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Rapport d'enquête aéronautique A17P0170

Vol selon les règles de vol à vue dans des conditions météorologiques qui se dégradent et collision avec le relief
Mooney M20D (C-FESN)
Revelstoke (Colombie-Britannique), 26 nm NE



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

À 14 h 22Note de bas de page 1, le 25 novembre 2017, l'aéronef Mooney M20D privé (immatriculation C‑FESN, numéro de série 192) (figure 1) a quitté l'aéroport de Penticton (CYYF) (Colombie-Britannique) avec 2 personnes à bord, pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de l'aéroport d'Edmonton/Villeneuve (CZVL) (Alberta). Après son départ de CYYF, alors qu'il se dirigeait tout droit vers l'aéroport de Revelstoke (CYRV) (Colombie-Britannique), l'aéronef a monté à une altitudeNote de bas de page 2 d'environ 9800 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) pour survoler la chaîne de montagnes Columbia. Vers 15 h 10, tandis que l'aéronef survolait CYRV, il a effectué 4 virages de 360° vers la gauche tout en descendant à environ 4200 pieds ASL. L'aéronef a ensuite suivi la route Transcanadienne en direction est vers le col Rogers (figure 2). Tandis que l'aéronef suivait la route, son altitude au-dessus du sol (AGL) fluctuait entre 1200 et 3300 pieds. Vers 15 h 27, l'aéronef a franchi la galerie paravalanche Jack McDonald à 5200 pieds ASL (environ 2300 AGL) à une vitesse de 131 nœuds. Les 2 derniers points de poursuite du système de positionnement mondial (GPS), qui étaient très près du lieu de l'accident, indiquaient que la vitesse anémométrique de l'aéronef avait diminué de 147 nœuds à 82 nœuds, et que l'aéronef avait monté de 1710 pieds AGL environ à 2550 pieds AGL en 11 secondes.

Figure 1. L'aéronef à l'étude (Source : R. Friesen)
L'aéronef à l'étude (Source : R. Friesen)

Recherche et sauvetage

À 22 h 40, on a informé le centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) à Victoria (Colombie-Britannique) que l'aéronef n'était pas arrivé à CZVL et manquait à l'appel. On a lancé une opération de recherche et sauvetage, mais de mauvaises conditions météorologiques ont nui aux activités. Lorsque les conditions météorologiques se sont améliorées, on a repris l'opération de recherche et sauvetage, avant d'y mettre fin, le 5 décembre 2017. Aucun signal n'a été reçu de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT).

Le 10 septembre 2018, un hélicoptère qui se dirigeait vers l'aéroport de Kamloops (CYKA) (Colombie-Britannique) a trouvé le lieu de l'accident à environ 26 milles marins (nm) au nord-est de CYRV (figure 2). L'épave se trouvait dans le parc national des Glaciers, dans un secteur densément boisé situé à environ 500 pieds au nord de la route Transcanadienne et à quelque 3500 pieds ASL.

Figure 2. Dernière position connue de l'aéronef et lieu de l'accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Dernière position connue de l'aéronef et lieu de l'accident

Planification du vol et navigation

Dans les régions montagneuses de la Colombie-Britannique, les routes VFR sont parfois indiquées par des losanges sur les cartes de vol à vue. La trajectoire de vol à l'étude suivait la route VFR indiquée le long de la route Transcanadienne à partir de Revelstoke en direction du col Rogers. D'après le Manuel d'information aéronautique de Transports Canada :

Les losanges ne signifient pas qu'il existe un certain nombre d'installations et de services particuliers le long de la route. Les pilotes sont avertis que l'utilisation des routes indiquées de la sorte ne les exempt pas de bien planifier leur vol ou de faire preuve de professionnalisme au cours du vol prévu. Il est toujours possible d'évoluer sur les routes secondaires non représentées, cependant il appartient au commandant de bord de décider de la route et des conditions de son vol prévuNote de bas de page 3.

Plusieurs routes VFR sur la carte de vol à vue de Vancouver ont des mises en garde à propos de l'altitude minimale à maintenir pour faire demi-tour. Par exemple [traduction] :

ROUTE SUJETTE À DES CHANGEMENTS SOUDAINS [DES CONDITIONS MÉTÉO]

L'ALTITUDE DOIT PERMETTRE DE FAIRE DEMI-TOUR

[MINIMUM DE] 5500 [PIEDS] ASL RECOMMANDÉS ENTRE

HOPE ET PRINCETON.Note de bas de page 4

La carte de vol à vueNote de bas de page 5 de Calgary, qui inclut les secteurs de la trajectoire de vol prévue du pilote, ne comprend aucune mise en garde concernant la route VFR de CYRV au col Rogers.

L'enquête n'a pas permis de déterminer si le pilote avait l'intention de suivre la route VFR jusqu'à CZVL, car il n'avait déposé aucune trajectoire de vol auprès de NAV CANADA ni obtenu d'exposé météorologique de la société avant le départ.

Renseignements météorologiques

Le message d'observation météorologique spéciale d'aérodrome (SPECINote de bas de page 6) du système automatisé d'observations météorologiques (AWOS) pour CYRV faisait état des conditions suivantes à 15 h 01 :

Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) du système AWOS pour CYRV faisait état des conditions suivantes à 16 h :

D'après la prévision de zone graphique (GFA) (figure 3), les prévisions pour le secteur est de la Colombie-Britannique (dans les montagnes Rocheuses et le long de la route vers CZVL) étaient les suivantes : nuages épars à partir de 6000 pieds ASL et sommets à 8000 pieds ASL; couche de nuages épars à partir de 10 000 pieds ASL et sommets à 22 000 pieds ASL; visibilité supérieure à 6 sm. De plus, on prévoyait des plafonds localisés à 1500 pieds AGL et de la faible pluie. Dans un secteur près du parc national des Glaciers et du col Rogers, on prévoyait des plafonds intermittents à 800 pieds AGL avec de la brume et de la faible pluie, et la visibilité devait varier de 5 sm à plus de 6 sm. Le coucher du soleil à Revelstoke, le 25 novembre 2017, était à 15 h 54.

Figure 3. Prévisions de zone graphique (Source : NAV CANADA, avec annotations du BST)
Prévisions de zone graphique

À 15 h 28 le 25 novembre 2017, une caméra Web locale a saisi des images qui montraient un plafond bas, du brouillard et une visibilité limitée à cause de la neige près du lieu de l'événement (figure 4 et figure 5).

Figure 4. Vue vers le nord-est saisie à 15 h 28 à la galerie paravalanche Jack McDonald (3050 pieds ASL), à 22 nm au nord-est de CYRV, le jour de l'événement (Source : DriveBC.ca)
 
Vue vers le nord-est saisie à 15 h 28 à la galerie paravalanche Jack McDonald (3050 pieds ASL), à 22 nm au nord-est de CYRV, le jour de l'événement
Figure 5. Vue vers le nord-est saisie à 10 h 40 à la galerie paravalanche Jack McDonald (3050 pieds ASL), à 22 nm au nord-est de CYRV, le 19 novembre 2018 (Source : DriveBC.ca, avec annotations du BST)
Vue vers le nord-est saisie à 10 h 40 à la galerie paravalanche Jack McDonald (3050 pieds ASL), à 22 nm au nord-est de CYRV, le 19 novembre 2018

Renseignements sur le pilote

Les dossiers indiquent que le pilote avait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une licence de pilote privé – avion délivrée le 20 novembre 2015 et d'un certificat médical de catégorie 3 valide. Au moment de l'événement, le pilote n'avait ni la qualification de vol de nuit ni l'annotation pour le vol aux instruments.

La dernière inscription dans le carnet de vol du pilote remontait au 28 mai 2017; on n'a pas retrouvé le carnet de route d'aéronef. Par conséquent, l'enquête n'a pas permis d'établir exactement combien d'heures de vol le pilote avait à son actif au moment de l'événement. D'après son carnet de vol, en date du 28 mai 2017, le pilote avait accumulé 122,2 heures de vol au total, dont 1,1 heure sur type et 29,8 heures comme commandant de bord.

Renseignements sur l'aéronef

L'aéronef Mooney M20D est un monomoteur à voilure basse et à 4 places équipé d'un train d'atterrissage escamotable. L'aéronef en cause avait été fabriqué en 1963 et était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'aéronef n'avait pas d'enregistreur de bord, et il n'était pas tenu d'en avoir en vertu de la réglementation.

Le pilote à l'étude a acheté l'aéronef en mai 2017. Le dernier entretien documenté de l'aéronef était une inspection annuelle, qui avait été faite le 21 avril 2017. Les dossiers indiquent qu'en date du 23 mai 2017, l'aéronef comptait environ 3775 heures de vol cellule au total.

Lieu de l'accident

On a retrouvé l'aéronef à quelque 3500 pieds ASL, à 500 pieds au nord de la route Transcanadienne, dans un secteur densément boisé (figure 6). La majeure partie de l'épave a été retrouvée sur les lieux du point d'impact. Un examen de l'épave a révélé que l'aéronef a percuté le relief dans une assiette en piqué prononcée. La pente du versant était de quelque 25°. Les volets étaient complètement rentrés (levés). Le train d'atterrissage était partiellement sorti; toutefois, l'enquête n'a pas permis de déterminer si le train d'atterrissage avait été sorti intentionnellement ou s'il est sorti en raison des forces d'impact.

Figure 6. Lieu de l'accident, vu vers le bas de la pente (Source : Gendarmerie royale du Canada)
Lieu de l'accident, vu vers le bas de la pente

Toutes les gouvernes ont été retrouvées. Les dommages à l'hélice laissaient croire que le moteur produisait de la puissance au moment de l'impact.

Les instruments de vol de l'aéronef ont été lourdement endommagés. On a retrouvé le GPS, qui a été envoyé au Laboratoire d'ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) à des fins d'examen approfondi.

On a également retrouvé la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) de 121,5 MHz de l'aéronef sur les lieux de l'accident. L'antenne de l'ELT était détachée de son connecteur, et les batteries avaient été éjectées de leur compartiment durant l'impact. Quand l'ELT était alimentée initialement, elle a transmis un fort signal, ce qui a confirmé que le contacteur à inertie était en position activée. Étant donné l'absence d'antenne, la détection du signal aurait été limitée à un rayon de quelques mètres. De plus, sans batterie, la transmission de l'ELT aurait immédiatement cessé.

On a retiré le moteur de l'aéronef (Avco Lycoming O-360-A1D) pour l'examiner de plus près. On a déterminé que le moteur était capable de produire de la puissance au moment de l'impact. On a déterminé que le magnétoNote de bas de page 7 de gauche était hors service et qu'il l'était depuis très longtemps avant l'événement. Cet état aurait entraîné une faible réduction de la performance du moteur.

Recommandations du BST sur les radiobalises de repérage d'urgence

Le BST a émis plusieurs recommandations sur les ELT visant à éliminer ou à réduire les lacunes de sécurité posant des risques importants. Les sections qui suivent présentent les faits saillants de ces recommandations.

Recommandation A16-05 : normes de résistance à l'impact des systèmes de radiobalises de repérage d'urgence

Pendant une enquête sur un accident survenu en mai 2013 mettant en cause un hélicoptère Sikorsky S76 qui a décollé de Moosonee (Ontario)Note de bas de page 8, le BST a reconnu que les aéronefs munis d'ELT qui sont conformes aux normes de conception actuelles continueront d'être impliqués dans des événements lors desquels les services SAR susceptibles de sauver des vies pourraient être retardés à cause d'un système ELT endommagé, ce qui réduirait les chances de survie comme suite à un accident. Dans de nombreux cas, la rupture d'une antenne ou le sectionnement du câble reliant le dispositif ELT à l'antenne ont empêché l'émission d'un signal de détresse détectable par le système Cospas-Sarsat.

Par conséquent, le BST a recommandé que

le ministère des Transports établisse de rigoureuses exigences relatives à la capacité de résister à l’écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d’urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu’un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d’impact subies durant un événement aéronautique.
Recommandation A16-05 du BST

Dans sa réponse à la recommandation A16-05 en septembre 2016, Transports Canada (TC) a affirmé que la technologie des ELT et son évolution constituent un effort international. TC a également laissé savoir qu'il était récemment devenu membre du Comité spécial SC-229 de la Radio Technical Commission for Aeronautics, qui est chargé de mettre à jour les normes internationales AO-204A adoptées par renvoi en tant que normes canadiennes. Il est encourageant de constater que TC fait maintenant partie du SC-229 et peut, de ce fait, contribuer directement aux travaux du groupe visant à mettre à jour les normes internationales AO-204A. Le Bureau voit également d'un bon œil les plans à court et à moyen terme de TC à l'égard de la publication d'un article dans Sécurité aérienne – Nouvelles et la révision des normes du Manuel de navigabilité.

Le Bureau est d'avis que les mises à jour prévues des spécifications AO-204A et ED-62A, une fois qu'elles auront été formalisées, pourraient réduire considérablement ou éliminer la lacune de sécurité à l'origine de la recommandation A16-05.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A16-05 dénote une intention satisfaisante.

Recommandation A16-01 : exigence relative aux radiobalises de repérage d'urgence de 406 mégahertz

Également en 2016, à la suite de l'enquête sur l'événement survenu à Moosonee (Ontario) en mai 2013, le BST a déterminé que plus de la moitié des aéronefs immatriculés au Canada qui doivent être munis d'une ELT sont équipés d'une ELT dont le signal ne peut être détecté par le système Cospas-Sarsat. Le BST a également conclu que si la réglementation n'est pas modifiée de façon à ce qu'elle reflète les normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), il est très probable que des aéronefs immatriculés au Canada et des aéronefs étrangers qui effectuent des vols au Canada continueront d'utiliser des modèles d'ELT autres que de 406 MHz. Ainsi, les équipages de conduite et les passagers continueront d'être exposés à des retards dans les activités des services SAR qui pourraient mettre leur vie en danger à la suite d'un événement.

Par conséquent, le BST a recommandé que

le ministère des Transports exige que tous les aéronefs immatriculés au Canada et aéronefs étrangers effectuant des vols au Canada pour lesquels une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) est obligatoire soient équipés d’une ELT de 406 mégahertz conformément aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale.
Recommandation A16-01 du BST

Dans sa réponse à la recommandation A16-01, TC a indiqué qu'il avait entamé le processus réglementaire pour rendre obligatoire le transport d'ELT de 406 MHz. Ceci pourrait réduire considérablement, voire éliminer, la lacune de sécurité. Toutefois, à l'heure actuelle, et ce jusqu'à ce que le nouveau règlement entre en vigueur, cette mesure n'est pas assez poussée pour réduire les risques pour la sécurité des transports.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A16-01 dénote une intention satisfaisante.

Vol selon les règles de vol à vue au-dessus d'un terrain montagneux dans des conditions météorologiques qui se dégradent

Les dangers associés à la poursuite d'un vol VFR dans des conditions météorologiques de vol aux instruments sont bien connus. Selon des données recueillies par le BST de 2000 à 2014, les accidents qui surviennent pendant des vols qui commencent dans des conditions météorologiques de vol à vue et se poursuivent jusqu'à ce que les pilotes perdent le contact visuel avec le sol sont souvent mortels. Au cours de cette période de 14 ans, les accidents de ce type ont fait 74 morts.

Messages de sécurité

Il est difficile d'effectuer un vol dans des conditions météorologiques qui se dégradent; les risques qui en découlent doivent être gérés adéquatement avant et pendant le vol, particulièrement en terrain montagneux.

Les normes courantes de conception des systèmes ELT ne comprennent aucune exigence sur un système d'antenne résistant à l'impact. Par conséquent, les services de recherche et sauvetage susceptibles de sauver des vies pourraient être retardés si une antenne ELT est endommagée durant un accident.

Le système Cospas-Sarsat ne détecte pas les signaux d'ELT de fréquence autre que 406 MHz. Ainsi, les occupants d'aéronefs pourraient être exposés à des retards dans les activités de recherche et sauvetage après un événement, ce qui pourrait mettre leur vie en danger.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .