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Rapport d'enquête aéronautique A98Q0193

Perte de références visuelles/Collision avec le terrain
Hélicoptère Colibri Inc.
Bell 206L-1 LongRanger (hélicoptère) C-GLBH
12 nm au sud-ouest de
Saint-Michel-des-Saints (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

À 12 h 2, heure normale de l'Est, le pilote du Bell 206L-1 immatriculé C-GLBH, numéro de série 45532, seul à bord, décolle de l'aéroport de Dorval (Québec) pour effecteur un vol voyage selon les règles de vol à vue (VFR). Il prend trois passagers à l'héliport de l'hippoclub de Laval (Québec) et, à 12 h 10, il décolle en direction nord-nord-ouest à destination du lac Kempt (Québec). À environ 12 milles marins au sud-ouest de Saint-Michel-des-Saints, la visibilité diminue légèrement dans les averses de neige faibles, pour ensuite devenir nulle dans des averses de neige modérées. Vers 13 h, le pilote ne peut garder le contact visuel avec le sol et perd le contrôle de l'appareil qui heurte le sol avec un taux de descente élevé. L'accident a eu lieu en forêt sur le flanc d'une montagne. L'appareil a été détruit; deux des quatre occupants ont perdu la vie dans l'accident.

Renseignements de base

L'examen des dossiers indique que le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnel hélicoptère depuis mai 1980 et totalisait environ 2 075 heures de vol, dont 1 525 sur le Bell 206L. Il possédait l'annotation pour le vol de nuit mais ne possédait pas la qualification de vol aux instruments. Il était au service de la compagnie depuis mars 1995 et remplissait les fonctions de pilote et de technicien d'entretien de l'appareil. Il était titulaire de la licence de technicien d'entretien d'aéronef depuis 1978.

L'appareil privé, appartenant à Hélicoptère Colibri Inc., était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Il totalisait 3 576 heures de vol et avait fait l'objet d'une inspection périodique des 300 heures le 21 septembre 1998. Le pilote a confirmé n'avoir eu aucun problème avec l'appareil durant le vol. La masse et le centrage se trouvaient dans les limites prescrites. L'appareil était équipé pour le vol aux instruments.

Peu après le décollage de Laval, le pilote est entré en communication radio avec la tour de contrôle de l'aéroport de Mirabel (Québec). Une fois sorti de la zone de contrôle de Mirabel, le pilote a évolué dans un espace aérien non contrôlé. L'appareil était visible sur radar jusqu'à environ 18 milles marins (nm) au sud-ouest de Saint-Michel-des-Saints avant de disparaître à cause des limites du radar. La dernière altitude enregistrée est de 3 100 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Le relief dans cette région varie entre 1 300 pieds et 1 950 pieds asl.

En voyant des averses de neige légères devant lui, le pilote a débranché le pilote automatique afin d'être prêt à ralentir ou à descendre. Le plafond nuageux était à environ 2 000 pieds et le pilote a dû descendre et réduire la vitesse pour garder le contact visuel avec le sol. Par la suite, la visibilité a diminué rapidement dans des averses de neige modérées. Le pilote a perdu toute référence visuelle avec le sol et est entré dans des conditions de voile blanc. Il a ensuite amorcé un virage vers la droite en tentant de garder le contact visuel avec le sol. En regardant brièvement le tableau de bord, en particulier l'horizon artificiel, il s'est aperçu qu'il était en descente; il a corrigé en tentant de remettre l'hélicoptère en vol horizontal. Le pilote, n'ayant toujours pas rétabli le contact visuel avec le sol, est devenu désorienté en tentant de reprendre le contrôle de l'appareil. Lorsqu'il a aperçu le sol, l'appareil était en piqué à la hauteur de la cime des arbres. Il a redressé légèrement le nez de l'appareil qui a alors heurté le sol légèrement incliné du côté gauche avec un taux de descente élevé et une vitesse vers l'avant presque nulle. L'appareil a été détruit; le passager en place arrière gauche est mort sur le coup; le passager en place arrière droite est mort quelque temps après. Le pilote en place avant droite et le passager en place avant gauche ont subi des blessures graves.

Environnement Canada a déterminé que les conditions suivantes prévalaient dans les environs de Saint-Michel-des Saints au moment de l'accident : vers 13 h, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 1, il y avait un plafond nuageux à 2 000 pieds asl; le radar météo qui couvre ce secteur n'indique que de faibles échos de précipitations très dispersés. À 13 h 25, une cellule a été observée près du lieu de l'accident. La précipitation pouvait être sous forme de bruine, d'un mélange de bruine et de neige ou même de neige mouillée. La visibilité dans les précipitations avec la présence de brouillard pouvait être presque nulle. Les vents soufflaient de l'ouest-nord-ouest à près de 15 noeuds avec des rafales à 30 noeuds. Il est probable qu'il y a eu des turbulences modérées dans la région. La compagnie d'aviation de brousse, Cargair, basée à Saint-Michel-des-Saints, a signalé qu'il y avait un plafond nuageux estimé à 2 000 pieds, une visibilité de 20 milles et des averses de neige dispersées. Le pilote avait pris connaissance des prévisions en consultant le site de météo aviation sur l'Internet et avait jugé que les conditions étaient favorables au vol.

La Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada) explique qu'il existe différents phénomènes donnant lieu au voile blanc. Le phénomène qui explique le mieux les conditions rencontrées par le pilote du LongRanger est le voile blanc avec précipitations qui est produit par de petits cristaux de neige tombant de nuages bas, transportés par le vent, et sur lesquels le soleil brille. La réflexion de la lumière est aggravée par la réflexion spectrale des flocons de neige. Les points de repère peuvent être obscurcis par la neige au point que la visibilité est réduite et la perception des distances devient nulle.

Dans un milieu tridimensionnel, le pilote se sert de plusieurs sources d'information, dont la vue, l'ouïe, le toucher et les sensations physiques pour déterminer sa position par rapport au sol. La vue constitue sa source la plus fiable, mais les organes de l'oreille interne jouent également un rôle important dans le sens de l'orientation. Les canaux semi-circulaires dans l'oreille interne décèlent les changements d'accélération angulaire et réagissent aux accélérations linéaires et aux forces gravitationnelles. À cause de sa forme, l'oreille interne peut induire le pilote en erreur en ce qui concerne sa position dans l'espace. Le pilote doit confirmer visuellement l'information qu'il reçoit de l'oreille interne. Lorsqu'un pilote entre dans des conditions de voile blanc, il semble enveloppé dans une lueur blanchâtre uniforme. Il ne peut discerner ni l'horizon, ni les ombres, ni les nuages; il perd le sens de la profondeur et de l'orientation. Cette désorientation se produit très rapidement et une perte de contrôle de l'appareil peut en résulter.

Après l'impact, l'antenne de la radiobalise de détresse (ELT) de l'appareil a été trouvée cassée et ensevelie sous la neige. Après vérification, le pilote s'est aperçu que la radiobalise ne semblait pas émettre de signal même si l'interrupteur était sur ON. En fait, la radiobalise fonctionnait à faible intensité; le signal n'était pas capté par le satellite mais était capté à proximité par les hélicoptères. Le pilote et deux passagers avaient des téléphones cellulaires. En remontant le flanc de la montagne sur quelques centaines de pieds, le pilote a réussi à contacter la Sûreté du Québec (SQ) en faisait le 911. Le pilote a dû remonter le flanc de la montagne quatre fois; il a fait quatre appels, de trois téléphones. Chaque appel a été interrompu parce que les piles étaient à plat. Le premier appel a été fait à 14 h 28, le deuxième à 15 h 23, le troisième à 16 h 10 et le quatrième à 17 h 5. Lors de chaque appel, le pilote a tenté de donner des indices sur le lieu de l'accident et ses environs pour aider les secouristes à le localiser, la SQ ayant fait les démarches nécessaires pour lancer une opération de recherche et sauvetage, après avoir reçu le premier appel au 911. Deux hélicoptères de la SQ ont été appelés ainsi que les Forces canadiennes, support terrestre de Longue-Pointe (Québec), qui ont averti le système national de recherche et sauvetage (SAR) des Forces canadiennes. Un hélicoptère de la SQ a localisé le site de l'accident à19 h 4, soit quelque quatre heures et demie après le premier appel au 911.

Un examen de l'appareil a révélé que toutes les ceintures de sécurité ont résisté à l'impact. Par contre, il est à noter qu'aucune bretelle de sécurité n'était installée, ni pour le pilote, ni pour les passagers. La réglementation aérienne n'exige pas que des bretelles de sécurité soient installées à l'avant de l'appareil lorsqu'il s'agit d'un appareil privé. L'article 605.24 du Règlement de l'aviation canadien exige la présence de bretelles de sécurité pour les passagers assis à l'arrière uniquement pour les appareils construits après le 16 septembre 1992. L'appareil en cause avait été construit en 1981. Le pilote et le passager en place avant ont subi des blessures à la poitrine.

Des mesures de l'espace de cabine arrière ont été prises sur le site de l'accident afin de pouvoir calculer la déformation permanente et la déformation élastique de la cabine lors de l'impact. En mesurant la distance entre les sièges arrière et le plafond, on a calculé que la déformation permanente de la cabine était de 15 pouces pour le côté gauche et de 13 pouces pour le côté droit. Règle générale, pour estimer la déformation élastique de la cabine arrière lors de l'impact, on multiplie la déformation permanente par deux, ce qui donne une déformation élastique approximative de 30 pouces pour le côté gauche et de 26 pouces pour le côté droit. Au moment de la construction de l'appareil, la distance entre les sièges et le plafond était de 36,6 pouces. L'espace de cabine aurait été réduit au moment de l'impact de 80 % pour le côté gauche et de 68 % pour le côté droit. La transmission, le mât et les pales du rotor principal de l'appareil sont situés directement au-dessus de la cabine. Le poids considérable de ces composantes et le taux de descente au moment de l'impact auraient contribué à la déformation de la cabine arrière. Cette déformation explique la gravité des blessures des deux passagers en place arrière.

Analyse

Le pilote avait vérifié les prévisions météorologiques avant le départ et avait jugé que les conditions étaient favorables au vol. L'étude météorologique révèle que les conditions météorologiques rencontrées correspondent aux prévisions. Lorsque le pilote a pénétré dans les averses de neige légères, il pensait pouvoir naviguer en toute sécurité, mais il a perdu le contact visuel avec le sol lorsque les averses de neige sont passées de légères à modérées. Il a rencontré des conditions de voile blanc où il devient impossible à l'oeil de discerner l'horizon, les ombres et les nuages, et il a perdu le sens de l'orientation. En tentant de corriger la situation, sans référence avec le sol, le pilote a perdu le contrôle de l'appareil. Ce n'est qu'en apercevant la cime des arbres que le pilote a pu relever le nez de l'appareil et le remettre en vol horizontal juste avant l'impact avec les arbres et le sol.

Lors de l'accident, l'antenne de la radiobalise de détresse s'est rompue sous le choc et a été ensevelie sous la neige. Le signal ne pouvait être capté qu'à faible distance.

Les appareils privés portant une immatriculation ou les appareils construits avant septembre 1992 ne sont pas tenus d'être équipés de bretelles de sécurité. Il est fort probable que le port des bretelles de sécurité aurait diminué la gravité des blessures du pilote et du passager en place avant. Cependant, de telles bretelles n'auraient probablement pas diminué les blessures des passagers en place arrière, compte tenu de la déformation élastique importante survenue au moment de l'impact initial.

Faits établis

  1. L'examen des dossiers indique que le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.
  2. Le pilote a rencontré des conditions de voile blanc en vol, a perdu toutes références avec le sol et est devenu désorienté. En tentant de corriger la situation, le pilote a perdu le contrôle de l'appareil qui a heurté le sol.
  3. L'appareil a heurté le sol avec un taux de descente élevé.
  4. Le signal de la radiobalise de détresse n'a pas été capté par le satellite parce que l'antenne de la radiobalise s'était rompue. Le signal ne pouvait être capté que très près du site.
  5. L'appareil n'était pas équipé de bretelles de sécurité.
  6. L'importante déformation élastique de la cabine arrière explique la gravité des blessures des passagers en place arrière.

Causes et facteurs contributifs

Après avoir perdu toute référence visuelle avec le sol dans des conditions de voile blanc, le pilote est devenu désorienté et a perdu le contrôle de l'appareil qui s'est écrasé.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles H. Simpson et W.A. Tadros.