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Rapport d'enquête aéronautique A11Q0136

Arrêt moteur et amerrissage forcé
du Cessna A185E, C-FZNK
exploité par Air Tamarac Inc.
à la rivière Bostonnais, à 10 nm au nord-est de
La Tuque (Québec)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 18 juillet 2011, vers 14 h 48, heure avancée de l'Est, le Cessna A185E (immatriculé C-FZNK, numéro de série 18501822) équipé de flotteurs d'Air Tamarac Inc. quitte l'hydrobase de La Tuque (Québec) pour un survol touristique de 20 minutes. L'aéronef décolle en direction nord et monte à une altitude d'environ 1600 pieds au-dessus du niveau de la mer. Après environ 12 minutes de vol, le moteur s'arrête, et l'hélice commence à mouliner au vent. Le pilote planifie un amerrissage d'urgence sur la rivière Bostonnais. Pendant la descente, le pilote tente de redémarrer le moteur, mais sans succès. Le relief environnant de la rivière force le pilote à effectuer un virage serré à gauche. L'appareil décroche, pique du nez et percute la surface de l'eau. L'appareil culbute et s'immobilise en position inversée dans l'eau. Des riverains réagissent rapidement, communiquant avec les secours et portant assistance aux occupants. Des 5 personnes à bord, le pilote et 3 passagers survivent, alors qu'un passager décède. La radiobalise de repérage d'urgence se déclenche à l'impact, mais aucun signal n'est capté.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le jour de l’événement, C-FZNK, un Cessna A185E sur flotteurs, effectue des vols touristiques dans la région de La Tuque (Québec). Le vol en question est le troisième de la journée. Avant le premier vol, le pilote effectue une inspection extérieure de l’appareil, au cours de laquelle le système de carburant est purgé pour s’assurer qu’il n’y a pas de contaminant.

À 10 h 10Note de bas de page 1 le pilote effectue le premier vol de la journée, soit un aller-retour au lac aux Trois Caribous, situé à environ 25 nm au nord-est de La Tuque. Ce vol est d’une durée d’environ 30 minutes. À la suite de ce vol, le pilote mesure la quantité de carburant avec le bâton gradué, lequel indique que chaque réservoir contient environ 15 gallonsNote de bas de page 2 de carburant. Le deuxième vol, soit le premier vol touristique de la journée, est d’une durée d’environ 20 minutes, et C-FZNK revient à la base vers 14 h 39.

Avant le départ du vol en question, le pilote ne mesure pas la quantité de carburant et estime que les réservoirs gauche et droit contiennent respectivement environ 10 et 15 gallons. Vers 14 h 43, le pilote fait monter à bord les 4 passagers pour le vol touristique de 20 minutes. L’appareil est arrimé au quai de manière à ce que l’embarquement s’effectue de la porte gauche. Les passagers sont dirigés, un à un, à leur siège respectif, et le pilote boucle leur ceinture de sécurité en montrant leur fonctionnement. Le pilote monte à bord et avise qu’il y aura un peu de turbulence. Le pilote indique l’emplacement des sacs pour le mal de l’air et des vêtements de flottaison individuels (VFI).

Le pilote démarre le moteur et quitte le quai. Pendant la circulation sur l’eau, le pilote continue l’exposé des consignes de sécurité en expliquant comment verrouiller et déverrouiller les portes. Le sélecteur de réservoir de carburant est à la position BOTH pour alimenter le moteur à partir des 2 réservoirs. Vers 14 h 49, l’appareil décolle et se dirige en direction nord au-dessus du barrage Beaumont. Environ 5 minutes après le décollage, le pilote place le sélecteur à la position LEFT pour alimenter le moteur à partir du réservoir gauche. L’appareil commence un long virage à droite vers la rivière Croche et survole ensuite la rivière Bostonnais (Figure 1).

À environ 15 h 01, soit 12 minutes après le décollage, le moteur s’arrête. À ce moment, l’appareil est à une altitude d’environ 1600 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). L’hélice mouline dans le vent, et l’appareil perd de l’altitude. Le pilote effectue la procédure d’urgence de mémoire. Il replace le sélecteur de réservoir à la position BOTH et tente plusieurs combinaisons d’ajustement des contrôles de puissance et du mélange du moteur et différentes sélections de réservoir. Les tentatives de démarrage du moteur sont sans succès. Pendant la descente, le pilote tente à 2 reprises de communiquer avec la compagnie par radio pour l’informer de la situation. Les communications demeurent sans réponse. Le pilote dirige l’appareil vers la rivière Bostonnais en vue d’un amerrissage d’urgence. La rivière Bostonnais, dont l’élévation est d’environ 620 pieds asl, est étroite et très sinueuse.

À environ 15 h 02, on voit l’appareil faire un virage serré vers la gauche au-dessus des arbres qui bordent la rivière. L’avion pique du nez, percute l’eau et culbute avant de s’immobiliser, inversé avec les flotteurs à la surface.

Figure 1. Parcours approximatif de l'appareil selon les photos prises en vol
Figure 1 –Parcours approximatif de l'appareil selon les photos prises en vol

1.2 Tués et blessés

  Équipage Passagers Tiers Total
Tués - 1 - 1
Blessés graves - 1 - 1
Blessés légers/indemnes 1 2 - 3
Total 1 4 - 5

1.3 Dommages à l’aéronef

L’appareil était inversé et touchait le fond de la rivière, ce qui l’empêchait de caler ou de descendre le courant. Les dommages à l’appareil, constatés lors de la récupération de l’épave, étaient importants et typiques de ceux observés à la suite d’un décrochage. Les ailes, le fuselage et la queue étaient froissés. Le devant des flotteurs était sectionné. La porte droite de la cabine était manquante.

1.4 Autres dommages

À l’exception des arbres endommagés lorsqu’on a sorti l’appareil de la rivière, il n’y a pas eu d’autres dommages à des biens ni à l’environnement.

1.5 Renseignements sur le personnel

  Commandant de bord
Licence Pilote professionnel
Date d’expiration du certificat de validation 1 avril 2012
Heures de vol au total 550
Heures de vol dans les 90 jours avant l’événement 140,1
Heures de vol sur type dans les 90 jours avant l’événement 140,1
Heures libres avant la prise de service 12

Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote avait accumulé 550 heures de vol, dont environ 400 heures sur le Cessna 185 équipé de flotteurs. Le pilote travaillait pour la compagnie depuis avril 2010. Rien n’indique que la fatigue a été un facteur contributif dans cet événement.

1.5.1 Renseignements sur la formation

En avril 2010, le pilote a complété sa formation de pilote, qui comprenait 225 heures de vol en avion et 22 heures avec simulateur pour l’obtention d’une licence de pilote professionnel avec qualification sur hydravion. La formation pour l’obtention de la qualification sur hydravion s’est faite principalement sur le Cessna A185F.

Le programme de formation comprend un volet théorique et un volet pratique. Au cours de la formation pratique, plusieurs aspects sont abordés, dont la simulation de panne moteur, l’amerrissage sans moteur et l’évacuation sous-marine.

Dès sa formation complétée, le pilote a été embauché chez Air Tamarac et il a reçu la formation initiale, conformément au programme de formation de la compagnie approuvé par Transports Canada (TC). Ce programme comprend notamment la connaissance des procédures de la compagnie ainsi que la formation initiale au sol et en vol sur le Cessna 180 et 185.

En mai 2011, conformément au programme de formation de la compagnie, le pilote a effectué un contrôle de la compétence pilote (CCP) annuel. Dans le cadre du CCP, le pilote a complété un examen théorique et une formation en vol sur le Cessna A185E. La formation en vol a été effectuée avec le chef pilote de la compagnie et a totalisé 4,7 heures. L’examen théorique et la formation annuelle en vol couvrent les procédures d’urgence. Le pilote a satisfait aux exigences du CCP. La totalité de ses heures de vol au sein de la compagnie a été effectuée sur le Cessna A185E (C-FZNK).

1.6 Renseignements sur l’aéronef

1.6.1 Généralités

Constructeur Cessna Aircraft Corporation
Type et modèle Cessna A185E
Année de construction 1970
Numéro de série 18501822
Certificat de navigabilité Valide
Nombre d’heures de vol cellule 5611
Moteur/Nombre d’heure depuis sa révision Continental Motors IO-520, N /S 293280-R/126,2 heures
Hélice/Modèle Mc Cauley /D3A34C401 (3 pales de 86 pouces)
Masse maximale autorisée au décollage 3525 livres
Type de carburant recommandé 100LL
Type de carburant utilisé 100LL

1.6.2 L’aéronef

Le 30 juin 2011, soit environ 30 heures de vol avant l’accident, C-FZNK a fait l’objet d’une inspection périodique de 100 heures de vol. L’examen des documents techniques de l’aéronef indique que l’appareil était entretenu en conformité avec les normes en vigueur par un organisme de maintenance agréé (OMA). L’appareil était muni d’un moteur à injection Continental IO-520-R de 6 cylindres. Le moteur avait été remis à neuf 126,2 heures de vol avant l’accident. L’examen des documents de révision du moteur et d’entretien effectué par la suite ne montre aucune anomalie.

C-FZNK était muni de 2 portes principales à l’avant et d’une porte-cargo à l’arrière gauche. Il était équipé de 2 sièges avant avec ceintures-baudriers pour le pilote et le passager avant. Les sièges de la deuxième rangée étaient repliables, munis de ceintures de sécurité à la taille. Le siège de la troisième rangée était repliable et muni d’une ceinture de sécurité à la taille.

L’appareil était équipé de flotteurs EDO3430 qui étaient approuvés par un certificat de type supplémentaire (CTS)Note de bas de page 3 pour ce type d’aéronef. Le CTS ne mentionne pas de dégradation dans la performance relativement au décrochage. De plus, C-FZNK était muni d’ailes modifiées par le constructeur conformément à un CTS approuvé par la Federal Aviation Administration (FAA). Ces ailes augmentent la charge maximale de l’appareil et contiennent des réservoirs à grande capacité. Selon ce CTS, ces ailes n’altèrent pas les caractéristiques de décrochage aérodynamique. Cette modification était aussi approuvée par TC.

1.6.3 Décrochage aérodynamique

Selon le manuel de l’aéronef, la vitesse de décrochage aérodynamique du Cessna A185E est de 65 mi/h en vol rectiligne et horizontal lorsque l’appareil est à sa masse maximale autorisée de 3320 livres et que les volets sont montés. La vitesse de décrochage augmente à 70 mi/h à 30° d’inclinaison et à 93 mi/h à 60° d’inclinaison. Dans le cas de cet événement, la masse de l’appareil au décollage était de près de 3000 livres, et son centrage était à l’intérieur des limites prescrites par le constructeur. À la suite de l’arrêt du moteur, le pilote a maintenu une vitesse de 80 mi/h.

1.6.4 Système d’alimentation en carburant

Le système d’alimentation en carburant comprend plusieurs composants, dont une pompe carburant mécanique entrainée par le moteur, une pompe carburant électrique d’appoint et de l’équipement optionnel, soit un robinet de sélection de 2 réservoirs.

Le robinet de sélection de réservoir a 3 positions (LEFT, BOTH, RIGHT). Ainsi, le pilote peut sélectionner une alimentation de carburant au moteur soit du réservoir gauche, droit ou des 2 réservoirs. Au moment de la panne moteur, le robinet était à la position LEFT.

C-FZNK était muni de 2 réservoirs de carburant à grande autonomie. Puisque le système d’alimentation comportait un robinet de sélection de réservoir, la capacité totale des réservoirs était de 78 gallons. Selon le constructeur, la quantité de carburant non utilisableNote de bas de page 4 par réservoir était de 3,0 gallons. La quantité de carburant est indiquée au pilote par 2 indicateurs de niveau de carburant dédiés à chacun des réservoirs.(Photo 1)

Photo 1. Exemple d'indicateurs de niveau de carburant d'un Cessna A185E
Photo 1. Exemple d'indicateurs de niveau de carburant d'un Cessna A185E

Le niveau de carburant est mesuré par les transmetteurs de quantité, se trouvant dans chaque réservoir, qui transmettent la quantité à chaque indicateur de niveau de carburant. L’indicateur affiche vide (E), où se trouve l’arc rouge, lorsque le levier du flotteur est en contact avec la butée mécanique minimum du transmetteur. L’étalonnage des indicateurs est effectué annuellement conformément au programme de maintenance de la compagnie. Aucune anomalie n’avait été rapportée concernant les indicateurs. Peu de temps avant la panne du moteur, l’aiguille du réservoir gauche pointait près du E.

1.6.5 La précision des indicateurs de niveau de carburant

Il est connu des propriétaires et des exploitants de Cessna 185 que le niveau de précision des indicateurs est faible, particulièrement lorsque la quantité de carburant dans les réservoirs se trouve en dessous du quart. C’est pour cette raison que la majorité des propriétaires d’appareils Cessna 185 et de plusieurs autres petits aéronefs en sont venus à fabriquer des bâtons gradués, qui servent à mesurer visuellement la quantité de carburant en insérant le bâton jusqu’au fond du réservoir à partir des bouchons de remplissage. Le bâton gradué est étalonné en fonction de la quantité de carburant mis dans le réservoir lors de l’étalonnage de l’indicateur de niveau de l’appareil. Il n’est pas possible de déterminer si la quantité de carburant indiquée sur le bâton gradué comprend le carburant inutilisable. Le bâton gradué de C-FZNK avait été fourni avec l’appareil lors de son achat par l’exploitant en 2006.

Des recherches dans différentes bases de données d’accidents d’aviation montrent que dans plusieurs événements, particulièrement ceux touchant l’aviation générale, une mauvaise gestion du carburant est citée comme facteur contributif à des pannes de carburant en vol. On trouve aussi de nombreux commentaires dans les forums de discussion qui soulignent que les indicateurs de niveau de carburant sont pratiquement inutiles. L’enquête nous permet de croire que l’industrie s’est adaptée à cette condition par la fabrication et l’utilisation de bâtons gradués pour compenser le manque de précision des indicateurs et comme complément de ceux-ci.

La base de certification du Cessna 185, qui porte le numéro 3A24, date de 1961. Elle est fondée sur la réglementation de la Federal Aviation Administration, soit la partie 3 des Civil Air Regulations (CARs), telle que modifiée le 15 mai 1956, intitulée Airplane Airworthiness : Normal, Utility, and Acrobatic Categories. La sous-partie 3.672 des CARs, qui concerne la certification de l’indicateur de niveau de carburant, exige que l’indicateur soit étalonné de manière à lire zéro en attitude de croisière lorsque la quantité de carburant restante dans le réservoir est égale à la quantité inutilisable définie à la sous-partie 3.437 des CARs.

Selon l’article 23.1337 (b) des Federal Aviation Regulations (FARs), l’indicateur doit être calibré soit en gallons soit en livres, et l’étalonnage utilisé doit être marqué. Chaque indicateur doit être calibré pour lire zéro en vol rectiligne lorsque la quantité de carburant restant dans le réservoir est égale à la quantité non utilisable déterminée par le constructeur. Cependant, l’article 23.1337 (b) des FARs ne fait aucune mention quant à la précision des indicateurs lorsque la quantité dans les réservoirs est supérieure à la quantité de carburant non utilisable. L’article exige qu’il y ait un moyen pour indiquer aux membres d’équipage la quantité de carburant utilisable dans chaque réservoir pendant le vol. L’indicateur doit être calibré et clairement marqué pour indiquer la quantité et l’étalonnage.

1.6.5 Carburant consommé

La consommation moyenne d’un appareil en vol de croisière dépend de plusieurs facteurs, notamment l’altitude, ainsi que le régime moteur et le mélange utilisés. Il avait été établi par le pilote que C-FZNK consommait entre 15 et 16 gallons à l’heure en vol de croisière.

Du premier vol touristique de la journée jusqu’à l’arrêt du moteur, l’appareil a effectué environ 32 minutes de vol. Avec une consommation horaire moyenne de 15,5 gallons, l’appareil aurait raisonnablement consommé environ 8,25 gallons des 30 gallons mesurés par le pilote avant le départ du premier vol touristique de la journée. Il aurait donc dû y avoir dans les réservoirs environ 21,75 gallons au moment de la panne. Il faut réduire de cette quantité environ 1 gallon pour tenir compte du temps entre les démarrages du moteur et de la circulation sur l’eau avant les décollages. Il devait donc rester environ 20,75 gallons dans les réservoirs.

Tableau 1. Consommation de carburant de C-FZNK
Information Temps de vol Carburant consommé Carburant à bord Méthode de mesure
Départ s.o. s.o. 30 gallons mesuré
Vol touristique no 1 20 minutes 5,15 gallons 24,85 gallons estimé
Vol touristique no 2 12 minutes 3,1 gallons 21,75 gallons estimé
Circulation sur l’eau et décollage (x2) s.o. 1 gallon 20,75 gallons estimé
Après l’accident s.o. s.o. 19 gallonsNote de bas de page 5 récupéré

Lors de l’examen de l’épave, environ 15 gallons ont été récupérés du réservoir droit et environ 4 gallons du réservoir gauche. On peut donc croire que les quantités mesurées par le pilote à l’aide du bâton étaient relativement précises. Cependant, la quantité récupérée contenait un peu d’eau en raison de l’immersion de l’appareil, ce qui a pu causer une certaine erreur dans la mesure de la quantité réelle de carburant. De plus, il est aussi possible qu’une quantité de carburant ait pu être transférée du réservoir le plus plein vers l’autre réservoir pendant l’immersion. On a remarqué une quantité de carburant de moins de 0,5 gallon s’échappant de l’évent droit pendant la sortie de l’appareil de la rivière.

1.7 Conditions météorologiques

Les conditions météorologiques n’ont pas été un facteur dans cet événement. Le jour de l’accident, les conditions météorologiques étaient propices au vol à vue; le ciel était dégagé et la visibilité était supérieure à 6 milles terrestres.

1.8 Aides à la navigation

Sans objet (S.O.)

1.9 Télécommunications

Selon le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC)Note de bas de page 6, la première transmission d’un appel d’urgence et d’un message de détresse doit se faire sur la fréquence air-sol en usage au moment de l’appel. Si le pilote est incapable d’établir la communication sur cette fréquence, il doit répéter l’appel et le message sur la fréquence d’urgence 121,5 MHz afin d’établir la communication avec une station terrestre ou un aéronef en vol. Après la panne moteur, le pilote a tenté 2 communications radio sur la fréquence VHF 123,85 MHz de l’hydrobase d’Air Tamarac. Les communications sont demeurées sans réponse; elles n’ont pas été entendues ou enregistrées. Le Règlement de l’aviation canadien (RAC) n’exige pas qu’une personne de la compagnie soit à l’écoute de la fréquence en tout temps pour maintenir un suivi des vols. Rien n’indique que le pilote ait tenté de transmettre un message d’urgence sur la fréquence 121,5 MHz.

1.10 Renseignements sur l’aérodrome

S.O.

1.11 Enregistreurs de bord

L’aéronef n’était pas équipé d’un enregistreur de bord, et n’était pas tenu de l’être en vertu de la réglementation en vigueur.

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

1.12.1 Examen préliminaire de l’épave

L’avion était inversé dans la rivière à un endroit où il ne pouvait pas caler. La porte droite de la cabine a été arrachée lors de l’impact et n’a pas été retrouvée.

Avant que l’appareil soit sorti de l’eau, les observations suivantes ont été notées :

Après la sortie de l’eau de l’épave, l’information suivante a été recueillie :

1.12.2 L’examen du moteur

L’examen du moteur et de ses composantes, mené au Laboratoire du BST, n’a révélé aucune anomalie qui aurait pu empêcher le moteur de développer de la puissance. L’examen a révélé que l’absence de carburant dans le distributeur de carburant aux injecteurs pourrait être interprétée comme une panne d’alimentation en carburant ou une panne sèche.

1.12.3 L’examen du système de carburant

L’examen du système de carburant de l’appareil n’a révélé aucune anomalie de fonctionnement des composantes de sélection, des prises à l’air libre (évents) des réservoirs, des conduits, des attaches, du drain de purge et du filtre séparateur d’eau.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Le pilote n’avait aucun antécédent médical, et sa licence était valide.

1.14 Incendie

Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

À environ 15 h 02, l’appareil est descendu sans bruit de moteur et a piqué du nez pendant un virage à gauche vers la rivière Bostonnais. Un appel au numéro d’urgence 911 a été reçu à environ 15 h 07, et les policiers sont arrivés à l’adresse rapportée à environ 15 h 10.

Après l’impact, C-FZNK s’est renversé et s’est rapidement rempli d’eau opaque. La porte du côté droit, côté passager, a été arrachée de l’appareil à l’impact.

Figure 2. Location of occupants and exit points
Figure 2. Emplacement des occupants et points de sortie

Le pilote (no 1 dans la figure) s’est détaché et s’est dirigé vers l’ouverture à la droite de l’appareil (Figure 2). Dans l’obscurité et l’opacité de l’eau, le pilote n’a jamais vu ni pensé déverrouiller et ouvrir la porte gauche du poste de pilotage. En passant par cette ouverture, le pilote a tenté d’extirper le passager avant (no 2 dans la figure), mais ce dernier était encore retenu à son siège par sa ceinture-baudrier. Le pilote a continué à nager vers la surface. Le passager avant n’a jamais pensé détacher sa ceinture. Pris de panique, il s’est extirpé en s’agitant pour remonter à la surface. L’occupant (no 3 dans la figure) assis derrière le pilote, à gauche, n’a pas eu connaissance de s’être détaché, et est sorti par la fenêtre brisée à gauche de la cabine. Ce passager ne savait pas nager.

Le pilote et un des passagers ont plongé à plusieurs reprises pour évacuer les 2 enfants (no 4 et no 5 dans la figure) pris dans l’appareil. Le pilote a plongé vers l’arrière de l’appareil et a ouvert la porte-cargo à gauche de l’appareil. Il a vu le vêtement de l’occupant (no 5 dans la figure), mais a manqué de souffle pour l’évacuer de la cabine.

Le pilote est remonté à la surface, et un des passagers a plongé et a sorti l’enfant de la cabine par cette même porte. Au même moment, un riverain est arrivé près d’eux et a commencé la réanimation de l’enfant. L’enfant (no 5 dans la figure) avait des blessures importantes au visage et à la tête, ce qui peut avoir causé une perte de conscience après l’impact.

Un des passagers et le pilote ont continué à plonger pendant plus de 5 minutes avant de trouver l’autre enfant (no 4). Le passager l’a retiré de la cabine. L’enfant a été allongé sur un des flotteurs. La réanimation a été effectuée jusqu’à l’arrivée des secours vers 15 h 12, mais sans succès. L’enfant n’avait aucune marque de blessure. Après être demeuré sous l’eau pendant environ 8 minutes, l’enfant n’a pu être réanimé et est décédé par noyade.

Lors de l’évacuation, le pilote et les passagers n’ont pas pensé à récupérer les VFI gonflables qui se trouvaient dans les pochettes des sièges à bord de l’hydravion. La réglementation actuelle n’exige pas le port de VFI.

1.15.1 Radiobalise de repérage d’urgence

C-FZNK était équipé d’une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de marque Ameri-King Corp. (modèle AK451-AF, numéro de série 1312), émettant un signal sur la fréquence 406 MHz et 121,5 MHz. L’ELT était certifiée et avait été vérifiée conformément à la réglementation. Lors de l’examen de l’épave dans l’eau, le témoin lumineux de l’ELT était allumé, ce qui confirmait que la balise s’était déclenchée à l’impact. L’ELT était correctement relié à son antenne, et aucun dommage n’était apparent dans son installation. L’antenne était submergée et inversée sous l’eau, ce qui empêchait la transmission du signal aux satellites. L’examen du Laboratoire a constaté que de l’eau et du sable s’étaient infiltrés dans le boîtier de l’ELT, ce qui a empêché une vérification du fonctionnement. Rien ne permet de croire que l’ELT ne pouvait pas fonctionner normalement.

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Essai de redémarrage du moteur en vol

Le 12 août 2011, de son propre chef, Air Tamarac a choisi d’effectuer un vol d’essai avec un Cessna A185E; les flotteurs, l’extension des ailes et l’hélice étaient identiques à l’appareil accidenté. Le vol avait pour but de vérifier l’effet de la pompe carburant électrique d’appoint sur le démarrage après une panne sèche du moteur en vol.

Lors du vol d’essai, le pilote a volontairement amené à sec le réservoir droit et le réservoir collecteurNote de bas de page 7 . Les éléments suivants ont été observés :

Le vol d’essai a permis de conclure que l’activation de la pompe carburant électrique d’appoint permet de relancer la pompe carburant mécanique montée sur le moteur, qui contient de l’air à la suite d’une panne sèche. L’air ne peut être expulsé par la pompe mécanique, ce qui empêche l’alimentation en carburant au contrôleur de carburant du moteur, ainsi que le redémarrage.

1.16.2 Panne d’alimentation d’un Cessna 185A en 2009

Le rapport no A09C0167Note de bas de page 8 du BST sur l’arrêt moteur d’un Cessna 185A de West Caribou Air Services souligne que les indicateurs de quantité de carburant de l’aéronef en cause n’étaient pas fiables, et qu’ils n’ont pas été surveillés pendant le vol. Par conséquent, le pilote ne pouvait pas être certain de la quantité de carburant dont il disposait en vol. Le moteur a vraisemblablement perdu de la puissance en raison d’un manque de carburant, qui s’est produit lorsque la petite quantité de carburant restant dans l’aile gauche s’est déplacée. Le carburant n’atteignait donc plus les conduites d’alimentation du réservoir gauche pendant le virage à faible inclinaison vers la droite. Après la perte de puissance du moteur, le pilote n’a pas mis en marche la pompe à carburant électrique d’appoint, et la puissance du moteur n’a pas été rétablie.

1.16.3 Études de survie lors d’une évacuation d’un avion submergé

D’après des recherches antérieures sur les accidents mettant en cause des aéronefs submergés, 10 à 15 % des occupants impliqués dans de tels accidents sont incapables d’exécuter les manœuvres de sortie requises de façon efficaceNote de bas de page 9 . Pour un autre 10 à 15 % des occupants, l’intensité du stress les empêche de bouger, ce qui réduit considérablement leurs chances de survie. Quant au 75 % qui reste, les occupants sont étourdis ou traumatisés, mais peuvent généralement réussir à s’en tirer si une bonne formation en évacuation sous-marine est suivie, et si ces occupants sont bien préparés à une telle éventualité.

L’accès restreint aux portes de sortie normales, la température de l’eau, l’obscurité et la désorientation causée par un impact avec l’eau sont autant de facteurs qui réduisent la capacité des occupants à évacuer un aéronef immergé. L’exposé aux passagers insiste surtout sur l’importance de mémoriser l’emplacement des sorties, qui sont clairement indiquées sur les cartes de consignes de sécurité des passagers. Même si l’information a été donnée correctement, selon les renseignements anecdotiques obtenus, il demeure que certains passagers n’écoutent pas les renseignements ou ne consultent pas la documentation à cet effet.

D’autres recherches ont également démontré que la capacité d’une personne à retenir son souffle est un des principaux facteurs de survie lors d’un accident sur l’eau. En effet, les chercheurs ont conclu que le manque de capacité d’apnée est à l’origine d’un taux de mortalité de 15 à 50 % lors d’accidents aquatiquesNote de bas de page 10. Une étude a révélé que la capacité moyenne d’apnée dans une eau d’une température de 25 °C était de 37 secondes. Or, cette capacité chute de 5 à 10 secondes dans une eau dont la température se rapproche du point de congélationNote de bas de page 11 .En juillet, la température moyenne de l’eau dans cette région est d’environ 20 °C à la surface. De plus, l’étude montre que les plongeurs entraînés en apnée pouvaient plonger pour une période de 47,4 +/− 21,6 secondes, comparativement aux plongeurs non entraînés qui pouvaient plonger pour une période de 37,6 +/− 20,6 secondes. De plus, ces plongeurs entraînés démontraient une plus grande force et capacité, ainsi qu’un plus grand confort dans l’eau.

La même étude conclut que dans des situations d’urgence, la capacité d’apnée diminue de façon dramatique, et est un facteur important lié au faible taux de survie en cas d’immersion accidentelle, comme un écrasement d’avion. L’utilisation d’un appareil respiratoire sous-marin par les occupants, à qui on a montré comment bien utiliser cet appareil, peut prolonger le temps disponible pour sortir d’un aéronef submergéNote de bas de page 12.

Pour une personne qui a réussi à évacuer un aéronef submergé dans des eaux profondes, la survie devient une préoccupation importante. Selon l’Étude de sécurité portant sur les possibilités de survie dans les accidents d’hydravions (SA9401) du BST, il est peu probable que devant l’urgence de rejoindre la surface de l’eau, les personnes pensent à saisir un gilet de sauvetage entreposé dans l’aéronef. Or, sans gilet de sauvetage, la personne dépense beaucoup d’énergie à se maintenir à la surface de l’eau. Un tel effort physique cause une perte de chaleur, une perte de souffle et un épuisement, et peut éventuellement aboutir à la noyade. Les probabilités de survie d’une personne qui ne porte pas de gilet de sauvetage sont encore plus minces si elle est blessée.

1.16.4 Recommandation A11-05 du

À la suite de l’enquête no A09P0397 du concernant l’accident d’un de Havilland DHC-2 MK 1 survenu le 29 novembre 2009, au cours duquel 6 personnes ont péri, noyées à l’intérieur de l’appareil, le conclut que les risques de noyade sont élevés pour les occupants d’hydravions. En effet, au cours des 20 dernières années, près de 70 % des victimes d’accidents d’aéronefs dans lesquels l’appareil a été endommagé dans l’eau se sont noyées. Or la moitié des victimes ont été retrouvées dans l’épave immergée. Il n’est pas toujours possible de déterminer les faits avec certitude; cependant, certaines enquêtes ont pu établir que les occupants étaient conscients et capables de se déplacer dans la cabine avant de se noyer. De tels événements confirment la probabilité selon laquelle des personnes aptes physiquement peuvent se trouver coincées dans un aéronef immergé et se noyer.

Cette enquête a permis de conclure que certains passagers avaient survécu à l’impact, mais s’étaient noyés parce que 2 des 4 sorties normales étaient coincées. Si toutes les sorties avaient été accessibles ou s’il y avait eu d’autres issues de secours, telles que des fenêtres largables, il y a de fortes chances qu’un plus grand nombre de personnes auraient réussi à sortir de l’hydravion et auraient survécu à l’accident. Une des mesures de sécurité en cours concerne la mise au point de fenêtres largables pour le modèle DHC-2, mais une telle mesure ne vise qu’un seul type d’hydravion parmi tant d’autres. De plus, aucune exigence réglementaire n’impose l’installation de telles issues de secours. C’est pourquoi le 17 mars 2011, le BST a fait la recommandation A11-05 :

Le BST recommande que le ministère des Transports exige que les sorties normales et les issues de secours des hydravions commerciaux, neufs et actuellement en service, permettent une évacuation rapide après un impact avec l’eau offrant des chances de survieNote de bas de page 13.

Depuis, TC a pris des mesures pour traiter la question de la sécurité des hydravions à flotteurs, notamment des campagnes de promotion et de sensibilisation à la sécurité, de même que des mesures réglementaires. TC a publié une alerte à la sécurité de l’Aviation civile (ASAC) le 3 juin 2011, adressée aux exploitants d’hydravions à flotteurs privés et commerciaux, qui recommande de suivre les pratiques exemplaires en matière de sécurité des hydravions à flotteurs :

Dans sa réponse de mars 2012, TC a indiqué qu’un groupe de discussion avait été formé avec des intervenants de l’industrie au cours de l’été 2011 afin d’évaluer la recommandation A11-05 portant sur l’installation de sorties normales et des issues de secours sur les hydravions, ce qui permettrait une évacuation rapide après un impact avec l’eau offrant des chances de survie.

TC a indiqué que les propositions du groupe de discussion avaient été présentées à la haute direction de TC au cours d’une réunion du Comité de réglementation de l’Aviation civile (CRAC), et qu’au terme d’une étude détaillée, la haute direction de TC les avait acceptées. TC a indiqué que la rédaction des règlements appropriés était en cours en vertu d’un processus accéléré, mais aucune date d’échéance n’a été fournie.

Le BST était d’avis que les mesures proposées pouvaient améliorer les évacuations d’urgence des hydravions commerciaux et étaient susceptibles de réduire de façon significative ou d’éliminer la lacune de sécurité. Toutefois, les mesures n’étaient pas assez avancées pour diminuer le risque pour la sécurité des transports. Le BST a estimé que la réponse dénotait une intention satisfaisante. Par conséquent, le personnel du BST allait surveiller l’évolution des mesures prévues et réévaluer la lacune chaque année ou lorsque de nouveaux éléments le justifieraient.

Le 4 décembre 2012, TC a indiqué qu’il avait entrepris un examen approfondi des rapports du BST concernant les accidents sur plans d’eau, ainsi que d’autres informations et études sur le sujet. Cela permettra d’évaluer les facteurs qui ont une influence sur l’évacuation sous l’eau afin de déterminer s’il y a des options de conception viables pour améliorer ce type d’évacuation.

En outre, TC a indiqué qu’il modifie la formation des équipages de conduite des hydravions utilisés dans les opérations commerciales et examine la nécessité de clarifier les exigences concernant le port des baudriers par les pilotes. La rédaction juridique des modifications proposées progresse, avec une date de publication prévue dans la Gazette du Canada en 2014.

Il est difficile d’évaluer si et comment TC prévoit répondre à la recommandation A11-05. Les actions proposées peuvent ou non se traduire par l’amélioration des évacuations d’urgence des hydravions commerciaux. Cependant, pour le moment, les mesures prises ne sont pas suffisamment avancées pour réduire les risques pour la sécurité des transports. En date du 6 mars 2013, le BST estime qu’il est impossible d’évaluer cette réponseNote de bas de page 14.

1.16.5 L’évacuation

Des recherches ont démontré que la fréquenceNote de bas de page 15 et le réalismeNote de bas de page 16 de la formation (formelle ou non) d’évacuation sous-marine sont des facteurs importants dans le résultat d’une évacuation d’urgence. Une plus grande fréquence et un réalisme aident à créer un comportement d’évacuation d’urgence plus automatique, lequel diminuera le temps d’évacuation. Bien que la plupart des passagers d’avion adultes n’ont pas reçu de formation formelle d’évacuation d’urgence, ils ont entendu et vu les exposés de sécurité, normalement avant chaque vol, qui sont souvent accompagnés d’une vidéo réaliste. Le visionnement ou l’écoute répétés de l’exposé de sécurité est en effet une forme de formation conçue pour augmenter la possibilité d’une évacuation réussie.

Les enfants ont normalement moins d’expérience que les adultes en tant que passagers d’avion. Par conséquent, ils ont aussi reçu moins de formation (informelle/exposé) sur les évacuations d’urgence que les adultes. Il est donc important de considérer les enfants séparément afin de leur présenter les procédures de sécurité et d’évacuation d’urgence. Il peut être avantageux de répéter les exposés de sécurité 1 ou 2 fois de plus pour adresser le déterminant de fréquence, et il peut aussi être bénéfique de leur faire pratiquer à quelques reprises les procédures d’évacuation d’urgence pour augmenter le facteur de réalisme et pour compenser le manque d’expérience.

1.17 Renseignements sur les organismes et la gestion

1.17.1 Air Tamarac Inc.

Air Tamarac exploite une flotte de 5 appareils de type Cessna 180, Cessna 185 et de Havilland Beaver DHC2 sur flotteurs. En accord avec son certificat d’exploitation, les opérations de l’entreprise sont effectuées conformément aux sous-parties 702 et 703 du RAC. Dans le cadre de cet événement, l’appareil était exploité conformément à la sous-partie 703Note de bas de page 17.

TC a effectué une inspection de validation de programme (IVP) de l’entreprise en juin 2011. L’IVP a permis de relever certaines anomalies mineures de nature administrative dans le manuel d’exploitation de la compagnie relativement à sa forme et son contenu. En juillet 2011, Air Tamarac a répondu avec un plan de mesures correctives qui était à la satisfaction de TC.

1.17.2 Consignes de sécurité

Air Tamarac avait mis à la disposition des passagers un guide du passager intitulé Hydravion et hydravion à flotteurs – Guide du passager (TP 12365)Note de bas de page 18. Cependant, le guide n’a pas été présenté aux passagers avant l’embarquement. Les renseignements du guide visent à servir de complément à la carte des mesures de sécurité et à l’exposé sur les mesures de sécurité à l’intention des passagers. Le guide explique notamment en 7 points comment évacuer en toute sécurité un appareil submergé :

Des cartes de mesures de sécurité à l’intention des passagers étaient également disponibles à chacun des sièges, soit au dossier du siège avant ou dans une pochette près de la portière du passager avant. À l’aide de pictogrammes, ces cartes indiquent:

Les cartes indiquent également que les VFI se trouvent dans la pochette du dossier des sièges.

De plus, la section 3-17 du manuel d’exploitation de la compagnie exige que le pilote communique les consignes de sécurité avant le décollage. Ce manuel indique que des consignes personnalisées doivent parfois être données aux personnes malvoyantes, malentendantes ou à compréhension restreinte, ainsi qu’aux personnes responsables d’une autre personne (bébé, personne blessée, etc.). Avant chaque décollage et atterrissage, le commandant de bord doit vérifier visuellement que tous les passagers sont assis et qu’ils ont bouclé leur ceinture. Le manuel d’exploitation de la compagnie stipule entre autres : « Il est peu pratique de donner des consignes aux passagers en vol à cause du bruit ou d’autres distractions. Ces consignes seront normalement combinées et données aux passagers au sol avant le démarrage du moteur. »

L’enquête a révélé que les consignes de sécurité à l’intention des passagers ont été transmises en partie durant l’embarquement et en partie durant la circulation sur l’eau. Les consignes concernaient l’utilisation des ceintures de sécurité, l’emplacement des sacs pour le mal de l’air et des VFI et la démonstration du verrouillage des portières. Toutefois, les consignes de sécurité de la compagnie ne contenaient pas d’information concernant le déverrouillage des portes en approche en cas d’atterrissage ou d’amerrissage d’urgence. Cette procédure d’urgence, contenue dans le manuel de vol (AOM) de l’appareil, permet l’accès à la cabine par les premiers intervenants. Le pilote n’a pas déverrouillé sa porte et n’a pas donné l’instruction au passager assis en avant à droite de déverrouiller sa porte avant l’amerrissage d’urgence.

L’enquête a révélé qu’il était difficile de comprendre clairement les consignes reçues. Le bruit du moteur, le déplacement de l’appareil et l’enjouement des enfants procuraient trop de distractions pour bien saisir l’importance des consignes de sécurité. Pendant l’exposé sur les mesures de sécurité, il n’a pas été indiqué que l’appareil avait 2 portes à l’avant pour l’évacuation. De plus, les consignes d’utilisation des VFI n’étaient pas claires à savoir quand et comment ils devaient être retirés et utilisés. Les instructions reçues n’ont pas fait référence aux cartes de consignes de sécurité et n’ont pas couvert les procédures d’utilisation des VFI lors d’une évacuation et d’un renversement sous l’eau.

1.17.3 Recommandation A11-06 du

L’enquête no A09P0397 menée par le BST a soulevé que dans bien des accidents sur l’eau, lorsqu’un occupant réussit à sortir d’un aéronef en train de couler, il ne porte pas de gilet de sauvetage, ce qui peut mener à une noyade. Il a été démontré que les personnes qui se trouvent dans un aéronef en train de couler cherchent avant tout à en sortir. Souvent, dans leur hâte, elles ne mettent pas de VFI, soit par manque de temps, soit parce qu’elles n’y ont pas pensé. Dans le cas de cet accident (A09P0397), 2 des blessés graves ont réussi à évacuer l’aéronef, mais aucun d’eux, y compris le pilote qui avait suivi une formation sur l’évacuation sous-marine, n’avait réussi à saisir un des VFI dans l’aéronef. Sans les bouées pare-chocs qu’ils ont utilisées, ils se seraient peut-être noyés.

Certains exploitants, notamment TC pour sa flotte d’aéronefs, exigent que toute personne à bord d’un aéronef qui décolle d’un plan d’eau ou qui y amerrit porte un gilet de sauvetage approuvé. Pour les occupants, une telle mesure évite d’avoir à chercher un VFI et leur permet de s’en servir dès qu’ils ont évacué l’aéronef. Sinon, en l’absence d’autres moyens de sauvetage, il est fort probable que les survivants d’un accident sur l’eau se noient.

Le BST a déjà émis une recommandation (A94-07) selon laquelle les occupants d’hydravions devraient être tenus de porter un VFI pendant le vol. Cette recommandation avait soulevé bon nombre d’objections de la part des responsables de la réglementation et des intervenants de l’industrie. Les objections portaient sur le fait qu’en cas d’urgence, le gonflement spontané du VFI pourrait entraver les mouvements de la personne et gêner l’évacuation des autres. Elles portaient également sur l’inconfort et sur le choix des tailles, surtout si ces VFI sont portés par-dessus les vêtements d’extérieur. Ces objections sont valides en ce qui concerne les gilets de sauvetage traditionnels. Toutefois, il y a eu récemment de nombreuses innovations dans le domaine des VFI, dont la ceinture de sauvetage gonflable manuellement que l’on met avant de la gonfler. Accompagnés d’un exposé clair pour les passagers, ces dispositifs devraient répondre à toutes ces objections. Les éléments de preuve attestent toujours qu’il est peu probable qu’une personne qui ne porte pas de VFI au moment de l’accident en utilise un après avoir évacué un avion submergé.

C’est pourquoi le BST a émis, le 17 mars 2011, la recommandation A11-06, proposant que « le ministère des Transports exige que les occupants d’hydravions commerciaux portent un dispositif individuel qui assure leur flottaison après une évacuation d’urgence »19. Dans sa réponse de mars 2012, TC a indiqué qu’il avait formé un groupe de discussion avec des intervenants de l’industrie au cours de l’été 2011 afin d’évaluer la recommandation A11-06 et de réviser la proposition voulant que les occupants d’hydravions commerciaux portent un dispositif individuel qui assure leur flottaison après une évacuation d’urgence.

TC a indiqué que les propositions du groupe de discussion avaient été présentées à la haute direction de TC au cours d’une réunion du CRAC et que, au terme d’une étude détaillée, la haute direction de TC les avait acceptées. TC a indiqué que la rédaction des règlements appropriés était en cours en vertu d’un processus accéléré, mais aucune date d’échéance n’a été fournie.

Dans sa réponse du 4 décembre 2012, TC a indiqué qu’il sera exigé que tous les occupants d’hydravions commerciaux portent un dispositif de flottaison en tout temps. La rédaction juridique des modifications proposées devrait débuter d’ici la fin de l’année 2012, avec une date de publication prévue dans la Gazette du Canada en 2014.

Ces modifications aux règlements sont susceptibles de réduire de façon significative ou d’éliminer la lacune de sécurité. Toutefois, à ce jour, les mesures ne sont pas assez avancées pour diminuer le risque lié à la sécurité des transports. En date du 6 mars 2013, le BST estime que la réponse dénote une intention satisfaisanteNote de bas de page 20.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Procédures d’urgence et gestion des procédures d’urgence

1.18.1.1 Principes d’élaboration des procédures en cas de situations anormales et d’urgence

En situation d’urgence, un pilote commence souvent par une série d’actions vitales dont la rapidité d’exécution est cruciale (ce sont les vérifications de mémoire). Ces actions sont suivies d’actions secondaires exécutées en lisant la liste de vérifications lorsque celle-ci est disponible et lorsque le temps le permet.

Des études ont montré que les pilotes oublient souvent des vérifications de mémoire lors des procédures d’urgence en raison des limites de la mémoire immédiate et d’une vulnérabilité naturelle aux distractionsNote de bas de page 21, notamment lorsque la charge de travail est élevéeNote de bas de page 22. L’exécution des vérifications de mémoire conduit souvent à des erreurs dans la détermination de la situation d’urgence, dans le choix de la bonne procédure et dans l’exécution de la procédureNote de bas de page 23. Parfois, des actions apparemment simples ne le sont pas forcément pour une personne qui est accaparée par une situation de stress intense et dont la capacité à analyser les situations et à trouver des solutions est sérieusement compromise du fait des limites de la mémoire immédiateNote de bas de page 24. C’est pourquoi certains constructeurs ont essayé de réduire, sinon de supprimer, les vérifications de mémoire des procédures en situations anormales et d’urgenceNote de bas de page 25. Dans certains cas, les constructeurs s’attendent à ce que les pilotes exécutent certaines actions sans consulter la liste de vérifications, mais ils ne précisent pas que ces étapes sont des vérifications de mémoire. Dans l’un des cas où cette pratique a été relevée, l’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne a recommandé aux exploitants d’élaborer leurs propres vérifications de mémoire en conformité avec leur philosophie d’exploitationNote de bas de page 26.

1.18.1.2 Listes de vérifications d’urgence

Le paragraphe 602.60(1) du RAC prévoit que les équipages de conduite disposent d’une liste de vérifications ou des affiches permettant une utilisation de l’aéronef conforme aux limites précisées dans le manuel de vol ou le manuel d’utilisation de l’aéronef, le manuel d’utilisation du pilote ou dans tout autre document équivalent fourni par le constructeur. La liste de vérifications ou les affiches doivent également comporter des procédures applicables en situations anormales et d’urgence. Le but de la liste de vérifications est de faire en sorte que l’équipage de conduite soit en mesure de retrouver rapidement et de façon précise la réponse appropriée, et d’exécuter toutes les actions destinées à maîtriser et à gérer une situation anormale ou d’urgenceNote de bas de page 27. Une liste de vérifications mal utilisée ou mal conçue peut entraîner des conséquences désastreuses.

La section 3 de l’AOM du Cessna A185E contient les procédures d’urgence que les pilotes doivent connaître. Air Tamarac en avait fait des copies plastifiées, qui étaient disponibles à bord de l’appareil pour qu’on puisse s’y référer rapidement. Bien que la section 3 contienne une procédure pour la perte de puissance du moteur et une procédure d’amerrissage sans moteur, on n’y trouve aucune procédure de redémarrage du moteur en vol ni aucune référence à l’utilisation de la pompe carburant électrique d’appoint. Ce type d’appareil est reconnu comme nécessitant l’application de la pompe d’appoint pour assister au redémarrage du moteur lorsqu’il est chaud. L’application de la pompe permet d’éliminer le bouchon d’air qui se trouve dans la pompe carburant mécanique entraînée par le moteur.

Puisque le robinet de sélection de carburant est un système en option sur certains Cessna 185, comme le Cessna 185E, la section 3 de l’ ne fait aucune référence à l’utilisation de la pompe d’appoint pour redémarrer le moteur à la suite d’une panne sèche d’un réservoir. Par conséquent, lorsqu’il n’y pas de robinet, le moteur est toujours alimenté par la gravité à partir des 2 réservoirs. Il est donc improbable que le moteur s’arrête à la suite de l’assèchement d’un seul réservoir, ce qui nécessiterait un redémarrage du moteur par l’usage de la pompe d’appoint. De plus, si le moteur s’arrêtait en raison de l’assèchement des 2 réservoirs, l’utilisation de la pompe d’appoint ne serait d’aucune utilité pour redémarrer le moteur.

Cependant, la section 7 de l’AOMNote de bas de page 28 contient des instructions pour redémarrer le moteur en vol lorsqu’il y a une panne sèche d’un réservoir. On y indique que le pilote doit changer de réservoir, placer le commutateur de la pompe carburant électrique d’appoint à la position EMER et avancer le levier de la puissance jusqu’à ce que l’indication du débitmètre de carburant monte dans l’arc vert, soit pendant 1 à 2 secondes. Cette instruction sous forme de texte n’est toutefois pas reflétée sur les listes de vérifications d’urgence de la section 3 de l’AOM ni sur les listes de vérifications plastifiées. L’enquête a révélé que le pilote connaissait les instructions de la section 7, mais a omis d’activer la pompe à carburant électrique d’appoint. Ceci a empêché le moteur de redémarrer en vol.

Dans un tel cas, la section 3 indique les actions que doit prendre le pilote si toutes les tentatives de démarrage du moteur échouent et qu’un amerrissage forcé est imminent :

1.18.1.3 Gestion du carburant

La section 7 de l’AOM recommande, comme procédure de gestion de carburant pour la prolongation du vol de croisière, d’utiliser le réservoir gauche et droit en alternance à l’aide du robinet de sélection de carburant, et ce, afin de vider complètement un réservoir avant de sélectionner l’autre réservoir. Il est aussi indiqué que s’il est désiré de vider complètement le carburant d’un réservoir en vol, la pompe à carburant électrique d’appoint peut-être requise pour assister au redémarrage du moteur. Dans un tel cas, il est recommandé que l’opération adéquate de la pompe à carburant électrique d’appoint soit vérifiée avant de vider complètement un réservoir. Cette vérification se fait en amorçant la pompe momentanément et en vérifiant s’il y a une légère augmentation de l’indication au débitmètre de carburant.

Le manuel Pilot Safety and Warning Supplement de Cessna, modifié en mars 1998, contient de l’information supplémentaire que Cessna croit importante pour complémenter l’AOM ainsi que de bonnes pratiques de sécurité. Cependant, le Pilot Safety and Warning Supplement ne remplace pas l’AOM certifié de l’appareil.

Au chapitre 6 de ce manuel, il est indiqué que la mauvaise gestion du carburant est souvent la cause d’accidents d’avion. Il est aussi stipulé que les pilotes utilisent souvent de mauvaises techniques de gestion du carburant. Le manuel recommande que les pilotes soient totalement familiers avec le système d’alimentation en carburant et les procédures de sélection de réservoir. Il souligne que de vider volontairement un réservoir en vol est une mauvaise procédure de routine, malgré qu’il y ait des exceptions. N’importe quel résidu de sédiment ou d’eau non purgé du réservoir pourrait être aspiré dans le système d’alimentation et causer une opération erratique ou une panne du moteur.

Le manuel d’exploitation de la compagnie indique que les pilotes doivent exploiter les avions de la compagnie conformément aux limites et aux conditions précisées dans l’AOM, qui se trouve à bord de chaque aéronef. La section 7 de l’AOM du Cessna A185E recommande que le robinet de sélection de réservoir carburant soit mis à BOTH lors des atterrissages et des décollages pour éliminer le risque d’alimenter le moteur à partir d’un réservoir vide. Dans les autres phases de vol, le pilote peut faire la sélection de son choix. Cependant, la même section de l’AOM indique aussi que lorsque le robinet est sur BOTH pour un vol prolongé, il est possible que le débit de carburant en provenance des réservoirs soit inégal si les ailes ne sont pas maintenues exactement à niveau; dans un tel cas, il est recommandé de puiser le carburant de l’aile désirée pour assurer une alimentation continuelle du moteur.

Lors du dernier vol, une fois l’appareil établi en croisière, le robinet a été placé à la position LEFT. L’objectif était de réduire au minimum la quantité de carburant dans le réservoir gauche et de maintenir une plus grande quantité de carburant dans le réservoir droit. Puisqu’il est plus facile d’accoster de la gauche, l’aile gauche se retrouverait ainsi au-dessus du quai. Cela permetterait l’ajout d’une plus grande quantité de carburant dans ce réservoir, lequel était plus facile d’accès, et réduirait le temps passé à l’ajout de carburant dans le réservoir droit, plus difficile d’accès.

1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces

S.O.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol et avait reçu toute la formation exigée par la réglementation. Le pilote était familier avec le type d’appareil, puisque la majorité de sa formation avait été faite sur le Cessna 185. Rien n’indique que la fatigue, les conditions météorologiques ou l’état de navigabilité de l’appareil aient pu jouer un rôle dans cet événement. L’enquête n’a révélé aucune anomalie de fonctionnement du moteur ou du système d’alimentation de carburant. L’arrêt du moteur a été causé par la panne d’alimentation momentanée du réservoir gauche. Par conséquent, l’analyse portera sur les consignes de sécurité, la gestion du carburant, la gestion de la panne, l’évacuation des occupants et la survie.

2.2 Les consignes de sécurité

Des guides du passager publiés par Transports Canada (TC) étaient disponibles pour être distribués aux passagers. Cependant, ces guides n’ont pas été offerts aux passagers afin qu’ils puissent les consulter avant l’embarquement. Cette lecture aurait possiblement éveillé le souci de bien connaître les procédures d’urgence dans l’éventualité d’un événement.

Bien que les consignes aient été données par le pilote, ces dernières ont été données en 2 volets, soit lors de l’embarquement et pendant la circulation sur l’eau. Il est possible que l’enjouement des enfants, le bruit du moteur et le déplacement de l’appareil sur l’eau aient pu perturber l’attention des passagers aux consignes fournis par le pilote. De plus, les instructions reçues n’ont pas abordé les cartes de consignes de sécurité et n’ont pas couvert les procédures d’utilisation des vêtements de flottaison individuels (VFI) lors d’une évacuation et d’un renversement sous l’eau.

Ensemble, le guide du passager et des consignes de sécurité complètes de la part du pilote auraient pu améliorer la préparation des passagers à une évacuation rapide et augmenter leurs chances de survie. Puisque les enfants sont en général moins attentifs lorsqu’excités, il aurait été avantageux de considérer les enfants séparément lorsque les consignes de sécurité ont été données, et peut être de répéter l’exposé au besoin.

2.3 La gestion du carburant

Les indicateurs de quantité de carburant étaient en état de fonctionnement pour le vol et répondaient à la base de certification de l’appareil. Cependant, il est reconnu que ces derniers ne sont pas très précis sur ce type d’appareil, surtout lorsque la quantité restante est sous le quart. C’est pourquoi les exploitants de ce type d’appareil en sont venus à utiliser des bâtons gradués. La pratique courante d’utilisation d’un bâton gradué semble avoir amené le pilote à ne plus se fier à l’information fournie par les indicateurs, mais plutôt aux mesures prises à l’aide du bâton gradué.

En considérant la quantité de carburant récupérée après la sortie de l’épave et le temps de vol effectué depuis le premier vol touristique, il est permis de croire que la quantité mesurée avant le départ du premier vol touristique était relativement précise.

Bien que le pilote ait mesuré la quantité de carburant avec le bâton gradué pour le vol précédent, il ne l’a pas vérifié de nouveau avant le vol en cause. La quantité de carburant à bord était suffisante pour effectuer le vol en question, mais sa répartition exacte n’était pas connue du pilote. Après son premier vol touristique de la journée, d’une durée d’environ 20 minutes, le pilote estimait que le réservoir gauche contenait environ 10 gallons et que le réservoir droit contenait toujours environ 15 gallons. Quoique cette inégalité entre les 2 réservoirs laisse croire que le premier vol touristique, tout comme le vol en question, avait été effectué en grande partie avec le robinet de sélection de réservoir à la position LEFT, l’information recueillie indique que le robinet était à la position BOTH, sauf pour les 7 dernières minutes du vol.

Le manuel d’exploitation de la compagnie (COM) et le manuel de vol (AOM) recommandent d’effectuer les vols en alimentant principalement le moteur à partir des 2 réservoirs. Cependant, il n’est pas interdit, en vol de croisière, de faire une autre sélection de réservoir. Quoique le chapitre 6 du Pilot Safety and Warning Supplement souligne que de vider volontairement un réservoir en vol est une mauvaise pratique, il indique qu’il y a des exceptions. Dans le cas de cet événement, le pilote avait placé le sélecteur au réservoir gauche pour faciliter l’avitaillement de l’appareil, lorsque stationné au quai.

Tout comme lors de l’événement A09C0167, le pilote ne s’est pas fié aux indicateurs de quantité de carburant en raison de leur manque de fiabilité. Se fiant qu’à une estimation de la quantité restante dans le réservoir gauche, le pilote ne pouvait prédire à quel moment précis le réservoir serait à sec, surtout qu’il semble y avoir eu une surestimation de la quantité réelle. La quantité récupérée du réservoir gauche était d’environ 1 gallon supérieur à la quantité de carburant inutilisable; il est toutefois fort probable que le moteur de C-FZNK s’est retrouvé en panne d’alimentation momentanée du réservoir gauche, causant son arrêt.

2.4 Gestion de la panne

En cas d’urgence, comme une panne de moteur en vol, le pilote doit recueillir l’information, la traiter, prendre une décision et mettre en œuvre la ou les décisions. Lorsque la panne du moteur est survenue, le pilote avait peu de temps pour effectuer ces 4 éléments; l’appareil était à environ 1000 pieds au-dessus du sol. Considérant un taux de descente pouvant atteindre près de 1000 pieds par minute, le pilote ne disposait que d’à peine 60 secondes pour effectuer la procédure d’urgence applicable, choisir un endroit approprié pour un amerrissage en toute sécurité, faire un appel de détresse et rappeler aux passagers les mesures à prendre en vue de l’amerrissage imminent, et ce, en gardant le contrôle de l’appareil. D’ailleurs, la position des différents interrupteurs et manettes moteur observée lors de l’examen de l’épave porte à croire que plusieurs des éléments de la liste de vérifications d’un amerrissage d’urgence sans moteur n’ont pas été effectués. Le pilote a consacré la majorité de son temps à tenter de démarrer le moteur et à tenter de communiquer avec la compagnie pour signaler le problème.

Le pilote avait reçu toute la formation requise, était familier avec le type d’appareil et connaissait la procédure d’urgence de panne moteur; cependant, le pilote a omis d’activer la pompe carburant électrique d’appoint, tout comme le pilote de l’événement A09C0167. Par conséquent, l’air contenu dans la pompe mécanique à la suite de la panne sèche n’a pas pu être expulsé, empêchant ainsi le moteur de redémarrer.

Quelle que soit la fiabilité de notre mémoire ou la qualité de notre apprentissage, nous sommes tous sujets à oublier des choses, surtout dans des moments de stress. Il est possible que le stress engendré par la panne moteur ait pu avoir des répercussions négatives sur la mémoire du pilote, l’amenant à oublier d’activer la pompe carburant électrique d’appoint. La panne moteur a pu surprendre le pilote puisque, selon la quantité de carburant estimée dans le réservoir gauche, le pilote aurait dû être en mesure d’effectuer environ 38 minutes de vol avec ce réservoir, alors qu’il en a fait à peine 12.

Les listes de vérifications constituent la meilleure défense pour prévenir l’oubli en vol. Quoiqu’une liste de vérifications d’urgence plastifiée fût disponible dans l’appareil, rien n’indique que le pilote y a fait référence. Même s’il en avait pris connaissance, cette dernière ne fait aucune référence à l’utilisation de la pompe carburant électrique d’appoint pour redémarrer le moteur. La référence relative à l’usage de la pompe électrique d’appoint se trouve dans la section 7 de l’AOM, qui traite des systèmes en option de l’appareil.

Après une panne moteur, la priorité du pilote est de maintenir le contrôle de l’appareil. Le relief environnant de la rivière a fait en sorte que le pilote a été contraint d’effectuer un virage serré pour amerrir. En raison de la proximité de l’appareil avec le sol, le pilote a fort probablement tiré sur le manche afin de réduire son taux de descente pendant le virage. Par conséquent, le facteur de charge et la vitesse de décrochage de l’appareil ont augmenté, au point de produire un décrochage aérodynamique à une altitude qui ne permettait pas de rétablissement.

2.5 L’évacuation des occupants

L’évacuation a été rendue difficile parce que l’appareil était inversé, et l’habitacle s’est rapidement rempli d’une eau opaque. De plus, les occupants avaient été secoués par un impact violent. Cependant, l’évacuation des occupants a été facilitée par les ouvertures laissées par la porte droite qui a été arrachée, et par la fenêtre gauche arrière qui s’est brisée.

Le pilote avait suivi une formation d’évacuation sous-marine, mais il a omis de déverrouiller sa portière et de saisir un VFI. Aucun des occupants qui ont réussi à évacuer l’appareil n’a pensé à saisir un VFI. Tel que l’a démontré l’Étude de sécurité du BST (SA9401), il est peu probable que devant l’urgence de rejoindre la surface de l’eau, les personnes pensent à saisir un gilet de sauvetage entreposé dans l’aéronef. Dans un tel cas, les probabilités de survie d’une personne sont encore plus minces si elle est blessée.

Grâce à la ténacité du pilote et d’un des passagers qui ont plongé à plusieurs reprises, les 2 enfants ont pu être retirés de l’épave. Malheureusement, un d’entre eux n’a pu être réanimé; son décès est attribuable à la noyade. Considérant la température de l’eau au moment de l’accident et le stress engendré par l’accident, la capacité des plongeurs à retenir leur souffle a pu être réduite. Par conséquent, les 2 plongeurs disposaient de peu de temps pour plonger vers la cabine, trouver les enfants à l’intérieur de l’épave, les détacher et les remonter à la surface. L’opacité de l’eau réduisait la visibilité, rendant plus difficile la localisation des enfants à l’intérieur de l’épave. De plus, la porte avant gauche était verrouillée de l’intérieur, ce qui nuisait à l’accès à l’intérieur de la cabine.

L’un des enfants, qui prenait place sur la banquette arrière, a percuté un dossier de siège et a subi des blessures importantes à la tête et au visage qui lui ont possiblement fait perdre connaissance. L’autre enfant, assis derrière le passager avant, ne portait pas de marques de blessures, et sa ceinture de sécurité était détachée. L’enfant a péri noyé, tout comme les passagers de l’événement A09P0397. Il est probable que la désorientation ait pu nuire à son évacuation. Il demeure que s’il y a avait eu d’autres issues de secours, telles que des fenêtres largables, il est possible que l’enfant ait réussi à sortir de l’hydravion et survivre à l’accident tout comme les autres occupants.

2.6 La survie

Les statistiques sur la survie ne sont pas très prometteuses en ce qui concerne l’évacuation d’un aéronef inversé sous l’eau dans des conditions de visibilité réduite, de choc après impact et dans une eau froide. Sommairement, les risques sont élevés de ne pas pouvoir survivre à un tel accident, et c’est pour cela que le BST a mis tant d’efforts au cours des dernières années à recommander des changements dans ce secteur du transport aérien. Transports Canada (TC) a pour sa part mis en oeuvre plusieurs changements et produit des guides pour les occupants pour assurer une meilleure communication des consignes et augmenter leur efficacité. Le BST est d’avis que les mesures proposées par TC à la suite des 2 recommandationsNote de bas de page 29 du BST sont susceptibles de réduire de façon significative ou d’éliminer les lacunes de sécurité. Toutefois, les mesures ne sont pas assez avancées pour diminuer le risque lié à la sécurité des transports. Dans le cas de cet événement, la rapidité des secours apportés aux occupants a sûrement augmenté leurs chances de survie.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote n’a pas mesuré la quantité de carburant à l’aide du bâton gradué avant le départ du vol en question. Se fiant qu’à une estimation de la quantité restante dans les réservoirs, le pilote ne pouvait prédire à quel moment précis le réservoir gauche serait à sec.
  2. Les indicateurs de quantité de carburant ne sont pas fiables sur ce type d’appareil. Par conséquent, le pilote ne pouvait pas être certain de la quantité de carburant dont il disposait en vol dans le réservoir gauche.
  3. Le moteur a fort probablement perdu puissance à cause d’une panne sèche momentanée du réservoir gauche.
  4. Après la perte de puissance du moteur, le pilote n’a pas mis en marche la pompe carburant électrique d’appoint, et la puissance du moteur n’a pas été rétablie.
  5. Le pilote a fort probablement tiré sur le manche, ce qui a contribué au décrochage aérodynamique, lequel est survenu à une altitude qui ne permettait pas de rétablissement.
  6. Les consignes de sécurité données aux occupants par le pilote étaient incomplètes; l’emplacement des cartes de consignes de sécurité à bord de l’appareil ne leur a pas été indiqué, et les instructions n’ont pas couvert les procédures d’utilisation des vêtements de flottaison individuels (VFI).

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si les guides du passager disponibles à l’hydrobase ne sont pas distribués aux passagers avant le départ, il y a risque que les passagers ne reconnaissent pas ou ne comprennent pas l’importance des procédures d’urgence dans l’éventualité d’un évènement.
  2. Si les consignes de sécurité sont fournies pendant que l’appareil circule sur l’eau avec le moteur en marche, il y a risque que le bruit ou toute autre distraction empêchent les passagers de bien comprendre les consignes fournies et de mieux se préparer en cas d’urgence.
  3. Si le pilote ne donne pas des consignes de sécurité complètes aux occupants, il y a risque que les passagers ne soient pas adéquatement préparés en cas d’urgence.
  4. Si les occupants qui réussissent à évacuer l’appareil ne saisissent pas un vêtement de flottaison individuel, le risque de noyade augmente, surtout si ces personnes sont blessées.
  5. Si les consignes de sécurité sont présentées aux enfants dans des conditions de distraction, il y a risque qu’ils ne soient pas capables d’évacuer l’appareil par eux-mêmes.
  6. Si on ne présente pas aux occupants les consignes concernant l’évacuation et l’usage des vêtements de flottaison individuels dans l’éventualité où l’appareil serait renversé et submergé, il y a risque que les occupants ne réussissent pas à évacuer l’appareil.

3.3 Autres faits établis

  1. L’avion était équipé d’une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) qui s’est déclenchée à l’impact. Cependant, aucun signal n’a pu être capté puisque l’antenne était submergée.
  2. La rapidité des secours apportés aux occupants par des riverains a sûrement augmenté leurs chances de survie.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Air Tamarac

De nouvelles mesures de sécurité ont été incorporées à l’exploitation depuis le mois de mai 2012, et le manuel d’exploitation de la compagnie (COM) a fait l’objet de modifications. La compagnie a démontré son appui à la recommandation A11-06 du BST par la modification de son COM en y indiquant que le port des vêtements de flottaison individuels (VFI) est obligatoire en tout temps pour tous les occupants, incluant le pilote. Les VFI fournis aux pilotes et passagers seront du type boudin et ne devront pas se déclencher automatiquement au contact de l’eau. Le manuel stipule que le pilote doit toujours rappeler aux passagers de ne déclencher le gonflage qu’une fois sorti de l’appareil.

De plus, le COM indique que les consignes de sécurité aux passagers sont dorénavant données obligatoirement avant le démarrage du moteur et comprennent une démonstration de l’utilisation des VFI en cas de renversement accidentel. De plus, les procédures d’urgence et les consignes aux passagers en vue d’un atterrissage d’urgence comprennent la consigne du déclenchement des portières avant impact.

Le programme de formation de la compagnie comprend maintenant, pour tous les pilotes, une formation initiale obligatoire sur l’évacuation d’urgence d’un hydravion. La formation porte particulièrement sur les principes d’évacuation sous l’eau lorsque l’hydravion est renversé. De plus les pilotes de la compagnie reçoivent une formation obligatoire en secourisme.

En réponse à la recommandation A11-05 du BST, Transports Canada a publié une alerte à la sécurité recommandant des améliorations à la conception des aéronefs visant à faciliter l’évacuation. Afin de permettre une évacuation rapide après un impact avec l’eau offrant des chances de survie, Air Tamarac a fait l’acquisition du certificat de type supplémentaire (STC) requis pour l’ajout des fenêtres largables et le déplacement des poignés de portes pour ses avions DHC-2 Beaver, ce qui démontre son appui à la recommandation A11-05 du BST.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .

Annexes

Annexe A - Liste des rapports de laboratoire

L’enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Annexe B — Système de carburant (en anglais seulement)Note de bas de page 30