reçoive ou non un signal de l'équipage de conduite demandant d'adopter la position de sécurité. S'il y a danger de mort, l'ordre d'évacuation est donné par le commandant de bord ou par un agent de bord.

L'index des procédures (QRH) d'Air Canada contient les vérifications que l'équipage de conduite doit effectuer, dont les vérifications en cas d'avarie grave à l'aéronef et d'évacuation au sol. Les mesures à prendre en cas d'évacuation sont les suivantes : allumer l'éclairage de secours; ordonner l'évacuation en donnant des instructions en conséquence; ouvrir les issues et aider à l'évacuation. Dans le cas de l'accident de Fredericton, l'équipage de conduite s'est acquitté de ses fonctions conformément aux procédures établies; cependant, le commandant de bord a remarqué que le système de sonorisation ne fonctionnait pas lorsqu'il a donné l'ordre d'évacuer l'avion.

Air Canada a inséré une rubrique sur la survie des occupants au chapitre 5 « Procédures d'urgence » du manuel du personnel de bord; un des sujets traités est l'emplacement. Cette rubrique décrit les différentes approches utilisées par le personnel de cabine pour attirer l'attention du personnel de secours. Selon le type de vol, le personnel de cabine a à sa disposition des outils et du matériel divers comme des lampes stroboscopiques, des sifflets, des .lampes de poche et des fusées éclairantes à main. Dans le cas de l'accident de Fredericton, le personnel de cabine n'avait que des lampes de poche pour attirer l'attention du personnel de secours.

1.15.4 Formation relative au matériel de secours et aux procédures d'urgence

Le paragraphe 705.124 (2) du RAC stipule, notamment, qu'au cours de la formation initiale et annuelle, les membres de l'équipage de conduite doivent recevoir une formation sur les procédures d'urgence. Le paragraphe 725.124 (14) des Normes de service aérien commercial stipule notamment qu'une formation pratiqueNote de bas de page 13 portant sur le fonctionnement et l'utilisation des issues de secours est exigée et que celle-ci doit être donnée au moment de la formation initiale, puis tous les trois ans.

Air Canada a indiqué que, au moment de la formation initiale sur les procédures d'urgence et le matériel de secours, la formation pratique sur le fonctionnement des issues de secours est donnée pendant la formation préparatoire au vol de ligne. à ce moment-là, les pilotes qui suivent la formation utilisent uniquement la porte passagers et la porte de service de l'office. Ni le programme de formation initiale d'Air Canada, ni la formation de transition des pilotes d'Air Canada ne comprend de formation pratique sur le fonctionnement des issues d'aile ou de la trappe d'évacuation du poste de pilotage, qui sont des issues de secours. Lors de la formation annuelle aux procédures d'urgence, on fait seulement une démonstration des issues de secours. La formation initiale portant sur le reste du matériel de secours, comme la hache, les mégaphones et les trousses de premiers soins, est donnée à l'aide d'exposés et de didacticiels. De plus, on montre aux pilotes tout le matériel de secours présent à bord de l'aéronef juste avant leur premier vol de formation préparatoire au vol de ligne.

L'enquête a révélé que ni le commandant de bord ni le premier officier n'avait fait d'essai pratique du fonctionnement et de l'utilisation des issues de secours, dont la porte passagers et la porte de service de l'office, du CL-65. Le commandant de bord avait, par chance, déjà utilisé la porte passagers et la porte de service de l'office d'un CL-65 à l'occasion d'une visite des installations de Bombardier Inc. L'enquête a révélé qu'un des membres de l'équipage de conduite avait indiqué dans un test écrit qu'il savait qu'il y avait un levier à bord et qu'il s'agissait d'un article du matériel de secours ordinaire. Après l'accident, aucun des deux pilotes ne s'est rappelé qu'il y avait un levier à bord, et ni l'un ni l'autre ne savait qu'il y en avait un.

Les exigences relatives à la formation des agents de bord sont stipulées dans le RAC, dans les Normes de service aérien commercial et plus précisément dans la Norme de formation des agents de bord de Transports Canada (TP 12296). La formation aux procédures d'urgence portant sur les évacuations est obligatoire au moment de la formation initiale, de la formation annuelle et de la formation de requalification. La formation porte entre autres sur les responsabilités des membres d'équipage, sur les procédures d'évacuation et après évacuation, dont les techniques de signalisation et de récupération. Une formation en bonne et due forme sur le matériel de secours est obligatoire au moment de la formation initiale et au moment de la requalification annuelle. Transports Canada n'exige pas que les agents de bord fassent des essais pratiques relatifs au fonctionnement et à l'utilisation de la trappe d'évacuation du poste de pilotage. Le contenu et la mise en oeuvre du programme de formation des agents de bord d'Air Canada répondent aux exigences réglementaires. L'agent de bord de service à bord de l'avion accidenté possédait la formation et les qualifications nécessaires pour le vol et en vertu de la réglementation en vigueur.

1.15.5 Le vol de l'accident

Le CL-65 répondait aux exigences de démonstration d'évacuation d'urgence de Transports Canada avec un seul agent de bord pour le test de conformité ainsi qu'à toutes les autres exigences réglementaires pour les vols avec un seul agent de bord de service. Il y avait un seul agent de bord de service lors du vol de l'accident.

La démonstration de sécurité et l'exposé de sécurité à l'intention des passagers ont été faits avant le vol conformément aux exigences de Transports Canada et aux lignes directrices d'Air Canada. L'agent de bord a donné des exposés individuels aux deux hommes dont le siège se trouvait dans la rangée des issues d'aile. L'un des hommes interrogés après l'accident a déclaré que même s'il s'asseyait souvent près d'une issue d'aile lorsqu'il prenait l'avion, il n'avait jamais jusqu'alors reçu un exposé aussi complet. Il a déclaré que l'agent de bord ne s'était pas contenté de décrire en détail le fonctionnement de la porte, mais qu'il lui avait également montré comment retirer le couvercle de plastique de la poignée de sortie. L'agent de bord a déclaré que chaque fois qu'il donne un exposé sur le fonctionnement de l'issue d'aile, il parle suffisamment fort pour que les autres passagers autour de lui puissent également entendre l'exposé.

La passagère assise en 1E, qui voyageait avec un bébé, avait transporté l'enfant à bord dans un siège de sécurité homologué pour bébé. Le siège voisin (1C) n'était pas occupé mais elle n'avait pas pu utiliser le siège de sécurité pour bébé, car il ne rentrait pas entre les appuis-bras du siège. Le siège de sécurité pour bébé avait été placé dans le compartiment à bagages. Il y avait très peu de bagages à main dans la cabine parce qu'on encourageait les passagers du vol ACA 646 à profiter du service Sky CheckNote de bas de page 14.

Après le premier impact avec la piste, l'agent de bord a aussitôt pris la position de sécurité et a commencé à crier des ordres aux passagers : Emergency, bend over, grab your ankles, keep your head down (Urgence, penchez-vous, prenez vos chevilles, gardez la tête baissée). Lors des entretiens avec les passagers, certains ont déclaré qu'ils avaient entendu l'agent de bord crier des ordres, mais d'autres ont déclaré qu'ils n'avaient rien entendu. Il ne semble pas y avoir de lien entre l'endroit où étaient assis les passagers et le fait que certains ont entendu l'agent de bord et d'autres ne l'ont pas entendu.

Après l'immobilisation de l'avion, le commandant de bord a annoncé «Évacuez, Évacuez» à l'aide du système de sonorisation, mais le message n'a pas été entendu en raison de la panne d'alimentation électrique. Au même moment, l'agent de bord détachait son harnais de sécurité et évaluait rapidement la situation. Il fallait de toute évidence évacuer l'avion. L'agent de bord n'a donc pas attendu l'ordre du commandant de bord et a aussitôt commencé l'évacuation. Les passagers ont répondu rapidement et calmement. Les membres de l'équipage de conduite se sont acquittés de leurs fonctions, puis ils se sont rendus dans la cabine pour aider les gens à évacuer l'avion. On sait que trois personnes (deux passagers et un bébé) sont sorties par la porte passagers entrouverte. Environ 17 passagers sont sortis par l'issue d'aile droite et 12 par l'issue d'aile gauche.

L'agent de bord a crié aux passagers à l'extérieur de l'avion de s'éloigner de l'appareil et de rester ensemble. Ensuite, il a inspecté la cabine pour vérifier si tous les passagers, à l'exception de ceux qui étaient coincés dans l'appareil, avaient bien évacué l'avion, et il est sorti par l'issue d'aile droite. L'agent de bord a vu les feux de piste et les phares des véhicules et il a entendu les sirènes. Il s'est servi de sa lampe de poche pour faire des signaux aux sauveteurs, mais il n'a pas reçu de réponse. Il a donné sa lampe de poche à un passager, en lui demandant de continuer à faire des signaux, et il est retourné dans l'avion.

Les trois membres de l'équipage et quelques passagers qui étaient retournés dans l'avion ont essayé ensemble de dégager les passagers qui étaient coincés, mais sans succès. à un moment donné, l'équipage de conduite s'est servi du manche de la hache de secours comme d'un levier et a tenté vainement de dégager un passager qui avait la main coincée entre le fuselage et un siège, mais le manche de la hache a plié. Ni l'un ni l'autre des membres de l'équipage de conduite ne savait qu'il y avait un levier dans le matériel de secours ordinaire de l'avion.

L'agente de bord qui voyageait comme passagère est sortie du côté droit de l'avion et a rapidement pris la situation en main à l'extérieur de l'avion. Elle a rassemblé les passagers autour d'elle et les a réunis en un seul groupe. Elle a ensuite demandé à chacun de se nommer pour connaître le nombre de passagers évacués. Elle a répété ce procédé à quelques reprises pour s'assurer que personne ne s'était éloigné du groupe. Elle a empêché les passagers de retourner dans l'avion pendant que les réacteurs tournaient, et elle leur a interdit de fumer ou d'allumer une allumette parce qu'il y avait une forte odeur de carburant. Quand les réacteurs se sont arrêtés, elle est allée chercher des manteaux dans l'avion pour les passagers qui étaient à l'extérieur.

Plus tard, voyant que les sauveteurs n'arrivaient pas, l'agent de bord de service est de nouveau sorti de l'avion et a demandé à des passagers de prendre la lampe de poche et de marcher en direction de la piste. La plupart des passagers se sont déplacés en petits groupes, certains n'avaient pas de chaussures ou de vêtements d'hiver. Ils ont appelé à l'aide pendant qu'ils marchaient, mais les sauveteurs ne pouvaient ni les voir ni les entendre. Ils ont marché jusqu'au bord de la piste où ils ont rencontré les sauveteurs qui les ont emmenés jusqu'à l'aérogare en véhicule; ils ont ensuite été transportés à l'hôpital. Les trois membres de l'équipage sont restés dans l'épave avec les passagers qui étaient coincés et ont attendu que les secours arrivent.

Les passagers qui sont sortis du côté gauche de l'avion se sont retrouvés dans le bois. Comme le réacteur gauche tournait encore et qu'il y avait une forte odeur de carburant, les passagers se sont éloignés de l'appareil. Il se sont enfoncés dans le bois et se sont frayés un chemin dans les arbres pour contourner l'avion et se retrouver du côté droit de l'avion où il y avait un passage en direction de la piste.

1.15.6 Intervention d'urgence

Dans la partie III « Aérodromes et aéroports » du RAC, on trouve la norme 323 intitulée « Normes visant l'aérodrome et l'aéroport relatives à la lutte contre les incendies d'aéronefs aux aéroports et aux aérodromes ». L'article 323.03 « Exigences générales » stipule ce qui suit :

La principale raison d'être d'un service de lutte contre les incendies d'aéronefs, c'est de sauver des vies dans l'éventualité d'un aéronef en état d'urgence à l'aéroport ou à l'aérodrome. Dans ce contexte, un service de lutte contre les incendies d'aéronefs est un moyen d'urgence dont la principale responsabilité consiste à ménager une route de sortie à l'abri de l'incendie de façon à permettre l'évacuation des passagers et de l'équipage en cas d'accident d'aéronef.

Le spécialiste de la FSS a entendu l'avion passer vers 23 h 48, mais il ne l'a pas vu et il ne savait pas s'il avait atterri. à 23 h 50 min 27 s, après une recherche infructueuse par radio, le spécialiste a envoyé le seul pompier de service à la recherche de l'avion sur la piste. Le pompier a utilisé le véhicule de secours de l'aéroport ayant l'indicatif d'appel Red 3; l'autre pompier normalement de service avait quitté le travail à 23 h 30 parce qu'il était malade. Le contremaître d'entretien de l'aéroport, qui était à l'écoute des fréquences radio, s'est également joint aux recherches. Les conducteurs ont cherché sans succès l'avion ou des traces de pneus sur la piste 15/33, près des côtés de la piste et au-delà des extrémités de la piste; ils roulaient lentement à cause de la mauvaise visibilité dans le brouillard épais. à 23 h 58, toujours sans nouvelles de l'avion, le spécialiste a commencé la procédure d'appels, conformément au plan d'intervention en cas d'urgence. Il a tout d'abord appelé le téléphoniste du 911 et a demandé que l'on prévienne l'hôpital de Fredericton (D.E.C.H.) qu'un avion s'était peut-être écrasé à l'aéroport ou dans ses environs. Le spécialiste a ensuite téléphoné aux membres du personnel dont les noms figurent sur la liste de vérification du plan d'intervention d'urgence de l'aéroport de Fredericton. Vers 0 h 2 min 30 s, soit 14 minutes environ après l'accident, un des conducteurs a vu une personne qui marchait vers la piste; en parlant à cette personne, il a appris qu'il s'agissait d'un des passagers et que l'avion s'était écrasé à l'ouest de la piste. On a transmis ces renseignements à Red 3 et au spécialiste de la FSS.

Après être arrivé au poste des travailleurs d'entretien d'aéroport, le pompier s'est rendu à pied sur les lieux de l'accident avec un agent de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui était arrivé entre-temps. Vers 0 h 6, ils ont rencontré un groupe de 15 à 20 passagers qui marchait vers eux, avec à leur tête l'agente de bord qui n'était pas de service. Le pompier leur a indiqué comment se rendre à la piste et leur a dit qu'un membre du service d'entretien de l'aéroport les attendait à cet endroit. Ils ont ensuite rencontré une femme qui tenait un bébé dans ses bras. L'agent de la GRC a raccompagné la femme jusqu'au bord de la piste tandis que le pompier se rendait à l'épave. Lorsqu'il est arrivé sur les lieux de l'accident, le pompier a trouvé les trois membres de l'équipage et les sept passagers coincés dans l'épave. Il y avait une odeur de carburant, mais les réacteurs étaient coupés. Le pompier a donné au spécialiste de la FSS la position approximative de l'avion.

Entre-temps, le préposé à l'entretien de l'aéroport avait demandé qu'un autre préposé se rende à l'intersection des pistes 15 et 09 avec une fourgonnette pour transporter des passagers. Il a lui-même pris deux passagers à bord et les a déposés à l'aérogare en leur demandant de rentrer dans le bâtiment et d'y rester. Un deuxième pompier de l'aéroport est arrivé à l'aéroport et a emprunté le véhicule d'intervention rapide (VIR) pour se rendre sur la piste pour aller prêter main-forte au pompier de Red 3. Les deux pompiers ont ensuite discuté de la situation pour établir s'il valait mieux placer une lance d'incendie (tuyau d'incendie) entre un camion à incendie et l'avion à cause de la fuite de carburant. Ils ont tenté de faire avancer le VIR dans la neige mais, n'étant pas un véhicule tout terrain conçu pour rouler dans de la neige épaisse, il s'est embourbé après quelques pieds. D'autres camions à incendie, des ambulances et des policiers de Fredericton, d'Oromocto et de la Base des Forces canadiennes (BFC) Gagetown sont arrivés à l'aéroport entre 0 h 10 et 0 h 20 et ont été dirigés vers l'intersection des deux pistes principales.

Le contremaître d'entretien de l'aéroport a envoyé un chasse-neige à l'intersection des deux pistes, car il savait qu'il fallait ouvrir un chemin pour se rendre jusqu'à l'avion. Le chasse-neige a immédiatement commencé à ouvrir un chemin en direction de l'avion à partir de l'intersection des pistes 15 et 09, en suivant le sillon laissé par l'épave. Un employé de l'aéroport marchait devant le chasse-neige pour s'assurer que le véhicule n'ingère pas de débris de l'épave; il surveillait également s'il y avait des passagers dans les environs. Toutefois, quand le chasse-neige a atteint le fossé qui longe la piste 15 à l'est de la piste 09, il a fallu faire demi-tour pour ouvrir un autre chemin. Le nouveau chemin longeait une route à partir de l'intersection jusqu'au pied de la colline où reposait l'épave.

Une fois que le chemin d'accès a été ouvert jusqu'à l'avion, à 0 h 38, les voitures de police et les ambulances ont pu se rendre sur les lieux de l'accident. Red 3 et les deux pompiers de l'aéroport se sont également rendus sur les lieux, et ils ont réussi à déployer un tuyau d'incendie entre Red 3 et l'épave. On a utilisé des mâchoires de désincarcération portables du service d'incendie de la BFC Gagetown pour dégager les passagers qui étaient coincés. Entre-temps, le chef des pompiers, le directeur de l'aéroport et le directeur des opérations de l'aéroport étaient arrivés à l'aéroport. Le centre de communication d'urgence (ECC) est entré en activité à 0 h 54.

Le dernier passager coincé a été dégagé de l'avion à 2 h 34, soit deux heures et 46 minutes après l'accident. La recherche au sol qui avait été entreprise à 2 h 13 pour retrouver deux passagers qui manquaient à l'appel a pris fin à 4 h 43 quand les deux passagers ont été localisés; ils avaient quitté l'aérogare avec des membres de leur famille et étaient rentrés à la maison.

1.15.7 Radiobalise de repérage d'urgence (ELT)

En vertu de l'article 605.38 du RAC, un avion multimoteur à turboréacteurs dont la masse maximale homologuée au décollage est supérieure à 5 700 kg, comme le CL-65, peut être utilisé sans être muni d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) lorsqu'il est en vol IFR, au-dessus du sol, dans l'espace aérien contrôlé, au sud de la latitude 66°30′ N. Les avions pouvant transporter un nombre similaire de passagers et ayant le même environnement opérationnel que le CL-65, mais qui ne sont pas équipés de turboréacteurs, comme le Dash-8 et l'ATR-42, sont tenus en vertu de la réglementation de transporter une ELT. L'avion accidenté ne transportait pas d'ELT.

Les données du BST révèlent que les taux d'accident basés strictement sur des facteurs liés au mode de propulsion ne présentent pas de différence marquée entre les avions à turboréacteurs et les avions non équipés de turboréacteurs.

Le spécialiste de la FSS de Fredericton a entendu passer l'avion, mais il ne l'a pas vu à cause de la mauvaise visibilité. Les spécialistes de l'information de vol surveillent en permanence la fréquence d'urgence de 121,5 MHz. Les ELT émettent sur les fréquences de 121,5 MHz ou de 243 MHz. Lorsqu'un spécialiste entend un signal d'ELT qui n'est pas un test, il signale la situation à l'ACC et il suit la procédure écrite pour déterminer d'où provient le signal. Les spécialistes de l'information de vol qui travaillent dans une FSS sur un aéroport disposent de détecteurs d'ELT portables (il y en avait un à Fredericton); cependant, le spécialiste n'est pas autorisé à partir et à laisser la FSS sans surveillance pour aller à la recherche d'un signal d'ELT. Dans pareille situation, le spécialiste peut demander à quelqu'un de faire des recherches à l'aide du détecteur. Les spécialistes de l'information de vol reçoivent de la formation relative à l'utilisation des détecteurs d'ELT. De plus, le mode d'emploi des détecteurs d'ELT est disponible.

1.16 Essais et recherches

On a fait des essais et des recherches pour évaluer les performances de l'avion. Les résultats de ces essais sont présentés au paragraphe 1.18.3 « Performances de l'aéronef » un peu plus loin dans le présent rapport d'enquête et sont également présentés dans les rapports suivants du Groupe d'étude des performances :

  • Bombardier FS/97/601R/040/AK - Flight Simulation Investigation of the Canadair Regional Jet Accident (Simulation de vol portant sur l'accident de l'avion de transport régional à réaction de Canadair), 30 avril 1998.
  • Bombardier AA/98-7/FT - Ice Accretion Study (Étude sur le givrage), 4 mars 1998
  • Bombardier AA/98-40/FT - Aerodynamic Degradation due to Surface Pitting (Perte de portance aérodynamique causée par les piqûres de surface), 29 mai 1998.
  • Bombardier FS/98/601R/056/SN - Effect of Protruding Sealant on the RJ (Effet de la présence de produits de scellement en saillie sur les performances du RJ), 7 août 1998.
  • Rapport de l'Institut de recherche aérospatiale (IRA) LTR-A-023 - Review of Surface Contamination Analysis Tools (Étude portant sur les outils d'analyse de la contamination de surface), mai 1998.
  • Rapport de l'IRA LTR-A-025 - Ice Accretion Analysis (Analyse de givrage), mai 1998.
  • IAR Ice Sublimation Study letter (Document d'étude de l'IRA sur la sublimation de la glace), 19 juin 1998.
  • Rapport de l'IRA - FDR Data Quality Analysis and Performance Evaluation (Évaluation des performances du FDR et analyse de la qualité des données).
  • Rapport de l'IRA - The Effect of Ground Proximity on Aircraft Performance (Analyse des effets de la proximité du sol sur les performances de l'avion), septembre 1998.
  • Centre d'essais techniques de la qualité (CETQ) 10081-H028297 - Analysis of Sealant Material (Analyse d'un produit de scellement), 20 mars 1998.
  • Document de Rosemount Aerospace D9820221 - Ice Detector Response Time (Temps de réponse du détecteur de givrage), 17 avril 1998.

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 Programme de formation relatif à l'avion de transport régional à réaction chez Air Canada

1.17.1.1 Introduction

Les paragraphes ci-après présentent des renseignements basés sur le programme de formation en vigueur au moment de l'accident. Ils renferment également de l'information qui était en vigueur au moment où le commandant de bord a reçu son instruction de perfectionnement au poste de commandant de bord et au moment où le premier officier a reçu sa formation initiale sur CL-65.

1.17.1.2 Formation des pilotes

Les candidats pilotes nouvellement engagés doivent d'abord suivre un cours initial d'une durée de 12 jours qui porte notamment sur le manuel d'exploitation d'Air Canada, la publication 550 (Flight Operations Manual ou FOM), qui est l'équivalent du manuel d'exploitation de la compagnie exigé par le RAC, et sur la gestion des ressources de l'équipage (CRM). Les pilotes nouvellement engagés et les pilotes qualifiés sur d'autres aéronefs d'Air Canada doivent ensuite suivre un cours normalisé sur l'aéronef en cause. Pendant l'instruction au sol, les candidats aux postes de premier officier et de commandant de bord reçoivent deux semaines de formation relative à l'avion et à ses systèmes. Les candidats effectuent neuf séances de deux heures chacune dans le simulateur fixe suivies de neuf séances dans un simulateur de vol complet avec un instructeur. Tous les candidats reçoivent de la formation sur les performances de l'avion, et les pilotes qui n'ont pas d'expérience sur les avions à réaction reçoivent une formation adéquate portant sur les caractéristiques aérodynamiques des avions à réaction à voilure en flèche. Lors de la dernière séance, tous les pilotes doivent faire l'objet d'une vérification de compétence pilote et de qualification de vol aux instruments (PPC/IFT) de Transports Canada. Le contrôle est administré par un inspecteur de Transports Canada ou par un pilote inspecteur d'Air Canada désigné par Transports Canada.

Le vol de vérification PPC/IFT est suivi d'une séance d'entraînement qui consiste en un vol d'une heure au cours duquel les candidats font des exercices en circuit afin d'atteindre le niveau de compétence exigé par la norme. Au cours de cette dernière formation, les candidats doivent réussir une PPC en vol. Les pilotes effectuent ensuite au moins deux vols de familiarisation sur le siège de service d'un vol commercial.

1.17.1.3 Entraînement en ligne et formation de commandement en ligne

Après la période d'instruction, tous les candidats doivent suivre une formation préparatoire au vol de ligne d'au moins 25 heures avec un instructeur ou un commandant de bord ayant reçu l'entraînement en ligne, ce qui permet aux candidats aux postes de premier officier et de commandant de bord de se familiariser davantage avec le CL-65 et ses structures de route. Le candidat commandant de bord a alors l'occasion de se familiariser avec les exigences de communication qui font partie des fonctions de commandant de bord et de prendre de l'assurance pour assumer ce rôle.

Si les vols de vérification sont réussis au terme de la formation préparatoire au vol de ligne, les premiers officiers sont autorisés à effectuer des vols de ligne réguliers. Le candidat commandant de bord doit, pour sa part, suivre le programme de formation de commandement d'Air Canada appelé Command, il doit subir une vérification de compétence de commandement en ligne afin d'établir sa compétence en place gauche. Pour terminer, il doit recevoir la formation au vol de ligne à titre de commandant de bord. Cette dernière formation comprend au moins 50 heures de vol de ligne en place gauche avec un commandant de bord qualifié, et deux séances de quatre heures en simulateur. Pendant toute cette étape, le candidat commandant de bord a le titre de premier officier, même s'il accomplit les tâches normalement assumées par le commandant de bord. Il doit prendre toutes les décisions et s'acquitter de toutes les fonctions comme s'il était le commandant de bord de l'avion, et le pilote surveillant n'intervient qu'au besoin pour des raisons opérationnelles et de sécurité. La dernière étape du programme de formation de commandement est la vérification finale de compétence de commandement en ligne. à cette étape, un pilote inspecteur d'Air Canada évalue le candidat à titre de commandant de bord au cours d'un vol de ligne; ce contrôle en vol est le dernier contrôle déterminant en vue de l'obtention de la qualification de commandant de bord. Il faut habituellement deux ou trois mois à un pilote pour suivre le programme de formation de commandant de bord au complet.

1.17.2 Composition de l'équipage

L'article 705.106 (par. 1 et 4) « Qualifications des pilotes » et l'article 725.108 « Appariement des membres d'équipage de conduite » du RAC stipulent les exigences relatives aux qualifications des équipages de conduite et spécifient les éléments dont il faut tenir compte pour la composition des équipages de conduite. Le FOM d'Air Canada réitère les exigences du RAC et des normes connexes et ne contient aucune restriction supplémentaire concernant la composition des équipages de conduite. Ni le commandant de bord ni le premier officier du vol de l'accident n'était assujetti à des restrictions de composition d'équipage. Le commandant de bord était qualifié comme commandant de bord sur type depuis 14 mois. Au jour de l'accident, le premier officier totalisait plus de 60 heures de vol sur type, lesquelles avaient été effectuées dans les 25 jours qui avaient suivi son premier vol sur CL-65.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Déroulement du vol

1.18.1.1 Généralités

Au moment où l'avion approchait de Fredericton, les pilotes se sont préparés verbalement à exécuter une approche ILS sur la piste 15 et ont passé en revue la procédure d'approche interrompue. Les pilotes ont décidé qu'ils ne tenteraient pas plus de deux approches sur l'aéroport de Fredericton et que si le mauvais temps ne leur permettait pas d'atterrir à cet aéroport, ils se rendraient à Saint John, leur aéroport de dégagement prévu. L'ATC a donné aux pilotes toutes les instructions nécessaires pour une approche interrompue.

1.18.1.2 Fonctions des pilotes

Chez la majorité des compagnies aériennes, dont Air Canada, le commandant de bord et le premier officier sont tour à tour PF et PNF. Le premier officier s'acquittait des tâches de PF pour le vol entre Toronto et Fredericton; le commandant de bord était le PNF. En raison du mauvais temps signalé à Fredericton, les membres de l'équipage avaient discuté de l'expérience du premier officier avec une RVR de 1 200 pieds. Le premier officier n'avait jamais fait d'approche aux commandes du CL-65 avec une RVR de 1 200 pieds, mais il avait fait un certain nombre d'approches de ce type sur d'autres appareils. Après la discussion, le commandant de bord a décidé de poursuivre le vol en conservant les mêmes rôles, ce qui signifiait que le premier officier exécuterait l'approche. C'était la première journée que les membres de l'équipage volaient ensemble, et ils avaient exécuté deux étapes de vol. Au cours de ces deux étapes et pendant l'étape de Toronto à Fredericton, le commandant de bord avait jugé que le premier officier était un pilote compétent.

L'article 13.04 du chapitre 4 du FOM fournit les lignes directrices suivantes pour les approches de catégorie I par mauvaise visibilité :

[TRADUCTION] Il est recommandé que le commandant de bord effectue l'approche quand la RVR est inférieure à la visibilité d'approche à l'atterrissage indiquée sur la carte, sauf s'il s'agit d'une approche sur une piste équipée d'un balisage lumineux d'approche à haute intensité (HIAL), d'un balisage lumineux de zone de toucher des roues (TDZL) et de feux d'axe de piste (CLL) en bon état de marche.

La piste 15 de l'aéroport de Fredericton ne possède pas de balisage lumineux de zone de toucher des roues ni de feux d'axe de piste.

Après l'accident, Transports Canada a fait une vérification spéciale des opérations des CL-65 d'Air Canada. Les vérificateurs ont noté que les chefs pilotes d'Air Canada s'entendent pour dire que l'article 13.04 du FOM reflète la confiance qu'Air Canada place dans le bon jugement de ses commandants de bord et qu'il serait nuisible à la formation des premiers officiers que ces derniers ne soient jamais autorisés à faire des approches dans de telles conditions.

Tout pilote qualifié pour le vol aux instruments fait des approches de catégorie I pour établir le contact visuel avec l'aire d'atterrissage, et il n'existe aucune exigence particulière dans la réglementation ni dans les procédures de compagnie concernant ces approches. Bien qu'une approche de catégorie I puisse être exécutée dans des conditions météorologiques inférieures aux minima spécifiés pour cette approche, Transports Canada n'oblige aucun membre d'équipage de conduite à acquérir une formation spéciale en ce sens, et aucun membre d'équipage de conduite n'est tenu de faire l'objet d'un contrôle visant à vérifier son habileté à faire des approches dans de telles conditions.

1.18.1.3 Entre l'approche finale et l'ordre de remise des gaz

L'équipage a reçu des vecteurs radar pour intercepter le faisceau d'alignement de piste et a été autorisé à faire une approche ILS sur la piste 15 de l'aéroport de Fredericton. Les minima d'atterrissage pour une approche ILS sur la piste 15 étaient les suivants : visibilité d'un demi-mille ou RVR de 2 600 pieds, et hauteur de décision de 264 pieds asl, soit 200 pieds au-dessus de la zone de toucher des roues d'une hauteur de 64 pieds asl. La RVR minimale nécessaire à la mise en approche avant l'atterrissage était de 1 200 pieds.

Aucune anomalie n'a été notée pendant la descente depuis l'altitude de croisière, sauf que le sélecteur PWR/FUEL de l'APU (groupe auxiliaire de bord) était sur ON et que l'APU n'avait pas été mis en marche, ce qui n'a eu aucune répercussion sur le vol. L'avion est arrivé à la hauteur de décision dans la configuration d'atterrissage (train sorti, volets à 45 degrés), trois noeuds au-dessous de la vitesse cible de 144 noeuds (VREF + 5 noeuds), sur la trajectoire de descente, légèrement à droite de l'axe d'alignement de piste de l'ILS avec un angle de crabe de quelque 5 degrés à droiteNote de bas de page 15. à la hauteur de décision, le commandant de bord a annoncé qu'il avait les feux en vue. Le premier officier a relevé la tête et a aperçu les feux d'approche et d'extrémité de piste, et en voyant les repères visuels, il a décidé d'atterrir.

Selon les procédures d'Air Canada pour les approches de catégorie I, une fois que la décision d'atterrir est prise, le PF complète l'atterrissage à l'aide des repères visuels pour maintenir l'avion sur l'alignement de descente et sur l'axe de piste. Le PNF doit alors surveiller les repères visuels ainsi que les instruments dans le poste de pilotage, et il doit aviser le PF de tout écart significatif par rapport à la trajectoire de vol prévue.

Air Canada recommande d'utiliser le pilote automatique pour toute approche par mauvaise visibilité; cependant, aucune ligne directrice ne mentionne à quel moment il convient de débrancher le pilote automatique pendant l'approche. L'AFM stipule que l'altitude minimale de débranchement du pilote automatique est de 80 pieds.

Après avoir confirmé qu'il avait l'intention d'atterrir, le premier officier a débranché le pilote automatique. Le FDR révèle qu'après le débranchement du pilote automatique, l'angle d'inclinaison longitudinale de l'avion a augmenté, le taux de descente a diminué, et l'avion est passé au-dessus de la trajectoire de descente. Le commandant de bord a alors conseillé au premier officier d'abaisser le nez de l'avion. Après cette intervention verbale, la poussée a été diminuée, ce qui a fait piquer momentanément l'avion, mais l'angle d'assiette a de nouveau augmenté, et l'avion s'est incliné sur la gauche de quelque cinq degrés quand le pilote a mis du pied à gauche et qu'il a braqué l'aileron gauche. Le commandant de bord a de nouveau conseillé au premier officier d'abaisser le nez de l'avion. Deux secondes plus tard, l'appareil se trouvait à 60 pieds au-dessus de la piste, il était encore incliné à gauche et dérivait à gauche du faisceau d'alignement de piste. Quand le premier officier s'est rendu compte que l'avion dérivait vers la gauche, il a tenté de corriger, mais quand il a réussi à arrêter le mouvement de dérive, l'avion se trouvait à gauche de l'axe. Au moment où l'avion se trouvait à quelque 33 pieds au-dessus de la piste, à quelque 50 pieds à gauche de l'axe de piste et à environ 1 300 pieds au-delà du seuil, le commandant de bord a ordonné une remise des gaz. à la hauteur de décision, la vitesse de l'avion était inférieure de trois noeuds à la vitesse cible de 144 noeuds et, au seuil de piste, là ou selon le Canadair Regional Jet Airplane Flight Manual (manuel de vol de l'avion de transport régional à réaction de Canadair ou AFM), la vitesse aurait dû être la VREF (139 noeuds), celle-ci était en fait de 144 noeuds. La vitesse a atteint 139 noeuds à 50 pieds agl environ, quelque quatre secondes après le survol du seuil de piste.

Le radioaltimètre, par le biais du GPWS, fait automatiquement les annonces « 50 pieds », « 30 pieds » et « 10 pieds » pour indiquer la hauteur en pieds de l'avion au-dessus de la piste pendant l'atterrissage. Ni le commandant de bord ni le premier officier ne se rappelle avoir entendu les annonces. Le commandant de bord croyait que l'avion n'avait pas encore atteint la hauteur de 50 pieds au moment où il a donné l'ordre de remettre les gaz. L'annonce des 50 pieds a eu lieu pendant les cinq secondes qui se sont écoulées entre la deuxième intervention verbale du commandant de bord et son ordre de remise des gaz; l'annonce des 30 pieds est survenue entre l'ordre de remise des gaz du commandant de bord et l'accusé de réception du premier officier; l'annonce des 10 pieds a été faite une seconde après le déclenchement du vibreur de manche.

Le tableau ci-après présente les données fournies par les enregistreurs de vol pour cette phase du vol :

Heure 3 h 47 mn Événement ALT VS IAS AS▲ % N1
11,4 s Commandant annonce «MINIMUMS ET FEUX» 201 −700 141 0,0 68 −2,0
14,8 s Premier officier annonce l'atterrissage 166 −800 143 1,4 68,3 −2,2
15 s Débranchement du pilote automatique 165 −800 143 1.2 68.3 −2.2
19,4 s Commandant conseille au premier officier d'abaisser le nez de l'avion 132 −500 145 0,3 68,5 −0,9
22,5 s Correction de l'assiette longitudinale (3 h 47 mn 21 s - 3 h 47 mn 23 s) 96 −450 145 0,3 68,4 −1,1
24 s Régime N1 du réacteur commence à diminuer vers le ralenti 79 −400 145 −0,7 64,7 −0,6
25,1 s Franchissement du seuil de piste 72 −400 144 −1,0 58,8 −0,5
25,9 s Commandant conseille au premier officier d'abaisser le nez de l'avion 68 −300 143 −1,4 53,6 −0,1
29,2 s Radioaltimètre « 50 pieds » 49 −500 138 −1,9 36,4 −1,5
30,9 s Commandant ordonne la remise des gaz 33 −600 135 −2,0 29,4 −1,0
ALT Hauteur radioaltimétrique
VS Vitesse verticale calculée (pieds par minute)
IAS Vitesse indiquée
AS▲ Changement de vitesse par seconde
% N1 Régime N1 du réacteur gauche
Assiette longitudinale

De nombreux pilotes de CL-65 ont déclaré qu'en approche finale le CL-65 adopte une assiette de piqué en raison de sa vitesse d'approche relativement élevée. C'est bien connu que si l'avion a une assiette de piqué et une vitesse d'approche élevée, dans le noir et par mauvaise visibilité, le pilote peut avoir la sensation que l'avion approche trop rapidement du sol et peut avoir tendance à relever le nez de l'appareil et à faire l'arrondi trop tôt. Cette tendance est particulièrement forte chez le pilote qui est aux commandes d'un CL-65 pour la première fois après avoir piloté des appareils plus lents et plus classiques ou des appareils plus gros offrant une position de référence visuelle plus élevée. En outre, comme les réacteurs sont situés au-dessus du centre de gravité, le CL-65 a tendance à se cabrer si l'on réduit la poussée. Ces illusions et ces tendances aérodynamiques sont bien connues et font l'objet de discussions pendant la formation des pilotes. Le commandant de bord et le premier officier connaissaient tous deux l'existence de ces caractéristiques.

1.18.1.4 La remise des gaz

Certification et remise des gaz

L'enquête a révélé un certain manque d'uniformité dans les termes utilisés pour décrire les différentes phases de vol composant l'approche finale et l'atterrissage d'un avion de la catégorie transport. Les instances de réglementation, les constructeurs et les exploitants utilisent l'expression «remise des gaz» dans toutes sortes d'acceptions pour décrire soit la procédure au cours de laquelle un avion interrompt son approche, soit la transition au vol à vue en prévision de l'atterrissage, soit l'atterrissage proprement dit, avant de reprendre de l'altitude. Les conséquences d'une telle situation sont importantes, car la procédure est loin d'être la même dans tous les cas. Les lignes qui suivent donnent une description de chaque phase ainsi que les points importants à connaître pour effectuer une remise des gaz pour chaque phase. Les définitions qui sont utilisées ici ont pour objet de faciliter la discussion et ne correspondent pas nécessairement à celles utilisées au moment de la certification des avions.

  • Remise des gaz - action de mettre un terme, quelle qu'en soit la raison, à l'approche précédant l'atterrissage et de s'éloigner en reprenant de l'altitude.
  • Approche interrompue - arrêt d'une approche aux instruments au plus tard à l'altitude minimale de descente (MDA) ou à la hauteur de décision. En général, au déclenchement de l'approche interrompue, l'avion est sur la trajectoire de vol prévue, en configuration train et volets sortis en fonction du type d'approche, la puissance et la vitesse stabilisées. Il peut être nécessaire d'interrompre l'approche parce que l'équipage ne voit pas suffisamment la piste et ses environs pour se poser, ou parce que l'avion n'est pas en mesure d'atterrir en toute sécurité.
  • Atterrissage interrompu - arrêt de l'approche après que l'équipage a pris la décision de se poser. En général, au déclenchement de l'atterrissage interrompu, l'avion est sur la trajectoire de vol prévue, en configuration train et volets sortis en position d'atterrissage, la puissance et la vitesse stabilisées. Il peut être nécessaire d'interrompre l'atterrissage parce que l'équipage ne voit plus la piste et ses environs ou à cause de la présence d'un obstacle sur la piste. L'expression « atterrissage interrompu » n'est pas utilisée dans le contexte de la certification des aéronefs, mais elle est d'usage courant dans le milieu aéronautique.
  • Atterrissage interrompu, puissance au ralenti - remise des gaz à partir d'une approche interrompue ou d'un atterrissage interrompu, le ou les moteurs à la puissance d'approche. Il pourra cependant arriver de temps à autre que l'équipage se sente obligé, à tort ou à raison, de remettre les gaz alors que la puissance a déjà été réduite au ralenti en vue de l'atterrissage. C'est dans cette situation que s'est retrouvé l'équipage du vol ACA 646. Comme il n'existe aucune exigence de certification canadienne ou américaine traitant de l'atterrissage interrompu, puissance au ralenti, Transports Canada n'oblige pas les constructeurs ni les exploitants à traiter la question dans les manuels pertinents, et les pilotes ne sont pas tenus de s'entraîner à exécuter pareille manoeuvre.
  • Atterrissage manqué - il s'agit d'une manoeuvre intéressant la certification de type qui se rapporte à une remise des gaz sur tous les moteurs à partir de VREF en configuration d'atterrissage, tel qu'il est décrit ci-dessus dans le paragraphe sur l'atterrissage interrompu. Cette expression est très peu employée dans les manuels de vol des avions ou dans les autres manuels servant aux exploitants et aux pilotes. En ce qui concerne les manuels des exploitants, les qualifications de type et les contrôles de compétence, c'est l'expression « atterrissage interrompu » qui est généralement employée.

En vertu de l'alinéa 25.101(g) des normes de certification qui se trouvent dans la partie 25 (title 14) de la Special Federal Aviation Regulation traitant des normes de navigabilité des avions de la catégorie transport, le constructeur est tenu d'établir des procédures permettant l'exécution des atterrissages manqués (interrompus) et des approches interrompues aux conditions prévues à l'article 25.119 (montée en configuration d'atterrissage) et à l'alinéa 25.121(d) (montée en configuration d'approche). D'après Transports Canada, les démonstrations d'atterrissage manqué et d'approche interrompue effectuées dans le cadre du processus de certification ont lieu à partir d'une descente stabilisée à VREF ou, dans le cas des approches avec un moteur en panne, à VAPP. Le réglage de puissance initial est celui qui convient à l'approche stabilisée selon l'angle nominal de trajectoire de descente fixé à trois degrés. Vu les circonstances particulières propres aux approches de catégorie II, le constructeur est également tenu de démontrer la présence de pertes d'altitude acceptables en cas de remise des gaz sur un moteur à 100 pieds.

Les calculs de Transports Canada et de Bombardier Inc. pour le CL-65 sont basés sur une remise des gaz amorcée à partir du domaine de vol démontré pour une remise des gaz : train et volets sortis, vitesse de référence convenable, taux de descente normal en approcheNote de bas de page 16, et puissance d'approcheNote de bas de page 17 appliquée. On s'attendait à ce que, une fois les manettes des gaz poussées et les volets en train de rentrer, la poussée des réacteurs augmenterait rapidement et qu'elle serait suffisante pour entraîner une augmentation de vitesse pendant que l'équipage cabrerait l'avion en fonction des indications des barres directrices du directeur de vol.

Selon les renseignements fournis par Transports Canada après l'accident, une remise des gaz ou un atterrissage manqué amorcé à l'extérieur du domaine de vol démontré de l'avion constitue une manoeuvre à haut risque. Si l'on tente une remise des gaz à bas régime, par exemple quand les manettes des gaz ont déjà été ramenées en arrière en vue de l'atterrissage, un contact avec le sol est probable, et toute tentative d'amorcer une montée avant que les réacteurs aient atteint la poussée de remise des gaz risque de provoquer un décrochage. La raison principale étant que les réacteurs ont besoin d'environ huit secondes pour accélérer au régime de remise des gaz.

Lors du processus de certification d'un aéronef, les constructeurs doivent faire la démonstration d'une remise des gaz; toutefois, les conditions dans lesquelles se déroule cette démonstration ne sont pas précisées dans la documentation des limitations de l'aéronef ni dans la procédure de remise des gaz de l'aéronef. Même s'il est possible que les conditions dans lesquelles la remise des gaz est faite ne donnent pas lieu à l'apparition de ces limitations, l'information pourrait être utilisée par les pilotes. La seule restriction publiée concernant la manoeuvre de remise des gaz du CL-65 est stipulée dans une MISE EN GARDE de l'AFM (voir la rubrique Procédures de remise des gaz ci-après) qui spécifie qu'une remise des gaz ne devrait pas être entreprise une fois que les inverseurs de poussée sont déployés.

Procédures de remise des gaz

La partie 5.08 du chapitre 5 du FOM stipule que le pilote aux commandes doit interrompre l'approche si, selon lui, il est impossible d'atterrir à l'intérieur de la zone de toucher des roues et d'immobiliser l'appareil en toute sécurité à l'intérieur de la distance d'arrêt calculée.

à la page 04-20-17 de l'AFM (CSP A-012), rév. 50, 1er juin 1997, à la partie sur les procédures normales, on trouve ce qui suit :

[TRADUCTION] Les procédures suivantes sont recommandées dans le cas d'une approche interrompue ou dans toute autre situation qui pourrait nécessiter une remise des gaz, alors que l'avion est en configuration d'atterrissage (train sorti, volets à 45°) :

MISE EN GARDE

Une remise des gaz ne DEVRAIT PAS être entreprise une fois que les inverseurs de poussée sont déployés.

  1. Manettes des gaz/poussoir remise des gaz : Avancer les manettes des gaz à la position N1 de poussée normale au décollage tout en appuyant sur le poussoir TOGA (décollage et remise des gaz).
  2. Avion : Cabrer doucement vers l'assiette longitudinale cible de +10° pour freiner la descente.
  3. Volets : Braquer à 8°.
  4. Assiette longitudinale : Régler pour atteindre une vitesse non inférieure à V2(volets 8°) +10 pendant la rentrée des volets à 8°.
    Quand la vitesse ascensionnelle nette est atteinte :
  5. Train d'atterrissage : Rentrer.
  6. Vitesse : Maintenir une vitesse non inférieure à V2(volets 8°) +10 KIAS.
  7. Procédure de montée initiale normale : Suivre la procédure.

À la page 02.37.02 du CL-65 Airplane Operating Manual (AOM) d'Air Canada publié le 17 septembre 1997, on trouve ce qui suit :

[TRADUCTION] REMISE DES GAZ SUR DEUX RÉACTEURS

Le PF annonce « REMISE DES GAZ, VOLETS » et, simultanément, applique la poussée de remise des gaz, il appuie sur le poussoir de remise des gaz de la manette des gaz et il cabre doucement l'avion vers l'assiette cible du directeur de vol [+10°] afin d'atteindre une vitesse non inférieure à V2 +10. Le PNF braque les volets en position de stationnement (c.-à-d. Volets 8), et il confirme que la poussée est bien réglée.

Une fois en montée stabilisée, le PNF annonce « VITESSE ASCENSIONNELLE NETTE ». Le PF annonce alors « TRAIN RENTRÉ ».

Le schéma ci-après présente la procédure de remise des gaz sur deux réacteurs qui figure à la page 02.37.02 de l'AOM.

Figure 2 - Remise des gaz sur deux réacteurs, page 02.37.02 du CL-65 Airplane Operating Manual (AOM) d'Air Canada
Remise des gaz sur deux réacteurs

LEXIQUE DE LA FIGURE 2

  • Gear up : Train rentré
  • Go-around, flaps : Remise des gaz, volets
  • Go-around thrust & button : Poussoir et puissance remise des gaz
  • If turn required, initiate after gear up. Further flap retraction is delayed until initial maneuvering is complete and a safe altitude and appropriate speed are attained : En cas de virage, procéder une fois le train rentré. Attendre la fin de la manoeuvre initiale et d'avoir atteint une altitude de sécurité et une vitesse convenable avant de poursuivre la rentrée des volets.
  • MDA/DH : Altitude minimale de descente/hauteur de décision
  • Positive rate : Vitesse ascensionnelle nette atteinte
  • Rotate to FD target attitude : Cabrage à l'assiette cible du directeur de vol
  • Target Speed : Vitesse cible

À la page 16 du chapitre 4/3 du Flight Crew Training Manual, Student Study Guide (publication 595) d'Air Canada, publié le 24 octobre 1996, on trouve ce qui suit :

[TRADUCTION] TECHNIQUE DE REMISE DES GAZ

2 réacteurs - Suivre la procédure qui figure à la page 02.37.02 de l'AOM.

Le PF annonce « REMISE DES GAZ, VOLETS » tout en appliquant la poussée de remise des gaz et en appuyant sur le poussoir de remise des gaz des manettes des gaz. Le cabrage doit se faire en douceur vers l'assiette longitudinale indiquée par le directeur de vol afin de freiner la descente. Quand le FMA [annonciateur de mode de vol] indique le mode G/A [remise des gaz], l'assiette longitudinale du directeur de vol ne devrait servir qu'à titre d'indication initiale pour établir une vitesse verticale positive. Après quoi, la vitesse indiquée, de concert avec les autres instruments de vol dans le plan vertical, doit servir pour la maîtrise en tangage afin d'atteindre une vitesse minimale de V2 +10. Des sollicitations brusques ou trop rapides de cabrage peuvent déclencher la mise en marche du vibreur de manche.

Ni l'AFM, ni le Flight Crew Operating Manual, volume 2, ni l'AOM ne font spécifiquement référence aux procédures d'atterrissage interrompu. La seule référence à la procédure d'atterrissage interrompu pour le CL-65 se trouve à la page 10 du chapitre 5 « Airborne Flight Training » du Flight Crew Training Manual d'Air Canada, publié le 26 octobre 1996, qui stipule :

[TRADUCTION] ATTERRISSAGE INTERROMPU

On ne doit pas interrompre un atterrissage à une hauteur inférieure à 50 pieds.Note de bas de page 18 La procédure est la même que pour une remise des gaz normale en ce sens qu'il faut appuyer sur les poussoirs TOGA en même temps que l'on avance les manettes des gaz. L'angle de cabrage doit être positif selon les barres directrices ou à 10 degrés.
LA VITESSE EST L'ÉLÉMENT PRINCIPAL DONT IL FAUT TENIR COMPTE.

Dans plusieurs autres parties du Flight Crew Training Manual d'Air Canada qui traitent des remises des gaz sur deux réacteurs, on insiste sur les éléments suivants :

L'assiette longitudinale cible du directeur de vol doit servir UNIQUEMENT à titre d'indication initiale.

Une fois qu'un cabrage positif est obtenu et maintenu, la vitesse indiquée (mode VITESSE) et la vitesse verticale deviennent les principaux indicateurs pour la maîtrise en tangage.

L'erreur la plus fréquente lors d'une remise des gaz est de ne pas cabrer l'avion en fonction du directeur de vol.

Le 21 août 1996, un inspecteur de Transports Canada a remis à Air Canada un rapport qui contenait son évaluation de situations en simulateur où les équipages de CL-65 subissaient des pertes de vitesse significatives, accompagnées dans certains cas du déclenchement du vibreur de manche, au cours des procédures de remise des gaz sur un seul réacteur. Des essais et des analyses poussés ont indiqué que le simulateur était fidèle aux performances de l'avion et que les symptômes indésirables rencontrés par les pilotes étaient attribuables à des lacunes au niveau de la technique et de la formation. Le rapport soulignait notamment que les taux de cabrage et les délais dans la rentrée des volets jouaient un rôle primordial dans les pertes de vitesse enregistrées. à partir de ces renseignements, Air Canada a révisé l'AFM, le Flight Crew Operating Manual, l'AOM et le Flight Crew Training Manual. Les révisions apportées insistaient, entre autres, sur le fait que les instructions du directeur de vol ne doivent servir qu'à titre de référence initiale pour freiner la descente. D'autres documents de Transports Canada indiquent que l'on a apporté des révisions subséquentes à l'AFM et au Flight Crew Operating Manual en 1996 afin d'insister sur le fait qu'il faut surveiller la vitesse de plus près pendant la remise des gaz.

Ni l'AFM, ni le Flight Crew Operating Manual, ni l'AOM, ni le Flight Operations Manual ne fournissent de lignes directrices sur les procédures de coordination dans le poste de pilotage pour les situations où le commandant de bord, à titre de PNF, ordonne une remise des gaz.

Formation aux remises des gaz

Dans le cas des pilotes d'Air Canada, la formation aux remises des gaz se donne en simulateur. Les exercices de remise des gaz se déroulent habituellement à partir de la hauteur de décision ou du point d'approche interrompu de la procédure d'approche aux instruments, avec le train et les volets de l'avion en configuration d'atterrissage, à la vitesse de référence appropriée, au taux de descente d'approche normal, et avec les réacteurs produisant la poussée d'approche. On fait parfois des exercices de remise des gaz (atterrissage interrompu) à partir d'altitudes inférieures à l'altitude de descente minimale aux instruments, en réponse à une simulation d'obstacle imprévu sur la piste. Pour ces simulations, les remises des gaz se font également à partir d'un profil d'approche, d'une configuration et de réglages de poussée normaux, et avant la réduction finale de poussée pour l'atterrissage. Le programme de formation à l'époque de l'accident ne comprenait pas d'exercices de remise des gaz/atterrissage interrompu à bas régime, comme la situation qui s'est présentée lors du vol de l'accident, et Transports Canada n'exigeait pas que les pilotes démontrent leurs compétences dans ce domaine.

Remise des gaz lors du vol de l'accident

Après que le commandant de bord eut donné l'ordre de remettre les gaz, le premier officier a accusé réception de l'ordre et a commencé à pousser sur les manettes des gaz. Il a sélectionné le mode de remise des gaz sur le directeur de vol et a commencé à cabrer l'avion selon les indications des barres directrices. Quand il a senti que le commandant de bord poussait sur les manettes des gaz, le premier officier a enlevé ses mains des manettes des gaz. Normalement, le PF doit afficher rapidement la poussée de remise des gaz approximative, le PNF se chargeant de parfaire le réglage pour obtenir la bonne poussée. Environ une seconde après que le premier officier eut accusé réception de l'ordre de remise des gaz, le vibreur de manche s'est mis en marche, et une seconde et demie après l'entrée en action du vibreur de manche, le commandant de bord a annoncé qu'il allait rentrer les volets au réglage de remise des gaz, ce qu'il a fait. Au moment où le commandant de bord commandait la rentrée des volets, le hululeur du SPS s'est fait entendre, et l'avion a commencé à s'incliner à droite.

Le tableau ci-après présente les données enregistrées par le FDR lors de la remise des gaz du vol de l'accident.

Heure 3 h 47 mn Événement ALT VS IAS AS▲ % N1
30,9 s Commandant ordonne la remise des gaz 33 −600 135 −2,0 29,4 −1,0
31,5 s Radioaltimètre « 30 pieds » 27 −600 134 −2,3 27,8 0,5
31,9 s Premier officier accuse réception de la remise des gaz 23 −600 133 −2,5 26,9 1,3
33,1 s Déclenchement du vibreur de manche 14 −350 129 −2,9 27,0 4,0
34,1 s Radioaltimètre « 10 pieds » 11 −100 126 −3,5 30,5 7,8
34,7 s Amorce de décrochage/début de roulis à droite 14 300 124 −3,9 34,7 9,6
34,8 s Commandant annonce « VOLETS »/ hululeur se fait entendre 13 400 124 −3,6 35,4 9,7
36,3 s Altitude maximale 32 0 121 −2,8 59,0 3,2
ALT Hauteur radioaltimétrique
VS Vitesse verticale calculée (pieds par minute)
IAS Vitesse indiquée
AS▲ Changement de vitesse par seconde
% N1 Régime N1 du réacteur gauche
Assiette longitudinale

Quand le commandant de bord a ordonné la remise des gaz, il estimait que l'avion avait parcouru quelque 1 000 pieds au-delà du seuil de piste et qu'il se trouvait à plus de 50 pieds agl, puisqu'il n'avait pas entendu l'annonce du radioaltimètre. Le FDR révèle qu'au moment de l'ordre de remise des gaz, l'avion se trouvait à 33 pieds de hauteur, qu'il volait à 135 noeuds et qu'il avait parcouru quelque 1 300 pieds au-delà du seuil de piste. L'ordre de remise des gaz du commandant de bord n'a pas étonné le premier officier, car il s'apprêtait à faire la même annonce.

Quand le commandant de bord a ordonné la remise des gaz, le premier officier a reporté son attention sur les instruments du poste de pilotage. Le commandant de bord ne se rappelle pas avoir regardé à l'extérieur de l'avion après avoir donné l'ordre de remise des gaz. Le déclenchement du vibreur de manche est le premier signe que l'équipage a eu que quelque chose n'allait pas. Il s'est écoulé 1,2 seconde entre l'accusé de réception par le premier officier de l'ordre de remise des gaz et le déclenchement du vibreur de manche, et pendant ce temps, le premier officier essayait de faire adopter à l'avion la bonne assiette longitudinale, tandis que le commandant de bord s'acquittait des fonctions de PNF qui consistaient à régler les manettes des gaz pour la remise des gaz et à s'assurer que l'avion avait la bonne configuration.

Régime de l'avion au moment de la remise des gaz

Comme le FDR n'enregistre pas la position des manettes des gaz, on a demandé à Bombardier Inc. d'analyser les données du FDR relatives au fonctionnement des réacteurs afin de déterminer les déplacements des manettes des gaz au cours de la remise des gaz. Cette analyse a permis de conclure que, à partir du moment où le premier officier a accusé réception de l'ordre de remise des gaz, les réacteurs ont accéléré comme ils le feraient à la suite d'une demande brusque de puissance (quand les manettes des gaz sont déplacées plus rapidement que l'accélération des réacteurs et que les réacteurs accélèrent au taux maximum).

Bombardier Inc. a également tiré les conclusions suivantes à partir de son analyse des renseignements fournis par le FDR.

Les conditions significatives liées au régime de l'avion, qui prévalaient au moment de l'amorce de la remise des gaz par rapport aux conditions prévues pour cette manoeuvre, sont les suivantes :

  1. La vitesse était inférieure de six noeuds à la VREF de 139 noeuds.
  2. Le régime réacteur N1 était de 29 %, soit 39 % de moins que le réglage de poussée d'approche nominal de 68 %.
  3. Le régime réacteur N1 a atteint 68 %, un réglage de poussée d'approche nominal, cinq secondes après l'accusé de réception de remise des gaz.
  4. à partir du moment de l'accusé de réception de remise des gaz, les réacteurs ont atteint 92 %Note de bas de page 19 N1 en 7,5 secondes; à partir d'un réglage de poussée d'approche nominal, la poussée de remise des gaz devrait normalement être atteinte en trois secondes ou moins.
  5. Les volets ont commencé à rentrer trois secondes après l'accusé de réception de remise des gaz; habituellement, les volets sont sélectionnés et commencent à se déplacer dans la seconde qui suit l'annonce de remise des gaz.
  6. La vitesse a diminué à quelque trois noeuds par seconde pendant toute la manoeuvre; normalement, la vitesse augmente pendant la procédure de remise des gaz.
1.18.1.5 Prévention des décrochages

Procédure de sortie de décrochage

La procédure de sortie de décrochage figure aux pages 03.03.10 et 03.03.11 de l'AOM, volume 2. Le manuel stipule que le CL-65 présente des caractéristiques de vol stables à l'approche du décrochage et que les commandes répondent bien dans tous les axes. La procédure de sortie de décrochage est décrite ainsi :

[TRADUCTION] SORTIE DE DÉCROCHAGE SANS RISQUE DE CONTACT AVEC LE SOL
    Au premier signe du vibreur de manche :

-    Manettes des gaz...............POUSSÉE MAXIMALE
-    Pilote automatique..............DÉBRANCHER
-    Assiette longitudinale..........MAINTENIR
-    Ailes....................................À L'HORIZONTALE

À mesure que la vitesse augmente, régler l'assiette longitudinale pour minimiser la perte d'altitude.

Maintenir la même configuration jusqu'à ce que la vitesse ascensionnelle nette soit atteinte.

SORTIE DE DÉCROCHAGE AVEC RISQUE DE CONTACT AVEC LE SOL
    Au premier signe du vibreur de manche :

-    Manettes des gaz..........CLOISON PARE-FEU [Pousser les manettes des gaz complètement vers l'avant.]

Les mesures suivantes sont les mêmes que s'il n'y a pas de risque de contact avec le sol.

Dans la fiche de coordination d'équipage, après la vérification RISQUE DE CONTACT AVEC LE SOL, on mentionne, à l'intention du PF, qu'il doit respecter le vibreur de manche. Pour les pilotes de CL-65, cette expression signifie qu'ils doivent maintenir une vitesse et une assiette permettant de rester en dehors des conditions de déclenchement du vibreur de manche.

à la page 10 du chapitre 3.5 du Flight Crew Training Manual, on trouve la procédure de sortie de décrochage suivante :

[TRADUCTION] RISQUE DE CONTACT AVEC LE SOL

Au premier signe de décrochage (déclenchement du vibreur de manche), les manettes des gaz sont immédiatement poussées à la poussée maximale et, au même moment, l'assiette longitudinale est doucement et légèrement réduite afin d'arrêter le fonctionnement du vibreur de manche...

Dans le Flight Crew Training Manual, la procédure de formation pour la sortie de décrochage pour le CL-65 se trouve aux pages 8 et 9 du chapitre 4/4; ces exercices se font dans un simulateur. L'exercice de sortie de décrochage en configuration d'atterrissage se fait à partir du vol en palier à 9 500 pieds, avec le régime N1 réglé à 45 %, avec une contre-pression croissante sur le vibreur de manche. La sortie de décrochage se fait conformément à l'AOM qui stipule que les volets et le train doivent rester sortis jusqu'à ce que l'avion ait atteint une vitesse ascensionnelle nette. Le manuel stipule également qu'il est très important que le PNF fournisse des indications verbales concernant la situation de l'avion par rapport à la trajectoire de vol voulue en insistant sur la vitesse et le taux d'enfoncement (augmentation/diminution) ainsi que sur l'altitude s'il y a risque de contact avec le sol. (Le soulignement et les caractères gras figurent dans le texte original).

Selon les dossiers de Transports Canada, l'entrée en action du pousseur de manche du CL-65 entraîne un fort mouvement de piqué que le pilote peut difficilement contrer en exerçant un effort normal sur les commandes. Quand le train d'atterrissage est sorti et que les volets sont braqués à 45 degrés, normalement l'avion pique au plus de 20 à 30 degrés en cinq secondes. La perte de hauteur dépend en partie de la procédure de sortie de décrochage, mais elle est de l'ordre de 1 000 pieds.

Décrochage du vol de l'accident

Le tableau ci-après présente les données enregistrées lors du décrochage du vol de l'accident :

Heure 3 h 47 mn Événement ElevL ElevR Roll ALT IAS
30,9 s Commandant ordonne la remise des gaz −5,6 −l7,7 −0,4 33 135 −1,0
31,5 s Radioaltimètre « 30 pieds » −4,5 −4,5 0,3 27 134 0,5
31,9 s Premier officier accuse réception de l'ordre de remise des gaz −3,8 −4,3 1,3 23 133 1,3
33,1 s Déclenchement du vibreur de manche −11,5 −13,8 3,8 14 129 4,0
34,1 s Radioaltimètre « 10 pieds » −8,1 −7,5 1,6 11 126 7,8
34,7 s Début du décrochage/amorce de roulis à droite −2,3 −3,7 4,4 14 124 9,6
34,8 s Commandant annonce « VOLETS »/ hululeur se fait entendre −2,6 −3,8 5,4 13 124 9,7
36,3 s Altitude maximale −2,0 −2,0 54,3 32 121 3,2
ElevL Position de la gouverne de profondeur gauche
ElevR Position de la gouverne de profondeur droite
Roll Valeurs positives d'inclinaison à droite
ALT Hauteur radioaltimétrique
IAS Vitesse indiquée
Assiette longitudinale

Après le déclenchement du vibreur de manche, le manche a été déplacé légèrement vers l'avant, peut-être en réponse au vibreur de manche ou pour maintenir l'assiette longitudinale à 10 degrés; toutefois, comme le montre le tableau, l'avion a continué à se cabrer, malgré la réduction du cabrage des gouvernes de profondeur. Le commandant de bord a déclaré qu'il s'était écoulé si peu de temps entre le premier déclenchement du vibreur de manche et le premier impact avec la piste qu'il n'a pas eu le temps de réagir au vibreur de manche. Le FDR révèle qu'environ cinq secondes après le décrochage, les réacteurs gauche et droit ont atteint un régime N1 maximal de 94,0 % et 92,2 %, ce qui est légèrement supérieur à la plage de 86 % stipulée pour les niveaux de poussée de remise des gaz ou de décollage dans les conditions environnementales qui prévalaient.

1.18.1.6 Longueur de la piste

Selon les calculs effectués par l'agent des opérations d'Air Canada responsable du vol de l'accident, la longueur de piste nécessaire pour l'atterrissage à Fredericton était de 5 400 pieds pour une masse à l'atterrissage de 20 000 kg et une piste mouilléeNote de bas de page 20, ce qui est conforme aux données de performances à l'atterrissage stipulées à la page 04.80.03 de l'AOM. La distance à l'atterrissage nécessaire sur piste sèche aurait été de 4 700 pieds. La distance utilisable à l'atterrissage sur la piste 15 de l'aéroport de Fredericton était de 6 000 pieds.

Selon l'AOM, la distance d'atterrissage réelle sur piste sèche à la masse à l'atterrissage estimée de 20 200 kg aurait été de 2 842 pieds. On obtient la distance d'atterrissage exigée par l'AOM en multipliant la distance d'atterrissage réelle sur piste sèche par 1,67, ce qui dans le cas présent équivaut à 4 746 pieds. La distance à l'atterrissage nécessaire sur piste mouillée équivaut à 1,15 fois la distance nécessaire sur piste sèche, soit 5 458 pieds.

Le rapport d'état de piste (RCS) transmis à l'équipage par l'ACARS à 22 h 59 faisait état des renseignements suivants : CYFC RCS pour la piste 15/33 : 60 POUR CENT PROPRE ET SèCHE; 40 POUR CENT PLAQUES DE GLACE; 17-12-97; 2 h 54Z; et CYFC CRFI pour la piste 15/33 de 0,48; -8; 12-97; 2 h 54.

à 23 h 44, alors que l'avion était en approche finale, le spécialiste de la FSS de Fredericton a avisé l'équipage qu'on avait répandu du sable sur les 75 pieds de l'axe de piste et que le CRFI était de 0,40.

Après l'accident, Bombardier Inc. a calculé la distance à l'atterrissage nécessaire pour immobiliser l'avion accidenté si l'appareil avait touché des roues à 135 noeuds. Compte tenu de la piste mouillée et de l'absence de vent et de pente de piste, on a estimé que la distance nécessaire à l'atterrissage aurait été de 3 059 pieds sans inverseurs de poussée, et de 2 640 pieds avec les deux inverseurs de poussée.

Au moment de l'ordre de remise des gaz, l'avion se trouvait à quelque 1 300 pieds au-delà du seuil de piste. à ce point, l'avion était à 33 pieds au-dessus de la piste, il descendait à quelque 500 pieds par minute (8,2 pi/sec) et se déplaçait à 135 noeuds (225 pi/sec). Si ces performances étaient demeurées constantes jusqu'à la piste, l'appareil aurait touché des roues après 4 secondes environ et 900 pieds plus loin sur la piste, c'est-à-dire qu'il aurait touché des roues à quelque 2 200 pieds après le seuil de pisteNote de bas de page 21. Si l'avion avait survolé le seuil de piste à une cinquantaine de pieds de hauteur comme dans le cas d'un atterrissage normal, il aurait touché des roues à 1 000 pieds environ après le seuil de piste. Étant donné que l'avion a survolé le seuil à 33 pieds, le toucher des roues aurait eu lieu à un peu moins de 1 000 pieds (peut-être 600 à 700 pieds) après le seuil. Si l'on ajoute 700 pieds à la distance de toucher des roues calculée de 2 200 pieds, cela signifie que le toucher des roues aurait probablement eu lieu à 2 900 pieds après le seuil de piste. Cette valeur (2 900 pieds) ajoutée à la longueur de la course à l'atterrissage de 3 059 pieds (selon les calculs de Bombardier Inc.) montre que l'avion aurait peut-être pu s'immobiliser sur la piste de 6 000 pieds.

Selon l'AFM, la performance de l'avion à l'atterrissage est donnée lorsque l'avion survole le seuil de piste à 50 pieds en configuration d'atterrissage à la vitesse VREF et les manettes des gaz à la position de ralenti. La distance nécessaire pour l'atterrissage indiquée dans l'AFM se base sur ces critères et sur la masse de l'avion à l'atterrissage.

Selon les données de l'AFM, si l'avion franchit le seuil à une vitesse supérieure de 5 noeuds à la VREF, plutôt qu'à la VREF, il a besoin d'une distance supplémentaire de 250 pieds à l'atterrissage, ce qui équivaut à une augmentation de 150 pieds environ de la distance d'atterrissage nécessaire réelle.

1.18.2 Approches et atterrissages

1.18.2.1 Approches de catégorie I et de catégorie II

L'Annexe 6 du document de l'OACI Normes et pratiques recommandées internationales, 2ème partie, Exploitation technique des aéronefs stipule que des minima opérationnels d'aérodrome doivent être établis pour les approches de précision et pour les atterrissages et que ces minima sont généralement exprimés en fonction de la visibilité ou de la portée visuelle de piste, de l'altitude/hauteur de décision (DA/H) pour une catégorie d'opération donnée. Selon le Manuel d'exploitation tous temps (Doc 9365-AN/910) de l'OACI, une approche de catégorie I est une approche aux instruments de précision et un atterrissage avec une hauteur de décision non inférieure à 60 m (200 pieds), avec soit une visibilité d'au moins 800 m (2 600 pieds), soit une portée visuelle de piste d'au moins 550 m (1 800 pieds). Une approche de catégorie II est une approche aux instruments de précision et un atterrissage avec une hauteur de décision inférieure à 60 m (200 pieds), mais d'au moins 30 m (100 pieds), et avec une portée visuelle de piste d'au moins 350 m (1 200 pieds). Le Manuel d'exploitation tous temps (catégories II et III) (TP 1490F) de Transports Canada présente des renseignements semblables à ceux du document de l'OACI en ce qui concerne tous les aspects des approches de précision des catégories II et III.

Tout pilote titulaire de la qualification de vol aux instruments peut faire seul une approche de catégorie I à bord de tout aéronef équipé pour effectuer une telle approche et sur lequel il est qualifié, à tout aéroport ou sur toute piste équipée d'un ILS utilisable. Il n'est pas obligatoire que l'aéronef soit équipé d'un pilote automatique ou d'un radioaltimètre, ni que les circuits électriques, les instruments ou le matériel radio soient redondants. Le pilote n'a besoin d'aucune formation supplémentaire ni d'aucun niveau d'expérience supplémentaire pour effectuer ce type d'approche.

Figure 3 - Balisage lumineux d'approche et de piste
Balisage lumineux d'approche et de piste

Puisque la hauteur de décision pour les approches de catégorie II est plus basse que pour les approches de catégorie I, il y a des exigences spéciales concernant l'équipement et l'équipage de conduite pour les approches de catégorie II, comme celles qui sont stipulées dans le Manuel d'exploitation tous temps de Transports Canada et celui de l'OACI. Par exemple, les circuits électriques, les instruments et le matériel radio de l'aéronef doivent être redondants, et l'aéronef doit être équipé d'un pilote automatique en état de marche, qui doit être couplé avec le système directeur de vol/ILS jusqu'à, au moins, la hauteur de décision. Le matériel embarqué et au sol servant aux systèmes ILS doit satisfaire à des exigences beaucoup plus rigoureuses en matière de pannes, de précision et d'inspections. L'aéroport ou la piste en question doit être équipé d'un système d'alimentation électrique de secours, d'un système perfectionné de balisage lumineux d'approche (voir AC à la figure 3), d'un balisage lumineux d'axe de piste et de zone de toucher des roues (partie droite de la figure 3), et de deux transmissomètres RVR. Les installations de l'aéroport doivent être surveillées, et une personne doit être disponible pour prévenir l'équipage de conduite de toute panne ou défaillance de l'équipement nécessaire pour l'approche. L'exploitant de l'aéronef doit fournir des procédures détaillées dans le manuel de vol. Le commandant de bord doit totaliser au moins 300 heures comme pilote commandant de bord et 100 heures de vol de ligne sur type. Le commandant de bord et le premier officier doivent avoir suivi le programme de formation .approuvé et avoir subi les examens avec succès. L'équipage de conduite doit avoir démontré un rendement satisfaisant pour passer de la catégorie II intérimaire (hauteur de décision de 150 pieds) à la catégorie II.

Le CL-65 accidenté répondait à toutes les exigences relatives aux approches de catégorie II, mais les installations et le système ILS de l'aéroport de Fredericton ne se prêtaient pas aux approches de catégorie II. La piste 15 était équipée d'un balisage lumineux d'approche de type AN (voir figure 3), mais ni la zone de toucher des roues de la piste ni l'axe de piste n'étaient équipés d'un balisage lumineux. L'équipage de conduite était qualifié pour les limites d'approche de la catégorie II, mais uniquement si le commandant de bord était aux commandes et que le pilote automatique était branché.

1.18.2.2 Interdictions d'approche

Au Canada, les pilotes n'ont pas le droit de poursuivre l'approche plus loin que le repère d'approche finale vers une piste équipée du matériel permettant de mesurer la RVR, si la RVR signalée est inférieure à 1 200 pieds. Dans tous les autres cas, il n'existe aucun règlement lié à la météo stipulant quand une approche peut ou ne peut pas être exécutée.

L'article 602.129 du RAC traitant des interdictions d'approche stipule ce qui suit :

(1) Pour l'application du paragraphe (3), dans le cas d'un avion, la RVR est inférieure à la RVR minimale si :

a) dans le cas où la RVR « A » et la RVR « B » sont mesurées, la RVR « A » est inférieure à 1 200 pieds et la RVR « B » est inférieure à 600 pieds;Note de bas de page 22

b) dans le cas où seule la RVR « A » ou la RVR « B » est mesurée, la RVR est inférieure à 1 200 pieds.

La visibilité signalée au sol et les plafonds météorologiques ne sont pas utilisés comme critères d'interdiction d'approche au Canada. La RVR signalée à Fredericton au moment de l'accident était de 1 200 pieds et seule la RVR « A » était mesurée; il n'était donc pas interdit d'exécuter une approche.

Le paragraphe 5.03.2 du chapitre 5 du FOM stipule que si la RVR n'est pas signalée, l'équipage peut amorcer une approche en vue de l'atterrissage et la poursuivre jusqu'à la hauteur de décision ou jusqu'au point d'acquisition des références visuelles, selon le cas, sans égard à la visibilité au sol signalée. Cette consigne est conforme aux dispositions du RAC.

Le dispositif de mesure de la RVR n'est exigé qu'aux aéroports desservis par des systèmes d'atterrissage pour les catégories II et III, et depuis 1995, le nombre de dispositifs de mesure de la RVR aux aéroports canadiens est passé de 105 à 85. Le matériel permettant de mesurer la RVR a été enlevé à certains aéroports canadiens et sera enlevé à d'autres aéroports. Avec un moins grand nombre d'aéroports capables de signaler la RVR, les possibilités d'application de la réglementation relative aux interdictions d'approche diminuent et les risques de rencontrer des conditions de mauvaise visibilité à l'atterrissage augmentent. Transports Canada se penche actuellement sur cette question dans le cadre de consultations sur les interdictions de décollage et d'approche au sein du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne de Transports Canada.

1.18.2.3 Critères d'approche

Les règles relatives aux approches exécutées au Canada sont publiées dans le RAC. L'article 602.128 du RAC stipule notamment qu'il est interdit au commandant de bord d'un aéronef IFR qui effectue une approche aux instruments de précision de catégorie I ou de catégorie II de poursuivre la descente en approche finale au-dessous de la hauteur de décision à moins que la référence visuelle requise pour poursuivre l'approche en vue de l'atterrissage n'ait été établie. Au Canada, la hauteur de décision la plus basse (qui est la hauteur normale), pour les approches de catégorie I est de 200 pieds; pour les approches de catégorie II, la hauteur est de 100 pieds, ce qui est conforme aux normes de l'OACI et à celles d'autres pays.

Dans les paragraphes qui suivent, vous trouverez des exemples de critères minimums d'approche en vigueur dans d'autres pays. Bien qu'elles ne soient pas décrites comme étant une interdiction d'approche, les limites de visibilité indiquées dans ces paragraphes constituent des interdictions d'approche au sens canadien.

  • Aux États-Unis - Les États-Unis possèdent les limites de visibilité les plus basses pour les approches de catégorie I, soit 1 800 pieds pour les aéroports équipés de balisage lumineux d'axe de piste. Les Federal Aviation Regulations exigent également que la visibilité en vol soit supérieure à la visibilité spécifiée dans la procédure normalisée d'approche aux instruments.
  • En Australie - Les minima de visibilité pour les approches de catégorie I (½ mille) doivent être utilisés, à moins que le balisage lumineux d'approche à haute intensité ne soit pas disponible, auquel cas une visibilité de 1,5 km (9/10 mille) est requise. Si l'avion vole sans le pilote automatique jusqu'à la hauteur de décision ou sans le directeur de vol, la visibilité doit alors être d'au moins 1,2 km (¾ mille), sinon on ne peut tenter l'approche.
  • Dans certains pays (dont plusieurs pays de l'Europe) qui sont régis par les Joint Air Regulations - Les limites d'approche sont établies en fonction de diverses conditions, comme le type d'approche et de balisage de piste, la hauteur de décision, et l'utilisation du pilote automatique. Par exemple, dans le cas d'une approche avec une hauteur de décision de 200 pieds, les limites de visibilité prescrites (RVR) sont comprises entre 550 m (quelque 1 800 pieds ou 3/8 mille) et 1 000 m (3 280 pieds ou 5/8 mille environ).

Le Canada a fait parvenir un document à l'OACI faisant état de son opinion divergente concernant les minima opérationnels d'aérodrome publiés dans l'Annexe 6 au document de l'OACI intitulé Normes et pratiques recommandées internationales, 2ème partie, Exploitation technique des aéronefs. Dans ce document, le Canada mentionne qu'il n'est pas d'accord avec certains critères établis par l'OACI pour les approches aux instruments. Au Canada, les atterrissages ne sont régis que par la hauteur de décision publiée ou par l'altitude de descente minimale (MDA), et les visibilités à l'atterrissage (sauf la RVR) ne sont fournies qu'à titre indicatif. Aucun autre pays n'a présenté d'opinion divergente à l'OACI concernant la définition des minima opérationnels d'aérodrome donnée à l'Annexe 6.

Le paragraphe RAC 9.20.3 de la Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada) stipule que les références visuelles dont le pilote a besoin pour continuer l'approche et faire un atterrissage en toute sécurité devraient comprendre au moins l'une des références suivantes en rapport avec la piste utilisée, cette référence devant être bien visible et reconnaissable par le pilote :

  • la piste ou les marques de piste;
  • le seuil de piste ou les marques de seuil;
  • la zone de toucher des roues ou les marques de la zone de toucher des roues;
  • les feux d'approche;
  • l'indicateur de pente d'approche;
  • les feux d'identification de piste;
  • les feux de seuil et de fin de piste;
  • les feux de zone de toucher des roues;
  • les feux de bord de piste de chaque côté de la piste;
  • les feux d'axe de piste.

Les minima d'approche et d'atterrissage qui sont publiés au paragraphe 5.04 du chapitre 5 du FOM renferment les extraits du RAC applicables.

1.18.2.4 Perte des repères visuels après avoir décidé d'atterrir

Le RAC ne contient aucune disposition advenant le cas où les repères visuels deviennent moins visibles après que l'équipage a établi le contact visuel. Le paragraphe 13.04 du chapitre 4 du FOM d'Air Canada stipule qu'il est possible que l'équipage perde les repères visuels dont il a besoin pendant une approche par mauvaise visibilité, et que le cas échéant, l'équipage doit faire une remise des gaz.

Le Manuel d'exploitation tous temps de l'OACI stipule que la formation doit traiter des procédures à suivre et des techniques à utiliser pour revenir au vol aux instruments et pour interrompre l'approche et l'atterrissage si l'équipage perd ses repères visuels au-dessous de l'altitude/hauteur de décision (DA/H) ou de l'altitude/hauteur minimale de descente (MDA/H).

1.18.2.5 Procédures d'approche

Procédures d'approche d'Air Canada

La société Air Canada, à l'instar de nombreuses compagnies aériennes d'autres pays, a des procédures pour les approches de catégorie I qui exigent que le pilote aux commandes pendant l'approche reste aux commandes jusqu'à la fin de l'atterrissage. En approche finale, le PNF regarde à l'extérieur pour établir le contact visuel avec la piste, et lorsqu'il annonce qu'il a la piste en vue, le PF doit faire la transition entre le vol aux instruments et le vol à vue et décider s'il va atterrir. Une fois que la décision d'atterrir est prise, le PNF surveille la transition jusqu'à l'atterrissage, surtout à l'aide des repères visuels, mais également à l'aide de certains instruments.

Pour les approches de catégorie I, l'équipage peut faire une approche automatique s'il le veut, et le commandant de bord ou le premier officier peut être aux commandes. Conformément à la réglementation en vigueur et aux programmes de formation, tous les pilotes d'Air Canada reçoivent la formation nécessaire et doivent prouver qu'ils sont capables d'effectuer des approches de catégorie I, dans les limites météorologiques de la catégorie I. Aucun critère d'expérience minimale n'est exigé pour effectuer les approches de catégorie I, ni pour les commandants de bord ni pour les premiers officiers.

Pour les approches de catégorie II, le commandant de bord doit être aux commandes en place gauche pendant l'approche et l'atterrissage, et il doit utiliser les coupleurs d'approche du système de vol automatique. Cette consigne sous-entend qu'il faut utiliser le pilote automatique jusqu'à la hauteur de décision. Dans le cas des aéronefs qui ne sont pas équipés d'un équipement d'atterrissage automatique, comme le CL-65, il faut débrancher le pilote automatique avant d'atteindre la hauteur de 80 pieds. Le FOM exige également que le premier officier (le PNF) surveille le vol « aux instruments » pendant l'approche et l'atterrissage ou la remise des gaz et prévienne le PF de tout écart ou toute anomalie signalé par les instruments. Conformément à la réglementation en vigueur et aux programmes de formation, tous les pilotes d'Air Canada reçoivent la formation nécessaire et doivent prouver qu'ils sont capables d'effectuer des approches de catégorie II, les commandants de bord étant chargés de s'acquitter des fonctions de PF et les premiers officiers des fonctions de PNF. Le FOM stipule également que tout commandant de bord doit totaliser au moins 300 heures comme commandant de bord sur un avion à turboréacteurs, et que tout nouveau commandant de bord doit également totaliser au moins 100 heures de vol sur type.

Le paragraphe 13.04 du chapitre 4 du FOM d'Air Canada mentionne des consignes supplémentaires concernant les approches par mauvaise visibilité. Il est recommandé que le commandant de bord soit aux commandes pendant l'approche si la RVR est inférieure à la visibilité d'atterrissage indiquée sur les cartes, sauf si l'approche est faite sur une piste équipée d'un balisage lumineux d'approche à haute intensité, d'un balisage lumineux de zone de toucher des roues et de feux d'axe de piste en état de marche. Il est également recommandé d'utiliser le pilote automatique pour les approches par mauvaise visibilité. Les équipages d'Air Canada sont formés pour effectuer des approches de catégorie II et des atterrissages sur les pistes de catégorie II avec une RVR de 1 200 pieds. Toutefois, les équipages ne reçoivent aucune formation pour les atterrissages de catégorie I avec une RVR inférieure à 2 600 pieds sur une piste n'ayant qu'un balisage lumineux de catégorie I.

Lors d'une approche de catégorie I effectuée sur une piste dépourvue de balisage lumineux supplémentaire, il y a moins de repères visuels pour guider l'appareil vers la zone de toucher des roues. En outre, le pilote automatique n'est pas toujours utilisé pendant les approches de catégorie I et, lorsqu'on s'en sert, il arrive souvent qu'on le débranche au moment où l'avion atteint l'altitude minimale, généralement à 200 pieds agl. Le balisage de catégorie II est beaucoup plus efficace, car il fournit de meilleurs repères visuels pour l'alignement de piste et le contrôle du tangage et du roulis. Pour les approches de catégorie II, le pilote automatique est toujours utilisé jusqu'à la hauteur de décision, habituellement à 100 pieds agl, ce qui place l'aéronef à une altitude et à une distance par rapport au seuil de piste où les repères visuels peuvent être plus visibles qu'au point où la hauteur de décision de catégorie I est atteinte, c'est-à-dire à 200 pieds au-dessus du sol et à un demi-mille avant le seuil de piste.

Approche de rechange

Une approche de rechange à l'approche classique est l'approche surveillée par le pilote (PMA) qui a pour objet d'améliorer la transition à l'atterrissage pendant les approches de catégorie I par mauvaise visibilité. Un des pilotes effectue l'approche aux instruments, et, aux environs de la MDA ou de la hauteur de décision, l'autre pilote exerce une surveillance extérieure pour établir le contact visuel avec les repères nécessaires à l'atterrissage. Si le pilote qui fait la surveillance extérieure établit le contact visuel avec les environs de la piste, il prend les commandes et termine l'atterrissage pendant que le pilote qui était aux commandes jusque là continue à surveiller les instruments jusqu'au toucher des roues. Si le contact visuel n'est pas établi avec les environs de la piste, le PF reste aux commandes et interrompt l'approche. Grâce à la méthode PMA, quand les conditions météorologiques sont égales ou supérieures aux limites d'approche, le pilote aux commandes pendant l'atterrissage a plus de temps pour évaluer la situation et pour décider s'il va atterrir et également pour déterminer visuellement la position de l'avion par rapport au profil voulu.

Plusieurs compagnies aériennes au Canada utilise la méthode PMA pour les approches par mauvaise visibilité; l'une d'elles utilise cette méthode si le plafond est inférieur à 400 pieds et si la visibilité est inférieure à un mille. D'autres compagnies aériennes utilisent la méthode PMA quand le pilote automatique ne peut pas être utilisé jusqu'à la hauteur de décisionNote de bas de page 23. Cette méthode permet d'alléger la charge de travail du pilote qui doit piloter manuellement l'appareil jusqu'à la hauteur de décision.

Les pilotes qui ont eu l'occasion d'utiliser les deux méthodes ont déclaré qu'ils préféraient la méthode PMA parce qu'elle permet d'éviter le va-et-vient continuel entre la surveillance des instruments et la surveillance extérieure quand l'avion approche de la hauteur de décision. De plus, selon les conditions météo, l'équipage a le temps de prendre des décisions avant d'atteindre la hauteur de décision, c.-à-d. que le PNF peut prendre la décision d'atterrir avant que le PF annonce « HAUTEUR DE DÉCISION ».

Au chapitre qui traite des approches de catégorie II, le Manuel d'exploitation tous temps de l'OACI stipule que les pilotes doivent prendre garde de ne pas débrancher prématurément le pilote automatique et qu'ils doivent continuer à surveiller les instruments même s'ils peuvent maintenir un bon contact visuel avec la piste et ses environs.

1.18.2.6 Événements liés à la météo

Le BST a examiné la fréquence des événements liés à la visibilité, survenus au Canada et aux États-Unis à de gros aéronefs, entre le 1er janvier 1984 et le 30 juin 1998. Les États-Unis compte 18 événements à l'atterrissage liés à la visibilité pendant cette période. Dans la plupart des cas, l'aéronef a été endommagé et les occupants auraient pu être blessés. Le Canada compte 28 événements à l'atterrissage liés à la visibilité, le plus grave d'entre eux étant l'accident qui fait l'objet du présent rapport. L'étude du BST a également porté sur le pourcentage du temps où la visibilité était inférieure à un demi-mille au Canada à 20 aéroports. Le tableau ci-contre présente les valeurs moyennes pour la période de 1983 à 1993.

Pourcentage du temps où la visibilité était inférieure à un demi-mille entre 7 h et minuit (1983 à 1993)
Nom de l'aéroport % Catégorie de l'approche Category
Whitehorse 0.5 I
Winnipeg 0.5 II
Calgary 0.6 I
Edmonton 0.7 I
Dorval 0.8 II
Saskatoon 0.8 I
Deer Lake 1.0 I
Québec 1.1 I
Iqaluit 1.2 I
Regina 1.2 I
Toronto 1.3 III
Fredericton 1.6 I
Victoria 1.6 I
Thunder Bay 1.7 I
Vancouver 1.8 III
Ottawa 2.2 I
Moncton 2.6 I
Gander 5.0 I
St. John's 7.6 II
Halifax 8.7 II

Gander compte le plus grand nombre d'événements liés à la visibilité. Cet aéroport se classe au troisième rang pour le pourcentage du temps où la visibilité était inférieure à un demi-mille. Deux compagnies aériennes canadiennes qui utilisent la méthode PMA n'ont signalé aucun événement à l'atterrissage lié à la visibilité, même si l'une de ces compagnies exécute un grand nombre d'approches par mauvais temps. Le Canada compte un événement lié à la visibilité lors d'une approche de catégorie II.

L'analyse des événements survenus au Canada révèle que la principale cause d'un grand nombre de ces événements est l'absence de bons repères visuels. Le pilote a besoin de ces repères pour se faire une bonne idée de la position de l'aéronef par rapport au profil voulu, et pour ensuite maintenir ce profil ou le corriger s'il y a lieu.

1.18.3 Performances de l'aéronef

1.18.3.1 Généralités

Le FDR et les déclarations de l'équipage ont permis d'établir dès le début de l'enquête que l'avion ne s'était pas comporté comme prévu lors de la tentative de remise des gaz. Dans deux situations, les performances de l'avion n'ont pas été celles qui avaient été prévues : d'une part, le pousseur de manche du SPS ne s'est pas mis en marche pour empêcher l'avion de décrocher; d'autre part, l'avion a décroché à un angle d'attaque et à un coefficient de portance (CZ) inférieurs à ce qui est prévu. Le fonctionnement du SPS et l'aérodynamique de l'avion ont été examinés dans le cadre d'une opération collective afin d'expliquer ces anomalies.

1.18.3.2 Déclenchement du système antidécrochage

Comme il a été mentionné précédemment, les enregistreurs ont révélé que, pendant l'accident, le vibreur de manche et le hululeur se sont déclenchés, mais non le pousseur de manche. On a analysé le comportement du SPS au cours des huit dernières secondes du vol. On a comparé les données FDR des girouettes d'angle d'attaque gauche et droite, avec les seuils de déclenchement du vibreur de manche et du pousseur de manche tels qu'ils avaient été réglés pour la phase résultant du taux d'augmentation de l'angle d'attaque de l'avion, ce qui a permis de constater que les deux girouettes d'angle d'attaque ont atteint le point de déclenchement du vibreur de manche, mais que seule la girouette droite a atteint le point de déclenchement du pousseur de manche. Le hululeur s'est donc fait entendre, mais le pousseur de manche ne s'est pas déclenché. Il faut que les deux girouettes d'angle d'attaque atteignent le point de déclenchement du pousseur de manche pour que ce dernier se déclenche. L'avion a fait un décrochage aérodynamique juste avant que la girouette d'angle d'attaque gauche atteigne elle aussi le point de déclenchement du pousseur de manche. L'analyse des performances du SPS révèle que le système a fonctionné comme prévu : le fait qu'il n'a pas empêché le décrochage est lié à des questions qui sont abordées un peu plus loin dans le rapport.

1.18.3.3 Courbes des coefficients de portance

L'annexe C présente un graphique qui montre trois courbes (coefficient de portance par rapport à l'angle d'attaque) représentant les huit dernières secondes du vol de l'accident. La ligne continue représente la courbe CZ-alpha prévue selon les données des essais de certification de l'avion en air libre et à un taux d'entrée inférieur à un noeud à la seconde (kt/sec). La ligne pointillée représente la courbe CZ-alpha calculée par Bombardier Inc. pour le vol de l'accident, et la ligne avec les points triangulaires est la courbe calculée par l'IRA, une division du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). Le graphique montre également le point de décrochage aérodynamique naturel pour une voilure propre (non contaminée).

Bombardier Inc. et l'IRA ont calculé, chacun de leur côté, le coefficient de portance du vol de l'accident en se servant tous deux des données FDR, mais en utilisant des techniques différentes. Les résultats obtenus à l'aide des deux techniques vont raisonnablement bien ensemble, compte tenu des forces aérodynamiques qui se sont exercées sur l'avion juste avant l'abattée sur l'aile (au cours des huit dernières secondes du vol, l'avion s'est cabré en perdant de la vitesse tout en subissant l'effet de sol) et le faible taux d'échantillonnage du FDR.

Les courbes de coefficient de portance prévues et les courbes calculées présentent des différences importantes :

  • Les courbes calculées sont situées au-dessous de la courbe prévue, de sorte que pour un angle d'attaque donné, le coefficient de portance est réduit, sauf dans la zone qui s'approche du point de décrochage, où la courbe calculée rejoint ou dépasse légèrement la courbe prévue.
  • L'avion accidenté a décroché à un angle d'attaque inférieur d'environ 4,5 degrés au point de décrochage prévu.
  • Le coefficient de portance maximal (CZmax) atteint était inférieur d'environ 0,26 au coefficient du point de décrochage prévu.
1.18.3.4 Données FDR du vol précédent

On a calculé la courbe CZ-alpha pour la phase d'approche du vol précédent à partir de 1 000 pieds agl et on l'a comparée à la courbe calculée pour le vol de l'accident à la même phase du vol. Au cours du vol précédent, on a exploité l'avion à l'intérieur d'une plage étroite d'angle d'attaque et, par conséquent, les données disponibles pour le calcul de la courbe CZ-alpha étaient également limitées. On a jugé qu'il ne serait pas valable d'extrapoler cette courbe pour des angles d'attaque plus élevés. Ainsi, aucune comparaison significative des pentes des courbes de portance et, par voie de conséquence, des performances de l'avion n'a pu être faite. Ces courbes ne permettaient pas de faire des comparaisons du CXmax ni de l'angle d'attaque de décrochage, puisque lors du vol précédent on ne s'est même pas approché de ce régime de vol, c'est-à-dire des angles d'attaque élevés.

On a fait un graphique des coefficients de traînée (CX par rapport au CZ²) pour le vol de l'accident et le vol précédent, et pour chaque vol, on a utilisé les données de la phase d'approche à moins de 1 000 pieds agl. L'étude faite par le CNRC révèle que le CX du vol de l'accident est de 0,014 supérieur à celui du vol précédent. L'étude faite par Bombardier Inc. révèle que les niveaux de traînée sont très semblables dans le cas de chaque vol. Jusqu'ici, on n'a pas déterminé pourquoi les résultats obtenus sont différents.

1.18.3.5 Données FDR de l'avion 104

On a utilisé un autre CL-65 de la flotte d'Air Canada pour faire des comparaisons et une analyse des performances. On a choisi l'avion 104 parce que ses performances avoisinent celles de l'avion 109 (l'avion accidenté). Les évaluations des performances sont basées uniquement sur une comparaison des données de consommation de carburant des appareils de la flotte. On a fait une analyse des données FDR de l'avion 104 enregistrées lors de trois vols ayant été effectués avant (vol 1), pendant (vol 2) et après (vol 3) le programme d'amélioration de voilure d'Air Canada (voir le paragraphe 4.1.5). On a poli le bord d'attaque de l'aile avant le vol 2. Les autres mesures de maintenance ont été prises après le vol 2, mais avant le vol 3. On a calculé les courbes CZ-alpha à partir des données enregistrées lors des trois vols. Encore une fois, en raison de la plage alpha limitée, le fait de comparer ces courbes n'a pas permis de tirer des conclusions définitives.

Les coefficients de traînée ont été calculés à partir des données des trois vols et portés sur un graphique. Le coefficient de traînée du vol 1 était très semblable au coefficient de traînée de l'avion accidenté pour le vol précédent le vol de l'accident. Les coefficients de traînée des vols 2 et 3 ont montré des améliorations par rapport au vol 1, à savoir △CX = 0,0043 et △CX = 0,0044 respectivement, quand les bords d'attaque ont été polis, puis quand les ailes ont été repeintes et que le produit d'étanchéité du bord d'attaque a été remplacé.

1.18.3.6 Comparaison en simulateur

On a utilisé le modèle de simulation aérodynamique qui avait servi au simulateur de vol d'essai du CL-65 pour recréer les étapes finales du vol de l'accident. On a comparé les données obtenues par le modèle de simulation avec les données du FDR. On a amorcé la simulation en approche finale à une altitude pression de 1 265 pieds (altitude radar de 1 020 pieds) avec les mêmes paramètres de vol et configuration d'avion établis à l'aide du FDR.

On a réglé la simulation pour qu'elle se déroule à partir des conditions initiales jusqu'au point où l'avion a décroché. Le premier essai a révélé des différences entre le profil de vol du FDR et le profil de vol du simulateur avec un changement brusque de braquage d'ailerons du FDR au moment où l'avion franchissait 620 pieds d'altitude pression (400 pieds agl) en descente. Pour les essais suivants, on a augmenté graduellement les coefficients de portance, de moment de tangage, de moment de lacet et de moment de roulis jusqu'à ce qu'on obtienne une corrélation raisonnable entre le profil de vol du FDR et celui de la simulation. Les quatre augmentations nécessaires pour atteindre la corrélation montrent deux changements de phase significatifs, le premier à 400 pieds agl et le deuxième 23 secondes plus tard à 150 pieds agl. Dans le cas des coefficients longitudinaux (portance et moments de tangage), le changement est amplifié lors de la deuxième phase. Dans le cas des coefficients latéraux et directionnels (moments de roulis et de lacet), le changement de la deuxième phase est en direction opposée et d'importance égale, ce qui a pour effet réel d'« annuler » le changement initial. Il a été conclu que les pertes de portance étaient le résultat d'un décollement localisé des filets d'air aux abords de la coiffe du bord d'attaque, entre les références voilure (WS) 247 et 253.

1.18.3.7 État de l'aile

Peinture de l'aile

Le bord d'attaque de l'aile du CL-65 comprend des panneaux à rivetage affleuré, des panneaux amovibles et des raccordements démontables. Ces panneaux et ces raccordements ne sont pas peints. La partie de l'aile située derrière les panneaux de bord d'attaque est peinte en blanc. La peinture juste à l'arrière du bord d'attaque (environ à 8 % de la corde) sur l'extrados et l'intrados des deux ailes n'adhérait pas à certains endroits. La peinture dans cette zone était craquelée, et elle pelait ou s'écaillait par endroits. Des retouches de peinture avaient été faites; il manquait plus de peinture sur l'aile droite que sur l'aile gauche.

Piqûres en surface

Les deux ailes de l'avion accidenté présentaient de nombreuses petites bosselures près des bords d'attaque. Les bosselures étaient plus nombreuses et plus profondes près de l'emplanture, et elles étaient moins nombreuses et plus petites près du bout des ailes. On a jugé que ces dommages correspondaient au phénomène d'érosion causé par le sable ou les autres matériaux qui sont projetés par le train avant en service normal. Les piqûres relevées sur les bords d'attaque sont relativement semblables à celles qui ont été relevées sur d'autres CL-65 de la flotte d'Air Canada et elles se trouvaient à l'intérieur des limites précisées dans le CL-65 Structural Repair Manual (manuel des réparations structurales du CL-65). On a jugé que le nombre de piqûres relevées est normal pour un appareil en service.

Produit d'étanchéité du bord d'attaque

Il y a de petits espaces de 0,1 pouce de largeur environ dans le sens de la corde entre tous les panneaux et les raccordements qui forment le bord d'attaque et dans le sens de l'envergure entre les bords d'attaque et les planches d'aile. Du produit d'étanchéité remplit ces espaces pour ne pas nuire aux caractéristiques aérodynamiques de la voilure. Le produit d'étanchéité sur les deux ailes n'était plus dans son état d'origine. Il en manquait à certains endroits, tandis qu'à d'autres endroits, il dépassait de 2 ou 3 mm par rapport à la surface du panneau ou du raccordement. Dans l'ensemble, le produit d'étanchéité était légèrement plus dégradé sur l'aile droite que sur l'aile gauche de l'avion. Le produit d'étanchéité appliqué dans le sens de la corde couvre une petite superficie évaluée à 1 % de la région du bord d'attaque. Les protubérances du produit d'étanchéité peuvent avoir un fort impact négatif au niveau de l'écoulement de l'air sur les deux ailes à des angles d'attaque élevés. La sensibilité de l'aile du CL-65 à l'état de ses surfaces n'était pas indiquée clairement dans le programme de maintenance approuvé, ni dans le manuel de maintenance, ni dans l'AOM.

On a fait des essais en vol pour déterminer les répercussions aérodynamiques du produit d'étanchéité protubérant. Deux vols ont été effectués dans le cadre du programme d'essai : lors du premier vol, les ailes étaient propres, conformément aux normes actuelles de construction du CL-65, tandis que lors du deuxième vol, on avait fait en sorte que dans le sens de la corde le produit d'étanchéité soit protubérant ou manquant, comme sur les ailes de l'avion accidenté. Les vols ont été effectués avec les volets braqués à 45 degrés, le train d'atterrissage sorti, et la masse/delta (masse divisée par le rapport de pression) et le centre de gravité à peu près identiques à ceux de l'avion accidenté. Lors de chaque vol, on a fait des tests de décrochage naturel (aérodynamique) en vue d'établir le point de décrochage, ainsi que des manoeuvres de ralentissement pour déterminer la pente de la courbe de portance de l'avion. Les résultats des tests ont montré une réduction de l'angle d'attaque maximal du fuselage de 1,7 à 2,0 degrés ainsi qu'une réduction du CZmax de l'ordre de 0,03 à 0,05. La reproduction sur un appareil d'essai des formes imitant les protubérances du produit d'étanchéité a donné des résultats qui représentent uniquement la dégradation des performances inhérente au produit d'étanchéité protubérant.

1.18.3.8 Effet de sol

Lorsqu'un aéronef approche du sol, il se produit un changement dans la configuration tridimensionnelle de l'écoulement de l'air autour de l'aéronef. Les caractéristiques aérodynamiques de l'empennage et du fuselage sont légèrement modifiées par l'effet de sol, mais c'est surtout la voilure qui subit le principal changement des caractéristiques aérodynamiques à l'approche du sol. Toutefois, pour que l'effet de sol ait une influence significative, la voilure doit se trouver très près du sol, généralement à une hauteur équivalente à la moitié de l'envergure de l'aile ou à une hauteur inférieure. Dans l'effet de sol, un angle d'attaque moins important est suffisant pour produire le même coefficient de portance; si l'angle d'attaque reste constant, le coefficient de portance augmente.

On a fait une étude des travaux récents portant sur la façon dont l'effet de sol peut modifier les caractéristiques de décrochage des aéronefs. Même s'il est démontré qu'il se produit une diminution significative de l'angle d'attaque de décrochage et du CZmax à cause de l'effet de sol, l'étude a révélé que les données de vol disponibles étaient très limitées et que les techniques d'analyse n'étaient pas fiables. Malgré ces contraintes, on a néanmoins tenté de quantifier les répercussion de l'effet de sol sur le coefficient de portance et sur l'angle d'attaque de l'avion au cours du vol de l'accident, et il y a tout lieu de croire que l'effet de sol au point de roulis des ailes a causé une petite augmentation de portance de l'ordre de 2 % et une réduction de l'angle d'attaque inférieure à 0,3 degré pour la même portance.

1.18.3.9 Accumulation de givre

Études sur l'accumulation de givre

L'IRA et Bombardier Inc. ont mené deux études indépendantes sur la possibilité d'une accumulation de givre sur l'avion accidenté pendant l'approche. Les résultats des deux études diffèrent quelque peu, mais la nature même des études de ce type fait que les chercheurs disposent d'une quantité limitée de données précises pour faire l'étude et que le procédé analytique est parfois subjectif puisqu'il se base en partie sur des opinions et des interpolations fondées sur des expériences faites dans des conditions météorologiques semblables. La marge d'erreur d'un grand nombre de ces résultats étant relativement importante, les études ont donné des résultats auxquels on pouvait s'attendre. Compte tenu des circonstances, on peut considérer que les deux études ont fourni des résultats équivalents et on peut tirer les conclusions suivantes :

  • L'avion s'est trouvé dans des conditions givrantes pendant au moins 60 secondes avant de décrocher, et pendant ce temps une mince couche de givre mixte présentant une certaine rugosité s'est sans doute déposée sur le bord d'attaque des ailes.
  • Une rugosité du bord d'attaque provoquée par une contamination semblable à celle prédite par les études pourrait provoquer une diminution de l'angle d'attaque de 5 ±1,25 degrés à la portance maximale et une réduction correspondante du CZmax pouvant atteindre 0,43 ±0,04.
  • Le taux d'accumulation de givre prévu n'aurait pas suffi à déclencher le détecteur de givrage avant que l'avion ait atteint 400 pieds agl (voir le dernier alinéa du paragraphe 1.18.3.10).

Conditions observées

L'examen des ailes et des autres gouvernes de l'avion sur les lieux de l'accident n'a révélé aucun signe d'accumulation de givre sur l'appareil. De plus, l'équipage n'a observé aucun signe de givrage de la cellule ou du pare-brise de l'avion. Comme les études sur l'accumulation de givre ont révélé que l'avion avait volé dans des conditions givrantes pendant au moins 60 secondes avant l'accident, on a envisagé la possibilité que l'accumulation de givre ait disparu pendant l'accident ou peu après.

L'avion a heurté la piste deux fois et le fossé une fois. Chaque collision aurait été assez violente pour faire tomber le givre sur l'avion. Après avoir heurté le fossé, l'avion a parcouru quelque 1 000 pieds sur une surface enneigée ou dans la neige. Le frottement de la neige sur les ailes pourrait avoir délogé le givre sur les ailes. L'avion a heurté une petite colline et des arbres avant de s'immobiliser; ces chocs auraient également pu déloger le givre sur l'avion.

La plupart des passagers de l'avion sont sortis par les issues de secours d'aile et ont marché sur les ailes pour atteindre le sol. Ces déplacements sur les ailes ainsi que les activités liées au sauvetage dans cette zone ont pu perturber davantage la surface des ailes ou déloger le givre sur les ailes.

Le lendemain de l'accident, la visibilité s'est améliorée peu à peu au cours de la matinée. Les photographies de l'épave qui ont été prises ce matin-là montrent un ciel partiellement dégagé et que des parties de l'avion sont directement éclairées par le soleil, même si pendant toute la journée les températures ont été au-dessous de zéro. Le soleil a pu dégager suffisamment de chaleur pour entraîner la sublimation de la très mince couche de givre qui, selon les études sur l'accumulation de givre, s'était formée sur l'avion.

1.18.3.10 Détection du givrage et protection

Le CL-65 est équipé d'un dispositif de protection contre le givrage et la pluie qui comprend les systèmes d'antigivrage des ailes, des nacelles et du pare-brise. Nous nous pencherons uniquement sur le système de détection de givrage et le système de protection contre le givrage.

Le système de détection de givrage comprend deux boîtiers de détection de givrage qui sont montés de part et d'autre de la zone inférieure avant du fuselage. Les boîtiers de détection oscillent le long de leur axe à une fréquence de 40 kHz sous l'effet d'un champ magnétique modulé. Quand l'avion pénètre dans des conditions givrantes, les collecteurs de givre des boîtiers et la masse supplémentaire du givre font diminuer la fréquence d'oscillation des boîtiers de détection. Une masse nominale de 80 mg (+25 %) sur les boîtiers fait chuter la fréquence de fonctionnement de quelque 130 Hz. Le fabricant du boîtier de détection a déclaré que plusieurs années d'expérience ont permis d'établir qu'une telle masse correspond à une épaisseur de givre de quelque 0,020 pouce. Le logiciel du détecteur surveille la fréquence du boîtier. à une fréquence de quelque 130 Hz alors que les interrupteurs d'antigivrage des ailes et des nacelles sont sur OFF, le voyant ambre ICE du panneau ANTI-ICE s'allume pour signaler le givrage de l'un ou l'autre des boîtiers. Au même moment, sur la page ANTI-ICE de l'EICAS (système d'affichage des paramètres réacteurs; de mise en garde et d'alarme) apparaît le message de couleur ambre ICE 1 ou ICE 2 (en fonction du boîtier qui a détecté le givrage). Si l'on met les interrupteurs d'antigivrage des ailes et des nacelles sur ON, le voyant ambre ICE s'éteint et le message ICE 1/ICE 2 devient blanc. Les réchauffeurs des boîtiers se mettent alors en marche automatiquement et la fréquence de fonctionnement des boîtiers augmente au fur et à mesure que le givre disparaît. à une fréquence prédéterminée, les réchauffeurs cessent de fonctionner et les boîtiers se refroidissent rapidement pour être de nouveau en mesure de détecter toute accumulation subséquente de givre. Le message d'avertissement de givrage reste affiché pendant une période nominale de 60 secondes. Cette minuterie de 60 secondes se réenclenche chaque fois qu'une quantité suffisante de givre supplémentaire se forme sur les boîtiers (ce qui fait diminuer la fréquence de 130 Hz); cet avertissement continu prévient l'équipage de la présence de givre et ne cesse qu'au moment où l'appareil sort des conditions givrantes.

Lorsqu'il est mis en marche par l'équipage (qu'il y ait eu ou non apparition du voyant ambre ICE ou du message sur l'EICAS), le système d'antigivrage des ailes achemine de l'air de prélèvement vers une chambre située derrière le bord d'attaque des ailes afin de dégivrer la zone de bord d'attaque et empêcher toute nouvelle accumulation de givre. Une fois que les deux systèmes d'antigivrage, celui des ailes et celui des nacelles, ont été mis en marche, le voyant ambre ICE s'éteint, et un message de couleur blanche ICE apparaît à la page
ANTI-ICE de l'EICAS
. L'équipage laisse normalement les systèmes d'antigivrage des ailes et des nacelles en marche aussi longtemps que le message de couleur blanche ICE se manifeste. Le voyant ambre ICE est désactivé si l'avion est à une hauteur radioaltimétrique inférieure à 400 pieds et que le train d'atterrissage est sorti.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Le vol s'est déroulé normalement jusqu'à la hauteur de décision pendant l'approche finale sur Fredericton. L'examen de l'épave, des composants et des dossiers de maintenance, ainsi que les déclarations des membres de l'équipage et des passagers n'ont fourni aucun indice permettant de penser qu'il y aurait eu un mauvais fonctionnement de l'avion ou une défaillance en vol. Toutes les aides à la navigation et à l'atterrissage à l'aéroport de Fredericton et aux environs de l'aéroport étaient utilisables et ont fonctionné normalement. Le vol était autorisé et l'avion était piloté conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures établies par un équipage dûment qualifié.

De nombreux facteurs ont joué un rôle dans l'accident : la météo, l'obsécuritéé, la formation de l'équipage de conduite et sa connaissance de l'avion, le pilotage de l'avion, les procédures d'exploitation de l'avion, les performances et les limitations de l'avion, le RAC, le balisage lumineux de piste, la diffusion de l'information, la conception et la certification de l'avion, ainsi que la surveillance des opérations. La météo, notamment le plafond bas et la mauvaise visibilité dans le brouillard, est le facteur qui a mené à l'interaction des autres facteurs et, finalement, à l'accident.

Le nombre de facteurs qui, une fois réunis, ont créé des circonstances favorisant l'accident, donne à penser que la surveillance du programme du CL-65 était insuffisante sur le plan de la sécurité. Ni Bombardier Inc., ni Transports Canada, ni Air Canada ne se sont assurés que la réglementation, les manuels et les programmes de formation permettaient aux équipages de conduite d'acquérir les connaissances nécessaires pour faire la transition au vol à vue pour l'atterrissage ou pour exécuter une remise des gaz, et ce en toute sécurité et avec régularité, dans les conditions qui prévalaient lors du vol de l'accident, notamment compte tenu du régime de l'avion au moment où la remise des gaz a été entreprise. Ces facteurs ont été examinés, mais le lien entre certains points et un organisme donné n'a pas été établi.

L'analyse ci-après comporte trois grandes parties : la survie des occupants, l'exploitation et les performances des ailes. L'enquête n'ayant révélé aucune défectuosité ni défaillance de l'avion ou de l'équipement au sol avant l'accident, ces points ne seront pas abordés dans l'analyse.

2.2 Survie des occupants

2.2.1 Formation relative aux évacuations et au matériel de secours

Dans les instants qui suivent un accident d'aviation, surtout s'il s'agit d'un vol où il n'y a qu'un seul agent de bord, les membres de l'équipage de conduite sont parfois les seuls membres d'équipage disponibles pour s'occuper de l'évacuation et diriger les passagers après l'évacuation. C'est pourquoi il faut absolument que les membres d'équipage de conduite possèdent les connaissances et les habiletés nécessaires en cas d'évacuation. Le RAC stipule que la formation des équipages de conduite doit comprendre des exercices pratiques sur le fonctionnement des issues de secours, mais la formation offerte par Air Canada comprend uniquement des exercices pratiques sur le fonctionnement des portes, et les pilotes du vol de l'accident n'avaient pas reçu de formation pratique sur le fonctionnement des portes ni des issues de secours. Il est possible que la formation pratique sur le fonctionnement des portes de l'avion n'ait pas été donnée au moment du cours de formation initiale des membres de l'équipage de conduite pour les raisons suivantes : a) cela n'était pas mentionné comme objectif de formation dans le Flight Crew Training Manual - Line Indoctrination (manuel de formation des équipages de conduite - formation préparatoire au vol de ligne) d'Air Canada; b) la liste de vérifications de formation préparatoire au vol de ligne des pilotes utilisée par les instructeurs ou par les commandants de bord responsables de cette formation ne comprenait pas l'élément « utilisation des issues de secours ». Tout élément qui ne figure pas sur cette liste de vérifications risque d'être oublié, comme le révèle le présent accident. L'utilisation des issues de secours par l'équipage de conduite n'entre pas en ligne de compte dans le présent accident, mais dans d'autres circonstances l'absence de formation pratique pourrait causer des problèmes.

Les pilotes ne savaient pas qu'il y avait un levier à bord de l'avion et qu'il faisait partie du matériel de secours ordinaire. L'élément « emplacement et utilisation du matériel de secours » fait partie du cours préparatoire au vol de ligne, mais il ne fait pas partie de la liste de vérifications de formation préparatoire au vol de ligne. Étant donné que le levier était plus résistant que le manche de la hache de secours, il se serait peut être avéré un outil plus efficace, entre autres quand l'équipage de conduite a tenté de dégager le passager qui avait la main coincée.

Les agents de bord ne reçoivent aucune formation pratique sur le fonctionnement de la trappe d'évacuation du poste de pilotage. Cette trappe d'évacuation a été aménagée principalement pour permettre l'évacuation des membres de l'équipage de conduite et non des passagers, et les agents de bord ne doivent l'utiliser qu'en dernier recours. Il est toutefois possible qu'un agent de bord ait à l'ouvrir après un accident.

2.2.2 Matériel de survie - Moyens de signalisation

La réglementation en vigueur n'exigeait pas l'emport de matériel de survie permettant de « signaler visuellement une situation de détresse ». Les occupants n'avaient que des lampes de poche de secours pour faire des signaux. L'agent de bord et, par la suite, un passager ont fait à maintes reprises des signaux à l'aide d'une lampe de poche, mais ils n'ont pas réussi à attirer l'attention des sauveteurs car ce moyen n'était pas efficace dans le brouillard épais qui réduisait la visibilité. Ce n'est qu'une quinzaine de minutes après l'accident que les membres du personnel d'intervention d'urgence ont appris où se trouvait l'avion accidenté grâce aux renseignements que leur a donnés le passager qu'ils ont rencontré sur la piste.

Cet accident montre que du matériel de signalisation efficace est indispensable, même si l'accident survient sur un aéroport. Tout ce qui gêne les efforts des sauveteurs ou ne favorise pas une intervention rapide peut diminuer les chances de survie des occupants d'un aéronef accidenté.

2.2.3 Matériel de secours - Emplacement des lampes de poche

Les lampes de poche de secours n'ont pas permis d'attirer l'attention des sauveteurs, mais elles se sont avérées utiles d'autres façons pendant l'évacuation. L'enquête a révélé que les lampes de poche de secours étaient toutes rangées dans la même partie de l'avion, trois dans le poste de pilotage et une juste à l'extérieur du poste de pilotage, dans le compartiment de rangement sous le siège de l'agent de bord. Ainsi, les membres d'équipage peuvent avoir accès facilement aux lampes de poche, ce qui est essentiel en cas d'urgence. Cependant, le fait de placer tous les articles de secours du même type dans la même partie de l'aéronef pourrait s'avérer un problème en cas d'accident, car si cette partie de l'avion était très endommagée au moment de l'accident, tout le matériel de secours pourrait s'avérer inaccessible ou inutilisable.

2.2.4 Préparation des passagers pour la survie après l'évacuation

Les passagers ont bien réagi lors de l'évacuation et ont obéi rapidement aux ordres des agents de bord. De nombreux passagers n'étaient pas suffisamment vêtus compte tenu du froid qui régnait, et ce n'est que parce que l'accident a eu lieu non loin de l'aéroport et parce qu'ils n'ont pas été exposés au froid et à la neige bien longtemps qu'ils n'ont pas eu de problèmes sérieux, voire de blessures.

2.2.5 Intervention d'urgence

Le personnel d'intervention d'urgence a mis une quinzaine de minutes à trouver le lieu de l'accident parce qu'il faisait noir et parce qu'il y avait beaucoup de brouillard ainsi qu'une couche de neige épaisse sur le sol à l'extérieur de la piste. Dès que le lieu de l'accident a été repéré, un chasse-neige a été dépêché sur les lieux pour ouvrir un chemin jusqu'à l'épave. Le chemin a pu être emprunté 50 minutes après l'accident. L'intervention d'urgence selon les plans locaux d'intervention d'urgence a débuté une dizaine de minutes après l'accident, et le personnel et les organismes clés (les pompiers et l'hôpital de la communauté) sont intervenus rapidement. Bien qu'il ait fallu 50 minutes pour trouver l'avion et se frayer un chemin jusqu'à l'épave, on a jugé que les membres du personnel d'intervention d'urgence s'étaient acquittés de leurs tâches de la manière la plus efficace possible, compte tenu des circonstances et de l'équipement. Les opérations de sauvetage ont été relativement longues, mais c'est en grande partie parce que les personnes qui ont participé au sauvetage des passagers coincés dans l'épave ont dû travailler dans des conditions difficiles.

2.3 Exploitation

2.3.1 Approche et transition en vue de l'atterrissage

2.3.1.1 Limites météorologiques d'interdiction d'approche

L'étude qui a été faite sur les événements survenus par mauvaise visibilité révèle qu'il se produit beaucoup plus d'événements pendant les approches de catégorie I que pendant les approches de catégorie II. Les approches de catégorie I sont plus fréquentes parce qu'il est rare que les conditions météorologiques correspondent aux limites d'approche de catégorie II et parce qu'il n'y a que quelques aéroports au Canada qui sont équipés pour les approches de catégorie II. Toutefois, dans bon nombre d'événements à l'atterrissage survenus au Canada où les approches de catégorie I se sont soldées par une sortie de piste, un atterrissage dur ou des ailes endommagées après avoir raclé la piste, on retrouve un facteur commun : une transition à l'atterrissage à vue manquée en raison de l'absence ou du manque d'aides à l'approche ou de moyens de protection prévus pour les atterrissages de catégorie II. Ces aides à l'approche et ces moyens de protection sont présentés au paragraphe 1.18.2.1. Bon nombre des événements sont survenus parce que l'équipage a débranché le pilote automatique trop tôt ou parce qu'il n'a pas utilisé les systèmes de contrôle automatique de vol disponibles. Certains événements sont survenus parce que le pilote aux commandes a perdu certains repères visuels après avoir franchi la hauteur de décision et qu'il s'est fié à des repères non appropriés pour s'orienter pour pouvoir poser l'appareil sur la piste.

L'approche qui a précédé l'accident a été exécutée conformément aux exigences de la réglementation canadienne. Cette réglementation est plus permissive que celle en vigueur dans la plupart des autres pays et elle n'est pas conforme à l'Annexe 14 de l'OACI intitulée Normes et pratiques recommandées internationales - Aérodromes qui définit les limites de visibilité. Au Canada, les visibilités ne sont données qu'à titre indicatif.

Plus les limites de visibilité d'interdiction d'approche sont basses, plus le pilote court de risques de se retrouver dans des conditions où il n'aura pas une bonne vue des environs de la zone d'atterrissage, et moins la vue est bonne, plus il est difficile de faire la transition de l'approche à l'atterrissage. Comme il est rare que la visibilité soit inférieure à un demi-mille sur la plupart des aéroports au Canada, le fait d'augmenter la limite de RVR d'interdiction d'approche n'aurait que des répercussions minimes sur les opérations aériennes.

2.3.1.2 Conditions météorologiques et répercussions sur le vol

Les conditions signalées à Fredericton (plafond de 100 pieds et visibilité de mille) étaient inférieures aux conditions indiquées sur la carte d'approche (visibilité de ½ mille ou RVR de 2 600 pieds et hauteur de décision de 200 pieds). L'approche a tout de même été autorisée parce que la RVR signalée était de 1 200 pieds, soit la RVR minimale pour effectuer une approche conformément à l'article 602.129 du RAC. De plus, puisque l'équipage avait les feux d'approche et de seuil de piste en vue à la hauteur de décision, la décision d'atterrir a été prise conformément aux procédures d'exploitation. En vertu de leur propre réglementation, la majorité des autres pays n'auraient pas autorisé une approche dans les mêmes conditions météorologiques en raison de la faible RVR.

L'approche ILS de la piste 15 de l'aéroport de Fredericton était une approche de catégorie I, mais les conditions météorologiques correspondaient à celles que l'on retrouve normalement pour une approche de catégorie II, et certaines aides à l'approche et certains moyens de protection jugés nécessaires pour les approches de catégorie II n'étaient pas disponibles ou n'ont pas été utilisés. Entre autres, il n'y avait pas de feux d'axe de piste ni de balisage lumineux de la zone de toucher des roues, le commandant de bord n'était pas tenu d'être aux commandes, et le pilote automatique a été débranché à une hauteur supérieure à celle autorisée dans le cas d'une approche de catégorie II. En outre, le premier officier ne possédait aucune formation ni expérience sur CL-65 comme pilote aux commandes pour un atterrissage dans des conditions météorologiques habituellement associées aux approches de catégorie II, et aucun des pilotes n'avait reçu de formation spécifique pour l'exécution d'une approche de catégorie I pour un atterrissage dans de telles conditions météorologiques. Le fait de piloter en fonction des mêmes limites météorologiques que pour la catégorie II, mais sans utiliser les aides à l'approche ni les moyens de protection importants prévus dans ce cas, augmente les risques d'atterrissage manqué. Une liste complète des exigences en matière d'équipement, de formation et d'exploitation applicables aux approches de catégorie II figure au paragraphe 1.18.2.1; ce qui précède traite des aides à l'approche et des moyens de protection directement liés à l'accident.

Compte tenu des conditions météorologiques qui prévalaient lors de l'accident, l'absence de feux d'axe de piste et de balisage lumineux de la zone de toucher des roues a probablement contribué au fait que le premier officier ne pouvait pas voir les environs de la piste assez bien pour pouvoir garder l'avion sur la trajectoire de descente voulue et sur l'axe de piste. De plus, le fait de débrancher le pilote automatique à la hauteur de décision plutôt qu'à l'altitude minimale de 80 pieds recommandée pour le pilote automatique a augmenté la charge de travail du PF et a permis à l'avion de s'écarter de la trajectoire de descente plus longtemps (au cours du pilotage manuel). Par ailleurs, une approche automatique permet habituellement d'établir l'aéronef plus précisément sur la trajectoire de descente. Par conséquent, les environs de la piste peu avant le toucher des roues se trouvent alors directement devant l'aéronef, ce qui permet à l'équipage d'établir le contact visuel avec de meilleurs repères pour l'atterrissage et diminue le nombre de corrections à faire pour aligner l'appareil avec la piste, une fois le pilote automatique débranché.

Les écarts par rapport à la trajectoire de descente et à l'axe de piste sont probablement attribuables au manque d'expérience du premier officier sur CL-65, notamment son manque d'expérience sur CL-65 par mauvaise visibilité. Le premier officier n'a pas réussi à corriger la tendance de l'avion à se cabrer une fois la poussée réduite, et l'illusion que le nez de l'avion était trop bas et que le taux de descente était trop élevé a entraîné des écarts par rapport à l'alignement de descente, et ce malgré les interventions verbales du commandant de bord. En outre, le manque de repères visuels a probablement contribué au fait que le premier officier n'a pas réussi à maintenir l'avion près de l'axe de piste. à 200 pieds, l'avion se trouvait légèrement à droite de l'alignement de piste et se dirigeait de quelques degrés vers la droite pour compenser le vent de travers de droite. De 200 pieds à la surface, le vent est tombé, passant de 10 noeuds à nul. Quand le premier officier a mis du pied à gauche et a braqué l'aileron gauche pour aligner l'appareil avec la piste, il ne s'est pas rendu compte de l'inclinaison à gauche que la manoeuvre avait provoquée. Le premier officier a mis du pied à droite quand l'avion a franchi l'axe de piste, mais cela n'a pas suffi à contrer l'effet aérodynamique de l'inclinaison à gauche, et l'avion a poursuivi sa course vers le côté gauche de la piste.

2.3.1.3 Procédures par mauvais temps

Les procédures d'Air Canada font que la charge de travail du pilote aux commandes pendant l'atterrissage est plus lourde que celle des pilotes de compagnies aériennes qui utilisent la méthode PMA. Par ailleurs, même si d'autres facteurs peuvent jouer un rôle, l'étude du BST sur les événements à l'atterrissage montre que les compagnies aériennes qui utilisent la méthode PMA comptent moins d'événements à l'atterrissage liés à la mauvaise visibilité; le problème étant que le pilote aux commandes qui utilise la méthode classique au lieu de la méthode PMA pendant l'atterrissage doit à la fois surveiller les instruments de bord et exercer une surveillance extérieure pendant que l'aéronef approche de la hauteur de décision. Dans le cas de l'accident de Fredericton, la décision d'atterrir a été prise environ trois secondes après l'annonce de piste en vue. L'annonce de la décision de poursuivre l'atterrissage a été faite au moment où l'avion se trouvait à quelque 165 pieds agl et non à 200 pieds. Une telle situation est presque inévitable quand les conditions météorologiques sont à la limite et que le pilote qui atterrit doit voler aux instruments jusqu'à ce qu'il atteigne la hauteur de décision.

Certaines compagnies aériennes ont recours à un moyen de protection technique - un système d'affichage tête haute - pour améliorer la sécurité pendant l'approche et l'atterrissage. Ce type d'affichage permet au pilote qui fait l'atterrissage de surveiller les performances de l'avion et également de regarder par le pare-brise à la recherche de repères visuels pour l'atterrissage.

2.3.2 Assignation du premier officier comme PF

Les procédures d'Air Canada recommandent que le commandant de bord soit aux commandes pendant l'approche si la RVR est inférieure à la visibilité spécifiée sur les cartes; cependant, rien dans les manuels pertinents n'interdisait formellement au premier officier d'effectuer l'approche. Le commandant de bord a décidé de laisser les commandes au premier officier pour l'approche pour les raisons suivantes : avant de quitter Toronto, le commandant de bord avait demandé au premier officier d'agir à titre de PF pour l'étape de Toronto à Fredericton; le premier officier avait démontré de bonnes habiletés de pilotage pendant les trois étapes que les pilotes avaient faites ensemble; le premier officier avait déclaré qu'il possédait de l'expérience dans les approches par mauvaise visibilité; et l'exécution de cette approche pouvait permettre au premier officier d'acquérir de l'expérience. D'autres facteurs sont également entrés en ligne de compte, notamment le commandant de bord a tenu compte du fait qu'il avait déjà réussi à poser le CL-65 par mauvais temps et aussi parce qu'il était à l'aise avec les atterrissages avec une RVR de 1 200 pieds dans la mesure où il était possible d'établir le contact visuel avec les repères visuels nécessaires à la hauteur minimale ou plus haut. De plus, il y avait toujours la possibilité d'interrompre l'approche et de remettre les gaz si les conditions météorologiques ne permettaient pas d'atterrir. En somme, le commandant de bord n'a vu aucune raison valable de modifier les responsabilités de pilotage établies à l'origine. Toutefois, compte tenu des conditions météorologiques et de la visibilité, de la longueur de piste, du balisage lumineux d'approche et de piste, de l'état de la piste et de l'expérience du premier officier, il est permis de douter du bien-fondé de la décision de laisser le premier officier effectuer l'approche.

Le fait que le premier officier a laissé l'avion s'écarter de la trajectoire de vol au point où il a fallu faire une remise des gaz montre qu'il n'était pas nécessairement en mesure de faire la transition en vue de l'atterrissage dans les conditions météo qui prévalaient. Le manque d'expérience et d'entraînement du premier officier sur CL-65 par mauvaise visibilité a contribué au fait qu'il n'a pas réussi à achever la transition en vue de l'atterrissage.

2.3.3 Fonctions du commandant de bord pendant l'approche

Pendant l'approche, le commandant de bord s'acquittait des fonctions de commandant de bord et de PNF, ce qui lui demandait de surveiller le premier officier et le déroulement du vol en se référant aux repères visuels et aux instruments. Ni l'un ni l'autre des pilotes ne se rappelle avoir entendu les annonces du radioaltimètre (« 50 pieds », « 30 pieds » et« 10 pieds ») pendant l'amorce de remise des gaz. Ces annonces indiquent la hauteur de l'avion au-dessus du sol pendant l'atterrissage, mais une fois que la remise des gaz est amorcée, cette information n'est pas aussi importante. Les gens qui doivent accomplir une tâche exigeante et très importante comme une remise des gaz ont tendance à s'occuper et à traiter seules les données dont ils ont besoin dans les circonstances et à ne pas s'occuper de celles dont ils n'ont pas besoin sur-le-champ. Quand le radioaltimètre a annoncé « 50 pieds », le commandant de bord s'apprêtait à ordonner la remise des gaz. Il est fort probable qu'il n'a pas tenu compte de l'information relative à l'altitude parce que le plan établi n'était plus le même et qu'en faisant une remise des gaz, l'annonce des 50 pieds ne revêtait plus la même importance. Étant donné que le pilote avait déjà amorcé la remise des gaz quand le radioaltimètre a annoncé « 30 pieds » et « 10 pieds », ces annonces n'avaient plus d'importance pour la remise des gaz, et il est probable que c'est pour cette raison que les pilotes ne se sont pas occupés de ces annonces. De plus, il ne savait pas que les réacteurs étaient passés au régime de ralenti. Il arrive rarement qu'un commandant de bord ordonne une remise des gaz s'il n'est pas aux commandes; lors du vol de l'accident, le commandant de bord n'a pas annoncé « VOLETS » quand il a ordonné la remise des gaz. De même, quand le premier officier a accusé réception de l'ordre de remise des gaz, il n'a pas mentionné les volets. (Le vibreur de manche s'est mis en marche environ une seconde après le début de l'accusé de réception du premier officier.) L'incertitude au sujet de la poussée sur les manettes des gaz pour la remise des gaz et le fait qu'aucun des deux pilotes n'a annoncé les volets au moment de la remise des gaz ou de l'accusé de réception peuvent s'expliquer par le fait qu'il s'agissait d'une situation imprévue et rare, et que les pilotes ont été interrompus par le déclenchement du vibreur de manche. Il n'existe habituellement pas d'ambiguïté sur la répartition des tâches entre le PF et le PNF lors d'une remise des gaz; cependant, la situation où le commandant de bord est le PNF au moment où il ordonne une remise des gaz n'est traitée dans aucun des manuels concernant le CL-65.

Bien qu'il se soit écoulé une seconde et demie entre le moment de l'accusé de réception de la remise des gaz et le moment où le régime des réacteurs a commencé à augmenter, l'analyse technique sur l'accélération des réacteurs révèle que ce délai et les taux d'accélération des réacteurs correspondent à ce qui se produit normalement quand on fait passer les manettes des gaz brusquement du réglage de ralenti au réglage de poussée de remise des gaz. Dans les trois secondes qui se sont écoulées entre l'accusé de réception de remise des gaz et l'annonce des volets, les volets auraient pu rentrer de neuf degrés supplémentaires; toutefois, la traînée supplémentaire résultante a eu peu d'effet sur les performances de l'avion lors de la tentative de remise des gaz.

Au cours de la première transition entre la hauteur de décision et la tentative d'atterrissage, le commandant de bord a jugé que les écarts par rapport à l'axe longitudinal étaient légers et il a jugé que s'il intervenait verbalement, le premier officier pourrait faire les corrections nécessaires. Le commandant de bord a pensé qu'il avait raison d'agir ainsi quand il a vu que le premier officier réagissait bien à sa première intervention verbale. Toutefois, quand il a vu que sa deuxième intervention verbale auprès du premier officier n'avait pas permis d'établir l'avion sur une trajectoire de descente continue satisfaisante et que l'avion s'éloignait trop à gauche de l'axe de piste, il a ordonné au premier officier de remettre les gaz. Le commandant de bord ne savait pas que l'avion se trouvait à bas régime, principalement parce qu'il n'avait pas remarqué que les manettes des gaz avaient été ramenées au régime de ralenti et, comme il concentrait son attention sur la piste et les environs de la piste plutôt que sur les instruments, rien ne lui laissait supposer qu'il ne serait peut-être pas possible d'exécuter une remise des gaz en toute sécurité. Le commandant de bord n'avait donc aucune raison de changer ses plans et de ne pas laisser le premier officier exécuter la remise des gaz.

2.3.4 Remise des gaz

2.3.4.1 Bas régime de l'avion et atterrissage interrompu

Selon Transports Canada, au moment de la tentative de remise des gaz, l'avion se trouvait à l'extérieur du domaine de vol démontré lors du processus de certification. Plus particulièrement, le fait de ramener les manettes des gaz au régime de ralenti et de les laisser ainsi jusqu'à ce que l'avion se trouve à moins de 50 pieds du sol équivalait en quelque sorte à s'engager à atterrir, puisque cela plaçait l'avion en régime d'atterrissage bas, d'où il était impossible d'effectuer une remise des gaz sans contact avec le sol. La réduction de la puissance au régime de ralenti avait été faite sur les conseils du commandant de bord et parce que l'avion volait à la bonne vitesse mais se trouvait au-dessus de la trajectoire de descente voulue. Le régime de l'avion, notamment la faible poussée des réacteurs, est la différence la plus importante entre la remise des gaz qui a précédé l'accident et les remises des gaz effectuées pendant les séances d'entraînement. Les manettes des gaz ont été poussées quand le premier officier a accusé réception de l'ordre de remise des gaz, mais il a fallu cinq secondes aux réacteurs pour produire de nouveau la poussée d'approche qui est normalement le niveau de poussée à partir duquel on peut amorcer une remise des gaz. Pendant ces cinq secondes, l'avion ne pouvait ni accélérer pour le vol en palier ni monter sans perdre de vitesse.

Lors de la certification de l'avion, les performances de l'avion ont été évaluées pour les remises des gaz, mais les conditions dans lesquelles les remises des gaz ont été exécutées n'ont pas été indiquées dans les documents techniques. Par conséquent, on n'a pas tenu compte de ces conditions lors de l'intégration des procédures de remise des gaz dans les manuels de l'avion et de formation, et lors de la formation des équipages de conduite. Les conditions de remise des gaz ayant servi à la certification ne sont pas mentionnées dans l'AFM, ni dans le Flight Crew Operating Manual, ni dans l'AOM, ni dans les manuels de formation. L'AFM contient une seule restriction relative à la procédure de remise des gaz, laquelle stipule qu'on ne devrait pas tenter une remise des gaz après le déploiement des inverseurs de poussée. Les manuels concernés ne mentionnent nulle part qu'il est à toute fin pratique impossible d'effectuer une remise des gaz en toute sécurité, sans contact avec le sol, une fois que la puissance des réacteurs a été réduite au régime de ralenti pour l'atterrissage : cela suppose que la réduction au régime de ralenti est faite à une hauteur et à une position normales de l'avion par rapport à la piste.

C'est un fait reconnu que les points abordés ici ne sont pas propres au CL-65 et à sa certification. Compte tenu de la complexité et de l'interaction des variables qui entrent en jeu, il n'est peut-être ni réaliste ni possible de fournir des données précisant les circonstances où il n'est pas possible de faire une remise des gaz en toute sécurité. Toutefois, les exploitants et les pilotes pourraient être mis au courant des conditions de remise des gaz entourant la certification, ce qui leur permettrait d'établir quelles manoeuvres peuvent s'avérer impossibles.

2.3.4.2 Indications du directeur de vol

Le principe selon lequel il est préférable de suivre les consignes du directeur de vol pour assurer une bonne maîtrise du vol est juste dans la plupart des conditions de vol prévues. Toutefois, toutes les consignes d'assiette longitudinale ne peuvent pas nécessairement être suivies et elle ne sont pas toujours sûres. Entre autres, même si l'on suit les barres directrices en mode de remise des gaz, il n'est pas certain qu'on pourra maintenir une vitesse de sécurité parce que, contrairement au mode de guidage en cisaillement du vent, le positionnement des barres directrices ne tient compte ni de la vitesse, ni de la configuration des volets, ni du taux de variation de l'angle d'attaque, tous des facteurs dont il faut tenir compte pour calculer la marge de décrochage.

Toute remise des gaz exige une grande concentration et le pilote n'a pas beaucoup de temps pour exécuter cette manoeuvre. Le pilote peut donc avoir du mal à reconnaître les indications des autres instruments et à intervenir. Dans le cas du premier officier du vol de l'accident, le fait de cabrer l'avion pour suivre les indications des barres directrices avait préséance sur les autres tâches, et il est probable qu'il a eu du mal à surveiller la vitesse en raison de la grande concentration nécessaire pour amener l'axe longitudinal de l'avion à correspondre aux indications des barres directrices. Le directeur de vol, en indiquant au pilote de cabrer l'avion à 10 degrés sans tenir compte de la marge de décrochage, a sans doute contribué au décrochage.

2.3.4.3 Procédure de remise des gaz et formation

La consigne donnée quant à la procédure de remise des gaz (qui est présentée dans l'AFM, l'AOM et les manuels de formation) consiste à cabrer l'avion en direction des barres directrices du directeur de vol plutôt que jusqu'aux barres directrices. Elle a pour objet de souligner le fait que les indications du directeur de vol ne sont données qu'à titre de référence et également de souligner la nécessité de surveiller la vitesse pendant la remise des gaz. Toutefois, en mentionnant le réglage de l'axe longitudinal avant d'insister sur la nécessité de maintenir la vitesse de montée à V2 + 10 noeuds, la procédure de remise des gaz accorde une certaine priorité au changement de l'assiette longitudinale. De plus, en raison de la nature séquentielle des étapes de la procédure et de la grande concentration nécessaire lors de l'amorce d'une remise des gaz, il peut arriver que le pilote passe trop de temps à régler l'assiette avant de se préoccuper de la vitesse. Cette tendance est plus marquée chez les pilotes qui possèdent peu d'expérience sur l'avion en cause et qui ne connaissent pas très bien la procédure de remise des gaz.

Diverses conditions de remise des gaz et configurations font l'objet de démonstrations pendant la formation, mais les exercices en soi se font généralement à partir d'une approche stabilisée. Quand le pilote sélectionne la poussée de remise des gaz, la vitesse de l'avion augmente presque tout de suite, et le cabrage de l'avion vers les barres directrices n'entraîne pas de perte de vitesse. Dans de telles circonstances, une surveillance immédiate et fréquente de la vitesse de l'avion n'est pas nécessaire. Lors d'exercices de remise des gaz après une approche sur un seul réacteur ou à la suite d'un cisaillement du vent, les pilotes doivent surveiller la vitesse de près. Les pilotes de l'avion accidenté, en raison de leur formation, ont pensé que la procédure signifiait qu'il fallait cabrer l'avion vers les barres directrices avant toute autre chose au moment d'entreprendre la remise des gaz.

Il y a au moins quatre endroits dans les manuels concernant le CL-65 utilisés par Air Canada où la procédure de remise des gaz ou d'atterrissage interrompu est décrite, et dans chaque cas elle présente de petites différences. Le Flight Crew Training Manual, Student Study Guide (publication 595) d'Air Canada présente une technique de remise des gaz qui décrit bien les mesures que les pilotes devraient prendre pour une remise des gaz. Les mesures à prendre sont les mêmes que celles qui sont spécifiées dans l'AOM; toutefois, le texte de la publication 595 décrit en détail les mesures à prendre et explique aux pilotes comment faire une remise des gaz; le texte comprend également des conseils et des avertissements de circonstance.

2.3.5 Surveillance du vol

Au cours de l'approche jusqu'à l'annonce des 50 pieds du radioaltimètre, la vitesse est sans doute demeurée à l'intérieur du curseur de vitesse magenta. Par conséquent, le curseur de vitesse n'aurait pas indiqué clairement qu'il fallait corriger la vitesse. à 50 pieds, le vecteur de tendance de vitesse aurait montré une diminution prévue de vitesse de quelque 10 à 15 noeuds, ce qui est normal pour cette phase de l'approche.

Au moment de la remise des gaz, il devait y avoir des signes importants liés à la vitesse que quelque chose n'allait pas : le curseur de vitesse magenta devait se trouver à 12 noeuds au-dessus de l'aiguille de vitesse; l'indicateur de basse vitesse, la bande à carreaux rouges et noirs, devait se trouver à quelque 5 noeuds au-dessous de l'aiguille; et le vecteur de tendance de vitesse magenta devait prédire une tendance de diminution de la vitesse de quelque 25 noeuds, qui devait se prolonger loin à l'intérieur de la bande de basse vitesse. Le premier officier a dû avoir de la difficulté à reconnaître ces signes et à réagir en conséquence avant le déclenchement du vibreur de manche pour les raisons suivantes : pendant sa formation sur les remises des gaz, la vitesse augmentait toujours dès qu'il poussait les manettes des gaz; il se préoccupait d'abord de cabrer l'avion vers les barres directrices; et il s'est écoulé seulement deux secondes entre l'amorce de la remise des gaz et le déclenchement du vibreur de manche. Le temps nécessaire pour identifier le problème et pour établir un plan d'action après le déclenchement du vibreur de manche a sans doute empiété sur le temps dont disposait le premier officier pour prendre des mesures pour augmenter la vitesse de l'avion avant que l'avion décroche.

Le commandant de bord n'avait pas beaucoup de temps pour surveiller le vol pendant la remise des gaz parce qu'il s'occupait du réglage de la poussée de remise des gaz. Le réglage de la poussée de remise des gaz s'est prolongée pendant toute la remise des gaz (moins de trois secondes), jusqu'à ce que le hululeur se fasse entendre, alors que les indications de régime N1 des réacteurs, alors dans la plage des 35 %, étaient encore considérablement inférieures au réglage de remise des gaz. Si le commandant de bord avait surveillé plus étroitement la transition en vue de l'atterrissage et la tentative de remise des gaz, il aurait peut-être réagi et pris des mesures correctives avant que l'avion décroche.

2.3.6 Procédures de sortie de décrochage

Quand le premier officier a amorcé la remise des gaz, il a tiré sur le manche rapidement, ce qui a modifié la position de la gouverne de profondeur de la plage de moins 4 degrés utilisée pendant la tentative d'atterrissage jusqu'à la plage de moins 12 degrés au moment où le vibreur de manche s'est déclenché. Il a peut-être cessé de tirer sur le manche et laissé revenir légèrement le manche vers l'avant, mais la position de la gouverne de profondeur était telle que l'assiette longitudinale de l'avion a continué à augmenter de 4 degrés jusqu'à 9,5 degrés au moment des signes de décrochage et du roulis à droite. En effet, la réduction de la position de cabrage de la gouverne de profondeur de la plage de moins 12 degrés à la plage de moins 8 degrés une seconde après le déclenchement du vibreur de manche n'était pas suffisante pour faire une sortie de décrochage pour maintenir l'assiette de l'avion. La réduction subséquente du cabrage de la profondeur jusqu'à moins 3 degrés pourrait être attribuable, soit à une tentative d'empêcher le nez de l'avion de se relever au-dessus des barres directrices, soit à une tentative de sortie de décrochage en réponse à l'avertissement de décrochage.

Les régimes N1 réacteurs atteints après le décrochage étaient supérieurs au réglage de poussée de remise des gaz. Ce réglage de poussée supérieur pourrait avoir été causé par un ou plusieurs des facteurs suivants : la position des manettes des gaz choisie par le commandant de bord soit pour la remise des gaz soit en réponse aux symptômes de décrochage; ou les forces qui se sont exercées sur l'avion pendant l'accident.

Les circonstances entourant le déclenchement du vibreur de manche différaient quelque peu de ce que le premier officier avait connu pendant les exercices de décrochage. Au cours des exercices de décrochage en configuration d'atterrissage, on doit tirer doucement et continuellement sur le manche pour faire décrocher l'avion, et seulement une légère diminution de la pression et une intervention presque nulle sur le manche sont nécessaires pour maintenir l'assiette longitudinale. Lors du vol de l'accident, un déplacement important du manche aurait été nécessaire pour ramener la gouverne de profondeur de la plage de moins 12 degrés à la position nécessaire pour freiner le cabrage de l'avion. Les scénarios et les profils utilisés pendant la formation ne correspondent pas aux mesures et aux déplacements des commandes qui auraient été indispensables pour faire une sortie de décrochage lors du vol de l'accident. Quand le vibreur de manche s'est déclenché, le premier officier a pris le même type de mesures que celles qu'on lui avait enseignées lors des exercices de décrochage.

Quand le vibreur de manche s'est mis en marche, l'avion se trouvait à 14 pieds agl, en descente à quelque 350 pieds par minute, à la vitesse de 129 noeuds, et présentait un cabré de 4 degrés. Le maintien de ce cabré de 4 degrés se serait traduit par une poursuite de la descente, et l'avion aurait touché des roues quelque deux secondes plus tard. D'après le taux de diminution de vitesse calculé à partir des données FDR et fixé à 2,7 noeuds par seconde au moment du déclenchement du vibreur de manche, la vitesse aurait chuté aux environs de 124 noeuds dans les deux secondes.

Quand le hululeur a retenti, l'avion avait un cabré de 9,7 degrés par rapport à l'horizon. Les données d'essais de certification de Transports Canada indiquent que, si le pousseur de manche était entré en action à ce moment-là, l'avion serait probablement parti en piqué et aurait percuté le sol à un taux de descente élevé.

Au moment du déclenchement du vibreur de manche, l'assiette en tangage de l'avion augmentait rapidement, la vitesse diminuait, la poussée était au ralenti et les volets étaient braqués à fond. La descente a été stoppée, mais l'avion était alors en cabré, les volets étaient encore sortis et les réacteurs tournaient encore au ralenti. Compte tenu de ce qui précède, de.l'obsécuritéé, de la mauvaise visibilité et de la position de l'avion par rapport à la piste, il a été conclu que l'équipage avait peu de chances, à ce moment-là, de poser l'avion en toute sécurité ou de faire une remise des gaz sans contact avec le sol.

2.3.7 Procédures d'antigivrage des ailes

Bien qu'on pouvait s'attendre à ce que l'avion ait à voler dans des conditions météorologiques favorables au givrage, les procédures applicables n'exigeaient pas le recours au système d'antigivrage des ailes tant que le détecteur de givre n'indiquait pas la présence de givre; c'est pourquoi le système d'antigivrage des ailes n'était pas en marche. Si les conditions météo signalées à Fredericton avaient fait état de brouillard givrant plutôt que de brouillard, l'équipage de conduite n'aurait probablement pas agi autrement parce qu'il aurait tout de même suivi les procédures d'antigivrage de l'appareil. L'analyse montre que bien qu'une couche de givre pouvant atteindre 0,020 pouce d'épaisseur ait pu s'accumuler sur les bords d'attaque des ailes dans les derniers instants de l'approche, la présence du givre n'aurait pas été signalée tant que le seuil de détection de givre n'aurait pas été atteint, et elle n'aurait pas été signalée du tout au-dessous de 400 pieds au radioaltimètre.

Une épaisseur moyenne de givre aussi faible que 0,020 pouce sur le bord d'attaque de l'aile de l'avion peut faire diminuer de cinq degrés l'angle d'attaque de décrochage. La procédure qui veut que l'on attende une annonce d'accumulation de givre avant de mettre le système d'antigivrage des ailes en marche et l'absence de toute annonce de givre au-dessous de 400 pieds risquent donc de se traduire par une dangereuse accumulation de givre sur l'aile à l'atterrissage ou pendant la remise des gaz. Compte tenu des circonstances qui prévalaient lors de l'accident et des limitations du système de détection de givrage et du système indicateur de givrage, les procédures d'utilisation du système d'antigivrage des ailes n'ont pas permis d'assurer qu'il n'y avait pas de givre sur les ailes lors de la remise des gaz. Les procédures relatives à l'utilisation du système d'antigivrage des ailes ne permettaient pas d'assurer qu'il n'y aurait pas de givre sur les ailes de l'avion pendant toutes les phases du vol.

De plus, en 1996, pendant la certification du système de détection de givrage et des procédures afférentes, on n'a pas tenu compte des conséquences d'une accumulation de givre au-dessous du seuil de détection et de l'absence de mise en garde sur le niveau de givrage au-dessous de 400 pieds comme on aurait dû au niveau de la réduction de la marge de décrochage.

2.3.8 Longueur de la piste

Les calculs effectués avant le vol de l'accident montraient que la piste satisfaisait aux exigences d'atterrissage de l'AFM. Ces calculs étaient basés sur une piste mouillée et intégrait un facteur de 60 %, lequel sert à une piste ayant un CRFI supérieur à 0,40.

Des calculs basés sur l'atterrissage hypothétique de l'avion depuis le point où la remise des gaz a été entreprise montrent qu'un atterrissage et un arrêt sur la piste auraient été possibles, mais cela ne signifie pas que l'avion se serait effectivement immobilisé sur la piste. Il n'est pas sûr, toutefois, que l'avion aurait pu être positionné correctement au-dessus de la piste et aurait pu se poser avec une marge de sécurité suffisante. Quand le commandant de bord a décidé de faire une remise des gaz parce qu'il jugeait que l'atterrissage ne pouvait pas se poursuivre en toute sécurité, sa décision était conforme aux procédures établies et témoigne de son professionnalisme.

2.4 Performances des ailes

2.4.1 Introduction

L'enquête a révélé qu'au moment du décrochage, l'aile avait des performances aérodynamiques nettement inférieures aux performances observées lors des essais en vol dans le cadre du processus de certification. L'aile a décroché à un angle d'attaque de 9 degrés environ et à un CZmax de 2,06 alors que les valeurs prévues étaient de 13,5 degrés et de 2,32, respectivement. L'enquête a mis en évidence quelques facteurs qui auraient pu contribuer aux performances inférieures de l'aile, et la discussion qui suit va permettre d'établir le rôle de chaque facteur par rapport aux performances de l'aile.

2.4.2 Analyse des courbes CZ-alpha

Les courbes CZ-alpha obtenues par calculs (voir l'annexe C) révèlent des performances moindres aux angles d'attaque inférieurs et montrent, pour CZ, des valeurs supérieures à celles prévues juste avant le décrochage. Bien que la courbe prévue ait été calculée selon la même méthode que celle ayant servi à la courbe préparée par Bombardier, la dynamique du vol par rapport aux données prévues a été étroitement surveillée, ce qui pourrait expliquer les petits écarts entre les courbes prévues et les courbes calculées. Sur les courbes calculées, les valeurs plus élevées de CZ à l'approche du décrochage sont en partie attribuables au fait que la courbe prévue est valable en air libre (hors de l'effet de sol). L'effet de sol a dû déplacer la courbe prévue vers la gauche et donc positionner les valeurs de CZ calculées sous la courbe prévue. De plus, la situation à l'approche du décrochage n'est pas quasi statique, et il se peut que l'effet d'un certain décrochage dynamique se traduise par des valeurs de CZ plus élevées juste avant le décrochage.

2.4.3 Analyse des résultats en simulateur

Comme nous l'avons dit précédemment, la comparaison entre le modèle de simulation et les données du FDR a montré deux événements aérodynamiques distincts pendant l'approche. Ces deux événements ont fait augmenter l'angle de tangage et fait diminuer la portance. D'après les modifications du moment de tangage et de roulis, il a été calculé que le véritable bras de levier correspondant à la perte de portance se trouvait, dans le sens de l'envergure, à 20 pieds ou aux abords de la WS 240. Il s'agit grosso modo de l'emplacement du spoileron et du raccord de bord d'attaque placés entre les WS 247 et 253.

Deux situations auraient pu se traduire par une perte de portance dans cette partie de l'aile, à savoir une sortie (intempestive) de spoileron ou un décollement des filets d'air. Le FDR n'a révélé aucun signe de sortie de spoileron. De plus, une telle sortie aurait provoqué un moment de lacet négatif (avant vers la gauche) plutôt que le moment positif indiqué (avant vers la droite); c'est pourquoi cette hypothèse a été écartée. Il a été conclu que le décollement des filets d'air dans ces régions devait être considéré comme une cause probable des pertes de portance constatées, notamment à cause du fait que, à ces deux références d'aile, le produit d'étanchéité dépassait dans le sens de la corde jusqu'à 3 mm par rapport à la surface du raccord du bord d'attaque. Quant au décollement des filets d'air, les modifications de la traînée à cet endroit et, par conséquent, la direction du moment de lacet seront fonction des valeurs relatives de l'augmentation de la traînée du profil par rapport à la diminution de la traînée induite. Il n'existe aucune donnée d'essai en vol ni aucune autre donnée permettant de déterminer ces valeurs relatives, mais cela n'a pas d'incidence sur la conclusion selon laquelle les pertes de portance sont attribuables au décollement des filets d'air dans ces régions.

2.4.4 Facteurs ayant une incidence sur les performances

2.4.4.1 État de l'aile
Peinture de l'aile

La peinture juste en arrière du bord d'attaque était craquelée, et elle pelait ou s'écaillait par endroits. Cette partie peinte commence à 8 % de la corde de l'aile. L'aile du CL-65 décroche bien en avant de cet endroit et, par conséquent, l'état de la peinture a dû avoir une incidence négligeable sur le décrochage. L'état de la peinture a dû faire augmenter légèrement la traînée, laquelle a pu avoir une légère incidence sur la pente de la courbe de portance.

Piqûres du bord d'attaque

Bombardier a conclu que les conséquences aérodynamiques des piqûres en surface étaient négligeables. Cette affirmation est basée sur des données antérieures d'essais en vol et en soufflerie. Les calculs du coefficient de traînée de l'avion 104 ont montré une réduction de la traînée du vol 1 au vol 2, alors que le bord d'attaque avait été poli; toutefois, la marge d'erreur estimée pour ces calculs était identique à l'ampleur de la différence entre les coefficients de traînée, si bien qu'aucune conclusion probante n'a pu être tirée de l'opération. Il est probable que les piqûres en surface ont eu un petit effet, mais d'une importance négligeable, par rapport à la dégradation des performances de l'avion accidenté.

Produit d'étanchéité

Comme les essais en vol l'ont montré, la protubérance du produit d'étanchéité sur le bord d'attaque de l'aile de l'avion accidenté aurait pu causer une diminution de 1,7 à 2 degrés de l'angle d'attaque maximal du fuselage et de 0,03 à 0,05 du CZmax. Les protubérances du produit d'étanchéité sont probablement restées relativement constantes pendant une longue période, et l'on suppose que la dégradation des performances a été constante tout au long du vol et avant le vol.

2.4.4.2 Effet de sol

La dégradation des performances de l'avion accidenté au moment du décrochage était de 4,5 degrés environ de l'angle d'attaque maximal du fuselage et de 0,26 du CZmax. L'étude sur l'effet de sol a permis d'estimer que, à la hauteur minimale au-dessus du sol atteinte par l'avion juste avant le décrochage (de l'ordre de 10 à 20 pieds), l'effet de sol aurait eu une incidence de quelque 0,3 degré sur l'angle d'attaque. Compte tenu de la grande incertitude entourant cette estimation, on a jugé que la réduction maximale de l'angle d'attaque résultant de l'effet de sol était de l'ordre de 0,75 + 0,5 degré. Si tel a été le cas, cela signifie que les autres facteurs responsables de la dégradation des performances ont eu une incidence de 3 ou 4 degrés sur l'angle d'attaque.

2.4.4.3 Accumulation de givre

Les études sur l'accumulation de givre ont conclu que l'avion avait volé dans des conditions givrantes pendant au moins 60 secondes avant de décrocher et que, pendant ce temps, une fine couche de givre mixte présentant une certaine rugosité s'était probablement formée sur le bord d'attaque des ailes. Une comparaison des simulations techniques a indiqué que des « événements » aérodynamiques ayant réduit la portance de l'avion s'étaient produits à 400 pieds agl et à 150 pieds agl et que ces pertes de portance étaient le résultat d'un décollement des filets d'air aux abords du raccord de bord d'attaque situé entre les WS 247 et 253.

Le coefficient de traînée calculé pour le vol de l'accident (pendant que l'avion se trouvait en approche à moins de 1 000 pieds) était beaucoup plus élevé que les mêmes coefficients calculés pour les vols antérieurs. Ces coefficients différents montrent une augmentation de la traînée en approche et, par voie de conséquence, une dégradation des performances.

L'étude sur l'accumulation de givre menée par Bombardier Inc. précisait également que, compte tenu de la rugosité, du niveau et de la densité de givre prévus, il fallait s'attendre à une réduction de portance pouvant atteindre 0,43± 0,04 du CZmax avec une modification correspondante de 5 ± 1,25 degrés de l'angle d'attaque maximal. La façon dont le produit d'étanchéité et l'effet de sol ont contribué à la dégradation des performances a été estimée dans les rubriques précédentes et, après combinaison de ces deux éléments, on en arrive à une diminution de 2 à 3,3 degrés de l'angle d'attaque maximal. L'avion a décroché à un angle d'attaque inférieur de quelque 4,5 degrés à la valeur prévue dans le cas d'un décrochage naturel. Par conséquent, les effets estimés de l'accumulation de givre correspondraient à une diminution de l'angle d'attaque se situant entre 2,5 degrés (4,5 - 2) et 1,2 degré (4,5 - 3,3); une fine couche de givre pourrait provoquer une telle diminution.

Aucun givre n'a été décelé sur l'avion après l'accident, mais seule une accumulation de givre peut expliquer une dégradation des performances de cette envergure, d'autant plus que les performances ont diminué graduellement pendant que l'avion était en approche finale dans des conditions météorologiques favorisant le givrage. Le scénario le plus plausible étant qu'en plus de l'accumulation de givre sur le bord d'attaque, du givre se serait également accumulé sur le produit d'étanchéité protubérant aux WS 247 et 253.

2.4.4.4 Déplacement des volets

Les volets commençaient à peine à se déplacer quand l'avion a décroché, ce qui a sans doute eu un effet sur la portance et la traînée; toutefois, il a été conclu que, dans l'ensemble, l'effet sur le décrochage de l'avion avait été minime.

2.4.4.5 Interaction des facteurs ayant nui à la portance

L'analyse sur l'effet des facteurs possibles de dégradation des performances aborde chaque facteur individuellement et ne tient pas compte de la possibilité d'une interaction entre eux. Par exemple, comment le produit d'étanchéité protubérant aurait-il influencé la vitesse et l'emplacement de l'accumulation de givre sur l'aile? Il ne fait aucun doute qu'il y a eu une certaine interaction entre les divers facteurs; toutefois, il serait très difficile, voire impossible, d'essayer de quantifier ces interactions. Les spécialistes de l'aérodynamique qui ont participé à l'enquête croient que toute interaction a dû être relativement faible comparée à l'effet de chaque facteur pris séparément, qu'il s'agisse de l'effet de sol, de l'accumulation de givre ou du produit d'étanchéité.

2.4.4.6 Dégradation des performances

Le scénario le plus plausible concernant les performances de l'aile de l'avion accidenté est le suivant :

  • Au départ de Toronto, les performances de l'aile de l'avion étaient inférieures à celles d'une aile de série, à cause de l'état de l'aile.
  • Pendant l'approche sur Fredericton, l'avion a volé dans des conditions givrantes à environ 1 000 pieds agl.
  • Une fine couche de givre a commencé à s'accumuler sur le bord d'attaque des ailes, le taux d'accumulation étant plus important aux abords des WS 247 et 253.
  • Le taux d'accumulation de givre n'était pas assez important pour provoquer le déclenchement de l'alarme du détecteur de givrage avant que le détecteur se désactive à 400 pieds agl.
  • Le givre a continué à s'accumuler sur les ailes, ce qui a fait diminuer davantage les performances de l'aile.

2.4.5 Certification et fonctionnement du système antidécrochage

L'analyse du SPS en général, et l'analyse des seuils de déclenchement du vibreur de manche et du pousseur de manche du SPS notamment, ont montré que le système a fonctionné comme prévu. Le pousseur de manche est conçu pour empêcher l'avion d'atteindre le point de décrochage aérodynamique; toutefois, l'avion a fait un décrochage aérodynamique avant que le pousseur n'entre en action. D'un point de vue purement aérodynamique, ce décrochage a eu lieu parce que l'aile avait des performances inférieures à cause de son état et de la contamination en surface, si bien que, dans les conditions de vol qui prévalaient à ce moment-là, il y a eu décrochage aérodynamique juste avant le déclenchement du pousseur de manche. Dans pareille situation, la marge entre l'entrée en action du pousseur de manche et le décrochage aérodynamique a disparu à cause de la dégradation des performances de l'aile.

Contrairement à ce que prévoyait la certification du SPS, le pousseur de manche n'a pas permis d'identifier le décrochage dans ce cas particulier, toutefois la performance du SPS ne semble pas devoir être remise en question. Les deux facteurs à l'origine des performances inférieures de l'aile peuvent être éliminés grâce à des modifications aux procédures de maintenance et aux procédures d'utilisation du système de détection de givrage et du système d'antigivrage des ailes.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Au moment de l'approche, les conditions météorologiques signalées à Fredericton (plafond de 100 pieds et visibilité de 1/8 mille) étaient inférieures aux conditions météorologiques pour l'atterrissage figurant sur la carte d'approche (hauteur de décision de 200 pieds et visibilité de ½ mille ou RVR de 2 600 pieds), mais l'approche était permise parce que la RVR signalée de 1 200 pieds était la RVR minimale prévue à l'article 602.129 du RAC.
  2. Compte tenu des conditions météorologiques et de la visibilité, de la longueur de la piste, du balisage lumineux d'approche et de piste, de l'état de la piste et de l'expérience du premier officier, il est permis de douter du bien-fondé de la décision de laisser le premier officier exécuter l'approche.
  3. Le fait que le premier officier a laissé l'avion s'écarter de la trajectoire de vol au point où il a fallu faire une remise des gaz montre qu'il n'était pas nécessairement en mesure de faire la transition en vue de l'atterrissage dans les conditions météo qui prévalaient.
  4. Le débranchement du pilote automatique à 165 pieds plutôt qu'à l'altitude minimale du pilote automatique fixée à 80 pieds a alourdi la charge de travail du PF, ce qui a donné lieu à des écarts par rapport à la trajectoire de descente et a privé les pilotes de certains repères visuels à l'atterrissage.
  5. Compte tenu des conditions météorologiques qui prévalaient, l'absence de feux d'axe de piste et de balisage lumineux de la zone de toucher des roues a probablement contribué au fait que le premier officier ne pouvait pas voir les environs de la piste assez bien pour pouvoir garder l'avion sur la trajectoire de descente voulue et sur l'axe de piste.
  6. Le manque d'expérience et d'entraînement du premier officier sur CL-65 par mauvaise visibilité a contribué au fait qu'il n'a pas réussi à achever la transition en vue de l'atterrissage.
  7. Le fait que le commandant de bord agissait à titre de PNF quand il a ordonné la remise des gaz a probablement joué un rôle dans l'incertitude entourant l'augmentation de la puissance et la rentrée des volets parce qu'il n'existe pas de procédure documentée relative aux tâches de chacun des pilotes en pareille situation.
  8. Au moment de la tentative de remise des gaz, l'avion se trouvait à bas régime et hors des limites de vol certifiées pour les procédures de remise des gaz publiées; l'avion était à bas régime surtout parce qu'il était au régime de ralenti.
  9. Le caractère séquentiel des étapes à suivre dans le cadre de la procédure de remise des gaz, notamment l'obligation de régler l'angle de tangage avant d'observer la vitesse, le caractère contraignant des barres directrices et la grande concentration nécessaire pour exécuter la remise des gaz sont des facteurs qui ont contribué au fait que le premier officier n'a pas bien surveillé la vitesse pendant la tentative de remise des gaz.
  10. Même si l'on suit les barres directrices en mode de remise des gaz, il n'est pas certain qu'on pourra maintenir une vitesse de sécurité parce que le positionnement des barres directrices ne tient compte ni de la vitesse, ni de la configuration des volets, ni du taux de variation de l'angle d'attaque, tous des facteurs dont il faut tenir compte pour calculer la marge de décrochage.
  11. Les conditions pour lesquelles la remise des gaz a été démontrée dans le cadre de la certification de l'avion ne sont pas précisées dans la documentation des limitations de l'avion ni dans la procédure de remise des gaz de l'aéronef, ce qui a contribué au fait que ces facteurs n'ont pas été pris en compte quand les procédures de remise des gaz ont été insérées dans les manuels de l'avion et de formation.
  12. La procédure de remise des gaz publiée n'indique pas clairement que, une fois que la puissance a été réduite au ralenti en vue de l'atterrissage, il ne sera probablement pas possible d'effectuer une remise des gaz sans que l'aéronef touche à la piste, principalement en raison du temps nécessaire pour que les réacteurs accélèrent au régime de remise des gaz.
  13. La formation au décrochage dispensée par Air Canada, et approuvée par Transports Canada, n'a pas préparé l'équipage aux conditions dans lesquelles le vibreur de manche de l'avion s'est déclenché et dans lesquelles l'avion a décroché.
  14. Les limitations du système de détection de givrage et du système indicateur de givrage ainsi que les procédures d'utilisation du système d'antigivrage des ailes n'ont pas permis d'assurer qu'il n'y aurait pas de givre sur les ailes de l'avion pendant toutes les phases du vol.
  15. Les études sur l'accumulation de givre indiquent que l'avion a volé dans des conditions givrantes pendant au moins 60 secondes avant de décrocher, et que pendant ce temps une fine couche de givre mixte présentant une certaine rugosité s'est probablement formée sur le bord d'attaque des ailes. Tout givre sur les ailes aurait réduit la marge de sécurité que procure le système antidécrochage.
  16. Les répercussions de l'accumulation de givre au-dessous du seuil de détection et la désactivation de tout avertissement de givrage au-dessous de 400 pieds n'ont pas été suffisamment prises en compte quand la marge de décrochage a été fixée en 1996 lors de la certification du système de détection de givrage et des procédures afférentes.
  17. Le système antidécrochage (SPS) a fonctionné comme prévu; le fait qu'il n'a pas empêché le décrochage a été attribué à la dégradation des performances des ailes.
  18. L'approche de catégorie I ne bénéficiait pas des aides à l'approche et des moyens de protection supplémentaires exigés pour une approche de catégorie II.
  19. Les dispositions de la réglementation canadienne relatives aux approches de catégorie I sont moins strictes que celles en vigueur dans la plupart des autres pays, et elles ne sont pas conformes à l'Annexe 14 de l'OACI intitulée Normes et pratiques recommandées internationales - Aérodromes, qui définit les limites de visibilité; au Canada, les visibilités, sauf la RVR, ne sont données qu'à titre indicatif.
  20. Il est permis de faire une approche de catégorie I dans des conditions météorologiques inférieures aux minima d'atterrissage spécifiés pour l'approche, mais aucun membre d'équipage de conduite n'est tenu d'acquérir une formation spéciale en ce sens, et aucun règlement n'oblige les membres d'équipage de conduite à faire l'objet d'un contrôle visant à vérifier s'ils possèdent les habiletés nécessaires pour piloter dans de telles conditions.
  21. En vertu des procédures d'Air Canada, les commandants de bord devaient obligatoirement exécuter les approches de catégorie II en tous temps; toutefois, quand une approche de catégorie I par mauvaise visibilité devait être exécutée, c'est le commandant de bord qui devait décider qui allait exécuter l'approche, mais il est possible que le commandant de bord soit mal placé pour décider si le premier officier possède bien les habiletés nécessaires pour exécuter l'approche.
  22. L'avion a décroché à un angle d'attaque inférieur de 4,5 degrés environ à la valeur prévue et à un CZmax inférieur de 0,26 à la valeur prévue dans le cas d'un décrochage naturel.
  23. En approche finale au-dessous de 1 000 pieds agl pendant le vol de l'accident, les performances de l'aile ont été inférieures à celles correspondant à la même phase du vol précédent.
  24. La comparaison des simulations techniques révèle qu'il y a eu deux diminutions marquées des performances de l'avion, à 400 pieds agl et à 150 pieds agl, et ce à cause d'un décollement des filets d'air aux abords des références voilure (WS) 247 et 253.
  25. Les piqûres sur le bord d'attaque des ailes ont eu peu d'effet sur la dégradation des performances de l'avion.
  26. Le produit d'étanchéité sur le bord d'attaque des ailes manquait à certains endroits, tandis qu'à d'autres, il dépassait de 2 ou 3 mm au-dessus de la surface. Les essais en vol révèlent que la protubérance du produit d'étanchéité dans le sens de la corde aurait pu donner lieu à une réduction de 1,7 à 2 degrés de l'angle d'attaque maximal du fuselage et de 0,03 à 0,05 du CZmax.
  27. On a jugé que la réduction maximale de l'angle d'attaque inhérente à l'effet de sol avait été de l'ordre de 0,75 ± 0,5 degré : l'effet de sol a eu une incidence sur l'angle d'attaque de l'avion pendant la remise des gaz.
  28. La dégradation des performances attribuée au produit d'étanchéité protubérant et à l'effet de sol n'est pas assez importante pour expliquer la dégradation des performances constatée; seule une accumulation de givre peut expliquer la dégradation des performances restante.
  29. Ni Bombardier Inc., ni Transports Canada, ni Air Canada ne se sont assurés que la réglementation, les manuels et les programmes de formation permettaient aux équipages de conduite d'acquérir les connaissances nécessaires pour faire la transition au vol à vue pour l'atterrissage ou pour exécuter une remise des gaz, et ce en toute sécurité et avec régularité, dans les conditions qui prévalaient lors du vol de l'accident, notamment compte tenu du régime de l'avion au moment où la remise des gaz a été entreprise.

3.2 Autres faits établis

  1. Le commandant de bord et le premier officier possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur et conformément aux normes et aux exigences de formation d'Air Canada; seules quelques petites lacunes relatives à la formation sur le matériel de secours ont été relevées.
  2. L'agent de bord de service lors du vol de l'accident possédait la formation et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
  3. La masse et le centrage de l'avion étaient dans les limites permises pendant le vol.
  4. L'examen des dossiers révèle que l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
  5. Rien n'indique qu'il y ait eu une défaillance ou un mauvais fonctionnement d'un composant de l'avion, que ce soit avant ou pendant le vol.
  6. Quand le vibreur de manche s'est déclenché, il est peu probable que l'équipage aurait pu poser l'avion en toute sécurité ou faire une remise des gaz sans contact avec le sol.
  7. Une fois la puissance réglée pour la remise des gaz, les réacteurs ont accéléré au taux qu'on obtient si les manettes des gaz sont poussées brusquement au réglage de remise des gaz.
  8. L'avion ne transportait pas de radiobalise de repérage d'urgence (ELT); ce n'était pas obligatoire en vertu de la réglementation en vigueur.
  9. L'absence d'ELT a probablement retardé le repérage de l'avion accidenté et de ses occupants.
  10. Les occupants de l'avion ne disposaient d'aucun moyen efficace pour attirer l'attention du personnel de secours.
  11. Les membres de l'équipage de conduite n'avaient pas reçu de formation pratique sur le fonctionnement des issues de secours dans le cadre de leur programme de formation initiale, même si c'était obligatoire en vertu de la réglementation.
  12. Le programme de formation initiale d'Air Canada à l'intention de ses équipages de conduite ne comprenait pas de formation pratique sur le fonctionnement des issues de secours d'aile et de la trappe d'évacuation du poste de pilotage.
  13. La formation annuelle aux procédures d'urgence qu'offrait Air Canada à ses équipages de conduite en matière de fonctionnement et d'utilisation des issues de secours ne comprenait pas la formation pratique exigée tous les trois ans. La formation annuelle portant sur les issues de secours comprenait uniquement des démonstrations.
  14. L'équipage de conduite ne savait pas qu'il y avait un levier dans le matériel de secours ordinaire de l'avion.
  15. Les quatre lampes de poche de secours à bord se trouvaient toutes dans la même partie de l'avion; le risque était donc plus grand qu'elles deviennent inaccessibles ou inutilisables, advenant un accident ou des dommages à cette partie de l'avion (voir le paragraphe 4.1.6).
  16. Le fait qu'il y avait un spécialiste de l'information de vol, et non pas un contrôleur d'aérodrome, à l'aéroport de Fredericton au moment de l'arrivée de l'avion du vol ACA 646, n'a joué aucun rôle dans l'accident.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Utilisation du système d'antigivrage de l'avion

L'enquête a révélé que les procédures d'utilisation, combinées aux limitations du système de détection de givrage, ne permettaient pas d'assurer que les ailes et les réacteurs de l'avion resteraient exempts de givre pendant le vol.

Le 11 mars 1998, pour traiter de la question de la désactivation de l'avertissement ICE au-dessous de 400 pieds agl au radioaltimètre, Air Canada a publié le bulletin technique d'aéronef no 158 pour modifier les procédures de son manuel de vol (AOM, Volume 2/02.00- .02/ .30- .43). Les changements apportés à l'AOM sont les suivants :

[TRADUCTION] En vol, le système d'antigivrage des ailes et des nacelles doit être sur ON dans l'une ou l'autre des situations suivantes :

  1. si le système de détection de givrage indique des conditions givrantes;
  2. s'il y a détection visuelle de givre sur des surfaces de l'avion (essuie-glace du pare-brise, montants de fenêtre, etc.);
  3. si l'avion vole au-dessous de 400 pieds agl et dans des conditions givrantes comme celles qui sont définies dans le manuel de vol (AOM, Vol. 2, 02.17.01);
  4. si un détecteur de givre ne fonctionne pas et en présence de conditions givrantes comme celles qui sont définies dans le manuel de vol (AOM, Vol. 2, 02.17.01).

Avec l'accord de Transports Canada, la Division des avions régionaux de Bombardier a envoyé le message à tous les exploitants no 234 en date du 20 mars 1998 pour renvoyer à la révision temporaire RJ/61 transmise à tous les exploitants de CL-65. Cette révision temporaire renforçait et clarifiait les définitions et les procédures en matière de givrage relativement au vol dans des conditions givrantes telles qu'elles sont définies dans le Airplane Flight Manual, CSP A-012 (AFM) et ce, dans le but d'assurer que les dispositifs de protection contre le givrage seraient bien activés dès que l'avion serait amené à évoluer dans des conditions favorisant une accumulation de givre sur le bord d'attaque des ailes et des nacelles des réacteurs.

Les procédures indiquées dans le bulletin technique d'aéronef d'Air Canada ainsi que dans le message à tous les exploitants envoyé par Bombardier vont réduire les possibilités d'accumulation de givre sur l'avion CL-65. Néanmoins, il y a encore un risque que, dans le cas d'un avion volant au-dessous de 400 pieds agl, du givre s'accumule au point d'entraîner une diminution réelle des performances de l'avion sans que l'équipage ne se rende compte de son entrée dans des conditions givrantes ou de l'accumulation de givre sur son avion. Par conséquent, si le voyant ambre ICE n'était pas désactivé au-dessous de 400 pieds, il offrirait un moyen de protection supplémentaire capable d'alerter les pilotes de la présence de givre.

Selon la Federal Aviation Administration (FAA), l'apparition du voyant ambre ICE est considérée comme une alarme, et non pas comme un avertissement. Par conséquent, cette fonction de désactivation du voyant ambre n'existe pas sur les CL-65 immatriculés aux États-Unis.

S'il est bien entendu que l'apparition du voyant ambre ICE à basse altitude est susceptible de distraire quelque peu l'équipage, il importe cependant de comparer ce risque à celui inhérent aux possibilités accrues d'accumulation de givre pendant une phase critique de vol, advenant la désactivation du voyant ambre ICE. Pour réduire le risque de décrochage d'un avion pendant une phase critique du vol, le BST a publié le 9 avril 1999 un avis de sécurité aérienne suggérant à Transports Canada d'envisager de prendre des mesures afin de supprimer, sur tous les avions CL-65 actuels et futurs, la désactivation du voyant ambre ICE au-dessous de 400 pieds agl.

4.1.2 Emport obligatoire d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT)

En examinant l'exigence propre aux ELT, le BST a constaté qu'en vertu du paragraphe 605.38(3) du RAC, les avions à plusieurs turboréacteurs dont la masse maximale certifiée au décollage (MCTOW) est de plus de 5 700 kg (12 500 lb), comme le CL-65 de Canadair, ne sont pas tenus d'être équipés d'une ELT lorsqu'ils évoluent en IFR à l'intérieur de l'espace aérien contrôlé au-dessus de la terre ferme et au sud de la latitude de 66° 30' N. Cette « exemption » ne s'applique pas aux avions ne possédant pas de turboréacteurs (comme le Dash-8 et l'ATR-42) et qui sont similaires au CL-65 en ce qui concerne les passagers transportés, l'environnement opérationnel et la fiabilité des moteurs.

Les données du BST révèlent que pour les avions de taille semblable, les taux d'accidents basés strictement sur des facteurs liés au mode de propulsion ne présentent pas de différence marquée entre les avions à turbopropulseurs et les avions à turboréacteurs. Les avions qui transportent une ELT offrent de meilleures chances de survie aux occupants après un accident, notamment en ce qui concerne les opérations de recherche et de sauvetage assistées par satellite. Pour offrir les mêmes chances de survie en cas d'accident, tous les avions de taille et d'utilisation similaires, peu importe leur mode de propulsion, devraient transporter une ELT.

Le 24 février 1998, le BST a envoyé l'avis de sécurité aérienne no 980004 à Transports Canada pour lui suggérer d'examiner le paragraphe 605.38(3) du RAC dans l'optique de supprimer l'exemption qui permet aux aéronefs à turboréacteurs de ne pas être équipés d'une ELT.

Le 3 avril 1998, Transports Canada a fait savoir que, eu égard aux inquiétudes exprimées par le BST dans son avis no 980004 et au laps de temps écoulé depuis la promulgation de la réglementation originale, le Comité technique sur les règles générales d'utilisation et de vol des aéronefs du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne avait été chargé d'examiner le bien-fondé de la réglementation actuelle traitant des exigences propres aux ELT.

Lors de sa réunion du 11 décembre 1998, le Comité réglementaire de l'Aviation civile a décidé de modifier l'article 605.38 du RAC de façon à exiger que les aéronefs à plusieurs turboréacteurs, dont la MCTOW est supérieure à 5 700 kg, exploités en IFR dans l'espace aérien contrôlé, soient tenus de transporter une ELT.

4.1.3 Questions relatives au bas régime

Quand l'équipage a amorcé la remise des gaz, l'avion était en configuration d'atterrissage, il était à faible hauteur au-dessus de la piste, sa vitesse diminuait et les réacteurs tournaient au ralenti. L'avion n'a pas pu exécuter la remise des gaz sans contact avec le sol parce qu'il avait atteint le régime d'atterrissage bas.

Le 13 mai 1998, Transports Canada a publié une Circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires pour signaler aux pilotes et aux exploitants aériens les dangers potentiels liés à un atterrissage interrompu ou à une remise des gaz. La circulaire stipule qu'« un aéronef n'est pas certifié de façon à exécuter une remise des gaz sans contact avec le sol une fois qu'il a atteint le régime d'atterrissage bas. » Aux fins de la circulaire, « le régime d'atterrissage bas » est défini comme suit :

  1. les volets de l'aéronef et le train d'atterrissage sont en configuration d'atterrissage;
  2. l'aéronef effectue une descente;
  3. la poussée s'est stabilisée près de la position 'ralenti de vol';
  4. la vitesse diminue;
  5. l'altitude de l'aéronef est de 50 pieds* ou moins au-dessus de l'altitude de piste.

* NOTA : 50 pieds est une valeur représentative. Un aéronef donné peut atteindre le régime d'atterrissage bas au-dessus ou au-dessous de 50 pieds conformément aux procédures d'atterrissage approuvées pour ce type.

La circulaire stipule également que la « décision de mettre un aéronef en régime d'atterrissage bas est une décision qui commande l'atterrissage; si un doute subsiste concernant la probabilité d'un atterrissage en toute sécurité, une remise des gaz ou un atterrissage interrompu doit être amorcé avant d'adopter ce régime. Tenter d'amorcer une remise des gaz ou un atterrissage interrompu en régime d'atterrissage bas est une manoeuvre à risque élevé et qui n'a pas été mise à l'essai. Dans le cas extrême où cette mesure s'avérerait nécessaire, les pilotes doivent savoir qu'il y a possibilité de contact avec le sol et que toute tentative d'amorcer une montée avant que les moteurs aient atteint la poussée de remise des gaz peut aboutir à un décrochage. »

La circulaire stipule que les exploitants aériens doivent s'assurer immédiatement que leurs pilotes et le personnel responsable de la formation sont au courant des dangers liés à une remise des gaz ou à un atterrissage interrompu à bas régime et veiller à ce que leurs programmes de formation traitent des dangers inhérents aux opérations à bas régime ainsi que des procédures connexes.

4.1.4 Procédures et formation

Air Canada a pris les mesures suivantes à la lumière des enseignements qui se dégagent du présent accident :

  • la procédure de remise des gaz indiquée dans l'AOM du CL-65 a été modifiée de façon à insister davantage sur l'importance de la vitesse pendant la remise des gaz;
  • une note a été insérée dans l'AOM du CL-65 pour préciser que si la remise des gaz est entreprise à proximité du sol, il se pourrait que le train d'atterrissage touche à la piste;
  • le programme de formation des pilotes de CL-65 a été modifié de façon à inclure des renseignements sur les remises des gaz à bas régime;
  • le manuel d'exploitation d'Air Canada, publication 550 (FOM) a été modifié de façon à inclure des exigences plus précises comportant une marge de sécurité encore plus grande pour les approches par mauvaise visibilité.

4.1.5 Maintenance des ailes du CL-65

Après avoir été mis au courant de l'état dans lequel la surface de la voilure du CL-65 accidenté a été trouvé, Air Canada a apporté des modifications au programme de maintenance des ailes de ses CL-65 en vue d'améliorer l'état des ailes des CL-65 de sa flotte, ce qui permettra d'améliorer les performances aérodynamiques du CL-65. Ces modifications viennent compléter le programme de maintenance de bord d'attaque recommandé par Bombardier Inc. Elles portent sur les points suivants :

  • laver et polir les bords d'attaque tous les 60 jours;
  • remplacer le produit d'étanchéité usé sur le bord d'attaque par un produit d'étanchéité amélioré;
  • inspecter et remplacer le produit d'étanchéité de bord d'attaque lors de chaque vérification « A » (toutes les 400 heures);
  • repeindre la surface des ailes au besoin, en fonction d'une inspection de segment C2 (inspection des 2 250 heures).

4.1.6 Lettres d'information

Quand le BST relève une situation insatisfaisante ne demandant pas la prise de mesures correctives immédiates, le personnel du BST peut envoyer une lettre d'information aux responsables de l'organisme de réglementation ou des compagnies concernées. En général, les lettres d'information traitent de dangers localisés ou de situations ne présentant que des risques relativement faibles.

Le BST a envoyé trois lettres d'information à Transports Canada faisant état de ses constatations sur les points suivants : la formation aux procédures d'urgence des équipages de conduite concernant le fonctionnement des issues de secours; l'emplacement du matériel de secours, entre autres les lampes de poche; et la présence de moyens de signalisation dans le matériel de survie.

Transports Canada et Air Canada ont tous deux répondu aux lettres d'information mentionnées ci-dessus. Voici en bref les mesures qu'ils ont prises et celles qu'ils ont l'intention de prendre :

  • Transports Canada va rédiger des circulaires d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires à l'intention des exploitants aériens, ainsi que des lettres d'orientation à l'intention des inspecteurs de l'Aviation commerciale et d'affaires qui sont chargés d'approuver les programmes de formation à l'intention des équipages de conduite. Ces documents sont en train d'être rédigés en vue de clarifier les exigences de formation relatives aux issues de secours et les exigences de formation relatives à l'emplacement et à l'utilisation du matériel de secours, y compris la formation pratique. Transports Canada va présenter des projets d'amendement aux Normes de service aérien commercial.
  • Transports Canada va rédiger une circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires à l'intention des exploitants aériens. Dans la circulaire, il sera indiqué que dans le cas des aéronefs où il n'y a qu'un seul agent de bord de service et où le siège de l'agent de bord est situé dans la partie avant de l'aéronef, il est recommandé que l'aéronef transporte une lampe de poche supplémentaire et qu'elle soit placée à l'arrière de l'aéronef.
  • Air Canada a publié l'ajout no 72 destiné au manuel des agents de bord (Publication 356), ajout qui traite de l'emport d'une lampe de poche supplémentaire à l'arrière des CL-65.
  • Transports Canada a fait savoir qu'il allait former un groupe de travail chargé d'examiner la réglementation actuelle relative à l'équipement de survie ainsi que toutes les questions et préoccupations connexes, dont la préoccupation du BST relative aux « moyens de signaler une situation de détresse ».

4.1.7 Formation pratique

Pendant l'enquête, il a été établi que le programme de formation des pilotes de CL-65 d'Air Canada ne fournissait pas à ces derniers la formation « en milieu réel » exigée en matière de fonctionnement et d'utilisation de toutes les issues de secours. Par la suite, Transports Canada a fait savoir au BST, qui lui avait envoyé une lettre d'information à ce sujet, que des mesures seraient prises pour mieux conscientiser les exploitants et les inspecteurs de Transports Canada à la nécessité d'une telle formation.

Transports Canada a également indiqué dans sa réponse qu'il prendrait les mesures appropriées pour mieux faire connaître les exigences en matière de formation portant sur les issues de secours. Toutefois, d'autres renseignements en provenance de Transports Canada ont montré qu'une exigence réglementaire imposant une « formation pratique » n'englobait pas nécessairement une formation directe « en milieu réel ». Il se pourrait donc que le problème se complique encore davantage à la suite des différents sens donnés à l'expression « formation pratique » par les inspecteurs de Transports Canada et l'industrie (et ce, au-delà du simple domaine des issues de secours). Si les inspecteurs de Transports Canada ou les exploitants se mettent à donner des interprétations différentes, il se pourrait que la réglementation et les normes connexes soient appliquées différemment et que la formation en milieu réel ne soit pas dispensée comme elle devrait l'être. Par conséquent, le BST a publié un avis de sécurité aérienne le 9 avril 1999 pour demander à Transports Canada d'envisager de prendre des mesures destinées à éviter toute ambiguïté quant au sens de l'expression « formation pratique » et aux exigences qui s'y rattachent.

4.2 Mesures à prendre

4.2.1 Approches par mauvais temps

Les conditions météorologiques signalées à Fredericton au moment de l'accident étaient les suivantes : visibilité verticale de 100 pieds avec ciel obscurci, visibilité horizontale d'un huitième de mille dans du brouillard, et portée visuelle de piste de 1 200 pieds. Après le débranchement du pilote automatique à 165 pieds au-dessus du sol, l'avion s'est écarté de sa trajectoire de vol prévue. Par la suite, le commandant de bord a ordonné une remise des gaz car il n'avait pas la certitude que l'avion pouvait atterrir en toute sécurité sur la longueur de piste restante. Compte tenu du bas régime de l'avion et de l'incertitude de l'équipage quant à la longueur de piste restante, la marge de sécurité de l'avion s'est trouvée singulièrement réduite.

On a fait un examen des événements survenus pendant l'atterrissage de gros avions par mauvaise visibilité entre le 1er janvier 1984 et le 30 juin 1998. Aux États-Unis, il y a eu 18 événements de ce genre attribuables à une mauvaise visibilité; la plupart se sont soldés par des dommages aux avions et auraient pu causer des blessures aux occupants. Au Canada, il y a eu 28 événements de cette nature, le plus grave étant le présent accident. Un seul événement s'est produit au Canada pendant une approche de catégorie II.

La réglementation canadienne permet d'effectuer des approches de catégorie I par des visibilités inférieures à ce qui est autorisé dans la plupart des autres pays (y compris aux États-Unis), et la réglementation ne cadre pas avec les recommandations qui figurent dans le document Normes et pratiques recommandées internationales de l'OACI. L'Annexe 14 de l'OACI recommande l'utilisation de limites de visibilité en vertu desquelles les pilotes ne peuvent pas effectuer une approche si la visibilité signalée est inférieure à la visibilité spécifiée pour l'approche en question. Toutefois, au Canada, les valeurs de visibilité autres que les RVR sont données à titre purement indicatif; les pilotes peuvent effectuer une approche quelle que soit la visibilité et poursuivre leur descente jusqu'au sol s'ils ont établi le contact visuel avec la piste. Si un aéroport est doté de transmissomètres, les limites de visibilité RVR s'appliquent bien au Canada, mais elles sont inférieures à celles applicables aux approches de catégorie I dans d'autres pays (y compris aux États-Unis). Bien qu'une approche ne soit pas permise si la RVR de la piste se trouve au-dessous des limites, le nombre d'approches effectuées au Canada par mauvaise visibilité va probablement augmenter parce qu'on prévoit une augmentation du nombre d'aéronefs ainsi que du nombre d'aéroports équipés d'un dispositif de mesure de la RVR où il sera permis de faire des approches d'un niveau supérieur.

Afin de contrecarrer le risque inhérent à l'atterrissage d'un avion par plafond bas et mauvaise visibilité, il serait judicieux de mettre en place des aides et des moyens de protection supplémentaires. Il pourrait s'agir d'exigences opérationnelles spéciales en matière de matériel, de formation, d'expérience et de procédures. Leparagraphe 1.18.2.1 du présent rapport donne le détail des exigences opérationnelles contraignantes qui s'appliquent aux approches de catégorie II. Toutefois, comme le montre le présent accident, la réglementation canadienne permet aux équipages de faire des approches de catégorie I dans des conditions météorologiques égales ou inférieures aux minima exigés pour un atterrissage de catégorie II sans être tenus de respecter les exigences opérationnelles associées aux approches de catégorie II. Par conséquent, pour réduire les risques d'accidents en approche et à l'atterrissage par mauvais temps, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports réévalue les critères d'approche et d'atterrissage de catégorie I (de façon à ce que les minima météorologiques correspondent aux exigences opérationnelles) dans le but de garantir un niveau de sécurité équivalent à celui fourni par les critères de catégorie II.
Recommandation A99-05 du BST

4.2.2 Remises des gaz à bas régime

Transports Canada a publié une Circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires afin de faire connaître aux pilotes et aux exploitants aériens les dangers potentiels liés à une remise des gaz effectuée alors que l'avion a atteint le régime d'atterrissage bas. Cette circulaire demande aux exploitants aériens de s'assurer sans tarder que leurs pilotes et le personnel responsable de la formation connaissent bien les dangers associés aux remises des gaz à bas régime et de veiller à ce que leurs programmes de formation traitent de ces dangers ainsi que des procédures connexes. Une large diffusion de cette circulaire consultative devrait réduire à court terme les risques d'accidents consécutifs à une remise des gaz à bas régime.

Les circulaires consultatives servent à donner des renseignements et des conseils sur des questions opérationnelles; elles ne font pas officiellement partie des exigences de sécurité mises en place par Transports Canada. Tant qu'elles n'occuperont pas une place officielle au sein du système aéronautique, de telles circulaires consultatives auront tendance à perdre de la valeur à mesure qu'elles seront remplacées par d'autres portant sur de nouveaux sujets. Comme l'importance de bien connaître la question de la remise des gaz à bas régime n'est pas appelée à diminuer avec le temps, il faudrait prévoir un mécanisme quelconque afin de s'assurer que les nouveaux pilotes sont informés des risques en la matière et que les pilotes chevronnés ne relâchent pas leur vigilance. Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports veille à ce que les pilotes d'avions à turboréacteurs reçoivent une formation portant sur les risques associés aux opérations à bas régime, et notamment aux remises des gaz à bas régime, et qu'ils restent conscients des risques en la matière.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.
Recommandation A99-06 du BST

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.

Annexes

Annexe A— Carte d'approche ILS de la piste 15 de Fredericton

Carte d'approche ILS de la piste 15 de Fredericton

Annexe B1— Répartition des pièces et des débris

Répartition des pièces et des débris

Annexe B2— Légende des pièces et des débris

Annexe C— Courbes de CZ-alpha calculées et prévues

Courbes de CZ-alpha calculées et prévues

Annexe D— Liste des rapports de laboratoire pertinents

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

  • LP 28/98 Records Group Report B CL-600-2B19, C-FSKI (Rapport du groupe des dossiers, CL-600-2B19, C-FSKI.
  • LP 192/97 Recorders Group Report (Rapport du groupe des enregistreurs);
    Flight Reconstruction Video (Reconstitution vidéo du vol).
  • LP 11/98 Structures Group Report (Rapport du groupe des structures).
  • LP 191/97 Site Survey (Examen des lieux).
  • LP 3/98 Stall Protection System Components Testing (Essais des composants du système antidécrochage).
  • LP 41/98 Bending Strength of Crash Axe and Pry Bar (Résistance à la flexion de la hache et du levier).

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe E— Sigles et abréviations

ACA 646
vol 646 d'Air Canada
ACARS
système d'échange de données sur réseau Arinc
ACC
centre de contrôle régional
ADF
radiogoniomètre automatique
AFCS
système de contrôle automatique de vol
AFM
Canadair Regional Jet Airplane Flight Manual (manuel de vol de l'avion de transport régional à réaction de Canadair)
agl
au-dessus du sol
AOM
CL-65 Airplane Operating Manual (manuel de vol du CL-65 d'Air Canada)
APU
groupe auxiliaire de bord
asl
au-dessus du niveau de la mer
ATC
contrôle de la circulation aérienne
BFC
Base des Forces canadiennes
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CA
microphone d'ambiance
c.c.
courant continu
CLL
feux d'axe de piste
CNRC
Conseil national de recherches du Canada
CRFI
coefficient canadien de frottement sur piste
CRJ
avion de transport régional à réaction de Canadair, de l'anglais Canadair Regional Jet
CRM
gestion des ressources de l'équipage
CVR
enregistreur de la parole dans le poste de pilotage
CX
coefficient de traînée
CZ
coefficient de portance
CZmax
coefficient de portance maximal
DA/H
altitude/hauteur de décision
deg.
degré
DME
équipement de mesure de distance
ECC
centre de communication d'urgence
EICAS
système d'affichage des paramètres réacteurs; de mise en garde et d'alarme
ELT
radiobalise de repérage d'urgence
EUROCAE
Organisation européenne pour l'équipement électronique de l'aviation
FCC
ordinateur commandes de vol
FDR
enregistreur de données de vol
FL
niveau de vol
FLIREC
Groupe d'étude sur les enregistreurs de vol
FMS
système de gestion de vol
FOM
Flight Operations Manual (manuel d'exploitation d'Air Canada, publication 550)
FSS
station d'information de vol
g
facteur de charge
GPWS
dispositif avertisseur de proximité du sol
GRC
Gendarmerie royale du Canada
h
heure
HIAL
balisage lumineux d'approche à haute intensité
HNA
heure normale de l'Atlantique
HNE
heure normale de l'Est
Hz
hertz
IFR
règles de vol aux instruments
IFT
épreuve de qualification de vol aux instruments
ILS
système d'atterrissage aux instruments
IRA
Institut de recherche aérospatiale
kg
kilogramme
kHz
kilohertz
KIAS
vitesse indiquée en noeuds
km
kilomètre
kt/sec
noeud à la seconde
lb
livre
m
mètre
MCTOW
masse maximale certifiée au décollage
MDA
altitude minimale de descente
mg
milligramme
MHz
mégahertz
mm
millimètre
mn
minute
NDB
radiophare non directionnel
NOTAM
avis aux navigateurs aériens
OACI
Organisation de l'Aviation civile internationale
par.
paragraphe
PF
pilote aux commandes
PMA
approche surveillée par le pilote
PNF
pilote qui n'est pas aux commandes
PPC
vérification de compétence pilote
PPC/IFT
vérification de compétence pilote et de qualification de vol aux instruments
QRH
index des procédures
RAC
Règlement de l'aviation canadien
RAPS
système de récupération, d'analyse et de présentation, de l'anglais Recovery, Analysis and Presentation System
RCS
rapport d'état de piste
RJ
avion de transport régional à réaction, de l'anglais Regional Jet
RVR
portée visuelle de piste
s
seconde
SOP
procédures d'utilisation normalisées
SPS
système antidécrochage
TCAS/ACAS
système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions
ddZL
balisage lumineux de zone de toucher des roues
TOGA
décollage et remise des gaz
UTC
temps universel coordonné
V2
vitesse de sécurité au décollage
VAPP
en général, vitesse d'approche avec un moteur en panne
VFR
règles de vol à vue
VFTO
vitesse finale au décollage
VHF
très haute fréquence
VIR
véhicule d'intervention rapide
VOR
radiophare omnidirectionnel VHF
VREF
vitesse d'approche - vitesse de référence à l'atterrissage en configuration normale d'atterrissage
WS
référence voilure
°
degré
°C
degré Celsius
%
pour cent