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Rapport d'enquête aéronautique A09P0096

Perte d'espacement
mettant en cause le centre de contrôle régional de Vancouver
exploité par NAV CANADA
à 20 milles marins au sud-ouest de Penticton (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 24 avril 2009, à 12 h 58, heure avancée du Pacifique, un Canadair CL600 des Forces canadiennes immatriculé CC144618, numéro de série 5535, qui assure le vol CFC3016 à destination d'Ottawa (Ontario) en provenance de Vancouver (Colombie-Britannique), monte au niveau de vol 370. Un Boeing 777-200LR de United Arab Emirates immatriculé A6-EWA, numéro de série 35572, qui assure le vol UAE215 vers Los Angeles aux États-Unis en provenance de Dubaï aux Émirats arabes unis, est en croisière au niveau de vol 370. Lorsque les deux avions se trouvent à environ 20 milles marins au sud-ouest de Penticton (Colombie-Britannique), le contrôleur reçoit un avertissement de trafic du système radar automatique d'alerte de conflit l'avisant que dans 1 minute, l'espacement radar exigé de 5 milles marins n'existera plus et que les deux aéronefs seront à la même altitude. Le contrôleur donne à CFC3016 l'instruction de descendre au niveau de vol 360 et de virer à droite de 30 degrés et il donne à UAE215 l'instruction de virer à gauche de 30 degrés. Les deux avions reçoivent des avertissements de leur système de surveillance du trafic et d'évitement des abordages.UAE215 obéit à l'avis de résolution de ce système lui recommandant de monter. Quand les avions se trouvent latéralement à moins de 5 milles marins l'un de l'autre, un espacement vertical de 500 pieds les sépare, au lieu des 1000 pieds obligatoires.

Renseignements de base

Les deux aéronefs étaient contrôlés par le secteur de vol en haute altitude en région montagneuse du centre de contrôle régional (ACC) de Vancouver, qui contrôle tout l'espace aérien situé au-dessus du niveau de vol (FL) 260Footnote 1 dans le secteur est de la région d'information de vol de Vancouver.

Le contrôleur de secteur était titulaire d'une licence et possédait les qualifications requises par les règlements en vigueur. Le contrôleur travaillait à l'ACC de Vancouver depuis environ 20 ans. Le contrôleur en cause avait profité d'un congé les deux jours précédents et il était prévu qu'il profite d'un autre congé les deux jours suivants. Le quart de travail du contrôleur avait commencé à 12 h 30Footnote 2 et, lorsque l'incident s'est produit, il était en service depuis 28 minutes et en poste depuis 20 minutes. Le contrôleur était responsable des postes radar et des données. Au moment de la perte d'espacement, le contrôleur se concentrait sur quatre aéronefs. La circulation n'était ni lourde ni complexe.

Description des événements

Peu après avoir pris la relève, le contrôleur s'est aperçu de la possibilité d'un conflit entre des routes sécantesFootnote 3 à 12 h 37, quand UAE215 a transmis sur la fréquence. Le contrôleur avait remarqué, en lisant les fiches de progression de vol, que les deux avions seraient au FL370 lorsqu'ils se trouveraient aux alentours du radiophare omnidirectionnel à très haute fréquence (VOR) de Princeton (YDC) avec moins de 10 minutes d'espacement. Le contrôleur prévoyait assigner un changement de route à UAE215 pour l'amener à se diriger vers l'ouest et, de ce fait, lui permettre de monter au FL380, altitude appropriée à la direction du vol. Ce scénario aurait éliminé le conflit et le contrôleur a jugé qu'il n'était pas nécessaire d'inscrire un « W » en rougeFootnote 4 sur les deux fiches de progression de vol.

Cependant, le changement de route n'a pas permis à UAE215 de prendre une route en direction ouest et le contrôleur n'a pas donné à UAE215 l'instruction de monter. Le contrôleur avait à ce moment-là l'intention de trouver plus tard une route plus directe pour UAE215, mais il ne l'a pas fait. Le contrôleur a ensuite dirigé son attention sur le reste de la circulation dans le secteur et le conflit entre CFC3016 et UAE215 n'a pas été résolu.

Système d'alerte de conflit

Le système d'alerte de conflit (CAS) est une fonction du système de traitement des données radar qui examine les poursuites radar pour y déceler toute circulation incompatible potentielle. Grâce à la projection tridimensionnelle des positions prévues, il analyse les routes afin de prévoir si les normes d'espacement seront enfreintes dans un laps de temps déterminé. Les alertes sont générées et envoyées à l'écran en deux étapes. Une alerte de trafic est générée 60 secondes avant la perte d'espacement anticipée. Une alerte de conflit est ensuite générée dès qu'il y a perte d'espacement. Les contrôleurs se servent du CAS pour cerner les conflits potentiels provoqués par une perte d'espacement. Le système avertit le contrôleur si un conflit potentiel survient en vol dans un espace aérien contrôlé au radar au-dessus de 14 000 pieds.

Source : Manuel d'alerte de conflit du DSC, version 3.1, et NAV CANADA, notes documentaires d'août 2008 de la salle des nouvelles de NAV CANADA.

À 12 h 48, CFC3016 a communiqué pour la première fois avec le contrôleur de secteur alors qu'il passait du FL290 au FL370.

À 12 h 58 min 13 s, le contrôleur recevait, du système radar automatique d'alerte, un avertissement de trafic (TFC) l'informant d'un conflit potentiel (CA) dans les cases de données de chaque avion accompagné d'une alarme sonore et d'un changement de la forme du symbole de position actuelle de chaque avion en une roue jaune. Ce symbole signifiait que l'espacement radar obligatoire de cinq milles entre les avions évoluant à la même altitude serait perdu dans 60 secondes si le contrôleur n'intervenait pas.

À 12 h 58 min 22 s, le contrôleur a donné à CFC3016, qui avait atteint le FL370, l'instruction de « présence de trafic, descendre immédiatement au FL360 ». L'équipage a accusé réception de l'instruction, il a réglé l'altitude et il a réglé la vitesse verticale à 1000 pieds par minute, conformément aux procédures des Forces canadiennes. À 12 h 58 min 31 s, le contrôleur a donné à CFC3016 l'instruction de virer à droite et l'équipage a accusé réception de cette instruction.

Le TCAS est un système embarqué qui renseigne les équipages des avions sur les aéronefs à proximité du leur qui représentent un risque d'abordage. L'équipement TCAS interroge le transpondeur d'autres aéronefs afin de déterminer leur rayon d'action, leur cap et leur altitude. Le TCAS transmet des avis de trafic (TA) lorsqu'un aéronef se trouve à environ 40 secondes du point de rapprochement maximal. Un avis de résolution (RA) recommande un déplacement vertical lorsqu'un aéronef est à environ 25 secondes du point de rapprochement maximal. Le RA signale les restrictions ou les manœuvres à appliquer pour préserver ou accroître un espacement vertical.

À 12 h 58 min 39 s, le contrôleur a donné à UAE215 l'instruction de virer à gauche. L'équipage n'a pas accusé réception de l'instruction; c'est pourquoi, à 12 h 58 min 45 s, le contrôleur a redonné l'instruction de virer. À 12 h 58 min 51 s, UAE215 a commencé à changer de cap (voir l'annexe A — Trajectoires de vol).

À 12 h 58 min 56 s, le contrôleur a demandé à CFC3016 d'accélérer sa descente. CFC3016 a répondu que son taux de descente était presque de 1000 pieds par minute et que son système de surveillance du trafic et d'évitement des abordages (TCAS) avait émis un avis de circulation (TA). L'équipage d'UAE215 a essayé d'accuser réception de l'instruction du contrôleur de virer durant cet échange, mais le contrôleur n'a pas entendu l'accusé de réception.

À 12 h 59 min 2 s, le TCAS de UAE215 a émis un avis de résolution (RA) l'avisant de monter. L'équipage a réagi et, à 12 h 59 min 9 s, il en a avisé le contrôleur. À 12 h 59 min 14 s, le contrôleur a donné une fois de plus à UAE215 l'instruction de virer à gauche.

À 12 h 59 min 33 s, il y avait un espacement vertical de 1000 pieds entre les deux avions et un espacement latéral de 1,8 nm. L'espacement minimal requis était de 1000 pieds à la verticale ou de 5 nm sur le plan latéral. Les virages assignés aux avions ont amené UAE215 à passer directement au-dessus de CFC3016 (voir l'annexe A — Trajectoires de vol).

En ce qui a trait à la descente, le paragraphe 8.5.1 (a) du Manuel d'information aéronautique (TP 14371) de Transports Canada suggère ce qui suit :

Lorsqu'une autorisation d'altitude a été émise, le pilote devrait amorcer la montée ou la descente aussitôt après avoir accusé réception de l'autorisation. La montée ou la descente doit être effectuée au taux optimal compte tenu des caractéristiques d'utilisation de l'aéronef. S'il en est autrement ou s'il est nécessaire d'interrompre la montée ou la descente, le pilote devrait aviser l'ATC de cette interruption ou du délai à quitter une altitude.

Les données radar indiquaient que CFC3016 avait entrepris une descente 36 secondes après avoir reçu l'instruction de descendre.

Il a fallu trois transmissions en l'espace de 35 secondes avant que le contrôleur ne reçoive un accusé de réception de la part d'UAE215, lequel avait déjà commencé à manœuvrer l'avion en réaction au RA du TCAS. Bien que UAE215 ait accusé réception de la deuxième instruction de virage, le contrôleur n'avait pas reçu cette transmission parce qu'elle avait été bloquée.

Fiches de progression de vol

L'information relative à la progression de vol est enregistrée sur des fiches de progression de vol en format papier ou électronique. Dans l'incident qui nous concerne, l'information essentielle du plan de vol avait été imprimée sur des fiches en papier, lesquelles avaient été annotées par le contrôleur (voir la figure 1). Les fiches de progression de vol servent :

Afin de remédier au problème des différentes écritures, une symbologie particulière est utilisée; une section entière du MANOPS ATC est réservée à la rédaction des fiches de progression de volFootnote 5.

Figure 1. Fiches de progression de vol indiquant les niveaux de vol.
Figure of Fiches de progression de vol indiquant les niveaux de vol.

Au moment de l'incident, l'article 902.5 du MANOPS ATC exigeait qu'un indicateur d'avertissement soit tracé en rouge sur une fiche comme suit :

inscrivez un « W » en rouge sur toute fiche de progression de vol appropriée, si des mesures correctives doivent s'avérer nécessaires pour identifier tout conflit avec d'autres aéronefs ou pour identifier tout autre danger ou situation critique;
placez l'indicateur d'avertissement dans la case qui décrit le mieux la raison de l'avertissement et, si nécessaire, inscrivez suffisamment de détails (c.-à-d. indicatif d'aéronef, point(s) de conflit, heure(s), etc.) dans la case , afin d'identifier clairement le conflit;
encerclez en rouge, sur les fiches de progression de vol appropriées, une altitude assignée non appropriée à la direction de vol; et
biffez d'un simple trait l'indicateur d'avertissement, lorsque ce dernier n'est plus valable.

Les fiches sont affichées sur des tableaux en fonction d'indicatifs de point de repère. Ces indicatifs indiquent soit la situation géographique réelle des points de repère par rapport à une carte de voies aériennes, soit les altitudes. Cette manière de procéder aide à déceler les conflits. Dans le cas présent, les fiches de progression de vol des deux avions étaient affichées sous l'indicatif YDC (Princeton) en référence à la situation géographique des appareils.

En ce qui a trait à la gestion de l'affichage, le paragraphe 901.6 (d). du MANOPS ATC suggère de laisser les fiches actives en évidenceFootnote 6 si d'autres situations à risque doivent être évaluées ou nécessitent une intervention.

De plus, l'article 901.8 du MANOPS ATC exige qu'un contrôleur explore visuellement le tableau des données de contrôle comme suit :

examinez chaque râtelier individuellement plutôt que de parcourir l'ensemble du tableau;
dans chaque râtelier, examinez les cases d'altitudes, afin de vérifier l'espacement vertical;
lorsque plusieurs aéronefs sont à la même altitude, vérifiez les fiches pour vous assurer de l'existence d'un autre mode d'espacement.

Les fiches de progression de vol sont envoyées aux secteurs appropriés au moins 15 minutes avant le transfert de contrôle au contrôleur. Peu après que le contrôleur avait pris la relève et qu'UAE215 était placé sous le contrôle du secteur de vol en haute altitude en région montagneuse, le contrôleur s'est rendu dans la salle de lecture des fiches et a remarqué, à partir des copies papier des fiches de progression de vol, que les deux appareils seraient au FL370. Le contrôleur avait identifié le problème potentiel entre CFC3016 et UAE215 qui étaient sur des routes sécantes et qui avaient tous deux reçu l'autorisation pour le FL370. Contrairement à la consigne donnée dans le MANOPS ATC, des « W » en rouge n'avaient pas été tracés sur les fiches de progression de vol. On ne sait pas si les fiches de progression de vol avaient été mises en évidence.

Phraséologie impérative

En décembre 2003, NAV CANADA a publié un changement urgent au manuel opérationnel des Services de la circulation aérienne (ATS) visant la modification de l'article 507.1 du MANOPS ATC pour souligner l'adoption de la phraséologie de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) dans le cas d'alertes à la sécurité. Cet article précise la phraséologie propre aux alertes à la sécurité que les contrôleurs doivent employer lorsqu'ils se rendent compte qu'un aéronef évolue à une altitude qu'ils jugent dangereusement proche d'un autre aéronef. En 2004, NAV CANADA a publié un Bulletin de sécurité des ATS - Squawk 7700 (2004-1) intitulé Phraséologie impérative qui insistait sur l'importance d'employer une phraséologie qui comprenne à la fois des mesures correctives et des renseignements sur la circulation dans le cas d'une perte d'espacement mettant en cause tout aéronef que ce soit.

Quand le contrôleur a donné d'abord à CFC3016 l'instruction de descendre et de virer et ensuite, à UAE215 l'instruction de virer, le contrôleur n'a pas employé la phraséologie impérative, il n'a pas fourni d'information particulière sur la circulation et il n'a pas demandé une exécution immédiate des instructions. L'intonation du contrôleur n'exprimait aucun sentiment d'urgence. CFC3016 a accusé réception de l'instruction du contrôleur et a commencé la procédure de changement d'altitude, mais, pendant 36 secondes, on n'a observé aucun changement de route ou d'altitude. UAE215 a accusé réception de la deuxième transmission de l'instruction de virer du contrôleur, mais les voies étaient bloquées par une autre communication. Ce n'est que 35 secondes plus tard que le contrôleur s'est rendu compte que l'équipage d'UAE215 obéissait à un RA du TCAS l'avisant de monter.

Depuis 2005, le BST a enquêté sur trois autres incidents au cours desquels la fonction CA du radar de NAV CANADA signalait le risque d'une perte d'espacement (A08W0151, A07W0072 et A06C0113). Le contrôleur dans les incidents susmentionnés avait donné aux équipages des avions des instructions relatives à des manœuvres pour maintenir l'espacement. Le BST a constaté toutefois que la nature urgente des instructions d'évitement n'avait pas été assez prononcée pour susciter une réaction rapide de la part des équipages dans le but d'éviter une perte d'espacement.

Alertes de conflit radar de l'ATC

Le but d'un avertissement de trafic radar de 60 secondes est d'avertir les contrôleurs du risque d'une perte d'espacement afin qu'ils puissent y remédier avant qu'un TCAS embarqué ne transmette un avis que le système génère, en règle générale, environ 40 secondes avant d'atteindre le point de rapprochement maximal estimé. NAV CANADA jugeait que ce laps de temps était optimal pour éviter les alertes injustifiées et pour que le contrôleur ait suffisamment de temps pour donner des instructions permettant de réinstaurer l'espacement ou d'éviter un abordage.

En 2005, le BST a enquêté sur un incident (A05W0248) au cours duquel, après avoir reçu un avertissement TFC radar, le contrôleur a donné aux équipages des avions des instructions quant aux manœuvres à exécuter pour éviter un abordage. Le BST a constaté que dans certaines circonstances, l'avertissement de 60 secondes ne procurait peut-être pas suffisamment de temps à un contrôleur pour donner des instructions dans le but d'éviter une perte d'espacement.

Réaction du contrôleur vis-à-vis les décisions prises en fonction des RA TCAS

Afin d'essayer de maintenir et ensuite de réinstaurer l'espacement, le contrôleur a donné à CFC3016 à la fois des instructions de descente et de virage, et des instructions de virage à UAE215. Après que UAE215 eut avisé le contrôleur qu'il suivrait l'avis de monter donné par le TCAS, le contrôleur a encore une fois donné une instruction de virage.

L'article 127.2 du MANOPS ATC, qui était en vigueur au moment de l'incident, stipulait que les contrôleurs sont tenus de :

fournir des renseignements pertinents sur le trafic et des avis pour l'évitement des abordages qui s'imposent à un aéronef dans votre zone de responsabilité si l'aéronef vous informe qu'il exécute une manœuvre pour donner suite à un avis de résolution ACASFootnote 7/TCAS ou à un avertissement GPWSFootnote 8/TAWSFootnote 9. Ne donnez pas d'instructions de contrôle qui contredisent les instructions de l'avis de résolution ou de l'avertissement de l'aéronef.

Ni CFC3016 ni UAE215 n'avaient reçu de renseignements particuliers sur le trafic. À la suite d'un autre incident, le MANOPS ATC a été modifié et on peut maintenant y lire :

Si un aéronef vous informe qu'il répond à un avis de résolution ACAS/TCAS ou à un avertissement GPWS/TAWS, a) n'essayez pas de modifier la trajectoire de vol de l'aéronef tant que le pilote n'aura pas indiqué qu'il revient à l'autorisation ATC ou à l'instruction en vigueur et b) donnez des renseignements pertinents sur la circulation et toute information permettant d'éviter un abordage, selon le cas.

Analyse

Dès le début, le contrôleur avait identifié le conflit entre CFC3016 et UAE215. Le contrôleur avait décidé de modifier la trajectoire d'UAE215 en la redirigeant vers l'ouest et de donner l'instruction de monter au FL380. Étant donné qu'il avait une solution en main, le contrôleur ne croyait pas qu'il était nécessaire d'annoter les fiches de progression de vol du « W » rouge, comme il est exigé. Ainsi, un aide-mémoire essentiel n'a pas été utilisé. L'attention du contrôleur s'est ensuite fixée sur le reste de la circulation dans le secteur. Le conflit n'a pas été résolu et une alarme TFC CA a retenti.

La solution du contrôleur comportait deux éléments : un changement de cap et un changement d'altitude. Le changement d'altitude devait se faire après qu'il aurait été confirmé qu'un changement de route en direction ouest avait été exécuté. Une résolution de conflit en deux étapes exige un moyen de se rappeler qu'une deuxième action doit être accomplie afin de résoudre le conflit. L'emploi du « W » rouge aide le contrôleur à se rappeler que le conflit n'est pas encore résolu. Comme le contrôleur n'avait pas utilisé cet aide-mémoire, le changement d'altitude n'a pas été exécuté.

Dans des circonstances où le temps presse, l'emploi d'une phraséologie impérative vise à signaler aux équipages l'importance d'une action immédiate. Le contrôleur n'avait pas employé la phraséologie impérative et il n'y avait rien dans l'intonation de sa voix qui soulignait la nature urgente des instructions. Par conséquent, les équipages n'ont pas réagi immédiatement; CFC3016 a attendu 36 secondes avant de commencer à descendre.

Le contrôleur avait autorisé CFC3016 à virer à droite et UAE215 à virer à gauche. La géométrie de ce conflit entre routes sécantes était telle que les virages ont amené un des avions à passer directement au-dessus de l'autre. Les virages demandés par le contrôleur n'ont pas réussi à établir l'espacement latéral radar minimal. L'espacement vertical a été établi grâce à la première instruction de descente donnée à CFC3016 et la réaction d'UAE215 au RA du TCAS.

L'alarme de TFC CA a retenti comme il se doit. L'avertissement de 60 secondes n'offre peut-être pas assez de temps, toutefois, pour résoudre des conflits si :

Bien que CFC3016 ait reçu des instructions moins de 9 secondes après l'avertissement TFC, l'avion n'a pas commencé à descendre assez vite pour éviter une perte d'espacement. Les deux appareils se sont rapprochés au point où le TCAS d'UAE215 a généré un RA, ce qui n'a laissé d'autre choix à l'équipage que de lui obéir.

Le contrôleur a continué de donner à UAE215 des instructions de virage après avoir été informé que l'équipage répondait à un RA du TCAS. Aucune information particulière sur le trafic n'a été transmise aux deux avions.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le contrôleur s'est rendu compte qu'il y avait un conflit entre CFC3016 et UAE215 quand il a pris le contrôle d'UAE215, mais il n'a pas utilisé l'aide-mémoire requis et il n'a pas su prendre assez tôt des mesures permettant de maintenir l'espacement.
  2. Le contrôleur n'a pas employé la phraséologie impérative quand il a donné aux avions en cause l'instruction de commencer les manœuvres d'évitement, ce qui a probablement retardé la réaction des équipages aux instructions, et ainsi prolongé la période de risque d'abordage.
  3. Les instructions de virage données aux deux avions n'ont pas résolu la perte d'espacement.

Autre fait établi

  1. Selon les circonstances, un avertissement de trafic (TFC CA) de 60 secondes n'offre peut-être pas suffisamment de temps pour résoudre un conflit.

Mesures de sécurité

Le 25 janvier 2010, le BST a fait parvenir à NAV CANADA la lettre d'information sur la sécurité aérienne A09P0096-D1-A1 intitulée Adequacy of Automated Radar Conflict Alert Warning Times (Délais d'avertissement du système radar automatique d'alerte de conflit) dans lequel il mentionnait à NAV CANADA que ce dernier devrait peut-être explorer la possibilité de prolonger la durée du délai d'avertissement au-delà de 60 secondes afin que les contrôleurs aient plus de temps pour donner des instructions permettant de maintenir l'espacement exigé et afin que les équipages aient plus de temps pour exécuter les manœuvres, ce qui réduirait la probabilité qu'un avis de trafic et qu'un RA TCAS ne soient générés.

Dans sa réponse en date du 1er mars 2010, NAV CANADA a indiqué craindre que le système ne génère des alarmes injustifiées si l'on prolongeait le délai d'avertissement, surtout quand des aéronefs sont en montée ou en descente et qu'ils se mettent en palier avant qu'il y ait conflit, mais pas assez vite pour éviter le déclenchement d'une alarme. NAV CANADA a mentionné que la mise en œuvre du projet d'automatisation du système canadien de la circulation aérienne (CAATS) viendrait éventuellement résoudre le problème des alarmes injustifiées déclenchées avant la mise en palier. NAV CANADA a affirmé qu'il entreprendrait d'évaluer la possibilité de prolonger le délai d'avertissement une fois que le CAATS serait modifié pour prendre en compte les avions qui se mettront en palier avant qu'il n'y ait de conflit.

NAV CANADA a entrepris un examen de l'exigence relative à l'utilisation obligatoire de la phraséologie d'alerte à la sécurité associée à la fonction d'alerte de conflit. Au printemps 2010, on a obtenu des renseignements sur des logiciels d'alertes de conflit ainsi que sur les procédures de contrôle de la circulation aérienne (ATC) de l'OACI, de la Federal Aviation Administration et d'autres États. Par conséquent, une ébauche d'une directive ATC sur l'utilisation obligatoire de la phraséologie d'alerte à la sécurité dans l'espace aérien canadien a été préparée. Cette directive sera étudiée par un groupe de travail composé d'experts en opérations ATC qui se rencontreront à Ottawa au cours de l'automne 2010. Le groupe de travail respectera le Système de gestion de la sécurité de NAV CANADA.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A — Trajectoires de vol