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Rapport d'enquête aéronautique A08Q0055

Atterrissage train avant rentré
du Challenger CL-600-2A12 C-FURG
exploité par le Service aérien gouvernemental
du Québec, à l'aéroport international de
Québec / Jean Lesage (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Challenger CL-600-2A12, immatriculé C-FURG, numéro de série 3063, exploité par le Service aérien gouvernemental du Québec, effectue un vol selon les règles de vol aux instruments entre l'aéroport de Bonaventure (Québec) et l'aéroport International de Québec / Jean Lesage (Québec). Lors de l'approche, le train avant refuse de sortir. L'équipage de conduite fait un passage à basse altitude, et l'anomalie du train avant est confirmée par le contrôleur de la tour et un technicien d'entretien d'aéronef. L'équipage de conduite exécute la liste de vérification et prépare les six passagers à un atterrissage train avant rentré. À 6 h 43, heure avancée de l'Est, l'aéronef se pose sur le nez. Les dommages se limitent aux trappes du train d'atterrissage avant et à la structure du logement du train avant. Personne n'a été blessé.

Renseignements de base

L'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord totalisait environ 14 000 heures de vol, dont 1550 heures sur le Challenger CL-600. Le copilote totalisait environ 8400 heures de vol dont 2260 heures sur le Challenger CL-600. Le copilote complétait son entraînement en vue d'une promotion comme commandant de bord. L'approche et l'atterrissage ont été exécutés par le commandant de bord qui était en place gauche.

Les conditions météorologiques signalées à 7 hNote de bas de page 1, soit 17 minutes après l'atterrissage, étaient les suivantes : vent du 070° à 12 nœuds avec des rafales à 17 nœuds, visibilité de 5 milles terrestres dans la neige faible, nuages épars à 800 pieds au-dessus du sol (agl), ciel couvert à 3500 pieds agl, température de −2 °C, point de rosée de −4 °C et calage altimétrique de 29,48 pouces de mercure.

Le C-FURG est doté d'équipements spéciaux lui permettant de faire des évacuations aéromédicales de patients vers les grands centres urbains. Il est exploité selon une exemption de l'article 604.03Note de bas de page 2 du Règlement de l'aviation canadien (RAC).

Le C-FURG a décollé de sa base de Québec (Québec) le 19 mars 2008 à 20 h 51 à destination de l'aéroport de Kuujjuaq (Québec). Il a fait escale à Montréal (Québec), Chandler (Québec), Bonaventure (Québec) et Québec. À Chandler et à Bonaventure, trois patients ont été embarqués à destination des centres hospitaliers de Québec. Un médecin et deux infirmières les accompagnaient.

À l'arrivée à Québec, au moment de commander la sortie du train d'atterrissage, l'équipage de conduite a reçu des avertissements lumineux et sonores indiquant que le train avant n'était pas en position sortie et verrouillée. La liste de vérification a été exécutée, et une deuxième tentative de rentrée et de sortie du train d'atterrissage a été faite, sans succès. Le levier de sortie manuelle du train d'atterrissage a été actionné à deux reprises et n'a donné aucun résultat satisfaisant. La cabine a été préparée pour un atterrissage train avant rentré. L'appareil s'est finalement posé sur le nez.

L'aéronef peut être utilisé sur toutes sortes de surface, y compris les pistes non revêtues. En mai 1988, le Service aérien gouvernemental du Québec a installé un kit fourni par Bombardier pour utilisation sur piste non revêtue. Le kit (bulletin de service numéro 601-0112) comprend entre autres, l'installation de deux déflecteurs de gravier sur le train d'atterrissage avant et d'autres dispositifs de protection sur les trains d'atterrissage principaux. Les déflecteurs servent à protéger les surfaces de l'aéronef et les moteurs contre les dommages pouvant être causés par des particules solides projetées au décollage et à l'atterrissage. Seulement 8 appareils CL-600 sur les 255 appareils construits sont pourvus de ce kit.

Lors de la récupération de l'aéronef après l'accident, l'amortisseur oléopneumatique avant a été trouvé affaissé. On a constaté que le train avant était sorti partiellement, le déflecteur droit était coincé dans le logement du train avant et les roues avaient pivotées et étaient décentrées. Le compas du train avant avait raclé la piste d'atterrissage et présentait des signes d'usure au niveau de l'apex. Les trappes du train d'atterrissage avant et la structure du logement du train avant présentaient des dommages. De plus, les contacteurs de proximité, situés de chaque côté de la jambe de train avant avaient été heurtés et endommagées par les lèvres des pneus.

L'avion a été placé sur levier, et la roue avant a été dégagée et sortie en position verrouillée. L'avion a ensuite été déplacé à l'intérieur du hangar et mis en quarantaine.

La roue pouvait être bougée dans toutes les directions et être compressée. La pression d'azote a alors été vérifiée, et la lecture des cadrans de mesure a confirmé la perte totale d'azote. Le technicien d'entretien d'aéronef a dû utiliser une clef pour desserrer le deuxième écrou du clapet de remplissage, ce qui indique que le clapet de remplissage n'était pas desserré et qu'il était correctement appuyé. De l'azote a été ajouté pour vérifier s'il y avait une fuite d'azote. La pression a été vérifiée le lendemain matin, et aucune chute de pression n'a été observée.

Lorsque les roues avant de l'appareil quittent le sol, l'amortisseur oléopneumatique qui contient de l'huile hydraulique et de l'azote se met en pleine extension. Lorsque l'amortisseur oléopneumatique se met en pleine extension, une came située dans la jambe à amortisseur du train avant permet de centrer mécaniquement le train avant. Lors de la rentrée du train, l'amortisseur oléopneumatique en pleine extension se déplace vers l'avant dans le logement du train; un verrou situé au plafond retient le train dans le logement du train. Afin d'assurer un alignement parfait de la goupille du train et du verrou, l'amortisseur oléopneumatique doit être en pleine extension et le train doit être parfaitement centré vers l'avant. Si le train n'est pas centré, la logique de fonctionnement du système de rentrée empêche la rentrée du train, et le pilote est alerté par le système d'avertissement et d'alerte du train d'atterrissage.

La séquence normale de déploiement du train débute par l'activation du levier de commande du train dans le poste de pilotage qui commande l'ouverture des trappes du train. Une fois les trappes complètement ouvertes, le verrou du train d'atterrissage se dégage et permet au train de sortir librement. Une pression hydraulique d'assistance permet le verrouillage du train jusqu'à la position verticale, puis la fermeture des trappes. De plus, un levier de sortie manuelle du train situé sur le pylône de commande entre les deux pilotes permet de déplacer le verrou du train et de libérer le train d'atterrissage en cas de panne hydraulique. L'actionnement du levier de sortie manuelle du train permet de dégager le verrou de fermeture des trappes du train avant ainsi que le verrou train rentré et de purger la pression hydraulique. Le train d'atterrissage sort sous l'action de son propre poids.

La partie visible de l'amortisseur oléopneumatique avant mesure trois pouces quand l'appareil est au sol et que l'amortisseur oléopneumatique est compressé. Lors de la vérification prévol, un amortisseur oléopneumatique pleinement compressé est facilement visible. De plus, lors du roulement au sol un grand bruit perceptible peut se produire, ce qui pourrait alerter l'équipage de conduite qu'il y a une anomalie. Advenant une perte de pression d'azote alors que le train est en position rentrée, la conception du verrou train rentré et de la goupille permet le déplacement des roues vers l'arrière et fait en sorte que le train avant se dégage du verrou de train. Le train se décroche et vient en contact avec les trappes du train d'atterrissage. Comme le verrou du train est toujours en contact avec le contacteur de proximité, aucune indication dans le poste de pilotage n'alertera l'équipage de conduite que le train avant n'est plus verrouillé en position rentrée. Cette éventualité a été démontrée durant l'enquête.

L'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Selon le programme d'inspection numéro Q-0547 du Service aérien gouvernemental du Québec approuvé par Transports Canada, une remise en état du train avant est exécutée tous les 120 mois et une inspection détaillée est faite tous les 60 mois. Selon les dossiers d'entretien de l'aéronef, la remise en état a été exécutée le 10 janvier 2000 et l'inspection détaillée a été faite le 27 février 2006. Une vérification du niveau d'huile et de la pression d'azote dans l'amortisseur oléopneumatique est faite tous les 6 mois et avait été exécutée le 5 décembre 2007. De plus, une inspection visuelle du train d'atterrissage avant, répétitive aux 300 heures, avait été effectuée par le personnel d'entretien le 12 mars 2008.

Le train d'atterrissage avant du CL-600-2A12 est fabriqué par la compagnie Messier-Dowty. Après l'accident, l'amortisseur oléopneumatique modèle 601-85002-15 (numéro de série DEC0099/01) a été acheminé à la compagnie Messier-Dowty pour des vérifications de pression d'azote et un démontage complet. Lors des essais, il a été impossible de reproduire la perte d'azote et/ou d'huile hydraulique. De plus, le démontage n'a pas permis de déceler d'anomalies susceptibles de causer une perte d'azote. Le niveau d'huile hydraulique dans l'amortisseur oléopneumatique était dans les limites prescrites. Le rapport de démantèlement numéro DS-989 de Messier-Dowty indique que l'azote peut s'échapper uniquement par le deuxième écrou du clapet de remplissage.

Le clapet de remplissage est situé dans la partie supérieure de l'amortisseur oléopneumatique. Ce clapet sert au remplissage de l'huile hydraulique et de l'azote; il permet également la vérification de la pression d'azote. Le clapet de remplissage est vissé dans l'amortisseur oléopneumatique, et un fil de freinage l'empêche de se dévisser. Un deuxième écrou situé sur ce clapet permet l'entretien courant et l'ajout d'azote; cet écrou n'est pas retenu en place par un fil de freinage, et il n'y a pas d'exigence à cet égard. Cependant, l'écrou présente une zone d'appui composé d'un joint torique qui crée une résistance suffisamment importante pour nécessiter l'usage d'une clé pour ouvrir le clapet.

Le train avant comprend un ensemble de roues doubles et deux déflecteurs de gravier installés de chaque côté des pneus (voir Photo 1). La largeur totale de l'ensemble du train équipé des deux déflecteurs de gravier est de 23,125 pouces. L'ouverture dans la structure du logement du train avant mesure 23,625 pouces de largeur. Afin de permettre aux déflecteurs de gravier de passer plus librement, une modification dans la largeur du logement a été prévue et une encoche de chaque côté fait passer la largeur totale à 24,250 pouces (voir Photo 2).

Photo 1. Déflecteurs de train avant
Photo of Déflecteurs de train avant
Photo 2. Encoche pour déflecteur
Photo 2 - Encoche pour déflecteur

Lors de la rentrée du train, l'amortisseur oléopneumatique en pleine extension passe vis-à-vis les encoches, l'espace libre (dégagement) entre les déflecteurs et la structure du logement est alors de 0,562 pouce de chaque côté. Lorsque l'amortisseur oléopneumatique ne se met pas en extension et par le fait même ne passe pas dans les encoches, l'espace libre est réduit à 0,250 pouce de chaque côté. A titre comparatif, l'espace libre entre les pneus et la structure est de 3,562 pouces de chaque côté sur les aéronefs non équipés de déflecteurs de gravier. L'historique des avions Challenger 601 en service ne fait état d'aucun cas où la perte totale d'azote dans l'amortisseur oléopneumatique aurait empêché la sortie du train d'atterrissage sur un aéronef non équipé de déflecteurs de gravier.

Le C-FURG a été construit par Bombardier en 1986 selon la norme de construction de la Partie 25 des Federal Aviation Regulations (FAR 25) des États-Unis. Au moment de l'événement, l'appareil totalisait 27 973 heures de vol et 33 227 cycles de fonctionnement. La sous-partie 25, paragraphe 25.733 d) stipule que [Traduction] « Chaque pneumatique installé sur un système de train d'atterrissage escamotable doit, pour la taille maximale du type de pneumatique susceptible d'être rencontré en service, avoir une garde par rapport à la structure et aux systèmes environnants, qui soit adéquate pour empêcher tout contact entre le pneumatique et toute partie de la structure ou des systèmes. »

L'enquête a permis de constater que les pneus avant de cet appareil sont remplacés de façon régulière, principalement pour des raisons d'usure prématurée et à cause des vibrations excessives causées par un déséquilibre des roues et/ou des pneus. Ceci est probablement dû en grande partie à l'utilisation de l'appareil sur des pistes non revêtues.

Analyse

La compression de l'amortisseur oléopneumatique a permis au train avant de se dégager du verrou train rentré et de tomber sur les trappes du train avant. Cela a également permis à l'ensemble des roues de pivoter dans cette position non verrouillée parce que la came de centrage n'était plus engagée dans l'amortisseur oléopneumatique compressé, ce qui a placé l'ensemble des roues/déflecteurs dans une partie trop exiguë pour permettre au train de sortir normalement. La rotation du train avant dans le logement a permis au déflecteur de gravier droit de se coincer, ce qui a empêché la sortie du train avant.

Le C-FURG est équipé d'un kit permettant son exploitation sur des pistes non revêtues. Lorsque l'amortisseur oléopneumatique ne se met pas en extension, l'espace libre entre les déflecteurs de gravier et le logement du train avant est réduit à 0,250 pouce de chaque côté. Des essais avec l'amortisseur oléopneumatique compressé ont démontré que les déflecteurs de gravier n'ont qu'à être pivotés de quelques pouces pour rester coincés dans le logement. Cependant, lorsque l'amortisseur oléopneumatique fonctionne correctement, l'espace libre permet au train de se déployer normalement.

Avant le départ de Bonaventure, l'inspection extérieure de l'aéronef n'a révélé aucune anomalie permettant de croire à une défectuosité du train avant. Lors du décollage de Bonaventure, l'équipage n'a rien remarqué d'anormal, et par la suite, il a obtenu des indications de train rentré et verrouillé normales. Si l'amortisseur oléopneumatique n'avait pas été centré une fois en vol, la logique de fonctionnement du système aurait empêché la rentrée du train. Il est donc permis de croire que l'amortisseur oléopneumatique était en condition normale au départ de Bonaventure et qu'il s'est affaissé en vol.

La conception du verrou du train et de la goupille peut permettre un déplacement vers l'arrière et faire en sorte que le train avant se dégage et vienne en contact avec les trappes du train d'atterrissage. Étant donné que le train s'était déjà dégagé du verrou train rentré et était mécaniquement coincé dans le logement du train avant, l'actionnement du levier de sortie manuelle du train dans ce cas-ci a été inefficace.

Des essais ont été faits, mais il a été impossible de reproduire la perte d'azote et/ou de liquide hydraulique. Le démontage n'a pas non plus permis de déceler d'anomalie susceptible de causer une perte d'azote. Le niveau d'huile hydraulique dans l'amortisseur oléopneumatique se trouvait dans les limites prescrites. Selon le fabricant Messier-Dowty, la perte de pression pneumatique ne peut se produire que par le deuxième écrou situé sur le clapet de remplissage; or, il aurait fallu que le deuxième écrou soit desserré. L'enquête n'a pas permis d'établir que cet écrou était desserré au moment de l'événement; donc la possibilité que l'azote se soit échappé de façon graduelle subsiste.

La FAR 25 a été élaborée spécifiquement pour les pneus, mais elle ne spécifie pas de norme de dégagement autre que le constructeur doit s'assurer que les pneus ont un dégagement adéquat dans toutes les situations, c'est-à-dire quand ils sont gonflés à leur pression maximale. De plus, elle ne fournit pas de définition du mot « adéquat ». Sans déflecteurs de gravier, le dégagement entre les pneus et la structure du logement du train avant est nettement plus important.

L'utilisation de cet appareil sur toutes sortes de pistes non revêtues, et dans des conditions opérationnelles particulières, le rend vulnérable aux dommages. Compte tenu des dommages aux contacteurs de proximité et du remplacement des pneus avant de façon régulière, il est permis de croire que cet appareil est soumis à des secousses importantes durant les atterrissages et les décollages.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'amortisseur oléopneumatique a été trouvé compressé en raison d'une perte d'azote. En conséquence, le train avant s'est dégagé du verrou train rentré et a permis à l'ensemble des roues de pivoter, causant le blocage du train dans son logement.
  2. Le déflecteur droit est resté coincé dans le logement du train avant, empêchant la sortie du train d'atterrissage.

Faits établis quant aux risques

  1. La conception du verrou de train et de la goupille permet au train d'atterrissage de se dégager du verrou train rentré et de tomber dans le logement du train en vol, ce qui permet au déflecteur de gravier droit de se coincer, empêchant la sortie du train d'atterrissage avant.
  2. Le dégagement entre les déflecteurs de gravier et la structure du train avant est très peu important en comparaison avec des appareils similaires non équipés de déflecteurs de gravier. Une autre compression de l'amortisseur oléopneumatique pourrait reproduire la même situation.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .