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Rapport d'enquête aéronautique A01P0054

Perte d'espacement
NAV CANADA
Centre de contrôle régional de Vancouver
Poste de contrôleur terminal de Vancouver
Vancouver (Colombie-Britannique)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le de Havilland DHC-8 de Horizon Air assurant le vol QXE2190B en provenance de Portland (Oregon) arrivait à l'aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique) et effectuait une approche pour la piste 08 gauche au moyen du système d'atterrissage aux instruments. En même temps, l'Airbus A319 d'Air Canada assurant le vol ACA234 en provenance de Winnipeg (Manitoba) arrivait également à Vancouver derrière le DHC-8. Le contrôleur d'arrivée basse altitude a imposé au DHC-8 une vitesse minimale de 170 noeuds jusqu'au repère DAWG qui se trouve à 3,8 milles marins (NM) du seuil de la piste 08 gauche. Le contrôleur a avisé l'A319 que la vitesse était à la discrétion du pilote et lui a demandé de syntoniser la fréquence de la tour de Vancouver. Lorsque le contrôleur a remarqué que la vitesse du DHC-8 affichée sur son module indicateur avait diminué jusqu'à 120 noeuds alors que l'appareil avait encore un mille nautique à parcourir avant d'atteindre le repère DAWG, il a demandé à l'A319 de réduire sa vitesse à 160 noeuds. Le pilote de l'A319 a accusé réception des directives et, comme on le lui avait demandé un peu plus tôt, a syntonisé la fréquence de la tour. Le contrôleur a communiqué de nouveau avec l'A319 sur la fréquence d'arrivée pour que ce dernier réduise encore davantage sa vitesse, mais il n'a pas reçu de réponse. Il a communiqué ensuite avec la tour de Vancouver par téléphone et demandé au contrôleur de l'aéroport d'ordonner à l'A319 d'effectuer une approche interrompue (remise des gaz). Le temps que l'A319 amorce la remise des gaz, il s'est approché à 1,9 NM du DHC-8, dans une zone où l'espacement longitudinal requis est de 2,5 NM. Il n'y a pas eu risque d'abordage.

Renseignements de base

Le contrôleur d'arrivée basse altitude de Vancouver possédait sept années d'expérience au Centre de contrôle régional de Vancouver. Au moment de l'incident, il recevait une formation en cours d'emploi au poste de contrôleur terminal de Vancouver, dans le secteur d'arrivée basse altitude. L'instructeur assigné à la formation en cours d'emploi du contrôleur stagiaire possédait 11 années d'expérience en qualité de contrôleur et quatre années d'expérience dans la région terminale de Vancouver. Ils en étaient au troisième jour de leur cycle de quarts et ils avaient effectué un quart de jour chacun au cours des deux jours précédents. Le jour de l'incident, ils étaient en service depuis environ sept heures, et environ 30 minutes s'étaient écoulées depuis la plus récente pause de relève. Au moment de l'incident, la charge de travail du contrôleur était d'un volume moyen.

L'article 532.1 du Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (Manuel d'exploitation ATC) de NAV CANADA et l'article 313 du Manuel de gestion et d'administration des services de la circulation aérienne mentionnent les conditions dans lesquelles des appareils suivant le même axe d'approche finale peuvent être espacés de 2,5 milles marins (NM) lorsqu'ils se trouvent à moins de 10 NM de la piste d'atterrissage. L'état de la piste, les conditions météorologiques et l'état de l'équipement au moment de l'incident permettaient l'application de cette norme d'espacement lors des atterrissages sur la piste 08 gauche.

Pour respecter la norme d'espacement de 2,5 NM entre les appareils en approche de la piste 08 gauche, les contrôleurs d'arrivée ont l'habitude d'utiliser des directives de contrôle de vitesse qu'ils communiquent aux appareils qui arrivent; ces directives doivent être suivies jusqu'à ce que l'appareil visé atteigne le point d'approche finale où il doit ralentir pour atterrir. Dans le cas de la piste 08 gauche, ce point est habituellement le repère DAWG. Les renseignements recueillis au cours de la présente enquête ont révélé que, pour assurer l'espacement minimal requis de 2,5 NM au point de transfert du vol du contrôleur des arrivées au contrôleur de l'aéroport, les contrôleurs visent un espacement d'environ 4 NM lors qu'ils font virer les aéronefs, de 9 à 10 NM en finale, en vue de les placer sur l'alignement de piste.

À 15 h 44 min 16 s, heure du PacifiqueNote de bas de page 1, le contrôleur d'arrivée basse altitude a ordonné à l'appareil qui se trouvait devant le DHC-8 de franchir le repère DAWG à 170 noeuds. À 15 h 45 min 48 s, il a ordonné au DHC-8 de franchir lui aussi le repère DAWG à 170 noeuds, puis il a dit au pilote de communiquer avec la tour; le DHC-8 se trouvait alors à 8 NM du point de toucher des roues, et l'appareil qui se trouvait devant lui, à 3 NM du point de toucher des roues. Cet espacement de 5 NM, ainsi que l'application des limites de vitesse appropriées, garantissait de façon générale que la réduction normale de la vitesse de l'appareil en tête de file après qu'il ait franchi le repère ne réduirait pas l'espacement à une valeur inférieure à la valeur requise de 2,5 NM.

Les directives de NAV CANADA concernant les procédures d'atterrissage selon les règles de vol aux instruments stipulent les endroits et les conditions dans lesquelles la tour de Vancouver prend le contrôle des appareils qui atterrissent. Si les conditions météorologiques le permettent, la tour avise le contrôleur terminal que le contrôle des appareils à l'arrivée doit être transféré à la tour à 4 NM pendant l'approche finale, c'est-à-dire au repère DAWG. Cette procédure est appelée « auto-over » et elle est indiquée par l'affichage d'AUTOVR sur le système d'affichage de l'information opérationnelle. Lorsque les conditions météorologiques empêchent les contrôleurs de la tour de voir les appareils à l'arrrivée se trouvant à 4 NM, le point de transfert du contrôle peut être déplacé plus près de l'aéroport. Au moment de cet incident, le transfert automatique était réglé à 2 NM, et AUTO2D était affiché. Jusqu'à ce point, les appareils demeuraient sous la responsabilité du contrôleur d'arrivée basse altitude, et ils devaient être espacés de 2,5 NM. Une fois transférés au contrôle de la tour, les appareils demeurent assujettis aux règles de vol aux instruments; cependant, la norme d'espacement visuel s'applique entre l'appareil qui suit et celui qui se trouve devant. Pour faciliter la communication entre les contrôleurs et les pilotes, l'article 494.1 du Manuel d'exploitation ATC stipule que le transfert des communications radio doit se faire « immédiatement avant que l'aéronef pénètre dans la région de responsabilité du contrôleur récepteur, sauf coordination contraire ». Dans le cas présent, on a demandé au DHC-8 de communiquer avec la tour quelque 6 NM avant qu'il ne soit censé passer sous la responsabilité du contrôleur de l'aéroport.

Le système de traitement des données radar du centre de contrôle régional de Vancouver affiche calculated aircraft ground speed (vitesse sol calculée de l'appareil) sur le module indicateur. Le système calcule la vitesse sol à l'aide des données sur les trajectoire actuelles et antérieures et atténue les écarts de façon à fournir une estimation plus constante de la vitesse. Lorsque les écarts de vitesse sont soudains, les affichages successifs sous-estiment les écarts puisque le système cherche à minimiser les différences entre ces écarts. À partir des valeurs les plus importantes, les paramètres d'atténuation sont réduits à chaque corrélation successive. Ainsi, lorsqu'un appareil ralentit subitement, le bloc-données calculé suivant indique une vitesse préaffichée supérieure à celle mesurée par le système. À mesure que la vitesse de l'appareil se stabilise, la vitesse affichée s'approche de la vitesse mesurée.

Lorsque le DHC-8 s'est trouvé en rapprochement du repère DAWG, le pilote a jugé qu'il rattrapait l'appareil qui se trouvait devant lui et il a ralenti sans avertir le contrôle de la circulation aérienne qu'il allait décélérer jusqu'à une vitesse inférieure à la vitesse antérieurement assignée. D'après les données radar, la vitesse sol indiquée de la cible du DHC-8 affichée sur le module indicateur du contrôleur est passée de 200 noeuds, à 8 NM du point de toucher des roues, à 150 noeuds, à 5,5 NM du point de toucher des roues, puis à 110 noeuds lorsque l'appareil a franchi le repère DAWG (à 3,8 NM du point de toucher des roues).

Lorsque l'A319 s'est trouvé en finale à 8 NM avec une vitesse indiquée de 190 noeuds sur le module indicateur du contrôleur, le DHC-8 se trouvait à 3 NM devant lui avec une vitesse sol indiquée de 120 noeuds. Le contrôleur d'arrivée basse altitude a alors avisé l'A319 que la vitesse était à la discrétion du pilote et ordonné à l'équipage de communiquer avec la tour, après quoi l'instructeur assigné à la formation en cours d'emploi s'est rendu compte de l'important écart entre les vitesses affichées et a recommandé au contrôleur d'arrivée basse altitude de surveiller de près la vitesse de l'A319. Le contrôleur d'arrivée basse altitude a ensuite demandé à l'A319 de maintenir une vitesse de 160 noeuds jusqu'à ce qu'il franchisse le repère DAWG. Comme il n'avait pas encore syntonisé la nouvelle fréquence, le pilote de l'A319 a reçu la directive et en a accusé réception, puis il a commencé à réduire la vitesse de l'appareil. Quinze secondes plus tard, à 22 h 47 min 29 s, le contrôleur d'arrivée basse altitude s'est aperçu que cette réduction de vitesse ne suffisait pas à maintenir l'espacement requis et il a ordonné à l'A319 de voler à la vitesse d'approche finale, mais, comme le pilote de l'A319 avait déjà syntonisé la fréquence de la tour de Vancouver, il n'a pas reçu la communication.

Le contrôleur d'arrivée basse altitude en était à une étape avancée du processus de qualification pour le poste de contrôleur terminal. D'après les renseignements recueillis au cours de la présente enquête et d'autres enquêtes similaires du BST, les instructeurs assignés à la formation en cours d'emploi sont parfois réticents à intervenir péremptoirement ou de façon précoce pour corriger une exécution jugée insatisfaisante lorsque le stagiaire est sur le point d'obtenir sa qualification. Cette hésitation est basée sur la prémisse selon laquelle on doit laisser aux stagiaires le temps de résoudre eux-mêmes leurs problèmes.

Le contrôleur d'arrivée haute altitude qui occupait le poste de contrôleur terminal de Vancouver au moment de l'incident s'est rendu compte du rattrapage en cours et il a communiqué avec la tour au moyen d'une ligne directe alors que le DHC-8 se trouvait à 3,7 NM du point de toucher des roues. Il a recommandé au contrôleur de l'aéroport qui se trouvait dans la tour de demander au DHC-8 d'augmenter sa vitesse. Le contrôleur de la tour a demandé au pilote du DHC-8 de maintenir une vitesse élevée dans la mesure où il était possible de le faire en toute sécurité, mais, pendant ce temps, il y a eu perte d'espacement avec l'A319, lequel s'est alors retrouvé à 2,4 NM derrière le DHC-8. Le contrôleur d'arrivée basse altitude a ensuite demandé au contrôleur de l'aéroport d'ordonner à l'A319 d'effectuer une remise des gaz, manoeuvre au cours de laquelle l'espacement longitudinal entre les appareils est passé à 1,9 NM seulement.

Analyse

Pour maintenir l'espacement minimal, les contrôleurs ont imposé des limites de vitesse, puis ils se sont fiés aux pilotes pour respecter ces limites de vitesse. Il semble que la vitesse affichée du DHC-8 soit passée de 200 à 150 noeuds, puis à 110 noeuds sur une distance de 4 NM. D'après les données radar, la vitesse a varié de 60 noeuds sur une période de 34 secondes, ou 7 enregistrements radar. Il se peut que l'affichage de la vitesse de l'appareil au radar ait accusé un retard sur sa vitesse réelle et que ce retard ait mené le contrôleur d'arrivée basse altitude à sous-estimer la décélération du DHC-8.

Même si les procédures de contrôle de la circulation aérienne stipulaient un transfert de contrôle des appareils à 2 NM, le contrôleur d'arrivée basse altitude avait l'habitude de transférer à la tour les communications avec un appareil dès qu'il estimait qu'il n'était plus nécessaire d'en garder le contrôle. C'est pourquoi lorsque le DHC-8 a ralenti inopinément, il a été incapable d'établir un contact radio direct avec cet appareil. Même si l'A319 avait déjà été avisé de communiquer avec la tour, le contrôleur d'arrivée basse altitude avait fortuitement pu communiquer à cet appareil une directive visant à réduire la vitesse, mais il n'a pu par la suite en communiquer une deuxième car, comme on le lui avait demandé, l'équipage de l'A319 avait syntonisé une autre fréquence.

La pratique permettant aux contrôleurs stagiaires de résoudre eux-mêmes les conflits potentiels avant l'intervention des instructeurs assignés à la formation en cours d'emploi est une technique pédagogique efficace si certaines limites sont respectées. Cependant, aucune limite concernant l'erreur humaine normale n'ayant été établie, les trois circonstances opérationnelles suivantes contribuent invariablement à des incidents de perte d'espacement :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le contrôleur d'arrivée basse altitude n'a pas décelé en temps opportun la vitesse à laquelle l'A319 rattrapait le DHC-8 pour communiquer à l'A319 les directives appropriées de contrôle de vitesse. En conséquence, la première directive de contrôle communiquée à l'A319 n'a pas suffi à éviter la perte d'espacement.
  2. Le contrôleur d'arrivée basse altitude a transféré à la tour les communications directes entre le contrôleur et les pilotes du DHC-8 et de l'A319 avant de céder la responsabilité du contrôle, ce qui a empêché la communication en temps opportun des directives de contrôle aux deux appareils.
  3. Contrairement aux directives qu'il avait préalablement acceptées et sans aviser le contrôle de la circulation aérienne, le DHC-8 a ralenti avant de franchir le repère DAWG.
  4. L'instructeur assigné à la formation en cours d'emploi a remarqué le rattrapage en cours, mais il n'est pas intervenu assez rapidement ni assez péremptoirement pour modifier les directives du contrôleur d'arrivée basse altitude et éviter la perte d'espacement.

Faits établis quant aux risques

  1. L'utilisation de la norme d'espacement minimal de 2,5 milles marins dans le cadre de la formation en cours d'emploi ne permet aucune marge de manoeuvre et elle augmente les probabilités que des écarts imprévus - pouvant échapper au contrôleur stagiaire et à la suite desquelles l'instructeur assigné à la formation en cours d'emploi n'intervient pas immédiatement - donnent lieu à une perte d'espacement.

Autres faits établis

  1. Il se peut que la vitesse réelle du DHC-8 ait diminué plus rapidement que la vitesse affichée sur le module indicateur, et que cette différence entre vitesse réelle et vitesse affichée ait mené le contrôleur d'arrivée basse altitude à sous-estimer la décélération de l'appareil.

Le présent rapport met fin à l'enquête du BST sur cet incident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .