Language selection

Rapport d'enquête aéronautique A07P0357

Rapport d'enquête aéronautique
Perte de maîtrise et collision avec un immeuble
du Piper PA 34 200 Seneca C GHFD
à Richmond (Colombie Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

À 16 h 2, heure avancée du Pacifique, le Piper PA 34 200 Seneca sous immatriculation privée (portant l'immatriculation C GHFD et le numéro de série 34 7350210) est autorisé à décoller de la piste 08 droite de l'aéroport international de Vancouver dans le but de se rendre à l'aéroport régional de Pitt Meadows selon les règles de vol à vue, le pilote étant seul à bord. Peu après le décollage, il y a perte des communications et du contact radar. L'avion entre en collision avec un immeuble résidentiel de 15 étages, à Richmond, à quelque 1,5 mille marin à l'est sud est de l'extrémité départ de la piste 08 droite. Le pilote est mortellement blessé. Aucun incendie ne se déclare après l'impact. L'avion pénètre dans un appartement occupé par deux personnes; l'une subit de graves blessures ne mettant pas sa vie en danger, tandis que l'autre n'est que légèrement blessée. Les dommages structuraux causés à l'immeuble sont minimes, mais le système d'extinction d'incendie cause des dommages importants dus à l'eau qu'il projette. Des centaines de personnes doivent donc quitter leur résidence pendant des périodes prolongées. On ne signale aucun autre blessé.

Renseignements de base

Déroulement du vol

L'aéroport régional de Pitt Meadows se trouve à quelque 19 milles marins (nm) à l'est nord est de l'aéroport international de Vancouver, mais le pilote avait demandé à décoller en direction sud afin de vérifier certains travaux de maintenance qui avaient récemment été effectués sur l'avion. Le pilote avait reçu l'autorisation de suivre la procédure publiée de décollage VOR Footnote 1 de la piste 08 droite (08R) de Vancouver, laquelle exige que le pilote vire à droite, à sa discrétion, au cap de 160° magnétiques vers le VOR de Vancouver (à 7 nm au sud), et qu'il monte jusqu'à 2000 pieds au dessus du niveau de la mer (asl). En franchissant 1000 pieds asl en montée, le pilote doit passer de la fréquence tour intérieure sud à la fréquence tour extérieure sud.

La course au décollage a débuté près du seuil de la piste, peu après 16 h 2 Note de bas de page 2. L'avion a décollé, puis il a survolé la piste sur toute sa longueur (10 600 pieds) avant d'amorcer le virage à droite. Il n'y a jamais eu de réponse du transpondeur (écho du radar de surveillance secondaire) en provenance de l'avion, même si la mise en marche du transpondeur figurait parmi la liste des quatre tâches à effectuer au dernier point de la liste de vérifications avant décollage Footnote 3. Les échos du radar primaire, lesquels ne fournissent au contrôleur aucun renseignement sur l'identification ou l'altitude de l'avion, ont été intermittents et ils sont apparus pour la première fois par le travers de l'extrémité départ de la piste. Ces échos ont permis l'affichage d'une trajectoire cohérente avec la procédure de départ prévue.

Les communications ont été normales pendant toute la durée des phases de vol avant le roulage, pendant le roulage et au moment du décollage. Pendant que l'avion effectuait le virage à droite, le contrôleur de la tour a ordonné au pilote de changer de fréquence et de mettre en marche son transpondeur. Le pilote n'a pas accusé réception de ces instructions, et il n'y a jamais eu affichage d'une cible du radar de surveillance secondaire. Le dernier écho du radar primaire a été émis 5 secondes plus tard, à environ 1 nm au sud est de l'extrémité départ de la piste et 0,5 nm au nord ouest des lieux de l'accident.

Pendant le virage, le profil d'altitude du vol est passé d'un profil de montée à un profil de descente. On a calculé que la vitesse était de quelque 141 mi/h lors du passage à l'extrémité départ de la piste (vitesse supérieure à la vitesse de montée de 120 mi/h recommandée par le constructeur) et que l'avion avait accéléré sans interruption jusqu'à 174 mi/h au moment du dernier écho radar précédant la collision.

L'avion a évolué à basse altitude tout le temps qu'il a été dans les airs. D'après les estimations, l'avion se trouvait à une altitude d'environ 400 pieds au-dessus du niveau du sol (agl) un peu au delà de l'extrémité départ de la piste 08R, et d'environ 200 pieds agl lorsqu'il a survolé un endroit situé à quelque 0,25 nm au nord ouest des lieux de l'accident. L'avion volait train rentré et à vitesse élevée. Le son des moteurs variait de normal à très fort. L'avion était incliné à droite et effectuait une descente stable à faible pente (voir la figure 1).

Figure 1. Trajectoire de vol de l'avion
Figure of Trajectoire de vol de l'avion

Conditions météorologiques

Au moment du départ, les conditions météorologiques qui prévalaient à l'aéroport international de Vancouver et à l'aéroport régional de Pitt Meadows convenaient au vol selon les règles de vol à vue (VFR). Les conditions météorologiques ne sont pas considérées comme ayant été un facteur contributif à cet accident.

Dommages à l'avion

Incliné à droite, l'avion a pénétré dans l'immeuble résidentiel (voir la photo 1). Le moteur gauche et le fuselage ont pénétré dans l'immeuble d'habitation par une grande fenêtre. Le moteur droit a heurté de plein fouet le mur extérieur en béton du 9e étage de l'immeuble, il s'est détaché de l'avion et il est tombé dans le stationnement du 4e étage. D'après le genre de dommages que présentait le moteur droit, tout indiquait que ce dernier avait encore eu le temps d'effectuer un dernier demi tour à l'impact avant de s'arrêter. Le moteur droit a subi des dommages importants, et il n'a pu être démonté. On a examiné le moteur gauche et on n'y a décelé aucune trace de dommages avant l'impact qui aurait pu l'empêcher de fonctionner normalement.

Photo 1. Dommages dus à l'impact
Photo of Dommages dus à l'impact

D'après les dommages qu'ont subis les deux hélices, tout indique que ces dernières tournaient sous l'effet de la puissance moteur au moment de l'impact. Il a été impossible de déterminer avec certitude la puissance de sortie des moteurs. On n'a décelé aucune anomalie qui aurait pu empêcher un fonctionnement normal des hélices. Tous les dommages décelés correspondaient à des dommages inhérents à l'impact.

L'examen de l'épave n'a permis de déceler aucune anomalie structurale de l'avion, ni aucune panne d'un moteur ou d'un système. Il n'y avait aucun signe d'interférence extérieure, comme un impact aviaire ou toute autre situation d'urgence, avant la collision avec l'immeuble.

Carburant

Six jours avant l'accident, on avait ajouté cent vingt litres de carburant aviation 100LL. Il s'agit du bon type de carburant pour cet avion, et rien d'anormal n'avait été signalé concernant la qualité du carburant de cet avion ou d'autres. Pendant l'inspection extérieure de l'avion effectuée avant le départ de Vancouver, le pilote avait purgé les puisards de carburant et utilisé une jauge à main pour vérifier la quantité de carburant

L'examen des deux robinets sélecteurs de carburant, lesquels permettent l'intercommunication entre les réservoirs carburant, n'a rien révélé d'anormal. À l'impact, les conduites carburant reliant les réservoirs principaux aux moteurs ont été endommagées et/ou cisaillées en de nombreux endroits. Avant le décollage, l'avion avait passé quelque 15 minutes en marche au sol. Un examen des instruments moteurs a permis d'établir que l'indicateur de débit carburant de droite indiquait un débit de 14,5 à 15 gallons américains par heure au moment de l'impact. Ces chiffres correspondent à un réglage de puissance plein régime de l'ordre de 2500 tr/min (2700 tr/min, maximum). L'indicateur de débit carburant de gauche n'a fourni aucun renseignement significatif.

Cellule

Toutes les gouvernes ont été récupérées. Il a été établi qu'il y avait continuité des câbles des commandes principales de tangage, de roulis et de lacet, et on n'a décelé aucune anomalie qui aurait pu empêcher un fonctionnement normal.

Le stabilisateur monobloc comporte un antiservotab fournissant une compensation en tangage. L'examen du système de commande manuel de l'antiservotab n'a permis de déceler aucune anomalie antérieure à l'accident. Le vérin à vis de l'antiservotab n'offrait aucune résistance et était facile à actionner dans les deux sens; d'après ce qui a été mesuré, le vérin était sorti environ à mi-chemin entre la position neutre et la position plein piqué, ce qui correspond au profil de vol. Lorsque le pilote automatique n'est pas embrayé, une servocommande de compensation en tangage fournit une compensation électrique générée manuellement au moyen du commutateur manuel à bascule de compensation électrique/de débrayage du pilote automatique monté sur la poignée gauche du volant du pilote. On a vérifié dans la mesure du possible le commutateur de compensation électrique et rien d'anormal n'a été découvert. Le système de commande en roulis ne comporte pas de système de compensation réglable.

La dérive s'est détachée du fuselage lors de l'impact contre la dalle de plancher du 10e étage de l'immeuble. Le gouvernail de direction est demeuré partiellement fixé au stabilisateur. On a mesuré que la sortie du vérin à vis du compensateur de direction correspondait au braquage maximal à droite du tab, ce qui équivaut à une pression sur la pédale de gauche. Le vérin à vis du compensateur de direction a subi des dommages, et il était impossible de l'actionner dans une direction comme dans l'autre. Le braquage du tab du compensateur n'est pas cohérent avec les autres données concernant le profil de vol de l'avion qui ont pu être recueillies.

Masse et centrage

On a estimé qu' au moment du décollage l'avion avait une masse d'environ 3600 livres (sa masse maximale autorisée étant de 4200 livres) et que son centre de gravité se trouvait dans les limites prescrites.

Avionique

L'avion était équipé de deux ensembles de navigation et de communication (NAV/COM Footnote 4) L'ensemble NAV/COM no 1 comportait un système de navigation global (GNS). L'ensemble NAV/COM permet de choisir quatre fréquences—une fréquence active et une fréquence en mémoire pour la NAV, ainsi qu'une fréquence active et une fréquence en mémoire pour la COM. Des quatre fréquences VHF choisies récupérées de l'ensemble no 1, seule une fréquence de navigation s'appliquait à la région de Vancouver et avait été choisie comme fréquence VOT Footnote 5 de l'aéroport international de Vancouver.

On a réglé l'ensemble NAV/COM no 2 sur la fréquence de 118,7 MHz de la tour sud (intérieure) de Vancouver; à cause des dommages, il a été impossible de déterminer la fréquence de navigation. En utilisant la fonction du GNS, le pilote avait peut-être réglé le VOR de Vancouver sur l'ensemble NAV no 1, ce qui n'aurait pas nécessité le choix d'une fréquence, ou il avait peut-être choisi de se rendre jusqu'au VOR de Vancouver en vol à vue. Le deuxième ensemble GNS monté sur le tableau de bord a été détruit, et aucune donnée n'a pu en être récupérée. Aucun des deux ensembles GNS montés à bord de l'avion n'était en mesure de stocker les données de route enregistrées.

Antécédents de l'avion en matière d'accidents et de maintenance

Le pilote avait déjà eu trois accidents avec ce même avion : un en 1979, un en 1998 et un en 2006; chacun s'était soldé par des dommages importants. On avait récemment effectué des réparations importantes à la suite de l'accident de 2006. Même si tous les dossiers de maintenance n'ont pas été fournis, l'examen de l'épave n'a permis de déceler aucun signe de rupture avant impact ni d'exécution des travaux ou d'emploi de matériaux de qualité inférieure aux normes.

Une semaine avant l'accident, l'avion avait été acheminé jusqu'à un organisme de maintenance agréé (OMA) de Transports Canada, à Vancouver, aux fins de maintenance de trois points touchant l'avionique :

Les dossiers relatifs à ces travaux de maintenance étaient complets.

On a réparé la fonction de transmission d'altitude du transpondeur, on a réinstallé l'ensemble et les tests effectués sur celui-ci ont été satisfaisants. Après l'accident, le transpondeur a subi des dommages importants; il a été impossible d'établir si le pilote avait ou non mis ce dernier en marche avant le vol. Le non fonctionnement du transpondeur n'a eu aucun effet sur l'accident, mais il a limité les données de vol enregistrées dont pouvaient disposer les enquêteurs.

L'avion était équipé d'un pilote automatique Altimatic IIIB 1 qui offre une commande en tangage et en roulis, mais pas de commande directe en lacet au moyen du gouvernail de direction ou du tab de compensation de ce dernier. Les câbles d'interconnexion des ailerons/du gouvernail de direction offraient une certaine commande indirecte sur le gouvernail de direction par la sollicitation des commandes en roulis. L'avion en question était équipé d'un commutateur de compensation à bascule qui comportait un capteur de compensation partagé avec le pilote automatique. Ce capteur commande automatiquement le fonctionnement de la servocommande de compensation en tangage lorsque la fonction de commande en tangage du pilote automatique est embrayée.

Pendant la formation périodique suivie dernièrement par le pilote et alors que l'avion était en croisière, il a été signalé que le pilote automatique avait provoqué une mise en piqué lorsque la fonction de la commande en tangage avait été embrayée, ce qui avait amené le pilote à débrayer le pilote automatique. Les travaux de maintenance n'ont permis de déceler aucune anomalie du système de tangage du pilote automatique, mais ils ont permis d'établir que l'étalonnage de la tenue d'altitude était déréglé, ce qui aurait pu provoquer les symptômes observés par le pilote. On a réétalonné la fonction de tenue d'altitude et revérifié le système de tangage, et on a établi que ce dernier était en bon état de service. Il a été impossible d'établir la position du compensateur du stabilisateur monobloc, pas plus que l'on n'a pu savoir si le commutateur électrique du compensateur en tangage avait été laissé sur ON ou sur OFF après la certification après maintenance de l'avion. Une certification après maintenance avait été signée, sous réserve d'un vol d'essai satisfaisant.

Comme le vol en question était le vol d'essai, on ignore si la réparation du pilote automatique a corrigé le symptôme signalé par le pilote. Les composants du pilote automatique et du compensateur électrique ont été examinés au Laboratoire technique du BST. Le système de commande du pilote automatique avait subi des dommages importants. Aucun indice de mauvais fonctionnement n'a été découvert parmi toutes les pièces et tous les composants qui ont pu être examinés.

Le pilote automatique est embrayé à la discrétion du pilote. Il n'est pas utilisé au décollage, et on n'a pu établir s'il avait été embrayé à un moment ou à un autre pendant le vol. Il serait inhabituel qu'un pilote mette le système en marche immédiatement après le déjaugeage dans le cadre du premier essai du système suivant des travaux de maintenance. Si le pilote automatique est embrayé et qu'un problème de tangage survient, il existe de nombreuses façons de débrayer le système, notamment par un surpassement manuel du pilote automatique. Dans le cadre de la formation périodique qu'il avait suivie, le pilote avait démontré sa capacité de surmonter le problème de pilote automatique qui avait été signalé.

Opérations aériennes

Le manuel d'utilisation du PA 34 200 décrit la procédure avant vol visant à vérifier le bon fonctionnement du système électrique de compensation en tangage. En cas de mauvais fonctionnement du compensateur électrique de tangage, la procédure à suivre consiste à débrayer ce dernier en actionnant le poussoir d'alimentation électrique de compensation en tangage situé sur le tableau de bord. En cas d'urgence, on peut également passer outre au compensateur électrique de tangage en utilisant le volant manuel de compensation en tangage. Même si une liste de vérifications avant décollage récupérée sur les lieux de l'accident ne comportait aucun point visant à rappeler au pilote de mettre en marche le commutateur d'alimentation électrique du compensateur de tangage, ce dernier est totalement fonctionnel en mode manuel.

Le manuel d'utilisation de l'avion recommande une vitesse d'envol de 85 mi/h et une vitesse de montée en croisière de 120 mi/h. Pour le décollage, le réglage de la compensation en tangage doit respecter la plage de décollage sur l'indicateur de position du compensateur de tangage. La liste de vérifications avant décollage comportait le point suivant : « TRIM (STABILATOR AND RUDDER) – SET » ([Traduction] « COMPENSATION (STABILISATEUR ET GOUVERNAIL DE DIRECTION – RÉGLÉE »). Lorsque la compensation en tangage est réglée dans la plage de décollage, il suffit de tirer légèrement sur le volant de pilotage pour que l'avion décolle, après quoi ce dernier devrait maintenir une vitesse légèrement supérieure à 85 mi/h. Sans aucune sollicitation additionnelle de la part du pilote, l'avion va essayer d'atteindre et de maintenir la vitesse pour laquelle le compensateur de tangage a été réglé, et ce, pour un réglage de puissance donné. Le réglage de la compensation en tangage pendant l'une ou l'autre des phases de vol constitue un processus visant à trouver le réglage qui permettra le maintien de la vitesse souhaitée. Le pilote peut modifier l'assiette en tangage en poussant ou en tirant physiquement sur le volant de pilotage pour modifier la vitesse, mais le réglage de la compensation en tangage libère le pilote de cet effort constant. Après le décollage, on règle la compensation en tangage à une position plus en piqué, en fonction de la vitesse de montée désirée.

On a procédé à une démonstration en utilisant le même modèle d'avion que celui dont il est question ici dans une configuration similaire de masse et centrage, afin de déterminer le comportement et les forces à exercer sur les commandes de vol lors de manoeuvres et à des vitesses semblables à celles utilisées dans le cadre du vol en question dans cet accident. Il a été établi qu'une poussée de 40 livres sur le manche était nécessaire pour accélérer d'une vitesse compensée de 120 mi/h jusqu'à 174 mi/h à la puissance de montée. Un pilote ne pourrait exercer une telle force sur le volant de pilotage, le torse penché vers l'avant, même si sa ceinture et ses bretelles de sécurité étaient complètement desserrées. Cette observation, en plus du fait que la position des sièges dans le Seneca ressemble à celle des sièges d'une voiture sport (bas par rapport au plancher, les jambes allongées vers l'avant), rend extrêmement peu probable le scénario voulant qu'un pilote frappé d'une incapacité tombe vers l'avant sur le volant de pilotage et exerce la poussée de 40 livres requise. Un réglage de compensation en piqué comme celui qui a été trouvé correspond à l'accélération (174 mi/h et plus). Il a été impossible d'établir si le réglage de compensation avait été effectué avant ou après le décollage.

Normalement, un pilote peut contrecarrer les forces exercées sur les commandes à la suite des réglages de compensation. L'effet d'une compensation en tangage commandant un piqué après un décollage, lorsqu'une montée est souhaitée, devrait obliger le pilote à maintenir physiquement une assiette en cabrage jusqu'à ce qu'il soit possible de réinitialiser la compensation manuellement ou au moyen du compensateur électrique de tangage, afin d'obtenir une compensation automatique à la vitesse souhaitée. Quelle qu'ait été la position du compensateur, le pilote a commandé la rotation de l'avion afin de le faire décoller et a entrepris la montée.

Pilote

D'après les dossiers de Transports Canada, le pilote était âgé de 82 ans et il était titulaire d'une licence canadienne de pilote privé avion accompagnée d'un certificat médical valide jusqu'au 1er octobre 2008. Il était titulaire d'une qualification de vol aux instruments dont la date d'expiration était fixée au 1er mars 2007. La période de validité du certificat médical d'un pilote privé passe de 60 à 24 mois au 40e anniversaire de naissance de ce pilote. L'article 401.05 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) et l'article 421.05 des Normes de service aérien commercial (NSAC) traitent de la mise à jour des connaissances du pilote, mais il n'existe aucune exigence réglementaire relative à une évaluation spécifique des habiletés cognitives et motrices par des tests en vol ou un examen médical périodiques des pilotes privés.

L'examen médical à des fins aéronautiques et l'électrocardiogramme le plus récents du pilote remontaient au 11 septembre 2006. Le certificat médical de celui-ci était valide et il comportait une restriction, à savoir le port de verres correcteurs. Le pilote était également titulaire d'une licence américaine de pilote privé. Son plus récent examen médical à des fins aéronautiques visant sa licence américaine remontait au 15 septembre 2006, et sa licence américaine, qui comportait la même restriction, était valide jusqu'au 1er octobre 2008.

Le carnet de vol personnel du pilote indiquait que ce dernier totalisait 5800 heures de vol, dont près de 5300 sur le Piper PA 34 200. L'avion avait subi des dommages lors d'un accident survenu en février 2006, et le pilote n'avait pas repris le pilotage avant le 31 août 2007. Les inscriptions dans le carnet indiquaient 8 heures de formation périodique sur multimoteurs depuis le 31 août 2007.

D'après divers échos relatifs au comportement du pilote, tout indique que ce dernier se sentait bien, et on a à maintes reprises affirmé qu'il était très vif d'esprit et qu'il possédait une bonne mémoire. Il aimait la vie, il avait de nombreux projets en cours et il avait hâte de recommencer à piloter, une fois les réparations terminées.

Il y a eu autopsie du pilote, mais cette dernière a été limitée en raison de l'importance des traumatismes physiques présents. On n'a décelé aucun signe de crise cardiaque. On a décelé des signes associés à de l'hypertension. Les examens toxicologiques se sont révélés négatifs, à l'exception d'une faible quantité de carboxyhémoglobine, provenant peut-être du trajet antérieur jusqu'à l'aéroport (on avait signalé une odeur d'échappement à l'intérieur du véhicule), mais elle respectait les limites normales. On n'a décelé aucune trace de médicament utilisé pour le contrôle de la glycémie. Une autopsie ne permet pas de déterminer le niveau de conscience d'une personne avant sa mort ni d'identifier toutes les causes de la mort. D'après le rapport pathologique, la mort du pilote était attribuable aux multiples traumatismes fermés causés par les forces exercées, mais il était également mentionné qu'on ne pouvait exclure la possibilité que le pilote soit décédé juste avant la collision.

Antécédents médicaux du pilote

On a tenu compte des facteurs de risque qui ont pu accroître les probabilités d'incapacité soudaine. Les dossiers médicaux personnels du pilote faisaient état d'une crise cardiaque antérieure (10 ans ou plus auparavant) et de deux maladies chroniques, à savoir un diabète de type II et de l'hypertension, dont il souffrait depuis au moins 4 et 20 ans, respectivement. En plus de l'âge et de l'obésité du pilote, ces deux maladies constituent des facteurs de risque associés au développement d'une cardiopathie ischémique Footnote 7 , et elles étaient contrôlées au moyen d'une médication orale. La médication peut masquer les symptômes de maladies existantes et, donc, en rendre l'identification peu probable dans le cadre d'un examen de routine.

En 2004, le médecin examinateur de l'aéronautique civile (MEAC) qui a procédé à l'évaluation de la condition physique du pilote de 1995 à 2006 est devenu son médecin personnel. Le pilote n'avait jamais déclaré à son médecin son diabète et son hypertension avant l'identification de nouveaux problèmes, dans le cadre de l'examen médical à des fins aéronautiques de 2006. Le pilote avait continué de piloter en solo, conformément à son certificat médical valide. Avant 1995, le MEAC du pilote n'avait pas consigné l'hypertension ni la médication, et on ignore s'il était au courant que le pilote souffrait de cette maladie.

Le Guide pour les médecins examinateurs de l'aviation civile (TP13312) de la Médecine aéronautique civile (MAC) de Transports Canada renferme des lignes directives sur les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires à mentionner sur le formulaire d'examen. La publication TP13312 stipule que la responsabilité est partagée entre le demandeur, lequel doit signaler tout symptôme, et le médecin, lequel doit procéder à un examen méticuleux et complet.

Aucun des rapports d'examen médical à des fins aéronautiques relatifs à la licence américaine ne mentionnait un nouveau problème, et l'hypertension ainsi que le diabète et les médicaments que prenait le pilote n'étaient pas signalés dans la partie remplie par ce dernier. Depuis l'an 2000, les dossiers médicaux du pilote mentionnaient deux électrocardiogramme (ECG), un en 2002 et l'autre en 2006.

Dans le cas de pilotes chez qui on diagnostique du diabète, la publication TP13312 stipule ce qui suit :

Une évaluation cardiovasculaire, incluant un électrocardiogramme à l'effort, sera exigée pour les sujets de plus de 40 ans, lesquels devront ensuite se soumettre à un examen de ce genre tous les cinq ans jusqu'à l'âge de 50 ans. Après 50 ans, ces examens devront être faits tous les deux ans. Un électrocardiogramme au repos sera exigé chaque année.

Si le pilote avait déclaré ses maladies, il aurait eu à se soumettre à un électrocardiogramme à l'effort tous les deux ans et à un électrocardiogramme au repos chaque année.

Dans le rapport du MEAC de 2006, on a signalé une nouvelle anomalie cardiaque décelée au moyen de l'ECG, et le diabète ainsi que l'hypertension ont été signalés pour la première fois sur le formulaire (après que le pilote les a eu déclarés au médecin), accompagnés d'une recommandation de tests de suivi. Le médecin régional de l'aviation civile (MRAC) de Transports Canada a rapidement pris des mesures pour s'assurer que des spécialistes enquêtent de façon plus poussée sur le problème. D'autres tests ont confirmé la détérioration du système de conduction cardiaque (le médecin avait pris des notes sporadiques qui remontaient jusqu'à 1991 concernant cette maladie) et, parmi les motifs des tests effectués en 2006, on comptait des étourdissements et des palpitations. L'un de ces tests était un examen d'effort par imagerie de perfusion nucléaire (au lieu d'une épreuve d'effort), lequel est considéré plus délicat et spécifique qu'une épreuve d'effort normale. Lors du passage en revue des résultats des tests, conformément au processus d'admissibilité de Transports Canada, on a conclu que l'état du pilote satisfaisait aux exigences de Transports Canada et on a donc validé le certificat médical du pilote.

En raison de la combinaison de l'hypertension, du diabète, de l'obésité et de l'âge ainsi que de la détérioration du système de conduction cardiaque, on ne peut écarter la possibilité d'un problème médical qui se serait traduit par une incapacité. La nature de cette incapacité peut se traduire par une perte de conscience partielle, qui peut ou non précipiter une perte totale de conscience. Au moment du passage de l'état de conscience à celui d'inconscience, il se peut que la capacité de contrôle des muscles volontaires soit altérée.

Exigences médicales envers les pilotes

Actuellement, les pilotes jouissent de privilèges que confère une licence sur laquelle figurent des conditions médicales qui les auraient disqualifiés il y a une ou deux décennies, car il existe maintenant des processus plus explicites de gestion des risques pour la sécurité associés à ces conditions. Souvent, le MEAC n'est pas le médecin personnel du candidat et il doit se fier, en grande partie, sur les renseignements fournis par le candidat. La publication TP13312 l'admet en stipulant ce qui suit :

Sans être foncièrement malhonnêtes, les membres du personnel de l'aviation n'ont pas l'habitude de fournir volontiers des renseignements qui pourraient avoir une incidence sur leur classement médical.

À l'occasion, le MEAC ou le MRAC de Transports Canada peuvent souhaiter passer en revue les dossiers médicaux antérieurs concernant un problème en particulier, mais ils ne peuvent obtenir tous les documents médicaux d'un candidat sans la permission écrite Footnote 8 de ce dernier, lequel peut refuser de la fournir. Le paragraphe 404.04(3) du RAC donne à Transports Canada l'autorité de demander tout renseignement médical additionnel nécessaire pour déterminer si le titulaire continue de satisfaire aux exigences relatives à l'état de santé figurant dans les normes de délivrance de licences au personnel et pour suspendre ou refuser de renouveler le certificat médical du titulaire, si ce dernier ne se conforme pas à sa demande. Ce paragraphe nécessite cependant que le MEAC avise Transports Canada de la nécessité d'une étude additionnelle.

Pour la période s'échelonnant du 1er janvier 1976 au 31 octobre 2008, la base de données du BST fait état de 272 incidents dans lesquels on a identifié une condition médicale ou un problème incapacitant comme facteur contributif. De ces 272 incidents, au moins 25 % (68 incidents) mettaient en question des pilotes titulaires d'une licence de pilote privé et 40 % (109 incidents) ont fait des morts. 13 % (35 incidents) mettaient en question des problèmes cardiovasculaires, dont 80 % (28 incidents) ont fait des morts. Pour les 35 incidents qui ont mis en question des problèmes cardiovasculaires, on avait consigné l'âge d'environ la moitié des pilotes, et la moyenne d'âge de ces derniers était de 55 ans. D'après des statistiques fournies par Transports Canada, en 1998, il y avait 2290 personnes âgées de plus de 65 ans qui étaient titulaires d'une licence canadienne de pilote privé valide pour les aéronefs à voilure fixe ou tournante. En 2008, alors que le nombre total de pilotes privés avait diminué de 3 %, le nombre de pilotes privés âgés de 65 ans et plus avait augmenté de 48 %, passant à 3380. De ce nombre, 88 étaient âgés de plus de 75 ans.

Le formulaire du Rapport d'examen médical de l'aviation civile de Transports Canada comporte un tableau (voir la figure 2) que l'examinateur peut utiliser pour signaler six facteurs de risque de maladies cardiovasculaires. Cependant, l'utilisation de ce tableau est volontaire et aucune directive explicite n'est fournie concernant la signification de la présence ou de l'absence de coches dans ce tableau. En 2006, le pilote répondait aux critères relatifs à trois de ces facteurs. Il n'en était fait aucune mention dans ce tableau; deux étaient mentionnés pour la première fois dans d'autres parties du formulaire. Ce tableau n'inclut pas l'âge comme facteur de risque de maladies cardiovasculaires, et l'âge n'est mentionné nulle part ailleurs sur ce formulaire, si ce n'est que l'on demande au candidat d'y inscrire sa date de naissance. Même si le tableau comporte une case réservée à l'inscription de toute information disponible à cet effet, les documents d'orientation ne renferment pas d'exigence en matière de vérification des lipides sériques.

Figure 2. Facteurs de risque de maladies
cardiovasculaires
Figure of Facteurs de risque de maladies <br>cardiovasculaires

L'âge constitue une préoccupation principale en matière d'évaluation du risque de maladies cardiovasculaires, comme le mentionnent les nombreuses références figurant dans la publication TP13312 de Transports Canada, laquelle fournit aux MEAC et aux MRAC des lignes directrices et est rédigée et appliquée de manière à soutenir le point de vue médical que Transports Canada considère être un aspect essentiel du processus d'évaluation de l'état de santé du pilote. Cette publication renferme un tableau comportant les facteurs de risque liés à l'âge (jusqu'à 74 ans), mais seulement dans une partie concernant les taux de cholestérol. La publication TP13312 ne comporte pas de lignes directrices concernant l'âge en fonction de l'ensemble des facteurs médicaux pertinents visant à établir si un pilote est apte ou non.

La publication TP13312 stipule ce qui suit :

Comme la prévalence des cardiopathies ischémiques augmente avec l'âge, l'utilité de l'électrocardiographie systématique croît après l'âge de 50 ans et en présence d'importants facteurs de risque de cardiopathies ischémiques. Les recommandations actuelles en ce qui concerne l'électrocardiographie systématique, qui établissent la fréquence des tests en fonction de l'âge, sont jugées adéquates. Comparativement à l'électrocardiographie au repos, l'électrocardiographie à l'effort accroît la probabilité de détection d'une coronaropathie. Le nombre de vrais résultats positifs augmente considérablement si l'on ne fait passer ces tests qu'aux sujets qui risquent le plus d'être atteints d'une coronaropathie, par exemple ceux qui présentent des symptômes d'angine, ceux qui présentent d'importants facteurs de risque et ceux qui appartiennent à des groupes plus âgés.

L'âge avancé est l'un des facteurs de risque associés à l'incapacité médicale. Étant donné le débat qui a eu lieu ces dernières années aux États Unis concernant le passage de l'âge de la retraite des pilotes professionnels de 60 à 65 ans Footnote 9, la majorité des études scientifiques sur les incapacités des pilotes ont été axées sur les pilotes professionnels en équipage multiple de moins de 70 ans.

L'importance de l'incapacité cardiovasculaire en tant que facteur menaçant la sécurité aérienne chez les pilotes professionnels de plus de 70 ans est moins claire. Les lignes directrices en vigueur fournies aux médecins examinateurs médicaux de Transports Canada concernant les risques médicaux reliés à l'âge se limitent aux pilotes de moins de 74 ans et sont axées uniquement sur les incidents cardiovasculaires plutôt que sur des facteurs de sécurité critiques additionnels, comme les incidents neurologiques aigus et la détérioration des performances cognitives.

Avec l'âge, au fur et à mesure que se détériorent leurs processus cognitifs, les personnes du troisième âge deviennent moins en mesure de répartir leur attention entre les sous tâches et de laisser les diverses étapes de traitement de l'information se recouper sans à-coup. On a décelé des déficits cognitifs spécifiquement liés à l'âge dans le cadre de tâches complexes, de répartition de l'attention et de tâches multiples. Des recherches ont démontré qu'il y avait détérioration importante du fonctionnement du lobe frontal avec l'âge, ce qui se traduit par une diminution du contrôle d'exécution ainsi que par l'affaiblissement des stratégies de contrôle de l'attention et de la coordination des tâches multiples Footnote 10,Footnote 11.

Analyse

L'identification des facteurs qui ont contribué à cet accident a été gênée par l'importance de la destruction de l'avion et par le peu de renseignements consignés. On a envisagé trois scénarios d'accident possibles : un acte délibéré, un problème d'équipement suivi d'une réaction du pilote et, enfin, une incapacité du pilote. Ces trois scénarios sont analysés ci dessous.

Premier scénario – Acte délibéré

Le premier scénario veut que le pilote ait délibérément dirigé l'avion sur l'immeuble. Le comportement du pilote, les projets en cours qu'il avait, sa préoccupation envers le bon fonctionnement des systèmes de l'avion et l'attention qu'il avait apportée à la préparation de l'avion pour ce vol ne cadrent pas avec un tel scénario. L'enquête du BST n'a permis de découvrir aucun indice menant à la conclusion qu'il y avait eu geste délibéré pour mettre l'avion, ou quiconque, en danger.

Deuxième scénario – Problème d'équipement et réaction du pilote

Le deuxième scénario veut que le pilote ait été incapable de régler un problème lié à l'avion ou à sa configuration pendant ce vol de courte durée. On a examiné plusieurs systèmes de l'avion qui auraient pu avoir un effet sur les performances de ce dernier pendant le vol, et tous les problèmes potentiels qu'auraient pu subir ces systèmes ont été écartés, sauf deux, laissant planer le doute sur une anomalie électrique du pilote automatique ou sur une anomalie du compensateur électrique de tangage.

Comme il s'agissait du premier vol après des travaux de maintenance sur le dispositif de commande en tangage du pilote automatique, il aurait été inhabituel que le pilote automatique soit embrayé à une altitude aussi faible, notamment en raison de la nature de la plainte originale. Les dommages causés aux composants ont empêché que l'on procède à des essais complets de ces systèmes après l'accident, mais dans la mesure où on a pu les examiner, on n'y a décelé aucune anomalie.

Après l'accident, on a trouvé l'antiservotab de compensation du stabilisateur monobloc dans une position de piqué modéré alors que le compensateur du gouvernail de direction était braqué à fond à droite (sollicitation du gouvernail de direction vers la gauche). Il a été impossible d'établir si le réglage de la compensation avait été effectué avant ou après le décollage. Il se peut que le pilote ait par mégarde omis le point de la liste de vérifications concernant la vérification et le réglage de l'un ou l'autre des compensateurs, ou des deux, avant le décollage. Une compensation en piqué aurait obligé le pilote à tirer davantage sur le volant de pilotage pour commander la rotation de l'avion pendant la course au décollage et pourrait expliquer la vitesse de beaucoup supérieure à la vitesse normale au moment du survol de l'extrémité départ de la piste. Il a été impossible d'établir si le commutateur électrique du compensateur en tangage était su ON ou sur OFF. Aucun point dans la liste de vérifications avant décollage n'était prévu pour rappeler au pilote de mettre le compensateur électrique sur ON. Si ce dernier était sur OFF, pour recouvrer la fonction de compensation électrique en tangage, il aurait fallu que le pilote le remettre sur ON ou qu'il utilise le volant manuel de compensation pour régler la compensation en tangage. S'il y avait eu emballement en vol du compensateur électrique de tangage, on aurait pu s'attendre à ce que la course de ce dernier atteigne sa limite (position plein piqué), à moins que l'intervention du pilote ne limite cette course.

Le pilote avait une expérience et un niveau de compétence qui auraient dû lui suffire pour passer outre à de tels problèmes, et il avait démontré précédemment sa capacité à composer en altitude avec le fonctionnement défectueux de la commande de tangage d'un pilote automatique dans le cadre de sa formation périodique. On a envisagé la possibilité que la détérioration des performances cognitives du pilote ait pu altérer sa capacité d'identifier, de diagnostiquer et de corriger une anomalie intempestive du compensateur de tangage ou du compensateur du gouvernail de direction pendant qu'il contrôlait l'assiette de l'avion, peu après le décollage et avant la collision avec l'immeuble. Cependant, dans le cadre de l'enquête, aucun symptôme de diminution des fonctions cognitives du pilote n'a été mis en évidence.

L'enquête a donc permis de conclure qu'il était peu probable qu'il y ait eu mauvais fonctionnement d'un système que le pilote ne serait pas arrivé à surmonter facilement.

Troisième scénario – Incapacité du pilote

Le troisième scénario d'accident veut qu'il y ait possibilité qu'un incident médical aigu se soit traduit par une incapacité du pilote. On a décelé chez le pilote plusieurs facteurs de risque de maladies cardiovasculaires, ce qui rend possible une décompensation cardiovasculaire aiguë. Une possibilité toute aussi plausible est un incident neurologique aigu (comme une crise ou un accident vasculaire cérébral). L'examen médical de routine n'a permis de déceler aucune déficience des processus cognitifs ni des autres fonctions neurologiques; on n'a donc procédé à aucun test additionnel.

Les sons normaux et forts produits par les moteurs indiquaient un fonctionnement normal des moteurs et des hélices, ce que l'examen après accident a permis de confirmer. La puissance motrice élevée générée par les deux moteurs aurait contribué à la réduction de l'angle de descente. Un pilote conscient aurait probablement déployé des efforts pour corriger la descente, pour effectuer des manoeuvres d'éloignement de l'immeuble ou pour communiquer avec les services de la circulation aérienne.

Il a été démontré qu'il est extrêmement peu probable qu'un pilote inconscient se soit effondré sur le volant de pilotage et ait causé la perte de maîtrise qui s'est traduite par cette descente non contrôlée. Donc, le passage d'une montée à une descente en raison de l'inconscience peut résulter de deux situations possibles : une incapacité du pilote à maintenir la sollicitation d'une commande prioritaire en réaction à une compensation erronée en tangage, ou un scénario moins probable selon lequel le pilote actionne de façon autonome la commande électrique de compensation en tangage pendant son passage à l'inconscience. Dans un cas comme dans l'autre, le résultat a été l'accélération de l'avion pendant une descente parce que ce dernier n'avait pas atteint la vitesse correspondant à la position de compensation en tangage. On n'a pas réussi à corriger le réglage erroné de compensation en tangage et, avant que l'avion ne puisse atteindre la vitesse correspondante et se stabiliser ou se remettre à monter, il est descendu au dessous de la hauteur de l'immeuble et il est entré en collision avec ce dernier.

Le pilote présentait des facteurs de risque de maladie préexistants, ce qui rend possible qu'il ait souffert d'un problème médical aigu qui s'est traduit par une incapacité et une perte de maîtrise de l'avion. L'enquête a permis de conclure qu'il s'agit là du scénario le plus plausible.

Examens médicaux

Avant 2006, aucun des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires du pilote ni des médicaments qu'il prenait ne figurait sur les rapports des médecins examinateurs de l'aéronautique civile (MEAC), car le pilote n'avait pas révélé ces maladies dont les symptômes avaient été masqués par la médication. Le pilote n'avait non plus signalé ces maladies sur aucun de ses formulaires de rapports d'examen médical à des fins aéronautiques propres à sa licence américaine. Cependant, une fois qu'il a eu révélé ces maladies, on a procédé à d'autres tests médicaux, et aucune observation médicale n'a alors empêché la délivrance par Transports Canada d'un certificat médical sans restriction.

La non divulgation de symptômes médicaux ou de maladies chroniques aux MEAC élimine certains avantages en matière de sécurité que confèrent les examens et peut causer un risque d'incapacité en vol. La loi actuelle donne à Transports Canada (MAC) l'autorité et les moyens d'obtenir tout renseignement médical additionnel nécessaire pour enquêter sur toutes les maladies suspectes lorsque des signes pertinents indiquent qu'il est nécessaire de le faire. Cependant, lorsqu'il n'existe aucun motif élémentaire de le faire parce qu'un pilote n'a déclaré aucune maladie à ses MEAC, il y a accroissement des risques pour la sécurité du public.

Une comparaison entre les renseignements que connaissait le MEAC et ceux qui figuraient de façon formelle dans le tableau des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires du formulaire du Rapport d'examen médical de l'aviation civile de Transports Canada démontre deux problèmes potentiels. Premièrement, le tableau des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires n'a pas été utilisé et, deuxièmement, les lignes directrices concernant ce tableau figurant dans la publication TP13312 ne conviennent pas pour en assurer l'utilité comme outil de gestion des risques. Étant donné que remplir le tableau des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires du formulaire du Rapport d'examen médical de l'aviation civile de Transports Canada est volontaire et que la signification de la présence ou de l'absence d'une coche dans une case n'est pas définie, il existe un risque que ces renseignements ne soient ni consignés ni utilisés de façon efficace dans le cadre de l'examen médical.

De plus, la dernière mise à jour des lignes directrices en vigueur figurant dans la publication TP13312 sur l'évaluation des facteurs de risque des maladies cardiovasculaires remonte à 2003 et se fonde sur les renseignements échangés dans le cadre d'un atelier Footnote 12 qui s'est tenu en 2001. Même si les lignes directrices peuvent suffire pour guider les examinateurs dans leur évaluation du risque de maladies cardiovasculaires, il y a eu depuis 2001 une évolution importante quant à la compréhension de l'athérosclérose coronarienne. De plus, les lignes directrices figurant dans la publication TP13312 ne traitent pas de tout l'ensemble des maladies sur lesquelles l'âge peut avoir un effet, comme les variations en matière de performances neurologiques et cognitives. Bien que les médecins utilisent différents moyens pour maintenir leurs compétences à jour et adapter leur façon de procéder en conséquence, l'amélioration des lignes directrices figurant dans la publication TP13312 pourrait réduire les risques associés aux différentes décisions individuelles faisant appel au jugement.

Collecte de données

On a perdu l'occasion de rassembler de précieuses données concernant la trajectoire de vol de l'avion parce qu'aucun des deux ensembles GNS montés à bord de l'avion n'était en mesure de stocker les données de route enregistrées. Le Bureau demeure préoccupé Footnote 13 du fait que les fabricants et les concepteurs d'équipement renfermant des dispositifs à mémoire ne semblent pas envisager une utilisation possible de ces derniers à des fins d'enquête sur les accidents.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote présentait des facteurs de risque de maladie préexistants, d'où la possibilité qu'il ait souffert d'un problème médical aigu qui s'est traduit par une incapacité et une perte de maîtrise de l'avion.
  2. À cause du réglage inapproprié de la compensation en tangage, l'avion a accéléré en descendant au dessous de la hauteur de l'immeuble et il est entré en collision avec ce dernier.

Faits établis quant aux risques

  1. La non divulgation de symptômes médicaux ou de maladies chroniques aux médecins examinateurs de l'aéronautique civile (MEAC) élimine certains avantages en matière de sécurité que confèrent les examens et elle peut causer un risque d'incapacité en vol et, par voie de conséquence, un risque pour la sécurité du public.
  2. La publication TP13312 ne traite pas de tout l'ensemble des maladies sur lesquelles l'âge peut avoir un effet, elle n'inclut pas les avancées importantes effectuées depuis 2001 et elle ne s'applique pas aux personnes âgées de plus de 74 ans. Les lignes directrices qu'elle renferme sont donc limitées quant à l'aide qu'elles peuvent apporter aux MEAC pour découvrir tous les pilotes présentant des facteurs de risque médicaux liés à l'âge.

Autres faits établis

  1. Rien ne laisse croire que le pilote a délibérément dirigé l'avion sur l'immeuble.
  2. Les fabricants et les concepteurs d'équipement renfermant des dispositifs à mémoire ne semblent pas envisager une utilisation possible de ces derniers à des fins d'enquête sur les accidents.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .