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Rapport d'enquête aéronautique A01P0203

Rupture structurale
Helio Courier C-FOMI
à 37 NM au s.-e. de Valemount
(Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le pilote et seul occupant de l'Helio H-295 Super Courier, immatriculé C-FOMI, a décollé de Smithers (Colombie-Britannique) avec des réservoirs de carburant pleins. Il s'est ensuite posé à Fort St. James pour prendre un passager et a redécollé pour l'aéroport Sprinbank de Calgary (Alberta). Un bûcheron, travaillant dans la région de Hugh Allan Creek, a entendu l'appareil passer au-dessus de lui. Entendant deux craquements violents, il a levé les yeux et a vu que l'aile droite s'était détachée de l'appareil qui piquait en vrille suivi d'une traînée de débris. L'appareil s'est écrasé aux environ de 16 h, heure avancée du Pacifique, à 37 milles marins au sud-est de Valemount. Aucun incendie ne s'est déclaré. Les deux occupants ont succombé à leurs blessures.

Renseignements de base

Avant de décoller, le pilote a reçu un bulletin météorologique complet de la station d'information de vol (FSS) de Smithers aux environs de 11 h 15, heure avancée du Pacifique (HAP)Note de bas de page 1. Les conditions météorologiques observées étaient acceptables, sur sa route, pour un vol selon les règles de vol à vue. À 16 h, les conditions météorologiques à l'aéroport de Blue River à 36 miles marins au sud-ouest du lieu de l'accident étaient les suivantes : vent du 190° vrais à 2 noeuds; visibilité de plus de 15 milles terrestres; quelques nuages à 300 pieds et à 2 500 pieds; des nuages fragmentés à 4 500 pieds, à 12 000 pieds et à 30 000 pieds; température de 13,6 °C et point de rosée de 10,5 °C.

Le compte rendu transmis par un pilote ayant décollé de Valemount et ayant l'intention de voler dans la zone où s'est produit l'accident a été reçu à 14 h 43 (soit environ un quart d'heure avant l'accident). Il apercevait une grosse cellule orageuse au-dessus de l'extrémité nord du Lac McNaughton et a décidé de retourner à Prince George. En route de Valemount à Prince George, les conditions météorologiques de vol à vue prédominaient, avec la présence de nombreuses cellules orageuses et, en certains endroits le long de la rivière Fraser, de zones de turbulences faibles à modérées.

Des clichés satellites pris dans le spectre visible et infrarouge à 23 h, temps universel coordonné (16 h HAP), ont été examinés, mais ils n'ont révélé aucune activité orageuse manifeste. Un programme de détection des éclairs a été utilisé, mais il n'a détecté aucun impact dans la région concerné durant les 24 heures précédant ou suivant l'heure de l'accident.

L'épave a été retrouvée dans une zone boisée escarpée se trouvant à proximité d'un chemin forestier à une altitude d'environ 4 500 pieds au-dessus du niveau de la mer. Cet endroit se trouve à 4 630 mètres au sud-ouest d'un sommet de la chaîne de Selwyn haut de 9 080 pieds. Les dégâts subis par les arbres à proximité de l'épave indiquent que l'appareil a percuté le sol en piqué vertical, ce qui est compatible avec le fait qu'il ait été observé piquant en vrille de façon incontrôlée après avoir perdu une aile. Du carburant a été retrouvé dans les réservoirs de l'aile gauche. Les débris des réservoirs de carburant de l'aile droite ont été retrouvés sur les bords du chemin forestier, à 175 m de l'épave principale. L'aile droite a été retrouvée à 575 m de l'épave principale et l'aileron droit a été retrouvé logé dans un arbre en surplomb. L'aileron gauche, les volets de bord de fuite et les becs de bord d'attaque ont été arrachés de la structure de l'aile et n'ont pas pu être retrouvés. L'épave a été enlevée du lieu de l'accident et été transportée aux installations régionales d'examen des épaves du BST pour un examen plus détaillé.

Les traces de dégâts et de contact observées indiquaient que les becs s'étaient ouverts violemment avant d'être arrachés des ailes. Les volets, rentrés, étaient tordus vers l'extérieur. Des traces de corrosion de contact ont été constatées sur les deux points de fixation des ailes inférieure. Le longeron principal de l'aile droite s'est rompu en surcharge à environ un pied à l'extérieur de la structure traversante. La structure de l'aile présentait des déformations en torsion confirmant une rupture se produisant vers le haut et vers l'arrière.

Le pilote détenait une licence de pilote privé en cours de validité. Il avait, au 28 février 2001, accumulé 3 585 heures de vol et pilotait cet appareil depuis 1990.

Les livrets techniques et les dossiers de maintenance indiquent que l'appareil était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Aucune défaillance n'avait été constatée sur l'appareil avant le vol. Au 9 juillet 2001, la cellule comptait 2651,2 heures d'exploitation. Le moteur comptait 994,2 heures d'exploitation depuis la dernière révision, la dernière intervention de maintenance consignée était la révision de l'hélice, le 30 novembre 2000. La dernière inspection annuelle avait été accomplie le 11 août 2000. L'appareil devait subir une inspection aux 100 heures ou une inspection annuelle, selon celle qui serait échue la première, au plus tard le 11 août 2001, soit neuf jours avant l'accident.

L'appareil était chargé d'une considérable quantité d'équipement consistant en du matériel de survie, du matériel audiovisuel et des effets personnels. Lorsque l'épave a été récupérée, ces articles pesaient 340 livres. L'appareil était exploité à la limite de sa charge maximale permise et son centrage se trouvait dans les limites prescrites. Au moment de l'accident, l'appareil, qui était dans les airs depuis environ 2 heures et 25 minutes, devait avoir consommé environ 130 L (soit approximativement 220 livres) de carburant et devait donc peser approximativement 3 600 livres, soit 200 livres de moins que sa masse brute maximale.

Cet Helio Courier H-295, numéro de série 1475, était exploité dans la catégorie normale en vertu du certificat de type supplémentaire (CTS) numéro SA1589CE. Ce CTS avait été délivré à la suite d'une modification de conception de type visant à augmenter la masse brute maximale autorisée de 3 400 livres à 3 800 livres. Ce CTS a été délivré le 30 mai 1980, modifié le 5 février 1981 et délivré à nouveau le 31 mai 1983. Le CTS n'exigeait pas d'inspection du point de fixation du longeron de l'aile à la structure traversante en vue de détecter des fissures ou de la corrosion.

Une recherche dans la banque de données du BST a révélé deux cas similaires de rupture structurale de l'aile en vol (rapports A93P0013 et A78P0084) et un autre cas, au Canada, de dégâts structuraux causés à un Helio Courier H-295 par de sévères turbulences (rapport A94W0174). Une recherche similaire dans la banque de données du National Transportation Safety Board (NTSB) américain a révélé un cas de rupture structurale en vol de l'aile d'un Helio Courier H-295 aux États-Unis depuis 1983.

L'appareil avait originalement été certifié par la Federal Aviation Administration (FAA) dans la catégorie normale qui requiert que l'appareil soit conçu de sorte à supporter des facteurs de charge limite de + 3,8 g et −1,52 g et des facteurs de charge extrême de + 5,7 g et −2,28 g. En d'autres mots, qu'il résulte de l'action du pilote sur les commandes ou d'une rafale, un facteur de charge imposé à la structure de l'appareil pouvant atteindre + 3,8 g ne devrait pas causer de déformations ou de dégâts structuraux permanents à l'appareil. Certains dégâts structuraux peuvent être constatés si le facteur de charge dépasse + 3,8 g et leur gravité variera avec l'importance du dépassement. Une rupture d'un composant structural principal ne devrait se produire que si le facteur de charge extrême dépasse + 5,7 g. Si le facteur de charge limite a déjà été dépassé, le facteur de charge extrême peut en être affecté.

La charge limite, qui est le produit du facteur de charge limite par la masse brute, est constante pour toute masse supérieure à la masse brute de conception. Puisque la charge limite demeure constante lorsque la masse brute augmente, de 3 400 à 3 800 livres par exemple, c'est le facteur de charge limite qui diminue, de 3,8 g, à 3,4 g dans l'exemple qui nous intéresse.

Un avertissement figurant dans le Manuel de vol de l'avion se trouvant à bord de l'appareil indique ceci :

Les indicateurs de vitesse anémométrique de l'appareil comportent des rayons et des arcs de couleurs censés aider le pilote à repérer les vitesses anémométriques clés :

Lorsque la masse brute de cet appareil a été augmentée en vertu du CTS, plusieurs vitesses limites (VC en mi/h) ont été modifiées afin de refléter la nouvelle masse maximale :

L'indicateur de vitesse anémométrique n'a pas été changé, et aucune modification ne lui a été apportée en vue de refléter ces changements de vitesses limites et de plages de vitesses. Le CTS ne stipulait aucune obligation de changer ou de modifier l'indicateur de vitesse anémométrique. L'indicateur de vitesse anémométrique comportait une double graduation, une échelle indiquant la vitesse anémométrique en noeuds au bord du cadran et une autre échelle, plus petite, indiquant la vitesse en mi/h à l'intérieur du cadran.

Une comparaison de l'aileron droit avec ses plans d'usine a révélé plusieurs anomalies qui semblent avoir été le fait de la maintenance sur le terrain car, jusqu'à très récemment, les plans d'usine étaient protégés et non disponibles. Les données de maintenance relatives au centrage et au jeu de l'aileron n'étaient pas non plus aisément disponibles.

Analyse

Le pilote était probablement au courant des nouvelles vitesses anémométriques d'exploitation en vigueur après l'augmentation de la masse brute. Cependant, l'affichage de l'indicateur de vitesse anémométrique, avec les vitesses indiquées en mi/h sur la petite échelle intérieure, devait rendre difficile la lecture de ces vitesses et il aurait été plus simple, et plus naturel, de les indiquer sur l'échelle extérieure, plus grande. Les arcs de couleur inexacts devaient ajouter encore à la confusion.

La corrosion de contact sur les points de fixation inférieurs de la voilure indique qu'ils avaient probablement subi, au cours du temps, d'importants facteurs de charge en g de la part de l'appareil. Le facteur de charge limite de 3,8 g ayant été établi pour la masse brute de la conception originale, le facteur de charge limite devait, pour un appareil volant avec une masse supérieure, être ramené à 3,4 g.

Bien que la présence de nuages de convection dans la région ne puisse être aétablie, un compte rendu de pilote signalant de telles formations dans la région, 1 h 15 avant l'accident, rend celle-ci hautement probable. Ces nuages de convection sont normalement accompagnés de turbulences : plus les nuages sont gros et plus les turbulences sont importantes. Un vol à travers des nuages de convection, ou à proximité de ces derniers, peut donc se révéler très difficile.

Au moment de l'accident, l'appareil pesait approximativement 200 livres de moins que sa masse brute maximale autorisée. La masse affecte le facteur de charge limite. Ce dernier décroît moins vite que le facteur de charge dû aux rafales lorsque la masse de l'appareil augmente : un appareil lourdement chargé peut donc être endommagé même en l'absence de facteurs de charge en g élevés.

L'appareil volait probablement à une vitesse supérieure à sa vitesse de manoeuvre maximale de conception qui est de 107 mi/h et qui correspond à la vitesse maximale à laquelle les commandes de vol peuvent être déplacées sans risque sur l'ensemble de leur plage de fonctionnement. Un déplacement important des commandes de vol à la vitesse de manoeuvre maximale de conception peut néanmoins, en soit, causer un dégât structural, tout particulièrement si la structure a été auparavant affaiblie par des dépassements du facteur de charge limite de l'appareil.

L'appareil a probablement rencontré une forte rafale qui a entraîné une sortie asymétrique des becs puis les a arrachés de la structure de l'aile, ce qui a dû causer des oscillations de torsion de l'aile qui ont probablement été à l'origine de la perte des volets. La rafale, qui dépassait probablement le facteur de charge limite de l'appareil, a pu aussi dépasser le facteur de charge extrême de l'appareil, entraînant la rupture en surcharge du longeron principal de l'aile. Il n'est pas en fait nécessaire que la rafale ait dépassé le facteur de charge extrême de l'appareil : si la rafale a causé un important basculement en roulis par rapport au palier et si le pilote a essayé de corriger ce roulis en agissant fortement sur la commande de l'aileron, la charge moyenne en g peut ne pas avoir été critique, mais l'aile s'abaissant aura eu un angle d'attaque plus important et aura donc subi un facteur de charge plus important. De plus, la charge de portance de la voilure étant peut-être inégale, le fait de déplacer les ailerons pour essayer de revenir en palier a imposé des forces de torsion sur l'aile. Si, alors qu'une aile est proche de son facteur de charge limite, des forces de torsion lui sont appliquées, ces dernières peuvent être suffisantes pour causer une rupture structurale.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Comme l'indique la corrosion de contact sur les points de fixation inférieurs de la voilure, l'appareil avait probablement déjà dépassé son facteur de charge limite, affectant ainsi le facteur de charge extrême.
  2. Une forte rafale a probablement dépassé le facteur de charge extrême de l'appareil en vol de croisière, entraînant une rupture en surcharge du longeron principal de l'aile droite.

Faits établis quant aux risques

  1. L'indicateur de vitesse anémométrique comportait des plages qui n'étaient plus valables depuis que la masse brute de l'appareil avait été augmentée et son affichage pouvait prêter à confusion.
  2. Les ailerons n'étaient pas adéquatement entretenus, centrés ou câblés en raison du manque d'information de référence disponible, ce qui a pu affecter la navigabilité de l'appareil.

Mesures de sécurité

La Région du Pacifique de la direction de Certification des aéronefs de Transports Canada a été avertie de la possibilité d'une maintenance inadéquate des ailerons de l' Helio H-295 Courier et va procéder à des examens en vue de déterminer s'il lui faut prendre des mesures à cet égard.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisé par le Bureau le .