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Rapport d'enquête aéronautique A03W0148

Perte de puissance et défectuosité mécanique
du Bell 204B C-GTNP
exploité par Delta Helicopters Ltd.
à 75 nm au nord-est de Manning (Alberta)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère Bell 204B (immatriculé C-GTNP et portant le numéro de série 2028) exploité par la compagnie Delta Helicopters Ltd. effectue des opérations d'élingage dans la région du lac Wadlin (Alberta). Vers 14 h 20, heure avancée des Rocheuses, pendant que l'hélicoptère est en descente pour déposer une charge de semis, le pilote entend un bruit de raclage en provenance du moteur. Le moteur cesse alors de produire de la puissance et l'hélicoptère descend rapidement, ce qui donne lieu à un atterrissage brutal qui endommage lourdement l'appareil. L'hélicoptère demeure à l'endroit avec la charge toujours fixée à l'extrémité de la longue élingue. Un autre pilote de la compagnie repère l'épave vers 19 h 15 et constate que le pilote est gravement blessé, mais que sa vie n'est pas en danger. Le pilote est emmené hors du lieu de l'accident à 21 h 45.

Renseignements de base

L'hélicoptère avait quitté le lac Wadlin à destination du Bloc 106 avec une charge d'arbres de semis composée de trois filets à marchandises suspendus à un carrousel à l'extrémité d'une élingue de 150 pieds de longueur. Pendant la dernière étape de l'approche à destination, alors que l'hélicoptère se trouvait à quelque 250 pieds au-dessus du sol, pendant la descente à vitesse de translation réduite, le pilote a entendu un bruit de raclage et a ressenti des vibrations, puis le moteur a cessé de produire de la puissance. Pendant la descente rapide qui a suivi, la charge a heurté le sol à l'endroit prévu pour l'atterrissage et l'hélicoptère a poursuivi sa descente dans la direction du vol jusqu'à ce qu'il heurte le sol à son tour, à quelque 80 pieds au-delà de la charge. L'accident s'est produit vers 14 h 20, heure avancée des Rocheuses (HAR)Note de bas de page 1.

Le démontage et l'examen du moteur (Lycoming T53-11B, numéro de série LE08253) ont révélé que deux aubes du disque de la turbine de travail s'étaient séparées du disque et avaient causé d'importants dommages aux autres aubes, aux anneaux de cerclage et au distributeur de la turbine de travail. L'aube no 1 s'était rompue au niveau de la plate-forme du disque, à partir d'une crique de fatigue préexistante qui s'étendait sur approximativement la moitié de la corde de l'aube en allant vers l'arrière depuis le bord d'attaque. L'aube no 52 s'était rompue à environ ¼ pouce au-dessus de la plate-forme, à partir d'une crique de fatigue préexistante; la fracture s'étendait sur quelque 35 pour cent de la corde de l'aube en allant vers l'avant depuis le bord de fuite. Il a été impossible de déterminer quelle aube s'était rompue la première, mais la seconde aube affaiblie a cédé sous la force d'impact des débris. L'examen des points d'amorce des criques à l'aide d'un microscope électronique à balayage n'a pas révélé la cause des criques, car aucun des indices caractéristiques habituels, comme des dommages mécaniques, des discontinuités, des inclusions ou de la corrosion, n'a pu être mis en évidence.

On a examiné toutes les aubes qui restaient sur le disque turbine et on n'y a découvert aucune autre crique. On a sectionné deux des aubes restantes pour tenter de déterminer si une surchauffe avait pu causer une faiblesse métallurgique en provoquant des modifications de la microstructure de l'alliage. Toutefois, les résultats n'ont pas été concluants en raison de l'absence de données de comparaison du motoriste. Les autres composants de la partie chaude du moteur, situés entre la chambre de combustion et le distributeur de la turbine de travail, n'étaient pas endommagés et ne présentaient pas de signes de contrainte thermique.

Le disque turbine (référence 140-250-6 et numéro de série 4454) était neuf et sa durée de vie moyenne avant réparation était de 2 000 heures au moment de son installation lors de la dernière révision du moteur, le 14 juin 2000. Le temps de service total du moteur depuis la dernière révision était de 1 284 heures. Les aubes de turbine étaient entretenues conformément à un calendrier de maintenance selon l'état, sans délai de révision ou de remplacement fixe, et il n'y avait pas d'historique de temps de service. La dernière inspection majeure du moteur avait été l'inspection à mi-vie de la partie chaude, laquelle avait été effectuée quelque 191 heures avant l'accident, le 13 juillet 2002, à 1 092,7 heures depuis la dernière révision.

Le titulaire actuel du certificat de type du moteur a effectué une recherche dans la base de données du motoriste d'origine et il a découvert un accident antérieur semblable mettant en cause le moteur T53-11B. Dans ce dernier cas, la rupture sous tension avait été induite par des températures supérieures aux limites opérationnelles de conception. La base de données des rapports de difficultés en service de Transports Canada contient un événement signalé depuis 1995, tandis que la base de données du cellulier contient deux événements possibles depuis 1965. Les moteurs de modèle T53-11 ont été fabriqués de 1963 à 1967.

La charge à l'élingue était constituée de 130 boîtes de semis; la masse moyenne de chaque boîte, calculée à partir d'un échantillon de 10 boîtes, était d'environ 28,5 livres (lb). On a déduit une livre par boîte, afin de tenir compte de la masse de l'eau provenant d'une légère averse de pluie survenue entre le moment de l'accident et celui de la pesée des boîtes, et on a calculé que la masse totale de la charge des boîtes de semis était d'environ 3 575 lb. Cette masse correspondait à la masse prévue par la pépinière, masse qui allait de 27 à 33 lb par boîte, selon la teneur en eau. Le carrousel pesait 80 lb, et la masse des filets et de l'élingue a été estimée à 120 lb, ce qui donne une charge d'une masse totale d'environ 3 775 lb. On a calculé que la masse brute de l'hélicoptère était d'environ 9 680 lb au décollage et de 9 480 lb sur les lieux de l'accident. Le C-GTNP avait été modifié conformément à l'instruction de service 204-3 de Bell qui permettait de faire passer de 8 500 à 9 500 lb la masse maximale autorisée au décollage avec une charge externe. On a calculé que la masse maximale pour le vol stationnaire hors effet de sol dans les conditions existantes était de 8 600 lb.

Figure 1. Graphique hauteur-vitesse du Bell 204B (Bell Helicopter)
Figure of Graphique hauteur-vitesse du Bell 204B (Bell Helicopter)

Ce document n'existe pas en français.

La Section 1 du manuel de vol approuvé du Bell 204B (BH204) contient un graphique hauteur-vitesse (H-V) avec une zone ombrée qui constituait à l'origine une limitation de vol critique en cas de panne moteur lors du décollage, de l'atterrissage ou de toute autre manoeuvre près de la surface (voir la figure 1). L'utilisation de l'hélicoptère dans cette zone critique réduit la possibilité de réussir un atterrissage en autorotation en cas de panne moteur. Ce graphique H-V a été intégré en annexe au manuel de vol à titre de limite d'utilisation pour les hélicoptères exploités au Canada qui effectuent des vols avec charge externe, et il se présente sous la forme d'un ajout (BHT-204-FM-CAN-O). Toutefois, l'information s'applique à toutes les opérations à basse altitude.

Selon les dossiers, le pilote était certifié et qualifié pour le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Il totalisait quelque 13 250 heures de vol, dont quelque 4 500 sur BH204. Son certificat médical était valide jusqu'au 5 novembre 2003, et sa vérification de compétence pilote était valide jusqu'au 1er novembre 2003.

Au cours de l'enquête, on a obtenu des renseignements météorologiques en provenance des tours d'observation de l'Alberta Forestry Services qui étaient situées dans les environs. Le bulletin météorologique de 12 h de la Wadlin Lookout Tower (située à 17 milles marins [nm] au nord-est du lieu de l'accident) indiquait les conditions suivantes : ciel couvert à 6/10, nuages à moyenne altitude, visibilité de 20 nm, vent de l'est à 4 noeuds, température de 14 °C, point de rosée 10 °C. Le bulletin de 12 h de la Talbot Lookout Tower (située à 17 nm au sud-est du lieu de l'accident) indiquait les conditions suivantes : ciel couvert à 1/10 avec cumulo-nimbus, 2/10 de nuages bas, visibilité de 20 nm, vent du sud-est à 6 noeuds, température de 15 °C, point de rosée de 13 °C. Les conditions météorologiques n'ont pas été considérées comme un facteur contributif au présent accident.

Analyse

La panne moteur a été causée par les dommages subis par la turbine de travail et le distributeur à la suite de la rupture de deux aubes de turbine. Ces dernières se sont rompues à cause de forces d'extension excessives exercées sur des criques de fatigue préexistantes. Il a été impossible de déterminer ce qui a donné naissance à ces criques, mais les déclencheurs les plus fréquents sont les dommages mécaniques (encoches), les défauts de fabrication (inclusions ou discontinuités), la corrosion et la détérioration métallurgique causée par la chaleur. On n'a découvert aucun signe de dommage, de défaut ou de corrosion, et l'examen métallurgique n'a pas été concluant.

Il a été impossible de vérifier les antécédents des aubes de turbine rompues, car elles étaient entretenues conformément à un calendrier de maintenance selon l'état. Par conséquent, ces aubes avaient été en service dans ce moteur ou dans d'autres moteurs pendant une période indéterminée. Selon les bases de données consultées, la défaillance des aubes de turbine de travail n'était pas un problème fréquent sur ce modèle de moteur.

Au moment de l'accident, l'hélicoptère était exploité à une masse supérieure à la masse maximale recommandée pour le vol stationnaire hors effet de sol, mais à l'intérieur de la limite augmentée de masse brute avec charge externe. La masse supérieure devait nécessiter une importante sollicitation du pas collectif pendant toutes les étapes du vol, surtout à basse vitesse ou en vol stationnaire. Lorsque le moteur est tombé en panne, les pales du rotor principal non entraînées ont engendré une importante traînée, ce qui a provoqué une chute rapide de la vitesse de rotation du rotor principal. Cette perte de vitesse a réduit la quantité d'énergie cinétique du système rotor dont disposait le pilote pour maîtriser la descente de l'hélicoptère. De plus, la basse altitude, la charge externe reliée à l'appareil et le fait que l'hélicoptère se trouvait dans la zone critique du graphique hauteur-vitesse se sont combinés pour accroître la force de l'impact et la gravité des blessures.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Deux aubes de turbine se sont rompues à cause de forces d'extension excessives exercées sur des criques de fatigue préexistantes, ce qui a lourdement endommagé la turbine de travail et provoqué une perte de puissance moteur. Il a été impossible de déterminer la cause des criques de fatigue.
  2. La perte de puissance moteur est survenue à basse altitude et à faible vitesse, ce qui s'est traduit par un atterrissage brutal.

Faits établis quant aux risques

  1. L'hélicoptère était exploité à une masse supérieure à la masse maximale recommandée pour le vol stationnaire hors effet de sol, et à l'intérieur des paramètres de vitesse et de hauteur que le graphique H-V du manuel de vol de l'aéronef recommande d'éviter.

Mesures de sécurité

La compagnie a instauré plusieurs changements visant à sensibiliser davantage les équipages de conduite aux diverses situations qu'ils peuvent rencontrer dans leurs opérations quotidiennes. Ces changements comprennent notamment les éléments suivants :

Formation (lors des cours théoriques de la formation périodique annuelle) :

Supervision de la gestion :

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .