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Rapport d'enquête aéronautique A02P0168

Perte de puissance moteur
du Bell 214B-1 (hélicoptère) C-GTWH
exploité par Transwest Helicopters Ltd.
à 10 nm au sud de Smithers (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère Bell 214B-1, immatriculé C-GTWH et portant le numéro de série 28017, effectue des opérations d'hélidébardage avec deux pilotes à bord à Telkwa Pass, endroit situé à quelque 10 milles marins au sud de Smithers (Colombie-Britannique), et il transporte des billots à l'élingue à une hauteur de quelque 500 pieds au-dessus du sol lorsque le moteur tombe en panne et que l'alarme sonore de bas régime rotor se fait entendre. L'équipage largue la charge et le commandant de bord effectue un vol en autorotation jusqu'à une zone bûchée, vers 15 h 30, heure avancée du Pacifique. Au cours de l'atterrissage, les pales du rotor principal heurtent le sol, l'appareil bascule sur le côté et il est lourdement endommagé. Les deux pilotes ne subissent aucune blessure. Le moteur continue de tourner jusqu'à ce que l'équipage le coupe à l'aide du robinet d'arrêt carburant.

Renseignements de base

L'hélicoptère appartenait à l'entreprise Transwest Helicopters Ltd. qui l'exploitait. Les deux pilotes étaient dûment qualifiés et formés pour le type de vol en question. Au moment de l'accident, il y avait quelque 500 livres de carburant à bord de l'hélicoptère et les opérations se déroulaient dans des conditions météorologiques de vol à vue.

L'hélicoptère était équipé d'un unique turbomoteur, un Honeywell (anciennement Lycoming) de modèle T5508D, portant le numéro de série LE31958. Ce moteur avait été importé du Japon le 24 janvier 2002, alors qu'il totalisait 6055,5 heures depuis sa mise en service initiale (TSN) et 2070,1 heures depuis sa révision (TSO). Transwest Helicopters a procédé à une révision générale du moteur le 2 avril 2002 et, le 3 avril 2002, l'entreprise l'a installé sur l'hélicoptère Bell 214B, immatriculé C-GTWZ, qu'elle exploitait également. Ce moteur a équipé le C-GTWZ pendant 652,9 heures, période pendant laquelle il a fait l'objet de nombreux travaux de maintenance, qui comprenaient notamment les interventions suivantes :

Le livret technique du moteur indique qu'à la suite de la dépose du moteur du C-GTWZ (à 652,9 heures TSO), on a remonté le moteur, on l'a inspecté et on l'a préparé en vue de sa remise en service le 1er août 2002. Le moteur a été installé dans le C-GTWH le 2 août 2002, où il a accumulé encore 31,3 heures en 6 jours, ce qui donnait un total de 684,2 heures TSO au moment de l'accident.

Une inspection en cours de démontage effectuée après l'accident a révélé d'importants dommages internes au niveau de la chambre de combustion du moteur. Le carter de la turbine était fortement déformé vers l'extérieur au niveau d'une bande correspondant à la trajectoire des aubes de la turbine du troisième étage (réf. 2-140-050-36), et il y avait au moins une perforation. Le diffuseur d'échappement portait d'importants dommages d'impact au niveau de ses supports, et l'anneau extérieur était déchiré et plié. Les paliers et les corps de paliers ne présentaient pas de dommages significatifs.

Figure 1. Vue en coupe de la turbine
Figure of Vue en coupe de la turbine

L'écoulement des gaz dans le moteur en aval de la chambre de combustion se fait au travers du distributeur du premier étage, des turbines des premier et deuxième étages, du distributeur du deuxième étage et de la turbine du troisième étage (voir les figures 1 et 2). Le distributeur du premier étage et la turbine du premier étage ne portaient pas de dommages significatifs. Le deuxième étage de la turbine (réf. 2-140-040-45), qui est relié à la turbine du troisième étage par l'intermédiaire d'une entretoise interne de disque de turbine, montrait des marques d'usure et des bosselures au niveau du bord de fuite des aubes, surtout en direction de leurs extrémités. Le bout caréné de quatre des aubes manquait. Le distributeur du deuxième étage (réf. 2-140-240-01) était en grande partie désintégré. Un groupe de neuf aubes fixes était demeuré fixé; les aubes fixes de ce groupe étaient tordues et bosselées à partir de leur bord de fuite, et c'est leur moitié extérieure qui était la plus endommagée. L'aubage de la turbine du troisième étage était complètement détruit; seuls des talons et des moignons d'aube se trouvaient encore sur le disque.

Figure 2. Deuxième étage de turbine et distributeur
Figure of Deuxième étage de turbine et distributeur

Certains composants importants, comme le distributeur du deuxième étage et la turbine du troisième étage, ont été envoyés au Laboratoire technique du BST à des fins d'examen et d'analyse.

On a examiné les surfaces fracturées des aubes de la turbine du troisième étage à la recherche de signes de tout phénomène de défaillance progressive. Toutes les surfaces fracturées montraient une topographie typique d'un impact et de fractures en surcharge. On n'a constaté aucun signe de fatigue ni d'autre mode de défaillance tributaire du temps. Les bords d'attaque des moignons d'aube avaient été usés à la suite d'un contact avec le distributeur du deuxième étage.

Même si le distributeur du deuxième étage était en grande partie désintégré, on a néanmoins procédé à un examen approfondi de la structure restante. La partie arrière du support intérieur des aubes fixes avait subi une importante usure à la suite de son contact avec la partie avant de la turbine du troisième étage en rotation. On a prélevé un échantillon de la tôle du support intérieur arrière criqué, et l'examen des surfaces fracturées a révélé que la topographie de fracture prédominante était une surface intergranulaire oxydée avec des signes de criquage secondaire multiple. Le distributeur du deuxième étage est un composant brasé. L'examen des joints brasés restants a révélé que la brasure entre le joint arrière et l'enveloppe interne n'était pas uniforme et qu'en plusieurs endroits, il n'y avait pratiquement pas de brasure. En outre, le distributeur du deuxième étage avait fait l'objet d'une réparation par soudure de type « pièce rapportée en hublot » non autorisée au niveau de l'anneau extérieur, et le numéro de série du distributeur semblait avoir été modifié.

L'examen approfondi du numéro de série inscrit sur le distributeur du deuxième étage déposé du moteur après l'accident à des fins d'inspection en cours de démontage a révélé que ledit numéro était OC002. Ce numéro de série ne correspond à aucun distributeur de deuxième étage fabriqué par la firme Honeywell/Lycoming. Les dossiers de maintenance fournis plusieurs mois après l'accident ont révélé que le distributeur portant le numéro de série OC002 avait été envoyé en réparation le 17 janvier 2002 afin de corriger un problème de criques, qu'il avait fait l'objet d'une inspection par ressuage au liquide fluorescent le 28 janvier 2002 et que l'entreprise chargée de cet essai non destructif (END) avait rejeté le distributeur. On n'a trouvé aucun document pouvant confirmer si le distributeur a été par la suite réparé ou jugé en bon état de service. Le 2 avril 2002, soit quatre mois avant l'accident, on a installé le distributeur en question dans le moteur alors que ce dernier se trouvait au banc d'essai à la suite d'une révision générale. On n'a trouvé aucun dossier de maintenance portant sur l'installation de ce distributeur sur le moteur. Les dossiers de suivi des composants de Transwest Helicopters (rapport de suivi de maintenance C. A. L. M.) indiquaient à tort que, le jour de l'accident, le distributeur du deuxième étage installé dans le moteur portait le numéro de série 78M005. Le registre du moteur Lycoming (registre des composants principaux) indiquait que les distributeurs du premier et du deuxième étage installés dans le moteur portaient le numéro de série 78M005, ce qui est également erroné.

Le point fixe moteur qui a suivi la révision générale a été effectué sur un banc d'essai qui n'était pas approuvé par le motoriste pour les essais de moteurs installés dans des aéronefs. Ce banc d'essai non approuvé ne possédait pas les instruments nécessaires pour mesurer plusieurs paramètres exigés par le motoriste. Les calculs visant à déterminer les performances du moteur reposaient partiellement sur des éléments qu'il était impossible de mesurer à l'aide du banc d'essai non approuvé. En outre, au moins un des calculs effectués à partir des données obtenues à l'aide de ce banc d'essai n'avait pas été fait correctement.

Il a été impossible de trouver des inscriptions concernant la révision générale et l'installation du moteur dans le C-GTWH dans divers registres techniques qui auraient normalement dû contenir ces renseignements.

La base de données de la firme Honeywell contient un autre cas où la défaillance du distributeur du deuxième étage dans une variante du moteur T5508D était la cause probable de la panne moteur.

Analyse

Juste avant que l'équipage ne largue la charge à l'élingue de l'hélicoptère, le moteur a perdu de la puissance. Même s'il a continué à tourner pendant le vol en autorotation et lors du basculement au sol qui a suivi, il ne produisait plus aucune puissance utile. L'inspection du moteur après l'accident a révélé l'existence de dommages au niveau du distributeur du deuxième étage et de la turbine du troisième étage qui auraient pu empêcher le moteur de produire de la puissance tout en lui permettant de continuer à tourner.

Les dommages constatés sur le distributeur du deuxième étage et sur la turbine du troisième étage révèlent que ces deux composants sont entrés en contact au moment où le moteur tournait à un régime relativement élevé. Le profil des dommages laisse croire que la séquence de défaillance a débuté par une perte d'intégrité du distributeur du deuxième étage, éventuellement attribuable à un criquage important ou à la rupture d'un joint brasé. De tels dommages ont sans doute provoqué une baisse considérable de la puissance développée par le moteur, baisse néanmoins insuffisante pour que ce dernier cesse de tourner.

Environ six mois avant l'accident, le distributeur du deuxième étage portant le numéro de série OC002 avait été rejeté à la suite d'un examen de type END. Ce distributeur a néanmoins été installé dans le moteur alors que ce dernier se trouvait au banc d'essai deux mois plus tard. De nombreux travaux de maintenance importants ont été faits au cours de la période de 652,9 heures qui a suivi la révision générale du moteur et son installation dans le C-GTWZ. Il n'a pas été déterminé si ces travaux étaient reliés au distributeur défaillant.

Le point fixe moteur qui a suivi la révision générale a été effectué sur un banc d'essai qui n'était pas approuvé par le motoriste pour les essais de moteurs installés dans des aéronefs. Ce banc d'essai ne possédait pas tous les instruments nécessaires pour mesurer divers paramètres exigés par le motoriste pour la recertification de ses moteurs. Par conséquent, les calculs visant à déterminer les performances du moteur étaient basés sur des données incomplètes et imprécises. En outre, au moins un des calculs effectués à l'aide des données obtenues au moyen du banc d'essai non approuvé avait été mal fait. Par conséquent, le moteur ne répondait pas aux spécifications de certification approuvées du motoriste, et il n'était donc pas en état de navigabilité.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le moteur est tombé en panne à la suite de la défaillance du distributeur du deuxième étage qui est entré en contact avec la turbine du troisième étage.
  2. La défaillance du distributeur du deuxième étage a sans doute été causée par un criquage important ou par la rupture d'un joint brasé.
  3. Le distributeur du deuxième étage avait été rejeté au moment d'un essai non destructif et n'avait été par la suite ni réparé ni certifié en état de navigabilité, mais il a néanmoins été installé dans le moteur.

Faits établis quant aux risques

  1. Le point fixe moteur effectué à la suite de la révision générale a été fait à l'aide d'un banc d'essai non approuvé, et les procédures utilisées n'étaient pas appropriées. Par conséquent, les données sur les performances du moteur étaient incomplètes et imprécises.
  2. Les documents relatifs aux composants du moteur, et plus spécifiquement à l'installation du distributeur du deuxième étage et du moteur, étaient incomplets et incorrects.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .