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Rapport d'enquête aéronautique A13A0075

Perte de maîtrise et collision avec un plan d’eau
de l’aéronef CL-415, C-FIZU exploité par
la Division des services aériens du
gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador
au Lac Moosehead (Terre-Neuve-et-Labrador)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 3 juillet 2013, vers 14 h 15, heure avancée de l'Atlantique, un hydravion amphibie Bombardier CL-415 de la Division des services aériens du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador (immatriculé C-FIZU, numéro de série 2076), exploité en tant que bombardier à eau numéro 286, décolle de Wabush (Terre-Neuve-et-Labrador), pour lutter contre un incendie de forêt s'étant déclaré dans les environs. Peu après le départ, le bombardier 286 se pose sur le lac Moosehead pour refaire le plein d'eau. Environ 40 secondes plus tard, le capitaine amorce un virage à gauche et perd presque immédiatement la maîtrise de l'aéronef. Ce dernier effectue alors un tête-à-queue sur l'eau avant de s'immobiliser à l'endroit, mais partiellement submergé. L'équipage sort de l'aéronef et demeure sur l'aile avant d'être secouru par bateau. La force d'impact vers l'avant est insuffisante pour déclencher la radiobalise de repérage d'urgence de 406 mégahertz embarquée. Aucun des 2 membres de l'équipage n'est blessé. L'aéronef est détruit. L'accident survient en plein jour.

Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

La veille de l'accident, l'équipage avait effectué 53 largages d'eau sur un feu de forêt au nord-est de Wabush (Terre-Neuve-et-Labrador). Chaque vol, qui dure généralement environ 3 minutes, consiste à effectuer une manœuvre d'écopage sur le lac MooseheadNote de bas de page 1, à larguer l'eau sur le feu, puis à revenir pour la manœuvre d'écopage suivante. Normalement, durant la manœuvre d'écopage (figure 1), l'aéronef se pose à environ 1250 pieds (point A) de la rive est du lac.

Figure 1. Le parcours d'un vol précédent (trait plein) et le parcours du vol en cause (ligne pointillée)
Carte du parcours d'un vol précédent et le parcours du vol en cause

Environ 1200 pieds plus loin ou 11 secondes plus tard, les écopesNote de bas de page 2 (photo 1) se rétractent (point B) et le décollage a lieu environ 925 pieds (ou 10 secondes) après la rétraction des écopesNote de bas de page 3 (point C). Tous les vols sont effectués avec le sélecteur « AUTO / MANUAL » (automatique ou manuel) des écopes en position « AUTO ». Le sélecteur était laissé dans cette position à la fin de chacun de ces vols.

Photo 1. Écope
Image de l'écope

Vers 14 hNote de bas de page 4 le jour de l'accident, l'équipage a été déployé au même feu de forêt que la veille. Le commandant était le pilote aux commandes du vol en cause et occupait le siège de gauche. Le commandant a déposé le couvercle de la console centraleNote de bas de page 5 durant la préparation pour le vol. Le premier officier, soit le pilote qui n'était pas aux commandes (PNF), a effectué l'inspection extérieure de l'aéronef et les vérifications prévol dans le poste de pilotage.

L'aéronef transportait 7000 lb de carburant et 1000 lb de mousse chimique. L'ordinateur de commande de largage de l'eau calcule la quantité maximale d'eau à écoper en tenant compte de ces renseignementsNote de bas de page 6. Cette quantité est affichée sur l'indicateur de niveau d'eau au moyen de curseurs.

L'équipage a tenu compte de la vitesse et de la direction des vents et a décidé d'adopter la même approche que la veille, soit d'effectuer les écopages sur le lac Moosehead.

Après le décollage, le pilote qui n'était pas aux commandes (PNF) devait effectuer les vérifications « après décollage » et, comme préparatif à l'écopage, devait effectuer les vérifications de « largage d'eau » et « d'écopage ».

Environ 4 minutes après le décollage, l'aéronef s'est posé à environ 1250 pieds de la rive est du lac (figure 1), selon un cap de 250° vrai (V). Le pilote aux commandes (PF) a ensuite appliqué la puissance de décollage, et le PNF a procédé au réglage des limiteurs de couples (que nous appellerons dorénavant « butées de fin de course »). Durant la manœuvre d'écopage, le PNF veillait à ce que les butées de fin de course soient réglées selon les instructions du pilote aux commandes (PF).

Tout en ajustant les butées de fin de course, le PNF a remarqué que les réservoirs d'eau étaient remplis, et a signalé au PF que les écopes étaient toujours déployées et que le sélecteur « AUTO / MANUAL » des écopes était en position « MANUAL ». Le PNF a ensuite remonté manuellement les écopes. Les écopes ont été remontées à environ 3490 pieds du point d'amerrissage (point D).

L'équipage a poursuivi la manœuvre de décollage même si l'indicateur de niveau d'eau montrait une quantité d'eau embarquée supérieure à celle autorisée pour le décollage.

Lorsque les écopes ont été remontées, l'aéronef était à environ 2500 pieds de la rive à l'extrémité de départ du lac. Le pilote aux commandes a déterminé que l'aéronef aurait besoin d'une plus grande distance pour décoller et a amorcé un virage à gauche pour suivre le lac. Environ 2 secondes plus tard, la coque de l'aéronef a commencé à sortir de l'eau, et le flotteur gauche est entré en contact avec l'eau (point E).

Pendant les 4 secondes suivantes, les commandes de l'aileron et de la gouverne de direction entraînaient un virage à gauche; toutefois, pendant ce temps, l'aéronef dérapait vers l'extérieur du virage. Le flotteur est demeuré en contact avec l'eau et la coque de l'aéronef était complètement hors de l'eau. Le pilote aux commandes a effectué un braquage presque maximal des gouvernes de profondeur, mais cela n'a eu aucun effet sur l'assiette de tangage; il a alors tenté d'amorcer un virage à droite à l'aide des ailerons, mais sans résultats.

A peu près une seconde plus tard, la coque de l'aéronef était à environ 7 pieds au-dessus de l'eau et le flotteur était toujours en contact avec l'eau. Le flotteur s'est alors détaché de son mât, ce qui a subitement entraîné un piqué.

L'avant de la coque a ensuite heurté l'eau, ce qui a entraîné une brèche de sa partie inférieure avant. Le flotteur de droite est alors entré en contact avec l'eau et s'est complètement détaché, ainsi que son mât. L'aéronef s'est immobilisé à l'endroit, mais le poste de pilotage était partiellement submergé (photo 2). L'équipage a retardé brièvement son évacuation jusqu'à ce que les hélices cessent de tourner.

Photo 2. L'aéronef en cause (source : Royal Newfoundland Constabulary)
Image de l'aéronef en cause

Le PNF a récupéré un gilet de sauvetage et a évacué l'aéronef par la trappe d'évacuation supérieure. Une fois sur l'aéronef, il a mis le gilet de sauvetage. Le PF n'a pas pu récupérer de gilet de sauvetage et est sorti de l'aéronef par la fenêtre coulissante gauche.

L'équipage est demeuré sur l'aile pendant que l'aéronef continuait de s'enfoncer. Le PNF a appelé le personnel de l'organisme avec son téléphone cellulaire et a fait part de la situation. Dans les 30 minutes qui ont suivi, des employés du ministère des Ressources naturelles sont arrivés sur les lieux par bateau et ont transporté l'équipage sur le rivage.

L'aéronef s'est immobilisé au fond du plan d'eau, à environ 225 pieds de la rive sud du lac.

Ni l'un ni l'autre pilote n'a tenté d'activer à distance la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) ni de couper les moteurs et l'alimentation électrique.

1.2 Victimes

Il n'y a pas eu de blessés.

1.3 Dommages à l'aéronef

L'aéronef a été détruit sous la force de l'impact.

1.4 Autres dommages

Sans objet.

1.5 Renseignements sur les pilotes

L'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

Commandant Premier officier
Licence de pilote Licence de pilote de ligne (ATPL) Licence de pilote professionnel (CPL)
Date d'expiration du certificat médical 1er octobre 2013 1er octobre 2013
Nombre total d'heures de vol 12 500 1700
Heures de vol sur type 120 138
Heures de vol sur type en 2012 85 103
Heures de vol sur type au cours des 3 jours précédents 9,5 9,5
Nombre d'heures de service avant l'événement 6 6
Nombre d'heures hors service avant la période de travail 12 12

Il s'agissait de la deuxième saison de vol sur un aéronef CL-415 pour les 2 pilotes. Le commandant avait piloté une grande variété d'avions amphibies, y compris le CL-215 (1300 heures de vol) durant ses 32 ans au sein de la division des services aériens du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador (NGAS). Le premier officier avait également piloté le CL-215 (221 heures), et il s'agissait de sa septième année au sein des NGAS.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Généralités

L'aéronef en cause, qui avait été construit en 2010, appartenait aux NGAS, qui l'exploitaient depuis sa mise en serviceNote de bas de page 7. Il avait accumulé un total de 461,6 heures de vol au moment de l'accident.

Les dossiers indiquent que l'aéronef était homologué, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Il n'y avait aucune indication qu'un composant ou un système étaient défectueux lors de la manœuvre d'écopage. La veille de l'accident, aucune anomalie n'a été notée à propos de la fonction de rétraction automatique des écopes.

Le CL-415 est un biturbopropulseur amphibie à aile haute, conçu spécialement pour la lutte contre les incendies de forêt par voie aérienne. Il est doté d'un poste de pilotage à écrans cathodiquesNote de bas de page 8, de commandes de vol assistées et de moteurs à turbine. L'aéronef possède 2 réservoirs, 4 compartiments et un circuit d'eau commandé par ordinateur. L'eau entre dans les réservoirs par 2 écopes extensibles, grâce à la force engendrée lorsque l'aéronef hydroplane. Chaque réservoir d'eau est doté d'un conduit de trop-plein qui permet à l'eau de s'écouler lorsque les réservoirs sont pleins.

Les manœuvres d'écopage et de largage d'eau sont commandées par des interrupteurs situés sur le panneau de commande de largage de l'eau (WDC), sur la console centrale, ainsi que sur les manches à volant. L'ordinateur du WDC utilise le poids sans carburant de l'aéronefNote de bas de page 9 et le poids de la mousse chimique et du carburant embarqué pour calculer la quantité maximale d'eau qui peut être écopée sans dépasser la masse maximale autorisée au décollage de l'aéronef (47 000 livres). Les données sur l'état du circuit, la position de la trappe, l'état amorcé ou prêt du mécanisme, la quantité d'eau embarquée et la position des écopes sont affichées sur le tableau des dispositifs de contrôle de l'écopage (photo 3). Le poids d'eau maximal est indiqué au moyen de curseurs sur le tableau des dispositifs de contrôle de l'écopage. Lorsque les écopes sont déployées, 2 voyants « DN » (pour « down » ou déployé) s'allument. Lorsque les écopes sont rétractées, les 2 voyants sont éteints.

Photo 3. Tableau des dispositifs de contrôle de l'écopage
Image du tableau des dispositifs de contrôle de l'écopage

Selon l'enquête, la masse et le centre de gravité de l'aéronef se situaient dans les limites prescrites pour le décollage de Wabush et l'hydroplanage initial sur le lac.

Au moment de l'accident, les réservoirs de l'aéronef étaient remplis d'eau et l'aéronef pesait ainsi près de 3000 livres de plus que sa masse maximale autorisée au décollageNote de bas de page 10.

1.6.2 Circuit de rétraction des écopes

Le mécanisme standard de rétraction des écopes du CL-415 est doté d'un sélecteur à 2 positions (rétraction et déploiement ou « UP / DOWN »)Note de bas de page 11, situé sur le côté droit de la console centrale. Lorsque le sélecteur est à « DOWN », les écopes sont déployées. Lorsqu'il est à « UP », les écopes sont rétractées. À l'écopage, une fois que le niveau d'eau dans les réservoirs atteint la quantité prédéterminée, l'équipage doit pousser manuellement le sélecteur en position de rétraction (UP) pour éviter que l'aéronef soit surchargé.

À la demande d'un autre client, Bombardier avait conçu un mécanisme de rétraction automatique des écopes afin de libérer les pilotes de la nécessité d'effectuer une commande manuelle pendant l'écopage.

Le circuit de commande automatique des écopes comprend un sélecteur de rétraction des écopes « AUTO / MANUAL » (photo 4, flèche A) en plus du sélecteur d'origine « UP / DOWN » des écopes (flèche B). Lorsque le sélecteur « AUTO / MANUAL » est à « AUTO », les écopes se rétractent automatiquement une fois que l'indicateur de niveau d'eau sur le tableau des dispositifs de contrôle de l'écopage atteint le curseur de quantité maximale. Lorsque ce sélecteur est à « MANUAL », l'équipage doit commander manuellement la rétraction des écopes au moyen du sélecteur « UP / DOWN », lorsque la quantité d'eau a atteint le niveau prédéterminé.

Photo 4. Console centrale et emplacement des commandes des écopes
Image du console centrale et emplacement des commandes des écopes

Le sélecteur « AUTO / MANUAL » est un sélecteur à bascule à 2 positions conçu pour se verrouiller dans une seule position. Bombardier a attribué la caractéristique de verrouillage du sélecteur à la position « MANUAL ». Pour contourner ce mécanisme de verrouillage et déplacer le sélecteur à la position « AUTO », le levier de commande doit être relevé. Lorsque le sélecteur est à « AUTO », le levier n'est pas maintenu en place par un mécanisme de verrouillage.

En 2003, le client mentionné ci-dessus a demandé que le sélecteur « AUTO / MANUAL » soit modifié de manière à ce qu'il soit verrouillé en position « AUTO ». Cette modification visait à éviter que le sélecteur soit involontairement déplacé à la position « MANUAL ». Bien que Bombardier ait examiné la modification proposée et qu'elle ne se soit pas opposée à ce que le client effectue cette modification sur sa flotte d'appareils, le changement n'a pas été intégré aux instructions d'installation du mécanisme de rétraction automatique des écopes. Au moment de l'accident, les NGAS n'étaient pas au courant de cette modification.

En mai 2005, Bombardier a publié un bulletin de service (BS) portant sur l'installation d'un mécanisme de rétraction automatique des écopes. En août 2010, Bombardier a publié, à propos de ce bulletin, une fiche d'information qui apportait une modification à la liste des numéros de série des appareils de manière à inclure la flotte d'appareils des NGAS. En avril 2011, le bulletin de service (BS) a été appliqué à l'aéronef en cause. Les NGAS sont le seul autre utilisateur du mécanisme de rétraction automatique des écopes.

Les enquêteurs du BST ont examiné un CL-415 des NGAS; ils ont constaté que le sélecteur « AUTO / MANUAL » pouvait facilement glisser de la position « AUTO » à la position « MANUAL », et que cela pouvait se produire en déplaçant simplement le couvercle de la console centrale vers l'arrière.

1.6.3 Butées de fin de course

Des butées de fin de course réglables sont installées sur les 2 leviers de commande des gaz afin d'éviter que le moteur développe un couple excessif lors des phases d'écopage et de largage de l'eau durant le volNote de bas de page 12. Au départ, les butées de fin de course sont réglées en fonction de la température de l'air extérieur et de l'altitude, et ce réglage est déterminé à l'aide d'un tableau affiché dans le poste de pilotage.

Pour que le moteur puisse développer le couple maximal, conformément au manuel de vol de l'avion 415, modèle Cl-215-6b11 de Bombardier, il est possible que les butées de fin de course nécessitent un nouveau réglage.

1.6.4 Radiobalise de localisation d'urgence

L'aéronef était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) de 406 mégahertz de TechTest Ltd. L'ELT était installée sur le côté droit à l'arrière du fuselage, en arrière et en face de la porte de soute arrière. Il était en position ARMED au moment de l'impact.

L'ELT peut être actionnée de 3 façons : à distance au moyen d'un interrupteur situé dans le poste de pilotage, automatiquement par les forces d'impact, ou manuellement (en poussant l'interrupteur à ON). L'ELT est conçue pour s'amorcer automatiquement lorsque l'accélération vers l'avant est d'au moins 2,0 g. Durant l'accident, l'accélération maximale vers l'avant a été de 1,1 g, ce qui était insuffisant pour actionner l'ELT.

1.6.5 Vérification de fonctionnement

Une vérification de fonctionnement est effectuée par le technicien d'entretien d'aéronefs à la fin de chaque journée de vol. Cette vérification a été effectuée sur l'aéronef en cause durant la soirée du 2 juillet 2013, et aucune anomalie n'a été constatée. Lors de cette vérification, le couvercle de la console centrale n'a pas été déposé, et aucun travail n'a été effectué à proximité du sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes.

1.7 Renseignements sur la météo

Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) diffusé à 14 h pour l'aéroport de Wabush faisait état de vents du 240° vrai soufflant à 16 nœuds avec des rafales à 22 nœuds, d'une visibilité de 3 milles terrestres dans la fumée, d'une couche de nuages fragmentés à 3000 pieds au-dessus du niveau du sol (agl), d'une couverture nuageuse à 16 000 pieds agl, d'une température de 24 °C, d'un point de rosée à 7 °C et d'un calage altimétrique de 29,89 pouces de mercure.

1.8 Aides à la navigation

Sans objet.

1.9 Communications

Sans objet.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

Sans objet.

1.11 Enregistreurs de bord

L'aéronef était doté d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) pouvant contenir l'enregistrement sonore du poste de pilotage des 120 dernières minutes de vol et d'un enregistreur de données de vol (FDR) pouvant conserver les données des 150 dernières minutes de vol. Le CVR et le FDR ont été acheminés au Laboratoire du BST et les données de l'accident étaient toutes intactes.

1.12 Renseignements sur les dommages et sur l'impact

L'aéronef s'est immobilisé le nez vers l'ouest dans environ 15 pieds d'eau. Le flotteur gauche avait subi des dommages par compression et s'était détaché de son mât vers l'arrière. Le flotteur droit et son mât ont cédé vers l'intérieur et se sont détachés de l'aile. Les pales de l'hélice droite ont été détruites en raison de l'impact avec l'eau.

La trappe de train avant droite était fracturée en plusieurs endroits et a été renfoncée dans le puits de roues du train avant. La trappe de train avant gauche était déformée et a été forcée au-delà des limites normales de sa course. Le puits de roues du train avant a été très déformé, et sa cloison structurale arrière a été arrachée et renfoncée vers l'arrière. Les cloisons de la coque du fuselage, à partir du puits de roue du train avant jusqu'aux réservoirs de mousse d'extinction vers l'arrière, ont été fracturées et déchirées à plusieurs endroits, et le plancher à l'arrière du poste de pilotage a été renfoncé vers le haut et déchiré.

Le côté gauche du fuselage présentait plusieurs fissures. Les 2 côtés du fuselage présentaient de nombreux plis, et la trappe du réservoir d'eau no 4 avait été arrachée et n'avait pas pu être récupérée. La partie avant du fuselage et la queue ont subi une déformation vers la gauche.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Le pilote aux commandes (PF) vivait une situation personnelle engendrant une augmentation du niveau de stress. Cette situation durait depuis plusieurs années et en était à son dénouement au début de la saison de vol en cause, ce qui avait entraîné des bouleversements importants dans la vie personnelle du PF. Le PF avait envisagé de prendre un congé en raison des problèmes de concentration engendrés par la situation, mais avait décidé de ne pas le faire, étant donné, notamment, que l'équipage luttait contre un incendie de forêt qui menaçait les propriétés de nombreux résidents de la région. D'autres membres du personnel de l'organisme, dont le PNF et le chef pilote, étaient au courant de la situation personnelle délicate que vivait le PF. Le PNF avait remarqué que le PF semblait distrait, mais avait jugé que la situation n'était pas suffisamment alarmante pour nécessiter que des mesures soient prises.

Le matin de l'accident, le pilote aux commandes (PF) avait reçu un appel téléphonique particulièrement pénible en rapport avec sa situation personnelle.

1.14 Incendie

Sans objet.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

En 2011, les NGAS ont donné aux membres de leurs équipages une formation sur l'évacuation subaquatique par l'entremise de la Fisheries Marine Institute of Memorial University de Terre-Neuve. Il s'agissait d'une occasion unique, et ce type de formation n'était pas censé se répéter. Le PNF se souvenait des connaissances acquises lors de cette formation et les a utilisées durant l'événement en cause.

Les gilets de sauvetage de l'équipage étaient simplement déposés dans des casiers adjacents à chacun des sièges des membres de l'équipage. Après que l'aéronef se fut immobilisé, le gilet de sauvetage du pilote aux commandes (PF) flottait et s'était éloigné de sorte qu'il n'avait pas pu être récupéré.

Le radeau de sauvetage était situé à l'arrière du fuselage, du côté droit, en face de la porte de soute arrière (photo 5). Le radeau était maintenu en place par un mécanisme à cliquet, ne permettant pas de le retirer facilement. Les membres de l'équipage des NGAS avaient soulevé des préoccupations de manière informelle à propos de ce mécanisme en 2011 et à nouveau en 2012, après quoi une autre méthode de fixation avait été proposée pour fixer le radeau en place. Toutefois, durant la saison 2013 de lutte contre les incendies, le mécanisme à cliquet était toujours utilisé pour fixer le radeau de sauvetage.

Photo 5. Radeau de sauvetage
Image du radeau de sauvetage

La partie arrière du fuselage avait été partiellement submergée, et comme il était difficile d'atteindre le radeau de sauvetage, l'équipage avait déterminé qu'il était dangereux de tenter le récupérer.

Selon le manuel d'exploitation des NGAS, les pilotes doivent recevoir chaque année une formation sur l'emplacement et le fonctionnement de tout l'équipement d'urgence. Du matériel didactique, comme des gilets de sauvetage et des radeaux de sauvetage, doit être disponible et adapté au programme de formation offert. Lorsqu'une formation pratique est nécessaire, elle doit avoir lieu dans le cadre de la formation initiale et tous les 3 ans par la suite. Les NGAS n'avaient pas offert de formation particulière sur le fonctionnement des gilets et des radeaux de sauvetage ni sur la façon de monter à bord du radeau de sauvetage une fois dans l'eau.

1.16 Essais et recherche

Sans objet.

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 Ministère des Transports et des Travaux publics de Terre-Neuve-et-Labrador

Le ministère des Transports et des Travaux publics de Terre-Neuve-et-Labrador (DTW) est responsable de l'exploitation et de la maintenance des ambulances aériennes et des bombardiers à eau du gouvernement provincial, ainsi que d'une gamme d'autres services de transport. Le DTW emploie environ 1800 personnes et compte 4 divisions générales.

1.17.2 Division des services aériens du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador (NGAS)

Les NGAS relèvent de la direction générale du transport aérien et routier et sont responsables de la gestion des services aériens provinciaux et des activités d'exploitation et de maintenance du service gouvernemental de lutte contre les incendies de forêt (exploitation des bombardiers à eau). Les NGAS gèrent également les contrats d'affrètement d'aéronefs pour le gouvernement, ainsi que les activités d'exploitation et de maintenance du service d'ambulance aérienne du gouvernement. Le siège administratif est situé à Gander (Terre-Neuve-et-Labrador) où 15 employés forment l'unité de soutien de la division. La base principale des bombardiers à eau est également à Gander et compte 20 pilotes et 16 membres du personnel de maintenance. Pendant la saison de lutte contre les incendies, il y a aussi des bases secondaires à St John's, Deer Lake, Goose Bay et Wabush. La section d'ambulance aérienne, qui exploite 2 aéronefs à St John's et 1 à Goose Bay, compte 14 pilotes et 9 membres du personnel de maintenance.

Les NGAS exploitent leurs taxis aériens conformément à la sous-partie 703 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) et assurent l'exploitation de leurs bombardiers à eau et de leurs ambulances aériennes, ainsi que le transport du personnel de l'organisme conformément à la sous-partie 702 du RAC. Le certificat d'exploitation englobe le travail aérien et les activités nationales ainsi que les activités internationales non régulières.

1.17.3 Activités de largage d'eau

En 2010, le CL-215 a été remplacé par l'aéronef CL-415 et le dernier CL-415 a été livré en 2012. Lors de l'accident, les NGAS exploitaient une flotte de 4 CL-415 et d'un seul CL-215. Un CL-215 supplémentaire était entreposé et n'était pas utilisé.

Le directeur des opérations était responsable des activités quotidiennes. Le directeur des opérations relève du sous-ministre adjoint de DTW tandis que ce dernier relève du sous-ministre, qui est le cadre supérieur responsable des NGAS. En plus de l'exploitation des ambulances aériennes et des bombardiers à eau du gouvernement, ces personnes sont responsables de la construction et de l'entretien des routes provinciales, des services de traversiers provinciaux, de la gestion de la flotte de véhicules légers et d'équipement lourd du gouvernement provincial, et de la construction et de la gestion des immeubles de l'administration provinciale.

Lors de l'accident, de nombreux postes de direction clés n'étaient pas pourvus de façon permanente :

Ces personnes remplissaient les fonctions de leur poste temporaire en plus de leurs fonctions habituelles.

De nombreux employés et gestionnaires travaillaient pour l'organisme depuis plus de 15 ans, et certains d'entre eux depuis 40 ans.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Formation

Formation sur la lutte aérienne contre les incendies de forêt

Parmi les 4 provinces canadiennes qui exploitent le CL-415, une seule offre un programme de formation au sol sur la lutte aérienne contre les incendies de forêt. Le programme traite de sujets comme :

Aux NGAS, la formation sur les techniques de lutte contre les incendies est donnée par les commandants d'expérience aux premiers officiers durant les vols qu'ils effectuent ensemble; ces connaissances sont donc transmises dans le cadre d'une formation sur le tas. Les NGAS n'ont fourni aucun document décrivant un programme de formation au sol sur la lutte aérienne contre les incendies.

Il est parfois nécessaire d'effectuer un virage durant une manœuvre d'écopage pour suivre la forme du plan d'eau. Bombardier recommande de maintenir les ailes à l'horizontale durant ce type de manœuvre. Les NGAS avaient comme pratique de maintenir les ailes selon une assiette horizontale durant les virages effectués sur l'eau. Il est fréquent qu'un flotteur entre en contact avec l'eau lorsque la coque est sur l'eau.

1.18.2 Listes de vérification

1.18.2.1 Sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes

La vérification de la position du sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes est comprise dans la liste de vérification du manuel de vol de Bombardier sur l'écopage normal et la note suivante y figure :

[traduction]

Après que le mécanisme de rétraction automatique des écopes eut été modifié par les NGAS, la vérification de la position du sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes n'a pas été incluse dans la liste de vérification des NGAS. Cette omission a été soulevée par les équipages au cours de discussions informelles, mais au moment de l'accident, la liste n'avait pas encore été modifiée. Depuis 2012, les équipages devaient se fier à leur mémoire pour s'assurer de vérifier le sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes au moment opportun.

1.18.2.2 Breffages

Les procédures d'utilisation normalisées (SOP) des NGAS prescrivent les breffages qui doivent être effectués au cours d'une phase de vol donnée. Pour le premier vol de la journée, un breffage de départ est nécessaire, comme il est précisé dans la liste de vérification avant décollage. Un breffage sur l'écopage est nécessaire avant la première manœuvre d'écopage. Ce breffage n'est pas inclus dans les listes de vérification, mais il est prescrit par les SOP.

Le jour de l'accident, ni l'un ni l'autre de ces breffages n'a été effectué.

1.18.2.3 Utilisation des listes de vérification

Selon la National Aeronautics and Space AdministrationNote de bas de page 16 :

[traduction]

Les différentes façons d'exécuter une liste de vérification ne se limitent pas seulement au dispositif utilisé; elles concernent également le concept d'utilisation d'une liste de vérification, ce qui est parfois appelé la « philosophie d'utilisation de la liste de vérification ». […]

dans la plupart des cas, la philosophie d'utilisation des listes de vérification découle de la culture d'entreprise. Ce terme englobe de nombreux facteurs qui contribuent au concept d'exploitation général de l'organisation, notamment : le style de gestion, les principes de supervision, la délégation des responsabilités des divers échelons hiérarchiques et les mesures punitives. …La culture de la société aérienne est un facteur important parce qu'elle est reflétée dans la façon dont les services de gestion des vols et de formation établissent, dirigent et supervisent les opérations aériennes et les procédures connexes.

Les SOP des NGAS exigent que les listes de vérification des aéronefs soient exécutées en utilisant différentes méthodes durant les différentes phases de vol. Deux de ces méthodes sont la méthode « lecture et exécution » et la méthode des « opérations essentielles ». Les SOP décrivent la procédure à suivre pour exécuter une liste de vérification selon la méthode lecture et exécution, mais non selon la méthode des opérations essentielles. Dans certains cas, les équipages n'étaient pas au courant de ce que l'on entend par l'exécution d'une liste de vérification selon la méthode des opérations essentielles.

Selon les SOP, une liste de vérification peut être exécutée en silence si cela est souhaitable; toutefois, le PNF doit confirmer que la liste a été exécutée et spécifier la liste de vérification suivante.

Pendant le vol en cause, l'exécution des listes de vérification d'après décollage et de largage d'eau n'a pas été confirmée verbalement et la liste de vérification suivante n'a pas été spécifiée.

L'équipage du vol en cause utilisait généralement des signaux manuels pour confirmer l'exécution de la liste de vérification d'écopage et pour préciser que l'aéronef était configuré pour l'écopage. Les SOP stipulent que les signaux manuels ne doivent pas être utilisés.

1.18.3 Performances au décollage

Les performances de l'aéronef au décollage sont fondées sur l'utilisation du couple maximal du moteur. Selon Bombardier et les SOP des NGAS, le décollage doit être effectué en utilisant le couple maximal du moteur, qui est calculé avec l'aide du tableau intitulé « Engine Take-off Torque Setting » (réglage du couple du moteur au décollage) dans le manuel de vol. Pour le vol en cause, le couple maximal du moteur aurait dû être de 98 %Note de bas de page 17.

Selon les procédures adoptées par les NGAS, au cours du premier vol de la journéeNote de bas de page 18, après avoir amerri, le pilote aux commandes doit régler le couple des moteurs pour le décollage. Le PNF effectue alors les réglages de précision des butées de fin de course afin d'empêcher les manettes des gaz de dépasser le couple réglé. Le jour de l'accident, les butées de fin de course ont été réglées de manière à obtenir un couple moteur maximal d'environ 93 %. Il était pratique courante pour les pilotes de régler le couple maximal des moteurs entre 92 % et 95 %.

1.18.4 Surcharge au décollage

Selon le RAC 602.07 (Limites d'utilisation des aéronefs), l'aéronef doit être utilisé conformément aux limites d'utilisation précisées dans le manuel de vol de l'aéronef qui prescrivent entre autres la masse maximale autorisée au décollage.

Le Manuel de pilotage - Avion, 4e édition de Transports Canada (TC) précise que les limites de masse et de centrage sont imposées pour les raisons suivantes :

Le chapitre 4 du Pilot's Handbook of Aeronautical Knowledge, portant sur l'aérodynamique du vol, spécifie :

[traduction]

Les performances d'un aéronef au décollage, durant la montée et à l'atterrissage sont déterminées en fonction de sa masse maximale autorisée au décollage et à l'atterrissage. Une masse brute plus importante donne lieu à une course plus longue au décollage et une montée dans un angle moins prononcé…

Même une légère surcharge peut empêcher un aéronef de franchir un obstacle qui ne poserait pas de problèmes normalement au décollage dans des conditions plus favorablesNote de bas de page 20.

Le chapitre 9 portant sur la masse et le centrage précise que :

[traduction]

Un aéronef surchargé peut ne pas être en mesure de quitter le sol, ou s'il parvient à décoller, il peut présenter des caractéristiques de vol médiocres, imprévues et inhabituelles. Si l'aéronef n'est pas correctement chargé, les premiers signes de performance médiocre apparaissent généralement durant le décollage.

Une surcharge réduit les performances de vol à presque tous les égards. Par exemple, les problèmes de performance les plus importants engendrés par une surcharge sont :

Selon Bombardier, si un aéronef est surchargé après l'écopage, il faut interrompre le décollage. Toutefois, Bombardier précise également que l'équipage peut envisager de ne pas interrompre le décollage, puisque la baisse de performances du CL-415 est marginale. En outre, une fois l'aéronef en vol, l'équipage peut larguer de l'eau rapidement afin de réduire le poids de l'aéronef bien au-dessous de la masse maximale autorisée au décollage.

Certains pilotes des NGAS avaient déjà vécu une situation où l'aéronef était probablement surchargé lors d'un décollage sur l'eau. Aucun d'eux n'a songé à interrompre le décollage, et ils étaient tous d'avis que cela ne posait pas de risque pour la sécurité, puisque l'aéronef avait simplement besoin d'une course un peu plus longue pour décoller.

Bombardier s'attend à ce que les exploitants signalent tous les cas où un aéronef est piloté tout en étant surchargé; elle a reçu des rapports concernant des CL-415 surchargés au décollage. Tous les aéronefs en question étaient équipés du mécanisme de rétraction automatique des écopes. Selon les renseignements fournis dans ces rapports, Bombardier n'a pas été en mesure de déterminer la position du sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes au moment où ces événements se sont produits.

Les NGAS ne disposent pas de procédures écrites sur la façon de consigner ou de signaler les décollages d'aéronefs surchargés; dans la pratique, les équipages ne consignent ni ne signalent cette information.

1.18.5 Vols d'essai après maintenance

Les NGAS ne disposent pas de procédures écrites relatives aux vols d'essai après maintenance. Le service de maintenance fonde son approche sur le paragraphe 571.10(4)Note de bas de page 22 du RAC.

La veille de l'accident, un vol d'essai après maintenance comportant un certain nombre de manœuvres d'écopage et de largage d'eau a été réalisé avec 2 membres du personnel de maintenance à bord. Le vol n'a pas été désigné comme un vol d'essai après maintenance dans le carnet de bord de l'aéronef.

L'aéronef est équipé d'un strapontin amovible qui se replie à l'entrée du poste de pilotage et de banquettes le long des 2 côtés de la partie avant du fuselage. Tous ces sièges sont dotés de dispositifs de retenue. Durant les manœuvres d'écopage au cours du vol d'essai après maintenance, un membre du personnel d'entretien se tenait debout à l'entrée du poste de pilotage, et l'autre se promenait dans la partie arrière du fuselage.

Au sein des NGAS, la pratique consiste à écoper une quantité d'eau suffisante pour que l'aéronef soit à sa masse maximale autorisée au décollage. Comme le poids combiné de ces 2 personnes n'a pas été pris en considération, l'aéronef était surchargé en raison de ce poids supplémentaire.

1.18.6 Gestion de la sécurité

1.18.6.1 Programme de sécurité aérienne de la division des services aériens du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador

Selon le manuel d'exploitation des NGAS, le directeur des opérations était responsable de la sécurité aérienne, et le chef pilote était responsable des normes professionnelles des équipages sous sa direction.

Dans le cadre du programme de cours d'initiation de 10,5 heures, chaque pilote nouvellement embauché doit recevoir une formation liée au programme de sécurité aérienne de la compagnie. Bien que la mention du programme de sécurité aérienne dans le manuel d'exploitation date du 23 mai 1997, il n'y avait aucun programme de sécurité aérienne au sein des NGAS au moment de l'accident; l'approche adoptée par les NGAS était de respecter le RAC.

Il n'existait aucun processus documenté régissant le signalement des problèmes de sécurité, ni de processus défini pour assurer le suivi des problèmes de sécurité (comme la tenue d'une évaluation des risques et l'adoption, le cas échéant, de mesures d'atténuation). Les événements relatifs à l'exploitation étaient examinés à l'aide d'une méthode de gestion de la sécurité fondée principalement sur la conformité à la réglementation et fondée sur la réaction à l'égard des événements fâcheux sous la forme de prescription de mesures précises pour empêcher qu'ils ne se reproduisent.

Les gestionnaires se fiaient à une politique informelle de portes ouvertes, une pratique adoptée de longue date, et supposaient que les membres du personnel leur feraient part de tout problème de sécurité. Les gestionnaires supposaient également que les membres du personnel signaleraient tout problème de sécurité potentiel dans le cadre de la formation périodique du personnel navigant qui a lieu chaque année au printemps. Selon cette méthode informelle, on supposait que si aucune préoccupation n'était rapportée, c'est qu'il n'existait aucun problème de sécurité.

La familiarisation du personnel avec la gestion de la sécurité à NGAS se faisait normalement au fil du temps, par l'entremise d'échanges verbaux avec les membres du personnel plus expérimentés.

Les enquêtes sur les accidents du DTW sont effectuées par le ministère des Ressources humaines (RH), dans le seul but d'identifier des coupablesNote de bas de page 23. Le chef pilote (directeur des opérations par intérim) a participé à l'enquête du ministère des RH relative à cet accident; toutefois, les NGAS n'ont pas effectué d'examen indépendant pour relever les secteurs où des améliorations pourraient être apportées à la sécurité. Les NGAS ont affirmé que les enquêteurs du ministère des RH attendaient que le rapport final du BST soit publié avant de prendre une décision sur le sort réservé aux 2 pilotes en cause.

1.18.6.2 Culture de sécurité organisationnelle

La culture de sécurité peut se décrire comme [traduction] « la façon dont nous faisons les choses iciNote de bas de page 24 » ou « ce que les personnes à tous les échelons d'une organisation font et disent lorsque leur engagement à l'égard de la sécurité n'est pas scruté de prèsNote de bas de page 25 ». Selon l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) [traduction] : « La culture de sécurité organisationnelle définit les paramètres du rendement opérationnel accepté sur le lieu de travail en établissant les normes et les limites nécessaires et fournit la pierre angulaire pour la prise de décisions des gestionnaires et des employésNote de bas de page 26. » La culture est profondément enracinée et son incidence sur la sécurité peut ne pas être immédiatement évidente pour les personnes qui œuvrent au sein de ces cultures.

Un des facteurs ayant la plus grande incidence sur la culture de sécurité est l'engagement des gestionnaires et leur style de gestion. L'OACI a décrit le rôle des gestionnaires dans la création d'une « saine » culture de sécurité organisationnelle comme suit :

Les personnes les mieux placées pour prévenir les accidents en éliminant les risques inacceptables sont celles qui peuvent apporter des changements dans l'organisation, sa structure, sa culture organisationnelle, ses politiques et procédures, etc. Personne n'est en meilleure position pour produire ces changements que les gestionnairesNote de bas de page 27.

Les organisations doivent établir l'équilibre entre la sécurité et la production en assurant la gestion des risques pour leur exploitation. Le défi pour une organisation est de fonctionner de façon efficace tout en réduisant au minimum les risques pour la sécurité. La réalité au sein d'un grand nombre d'organisations est que des préoccupations liées à la production et à l'exploitation peuvent parfois sembler plus pressantes parce qu'elles sont plus facilement mesurables et qu'elles donnent une rétroaction immédiate et des résultats. En conséquence, dans l'esprit des décideurs, les préoccupations d'ordre opérationnel peuvent être plus importantes que celles liées à la sécurité. Dans ce contexte, il se peut que les organisations introduisent des risques par inadvertance dans leurs activités.

Les organisations diffèrent considérablement quant au niveau de risque toléré dans leurs activités. On dit des organisations qui adoptent une démarche proactive pour déterminer et atténuer les risques qu'elles ont une bonne culture de la sécurité, tandis que d'autres organisations dont la culture de sécurité est déficiente exercent consciemment ou non leurs activités avec des niveaux de risque plus élevés. Une organisation qui exerce ses activités avec un risque important est plus susceptible de subir un accident.

L'approche traditionnelle à l'égard de la gestion de la sécurité est fondée sur la conformité aux règlements et une réponse réactive aux incidents et aux accidents. Selon le Manuel de gestion de la sécurité (MGS) de l'OACI, les mesures de suivi peuvent générer des recommandations de sécurité visant la préoccupation liée à la sécurité immédiate et particulière désignée comme cause de l'événement. On accorde peu d'importance aux autres conditions dangereuses qui, malgré leur présence, ne sont pas la cause de l'événement, même si leur capacité à nuire aux opérations aériennes dans d'autres circonstances est grandeNote de bas de page 28. Bien que cette perspective soit très efficace pour déterminer ce qui s'est produit, elle l'est considérablement moins pour découvrir pourquoi cela s'est produit, ce qui est essentiel pour corriger la lacune de sécurité sous-jacenteNote de bas de page 29. En outre, il est stipulé dans le manuel :

Même si le respect des règlements en matière de sécurité est fondamental à l'établissement de pratiques judicieuses en matière de sécurité, […] les organisations qui ne font que se conformer aux normes établies par les règlements ne sont pas bien placées pour identifier les problèmes de sécurité émergentsNote de bas de page 30.

[…]

À mesure que l'activité aérienne à l'échelle mondiale continue de prendre de l'ampleur et devient plus complexe, […] les méthodes traditionnelles de réduction des risques pour la sécurité à un niveau acceptable [perdent] en efficience et en efficacité. Il est nécessaire d'adopter des méthodes différentes et évoluées pour comprendre et gérer la sécuritéNote de bas de page 31.

Les pratiques modernes de gestion de la sécurité préconisent une recherche proactive des dangers, une identification des risques et l'adoption des meilleurs moyens de défense pour réduire les risques à un niveau acceptable. Ces principes doivent être enracinés dans la gestion de l'organisme de façon à ce que les politiques, la planification, les procédures et la mesure des performances soient intégrées dans les opérations quotidiennesNote de bas de page 32. Cela a mené à l'élaboration de systèmes officiels de gestion de la sécurité (SGS).

1.18.6.3 Système de gestion de la sécurité

Les NGAS n'avaient pas de SGS et n'étaient pas tenus d'en avoir aux termes de la loi.

TC définit un SGS comme un « Processus documenté de gestion des risques qui intègre des systèmes d'exploitation et des systèmes techniques à la gestion des ressources financières et humaines pour assurer la sécurité aérienne ou la sécurité du publicNote de bas de page 33. »

En 2001, TC a publié un document intitulé Introduction aux systèmes de gestion de la sécurité, qui décrit les SGS de la façon suivante :

Un système de gestion de la sécurité est une approche de type commercial à la sécurité. C'est un processus systématique, explicite et global de gestion des risques pour la sécurité. À l'instar de tous les systèmes de gestion, celui-ci prévoit l'établissement d'objectifs, la planification et la mesure du rendement. Un système de gestion de la sécurité est intimement lié à l'organisation. Il entre dans la culture de celle-ci et dans la manière de faire le travailNote de bas de page 34.

L'article 107.03 du RAC décrit les exigences particulières que doit respecter un SGS et précise qu'il doit comprendre notamment les éléments suivants :

a) une politique en matière de sécurité sur laquelle repose le système;

b) un processus qui permet d'établir des buts en vue d'améliorer la sécurité aérienne et de déterminer dans quelle mesure ils ont été atteints;

c) un processus qui permet de déceler les dangers pour la sécurité aérienne et d'évaluer et de gérer les risques qui y sont associés;

[…]

e) un processus qui permet de rendre compte à l'interne des dangers, des incidents et des accidents et de les analyser et qui permet de prendre des mesures correctives pour empêcher que ceux-ci ne se reproduisent;

f) un document contenant tous les processus du système de gestion de la sécurité et un processus qui fait en sorte que le personnel connaisse ses responsabilités à l'égard de ceux-ciNote de bas de page 35.

[…]

En 2008, le directeur des opérations a pris les dispositions nécessaires pour qu'un contractant extérieur réalise une analyse des écarts en vue de mettre en œuvre un SGS au sein des NGAS. Dans le cadre du projet, 77 éléments que doit comprendre un SGS ont été évalués. Certains éléments ont dû faire l'objet d'un examen pour s'assurer qu'ils répondaient aux exigences particulières d'un SGS, mais la majorité des éléments nécessaires étaient inexistants. Parmi les éléments manquants, il y avait les suivants :

Bien que l'analyse des écarts ait révélé l'existence d'une politique de sécurité, la seule que les NGAS ont été en mesure de produire était spécifique à la santé et à la sécurité au travail. Les NGAS n'avaient pas de processus formel d'analyse des risques ni de processus officiel d'évaluation des risques; en outre, les analyses n'ont pas été effectuées pour des changements opérationnels importants, comme l'introduction d'appareils CL-415 dans la flotte.

En 2010, les NGAS ont commencé à travailler sur une ébauche de guide du SGS. Ce document n'a pas été terminé et n'a pas été remis à TC.

En mars 2012, les NGAS ont embauché un agent responsable de la santé et de la sécurité au travail. La fonction première de ce poste a été décrite comme suit :

[traduction]

Le titulaire de ce poste est responsable des travaux administratifs et techniques très pointus d'élaboration, de mise en œuvre et de direction du système de gestion de la sécurité aérienne du ministèreNote de bas de page 36.

Selon les compétences exigées pour ce poste, le candidat devait connaître le secteur de l'aviation, ainsi que les lois provinciales et fédérales relatives à la sécurité; en outre, on précisait que ces compétences auraient dû normalement être acquises dans le cadre d'études menant à l'obtention d'un diplôme ou de cours universitaires en matière de santé et sécurité au travail (ou) en technologie du génie de la sécurité.

La santé et sécurité au travail et la technologie du génie de la sécurité englobent les aspects techniques et administratifs de l'hygiène et de la sécurité du travail. Bien que le programme d'études couvre la gestion des risques et la gestion systémique de la sécurité, il vise surtout la santé et la sécurité des personnes au travail.

Les exigences relatives au poste ne précisaient pas que la personne devait posséder des connaissances ou une expérience en matière de SGS, ni qu'elle devait connaître les exigences de TC relatives à la mise en œuvre d'un SGS.

Depuis mars 2012, les travaux d'ébauche du guide du SGS ont repris. Toutefois, les progrès ont été très limités, puisque l'accent a été mis sur le programme de santé et sécurité au travail des NGAS.

Les NGAS ont déclaré qu'un SGS ne serait probablement pas mis en œuvre tant que la réglementation ne l'exigera pas.

1.18.6.4 Système de gestion de la sécurité sur la Liste de surveillance du Bureau de la sécurité des transports

Le BST a ajouté la mise en œuvre des SGS sur sa liste de surveillance, en déclarant que : « Transports Canada n'effectue pas toujours un contrôle efficace des sociétés de transport aérien qui sont en train de se doter d'un système de gestion de la sécurité, et certaines sociétés ne sont même pas tenues d'adopter un tel systèmeNote de bas de page 37. » Cette position est justifiée de la manière suivante :

Mis en œuvre correctement, les systèmes de gestion de la sécurité (SGS) permettent aux sociétés aériennes de déterminer elles-mêmes les dangers, de gérer les risques et d'élaborer des processus de sécurité efficaces et d'y adhérer. Les grands transporteurs commerciaux canadiens sont tenus d'avoir un SGS depuis 2005. Toutefois, on a retardé la mise en œuvre des SGS pour les plus petits exploitants, comme les exploitants de taxis aériens et les entreprises de travail aérien et de service aérien de navette.

Tant que les SGS ne seront pas mis en œuvre à une plus grande échelle dans le secteur de l'aviation, le BST demeurera préoccupé par les risques pour les Canadiens et continuera de surveiller l'évolution de cette questionNote de bas de page 38.

1.18.7 Stress

1.18.7.1 Effets du stress chronique sur le rendement

Le stress peut être défini comme la [traduction] « différence entre la perception qu'une personne a des exigences d'une situation et la perception qu'elle a de sa capacité à répondre à ces exigencesNote de bas de page 39 »; le stress peut être aigu (lié à une situation à court terme) ou chronique (lié à des événements de la vie courante). Il a été démontré que le stress a une incidence négative sur le rendement des êtres humains, en particulier sur la mémoire de travail (augmentation de la difficulté à retenir et à assimiler de l'information), l'attention (augmentation de l'attention canalisée) et la communication (diminution de la communication verbale)Note de bas de page 40.

Les effets des facteurs de stress sont cumulatifsNote de bas de page 41, de sorte que les événements de la vie qui contribuent au stress chronique réduisent la capacité d'une personne à gérer les facteurs de stress aigus auxquels elle est exposée dans l'exercice de ses fonctions quotidiennes. Il est primordial de reconnaître les signes de stress et d'intervenir rapidement pour réduire les effets possibles des facteurs de stress sur le rendement d'une personne occupant un poste crucial pour la sécuritéNote de bas de page 42.

1.18.7.2 Moyens de gérer les effets du stress sur le rendement

Les connaissances nécessaires pour l'obtention d'une licence de pilote privéNote de bas de page 43 ou professionnelNote de bas de page 44 comprennent maintenant l'effet du stress sur le rendement. Les documents élaborés par TC comprennent des renseignements sur la nature et les sources de stress et sur les moyens d'évaluer et de gérer le stress aigu et le stress chronique chez les pilotesNote de bas de page 45.

L'organisme en cause donnait une formation d'une journée sur la gestion des ressources de l'équipage (CRM), même si elle n'était pas tenue de le faire aux termes de la loi. La formation était offerte par un instructeur tiers, dans le cadre d'un programme de formation périodique annuel. Les effets du stress sur le rendement et les moyens de reconnaître et d'atténuer ces effets n'étaient pas abordés dans le cadre de cette formation.

Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador offre un Programme d'aide aux employés (PAE).

[traduction]

Le programme vise à offrir aux employés en difficulté une aide lorsqu'il a été constaté que leur rendement au travail est insatisfaisant. Une baisse de rendement au travail peut découler d'une maladie physique ou mentale, de problèmes familiaux ou conjugaux, de difficultés juridiques ou financières, ou de problèmes liés à la consommation d'alcool ou de droguesNote de bas de page 46.

Les renseignements recueillis dans le cadre de l'enquête ont révélé que les employés des NGAS étaient incertains quant à la manière de procéder pour accéder au PAE, qu'ils étaient enclins à gérer la situation par eux-mêmes et à éviter de communiquer avec le PAE, et qu'ils n'étaient pas au courant qu'il était possible de se déclarer soi-même inapte au travail. Le programme s'adresse à tous les employés du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et non seulement à ceux des NGAS.

Pour gérer le stress chronique, l'équipage et la direction doivent être conscients des effets de ce stress sur le rendement et connaître les ressources pour les atténuer. Il faut également que le milieu de travail permette de retirer du service les personnes qui sont inaptes au travail sans les pénaliser, et de leur offrir une aide pour qu'elles puissent se rétablir et fonctionner normalement le plus tôt possible.

1.19 Techniques d'enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

Analyse

2.1 Généralités

L'aéronef ne présentait aucune anomalie connue avant le vol en cause. Les conditions météorologiques n'ont pas été une cause de l'accident. Afin de comprendre pourquoi l'accident s'est produit, la présente analyse portera surtout sur les événements, les conditions et les facteurs sous-jacents qui ont causé l'accident ou y ont contribué. De plus, l'efficacité de la gestion de la sécurité des Services aériens du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador (NGAS) sera examinée, et les risques systémiques liés au système de transport seront analysés en vue d'améliorer la sécurité aérienne.

2.2 Chronologie des événements précédant l'accident

Lorsque les écopes ont finalement été rétractées durant la manœuvre d'écopage, l'aéronef avait parcouru une distance sur le lac beaucoup plus longue que la journée précédente : 3490 pieds au lieu de 1200 pieds après le point d'amerrissage. En raison de cette distance, l'aéronef se trouvait beaucoup plus près de la rive à l'extrémité de départ du lac. Le pilote aux commandes (PF) a décidé d'amorcer un virage vers la gauche pour prolonger la trajectoire de départ sur le lac. L'amorce du virage à gauche a fait en sorte que le flotteur gauche est entré en contact avec l'eau alors que la coque était dans les airs. Par conséquent, une force vers le bas a été exercée sur le flotteur gauche, qui agissait comme un pivot autour duquel l'aéronef tournait. Lorsque le PF a tenté de contrer le virage serré à gauche en actionnant les commandes en sens inverse, cela n'a donné aucun résultat.

2.3 Mécanisme de rétraction automatique des écopes

Il n'y a aucun effet indésirable si le sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes est accidentellement déplacé de la position « MANUAL » à la position « AUTO », parce que les écopes se rétractent automatiquement lorsque la quantité prédéterminée d'eau est atteinte.

Parce que le sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes se verrouille en position « MANUAL », un déplacement involontaire du sélecteur à partir de la position « MANUAL » est peu probable. Par contre, le sélecteur peut facilement passer de la position « AUTO » à la position « MANUAL » en tirant simplement le couvercle de la console centrale vers l'arrière pour le déposer.

La veille, à la fin de la journée, les moteurs ont été coupés et le sélecteur est demeuré en position « AUTO ». Le couvercle de la console centrale a été installé et est resté en place jusqu'au lendemain, lorsqu'il a été déposé par le PF. Ni l'un ni l'autre des pilotes n'a actionné volontairement le sélecteur pendant le vol en cause. Par conséquent, il est probable que le sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes a été déplacé par inadvertance de la position « AUTO » à la position « MANUAL » lorsque le couvercle de la console centrale a été déposé.

Le déplacement involontaire du sélecteur de la position « AUTO » à la position « MANUAL » peut entraîner une surcharge de l'aéronef si l'équipage ne surveille pas la quantité d'eau écopée. Lorsqu'un équipage travaille avec le sélecteur en position « AUTO », il s'attend à ce que les écopes soient toujours rétractées automatiquement une fois que la quantité d'eau écopée atteint la valeur préétablie, comme ce fut le cas au cours des 53 vols effectués la journée précédente. Lorsque l'équipage s'attend à ce que le circuit fonctionne correctement, il est probable qu'il accorde moins d'importance à la surveillance de la quantité d'eau écopée.

Le manuel de vol de l'aéronef (AFM) précise que les équipages doivent surveiller la quantité d'eau même si le sélecteur est à « AUTO ». Au moment de l'accident, l'équipage se livrait à d'autres activités de vol pendant la manœuvre d'écopage, et n'a remarqué que la quantité d'eau avait dépassé la limite préétablie qu'après que les réservoirs eurent été remplis. En raison de cette situation, le poids de l'aéronef dépassait la masse maximale autorisée au décollage.

2.4 Surcharge au décollage

La performance d'un aéronef au décollage est réduite notamment lorsque la masse maximale autorisée au décollage est dépassée. Par conséquent, quand un aéronef surchargé décolle, il peut y avoir un effet négatif sur ses performances, ce qui peut compromettre la sécurité du vol. Aux NGAS, il n'était pas pratique courante de signaler les décollages en surcharge. Si les équipages ne signalent pas les décollages en surcharge, alors l'état général de la structure des aéronefs n'est pas connu, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.

2.5 Possibilités de survie

Après cet accident, le radeau était submergé dans une section du fuselage que l'équipage jugeait trop dangereuse d'accès. En situation d'urgence, le radeau était difficile à récupérer en raison de son dispositif de retenue. Si l'équipement de sécurité est installé de manière à rendre son accès et son extraction difficiles, les occupants risquent de ne pas être en mesure de le récupérer à temps pour assurer leur survie.

Les NGAS n'utilisaient pas de gilets et de radeaux de sauvetage réels comme accessoires de formation. Si les personnes ne reçoivent pas de formation sur les équipements de sécurité installés dans l'aéronef, elles risquent de ne pas savoir comment les utiliser efficacement pour assurer leur survie.

Durant une manœuvre d'écopage, l'aéronef peut être exposé à un certain nombre de situations potentiellement dangereuses, comme des vents de travers, des vagues, une collision avec une bille de bois ou un autre objet, ou une perte de contrôle. Si une personne n'est pas attachée et que le pilote doit effectuer une manœuvre brusque ou perd le contrôle, cette personne court un plus grand risque de blessure ou de décès.

2.6 Utilisation des procédures d'utilisation normalisées (SOP) et des listes de vérification

Lorsque les NGAS ont modifié le mécanisme de rétraction automatique des écopes, leur liste de vérification n'a pas été modifiée pour y inclure la vérification de la position du sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes. Si une liste de vérification ne contient pas une vérification essentielle et que les équipages doivent se fier à leur mémoire, cette vérification risque de ne pas être effectuée, ce qui peut compromettre la sécurité du vol.

Les breffages font partie intégrante de la communication entre les membres de l'équipage. Les breffages permettent de veiller à ce que chaque membre de l'équipage soit au courant des intentions de l'autre pour une phase de vol donnée. Si un breffage obligatoire n'est pas effectué, toute dérogation par-rapport aux intentions risque de ne pas être relevée, ce qui peut compromettre la sécurité du vol.

Certains aspects des procédures d'utilisation normalisées (SOP) ont été modifiés ou n'ont pas été suivis. L'équipage n'a pas confirmé verbalement que les vérifications après décollage et les vérifications relatives au largage d'eau avaient été effectuées; il avait recours aux signaux manuels dans le poste de pilotage. En outre, l'équipage utilisait un couple moteur réduit durant la manœuvre d'écopage, alors que les SOP précisent que le couple maximal doit être utilisé pour chaque décollage. L'utilisation d'un couple moteur réduit était pratique courante aux NGAS, probablement en raison des performances de l'aéronef.

Si les équipages ne respectent pas les SOP, des erreurs et des omissions risquent de se produire, ce qui peut compromettre la sécurité du vol.

2.7 Formation relative à la lutte contre les incendies

La lutte aérienne contre les incendies de forêt est une opération spécialisée qui exige des équipages qu'ils soient compétents dans les manœuvres et l'exploitation des aéronefs, et qu'ils connaissent les techniques spécialisées relatives à l'utilisation d'un aéronef dans la lutte contre les incendies. Ces connaissances permettent aux équipages de s'adapter plus facilement aux conditions de vol difficiles lorsque la charge de travail est importante. Les NGAS n'ont fourni aucun document décrivant un programme de formation au sol sur la lutte aérienne contre les incendies.

2.8 Gestion de la sécurité

Un SGS efficace aide l'exploitant à reconnaître de manière proactive les conditions dangereuses relatives à ses activités opérationnelles et à mettre en place des mesures d'atténuation des risques tout en s'efforçant d'améliorer continuellement la sécurité. Une évaluation exhaustive des risques réalisée dans le cadre d'un SGS permet de prévoir dans une certaine mesure les situations dangereuses et les risques, ce qui aide l'organisme à prévenir les accidents. Si une évaluation officielle des risques n'est pas réalisée, l'organisme risque de ne pas être en mesure de relever les lacunes systémiques de sécurité et d'adopter les stratégies d'atténuation appropriées.

La gestion de la sécurité aux NGAS était informelle, non écrite, et axée sur le respect des exigences réglementaires. Il n'y avait aucun système en place permettant aux employés de soulever des préoccupations en matière de sécurité opérationnelle et d'obtenir des renseignements sur leur résolution. De même, il n'existait pas de méthode écrite sur la manière de mener une évaluation des risques, il n'y avait aucun processus d'identification proactive des problèmes potentiels de sécurité, et l'incidence des changements importants sur la sécurité au sein de l'organisme, comme l'achat de l'aéronef CL-415, n'était pas prise en considération.

Dans le cadre de l'enquête, plusieurs exemples de conditions connues ont été relevés; ces conditions n'étaient pas communiquées à la direction, ou encore elles l'étaient, mais aucune mesure corrective n'était prise, ce qui donne à croire que l'approche informelle était inefficace pour réduire les risques.

L'approche réactive traditionnelle à l'égard de la gestion de la sécurité s'est avérée inefficace dans l'identification des dangers éventuels et des risques connexes. Les organisations qui se conforment aux normes minimales et qui adoptent une approche traditionnelle de gestion de la sécurité sont mal placées pour identifier les problèmes de sécurité émergents. Dans le contexte de l'aviation moderne, le système de gestion de l'organisation doit être enrichi de pratiques de sécurité préventives de façon à exercer la gestion de la sécurité au quotidien.

Bien que les NGAS aient pris un certain nombre de mesures en vue de mettre en œuvre volontairement un SGS, les progrès de l'exploitant à cet égard ont été limités en raison du long délai de remplacement des cadres supérieurs et de l'insuffisance des exigences réglementaires quant à la mise en œuvre d'un SGS.

Les NGAS avaient effectué une analyse des écarts en vue de mettre en œuvre un SGS. Bien qu'un agent responsable de la santé et de la sécurité au travail avait récemment été embauché afin d'appuyer la mise en œuvre d'un SGS, le candidat n'était pas tenu d'avoir des connaissances ou de l'expérience relatives aux SGS, ni même de connaître les exigences de TC concernant la mise en œuvre d'un SGS. Même si la réglementation n'exige pas que les exploitants visés par les sous-parties 702, 703 et 704 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) soient dotés d'un SGS, rien ne les empêche d'en mettre un en œuvre. Toutefois, les NGAS ont déclaré qu'un SGS ne sera probablement pas mis en œuvre tant que la réglementation ne l'exigera pas.

Les NGAS sont l'un des nombreux portefeuilles qui relèvent de la responsabilité du sous-ministre des Transports et des Travaux publics. Le temps et les ressources humaines et financières consacrés à ce service doivent être soupesés en tenant compte des besoins de tous les autres services. La mise en œuvre des pratiques efficaces de gestion de la sécurité est un processus de longue haleine qui exige de la haute direction qu'elle soit cohérente non seulement dans son engagement, mais également en ce qui a trait à l'allocation des ressources et au soutien financier.

Si les organisations n'utilisent pas de processus officiels et documentés pour gérer les risques opérationnels, les situations dangereuses risquent de ne pas être relevées et atténuées.

2.9 Gestion des effets du stress chronique

Au cours des dernières années, le pilote aux commandes (PF) composait avec une situation personnelle préoccupante et, le matin de l'accident, avait reçu un appel éprouvant. Le PF avait envisagé de prendre congé, mais en raison des besoins opérationnels occasionnés par l'incendie de forêt, avait continué de travailler. Les problèmes de concentration causés par le stress chronique qu'il subissait ont engendré une situation où les erreurs étaient plus susceptibles de se produire.

Le Programme d'aide aux employés (PAE) du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador vise principalement à aider les personnes qui connaissent une baisse de rendement au travail. Bien qu'un employé puisse communiquer avec le PAE de son propre chef, cette prise de contact peut être perçue comme un geste important et potentiellement intimidant par la personne concernée. De manière générale, les employés des NGAS étaient au courant de l'existence du PAE, mais ne savaient pas comment accéder à ses services ou n'étaient pas au courant qu'il était possible de se déclarer soi-même inapte au travail.

Si les organisations ne mettent pas en place les mesures nécessaires pour faire connaître les conséquences possibles du stress sur le rendement ou pour promouvoir la détection et l'atténuation précoces de ces conséquences, des erreurs risquent de se produire lorsqu'une personne subit un stress chronique.

Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Il est probable que le sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes ait été déplacé par inadvertance de la position « AUTO » à la position « MANUAL » lors de la dépose du couvercle de la console centrale.
  2. La vérification de la position du sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes est absente de la liste de vérification du CL-415 de la division des services aériens du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador.
  3. L'équipage se livrait à d'autres activités de vol pendant la manœuvre d'écopage et n'a remarqué que la quantité d'eau avait dépassé la limite préétablie que lorsque les réservoirs eurent été remplis.
  4. L'équipage a décidé de poursuivre le décollage malgré la surcharge de l'aéronef.
  5. Comme les écopes sont demeurées déployées plus longtemps, une course plus longue a été nécessaire pour le décollage, et le pilote aux commandes a décidé de modifier la trajectoire de départ vers la gauche.
  6. Le flotteur gauche est entré en contact avec la surface du lac à l'amorce du virage à gauche. Il s'ensuivit une perte de maîtrise de l'aéronef, ce qui a donné lieu à une collision avec l'eau.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si l'équipement de sécurité est installé de manière à rendre son accès et son extraction difficiles, alors les occupants risquent de ne pas être en mesure de le récupérer à temps pour assurer leur survie.
  2. Si les personnes ne reçoivent pas de formation sur les équipements de sécurité installés sur l'aéronef, elles risquent d'ignorer comment les utiliser efficacement.
  3. Si une liste de vérification ne contient pas un élément essentiel et que les équipages doivent se fier à leur mémoire, cette vérification risque de ne pas être effectuée, ce qui peut compromettre la sécurité du vol.
  4. Si les équipages ne respectent pas les procédures d'utilisation normalisées, des erreurs et des omissions risquent de se produire, ce qui peut compromettre la sécurité du vol.
  5. Si une personne n'est pas attachée durant le vol et que le pilote doit effectuer une manœuvre brusque ou perd le contrôle, cette personne court un plus grand risque de subir des blessures qui peuvent être fatales.
  6. Quand un aéronef surchargé décolle, il peut y avoir un effet négatif sur les performances de l'aéronef, ce qui peut compromettre la sécurité du vol.
  7. Si les entreprises ne disposent pas de procédures sur la façon de consigner les décollages d'aéronefs en surcharge et que les équipages ne les signalent pas, alors l'état général de la structure des aéronefs est inconnu, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.
  8. Si les organisations n'utilisent pas de processus officiels et documentés pour gérer les risques opérationnels, les situations dangereuses risquent de ne pas être relevées et atténuées.
  9. Si les organisations ne mettent pas en place les mesures nécessaires pour faire connaître les conséquences possibles du stress sur le rendement ou pour promouvoir la détection et l'atténuation précoces de ces conséquences, des erreurs risquent de se produire lorsqu'une personne subit un stress qui est devenu chronique.

3.3 Autres faits établis

  1. En utilisant la capacité de verrouillage sur la position « MANUAL » du sélecteur de commande « AUTO / MANUAL » des écopes, le sélecteur peut être déplacé par inadvertance de la position « AUTO » à la position « MANUAL ».

Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Les services aériens, division du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador (NGAS)

4.1.1.1 Modifications apportées aux aéronefs

Les services aériens du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador (NGAS) ont apporté aux aéronefs les modifications suivantes :

4.1.1.2 Formation

Les mesures de formation suivantes ont été prises :

4.1.1.3 Procédures

Les NGAS ont également apporté les modifications suivantes à leurs procédures :

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il est paru officiellement le .

Annexes

Annexe A – Rapports du Laboratoire du BST

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Ces rapports peuvent être obtenus du BST sur demande.