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Rapport d'enquête aéronautique A04W0114

Déséquilibre à l'amerrissage
de l'hydravion Cessna A185F C-GVYE
exploité par Big River Air Ltd.
sur la rivière Taltson (à Ferguson's Cabin)
(Territoires du Nord-Ouest)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hydravion Cessna A185F (immatriculation C-GVYE et numéro de série 18503778) exploité par Big River Air Ltd. quitte le lac Four Mile (Alberta) pour se rendre, selon les règles de vol à vue, à la rivière Taltson (Territoires du Nord-Ouest). L'hydravion transporte trois passagers jusqu'à un endroit au bord de la rivière connu sous le nom de Ferguson's Cabin. Vers 17 h, heure avancée des Rocheuses, alors que l'appareil amerri près de Ferguson's Cabin, le flotteur gauche s'enfonce dans l'eau et l'aile gauche percute la surface de l'eau. L'appareil part immédiatement en tonneau et finit par s'immobiliser en flottant à l'envers sur les eaux de la rivière, seule la partie inférieure des flotteurs étant visible à la surface.

Le pilote et le passager assis à l'avant sont grièvement blessés mais réussissent à sortir de l'hydravion immergé et endommagé en passant par la fenêtre cassée de la porte gauche de la cabine. Quatre pêcheurs qui se trouvent dans des embarcations se rendent sur les lieux de l'accident, extraient les survivants des eaux froides et les transportent jusqu'à un abri chauffé. Quant aux occupants des places arrière, ils périssent noyés. L'une des victimes est retrouvée à l'intérieur de l'appareil, tandis que l'autre est découverte deux jours après l'accident par 55 pieds de fond, à l'extérieur de l'hydravion, près de l'endroit où celui-ci s'est abîmé.

Renseignements de base

Avant d'amerrir, le pilote a tourné trois fois au-dessus de la région et a vu ce qui lui a paru être des eaux peu profondes dans une partie sombre de la rivière, entre le chenal principal et la baie. Pour se rendre au lieu de villégiature, il aurait fallu que l'hydravion circule dans ces eaux peu profondes, et le pilote a donc décidé d'amerrir dans la baie. La distance d'amerrissage disponible dans la baie était d'environ 1800 pieds d'une rive à l'autre, l'approche exigeant une descente au-dessus des arbres et d'un rivage ascendant (voir l'annexe A). L'approche finale a été exécutée à une vitesse indiquée de l'ordre de 80 noeuds, les volets sortis à 20 degrés, à un cap approximatif de 300 °M. L'approche s'est déroulée sans encombre jusqu'au point de posé sur l'eau. Il était alors environ 17 h, heure avancée des Rocheuses (HAR)Note de bas de page 1.

Big River Air Ltd. exploite huit types de petits aéronefs en vertu des sous-parties 702 et 703 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). L'entreprise est basée à l'aéroport de Fort Smith (Territoires du Nord-Ouest). Pendant les mois d'été, elle exploite des hydravions à partir d'un quai situé au lac Four Mile, lequel se trouve à quelque six milles au sud-est de Fort Smith.

Le pilote possédait une licence de pilote professionnel valable pour tout avion et hydravion monopilote mono- et multimoteur n'ayant pas des performances élevées et son certificat médical était en règle. Sa licence avait été délivrée le 23 avril 2001 et avait fait l'objet d'une nouvelle délivrance le 25 juillet 2001 pour tenir compte de l'ajout de la qualification sur hydravion. Le pilote totalisait environ 447 heures de vol, dont, selon une estimation, 220 heures à bord d'appareils montés sur flotteurs. Quelque 120 heures de cette expérience à bord d'appareils montés sur flotteurs avaient été acquises sur des hydravions Cessna 185. Le pilote avait commencé à travailler chez Big River Air Ltd. le 10 mai 2004. Au cours de la saison 2004, il avait accumulé 12,4 heures de vol sur hydravion, à savoir 3,8 heures de formation acquise pendant des vols de formation au pilotage supervisés par l'entreprise et 8,6 heures de temps de vol correspondant à des vols opérationnels. Entre la date d'embauche du pilote et le jour de l'accident, les journées de travail du pilote n'avaient pas dépassé les limites fixées par la réglementation. Le pilote était bien reposé quand il a pris son service le jour de l'événement.

L'épave a été sortie de l'eau à l'aide d'un hélicoptère, puis elle a été examinée sur place afin que l'on puisse documenter les dommages à l'impact, vérifier la continuité des commandes de vol et des commandes du moteur, en plus de vérifier l'état de fonctionnement du moteur, des flotteurs et des issues de l'hydravion. Dans la mesure où l'épave a pu être examinée, aucune anomalie antérieure à l'impact qui aurait pu contribuer à l'accident n'a été identifiée. Rien n'indiquait que l'hydravion avait percuté un objet flottant ou immergé au moment du posé sur l'eau. L'appareil était équipé d'un ensemble STOL de Robertson (certificat de type supplémentaire SA1441 WE) et de flotteurs 3000E de Canadian Aircraft Products (certificat de type supplémentaire SA69-2).

À l'impact, les longerons arrière des deux ailes se sont rompus près des ferrures de fixation au fuselage. Quand l'hydravion a été remis à l'endroit après avoir été sorti de l'eau, on s'est aperçu que la partie arrière des deux emplantures d'aile s'était déplacée vers le bas suffisamment pour obstruer le cadre des deux portes de la cabine. Ce déplacement empêchait d'ouvrir toute grande les portes de la cabine. L'importance du déplacement des ailes pendant que l'hydravion était immergé sur le dos n'a pu être déterminée avec certitude, mais on ne peut écarter la possibilité que les portes aient pu être bloquées par les ailes après l'impact.

Ferguson's Cabin se trouve sur une baie au confluent de trois rivières (voir l'annexe A). Cette baie est entourée d'arbres et d'un rivage rocailleux en pente. Comme le pilote ne s'était encore jamais posé à cet endroit auparavant, les pilotes de l'entreprise s'étaient assurés que, avant de partir, leur collègue était au courant des caractéristiques de l'endroit et des éventuelles complications, et il avait reçu une carte de la baie dessinée à la main. À l'arrivée à Ferguson's Cabin comme au départ, la façon normale de procéder consiste à amerrir et à décoller en utilisant une partie rectiligne du chenal principal de la rivière, à l'ouest de la baie, manoeuvre suivie ou précédée d'une circulation sur l'eau vers ou depuis le lieu de villégiature; il s'agit là de la meilleure façon, et peut-être de la seule, de s'assurer de disposer d'une distance suffisante à l'amerrissage et au décollage. Amerrir directement dans la baie ou en décoller n'était pas conseillé, compte tenu des dimensions limitées de l'endroit et de l'existence d'un fort courant traversier à certains endroits de la baie. Deux jours après les faits, les enquêteurs ont constaté que le courant de la rivière était minimal au centre de la baie, là où l'on pense que l'accident s'est produit.

On dit qu'un hydravion se déplace « sur le redan » quand sa vitesse est suffisante pour lui permettre de ne reposer que sur l'extrémité inférieure de ses flotteurs effleurant la surface de l'eau. Pour réduire au minimum la traînée dans l'eau quand un hydravion est sur le redan, il faut que la quille reste parallèle à la surface de l'eau; par conséquent, il est primordial que l'assiette en tangage de l'hydravion reste dans une plage étroite de piqué et de cabré pendant les deux phases de décollage et d'amerrissage. Un moment de piqué a tendance à se manifester à l'amerrissage lors du contact initial des flotteurs de l'hydravion avec l'eau, et si l'appareil est dans un piqué trop prononcé au posé sur l'eau ou s'il se met en piqué avant ou pendant qu'il arrête de se déplacer sur le redan, l'avant des flotteurs risque de s'enfoncer dans l'eau, d'où une augmentation rapide de la traînée. Si le pilote ne tire pas immédiatement sur le manche, l'avant des flotteurs risque de s'enfoncer encore plus dans l'eau, et l'hydravion va capoter et se retourner. Pour éviter que les flotteurs s'enfoncent dans l'eau, un pilote d'hydravion doit rester vigilant et garder constamment le manche en arrière après avoir amerri.

Au moment des faits, l'hydravion était à sa masse maximale ou presque. Il y avait un filet d'arrimage du fret dans l'appareil, mais les bagages à l'arrière de la cabine n'avaient pas été assujettis, ce qui contrevenait à la réglementation. En cas d'accident, les bagages non assujettis vont avoir tendance à se déplacer, ce qui provoque souvent des blessures aux occupants ou ce qui les gêne pour s'extirper de l'épave. Toutefois, dans le présent événement, rien n'indiquait que du fret non arrimé aurait pu nuire à l'évacuation des occupants. Le manuel de vol de l'hydravion indiquait que les masses maximales de fret permises dans les zones 1 et 2 réservées aux bagages étaient respectivement de 120 et de 50 livres. La masse totale du fret, telle que l'indiquait la feuille de contrôle de chargement de l'entreprise, s'élevait à 250 livres. Compte tenu du peu d'espace disponible dans la zone de fret numéro 2, il y a tout lieu de croire que le gros du chargement se trouvait dans la zone de fret numéro 1, d'où un dépassement de 80 livres des limites structurales de ce compartiment. D'après les calculs de masse et centrage qui ont été faits, l'hydravion se trouvait au-dessous de sa masse maximale totale et le centre de gravité, bien que près de la limite arrière, se situait dans les limites fixées par l'avionneur.

Au moment de l'accident, les conditions météorologiques se prêtaient au vol selon les règles de vol à vue, et il a été établi que le plafond comme la visibilité n'avaient pas été des facteurs dans le présent accident. D'après ce qui a été rapporté, le ciel était presque entièrement dégagé, et la visibilité était illimitée. Il a été estimé que le vent en surface soufflait généralement de l'ouest entre 15 et 20 noeuds; toutefois, le vent était de direction variable dans la baie, avec une tendance à tourbillonner.

Les gilets de sauvetage de l'hydravion étaient du type gonflable, et ils étaient pliés et rangés dans le prolongement du compartiment à bagages, en arrière des sièges arrière de la cabine. Ils étaient difficiles à atteindre par les passagers ou par l'équipage, ce qui contrevenait au paragraphe 602.62(4) du RAC. Aucun des occupants ne portait de gilet de sauvetage au moment de l'accident.

Sur ce type d'appareil, les portes de la cabine principale font office d'issues de secours. Les poignées de porte se composent, à l'extérieur, d'une poignée à levier et, à l'intérieur, d'une poignée conventionnelle en forme de L. Les portes de la cabine s'ouvrent de l'intérieur en faisant tourner la poignée de la position avant (LOCKED) de manière à la faire passer par la position intermédiaire (CLOSE) avant d'atteindre la position arrière (OPEN), puis en poussant sur la porte vers l'extérieur.

Les deux survivants ont d'abord essayé d'ouvrir les portes avant de déboucler leur ceinture de sécurité, mais ils ont été incapables de localiser les poignées de porte. Le pilote a finalement débouclé sa sangle sous-abdominale et est sorti de l'hydravion par la fenêtre brisée de la porte gauche de la cabine. Il est remonté à la surface, a pris une respiration puis a plongé pour essayer, mais en vain, d'ouvrir la porte gauche de la cabine depuis l'extérieur. Il est remonté à la surface, a pris une respiration et a plongé pour aller aider le passager survivant à passer par la fenêtre brisée de la porte gauche de la cabine. L'ouverture créée par cette fenêtre brisée mesurait 13 pouces de hauteur sur 30 pouces de longueur, et des morceaux de plexiglass se trouvaient sur le pourtour. Les poignées de porte intérieures étaient en position LOCKED lorsque l'équipe de plongée a pris les premières photographies de l'épave sous l'eau. Un examen effectué après l'accident a permis de constater que les poignées de porte intérieures étaient fonctionnelles et munies des affichettes appropriées.

Dans la plupart des hydravions, les portes de la cabine principale sont les seules issues de secours disponibles, et lorsqu'un hydravion se trouve immobilisé sur l'eau à l'envers, la capacité des occupants à se mouvoir après l'impact et leur faculté d'évacuer rapidement l'épave deviennent les éléments clés de leur survie. L'eau froide, la désorientation et la panique accentuent les difficultés à évacuer. Les risques que les occupants restent coincés dans un hydravion immergé augmentent lorsqu'il est impossible d'ouvrir les portes à cause des dommages consécutifs à l'impact, à cause de la pression de l'eau à l'extérieur, ou encore parce que les occupants sont incapables de localiser et de faire fonctionner les poignées de porte. À l'heure actuelle, rien n'exige que les hydravions soient équipés de dispositifs pour contrer ce phénomène, comme des portes ou des fenêtres à ouverture instantanée qui peuvent être larguées rapidement afin de permettre une évacuation rapide d'un aéronef immergé.

Le pilote et le passager avant portaient une sangle sous-abdominale, mais pas la ceinture-baudrier qui était à leur disposition. Les passagers arrière ne disposaient que d'une sangle sous-abdominale, qu'ils portaient. Les forces d'impact étaient dans les limites de la tolérance humaine, et les personnes qui ont perdu la vie n'ont subi aucune blessure qui aurait entraîné une immobilisation ou une incapacité. Il est probable que ces personnes n'ont pas perdu conscience à la suite de l'impact, puisqu'elles ont toutes les deux été en mesure de déboucler leur sangle sous-abdominale. Les mesures d'évacuation qu'elles ont prises n'ont pu être déterminées.

L'hydravion était exploité en vertu de la sous-partie 703 du RAC. L'article 703.39 du RAC exige que les passagers reçoivent avant le vol un exposé de sécurité répondant aux Normes de service aérien commercial. La réglementation n'exige pas explicitement que cet exposé donne des renseignements spécifiques sur les procédures d'évacuation sous l'eau d'un hydravion. Le RAC 703.39 exige également qu'un exploitant aérien fournisse à chaque passager, à son siège ou au moyen d'affichettes visibles, les renseignements relatifs à la sécurité qui sont exigés par les Normes de service aérien commercial. Rien n'exige que les cartes de consignes de sécurité d'un hydravion contiennent des renseignements ou des procédures spéciales concernant l'évacuation sous l'eau.

Les passagers avaient reçu un exposé de sécurité standard après être montés à bord de l'hydravion au quai du lac Four Mile. Cet exposé avait porté sur l'emplacement de la radiobalise de repérage d'urgence, sur l'utilisation des dispositifs de retenue disponibles, sur l'emplacement et l'utilisation des gilets de sauvetage et sur l'utilisation des portes de la cabine principale comme issues de secours. Aucun renseignement relié spécifiquement à l'évacuation sous l'eau, comme la probabilité que les occupants deviennent désorientés sous l'eau ou le fait connu qu'il faille attendre avant de pouvoir ouvrir les portes de la cabine que le fuselage se soit suffisamment rempli d'eau pour que la pression de l'eau à l'intérieur de l'aéronef soit égale à celle de l'extérieur, n'a été fourni dans le cadre de cet exposé ni ne figurait dans les cartes de consignes de sécurité disponibles. Il n'a pas été possible de déterminer jusqu'à quel point le manque de renseignements relatifs à l'évacuation sous l'eau aurait pu nuire à la réaction et à l'évacuation des passagers.

Les exposés faits aux passagers avant le vol, les cartes de consignes de sécurité et la formation en matière d'évacuation sont censés préparer mentalement les passagers à réagir avec célérité et efficacité dans des situations d'urgence au cours desquelles leur vie est en danger. Des consultations menées auprès d'autres exploitants d'hydravions ont montré que la fourniture, au moment de l'exposé avant le vol ou sur les cartes de consignes de sécurité, de renseignements propres aux évacuations sous l'eau n'était pas une façon de faire standard. En général, on évite les discussions sur les situations d'urgence traitant d'aéronefs immergés et de cabines remplies d'eau, car l'idée qui prévaut au sein de l'industrie veut que la fourniture de renseignements détaillés risque de faire peur aux passagers et d'avoir ainsi un impact économique négatif. Certains exploitants d'hydravions offrent une formation en immersion d'aéronefs à leurs équipages de conduite et donnent aux passagers qui voyagent souvent avec eux des renseignements sur l'endroit où suivre une telle formation. Bien que cette dernière soit très utile aux passagers qui voyagent fréquemment dans des hydravions, il ne faut pas s'attendre à ce qu'une telle formation soit applicable, facilement disponible ou pratique dans le cas des passagers occasionnels.

En janvier 1996, Transports Canada a mis sur pied le Groupe de travail sur la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) afin de traiter du taux d'accidents élevé dans le cadre des opérations régies par la sous-partie 703 du RAC. Le rapport préparé par ce groupe de travail contenait 71 recommandations destinées à améliorer la sécurité dans le secteur du taxi aérien. On y trouvait notamment ce qui suit :

Les passagers d'avion à flotteurs et d'hélicoptère ne disposent pas de suffisamment d'information sur les procédures d'évacuation lorsque l'aéronef est immergé au cas où celui-ci se retourne au décollage, à l'atterrissage ou au cours d'un amerrissage d'urgence...

Ce rapport recommandait également ceci :

... Les pilotes d'avion à flotteurs et les pilotes d'hélicoptère qui survolent des plans d'eau devraient inclure des renseignements sur l'évacuation d'un aéronef immergé dans leur exposé aux passagers.

L'Advisory Circular AC 91-69A (Seaplane Safety for 14 CFR,Note de bas de page 2 Part 91, Operators) de la Federal Aviation Administration renferme de précieux renseignements concernant les exposés aux passagers d'hydravions et l'évacuation sous l'eau. Parmi les autres documents dignes de mention figurent la plus récente édition du Guide d'instructeur - Qualification sur hydravion de Transports Canada ainsi que la publication TP 12365F (Hydravions : Guide du passager) de Transports Canada. Le TP 12365F renferme des renseignements utiles sur l'évacuation des passagers d'un aéronef immergé. On a communiqué avec plusieurs exploitants et la plupart d'entre eux ignoraient l'existence du dépliant TP 12365F.

Par le passé, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a déjà fait connaître un certain nombre d'inquiétudes relatives à l'évacuation d'un hydravion immergé. En 1994, le BST a publié une étude intitulée Étude de sécurité portant sur les possibilités de survie dans les accidents d'hydravions (rapport numéro SA9401) qui contenait six recommandations de sécurité visant à améliorer les possibilités de survie dans les accidents d'hydravions. Ces recommandations n'ont pas abordé les modifications techniques comme moyen d'améliorer l'évacuation.

Le 2 mars 2000, le BST a envoyé à Transports Canada l'avis de sécurité aérienne A000003-1 (Évacuation d'un hydravion submergé) pour réitérer ses inquiétudes face au manque apparent de progrès accomplis par la communauté des hydravions pour régler la question des évacuations sous l'eau. Dans sa réponse, Transports Canada a fait savoir qu'il avait publié des articles pertinents dans son bulletin Sécurité aérienne - Nouvelles ainsi que quatre dépliants distincts traitant de sécurité. Transports Canada a également produit une vidéo sur les hydravions, qui est disponible dans tous les bureaux régionaux de la Sécurité du système, et prépare actuellement un programme de formation qui va mettre l'accent sur les questions soulevées dans l'avis de sécurité.

Par le passé, le BST a déjà produit deux études spéciales consacrées aux hydravions intitulées :

  1. Étude de sécurité portant sur les compétences et les connaissances des pilotes d'hydravion (1993)
  2. Étude de sécurité portant sur les possibilités de survie dans les accidents d'hydravions (1994)

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Analyse

Le pilote était certifié conformément à la réglementation en vigueur; toutefois, il était relativement peu expérimenté en pilotage d'hydravion et en amerrissage sur rivière, et il ne s'était encore jamais posé à Ferguson's Cabin. Bien que conscient des implications inhérentes à un amerrissage dans la baie, le pilote a choisi de se poser plus près du lieu de villégiature plutôt que dans le chenal principal de la rivière. Comme la surface d'amerrissage dans la baie était relativement courte en plus d'être bordée d'arbres et d'un rivage en pente ascendante, un pilotage de précision s'imposait pour éviter d'aller percuter la rive opposée. La décision de se poser dans la baie a augmenté les risques associés à l'amerrissage et n'a laissé aucune marge d'erreur.

Il est probable que l'hydravion s'est posé en piqué ou que, après avoir amerri, il a pris une assiette en piqué suffisante pour que le flotteur gauche s'enfonce dans l'eau. Cela aurait alors produit une importante traînée du flotteur dans l'eau, ce qui aurait rapidement fait augmenter la tendance au piqué. Bien que le vent ait pu être un facteur, sa contribution à l'événement n'a pu être déterminée. Le pilote n'a pas été en mesure de reprendre véritablement la maîtrise de l'hydravion avant que celui-ci ne parte en tonneau et ne coule.

La première façon d'évacuer ce type d'appareil dans une situation d'urgence consiste à emprunter les deux portes de la cabine principale. L'utilisation de ces portes avait été décrite pendant l'exposé donné aux passagers avant le vol, mais cet exposé présumait que, dans une situation d'urgence, l'hydravion serait à l'endroit et au-dessus du niveau de l'eau. Bien qu'ils n'aient subi aucune blessure immobilisante, les survivants ont été incapables de localiser les poignées des portes de la cabine de l'hydravion renversé sur le dos, ce qui a retardé leur évacuation de la cabine immergée.

De plus, l'hydravion avait subi des dommages à l'impact qui ont peut-être empêché une ouverture normale des portes de la cabine, même si la poignée de ces portes avait été tournée suffisamment pour permettre le déverrouillage des portes. La fenêtre brisée de la porte gauche était probablement le seul moyen reconnu et disponible pour évacuer, mais les quatre occupants ne pouvaient pas tous passer en même temps par la fenêtre pour sortir. Le temps pendant lequel il a fallu que chaque occupant reste conscient sous l'eau a dû être fonction de l'ordre dans lequel les occupants ont réussi à découvrir la fenêtre et à y accéder.

Les mesures d'évacuation prises par les deux personnes décédées n'on pu être déterminées. Toutefois, le temps qu'il leur a fallu pour déboucler leur sangle sous-abdominale, pour s'orienter, pour reconnaître que la fenêtre cassée offrait une possibilité d'évacuation et pour arriver à se faufiler à travers cette fenêtre, a peut-être dépassé le temps pendant lequel elles ont réussi à rester véritablement conscientes.

Aucun des occupants ne portait de gilet de sauvetage, ce qui veut dire que la capacité des survivants à s'échapper par l'étroite ouverture dans la porte gauche de la cabine n'a pas dû être diminuée par la présence d'un type ou d'un autre de gilet de sauvetage. Les gilets de sauvetage étaient rangés dans des endroits inaccessibles et, par conséquent, il était impossible que les occupants les prennent avec eux et les enfilent, une fois arrivés à la surface.

Les moyens de défense dont disposent les occupants qui doivent évacuer un hydravion immergé comprennent les dispositifs de retenue conçus pour réduire les blessures à l'impact ainsi que les exposés de sécurité donnés avant le vol et les cartes de consignes de sécurité, lesquels aident les occupants à se préparer à la possibilité d'une évacuation d'urgence sous l'eau. Il n'existe aucune autre exigence visant à rendre les hydravions plus faciles à évacuer dans des situations d'urgence. Les mesures à prendre pour sortir d'un hydravion immergé sont pour le moins exigeantes, et les risques de rester pris et de se noyer augmentent si les occupants n'ont pas reçu tous les renseignements pertinents. Dans le présent accident, ni l'exposé avant le vol ni les cartes de consignes de sécurité n'ont permis de préparer mentalement les passagers. Leurs possibilités de survie ont encore diminué quand ils se sont trouvés dans l'impossibilité d'ouvrir les portes principales, une fois la cabine immergée.

Au Canada, des centaines d'hydravions sont utilisés sur une base saisonnière, tant en exploitation privée que commerciale, et le présent accident ainsi que tous ceux qui l'ont précédé montrent qu'un grand nombre d'occupants d'hydravion continuent de survivre à l'impact sur l'eau, mais finissent par périr noyés après être restés coincés dans la cabine immergée. Le risque de périr noyé à l'intérieur d'un hydravion après un accident demeure élevé, et il faudrait disposer d'un plus grand nombre de moyens de défense pour atténuer ce risque.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Pour des raisons indéterminées, l'hydravion a amerri en piqué ou a pris une assiette en piqué peu après s'être posé. Le flotteur gauche s'est alors enfoncé dans l'eau et l'hydravion est parti en tonneau.
  2. Une fois l'hydravion renversé sur le dos et immergé dans l'eau, les survivants ont été incapables de localiser les poignées de porte intérieures, ce qui les a empêchés d'utiliser les portes comme issues de secours.

Faits établis quant aux risques

  1. Les passagers d'hydravion qui ne reçoivent aucun renseignement propre à une évacuation sous l'eau au moment de l'exposé avant le vol ou grâce aux cartes de consignes de sécurité, risquent de ne pas être préparés mentalement à sortir d'urgence d'un hydravion immergé.
  2. Les gilets de sauvetage n'étaient pas rangés dans un endroit auquel les occupants avaient facilement accès.
  3. À l'amerrissage, le pilote et le passager avant ne portaient pas la ceinture-baudrier dont ils disposaient, ce qui contrevenait à la réglementation.
  4. Les bagages n'étaient pas arrimés dans le compartiment à bagages, ce qui a augmenté les risques que les occupants soient blessés au moment de l'accident ou qu'ils aient du mal à sortir de l'hydravion.
  5. La masse des bagages dans la zone de fret numéro 1 dépassait probablement la limite structurale de ce compartiment tout en augmentant les risques de dommages à l'hydravion.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Le 13 septembre 2004, le BST a envoyé l'avis de sécurité aérienne (A040044) à Transports Canada, avec copie au National Transportation Safety Board (NTSB), à la Federal Aviation Administration (FAA) et à la Cessna Aircraft Company. Cet avis laissait entendre qu'il serait bon que Transports Canada envisage des mesures additionnelles pour faciliter, dans les situations d'urgence, une évacuation rapide des hydravions au cas où la cabine deviendrait immergée.

Transports Canada a répondu à cet avis le 3 novembre 2004. Le Ministère a publié un autre article dans Sécurité aérienne - Nouvelles et envisage de préparer des documents promotionnels, nouveaux ou révisés, pour traiter du sujet abordé dans l'avis. Il a également l'intention d'élaborer un programme de formation aux procédures d'urgence destiné à ses inspecteurs et d'examiner les renseignements sur l'utilisation des hydravions afin de déterminer le meilleur vecteur pour faire connaître aux exploitants régis par la sous-partie 703 du RAC les renseignements propres à la façon de donner des exposés complets avant le vol, ce qui comprendra l'évacuation sous l'eau et une sensibilisation à une telle situation.

De plus, Transports Canada a fait savoir que les renseignements figurant sur les cartes de consignes de sécurité ou les affichettes qu'exige l'article 703.39 du RAC, étaient jugés pertinents à l'exploitation des hydravions et qu'il serait à toute fin pratique impossible d'exiger la présence de renseignements additionnels propres à l'évacuation sur les cartes de consignes de sécurité des hydravions. Transports Canada a également fait savoir que la suggestion en matière de portes largables ou de grandes fenêtres frangibles ou à ouverture instantanée capables de faciliter les sorties d'urgence relevait du pouvoir de l'État ayant autorité sur la conception et qu'il n'allait prendre aucune mesure en la matière.

Le 13 septembre 2004, le BST a envoyé une lettre d'information sur la sécurité aérienne (A040046) à Transports Canada, avec copie au NTSB, à la FAA et à la Cessna Aircraft Company, lettre qui portait sur les exposés faits aux passagers et sur les cartes de consignes de sécurité propres aux hydravions.

Transports Canada a répondu à cette lettre le 3 novembre 2004. Comme il l'avait dit dans sa réponse à l'avis de sécurité dont il est question ci-dessus, le Ministère a fait savoir qu'il prévoyait publier un autre article dans Sécurité aérienne - Nouvelles, préparer des documents promotionnels nouveaux ou révisés et élaborer un programme de formation aux procédures d'urgence destiné à ses inspecteurs. Il a également l'intention d'examiner les renseignements relatifs à l'utilisation des hydravions afin de déterminer le meilleur vecteur pour faire connaître aux exploitants régis par la sous-partie 703 du RAC les renseignements propres à la façon de donner des exposés complets avant le vol. De plus, dans sa réponse, le Ministère a souligné une nouvelle fois que les renseignements figurant sur les cartes de consignes de sécurité ou les affichettes qu'exige l'article 703.39 du RAC, étaient jugés pertinents à l'exploitation des hydravions et qu'il serait à toute fin pratique impossible d'exiger la présence de renseignements additionnels propres à l'évacuation sur les cartes de consignes de sécurité des hydravions.

Questions liées à la sécurité

Risque de noyade dans des accidents d'hydravion auxquels il est possible de survivre

L'examen des données historiques montre que les occupants d'hydravion qui survivent à un accident continuent d'être exposés au risque de périr noyés à l'intérieur de l'aéronef. Il se pourrait que les moyens de défense actuellement prévus dans de telles circonstances ne soient pas suffisants. Compte tenu du risque potentiel de décès inhérent aux accidents d'hydravion sur l'eau, le BST est préoccupé par le fait que les occupants des hydravions ne sont peut-être pas bien préparés à évacuer un hydravion immergé. Le Bureau est aussi préoccupé par le fait que les hydravions, en raison de leur conception, ne permettent peut-être pas aux passagers d'évacuer facilement l'appareil sous l'eau.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Aire d'amerrissage à Ferguson's Cabin