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Rapport d'enquête aéronautique A07Q0063

Perte de contrôle et collision avec le sol
du Piper PA31-350 C-FTIW
exploité par Aéropro
au Grand lac Germain (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Piper PA31-350 immatriculé C-FTIW (numéro de série 31-7752123) exploité par Aéropro effectue un vol selon les règles de vol à vue (VFR) entre Sept-Îles (Québec) et Wabush (Terre-Neuve-et-Labrador). Le pilote, seul à bord, décolle vers 6 h 30, heure avancée de l'Est. Peu avant 7 h, l'appareil bifurque de sa route pour se rendre au Grand lac Germain afin de survoler le chalet d'amis. Vers 7 h, l'avion survole la baie sud-est du Grand lac Germain. Le pilote effectue un deuxième survol. L'appareil se dirige en direction nord-est avant de disparaître derrière les arbres. Quelques secondes plus tard, le bimoteur s'écrase sur la surface gelée du lac. Le pilote subit des blessures mortelles; l'avion est détruit par le choc.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Environ une semaine avant l'accident, le pilote avait prévu survoler le chalet d'amis situé au Grand lac Germain (Québec) si l'occasion se présentait. Vers 22 h, heure avancée de l'Est (HAE)Footnote 1, la veille de l'accident, la compagnie avise le pilote qu'il doit effectuer un vol d'évacuation médicale (MEDEVAC) le lendemain matin.

L'appareil doit se rendre à Wabush (Terre-Neuve-et-Labrador) pour ramener un patient ambulant et un passager à Sept-Îles. Vers 5 h, le pilote arrive au bureau de la compagnie à l'aéroport de Sept-Îles (Québec) pour effectuer la visite extérieure de l'avion et sa préparation de vol. À 6 h 1, le pilote dépose un plan de vol selon les règles de vol à vue (VFR) qui indique qu'il prévoit décoller à 6 h 30 pour effectuer un vol direct vers Wabush à une altitude de 5500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). À 6 h 30, le pilote, seul à bord, décolle comme prévu puis emprunte un cap direct vers sa destination. Le vent est calme, le ciel est clair, la visibilité est de 30 milles et la température extérieure est de moins 13 °C.

À 6 h 35, le pilote s'annonce à cinq milles au nord de l'aéroport à 2200 pieds en montée pour 5500 pieds. C'est la dernière communication reçue du pilote. À 6 h 37, les données radar indiquent que l'avion est en direction de Wabush en palier à 3500 pieds ASL. L'appareil disparaît de l'écran radar à 6 h 47. Vers 7 h, le bimoteur arrive au Grand lac Germain situé à environ 60 milles au nord de Sept-Îles, à 107 milles au sud de Wabush et à quelque 9 milles à l'ouest de la route prévue.

L'appareil survole les lieux deux fois. Personne n'observe le premier survol. Lors du deuxième survol, des témoins observent l'appareil sur un cap au nord-est suivre le relief descendant de la rive sud de la baie et passer à environ 500 pieds à l'est du chalet. Une fois au-dessus du lac, l'avion interrompt sa descente à une hauteur d'environ 100 à 300 pieds. La vitesse de l'avion n'a pu être évaluée. Le train d'atterrissage est rentré et on ne remarque aucune anomalie. Le bruit des moteurs semble constant et normal.

Au-dessus de la rive nord de la baie, l'appareil amorce une légère remontée suivi d'une forte inclinaison avant de disparaître derrière les arbres. L'appareil suit plus ou moins la rive ouest du lac en éloignement du chalet. Un bruit d'impact retentit dans les secondes qui suivent. Quelques minutes plus tard, l'appareil est retrouvé disloqué sur la surface gelée du lac.

Le pilote

Le pilote avait commencé à voler sur PA31 pour le compte d'Aéropro en mars 2006. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnelle valide, délivrée en juin 1994 et d'une qualification de vol aux instruments du groupe 1. L'examen du carnet de vol du pilote ainsi que l'examen des dossiers de Transports Canada et de ceux de l'exploitant ont permis d'établir que le pilote avait effectué quelque 790 heures de vol sur PA-31. Il totalisait environ 5475 heures de vol, dont 90 heures dans les 30 jours ayant précédé l'accident. Le pilote était considéré par ses confrères et par les pilotes d'entraînement comme un pilote compétent et professionnel.

Au jour de l'accident, le pilote était basé à Sept-Îles. Son dernier vol avait eu lieu le 30 mars 2007. La veille de l'accident, le pilote s'est levé vers 7 h; il a passé la journée à faire des activités familiales et s'est couché vers 22 h 30. Le jour de l'accident, il s'est levé vers 4 h 30 et a quitté la maison pour se rendre au bureau de la compagnie.

Selon le manuel d'exploitation de la compagnie, les pilotes doivent informer le gestionnaire des opérations du nombre d'heures de vol effectué. Le gestionnaire des opérations doit s'assurer que les horaires des pilotes respectent la réglementation concernant les temps de vol et les temps de service de vol conformément à l'article 700.15 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Étant donné que Transports Canada avait délivré une spécification d'exploitation à la compagnie pour accroître les limites de temps de vol, la compagnie devait s'assurer que les pilotes ne dépassent pas les temps spécifiés à l'article 720.15.

Au moment de l'accident, la dernière mise à jour du formulaire servant à consigner le temps de vol, le temps de service et les périodes de repos du pilote avait été effectuée le 23 février 2007. Afin de déterminer le temps de vol du pilote du 23 février 2007 jusqu'au jour de l'accident, les carnets de route des aéronefs exploités par la compagnie ont été utilisés. Le calcul des heures de vol du pilote indique qu'il n'a pas dépassé les limites prescrites dans l'article 720.15 du RAC. Selon l'information recueillie, rien n'indique que la fatigue ait été un facteur dans l'accident. Les analyses toxicologiques n'ont révélé la présence d'aucune drogue courante. Selon le rapport d'autopsie, le pilote est décédé des suites de l'accident.

L'appareil

Le Piper PA31-350 est un bimoteur à aile basse pouvant transporter deux pilotes et jusqu'à huit passagers, selon sa configuration. L'appareil était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La dernière inspection remontait au 29 mars 2007. Le cylindre numéro 2 du moteur gauche avait été remplacé. Au moment de l'accident, l'avion ne présentait aucun point d'entretien différé. Aucune anomalie n'avait été signalée ou consignée dans le carnet de bord de l'appareil. Le pilote qui a utilisé l'appareil la veille de l'accident n'a signalé aucun problème particulier.

L'appareil était équipé pour le vol aux instruments et doté d'un pilote automatique et d'un altimètre radar. L'avion n'était pas équipé d'un enregistreur de vol (FDR) ni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR); la réglementation en vigueur ne l'exigeait pas.

L'appareil avait été modifié pour faire passer de 7000 à 7368 livres la masse maximale autorisée au décollage. La modification pour Super Chieftain de Boundary Layer Research Inc. (certificat de type supplémentaire ou Supplemental Type Certificate [STC] SA00192SE) consistait à installer quatre lisses sur les nacelles moteur et 88 générateurs de tourbillons sur les ailes et sur la dérive. Les générateurs de tourbillons améliorent les caractéristiques de décrochage et réduisent la vitesse de décrochage d'environ 8 nœuds en permettant de contrôler la couche limite.

Décrochage

La vitesse de décrochage de l'appareil à sa masse estimée au moment de l'accident, soit 5800 livres, est de 67 nœuds lorsque les ailes sont à l'horizontale, avec traction nulle et volets rentrés. La masse de l'appareil et le facteur de charge influent sur la vitesse de décrochage. Par exemple, en virage le facteur de charge augmente selon l'angle d'inclinaison. Par conséquent, plus l'inclinaison est grande plus l'appareil décrochera à une vitesse élevée (voir le Tableau 1). De plus, pour maintenir une altitude constante dans un virage sans augmenter la puissance, il faut sacrifier une partie de la vitesse. Pendant un virage en montée, l'aile extérieure (l'aile haute) sera la première à décrocher et à s'enfoncer. Le constructeur ainsi que le propriétaire du STC précisent que la perte maximale d'altitude lors d'une sortie de décrochage est de 500 pieds.

Tableau 1. Vitesse de décrochage sans puissance avec générateurs de tourbillons

Masse brute 5800 livres Angle d'inclinaison
30° 40° 50° 60° 70°
Vitesse de décrochage en nœuds 67 nœuds 72 nœuds 77 nœuds 83 nœuds 95 nœuds 115 nœuds

Des gouvernes molles (une perte d'efficacité), une vibration affectant la cellule de l'avion et le déclenchement de l'avertisseur de décrochage permettent de détecter l'approche du décrochage. Le pilote doit diminuer l'angle d'attaque et minimiser la perte d'altitude. Pour cela il doit mettre pleins gaz et adopter une assiette voisine de l'assiette de croisière.

Le système avertisseur de décrochage de l'avion comprend une palette de détecteur d'angle d'attaque et une plaque de fixation située sur le bord d'attaque de l'aile droite. Le détecteur peut se déplacer de haut en bas à l'intérieur de la plaque de fixation dans laquelle il est monté. La pression aérodynamique qui s'exerce sur la palette varie selon l'angle d'attaque de l'aile. Lorsque l'angle d'attaque approche de l'angle de décrochage, la palette change de position, et le capteur envoie un signal qui déclenche le klaxon de l'avertisseur de décrochage dans le poste de pilotage, 4 à 10 nœuds avant le décrochage.

La liste de vérification extérieure du manuel d'utilisation de l'avion ne requiert pas la vérification de fonctionnement de l'avertisseur de décrochage. L'enquête a révélé que les pilotes de la compagnie ne vérifiaient pas systématiquement le fonctionnement de l'avertisseur.

La compagnie

Les activités de la compagnie sont régies par l'article 703, Exploitation d'un taxi aérien, et par l'article 704, Exploitation d'un service aérien de navette, du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Le siège social d'Aéropro est situé à Québec (Québec). La compagnie possède des bases auxiliaires à Saint-Hubert et à Sept-Îles. Le C-FTIW était exploité à partir de Sept-Îles. Au moment des faits, Aéropro exploitait une flotte d'environ 14 appareils (Cessna 310, Cessna 337, Piper Navajo, Beech King Air 90, Beech King Air 100 et Embraer 110).

Aéropro utilise un système de régulation des vols par les pilotes. La préparation de vol, la planification et l'exécution du vol sont sous l'entière responsabilité du pilote. Le pilote doit s'assurer que le déroulement du vol est conforme à la réglementation en vigueur et aux procédures de la compagnie publiées dans le manuel d'exploitation de la compagnie. Selon le manuel d'exploitation de la compagnie, le commandant de bord est responsable de la surveillance du vol. Le commandant de bord doit aviser la personne qui a autorisé le vol ou la personne qualifiée en service, dès qu'un changement est apporté à l'itinéraire ou à l'horaire. La compagnie n'a aucune exigence particulière établie pour les vols MEDEVAC. Toutefois, Aéropro utilisait deux pilotes pour les vols MEDEVAC pour faciliter l'embarquement des patients. Comme il n'y avait aucune exigence à cet effet, la présence d'un copilote à bord était laissée à la discrétion du commandant de bord. Le pilote n'a pas pu entrer en communication avec un autre pilote avant le vol pour une raison qui n'a pas été déterminée; il a décidé d'effectuer le vol de son propre chef. Le pilote n'a pas avisé la compagnie qu'il allait effectuer le vol seul. Lorsque l'appareil a été porté manquant, la compagnie a avisé le centre de recherche et sauvetage qu'il y avait deux pilotes à bord étant donné que l'avion effectuait un vol MEDEVAC.

Site de l'accident

L'avion s'est écrasé sur la surface gelée du Grand lac Germain dans la baie sud-est située à une altitude de 1780 pieds ASL. L'avion a percuté la surface gelée du lac à 525 pieds à l'est de la rive qu'il survolait et à 275 pieds à l'ouest d'une île située au centre de la baie. Le bimoteur s'est écrasé à environ 2300 pieds au nord-est du chalet et 1600 pieds après avoir disparu derrière les arbres. L'appareil a traversé la première couche de glace d'une épaisseur d'environ deux pouces puis a rebondi au contact de la deuxième couche de glace. L'impact a laissé un cratère de 30 pieds de circonférence.

Photo 1. Vue aérienne du site de l'accident
Photo of Vue aérienne du site de l'accident

L'avion a heurté la surface gelée avec un cap au 117°M, soit 14° par rapport à la trajectoire de désintégration. L'analyse photogrammétrique du cratère a permis d'établir que l'avion a percuté la surface gelée du lac légèrement incliné vers la droite avec le nez légèrement cabré. La pente de la trajectoire de vol était d'environ 18° en descente.

Le soleil par rapport au point d'impact était au 115°M et à 8° au-dessus de l'horizon.

L'épave

L'épave a été examinée dans la mesure du possible. L'appareil s'est disloqué en plusieurs morceaux. La trajectoire de désintégration est orientée au cap 103°M. Les débris étaient répartis sur une distance d'environ 250 pieds et sur une largeur moyenne de 40 pieds. Les saumons d'aile gisaient à 50 pieds du point d'impact. Le toit de la cabine a été entièrement arraché. Le poste de pilotage et la cabine ont été si endommagés par le choc que l'espace vital a été pratiquement réduit à néant. L'accident n'offrait aucune chance de survie.

Le train d'atterrissage était rentré. Les deux moteurs se sont détachés de l'avion sous la force de l'impact. L'examen des hélices a permis de déterminer qu'au moment de l'impact les hélices se trouvaient dans la plage petit pas, ce qui correspond à une puissance de croisière. On a également conclu que les moteurs affichaient le même régime. Toutefois, il n'a pas été possible de déterminer le régime exact des moteurs.

Les deux vérins des volets ont été examinés au Laboratoire technique du BST et l'examen a confirmé qu'ils étaient en position rentrée lors de l'impact. On a relevé les empreintes d'aiguille produites sur les cadrans des deux indicateurs de vitesse et d'un variomètre au moment de l'impact. Ces empreintes indiquent que les deux indicateurs de vitesse affichaient une vitesse de 67 nœuds et que le variomètre affichait un taux de descente de 1900 pieds par minute.

Le bout de l'aile droite présentait un enfoncement important (marque d'environ cinq pouces de diamètre). Aucun résidu n'a été retrouvé dans l'empreinte ou à l'intérieur de l'aile permettant d'identifier l'objet heurté. L'empreinte d'une pale a été observée dans l'enfoncement. L'enquête n'a pas permis de déterminer si l'aile droite avait heurté un arbre en vol ou tout autre objet lors de la séquence de désintégration. La possibilité d'un impact aviaire a été exclue en raison de l'absence de restes d'oiseaux.

Il a été impossible d'établir la continuité des commandes de vol au moment de l'accident à cause de l'étendue des dommages attribués à l'impact. Toutefois, aucun des composants examinés n'a révélé une anomalie qui aurait pu gêner la maîtrise de l'appareil. Aucun signe d'incendie en vol n'a été observé.

La console du système carburant a été récupérée et envoyée au Laboratoire technique du BST pour fins d'analyse. Le sélecteur de réservoir du carburant du moteur gauche a été trouvé en position fermée; l'examen a révélé que le sélecteur se déplaçait librement. Normalement, le levier doit être levé pour permettre son déplacement. De plus, le filament à incandescence du voyant lumineux a été trouvé intact, ce qui signifie qu'il n'était pas allumé au moment de l'impact et que les deux moteurs étaient alimentés en carburant.

Exigences relatives à la marge de franchissement d'obstacles en vol VFR

L'exploitation du PA31 d'Aéropro était assujettie à la sous-partie 3 de la partie VII du RAC. L'article 703.27 du RAC exige que les compagnies visées par l'article 703 et qui effectuent des vols VFR de jour exécutent ces vols à au moins 300 pieds au-dessus du niveau du sol (AGL) ou à une distance inférieure à 300 pieds de tout obstacle, mesurée horizontalement. Au moment de l'accident, le manuel d'exploitation de la compagnie Aéropro ne tenait pas compte des conditions restrictives imposées aux vols VFR de jour par l'article 703.27 du RAC.

Illusion créée par le vol à basse altitude

Pendant le vol aux altitudes normales, la vitesse de l'avion par rapport au sol semble relativement lente. La proximité du sol tend à capter l'attention du pilote et à donner l'illusion d'augmentation de la vitesse par rapport au sol, au point où le pilote peut être tenté de réduire la vitesse.

Analyse

Rien n'indique que la météo ait joué un rôle dans l'accident.

Il n'a pas été possible de déterminer avec exactitude la trajectoire de vol du C-FTIW. Toutefois, l'information disponible a permis d'établir que l'appareil volait en direction nord-est à une altitude située entre 100 et 300 pieds avant d'amorcer une remontée et un virage à droite. Quelques secondes plus tard, l'appareil a décroché et s'est écrasé à environ 600 pieds plus loin, dans une assiette légèrement cabrée et faiblement inclinée à droite.

L'information recueillie n'a pas permis d'établir de quel côté l'appareil s'est incliné avant de s'écraser. L'analyse des données a permis de clarifier cette ambiguïté. Si l'appareil avait été fortement incliné à gauche, les forces aérodynamiques auraient précipité l'appareil à gauche de sa trajectoire, soit à l'ouest du lac, et l'avion se serait écrasé dans les arbres. L'assiette de l'aéronef au moment de l'impact et les marques au sol indiquent que les forces agissant sur l'avion étaient dirigées vers la droite. Pour cette raison, on a conclu que l'appareil était incliné à droite avant de disparaître derrière les arbres. En conséquence, il est raisonnable de penser que le pilote a effectué un virage à droite au terme du passage à basse altitude pour se rendre à Wabush.

L'appareil

Il est possible qu'un ennui mécanique non déterminé ait pu augmenter la charge de travail du pilote et le distraire avant l'impact. Cependant, l'examen des dossiers de maintenance de l'appareil et les indices matériels relevés sur le site de l'accident permettent de penser que l'accident n'a pas été causé par une défaillance mécanique. L'examen des hélices a permis de constater qu'elles étaient entraînées par les moteurs et qu'elles tournaient à la même vitesse. Comme les volets étaient rentrés, on a conclu que l'appareil n'avait pas subi un problème d'asymétrie des volets. Aucune anomalie n'a été observée par les témoins ou notée lors des vols précédents qui aurait pu causer une perte de contrôle.

Les ailes et la dérive étaient équipées de générateurs de tourbillons en accord avec le STC SA00192SE. Cette modification changeait les caractéristiques de portance de l'aile en augmentant l'angle d'attaque de décrochage. Afin de déterminer les effets des générateurs de tourbillons sur l'angle d'attaque de décrochage, il a été nécessaire de comparer les ailes modifiées avec les ailes originales. Les résultats ont démontré qu'il existait une différence de l'angle d'attaque de décrochage d'environ 2 degrés. Cette différence n'a pas eu un effet déterminant sur les conditions de portance durant cet événement et on peut conclure que l'appareil était en décrochage au moment de l'impact.

Marge de franchissement d'obstacles

Il n'a pas été possible de déterminer avec précision l'altitude de l'appareil lors du deuxième survol des lieux. Toutefois, il est possible que l'appareil ait volé à une altitude inférieure à la marge minimale de franchissement d'obstacles avant de décrocher. Pour prévenir les accidents CFITFootnote 2, le RAC exige que les vols commerciaux exploités en vertu de la partie 703 se déroulent à une altitude minimale de franchissement d'obstacles. Les règles de franchissement d'obstacles sont indépendantes des limites météorologiques VFR.

Scénarios plausibles

Trois scénarios pouvant expliquer la perte de contrôle de l'appareil avant l'impact ont été étudiés.

Défaillance des commandes de vol

Une défaillance des ailerons, de la gouverne de direction et de la gouverne de profondeur a été envisagée. Dans le cas qui nous occupe, une défaillance des ailerons ou de la gouverne de direction n'aurait pas entraîné une perte de contrôle de l'appareil. Par contre, le bris de la gouverne de profondeur produirait une assiette en piqué et une augmentation de la vitesse. Par conséquent, l'appareil aurait percuté la surface gelée du lac à haute vitesse avec un angle de descente prononcé. Si l'on retient cette hypothèse, la majorité des débris auraient été retrouvés près du point d'impact. Contrairement à ce qui précède, l'avion était légèrement cabré et les débris étaient répartis sur plus de 250 pieds. Par conséquent, la défaillance d'une commande de vol est peu plausible.

Collision avec un arbre

L'altitude de l'appareil lors de son passage et l'empreinte de forme cylindrique relevée près de l'extrémité de l'aile droite soulèvent la possibilité que l'appareil ait heurté un arbre avant de s'écraser. Dans ce cas, le choc avec un arbre aurait fait pivoter l'appareil à droite et vers le bas. Compte tenu de l'altitude à laquelle se serait produite la collision, il est raisonnable de penser que le pilote n'aurait pas eu le temps de reprendre la maîtrise de l'avion avant de percuter la surface gelée du lac. De plus, une collision avec un arbre aurait pu réduire la vitesse du bimoteur à une vitesse inférieure à la vitesse de décrochage.

Cependant, aucun résidu de bois n'a été retrouvé dans l'aile, le saumon de l'aile droite est demeuré attaché à l'aile jusqu'à l'impact final, et l'empreinte aurait pu être causée par la collision d'une pale d'hélice lors de la désintégration de l'avion. Il n'est donc pas possible de conclure de façon définitive que l'avion a heurté un arbre.

Décrochage aérodynamique

L'analyse des marques d'impact, de la répartition des débris et des empreintes relevées sur les instruments de bordFootnote 3 indique que l'appareil a heurté la surface gelée à une vitesse voisine de la vitesse de décrochage à un angle de descente qui correspond à l'angle d'attaque de décrochage de l'appareil. Pour ces raisons, on peut conclure que l'appareil était en décrochage au moment de l'impact.

Il est possible que l'appareil ait décroché lors du virage à droite en montée. Plusieurs facteurs ont pu contribuer à réduire l'écart entre la vitesse de l'avion et la vitesse de décrochage. Comme l'objet de la manœuvre était de survoler le chalet d'amis, il est raisonnable de penser que l'appareil volait à une vitesse inférieure à la vitesse de croisière normale. De même, la proximité du sol pouvait créer une illusion de grande vitesse qui aurait pu inciter le pilote à réduire la vitesse. On peut également penser que la remontée s'est effectuée au même régime moteur que celui du vol en palier puisque le bruit des moteurs n'a pas augmenté; si tel est le cas, l'appareil aurait subi une perte de vitesse pendant la remontée. Finalement, le virage à grande inclinaison observé a augmenté substantiellement la vitesse de décrochage. Si l'inclinaison de l'appareil a atteint 70°, tel que rapporté par un témoin, la vitesse de décrochage est passée de 67 nœuds à 115 nœuds.

Étant donné que le décrochage s'est produit en montée, l'aile gauche a décroché avant l'aile droite. Comme l'avertisseur de décrochage est situé sur le bord d'attaque de l'aile droite, on peut penser que le signal sonore a alerté le pilote de l'imminence du décrochage moins rapidement que dans le cas d'un décrochage en vol rectiligne. L'altitude disponible était insuffisante pour effectuer une sortie de décrochage, et le pilote disposait de trop peu de temps pour reprendre le contrôle de l'avion.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports.

Faits établis

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'appareil a décroché à une altitude qui ne permettait pas au pilote de sortir du décrochage.

Faits établis quant aux risques

  1. L'appareil volait à une altitude qui pouvait entraîner une collision avec un obstacle et qui offrait trop peu de temps au pilote pour reprendre le contrôle de la situation.
  2. L'inclinaison importante de l'appareil vers la droite a augmenté considérablement la vitesse de décrochage.
  3. Le formulaire servant à consigner les temps de vol et de service et les périodes de repos du pilote n'avait pas été mis à jour depuis plus d'un mois, ce qui ne permettait pas au gestionnaire de la compagnie d'exercer une surveillance des horaires du pilote.
  4. Au moment de l'accident, le manuel d'exploitation de la compagnie Aéropro ne tenait pas compte des conditions restrictives imposées aux vols VFR de jour par l'article 703.27 du Règlement de l'aviation canadien.

Autres faits établis

  1. L'absence d'enregistreur de données de vol (FDR) et d'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) a limité les renseignements disponibles pendant l'enquête, ce qui a limité la portée de l'enquête.
  2. Étant donné que l'avion effectuait un vol d'évacuation médicale (MEDEVAC), la compagnie a avisé le centre de recherche et sauvetage à tort qu'il y avait deux pilotes à bord lorsque l'appareil a été porté manquant.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Trajectoire approximative de l'appareil