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Rapport d'enquête aéronautique A13Q0021

Perte de maîtrise dans le cadre d'un exercice de panne hydraulique
Hélicoptère Eurocopter AS350 BA, C-GPHN
Héli-Excel inc.
Aéroport de Sept-Îles (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 3 février 2013 à 8 h 53 heure normale de l'Est, l'Eurocopter AS350 BA (numéro de série 1251, immatriculation C-GPHN), exploité par Héli Excel inc., a décollé de la base de la compagnie, située au nord-ouest de l'aéroport de Sept-Îles (Québec), avec un pilote instructeur et 2 pilotes en formation à son bord, dans le cadre d'un vol d'entraînement. Après la pratique de divers types d'atterrissage sur des aires non aménagés, l'appareil s'est dirigé vers l'aéroport de Sept-Îles où des exercices de panne moteur ont été pratiqués en vol stationnaire au seuil de la piste 27.

À 9 h 54, l'appareil a décollé du seuil de la piste 27 en vue d'accomplir des exercices de panne hydraulique sur la piste 31. Lors du quatrième exercice, le pilote instructeur a effectué un circuit court à basse altitude et à faible vitesse sans asservissement du circuit hydraulique. Dans les instants qui ont suivi le début de l'approche finale, le manche cyclique s'est déplacé brusquement vers l'avant et la gauche. Le pilote instructeur a agrippé le manche cyclique afin de redresser l'hélicoptère qui s'inclinait rapidement vers la gauche en piqué. Les pales du rotor principal ont percuté la piste, puis l'appareil s'est immobilisé sur le côté gauche. L'hélicoptère a été lourdement endommagé par l'impact, mais aucun incendie ne s'en est suivi. Le pilote instructeur a subi des blessures graves tandis que les 2 autres pilotes ont subi des blessures légères. La radiobalise de repérage d'urgence s'est déclenchée durant l'événement.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le matin du 3 février 2013, les 3 pilotes ont effectué une inspection visuelle de l'hélicoptère au cours de laquelle aucune anomalie n'a été relevée sur les composants du circuit hydraulique. Par la suite, ils ont effectué la liste de vérification avant vol. Les vérifications « Accumulators check » [vérification des accumulateurs] et « Hydraulic pressure isolation check » [vérification de la pression hydraulique] n'ont révélé aucune défaillance du circuit hydraulique.

À 8 h 53Note de bas de page 1, le C-GPHN a décollé de la base de Héli-Excel inc. (Héli-Excel) à Sept-Îles (Québec) pour effectuer un vol d'entraînement. Le pilote instructeur occupait le siège de gauche, un des pilotes en formation occupait le siège de droite et l'autre pilote était assis dans le siège 1B, situé derrière le pilote instructeur, en tant qu'observateur. Les 50 premières minutes du vol se sont déroulées au nord de l'aéroport de Sept-Îles (CYZV) où divers types d'atterrissage sur des aires non aménagées ont été effectués (figure 1). Vers 9 h 37, l'appareil s'est dirigé vers l'aéroport de Sept-Îles pour effectuer des exercices de panne moteur en stationnaire et de panne du circuit hydraulique.

Figure 1. Trajectoire de vol de l'appareil (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Image de la trajectoire de vol de l'appareil (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

À 9 h 54, après des exercices de panne moteur en stationnaire au seuil de la piste 27, l'hélicoptère a décollé en vue d'accomplir des exercices de panne hydraulique sur la piste 31. Peu de temps après le décollage, le pilote instructeur a actionné l'interrupteur HYD TEST. Le klaxon a retenti, le pilote en formation a observé le voyant HYD illuminé et a confirmé la panne hydraulique. Le pilote en formation n'a ressenti aucune charge sur les commandes de vol et il a réglé la vitesse indiquée entre 40 et 60 nœuds. Après que le pilote instructeur a placé l'interrupteur HYD TEST à OFF, le pilote en formation a appuyé sur l'interrupteur HYD CUT OFF et les commandes de vol se sont raidies. Près du sol, l'appareil a décéléré à un tel point que le pilote en formation a jugé que les charges sur les commandes de vol ne lui permettraient pas de maîtriser l'appareil afin d'exécuter un atterrissage sécuritaire.

Le pilote instructeur a repris les commandes et a exécuté sans asservissement de la pression hydraulique un circuit serré vers la gauche à faible vitesse et à basse altitude. Il a démontré au pilote en formation la technique d'atterrissage en mode manuel, soit sans asservissement de la pression hydraulique. Le pilote instructeur a atterri et immobilisé l'appareil sur la piste sans difficulté.

Le pilote instructeur a décollé, puis exécuté de nouveau, en mode manuel des commandes de vol, un circuit serré vers la gauche à faible vitesse et à basse altitude. Établi en final, le pilote en formation a pris les commandes de vol. Il a effectué un atterrissage sans vol stationnaire à faible vitesse de translation de l'ordre de 10 nœuds sur la piste glacée. Comme le pilote en formation n'a pas réussi à immobiliser l'hélicoptère au sol, le pilote instructeur a repris les commandes en bout de piste.

À 9 h 59, le pilote instructeur a décollé en mode manuel et exécuté de nouveau un circuit serré vers la gauche à faible vitesse et à basse altitude. Au terme du parcours de base, au début de l'approche finale, l'hélicoptère a adopté une assiette plate momentanément. Juste avant que le pilote instructeur ne donne les commandes au pilote en formation, l'hélicoptère s'est incliné légèrement à gauche, puis a basculé rapidement à gauche en piqué et le rotor principal a percuté la piste.

1.2 Victimes

Tableau 1. Victimes
Blessures Membres d'équipage Passagers Autres personnes Total
Mortelles 0 0 0 0
Graves 1 0 0 1
Légères/Aucune 1 1 0 2
Total 2 1 0 3

1.3 Dommages à l'aéronef

L'appareil a heurté le sol avec un angle en piqué d'environ 45° et un angle d'inclinaison latéral d'environ 100° sur la gauche. Le premier point d'impact était près du bord nord de la piste 13/31 (figure 2). Les pales du rotor principal ont percuté la piste en premier, suivies par le nez de l'hélicoptère. L'appareil a glissé sur le côté gauche vers le centre de la piste sur approximativement 165 pieds avant de s'immobiliser sur la piste 13/31 à quelque 1000 pieds du seuil de la piste 13.

Figure 2. Vue aérienne du lieu de l'accident
Vue aérienne du lieu de l'accident

La collision avec le sol a causé des dommages importants à l'appareil. La partie avant de l'appareil, y compris le nez, les pare-brises, les verrières et le tableau de bord, a été arrachée. Les 2 sièges des pilotes se sont détachés de leurs ancrages. L'impact a fait plier la poutre de queue vers le haut et vers la gauche et elle s'est sectionnée sur presque toute sa circonférence, à environ 24 pouces en avant du stabilisateur horizontal. Le dessus du réservoir de carburant s'est fissuré sur le côté gauche, de l'avant à l'arrière. Les 2 pales du rotor de queue n'ont pas été endommagées. Le moteur a continué de tourner après l'écrasement. Le pilote assis à l'arrière de la cabine a dû tirer sur le levier FUEL SHUT OFF VALVE [robinet d'arrêt carburant] pour l'éteindre.

1.4 Autres dommages

Plus de 300 litres de carburant se sont déversés sur la piste.

1.5 Renseignements sur le personnel

Le pilote instructeur est titulaire d'une licence de pilote professionnel qu'il a obtenue en 2000. En outre, il détient une qualification de type AS350 depuis 2002. Au moment de l'accident, il avait accumulé plus de 3000 heures de vol sur type. En 2008, le pilote a commencé à offrir de la formation sur le type AS350. En 2012, il a été embauché par Héli-Excel comme pilote.

Au début de l'année 2013, le chef pilote d'Héli-Excel lui a donné une formation en vol afin qu'il devienne pilote instructeur pour la compagnie. La formation consistait à pratiquer des exercices de vol en situation normale et d'urgence. Après avoir démontré ses aptitudes pratiques et ses connaissances théoriques, le chef pilote d'Héli-Excel l'a approuvé comme pilote instructeur.

Les 2 pilotes à bord de l'appareil étaient les premiers pilotes qu'il formait pour la compagnie. Le vol de formation s'effectuait dans le cadre de la formation périodique et du contrôle de compétence du pilote (CCP).

Le pilote instructeur ne détenait pas une qualification d'instructeur de vol et il n'était pas un pilote vérificateur approuvé par Transports Canada; ce qui ne contrevenait pas au Règlement de l'aviation canadien (RAC).

Les 2 pilotes en formation étaient titulaires d'une licence de pilote professionnel depuis 2011. Le pilote assis dans le siège de droite avait été embauché par Héli-Excel en août 2012. Il détenait une qualification sur AS350 depuis mai 2012. Son expérience sur ce type se limitait à sa formation chez un autre transporteur et à quelques vols. Il avait accumulé moins de 200 heures de vol sur hélicoptère. Le pilote observateur avait été embauché par Héli-Excel en janvier 2013 et ne détenait pas une qualification sur AS350.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Généralités

Tableau 2. Renseignements sur l'aéronef
Constructeur Eurocopter
Type et modèle AS350 BA
Année de construction 1980
Numéro de série 1251
Certificat de navigabilité Valide
Nombre d'heures cellule  10 017,6
Moteur Allied Signal LTS101-600A-3A
Masse maximale autorisée au décollage 4961 livres
Type de carburant recommandé Jet Fuel
Type de carburant utilisé Jet Fuel

1.6.2 Historique de la conversion

1.6.2.1 Généralités

Le C-GPHN a été construit par Aérospatiale comme un modèle AS350 D en 1980 (figure 3). L'aéronef a été modifié le 16 mai 2001 selon les bulletins de services d'Eurocopter pour le transformer en un AS350 BA. En même temps que ces travaux étaient exécutés, on a également effectué des modifications en conformité avec la certification de type supplémentaire (CTS) SH02-15 d'Apex Aerospace, approuvée par Transports Canada. Ces modifications ont permis de réduire la consommation de carburant de l'hélicoptère et à augmenter la masse brute interne au niveau de celle de l'AS350 B2, soit à 2250 kg (4961 livres). Les AS350 BA modifiés selon la CTS SH02-15 d'Apex Aerospace sont communément désignés par les exploitants AS350 BA+ afin de les différencier des autres modèles.

Figure 3. Illustration de l'évolution de l'AS350 et des modifications (en anglais seulement) [Source : Eurocopter]
Illustration de l'évolution de l'AS350 et des modifications (en anglais seulement) [Source : Eurocopter]
1.6.2.2 La certification de type supplémentaire SH02-15 d'Apex Aerospace

Étant donné que les AS350 BA+ et les AS350 B2 ont la même masse brute interne, on a comparé le système d'entraînement des modèles BA, BA+ et B2. On a constaté qu'ils sont similaires sauf que la chaîne de lacet de l'AS350 B2 est munie d'un compensateur de charge afin de contrer les forces importantes sur le palonnier lors d'une panne hydraulique. On a également constaté que les limites du couple et la puissance sur l'arbre du BA et du BA+ sont similaires alors que celles du B2 sont plus élevées.

Étant donné que les limites du couple de l'AS350 BA et de l'AS350 BA+ sont identiques, on peut conclure que l'absence d'un compensateur de charge sur le BA n'a pas affecté les caractéristiques de manœuvrabilité du C-GPHN lors de la dépressurisation du circuit hydraulique.

Tableau 3. Comparaison du système d'entraînement des modèles BA, BA+ et B2
  Limites du couple moteur Masse brute interne Masse brute externe Puissance sur l'arbre (SHP)
maximum continu / décollage
BA+ 83 %, 88 % 2250 kg 2250 kg 590/650
BA 83 %, 88 % 2100 kg 2100 kg 590/641
B2 94 %, 100 %, 107 % 2250 kg 2500 kg 625/712

1.6.3 Renseignements sur le moteur

Le moteur, un Allied Signals LTS101-600A-3A, ne présentait aucun dommage. Aucune anomalie moteur n'a été observée pendant le vol. Les ruptures en surcharge de l'arbre d'entraînement du rotor principal et de celui du rotor de queue démontrent que le moteur fournissait de la puissance au moment de l'accident. Les livrets moteur indiquent que l'entretien courant et la maintenance du moteur étaient effectués conformément à la réglementation canadienne en vigueur et aux procédures approuvées. Le rendement du moteur et un dysfonctionnement mécanique n'ont pas été retenus comme facteurs contributifs.

1.6.4 Maintenance

Les dossiers de maintenance indiquent que l'appareil était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'hélicoptère avait effectué 65,5 heures de vol depuis la dernière inspection des 100 heures. Aucune anomalie n'a été rapportée ou différée avant le vol.

1.6.5 Masse et centrage

On évalue la masse de l'hélicoptère à 4150 livres au moment de l'accident. La masse et le centrage de l'appareil respectaient les limites prescrites dans le manuel de vol du giravion (RFM) approuvé par Transports Canada (TC) et n'ont joué aucun rôle dans l'accident.

1.6.6 Circuit hydraulique des commandes de vol

1.6.6.1 Généralités

Une assistance hydraulique au pilotage, alimentée par un circuit unique, permet de diminuer les efforts aux commandes ainsi que le pilotage à des vitesses auxquelles les charges des commandes manuelles sont excessives.

1.6.6.2 Composants du circuit hydraulique

Le circuit hydraulique est mis en pression par une pompe entraînée par l'arbre d'entrée de la boîte de transmission principale par l'intermédiaire d'une courroie plate.

L'hélicoptère est équipé de 4 servocommandes; 3 d'entre elles agissent sur le plateau cyclique fixe : une servocommande pour la maîtrise en tangage, et 2 servocommandes pour la maîtrise en roulis (Annexe B). La quatrième servocommande se trouve au niveau du rotor arrière. Afin de contrer des charges jugées excessives en cas de panne du circuit hydraulique à haute vitesse, une unité de sécurité constituée d'un accumulateur, d'un clapet de non-retour et d'une vanne électromagnétique a été installée sur chaque servocommande. La charge de l'accumulateur permet au pilote de réduire la vitesse de façon sécuritaire jusqu'à ce que l'appareil atteigne une vitesse à laquelle les forces des commandes manuelles sans asservissement hydraulique soient acceptables. L'AS350 BA n'est pas équipé d'un compensateur de charge sur la chaîne de commande du rotor de queue.

Le régulateur de pression comprend un manocontact de basse pression hydraulique et une vanne électromagnétique d'essai. Lorsque le manocontact de basse pression hydraulique décèle une chute de pression hydraulique au-dessous de 30 bars, le voyant d'avertissement rouge du circuit hydraulique HYD s'illumine au tableau d'alarmes et le klaxon retentit. Le même klaxon sert à signaler un faible régime rotor.

1.6.6.3 Commandes et contrôle du circuit hydraulique
1.6.6.3.1 Généralités

Le circuit hydraulique est commandé par l'interrupteur de coupure du circuit hydraulique HYD CUT OFF, monté sur le manche collectif du siège de droite, et par l'interrupteur de test hydraulique HYD TEST, situé sur la console centrale. Les commandes de vol du siège de gauche utilisées par un copilote ou par un pilote instructeur sont amovibles et le manche collectif n'est pas équipé d'un interrupteur HYD CUT OFF.

1.6.6.3.2 L' interrupteur HYD CUT OFF

L'interrupteur HYD CUT OFF est un interrupteur à 2 positions, ON et OFF, et dont la position normale en vol est ON (position avant). En position OFF, le circuit hydraulique est dépressurisé et les accumulateurs du rotor principal sont dépressurisés simultanément afin d'empêcher un épuisement asymétrique. L'épuisement asymétrique des accumulateurs peut entraîner des efforts asymétriques qui conduiraient à des difficultés de contrôle. En conséquence, le pilote doit actionner l'interrupteur HYD CUT OFF soit lors d'une panne du circuit hydraulique ou lors d'une simulation de défaillance hydraulique une fois qu'il rejoint la vitesse de sécurité, qui correspond à la vitesse à laquelle les forces des commandes manuelles permettent de garder le contrôle de l'hélicoptère. Toutefois, la servocommande de queue est également dépressurisée par l'interrupteur HYD CUT OFF; la servocommande du rotor de queue ne conserve donc pas l'asservissement hydraulique lors d'une panne simulée. Si la pression hydraulique du circuit est disponible, le pilote peut rétablir instantanément la pression hydraulique des servocommandes et repressuriser les accumulateurs en plaçant l'interrupteur HYD CUT OFF à ON.

1.6.6.3.3 L'interrupteur HYD TEST

L'interrupteur HYD TEST, qui se trouve sur la console centrale (Aeronautical Accessories, Inc. Center Console Upgrade model VIA-350-24-001) située entre les 2 pilotes, a 2 positions. La position TEST (position avant) amorce la fonction d'essai du circuit hydraulique alors que la position OFF (position arrière) rétablit son fonctionnement normal. La version de console centrale certifiée par le fabricant incorpore pour cette fonction un bouton-poussoir à 2 positions : TEST lorsqu'il est enfoncé et OFF lorsqu'il est relâché (voir paragraphe 1.6.6.4).

La fonction principale de l'interrupteur HYD TEST est de permettre au pilote de vérifier avant le vol le bon fonctionnement des accumulateurs des servocommandes du rotor principal. L'interrupteur HYD TEST sert également à simuler une panne hydraulique lors d'un vol de formation.

En position TEST, la vanne électromagnétique d'essai hydraulique s'ouvre, amenant une dépressurisation du circuit hydraulique. Cette dépressurisation provoque l'illumination du voyant HYD et fait retentir le klaxon. L'essai des accumulateurs pendant la vérification avant le vol se fait en plaçant l'interrupteur sur TEST et en déplaçant le manche cyclique 2 ou 3 fois sur chaque axe (+/- 10% de la course totale) pour vérifier la présence d'une assistance hydraulique garantissant une autonomie suffisante après une panne hydraulique pour atteindre la vitesse de sécurité.

1.6.6.4 Console centrale

En mai 2005, la console centrale d'origine (Honeywell Control Unit) qui regroupait les boutons de commande des divers systèmes de l'hélicoptère a été remplacée selon la CTS no SR00825NY-D par une console Aeronautical Accessories, Inc. Center Console Upgrade, modèle VIA-350-24-001.

Une des particularités de la nouvelle console est que les boutons-poussoirs lumineux à verrouillageNote de bas de page 2 d'origine ont été remplacés par des interrupteurs à bascule.

L'interrupteur HYD TEST est situé à côté d'autres interrupteurs de forme similaire (figure 4). Il a été déterminé que l'activation inopinée de l'interrupteur HYD TEST peut survenir en vol en raison de la proximité des autres interrupteurs. Afin d'éviter l'activation accidentelle de cet interrupteur, Eurocopter a publié, en novembre 2005, le bulletin de service BS 67.00.32 qui recommandait l'installation d'une coquille ou d'un couvercle escamotable (cache de protection) par-dessus le bouton-poussoir HYD TEST des consoles centrales Honeywell.

Figure 4. Console centrale du C-GPHN vue de l'arrière vers l'avant du cockpit
Photo du console centrale du C-GPHN vue de l'arrière vers l'avant du cockpit

En septembre 2007, TC a publié la consigne de navigabilité (CN) CF-2007-19, qui exigeait que le bouton-poussoir HYD TEST des consoles Honeywell soit muni d'un cache de protection d'une ouverture de 90° afin de réduire le nombre d'événements menant à une perte du circuit hydraulique et à des difficultés à maîtriser l'hélicoptère. Cette CN d'origine a été remplacée par la CF-2007-19R1, en date du 27 novembre 2008 (Annexe A). Cette dernière prescrit la pose obligatoire d'un cache de protection améliorée muni d'une ouverture à 180° conformément à la révision 1 du bulletin de service BS 67.00.32 d'Eurocopter en date du 19 février 2008.

Dans le cas du C-GPHN, l'interrupteur à bascule HYD TEST de la console centrale Aeronautical Accessories, Inc. ne présentait aucune forme particulière et il n'était ni muni d'un cache de protection ni ne possèdait la caractéristique « tirer pour déverrouiller ». Comme la CN CF-2007-19R1 vise les AS350 équipés de la console centrale Honeywell, le C-GPHN n'avait pas à se conformer aux mesures correctives publiées dans la CN.

1.6.6.5 Certification du circuit hydraulique

Lors de la certification originale, il a été démontré que la manœuvrabilité de l'aéronef était adéquate dans le mode de commande non assisté. Toutefois, les charges ont été jugées excessives à haute vitesse. En conséquence, une unité de sécurité constituée d'un accumulateur, d'un clapet de non-retour et d'une vanne électromagnétique a été installée sur chaque servocommande. L'assistance hydraulique des accumulateurs permet au pilote d'atteindre la vitesse de sécurité recommandée de l'ordre de 40 à 60 nœuds avant d'actionner l'interrupteur HYD CUT OFF à OFF. Les forces des commandes sont jugées acceptables dans cette plage de vitesse.

1.6.6.6 Documents faisant référence à l'intensité des efforts requis en l'absence d'assistance hydraulique
1.6.6.6.1 Généralités

TC et Eurocopter reconnaissent les risques associés à des évolutions à l'extérieur de la plage de vitesse de sécurité recommandée en cas de panne du circuit hydraulique. De plus, plusieurs rapports d'enquêteNote de bas de page 3 sur des pertes de maîtrise à la suite d'une dépressurisation du circuit hydraulique de l'AS350 font état de ces risques.

1.6.6.6.2 Transports Canada

En 2003Note de bas de page 4 et en 2004Note de bas de page 5, TC et Eurocopter ont conjointement examiné les caractéristiques de manœuvrabilité de l'AS350 B2Note de bas de page 6 par temps très froid, avec le circuit hydraulique désactivé. Suite à ces tests en vol, TC a conclu que les forces sur les commandes de vol étaient élevées aux vitesses supérieures à la vitesse de sécurité, qu'elles étaient acceptables par une faible marge dans la plage de sécurité, et que leur sens ainsi que leur intensité étaient très élevés et instables en vol stationnaire. TC a observé que ces forces seraient maintenant inacceptables sur un hélicoptère de conception nouvelle.

1.6.6.6.3 Manuel de vol du giravion

Le RFM élaboré par Eurocopter comporte des sections traitant des limites, des procédures et des performances requises pour pouvoir utiliser l'appareil en toute sécurité. Le RFM approuvé par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) de France est constitué des sections : 2 Limitations [Limites], 3 Emergency Procedures [Procédures d'urgence], 4 Normal Procedures [Procédures normales], 5.1 Regulatory Performance Data [Données sur les performances réglementaires], et des suppléments au RFM. Le respect intégral de la section 2 Limitations est obligatoire pour les appareils immatriculés au Canada.

Comme dans tous les RFM, Eurocopter utilise les termes CAUTION et NOTE afin de souligner des instructions importantes ou critiques à la sécurité du vol. Bien que la définition de ces termes ne soit pas publiée dans le RFM, en général, les avertissements publiés dans les RFM sont codifiés comme suit :

Le risque d'une rétroaction importante dans les commandes de vol lors d'une défaillance du circuit hydraulique est mentionné aux sections 3 et 7 du RFM, et dans les suppléments du RFM :

Section 3 Emergency Procedures [Procédures d'urgence], 3.2 System Failure [Défaillance du système], sous-section 4 Hydraulic System Failures [Défaillances du circuit hydraulique] :

[Traduction] 4.2 Grippage du tiroir de la servocommande principale

Section 3 Emergency Procedures [Procédures d'urgence], 3.3 Warning-Caution-Advisory Panel and Aural Warning [Tableau des alarmes et des avertissements, et alarme sonore], sous-section 2.1 Red Lights [Voyants rouges] (extrait de la procédure en cas de l'illumination du voyant HYD rouge fourni par le Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la sécurité de l'aviation civile [BEA]):

Figure 5. Extrait de la procédure en cas de l'illumination du voyant HYD rouge (Source : traduction fournie par le BEA)

HYD

Perte de
pression hydraulique

ou

Pression <30 bars

Maintenir l'assiette de l'appareil plus ou moins à plat.

Éviter toute manœuvre brutale.

ATTENTION :
NE PAS TENTER D'EFFECTUER UN STATIONNAIRE OU DES MANŒUVRES À BASSE VITESSE. L'INTENSITÉ ET LA DIRECTION DES RETOURS D'EFFORTS AUX COMMANDES ÉVOLUERONT RAPIDEMENT. IL EN RÉSULTERA UNE CHARGE DE TRAVAIL EXCESSIVE POUR LE PILOTE, UN PILOTAGE DIFFICILE DE L'APPAREIL ET UN RISQUE DE PERTE DE CONTRÔLE.

[Traduction] Approche et atterrissage :

Sur une zone dégagée et plane, effectuer une approche finale plate, face au vent. Exécuter un atterrissage glissé à basse vitesse / sans marquer le stationnaire à environ 10 kt. Ne pas effectuer de stationnaire ou de translation sans assistance hydraulique.

Section 7, Description and Systems [Description et systèmes], 4, Abnormal Operations [fonctionnement anormal] :

[Traduction] Lors d'une perte de pression hydraulique, à une vitesse de 40 à 60 nœuds, la force latérale requise pour pousser le manche cyclique à gauche est d'environ 4 dekanewton (daN) (9 livres) et la force longitudinale requise pour pousser le manche cyclique vers l'avant est d'environ 5 daN (11 livres).

Lors de l'atterrissage sans vol stationnaire à environ 10 nœuds, le pilote pourrait être confronté à des forces longitudinales pouvant atteindre 17 daN (37 livres) pendant moins de 30 secondes avec des forces latérales faibles. Si l'hélicoptère se trouve en vol stationnaire, le sens et l'intensité des forces de charge des commandes changent lorsque le pilote tente de conserver une position stable. Le pilote exercera des forces longitudinales et latérales atteignant 5 daN (12 livres) dont le sens peut changer rapidement. Cela se traduit par une charge de travail excessive pour le pilote et par des difficultés de contrôle.

Lors d'une défaillance autre que celle du circuit hydraulique, les forces maximales que le pilote devrait exercer sur les commandes afin de maintenir l'assiette de l'hélicoptère sont d'environ 15 daN (33 livres) cyclique latéral gauche ou droit et de 17 daN (37 livres) cyclique longitudinal avant.

1.6.6.7 Écoulement transverse ou bosse de manche au décollage

Lorsqu'un hélicoptère en stationnaire amorce une transition vers le vol horizontal, l'écoulement de l'air est différent selon qu'il se produit à l'avant ou à l'arrière du disque rotor. Dans le cas de l'AS350, le rotor s'incline à droite. Il en résulte une augmentation de portance et un battement vers le haut, à l'avant du disque, ainsi qu'une diminution de portance et un battement vers le bas, à l'arrière du disque. Ce phénomène est connu sous le nom d'écoulement transverse – ou bosse de manche au décollage. Le pilote doit alors contrer ce phénomène en déplaçant latéralement le manche cyclique vers la gauche afin de limiter le basculement.

1.6.6.8 Formation sur la perte de pression hydraulique

Le supplément 7 du RFM, SUP.7, Hydraulic Pressure Failure Training Procedures in Cruise Flight Conditions [Procédures à suivre pendant la formation sur la perte de pression hydraulique en vol de croisière], décrit la procédure à suivre durant l'entraînement en vol sur la perte de pression hydraulique (Annexe C). Le SUP.7 fait état des actions du pilote instructeur et de celles du pilote en formation dans le respect de la procédure d'urgence en cas d'illumination du voyant HYD précisée dans le RFM. Aucune limitation environnementale, autre que celles stipulées dans la section 2 Limitations du RFM, n'est mentionnée dans le SUP.7. L'entraînement à la panne hydraulique peut s'effectuer sans restriction éolienne et jusqu'à une température minimale de −40 °C.

Une panne du circuit hydraulique est simulée en vol de croisière stabilisé en effectuant de façon séquentielle l'activation des interrupteurs HYD TEST et HYD CUT OFF. La procédure de formation s'effectue en 2 étapes :

Dans un premier temps, le pilote instructeur actionne l'interrupteur HYD TEST à la position TEST et le pilote en formation regagne la vitesse de sécurité recommandée. La charge des accumulateurs pressurise les commandes du rotor principal et donne au pilote en formation suffisamment de temps pour atteindre la vitesse de sécurité recommandée. La première étape de la formation est complétée lorsque le vol est stable, à une vitesse de 40 à 60 nœuds.

Dans un deuxième temps, dans un régime de vol stabilisé, le pilote instructeur pressurise à nouveau le circuit hydraulique et recharge les accumulateurs en remettant l'interrupteur HYD TEST à OFF. Le pilote en formation actionne alors l'interrupteur HYD CUT OFF à OFF, et poursuit le vol en mode manuel. Ainsi, la configuration de ces 2 interrupteurs permet au pilote de rétablir l'assistance hydraulique en remettant l'interrupteur HYD CUT OFF à ON durant l'exercice d'entraînement, si nécessaire.

Le pilote en formation choisit une région dégagée et plate, puis effectue une approche finale plate face au vent et effectue un atterrissage sans vol stationnaire à faible vitesse de l'ordre de 10 nœuds. Les procédures et les avertissements du constructeur sont explicites et excluent de procéder à une autre manœuvre qu'un atterrissage glissé.

La sous-partie du SUP.7 qui décrit la procédure à suivre pendant la phase de transition à l'atterrissage mentionne dans une note la possibilité de rétablir, au besoin, la pression hydraulique pendant l'exercice en désactivant l'interrupteur HYD CUT OFF.

Le RFM de l'appareil était à jour et contenait le SUP.7 révision 1, mais ni le pilote instructeur ni la compagnie n'était au courant de l'existence du SUP.7.

1.7 Renseignements météorologiques

Selon le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) pour Sept-Îles en vigueur au moment de l'accident :

1.8 Aides à la navigation

Sans objet.

1.9 Communications

La radio de l'hélicoptère fonctionnait normalement. L'appareil n'a rapporté aucun problème avant l'accident.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

L'aéroport de Sept-Îles est certifié et il est exploité et entretenu par TC. Il y a une station d'information de vol (FSS) à l'aéroport qui est exploitée par NAV CANADA. Son altitude de référence est de 180 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). L'aéroport possède 2 surfaces d'atterrissage : la piste 09/27 et la piste 13/31 (figure 6). L'élévation du seuil de la piste 31 est de 173 pieds asl. Au moment de l'événement, la piste 27 était en service.

Figure 6. Vue de l'aéroport de Sept-Îles (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Photo de l'aéroport de Sept-Îles (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

La piste 13/31 était fermée depuis le 31 janvier 2013. Sa surface asphaltée était recouverte d'une couche de glace et de plaques de neige. L'écoute des communications entre l'hélicoptère et la FSS indique que l'équipage n'a signalé aucun problème ni déclaré aucune situation d'urgence avant ou après l'écrasement.

1.11 Enregistreurs de bord

L'hélicoptère était équipé d'un système de suivi et de télémesures de données par satellite SkyNodeNote de bas de page 7. Ce système enregistre les données du système de positionnement mondial (GPS) intégré au module SkyNode. Les données contenues dans le fichier d'enregistrement comprennent, entre autres, l'heure de l'enregistrement, les coordonnées géographiques, l'altitude, la vitesse sol, la direction de l'appareil et les messages « Take Off h », « Landing h », « Pausing », et « Start Up »Note de bas de page 8.

Figure 7. Trajectoire de vol lors du dernier exercice de panne hydraulique (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Image de la trajectoire de vol lors du dernier exercice de panne hydraulique (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

La mémoire du SkyNode contenait les données de 13 h 45 min 57 s UTC à 15 h 00 min 08 s UTCNote de bas de page 9. Le SkyNode a enregistré les données toutes les 2 minutes, sauf pendant les 2 dernières minutes du vol où les données ont été enregistrées chaque seconde. Ces données ont permis de recréer la trajectoire approximative du vol (figure 7). Le dernier enregistrement indique que l'hélicoptère se trouvait à 39 pieds au-dessus du sol (agl) et avait une vitesse sol de 32 nœuds (figure 8).

Figure 8. Vitesse sol et hauteur de l'appareil avant l'écrasement
Vitesse sol et hauteur de l'appareil avant l'écrasement

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

1.12.1 Généralités

L'épave a été transportée au laboratoire du BST à Ottawa (Ontario) où elle a été examinée en présence du Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) de France, d'Eurocopter et de TC. Les servocommandes de vol, les composantes pompe hydraulique, le bloc régulateur de pression, les accumulateurs et le bloc filtre hydraulique ont été retirés de l'appareil pour des essais de fonctionnement chez Eurocopter Canada Ltd. à Fort Erie (Ontario) en présence du BST, du BEA, d'Eurocopter et d'Héli-Excel. Les observations suivantes ont été faites :

1.12.2 L'examen des harnais et des contacteurs du circuit hydraulique

Les vannes électromagnétiques des servocommandes fonctionnaient normalement en groupe ou individuellement. La continuité du circuit électrique associé aux servocommandes a été confirmée. Les interrupteurs HYD TEST et HYD CUT OFF fonctionnaient normalement.

Aucune anomalie n'a été observée sur les composants électriques du circuit hydraulique soit les harnais, les contacts, les vannes électromagnétiques et les interrupteurs pouvant entraîner un mauvais fonctionnement au moment de l'événement.

1.12.3 Examen du réservoir hydraulique et du liquide hydraulique

Aucune accumulation d'eau n'a été retrouvée dans le cône du bouchon du réservoir hydraulique. L'analyse du liquide hydraulique n'a révélé aucune anomalie pouvant compromettre le bon fonctionnement du circuit hydraulique.

1.12.4 Examen des servocommandes

L'appareil était équipé de 4 servocommandes Dunlop. Les essais effectués chez Eurocopter sur les servocommandes, les accumulateurs, les vannes électromagnétiques, le filtre, et la pompe hydraulique indiquent que ces éléments fonctionnaient correctement. Par ailleurs, on a constaté un écart entre certains résultats de tests et les valeurs spécifiées dans le Component Maintenance Manuel (CCM). Selon Eurocopter, les écarts notés n'ont pas eu une incidence sur le fonctionnement de ces composants et sont possiblement conséquents de l'écrasement.

Par la suite, les servocommandes ont été acheminées à Meggitt Control SystemNote de bas de page 10 à Coventry en Grande-Bretagne où elles ont été examinées et testées. Les essais ont révélé des écarts de la plage nominale de tolérances pour chacune des servocommandes lors de divers essais. Trois servocommandes excédaient les tolérances de certification relatives aux vitesses d'extension et 2 servocommandes excédaient les tolérances de certification relatives aux vitesses de rétraction. Les 4 servocommandes fonctionnaient sous pression hydraulique. Selon Meggitt Control System, les résultats des essais sont typiques de servocommandes approchant la durée de fonctionnement entre révisions.

Les essais effectués chez Eurocopter et chez Meggitt Control System n'ont révélé aucune anomalie en mode manuel.

1.12.5 Voyants d'alarme

L'examen des filaments des ampoules des voyants lumineux du panneau annonciateur a révélé un étirement, soit local, soit général des voyants HYD, DOORS, F.FILT et M.G.B.T. Ces étirements sont typiques d'ampoules illuminéesNote de bas de page 11.

Tableau 4. Voyants d'alarme présentant un étirement local ou général
Voyant d'alarme Défaillance
HYD Perte de pression hydraulique ou pression < 30 bars
DOORS Une ou deux portes-cargo latérales ouvertes
F. FILT Filtre carburant pré-blocage
M.G.B.T. Boîte de transmission principale, température d'huile maximum

Le voyant HYD était illuminé avant l'impact suite à l'activation de l'interrupteur HYD CUT OFF par le pilote en formation dans le cadre de l'exercice de la panne hydraulique. Les renseignements obtenus indiquent qu'aucun autre voyant n'était illuminé avant l'impact avec le sol. Étant donné que le moteur a continué à tourner après l'accident, le système d'avertissement est resté fonctionnel. En tenant compte de ces conditions, on a conclu que les voyants DOORS, F.FILT, M.G.B.T. se sont illuminés à la suite des dommages causés par l'accident.

1.12.6 Les sièges du poste de pilotage

Pendant l'événement, les 2 sièges des pilotes ont été soumis à des forces verticales vers le haut, latérales vers la gauche et longitudinales vers l'avant. Le siège de droite était détaché du plancher alors que le siège de gauche était séparé de sa boîte. Les ceintures abdominales sont restées attachées au plancher et leurs sangles et boucles étaient intactes. Les 2 sièges ont cédé en surcharge. Le plancher sous le socle du siège de gauche était fortement endommagé, ce qui a permis au siège de se détacher de sa boîte. Au moment de la certification de l'appareil, les sièges devaient être conçus pour résister à une accélération verticale vers le haut de 1,5 g, à une accélération verticale vers le bas de 4,0 g, à une accélération longitudinale de 4,0 g et à une accélération latérale de 2,0 gNote de bas de page 12.

Depuis, les normes de résistance ont changé. Les sièges doivent maintenant résister à une accélération verticale vers le haut de 4,0 g, à une accélération verticale vers le bas de 20,0 g, à une accélération longitudinale vers l'avant de 16,0 g, à une accélération longitudinale vers l'arrière de 1,5 g et à une accélération latérale de 8,0 g.

Airbus Helicopters, le titulaire du certificat de type, propose par le biais d'un bulletin de service (SB 25.00.57) la possibilité de monter des sièges pilote et copilote d'une conception structurelle améliorée répondant aux nouvelles exigences de certification.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Sans objet.

1.14 Incendie

Il n'y pas eu d'incendie.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 Généralités

Après l'écrasement, l'appareil s'est immobilisé sur le côté gauche et les 2 sièges avant ont cédé en surcharge. Les 2 pilotes qui occupaient ces sièges étaient inconscients. Le pilote assis dans le siège de gauche reposait sur le pilote assis dans le siège de droite. Le pilote observateur assis à l'arrière s'est détaché, puis est sorti de l'appareil par le trou béant qui s'est formé dans le toit de la cabine. Une fois à l'extérieur de l'appareil, il a constaté que les 2 autres pilotes gisaient immobiles dans l'épave et que le moteur fonctionnait encore. Il a également observé une fuite importante de carburant. Il est revenu à l'appareil et il a dû, en premier lieu, extraire les 2 pilotes de leur siège afin d'atteindre la manette arrêt carburant. Il a traîné les pilotes, dont les vêtements étaient imbibés de carburant, à plusieurs mètres de l'épave. Après avoir fermé le moteur, il a administré les premiers soins aux pilotes, qui ont repris connaissance quelques minutes plus tard. Les 3 pilotes ont subi des blessures à la tête et au visage. Aucun d'eux ne portait un casque et il n'existe aucune exigence réglementaire à cet égard.

1.15.2 Casque

Bien que le RAC n'exige pas le port du casque pour les pilotes d'hélicoptère, le BST a documenté un certain nombre de cas où l'utilisation du casque aurait probablement réduit ou empêché les blessures subies par le pilote. Le 30 octobre 2009, le BST a publié l'Avis de sécurité aérienne A09A0016-D2-A1, Utilisation peu fréquente d'un casque par les pilotes d'hélicoptère, soulignant que sans une communication continue et précise des avantages de l'utilisation de protection pour la tête, les pilotes d'hélicoptère continueront à opérer sans le port du casque, augmentant ainsi le risque de blessure à la tête du pilote et de l'incapacité conséquente à fournir l'assistance nécessaire à l'équipage ou aux passagers.

1.15.3 Services d'urgence

L'aéroport de Sept-Îles ne fournit pas les services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronef (SLIA)Note de bas de page 13. Le service d' incendie de la ville de Sept-Îles assure la protection d'incendie en cas d'accident/incident à l'aéroport. Le temps de réponse est d'au moins 15 minutes. La priorité est accordée aux incendies de la ville de Sept-Îles.

Le site de l'écrasement se trouvait à plus de 4000 pieds de la piste 09/27, qui était en service. L'aéroport est resté ouvert après l'accident, c'est-à-dire que les aéronefs pouvaient décoller et atterrir.

1.15.4 Radiobalise de repérage d'urgence

L'aéronef était muni d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) de marque KANNAD, modèle 406AF-COMPACT, numéro de série 259637, pouvant transmettre sur les fréquences 121,5 MHz et 406 MHz. La radiobalise n'a pas été endommagée et s'est déclenchée à la suite de l'impact.

1.15.5 Plan des mesures d'urgence de l'exploitant de l'aéroport de Sept-Îles

L'exploitant de l'aéroport doit élaborer et tenir à jour un plan d'urgenceNote de bas de page 14. En 2000, l'exploitant de l'aéroport de Sept-Îles s'est doté d'un plan des mesures d'urgence précisant les rôles et responsabilités de chacun des intervenants en cas, entre autres, d'un accident d'aéronef à l'aéroport.

Lors d'un accident à l'aéroport, la FSS communique aussitôt avec le CAUREQ (Centre d'appel d'urgence des régions de l'Est du Québec) au 911. Le CAUREQ avise la Sécurité Incendie, la Sûreté du Québec (SQ), les services ambulanciers qui à leur tour avisent le Centre de santé et de services sociaux de Sept-Îles, le centre hospitalier et finalement le directeur de l'aéroport ou le directeur délégué.

Le directeur de l'aéroport ou le directeur délégué, qui ne se trouve pas nécessairement à l'aéroport, se rend sur-le-champ au Centre de coordination d'urgence (CCU) et avise les unités d'intervention pertinentes. Le CCU, où se réunissent les représentants des unités d'intervention, est muni des équipements de communications, d'information et d'enregistrement et devient le centre des communications (photo 1). Les intervenants communiquent entre eux par le biais de diverses fréquences radio. De plus, le CCU contrôle à distance la barrière 7 située entre l'aérogare et le bâtiment polyvalentNote de bas de page 15. Elle est identifiée par un phare clignotant rouge lors d'une urgence et la SQ en contrôle l'accès. Afin d'ouvrir le CCU dans les plus brefs délais, l'exploitant de l'aéroport avait fourni une clé du local à certains intervenants. Toutefois, au moment de l'événement, ceux-ci soit ignoraient être en possession de la clé du local, soit l'avaient perdue.

Photo 1. Vue du Centre de coordination d'urgence de l'aéroport de Sept-Îles
Vue du Centre de coordination d'urgence de l'aéroport de Sept-Îles

Le directeur de l'aéroport ou son délégué est responsable, entre autres, de coordonner les activités dans le CCU et de fournir toute l'aide requise par le commandant des opérations sur le site de l'accident. Il est également responsable de gérer l'aéroport pendant l'urgence et de prendre les décisions concernant son exploitation.

Le côté piste est protégé par une clôture de sécurité et l'accès se fait principalement par 2 barrières actionnées par carte magnétique dont l'émission est contrôlée. Les utilisateurs sont des employés de NAV CANADA, TC et autres intervenants possédant un permis d'exploitation de véhicules côté piste (AVOP).

La conduite côté piste est réglementée selon les normes du permis AVOP et les personnes ne détenant pas de permis AVOP doivent être escortées.

1.15.6 Intervention d'urgence

À 10 h, le spécialiste d'information de vol de NAV CANADA en serviceNote de bas de page 16 a observé l'appareil percuter le sol; il n'a reçu aucun appel de détresse de l'hélicoptère ni avant ni après l'impact. Il a composé aussitôt le 911 et signalé l'accident au CAUREQ. Ce dernier a alerté le service d'incendie, la SQ, le service ambulancier, mais n'a pas avisé les responsables de l'aéroport de la situation d'urgence.

Étant donné que le site de l'écrasement se trouvait à plus de 4000 pieds de la piste en service, soit la piste 09/27, l'aéroport est resté ouvert après l'accident, c'est-à-dire que les aéronefs pouvaient continuer à décoller et à atterrir pendant l'intervention d'urgence.

À 10 h 5, à l'aide du téléphoneNote de bas de page 17, la FSS a dirigé vers le site de l'accident une ambulance qui se trouvait sur l'aire de trafic pour une évacuation sanitaire.

Entre 10 h 6 et 10 h 15, 2 voitures de la SQ, 2 ambulances et les responsables du service d'incendie de la ville de Sept-Îles sont arrivés à la barrière 7. L'officier responsable de la SQ s'est rendu dans la tour de la FSS pour coordonner les activités des équipes au sol.

Vers 10 h 15, l'employé d'un transporteur médical a ouvert la barrière 7. Aussitôt, les véhicules des intervenants se sont engagés sans escorte, sans autorisation et sans moyen de communication avec la FSS sur la piste 09/27. Ils croyaient que l'aéroport était fermé au trafic aérien. Rendus sur la piste, les intervenants étaient désorientés; bien qu'ils pouvaient voir l'épave et l'ambulance, ils ignoraient le trajet qu'ils devaient prendre pour s'y rendre. Pendant ce temps, un de Havilland DHC-8 exploité par Air Canada Express en approche finale pour la piste a dû effectuer une remontée après avoir été avisé par le spécialiste de la FSS de l'intrusion sur piste.

À 10 h 28, 2 véhicules de lutte contre les incendies de la ville de Sept-Îles et celui de l'aéroport sont arrivés sur les lieux de l'accident. À 10 h 31, les 2 pilotes qui avaient pris place dans les sièges avant étaient en route vers l'hôpital. À 10 h 37, le directeur délégué de l'aéroport a été avisé de l'accident par le surveillant des terrains aéroportuaires. Il est arrivé sur le site de l'écrasement à 10 h 45. À 11 h 45, le directeur délégué a ouvert le CCU et activé les mesures d'urgence. À 12 h 49, l'intervention d'urgence s'est terminée et l'on a fermé le CCU.

1.15.7 Séance de compte rendu de l'événement

Les intervenants ont tenu 2 séances de compte rendu après l'accident. Ces rencontres ont permis d'identifier des irrégularités d'intervention au plan des mesures d'urgence.

1.15.8 Exercice d'urgence à l'aéroport de Sept-Îles

L'aéroport de Sept-Îles doit mettre à l'essai son plan d'urgence en procédant à un exercice général à un intervalle d'au plus 4 ansNote de bas de page 18. De plus, l'exploitant de l'aéroport doit procéder à un exercice en salle de classe chaque année au cours de laquelle il n'y a pas d'exercice général.

Le dernier exercice général tenu à l'aéroport de Sept-Îles avant l'accident s'est déroulé le 9 octobre 2008 et simulait l'écrasement d'un aéronef à l'aéroport. Selon le compte rendu de la réunion récapitulative, dans son ensemble, l'exercice s'est déroulé de façon satisfaisante.

Toutefois, par la nature même d'un exercice d'urgence, on identifie toujours un certain nombre de lacunes. On a noté entre autres que le nombre élevé d'intervenants dans la tour du FSS avait nui au travail du spécialiste. Également, on a noté un manque de personnel à la barrière 7 pour escorter les intervenants vers le site de l'accident.

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et la gestion

1.17.1 Généralités

Héli-Excel est détenteur d'un certificat d'exploitation valide et sa base est située à environ 7 milles marins (nm) au nord-ouest de l'aéroport de Sept-Îles. Au moment de l'accident, Héli-Excel exploitait une flotte de 20 hélicoptères de types Bell 205, Bell 206, Bell 206L, Bell 214B-1, Eurocopter AS350-B, BA, B2, D et Eurocopter AS355-F. Les appareils sont exploités selon les sous-parties 2 et 3 de la Partie VII du RAC. Le vol en question était exploité en vertu de la sous-partie 3, soit l'exploitation d'un taxi aérien.

Héli-Excel utilise un système de gestion de la sécurité (SGS), quoiqu'un tel système ne soit pas requis par le RAC. L'inspection de validation de programme (IVP) d'Héli-Excel réalisé par TC en février 2010 n'a relevé aucun point de non-conformité au contrôle des opérations puisque la compagnie satisfaisait à tous les critères d'évaluation. D'ailleurs, une note supérieure lui avait été accordée puisqu'Héli-Excel rencontrait 5 des 8 éléments des critères d'évaluation pour l'obtention d'une note parfaite.

1.17.2 Formation des pilotes instructeurs

Au moment de l'accident, la formation des pilotes était assurée par la compagnie. Le pilote en chefNote de bas de page 19 ainsi que 2 pilotes instructeurs travaillant sous son autorité fournissaient la formation annuelle sur type et la formation spécialisée conformément au programme de formation de la compagnieNote de bas de page 20.

Les pilotes instructeurs n'avaient pas à détenir une qualification d'instructeur. Ils devaient néanmoins être titulaires d'une licence de pilote professionnel et posséder la qualification de type pour former les pilotes sur AS350. Tel que le stipule le RAC, ils devaient également démontrer connaître le contenu du RFM de l'appareil ainsi que des manuels de pilote inspecteur, d'exploitation et de formation de la compagnie.

La formation et les qualifications des pilotes instructeurs étaient en accord avec le RACNote de bas de page 21 et Héli-Excel n'avait pas établi d'exigences autres que celles requises par le RAC.

La compagnie choisissait les candidats pilotes instructeurs en fonction de leur expérience et de leurs habilités de pilotage. Par la suite, le pilote en chef passait en revue les procédures d'urgence de l'appareil en vol avec eux. Les candidats étaient nommés pilotes instructeurs après avoir démontré être en mesure d'effectuer correctement les procédures publiées dans le RFM de l'appareil.

Les pilotes instructeurs étaient responsables, de concert avec le pilote en chef, de la mise en place et de la promotion de normes et de techniques de pilotage que devront suivre les équipages de conduite durant les vols opérationnels et dont le respect devra être démontré pendant les vérifications initiales et périodiques. Également, ils étaient responsables de la formation en vol de tous les membres d'équipage de conduite, conformément au programme de formation approuvé sur le type d'aéronef assignéNote de bas de page 22.

La compagnie encourageait les pilotes en formation à observer à bord de l'appareil les exercices d'entraînement des autres pilotes. On jugeait que cette pratique favorisait l'apprentissage des pilotes puisqu'elle permettait d'observer visuellement la mise en application des procédures normales, anormales et d'urgence. Selon TC, cette pratique contrevenait au RACNote de bas de page 23 qui stipule que seules les personnes essentielles au vol peuvent être à bord lors d'un vol d'entraînement. Depuis l'événement à l'étude, la compagnie n'autorise aucun pilote autre que le pilote instructeur et le pilote en formation à bord d'un appareil lors d'un vol d'entraînement.

1.17.3 Formation des pilotes d'AS350 d'Héli-Excel

Selon le manuel d'exploitation de la compagnie, la formation technique au sol et la formation en vol ont pour but de renseigner les membres d'équipage sur les systèmes de bord et les procédures à suivre dans des situations normales, anormales et d'urgence. Dans l'événement à l'étude, le pilote en formation venait de compléter sa formation technique au sol sur l'AS350 et il connaissait la procédure en cas de panne hydraulique ainsi que les risques associés au vol sans asservissement hydraulique.

1.17.4 Formation d'Héli-Excel en cas de panne hydraulique

La compagnie ignorait qu'Eurocopter avait publié une procédure d'entraînement en vol, propre à la perte de pression hydraulique et qu'elle se trouvait dans le SUP.7. Par ailleurs, la procédure d'entraînement utilisée par la compagnie était similaire et conforme à celle stipulée dans le SUP.7, à l'exception que le personnel formateur ne savait pas que la pressurisation du circuit hydraulique était permise en vol. Certains pilotes ont indiqué croire que la pressurisation du circuit hydraulique en vol, conjuguée à l'instabilité intrinsèque d'un hélicoptère et aux forces sur les commandes, mènerait à une perte de maîtrise en raison des corrections excessives de l'appareil.

Lorsqu'un pilote en formation n'était pas en mesure d'atterrir parce qu'il éprouvait de la difficulté à maîtriser l'appareil, la compagnie s'attendait à ce que le pilote instructeur reprenne les commandes et effectue l'atterrissage. S'il n'était pas possible d'atterrir, le pilote instructeur devait effectuer une remontée, puis atteindre la vitesse de sécurité avant d'effectuer un circuit et revenir atterrir sans assistance hydraulique.

L'enquête a révélé des différences de procédure mineures lors de l'entraînement à la perte de pression hydraulique d'une compagnie à une autre et également avec le SUP.7. Chez un grand exploitant d'AS350, la pratique de panne hydraulique s'amorce toujours dans un circuit à mi-vent arrière et se termine invariablement par un atterrissage. Au terme de l'atterrissage, le circuit hydraulique est repressurisé avant de refaire l'exercice. Aussi, la séquence des manipulations diffère de la procédure décrite dans le SUP.7. C'est-à-dire, qu'après avoir enfoncé le bouton-poussoir HYD TEST, le pilote en formation appuie sur l'interrupteur HYD CUT OFF avant de rétablir la pression avec le bouton-poussoir HYD TEST. Les pilotes instructeurs croient que cette méthode reproduit plus fidèlement une panne réelle que celle proposée dans le SUP.7. Toutefois, l'activation de l'interrupteur HYD CUT OFF avant de rétablir la pression hydraulique dans le circuit avec le bouton-poussoir HYD TEST ne permet pas de recharger l'accumulateur du rotor de queue pour un hélicoptère équipé d'un compensateur.

L'enquête a également permis de constater que des pilotes instructeurs n'étaient pas pleinement conscients des risques associés aux manœuvres à basse altitude et au vol stationnaire sans assistance hydraulique. Les pilotes instructeurs ont tendance à attribuer les pertes de maîtrise passées à des anomalies mécaniques plutôt qu'aux caractéristiques de manœuvrabilité de l'AS350.

1.17.5 Expérience du pilote instructeur à la panne hydraulique

Au cours de sa carrière comme pilote et comme formateur, le pilote instructeur a toujours été confronté à des forces de niveau acceptable lors des exercices de panne hydraulique. De plus, les pilotes formés sur les premiers modèles de l'AS350Note de bas de page 24 éprouvaient des charges de rétroactions plus faibles que celles engendrées par les modèles subséquents lors de leur entraînement à la panne hydraulique en raison des charges plus faibles du rotor.

1.18 Renseignements supplémentaires

Sans objet.

1.19 Techniques d'enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

2.1 L’appareil

Ni l’examen de l’appareil et des composants du circuit hydraulique ni les essais des servocommandes n’ont révélé une anomalie qui aurait pu contribuer à la perte de maîtrise de l’hélicoptère. Comme il a été mentionné précédemment, il a été constaté que le circuit hydraulique a fonctionné normalement pendant le vol. Enfin, rien ne permet de croire qu’il y aurait eu un mauvais fonctionnement de l’hélicoptère ou une défaillance en vol.

2.2 La console centrale

L’interrupteur HYD TEST n’était pas muni d’un mécanisme de protection. On l’a retrouvé plié vers le haut et la gauche, à la position TEST. On a également constaté que les 2 interrupteurs situés en diagonale sur la deuxième et la troisième rangée de la console centrale étaient aussi pliés vers le haut et la gauche (figure 4). On a conclu que les 3 interrupteurs se sont déplacés dans le sens du vecteur d’impact probablement lorsque le pilote en formation a percuté la console centrale. Si l’interrupteur HYD TEST n’est pas muni d’un mécanisme de protection, le risque d’activation par inadvertance de l’interrupteur est accru, ce qui peut provoquer la dépressurisation du circuit hydraulique.

En mai 2005, la console centrale à boutons-poussoirs d’origine fabriquée par Honeywell a été remplacée par une console Aeronautical Accessories, Inc. à interrupteurs à bascule suivant la certification de type supplémentaire (CTS) no SR00825NY-D. Au moment de l’installation de la nouvelle console, l’interrupteur HYD TEST n’avait pas à être muni d’un cache de protection. À la suite d’événements qui ont mené à une perte du circuit hydraulique et à des difficultés de maîtrise en raison de l’utilisation intempestive de l’interrupteur d’essai hydraulique, Transports Canada (TC) a émis une consigne de navigabilité (CN)Note de bas de page 25 en septembre 2007. Cette consigne de navigabilité rendait obligatoire la pose d’un cache de protection sur l’interrupteur HYD TEST afin d’éviter sa manipulation inopinée. Toutefois, la CN n’était applicable que sur les hélicoptères AS350 équipés d’une console Honeywell. C’est pourquoi l’interrupteur à bascule HYD TEST du C-GPHN n’était pas muni d’un cache de protection et n’avait pas à l’être.

Quoi qu’il en soit, l’idée directrice de la CN est de prévenir la désactivation par inadvertance du circuit hydraulique. Étant donné la gravité des risques rattachés à une telle situation, il est raisonnable de penser que tous les interrupteurs HYD TEST devraient être munis d’un cache de protection ou d’un mécanisme pour prévenir une activation inopportune. Dans le cas à l’étude, Aeronautical Accessories, Inc. a publié le bulletin service d’alerte no AA-13062 en décembre 2013 qui énonce les instructions concernant le remplacement du bouton à bascule HYD TEST actuel par un interrupteur à bascule de type « tirer pour déverrouiller ». Aeronautical Accessories, Inc. précise que le bulletin doit être mis en œuvre au plus tard le 30 juin 2014. Cependant, l’application d’un bulletin service d’alerte n’est pas obligatoire pour les appareils privés au Canada. Selon les renseignements obtenus au cours de l'enquête, TC examine la possibilité d’émettre une consigne de navigabilité à cet effet, rendant la protection du bouton HYD TEST obligatoire pour tous les modèles de console centrale.

Bien que l’accident n’ait pas été causé par une activation involontaire de l’interrupteur HYD TEST, il demeure que si tous les modèles de console centrale ne sont pas visés par la consigne de navigabilité de TC exigeant un cache de protection sur l’interrupteur HYD TEST, il y a un risque que des AS350 soient munis d’un interrupteur HYD TEST pouvant être activé par inadvertance.

2.3 Le déroulement du vol

Le pilote instructeur a suivi une procédure similaire à celle décrite dans le supplément 7 du RFM, SUP.7, Hydraulic Pressure Failure Training Procedures in Cruise Flight Conditions [Procédure à suivre pendant la formation sur la perte de pression hydraulique en vol de croisière], au début du premier exercice de panne hydraulique. Il a placé l’interrupteur HYD TEST à la position TEST; le klaxon a retenti, le voyant HYD s’est illuminé et les servocommandes sont restées pressurisées. Puis, le pilote instructeur a attendu que le pilote en formation atteigne la plage de vitesse de sécurité avant de replacer l’interrupteur HYD TEST à OFF; le voyant HYD s’est éteint et le klaxon a cessé de retentir. On peut donc conclure que lors de cette étape du vol d’entraînement, le circuit hydraulique a fonctionné comme prévu et que l’exercice s’est déroulé en conformité avec les directives du SUP.7.

Par la suite, le pilote en formation a placé l’interrupteur HYD CUT OFF à OFF. Dès lors, les commandes se sont raidies, le voyant HYD s’est illuminé et le klaxon n’a pas retenti. Les commandes de vol n’étant plus asservies par le circuit hydraulique, le pilotage s’est poursuivi en mode manuel. Le pilote en formation a alors amorcé une approche vers le seuil de la piste 13. Il devait effectuer une lente transition entre la vitesse de sécurité recommandée jusqu’au touché des patins à quelque 10 nœuds sans passer par le vol stationnaire. Comme les charges sur les commandes de vol étaient tolérables et qu’il n’y a eu aucune force non équilibrée pouvant résulter d’une pression résiduelle asymétrique dans les accumulateurs, on peut également conclure que l’interrupteur HYD CUT OFF a fonctionné correctement.

L’appareil s’est rendu sans problème à l’aire d’atterrissage choisie. Toutefois, le pilote en formation ne connaissait pas bien les caractéristiques de manœuvrabilité de l’AS350, et une fois près du sol, il n’a pu maîtriser l’appareil avec suffisamment de finesse pour effectuer un atterrissage en toute sécurité. Puisque le système SkyNode n’a pas enregistré un message « Landing h », on peut supposer que l’appareil évoluait à une vitesse supérieure à 5 nœuds. Toutefois, on peut penser que la réduction de vitesse de l’hélicoptère en vue d’atterrir ait augmenté les efforts de commandes que le pilote en formation n’a pas su pleinement maîtriser. Le pilote instructeur a dû reprendre les commandes et amorcer une remontée. La conduite de l’hélicoptère et la charge de travail du pilote correspondaient à la description publiée dans le manuel de vol du giravion (RFM) sur la conduite de l’appareil en cas de panne hydraulique. En conséquence on peut conclure que l’appareil s’est comporté normalement en l’absence d’asservissement hydraulique.

L’exercice s’est écarté de la procédure recommandéeNote de bas de page 26 lorsque le pilote instructeur a repris les commandes. Sans asservissement hydraulique, il a exécuté un premier circuit serré à basse altitude qui s’est conclu par un atterrissage. Au sol, avec un voyant rouge allumé au tableau de bord, il a décollé en mode manuel et a réalisé un deuxième circuit avant de donner les commandes au pilote en formation. Finalement, il a repris les commandes quand le pilote en formation n’a pas été en mesure d’immobiliser l’appareil au sol et il a exécuté un circuit serré à basse altitude au cours duquel il a perdu la maîtrise de l’hélicoptère.

Six secondes avant la perte de maîtrise, l’appareil avait décéléré à 9 nœuds. Selon les essais en vol effectués par TC, les forces sur les commandes à ce moment devaient exercer une pression vers la droite et vers l’arrière, poussant ainsi le manche cyclique dans la paume du pilote instructeur. En conséquence, le pilote devait contrer ces forces en déployant des efforts vers l’avant et la gauche sur le manche cyclique.

Les traces d’impact et les données de l’appareil SkyNode indiquent que la perte de maîtrise est survenue alors que l’hélicoptère évoluait légèrement au nord de la piste à une hauteur d’environ 35 pieds au-dessus du sol (agl) et à une vitesse sol de 32 nœuds (figure 8). Étant donné que l’appareil n’était pas dans l’axe de piste, on peut penser que le pilote instructeur exerçait une pression supplémentaire vers la gauche sur le manche cyclique afin de rejoindre l’aire d’atterrissage en bout de piste.

Le déplacement soudain du manche cyclique vers l’avant et la gauche est survenu pendant que l’hélicoptère accélérait de 9 à 32 nœuds et que la trajectoire de l’hélicoptère était décalée avec le point d’atterrissage. Ainsi donc, le changement brusque de direction des forces aérodynamiques de rétroaction de la tête rotor a déplacé le manche cyclique dans le sens des efforts exercés par le pilote instructeur et hors de sa paume.

La variation rapide en intensité et en direction des efforts de commandes, caractéristiques de l’AS350 sans assistance hydraulique évoluant à faible vitesse, jumelée au phénomène d’écoulement transverse ou bosse de manche, ont probablement provoqué le déplacement impromptu du manche cyclique vers l’avant et la gauche. Le basculement latéral du disque rotor vers la gauche lorsque l’hélicoptère accélérait de 9 à 32 nœuds a engendré le déplacement du manche cyclique dans la même direction. Ce déplacement soudain a surpris le pilote instructeur, qui n’a pu réagir à temps. Comme l’appareil se trouvait à moins de 39 pieds agl, soit à quelques pieds près de l’équivalent du diamètre du disque rotor, le basculement brutal de l’hélicoptère offrait peu de chances au pilote instructeur de reprendre la maîtrise de l’assiette avant que les pales percutent la piste.

2.4 Formation dispensée par le pilote instructeur

Le pilote instructeur a effectué 3 circuits et 2 décollages sans assistance hydraulique malgré la CAUTION dans le RFM. Il importe que le personnel formateur soit conscient de l’importance d’adopter les instructions spécifiées dans le RFM de l’appareil. Le pilote instructeur exerce des fonctions qui lui permettent de mettre un terme aux habitudes incorrectes, dangereuses ou illégales. Dans le cas à l’étude, l’exemple fourni par le pilote instructeur a généré un transfert d’entraînement négatif aux 2 pilotes en formation. Une formation qui ne suit pas la procédure approuvée nuit aux pilotes en formation en les empêchant de s’appuyer sur une expérience contextuelle pour gérer une situation d’urgence.

2.5 Procédure d’entraînement en cas de panne hydraulique

2.5.1 Généralités

Le pilote instructeur n’a pas été confronté à une situation d’urgence critique rare puisque le vol sans pression hydraulique s’est effectué lors d’un vol d’entraînement. Bien que le mouvement brusque du manche cyclique, de droite à gauche, l’ait surpris et pris au dépourvu, le pilote instructeur aurait dû s’y s’attendre puisqu’il s’agit d’un phénomène symptomatique d’une perte d’asservissement hydraulique documenté dans le RFM.

À cet égard, le RFM contient 5 mises en garde portant sur les risques liés aux rétroactions importantes dans les commandes, en vol stationnaire et lors de manœuvres à basse vitesse. Il semble qu’en dépit de ces mises en garde, le pilote instructeur possédait une connaissance inappropriée des caractéristiques de manœuvrabilité de ce modèle de l’AS350 sans assistance hydraulique. D’ailleurs, d’autres pilotes instructeurs semblent croire être en mesure de surmonter sans difficulté les charges exercées par le rotor principal sur les commandes.

2.5.2 Expérience du pilote instructeur à la panne hydraulique

En raison des charges plus faibles du rotor lors de leur entraînement à la panne hydraulique, les pilotes formés sur les premiers modèles de l’AS350 éprouvaient des charges de rétroaction plus faibles que celles engendrées par les modèles subséquents. Le pilote instructeur avait toujours été confronté à des forces de niveau acceptable lors des exercices de panne hydraulique. Ainsi, il se pourrait que son expérience de vol antérieure l’ait incité à ne pas suivre intégralement la procédure en cas de panne hydraulique et à manœuvrer à basse vitesse près du sol sans asservissement hydraulique.

Les pilotes formés sur les premiers modèles de l’AS350, munis d’un système rotor à charges plus faibles, pourraient s’attendre à éprouver des charges de rétroaction plus faibles que celles engendrées par les modèles subséquents. Ainsi, il y a risque que des pilotes croient, à tort, être en mesure de surmonter les charges de rétroaction des modèles plus récents.

2.5.3 Manuel de vol de l’AS350

Bien que le RFM mette en garde de façon formelle contre les dangers du vol à basse vitesse et en stationnaire en absence de pression hydraulique, il semble que tous les pilotes n’ont pas saisi le caractère impératif de l’avertissement. La présentation des renseignements dans le RFM pourrait avoir une incidence négative sur la perception des pilotes en ce qui concerne les caractéristiques de manœuvrabilité de l’appareil. Les seules forces spécifiées dans le RFM approuvéNote de bas de page 27 en cas d’une panne hydraulique sont de l’ordre de 2 à 7 kg pour le manche cyclique et de 20 kg pour le manche collectif. Pourtant, des forces de 15 à 17 kg pour le manche cyclique sont mentionnées en cas de panne hydraulique dans la partie non approuvéeNote de bas de page 28 du RFM.

Même si l’avertissement publié dans la procédure d’urgence souligne que les forces de rétroaction pourraient entraîner une perte de maîtrise, il ne quantifie pas l’intensité de ces forces. Le manque d’information précise concernant l’ampleur des forces de rétroaction pourrait laisser penser aux pilotes qu’ils auraient à contrer des forces beaucoup moins importantes que celles auxquelles ils pourraient faire face en réalité. Par conséquent, des pilotes sont susceptibles de croire être en mesure de surmonter les forces de rétroaction des commandes.

2.5.4 Typographie du manuel de vol

La typographie des RFM fait l’objet de conventions plus ou moins codifiées et présente des divergences et des variantes sur des points de détail. Bien qu’il n’y ait pas de code absolu qui fasse autorité sur les mises en garde, il y a consensus autour des objectifs de ces avertissements : la mise en valeur et l’importance du message. Dans le cas de l’avertissement publié dans le RFM, la codification ne suggère pas que les consignes sont critiques à la sécurité des occupants et sa mise en forme ne met pas en évidence le message d’alerte. Puisque non seulement des dommages matériels, mais des blessures peuvent se produire si l’instruction n’est pas respectée, les pilotes pourraient s’attendre à ce que la mise en forme de l’avertissement attire son attention immédiate et qu’il soit codifié WARNING plutôt que CAUTION.

Si la codification de l’avertissement publié dans les procédures d’urgence en cas de panne hydraulique et d’entraînement à la panne hydraulique n’est pas conforme à la norme généralement reconnue en typographie des RFM, il y a risque que l’avertissement ne soit pas respecté.

Il est possible que l’expérience passée et l’interprétation du RFM puissent laisser penser que l’appareil peut être maîtrisé dans toutes les phases de vol sans asservissement hydraulique, sans prendre en compte le caractère aléatoire des charges sur les commandes de vol.

2.5.5 Supplément au manuel de vol du giravion, SUP.7

La formation en vol sur l’AS350 dispensée par Héli-Excel repose sur le RFM de l’appareil. C’est-à-dire que les pilotes, dans la mesure du possible, doivent respecter les limites et procédures publiées dans les sections approuvées du RFM dont le SUP.7. Nonobstant, les pilotes instructeurs de la compagnie ne s’appuyaient pas sur le SUP.7 pour former les pilotes dans le cas d’une simulation de panne hydraulique. Comme on l’a constaté, des pilotes et des pilotes formateurs, dont le pilote instructeur en cause, ignoraient qu’Eurocopter avait publié une procédure propre à l’entraînement à la panne hydraulique.

Il va de soi que les pilotes doivent bien connaître le contenu du RFM, en particulier les sections approuvées. Les suppléments de vol sont généralement publiés pour énoncer les limites, les procédures et les performances particulières à un équipement présent sur l’hélicoptère, mais le SUP.7 est un supplément au RFM produit en réaction à des accidents survenus à la suite de pannes hydrauliques. Comme les pilotes n’ont pas l’habitude de consulter les suppléments de vol pour se référer à une procédure d’entraînement, le SUP.7 peut passer inaperçu.

Les directives publiées dans le SUP.7 sont cohérentes avec la procédure recommandée en cas de panne hydraulique dans le RFM. Même si le SUP.7 découle de la procédure en cas de panne hydraulique, le RFM ne mentionne pas à la section 3 Emergency Procedures qu’une procédure d’entraînement a été conçue spécifiquement pour cette situation d’urgence. En l’absence d’une telle référence, il se peut que des pilotes formateurs omettent de consulter le SUP.7. Si un vol d’entraînement à la panne hydraulique ne suit pas les procédures publiées dans le SUP.7, il y a risque de perte de maîtrise de l’appareil.

2.5.6 Procédure d’entraînement à la panne hydraulique

Pour un hélicoptère léger, une perte de pression hydraulique est une situation qui bien qu’urgente n’est pas critique. Par ailleurs, dans le cas de l’AS350, des forces sur les commandes de vol très élevées et instables, à la limite de l’acceptableNote de bas de page 29 caractérisent le vol stationnaire en mode manuel. C’est pourquoi il est impératif que les instructions applicables lors d’un vol sans asservissement hydraulique soient suivies intégralement.

Afin d’éviter d’être confronté à de telles forces, le pilote doit exécuter une approche plate vent de face et réduire progressivement la vitesse pour effectuer un atterrissage glissé à quelque 10 nœuds, sans réaliser de stationnaire. Toutefois, dans un cadre de formation, il est réaliste de s’attendre à des excursions dans l’exécution de la procédure recommandée. Il arrive à l’occasion qu’un pilote en formation ne connaissant pas bien les caractéristiques de manœuvrabilité de l’AS350 évolue à l’extérieur de la plage de vitesse de sécurité recommandée et éprouve de la difficulté à maîtriser l’appareil à la suite de l’apparition des forces de rétroaction.

Même si la note inscrite à la section consacrée à la transition à l’atterrissage [Transition to landing] du SUP.7 mentionne la possibilité de rétablir, au besoin, la pression hydrauliqueNote de bas de page 30 pendant l’exercice, aucune directive spécifique à l’intention du pilote instructeur en cas d’écart du profil de vol recommandé n’y figure. En l’absence de connaissance du SUP.7 et de briefing préalable à l’exécution de la panne hydraulique lors de la formation, il y a risque que les pilotes ne soient pas en mesure de rétablir la pression hydraulique alors qu’ils exercent des forces importantes sur les commandes de vol. Par conséquent, le pilote instructeur pourrait opter par inadvertance pour un profil de vol à risque. À plus forte raison, la méthode de prise et de restitution des commandes est complexifiée en raison de l’absence d’un interrupteur HYD CUT OFF sur le collectif du pilote instructeurNote de bas de page 31. Puisque la transition du mode manuel au mode assisté passe par le pilote en formation, un manque d’instructions précises peut rendre confuse la coordination entre les 2 pilotes.

En l’absence d’un encadrement serré, les pilotes peuvent hésiter à rétablir la pression hydraulique alors qu’ils exercent des forces importantes sur les commandes de vol. Quoiqu’il en soit, le pilote n’aurait pu rétablir la pression hydraulique s’il l’avait voulu étant donné que son manche collectif n’était pas muni d’un interrupteur HYD CUT OFF. D’ailleurs, la proximité du sol au moment du basculement de l’appareil n’offrait vraisemblablement pas assez de temps pour coordonner le rétablissement de la pression hydraulique par le pilote en formation.

2.6 La survie des occupants

2.6.1 L’évacuation de l’appareil

Étant donné que l’hélicoptère s’est écrasé sur le nez avec une inclinaison de près de 100° à gauche, le devant de la cabine a été lourdement endommagé et a subi des déformations importantes qui ont modifié l’espace et la structure où se trouvaient les 2 pilotes. De toute évidence, les forces d’impact n’ont pas excédé les limites de la tolérance humaine. Comme les sièges avant se sont détachés de leurs ancrages compromettant en partie l’efficacité de leurs ceintures de sécurité, les 2 pilotes se sont frappé la tête et le visage sur le tableau de bord avant de s’évanouir. Le port du casque aurait probablement atténué la sévérité de leurs blessures à la tête et aurait diminué le risque d’une perte de conscience. Or, inconscients, les 2 pilotes étaient dans l’incapacité d’évacuer ou d’aider à évacuer l’appareil. Les pilotes d’hélicoptère qui ne portent pas de casque courent un plus grand risque de subir une incapacité ou des blessures graves ou encore de mourir dans un accident.

2.6.2 Actions du pilote observateur

Le pilote observateur a extirpé les pilotes évanouis du poste de pilotage avant de les traîner jusqu’à une distance sécuritaire de l’épave. Par la suite, il est retourné à l’hélicoptère pour arrêter le moteur. La réaction sans hésitation du pilote observateur et sa connaissance de l’appareil ont réduit le risque d’incendie et de blessures plus graves.

2.6.3 Présence à bord du pilote observateur

La présence à bord du pilote observateur lors du vol d’entraînement contrevenait à la réglementation en vigueur. Bien que les vols d’entraînement soient structurés de façon à réduire le risque au minimum, il demeure que la simulation de situations d’urgence telles que les autorotations, pannes hydrauliques et pannes de rotor de queue comporte de par leur nature des risques accrus d’accident. Bien entendu, un pilote en formation qui observe des collègues lors d’un vol de formation bénéficie de ses observations. Il n’en reste pas moins qu’un pilote observateur n’est pas essentiel au vol et que sa présence à bord l’expose à un risque d’accident, quoique faible.

2.6.4 Les sièges du poste de pilotage

D’après les documents de conception, les sièges du poste de pilotage respectaient les normes en vigueur au moment de la certification de l’appareil. Depuis, les exigences concernant les charges ont changé. L’enquête n’a pas permis de déterminer les forces maximales d’accélération atteintes au cours de l’accident. En conséquence, on n’a pu établir si des sièges construits selon les normes actuelles auraient atténué les charges d’impact et les blessures.

2.6.5 Les premiers secours

Les services de secours ont été avisés rapidement parce que l’écrasement est survenu en plein jour par bonne visibilité et qu’il a été vu par le spécialiste de la station d’information de vol (FSS). Ce dernier a aussitôt signalé l’accident au 911 comme il devait le faire. Par la suite, il a dirigé vers le site de l’accident une ambulance qui attendait sur l’aire de trafic de l’aéroport l’arrivée d’un vol d’évacuation sanitaire. En signalant de façon claire et précise l’accident et son emplacement, les actions du spécialiste de la FSS étaient conformes au plan des mesures d’urgence de l’aéroport. En conséquence, les occupants de l’hélicoptère ont été pris en charge par des professionnels de la santé dans les plus brefs délais possibles.

2.6.6 L’intervention d’urgence

Le succès d’une intervention d’urgence repose en grande partie sur l’utilisation efficace de toutes les ressources disponibles au moment d’une situation d’urgence. Une coordination efficace entre les intervenants est d’autant plus essentielle lorsque les aéroports ne disposent pas d’un service de sauvetage et de lutte contre les incendies d’aéronefsNote de bas de page 32. Puisque le personnel des unités d’intervention provenant de l’extérieur des aéroports connaît généralement peu le fonctionnement d’un aéroport, il est primordial qu’il connaisse bien son rôle, ses responsabilités et ses tâches lorsqu’il se trouve sur un site aéroportuaire.

L’intervention d’urgence ne s’est pas déroulée selon le plan des mesures d’urgence de l’aéroport et a compromis la sécurité aérienne. Les lacunes dans l’intervention n’ont toutefois eu aucun impact sur la survie et la santé des occupants de l’hélicoptère.

Selon le plan des mesures d’urgence, la coordination entre les intervenants devait être assurée à partir du Centre de coordination d’urgence (CCU) sous la responsabilité du directeur de l’aéroport ou du directeur délégué. En conséquence, la présence du directeur de l’aéroport sur les lieux était cruciale au bon déroulement de l’intervention puisqu’il devait coordonner les activités dans le CCU, gérer l’aéroport, et prendre les décisions concernant sa fermeture et sa réouverture, qu’elle soit partielle ou totale. Or, le service 911 n’a pas informé le directeur de l’aéroport de l’écrasement de l’hélicoptère.

Comme l’accident est survenu un dimanche, le directeur de l’aéroport n’était pas présent à l’aéroport. En conséquence, le CCU ne pouvait pas être activé par ce dernier et aucune décision concernant l’exploitation de l’aéroport n’a été prise.

Le CCU n’a été ouvert qu’à la toute fin de la situation d’urgence parce que les autres intervenants ignoraient être en possession de la clé du local ou l’avaient perdue. L’absence du directeur de l’aéroport et l’inactivation du CCU ont provoqué un manque de coordination entre l’exploitant de l’aéroport et les unités d’intervention externes, de sorte que des véhicules d’urgence ont circulé sur la piste en service, sans moyen de communiquer avec la FSS, alors qu’un aéronef de transport se trouvait en approche finale. Une telle situation pourrait engendrer des conséquences graves dans des conditions météorologiques défavorables ou dans l’obscurité. De plus, dans l’éventualité d’un accident plus grave, une telle situation pourrait provoquer des délais d’intervention importants ayant des conséquences graves pour la survie et la santé des occupants d’un appareil accidenté.

Lorsque des véhicules d’urgence circulent sur une piste en service en l’absence de coordination entre l’exploitant de l’aéroport et les unités d’intervention et sans moyen de communiquer avec la FSS, il y a risque de collision sur la piste.

Ces erreurs et omissions relèvent d’une méconnaissance de la part de plusieurs intervenants clés quant à leur rôle, responsabilités et tâches telles que décrites dans le plan des mesures d’urgence de l’aéroport.

Le plan des mesures d’urgence tient pour acquis qu’une intervention sera coordonnée par la direction de l’aéroport. Ainsi, les exercices simulant un accident ont toujours procédé avec un coordonnateur de l’aéroport. Conséquemment, les unités d’intervention n’étaient pas préparées à agir sans l’activation du CCU. Nonobstant, les exercices d’urgence n’ont pas inculqué aux intervenants de première ligne les principes fondamentaux concernant la circulation sur les aires de manœuvre d’un aéroport.

Si les principes fondamentaux de la circulation sur les aires de manœuvre d’un aéroport ne sont pas inculqués aux intervenants de première ligne lors des exercices d’urgence, il y a risque d’incursion sur une piste en service.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote instructeur n’a pas suivi la procédure approuvée puisqu’il a effectué 3 circuits et 2 décollages sans assistance hydraulique. L’hélicoptère évoluait à l’extérieur du profil de vol recommandé par l’avionneur lors d’une dépressurisation du circuit hydraulique. En conséquence, le pilote instructeur a été confronté à des forces de rétroaction importantes et imprévisibles sur les commandes de vol.
  2. Le manche collectif gauche n’est pas muni d’un interrupteur HYD CUT OFF. Le pilote instructeur n’était donc pas en mesure de rétablir la pression hydraulique.
  3. L’hélicoptère a piqué du nez avec une forte inclinaison à gauche à une altitude qui ne permettait pas au pilote instructeur de reprendre la maîtrise de l’appareil avant de percuter le sol.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si l’interrupteur HYD TEST n’est pas muni d’un mécanisme de protection, le risque d’activation par inadvertance de l’interrupteur est accru, ce qui peut provoquer la dépressurisation du circuit hydraulique.
  2. Si tous les modèles de console centrale ne sont pas visés par la consigne de navigabilité de Transports Canada exigeant un cache de protection sur l’interrupteur HYD TEST, il y a un risque que des AS350 soient munis d’un interrupteur HYD TEST pouvant être activé par inadvertance.
  3. Si la codification de l’avertissement publié dans les procédures d’urgence en cas de panne hydraulique et d’entraînement à la panne hydraulique n’est pas conforme à la norme généralement reconnue en typographie des manuels de vol des giravions (RFM), il y a risque que l’avertissement ne soit pas respecté.
  4. Si un vol d’entraînement à la panne hydraulique ne suit pas les procédures publiées dans le supplément 7 du RFM, SUP.7, Hydraulic Pressure Failure Training Procedures in Cruise Flight Conditions (SUP.7), il y a risque de perte de maîtrise de l’appareil.
  5. En l’absence de connaissance du SUP.7 et de briefing préalable à l’exécution de la panne hydraulique lors de la formation, il y a risque que les pilotes ne soient pas en mesure de rétablir la pression hydraulique alors qu’ils exercent des forces importantes sur les commandes de vol.
  6. Les pilotes d’hélicoptère qui ne portent pas de casque courent un plus grand risque de subir une incapacité ou des blessures graves ou encore de mourir dans un accident.
  7. Lorsque des véhicules d’urgence circulent sur une piste en service en l’absence de coordination entre l’exploitant de l’aéroport et les unités d’intervention et sans moyen de communiquer avec la station d’information de vol, il y a risque de collision sur la piste.
  8. Si les principes fondamentaux de la circulation sur les aires de manœuvre d’un aéroport ne sont pas inculqués aux intervenants de première ligne lors des exercices d’urgence, il y a risque d’incursion sur une piste en service.
  9. Les pilotes formés sur les premiers modèles de l’AS350, munis d’un système rotor à charges plus faibles, pourraient s’attendre à éprouver des charges de rétroaction plus faibles que celles engendrées par les modèles subséquents. Ainsi, il y a risque que des pilotes croient, à tort, être en mesure de surmonter les charges de rétroaction des modèles plus récents.

3.3 Autres faits établis

  1. Les sièges des pilotes se sont détachés de leurs ancrages compromettant en partie l’efficacité de leurs ceintures de sécurité. Les sièges respectaient les normes en vigueur au moment de la certification de l’appareil. Depuis, les normes de résistance ont changé et les sièges doivent maintenant résister à une accélération plus élevée.
  2. Héli-Excel encourageait ses pilotes à être à bord à titre d’observateur pendant la simulation de situations d’urgence. La compagnie ignorait que cette pratique contrevenait au Règlement de l’aviation canadien.

4.0 Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Transports Canada

Transports Canada a publié la consigne de navigabilité (CN) CF-2015-10 qui s’applique à la certification de type supplémentaire (CTS) no SR00825NY-D pour exiger un cache de protection de l’interrupteur HYD TEST sur les consoles Aeronautical Accessories, Inc. , modèles VIA-350-24-001 et VIA-350-24-002.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

5.0 Annexes

Annexe A — Consigne de navigabilité concernant la protection de l’interrupteur « Hydraulic Test »

Annexe A - Consigne de navigabilité concernant la protection de l'interrupteur « Hydraulic Test »
Image du consigne de navigabilité concernant la protection de l'interrupteur « Hydraulic Test »

Source : Transports Canada, Consigne de navigabilité no CF-2007-19R1 (27 novembre 2008)

Annexe B — Diagramme du circuit hydraulique

L’activation de l’interrupteur HYD TEST ouvre le collecteur de la vanne électromagnétique (Manifold Solenoid Valve) et dépressurise le circuit hydraulique.

L’activation de l’interrupteur HYD CUT OFF ouvre les vannes électromagnétiques des accumulateurs (Actuator Solenoid Valve) de chaque servo commande et dépressurise les accumulateurs pour le pilotage sans asservissement hydraulique.

Annexe B - Diagramme du circuit hydraulique
Diagramme du circuit hydraulique

Source : Eurocopter (en anglais seulement, avec annotations du BST)

Annexe C — Supplément du manuel de vol numéro 7

Source : Eurocopter, Flight Manual AS 350 BA, Sup.7 (en anglais seulement)

Annexe D— Extrait du plan des mesures d’urgence de l’aéroport de Sept-Îles

Annexe D - Extrait du plan des mesures d'urgence de l'aéroport de Sept-Îles
Image de l'extrait du plan des mesures d'urgence de l'aéroport de Sept-Îles

Source : Aéroport de Sept-Îles, Plan des mesures d’urgence de l’exploitant, rév. 0, juin 2000, p. 2-9