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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19P0112

Impact sans perte de contrôle
Seair Seaplanes
Cessna 208 Caravan, C-GURL
Île Addenbroke (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 26 juillet 2019 à 9 h 32, heure avancée du Pacifique, l’aéronef Cessna 208 Caravan muni de flotteurs (immatriculation C-GURL, numéro de série 20800501), exploité par Seair Seaplanes, a quitté l’hydroaérodrome international de Vancouver (Colombie-Britannique) pour un vol selon les règles de vol à vue à destination d’un camp de pêche situé à environ 66 milles marins au nord-nord-ouest de l’aéroport de Port Hardy (Colombie-Britannique) avec 1 pilote et 8 passagers à bord.

À 11 h 04, l’aéronef a heurté le flanc d’une colline densément boisée de l’île Addenbroke, à 9,7 milles marins à l’est-sud-est de sa destination, le camp de pêche. Le Centre canadien de contrôle des missions a capté un signal émis par la radiobalise de repérage d’urgence de l’aéronef. Le pilote et 3 passagers ont subi des blessures mortelles. Quatre des passagers survivants ont été grièvement blessés et 1 passager a subi des blessures légères. L’aéronef a été détruit.

L’enquête a révélé que l’aéronef a quitté l’hydroaérodrome international de Vancouver même si les conditions météorologiques rapportées et prévues étaient inférieures aux minimums selon les règles de vol à vue à proximité de la destination. En outre, la décision de partir aurait pu être influencée par la dynamique de groupe. Après avoir été confronté à de mauvaises conditions météorologiques, le pilote a poursuivi le vol dans des conditions de visibilité réduite, sans reconnaître la proximité de l’aéronef par rapport au relief; l’aéronef est par la suite entré en collision avec le relief ascendant de l’île Addenbroke. Le pilote n’a pas été avisé du relief ascendant qui était droit devant en raison de la configuration de l’avionique, même s’il s’agissait d’une avionique de pointe.

L’aéronef dans l’événement à l’étude n’était pas tenu d’avoir des enregistreurs de bord. Toutefois, il y avait à bord 3 appareils capables d’enregistrer des données de vol. Ces appareils ont été très utiles à cette enquête, et la valeur des données contenues appuie la recommandation A18-01 du BST, dans laquelle le BST recommandait que

le ministère des Transports oblige l’installation de systèmes d’enregistrement des données de vol légers chez les exploitants commerciaux et exploitants privés qui n’y sont pas actuellement tenus.
Recommandation A18-01 du BST

L’enquête souligne également la valeur des enregistreurs de bord pour les exploitants aériens. De tels systèmes permettent de surveiller régulièrement les activités normales de vol, ce qui peut aider les exploitants à améliorer leur efficacité opérationnelle et à déceler les lacunes de sécurité avant qu’elles ne causent un accident. L’enquête a permis de déterminer que si les exploitants aériens qui disposent de méthodes de suivi des données de vol ne surveillent pas activement leurs opérations aériennes, ils pourraient ne pas être en mesure de cerner une dérive vers des pratiques non sécuritaires qui augmentent le risque pour l’équipage de conduite et les passagers.

Les exploitants aériens ne sont cependant pas les seuls à mener des activités de surveillance pour assurer la sécurité de leurs opérations. Le rôle de l’organisme de réglementation est de veiller à ce que les exploitants soient capables de gérer les risques inhérents à leurs opérations, que les mesures visant à améliorer la sécurité permettent de cerner les dangers et d’atténuer les risques de manière efficace, que les cas de non-respect des règlements soient résolus rapidement et que des mesures correctives soient prises. À la suite de l’événement à l’étude, Transports Canada (TC ), opérations aériennes , n’a pas mené d’activités de surveillance réactives, entrepris de nouvelles activités de surveillance après ce grave accident, intensifié les activités de surveillance ultérieures, ni effectué des inspections ciblées ou de conformité. Si les activités de surveillance menées par TC auprès des exploitants sont insuffisantes, il y a un risque que les exploitants aériens ne se conforment pas à la réglementation ou dérivent vers des pratiques non sécuritaires, ce qui réduit les marges de sécurité.

TC assure la surveillance des activités des entreprises de transport aérien en utilisant leur système de gestion de la sécurité (SGS), un système documenté de gestion des risques. Toutefois, il n’existe aucune exigence réglementaire selon laquelle les exploitants de taxi aérien, comme Seair Seaplanes, doivent élaborer et tenir à jour un SGS. Par conséquent, en ce qui concerne les exploitants de taxi aérien qui tiennent un SGS, comme Seair, TC n’évalue pas l’efficacité du SGS au moyen d’activités de surveillance. À ce titre, les exploitants n’obtiennent aucune rétroaction sur l’efficacité globale de leur SGS, y compris la capacité du système à reconnaître les risques et à les atténuer avant qu’ils n’entraînent un incident ou un accident.

À la suite de l’enquête du BST sur un accident d’hélicoptère mortel survenu en 2013 (rapport d’enquête aéronautique A13H0001 du BST), le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports exige que tous les exploitants d’aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme.
Recommandation A16-12 du BST

De plus, les enjeux de la gestion de la sécurité et de la surveillance réglementaire sont toujours sur la Liste de surveillance du BST, qui contient les principaux enjeux de sécurité auxquels il faut remédier pour rendre le système de transport canadien encore plus sécuritaire.

La gestion de la fatigue est également l’un des principaux enjeux de sécurité sur la Liste de surveillance du BST. Dans le cadre de l’enquête, une analyse de la fatigue du pilote a été menée. Cette analyse a permis de déterminer que 3 facteurs de risque de fatigue étaient présents, ce qui a probablement influencé le rendement, l’attention, la vigilance et les fonctions cognitives générales du pilote dans une certaine mesure le jour de l’accident.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Un camp de pêche éloigné situé sur la côte centrale de la Colombie-Britannique (figure 1) avait retenu les services de Seair Seaplanes (Seair) pour assurer le transport saisonnier des clients et du matériel entre l’hydroaérodrome international de Vancouver (CAM9), en Colombie-Britannique (C.-B.), et le camp, situé à environ 66 milles marins (NM) au nord-nord-ouest de l’aéroport de Port Hardy (CYZT), en C.-B., et à environ 29 NM au sud-est de l’aéroport de Bella Bella (île Campbell) (CBBC), en C.-B.  

Le 26 juillet 2019, le pilote dans l’événement à l’étude est arrivé à la base CAM9 de Seair vers 6 h 30Note de bas de page 1. Au cours de l’heure qui a suivi, le pilote a effectué une inspection quotidienne de l’aéronef Cessna 208 Caravan (immatriculation C-GURL, numéro de série 20800501), a ajouté 300 L de carburant dans l’aéronef et a entrepris les activités de planification de vol, notamment la collecte et l’interprétation des renseignements météorologiques.

Figure 1. Trajectoire de vol prévue et lieu de l’événement, avec image en médaillon présentant une vue plus large de l’emplacement (Source des deux images : Google Earth, avec annotations du BST)
Trajectoire de vol prévue et lieu de l’événement, avec image en médaillon présentant une vue plus large de l’emplacement (Source des deux images : Google Earth, avec annotations du BST)

Quatre vols selon les règles de vol à vue (VFR) de Seair étaient prévus le matin de l’événement et avaient comme destination la côte centrale de la Colombie-Britannique. Tous les vols devaient être effectués sur des aéronefs Caravan : C-GURL (l’aéronef à l’étude) devait décoller de CAM9 à 7 h 30, C-GSAS devait décoller à 7 h 45, C-FLAC, à 8 h, et C-GUUS, à 9 h. Les 3 premiers vols étaient des vols directs vers le camp de pêche, tandis que le 4e vol comprenait une escale à l’hydroaérodrome de Campbell River (CAE3), C.-B., pour embarquer des passagers avant la destination finale, un institut de recherche situé à environ 4 NM au sud-ouest du camp de pêche. Toutefois, en raison des mauvaises conditions météorologiques dans la région de la côte centrale, tous les vols ont été retardés.

Après que les équipages eurent consulté des caméras météo le long de la région de la côte centrale, les aéronefs ont commencé à décoller, mais dans un ordre différent de celui prévu à l’origine. Il n’est pas rare que l’ordre des départs change lorsque des groupes d’aéronefs se rendent au même endroit. L’un des cadres d’exploitation de Seair, le gestionnaire des opérations, a quitté CAM9 à 8 h 50 à bord de C-FLAC. C-GUUS, qui avait comme destination l’institut de recherche, a décollé de CAM9 à 9 h 06, puis l’aéronef à l’étude a décollé à 9 h 32 (tableau 1).

Le pilote qui devait initialement piloter le C-GSAS a refusé d’effectuer le vol. Ce pilote avait récemment commencé à piloter le Caravan, il n’avait jamais entrepris de vol jusqu’à cette destination, et il s’inquiétait des conditions météorologiques à la destination. Lorsque le chef pilote de Seair est retourné à CAM9 à 9 h 53 après une série de vols réguliers au moyen d’un autre type d’aéronef, il pris en charge le dernier vol vers le camp, et le C-GSAS a quitté CAM9 à 10 h 24.

Tableau 1. Horaire de départ des vols de Seair vers la côte centrale de la Colombie-Britannique (Source : BST)
Aéronef Heure de départ prévue de CAM9 Destination Heure de départ réelle de CAM9
C-GURL 7 h 30 Camp de pêche 9 h 32
C-GSAS 7 h 45 Camp de pêche 10 h 24
C-FLAC 8 h Camp de pêche 8 h 50
C-GUUS* 9 h Institut de recherche 9 h 06

* Après l’atterrissage à CAE3, le départ vers l’institut de recherche a été retardé d’environ 1 heure.

Après avoir quitté la région de contrôle terminal de Vancouver, l’aéronef à l’étude a grimpé à 4500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) et a maintenu cette altitude jusqu’à 10 h 23, lorsqu’une descente lente a été amorcée. L’aéronef s’est mis en palier à environ 1300 pieds ASL à 10 h 44, alors qu’il se trouvait à environ 18 NM au nord-est de l’aéroport de Port Hardy (CYZT), en C.-B., et à 57 NM au sud-est de la destination.

À 10 h 50, l’aéronef à l’étude a une fois de plus effectué une descente lente tandis que le vol se poursuivait en direction nord. Pendant cette descente, les volets de l’aéronef ont été sortis à 10°. À ce stade, l’aéronef de l’événement à l’étude se trouvait à 37 NM au sud-sud-est du camp de pêche. L’aéronef a continué de descendre jusqu’à ce qu’il atteigne une altitude d’environ 330 pieds ASL, à 10 h 56. À ce moment-là, l’aéronef longeait la côte, au-dessus de l’océanNote de bas de page 2.

L’aéronef C-FLAC a quitté le camp de pêche à 10 h 56 pour effectuer le vol de retour vers CAM9. Il est entré dans le détroit de Fitz Hugh et s’est dirigé vers le sud le long du rivage ouest. Vers 11 h, il a traversé une zone de fortes pluies où la visibilité a été réduite à environ 1 mille terrestre (SM). Il est descendu à environ 170 pieds ASL et a maintenu cette altitude durant les 5 minutes suivantes, avant de remonter à environ 300 pieds ASL.

Alors que C-FLAC, qui se dirigeait vers le sud, pénétrait dans le détroit de Fitz Hugh à partir du nord de l’île Hecate, l’aéronef à l’étude est entré dans la région du détroit de Fitz Hugh à partir du sud, près de la pointe sud de l’île Calvert. Ensuite, l’aéronef à l’étude a changé de cap du rivage ouest au rivage est, puis a effectué une nouvelle descente à environ 230 pieds ASL (figure 2), tout en maintenant une vitesse d’environ 125 nœuds.

Figure 2. Vue aérienne des trajectoires de vol et des altitudes du C-FLAC et du C-GURL dans le détroit de Fitz Hugh, ainsi que de la distance entre les 2 aéronefs lorsqu’ils se sont croisés, tout juste avant l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Vue aérienne des trajectoires de vol et des altitudes du C-FLAC et du C-GURL dans le détroit de Fitz Hugh, ainsi que de la distance entre les 2 aéronefs lorsqu’ils se sont croisés, tout juste avant l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Les 2 aéronefs ont établi un contact radio bidirectionnel. Le pilote du C-FLAC a mentionné que l’île Addenbroke était visible lorsqu’il a survolé les lieux, et a décrit au pilote dans l’événement l’étude les conditions météorologiques dans le détroit de Fitz Hugh en indiquant qu’il y avait de fortes pluies et une visibilité d’environ 1 SM autour de la pointe Kelpie. Le pilote de l’événement à l’étude a alors indiqué qu’il maintiendrait une trajectoire longeant le rivage est du détroit.

À 11 h 03, les 2 aéronefs étaient à une distance de séparation horizontale de 2 NM et se sont croisés sur des routes en sens inverse, à environ 4 NM au sud du lieu de l’accident. L’aéronef dans à l’étude a maintenu un cap et une altitude constants durant les 54 secondes qui ont suivi, puis a commencé lentement à effectuer un changement de route de 25° vers l’ouest (à 0,35 NM du rivage de l’île Addenbroke). Sept secondes après le début du virage (à 0,12 NM du rivage de l’île), l’aéronef a amorcé une montée sous un angle peu prononcé à une moyenne de 665 pi/min.

À 11 h 04 min 55 s, l’aéronef à l’étude a percuté des arbres sur l’île Addenbroke à une altitude d’environ 490 pieds ASL, à une vitesse de 114 nœuds, et dans une assiette relativement droite et en palier. Il a ensuite continué à traverser les arbres recouvrant le flanc de la colline densément boisé sur quelque 450 pieds, pour s’immobiliser à une altitude de 425 pieds ASL, à 9,7 NM est-sud-est de la destination, le camp de pêche.

1.2 Personnes blessées

Tableau 2. Personnes blessées
Gravité des blessures Membres d’équipage Passagers Nombre total de personnes à bord
Mortelles 1 3 4
Graves 0 4 4
Légères 0 1 1
Total des personnes blessées 1 8 9

1.3 Dommages à l’aéronef

L’aéronef a été détruit par les forces d’impact.

1.4 Autres dommages

Sans objet.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Généralités

Les dossiers indiquent que le pilote avait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

Tableau 3. Renseignements sur le pilote
Licence de pilote Licence de pilote professionnel (CPL)
Date d’expiration du certificat médical 1er novembre 2019
Heures de vol total 8500
Heures de vol sur type 504,7
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement 19,1
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement 61,4
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement 107,8
Heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours 107,8
Heures de service avant l’événement 4,5
Heures hors service avant la période de travail 13

1.5.2 Le pilote

Le pilote dans l’événement à l’étude avait été embauché par Seair en avril 2001 et travaillait sur une base saisonnière. Il pilotait plusieurs types d’aéronefs. En août 2017, le pilote a suivi une formation sur le Caravan et a commencé à le piloter.

Le pilote dans l’événement à l’étude était titulaire d’une licence canadienne de pilote professionnel – avion, avec une annotation pour les avions et les hydravions monomoteurs et multimoteurs. Le 24 mai 2019, environ 60 jours avant l’événement, le pilote avait fait l’objet d’une vérification de compétence par Seair, conformément au Règlement de l’aviation canadien (RAC) Note de bas de page 3. La licence du pilote avait été annotée d’une qualification de vol aux instruments du groupe 1 Note de bas de page 4 le 23 mai 1998; toutefois, depuis la délivrance initiale, le pilote ne satisfaisait pas aux exigences de mise à jour des connaissances pour se prévaloir de son annotation. Le RAC n’exigeait pas que le pilote soit titulaire d’une qualification de vol aux instruments, parce que Seair était autorisée par Transports Canada (TC) à effectuer des vols VFR de jour seulement.

1.5.3 Formation en vol

Le pilote de l’événement à l’étude avait terminé la formation initiale sur le Caravan en août 2017. Elle comprenait 8,5 heures de formation au sol et d’étude à domicile, ainsi que 3,5 heures de formation en vol. En 2018, le pilote avait suivi une formation périodique de 4,25 heures de formation au sol et de 1,0 heure de formation en vol.

Alors que la plupart des pilotes de Seair qui pilotent le Caravan reçoivent une formation intégrale sur simulateur offerte par un tiers, le pilote dans l’événement à l’étude avait reçu une formation sur l’aéronef à l’interne, qui n’incluait aucune formation sur entraîneur synthétique de vol. Les pilotes de Seair qui ont reçu la formation sur simulateur ont été formés sur un simulateur muni du système Garmin G1000 Note de bas de page 5, dans une gamme de scénarios météorologiques, qui met l’accent sur les situations d’urgence à basse altitude. Le RAC n’exige pas des pilotes qu’ils suivent une formation sur entraîneur synthétique de vol, car la formation peut être effectuée à bord de l’aéronef. Les pilotes de Seair formés sur simulateur doivent toujours effectuer un vol d’entraînement dans l’aéronef avant que la vérification de compétence puisse être réussie.

Le 24 mai 2019, le pilote avait effectué 3,0 heures de formation au sol et 1,0 heure de formation périodique à bord de l’aéronef, comme l’exigeaient le RAC Note de bas de page 6 et le programme de formation de la compagnie Note de bas de page 7. À la suite du vol de formation, le chef pilote avait signé la vérification de compétence du pilote, en indiquant qu’il avait suivi une formation périodique et démontré sa compétence pour toutes les phases de vol couvertes à bord de l’aéronef.

1.5.4 Horaire de travail

Seair emploie des pilotes à temps plein, à temps partiel et saisonniers, dans le cadre de ses opérations courantes. Le pilote dans l’événement à l’étude était employé à temps plein de la saison de mai à octobre. Il travaillait normalement chez Seair le vendredi, le samedi et le dimanche chaque semaine, et parfois le jeudi. Le pilote était en service chez Seair la veille de l’accident (jeudi). Dans les 2 mois précédant l’accident, le pilote était en service en moyenne 32 heures par semaine chez Seair Note de bas de page 8.

En plus de travailler chez Seair, le pilote de l’événement à l’étude était employé à temps plein pour une compagnie aérienne à l’aéroport international de Vancouver (CYVR), en C-B., à titre de préposé d’escale Note de bas de page 9, poste qu’il occupait depuis 1996. Il occupait ce poste les lundis, mardis et mercredis, et parfois les jeudis. Dans les 2 mois précédant l’accident, le pilote était en service en moyenne 42,4 heures par semaine à titre de préposé d’escale. Voir l’annexe A pour des détails sur l’horaire du pilote dans les 7 jours précédant l’accident.

1.6 Renseignements sur l’aéronef

1.6.1 Généralités

Tableau 4. Renseignements sur l’aéronef
Constructeur Cessna Aircraft Company
Type, modèle et immatriculation Cessna 208 Caravan, C-GURL
Année de construction 2008
Numéro de série 20800501
Date d’émission du certificat de navigabilité / permis de vol 17 juin 2008
Total d’heures de vol cellule 4576,8 heures
Type de moteur (nombre) Pratt & Whitney Canada PT6A-114A (1)
Type d’hélice ou de rotor (nombre) McCauley 3GFR34C703 (1)
Masse maximale autorisée au décollage 3792 kg
Type(s) de carburant recommandé(s) Jet A, Jet A-1, Jet B
Type de carburant utilisé Jet A

Le Caravan est un aéronef à aile haute avec train d’atterrissage tricycle fixe, propulsé par un seul turbomoteur PT6A-114A (675 hp). Dans sa configuration de fabrication, sa masse maximale au décollage est de 3629 kg (8000 livres). L’aéronef de l’événement à l’étude avait été modifié conformément au certificat de type supplémentaire (STC) SA1311GL, qui permettait de remplacer le train d’atterrissage original par des flotteurs, convertissant l’aéronef en hydravion capable d’atterrir uniquement sur des plans d’eau. Cette modification a changé la masse maximale au décollage pour la faire passer à 3792 kg (8360 livres). Ce STC n’impose aucune restriction en ce qui a trait à l’état de la mer pour les décollages ou les amerrissages.

L’aéronef à l’étude était certifié pour être utilisé par un seul pilote et avait à l’origine des sièges, des commandes et des instruments pour un 2e pilote. Les commandes du 2e pilote avaient été retirées pour permettre à un passager d’occuper le siège pendant le vol.

L’aéronef de l’événement à l’étude était muni d’un système numérique de commandes automatiques de vol (CADV) Garmin GFC 700 entièrement intégré, qui comprenait un directeur de vol et un pilote automatique. Le pilote automatique est certifié pour utilisation en route et pour les approches aux instruments. À bord du Caravan, il est certifié à une altitude minimale de 800 pieds au-dessus du sol (AGL) lorsqu’il est utilisé pendant la phase en route du vol, et à 200 pieds AGL lorsqu’il est utilisé pour une approche aux instrumentsNote de bas de page 10.

Un examen des données de vol a révélé la forte probabilité que le pilote automatique ait été utilisé en continu pendant toutes les phases du vol à l’étude après le départ.

1.6.2 Performance de l’aéronef

Le plan de vol exploitation pour le vol à l’étude indiquait une charge de carburant de 900 livres (environ 508 L). Toutefois, l’enquête a permis de déterminer que la charge de carburant au départ était de 1200 livres (environ 678 L). De plus, les calculs de masse et de centrage effectués par le BST après l’événement indiquent qu’au moment du décollage, l’aéronef dépassait d’environ 400 livres la masse maximale au décollage. Les données de consommation de carburant enregistrées par voie numérique, recueillies dans le cadre de l’enquête, ont révélé qu’au moment de la collision avec le relief, la masse et le centrage de l’aéronef se situaient dans les limites prescrites.

Les bagages ou le fret peuvent être chargés dans 2 compartiments dans chacun des flotteurs du Caravan ou dans le compartiment à l’arrière de la cabine. L’aéronef à l’étude était chargé d’au moins 320 livres de bagages des passagers et de marchandises pour le camp de pêche. L’enquête a permis de déterminer que, puisqu’il n’entrait pas dans le compartiment de fret de la cabine, l’équipement de pêche appartenant à l’un des passagers a été arrimé au plancher, devant la sortie d’urgence.

Environ 15 minutes avant l’accident, les volets de l’aéronef ont été réglés à 10°Note de bas de page 11. Il n’y a pas de données précises sur la performance de l’aéronef lorsque les volets sont réglés à 10°. De telles données sont disponibles pour un réglage à 0° et à 20°. Pour ce qui est d’un réglage des volets à 0°, les données de performance indiquent un taux de montée maximal de 1110 pi/min à la puissance maximale tout en maintenant une vitesse anémométrique de 97 nœudsNote de bas de page 12. Pour un réglage des volets à 20°, les données de performance indiquent un taux de montée maximal de 1018 pi/min à la puissance au décollage tout en maintenant une vitesse anémométrique de 86 nœudsNote de bas de page 13. L’enquête a permis de déterminer que, durant les quelques instants avant l’impact, il n’y a pas eu d’augmentation de la puissance de l’aéronef ni d’augmentation brusque de l’assiette en tangage.

1.6.3 Système Garmin G1000

L’aéronef dans l’événement à l’étude était muni du système d’avionique Garmin G1000, qui avait un système d’avertissement d’impact intégré au système de technologie d’accroissement de la vision (Terrain-SVS), ainsi qu’un système d’avis de circulation (TAS). 

1.6.3.1 Écran de vol principal du système Garmin G1000

L’écran principal de vol (PFD) du système Garmin G1000 (figure 3) combine les instruments de vol individuels que l’on trouve normalement sur un tableau de bord à affichage électronique unique. Le PFD est configuré avec un indicateur d’assiette central, un indicateur de vitesse anémométrique du côté gauche ainsi que des références d’altitude et de vitesse verticale du côté droit. Une boussole électronique (indicateur de situation horizontale; HSI) est située sous l’indicateur d’assiette. Dans le Cessna Caravan, le système Garmin G1000 a 2 PFD, un de chaque côté du poste de pilotage.

Figure 3. Système Garmin G1000 pour le Cessna Caravan montrant l’écran principal de vol (écrans gauche et droit) et l’écran multifonction (écran central) (Source : Textron Aviation)
Système Garmin G1000 pour le Cessna Caravan montrant l’écran principal de vol (écrans gauche et droit) et l’écran multifonction (écran central) (Source : Textron Aviation)

Le PFD du système Garmin G1000 peut également afficher les représentations du système d’accroissement de la vision en arrière-plan, derrière les instruments (voir la section 1.6.4.3).

1.6.3.2 Écran multifonction du système Garmin G1000

L’écran multifonction (MFD) Garmin, situé au centre, présente les données des cartes GPS (système de positionnement mondial) sur la page affichant la carte de navigation par défaut. Toutefois, l’unité compte plusieurs fonctions à partir desquelles un pilote peut choisir d’afficher des renseignements. La fonction de carte utilise des tons verts, bruns et bleus pour représenter le relief et l’eau. Des données comme les renseignements sur le relief, la topographie et la circulation aérienne peuvent être superposées sur la carte. La fonction de relief présente une carte du relief par rapport à la position et à l’altitude de l’aéronef, et utilise un code de couleur (rouge et jaune) pour aider le pilote bien se représenter le relief dans les environs.

Le pilote peut sélectionner le type de renseignements affichés sur le MFD. L’enquête n’a pas permis de déterminer quels renseignements, y compris les renseignements sur le relief, étaient affichés sur le MFD au moment de l’accident. Il a tout de même été possible de déterminer que la plage de l’unité était réglée à 5 NMNote de bas de page 14. L’affichage GPS sur le MFD est couramment utilisé chez Seair pour déterminer la trajectoire la plus directe.

1.6.3.3 Bases de données du système Garmin G1000

Les bases de données d’où sont tirés la carte de base, le relief et les obstacles (entre autres) sont contenues dans des cartes mémoire Secure Digital (cartes SD). Conformément à un avis de service de GarminNote de bas de page 15, les dispositifs Garmin G1000 de l’aéronef à l’étude utilisaient le bon type de cartes SD dans les PFD et dans le MFD au moment de l’événement.

La plus récente mise à jour des bases de données sur la carte de base, le relief et les obstacles datait du 23 mars 2011. Le système Garmin G1000 n’empêche pas un pilote d’utiliser le système si les bases de données ne sont pas les plus récentes.

L’enquête n’a révélé aucune différence notable entre les bases de données installées et les bases de données les plus récentesNote de bas de page 16 en ce qui a trait au lieu de l’accident. De plus, l’aéronef à l’étude était autorisé pour le vol VFR de jour uniquement. Par conséquent, les aides électroniques fournies par ces bases de données n’étaient pas obligatoires en vertu du RAC.

1.6.4 Appareils d’avertissement d’impact

1.6.4.1 Réglementation

TC a publié une circulaire d’information portant sur la réglementation relative aux systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact (TAWS). La circulaire stipule ce qui suit :

  1. 2) Le système d’avertissement et d’alarme d’impact (TAWS) fournit des alertes sonores et visuelles (tant des avis que des avertissements) aux équipages de conduite lorsque la trajectoire prévue de l’aéronef se dirige vers le relief (et des obstacles dans certains systèmes), en suffisamment de temps pour que l’équipage de conduite prenne des manœuvres d’évitement.
  2. 3) Le TAWS offre une amélioration marquée par rapport aux dispositifs avertisseurs de proximité du sol (GPWS) relevant d’une ancienne technologie et il a démontré sa capacité à réduire de façon significative les événements CFIT [impact sans perte de contrôle]. […]Note de bas de page 17

La réglementation sur les TAWS est entrée en vigueur au Canada le 4 juillet 2014 et concerne tous les avions exploités en vertu de certificats de taxi aérien, de service aérien de navette et d’entreprise de transport aérienNote de bas de page 18. Toutefois, le RAC prévoit des exemptions pour certains types d’exploitants, particulièrement ceux qui effectuent des vols VFR de jour uniquementNote de bas de page 19. Par conséquent, tous les aéronefs de Seair, y compris l’aéronef à l’étude, sont exemptés de cette réglementation. L’aéronef à l’étude avait un appareil d’avertissement d’impact à bord, même si la réglementation ne l’exigeait pas, mais cet appareil ne respectait pas la norme technique canadienne CAN-TSO-C151b pour la certification TAWS.

1.6.4.2 Appareil d’avertissement d’impact de l’aéronef de l’événement à l’étude

Le Terrain-SVS de Garmin est un système d’amélioration facultatif qui fournit des alertes visuelles et sonores pour avertir le pilote en cas de relief présentant un risque sur la trajectoire de vol projetée de l’aéronef. Le Terrain-SVS n’est pas un système d’avertissement d’impact certifié parce qu’il ne respecte pas les normes de certification TSO-C151b; il ne faut pas le confondre avec le TAWS, qui utilise des algorithmes plus complexes pour évaluer la distance d’un aéronef par rapport au relief et aux obstacles.

Le Terrain-SVS comprend une fonction d’évitement d’obstacle à balayage frontal (FLTA) qui compare la trajectoire de vol projetée en 3 dimensions de l’aéronef aux caractéristiques connues du relief dans la base de données et qui peut émettre des avertissements et des alertes.

Les avertissements et les alertes sonores sont émis par le système audio de l’aéronef. Les avertissements sonores correspondent au message vocal « Caution; Terrain, Terrain » [Avertissement; relief, relief] et les alertes sonores correspondent au message vocal « Warning; Terrain, Terrain » [Alerte; relief, relief]. Les messages vocaux sont répétés jusqu’à ce que l’aéronef ne soit plus en situation de risque.

Des messages visuels d’avertissement (jaune) et d’alerte (rouge) sont intégrés au PFD et au MFD, et s’affichent en même temps que les alertes vocales. Lorsqu’un message d’avertissement ou d’alerte se déclenche, une indication jaune ou rouge (selon le cas) s’affiche sur le PFD et sur le MFD.

Le G1000 Integrated Avionics System Pilot’s Guide for the Cessna Caravan de Garmin stipule que l’indication jaune signale un conflit de relief possible qui se situe entre 100 pieds et 1000 pieds sous l’altitude actuelle de l’aéronef, selon les données internes du Garmin G1000 sur le reliefNote de bas de page 20. De même, l’indication rouge signale un relief situé à moins de 100 pieds sous l’altitude actuelle de l’aéronef ou au-dessus de celle-ci. Le code de couleur est appliqué à la carte affichée sur le MFD en fonction de l’altitude calculée par le GPS, qui n’est pas lié à des capteurs externes. Le guide lance la mise en garde suivante aux pilotes [traduction] : « la fonction d’évitement du relief n’est PAS destinée à une utilisation en tant que référence principale pour éviter le relief et elle ne dégage pas le pilote de sa responsabilité d’être conscient de son environnement pendant le volNote de bas de page 21. »

Dans certaines circonstances, les mises en garde FLTA peuvent être bloquées (désactivées) manuellement ou automatiquement. Lorsque les mises en garde sont bloquées, l’annonce TER INH s’affiche en blanc sur le PFD et sur la page de relief du MFD. Le blocage des mises en garde concernant le relief empêche l’émission de l’ensemble des avertissements et alertes visuels et sonores. Une fois le système bloqué manuellement, il restera dans cet état jusqu’à ce que le pilote le débloque, ou jusqu’à ce que le système Garmin G1000 soit éteint puis rallumé. Garmin conseille aux pilotes de [traduction] « faire preuve de discernement lorsqu’ils bloquent les mises en garde FLTANote de bas de page 22 ». Toutefois, le manuel d’utilisation d’aéronef (POH) pour le Caravan stipule que le système [traduction] « doit être bloqué lorsqu’un atterrissage est effectué à un endroit qui n’est pas inclus dans la base de données sur les aéroportsNote de bas de page 23 ». Le camp de pêche éloigné n’est pas un aéroport; il n’était donc pas inclus dans la base de données sur les aéroports du Garmin G1000 à bord de l’aéronef à l’étude.

Seair n’indique pas aux pilotes, ni dans son manuel d’exploitation de la compagnie, ni dans ses procédures d’exploitation normalisées (SOP), quand ou si la FLTA doit être débloquée. Il était de coutume pour les pilotes de bloquer manuellement la FLTA avant le départ. L’enquête a permis de déterminer que la FLTA était bloquée pendant le vol à l’étude.

1.6.4.3 Technologie d’accroissement de la vision

L’accroissement de la vision est une fonction d’amélioration visuelle du système Garmin G1000 qui permet de présenter un affichage d’assiette avant généré par ordinateur qui illustre la topographie immédiatement devant l’aéronef, du point de vue du pilote. La technologie d’accroissement de la vision est disponible sur les PFD. Il s’agit d’une vue tridimensionnelle du relief qui illustre les contours du sol (avec des couleurs harmonisées à celles de la carte topographique affichée sur le MFD), les grandes étendues d’eau, les tours et les autres obstacles situés à plus de 200 pieds AGL qui sont inclus dans les bases de données des systèmes.

Le Terrain-SVS utilise la technologie d’accroissement de la vision pour émettre des mises en garde visuelles déclenchées par la FLTA lorsqu’elle détecte la présence de menaces associées au relief, si elle n’est pas bloquée. Le Terrain-SVS affiche des mises en garde en jaune et en rouge sur le PFD qui mettent en évidence le relief constituant une menace.

Garmin met en garde les pilotes en indiquant que cette technologie [traduction] « ne doit être utilisée qu’à titre d’aide à la conscience situationnelle et ne fournit pas nécessairement l’exactitude ni la fiabilité sur lesquelles les décisions ou la planification des manœuvres doivent uniquement être fondées pour éviter le relief Note de bas de page 24 ».

L’enquête a permis de déterminer que le système d’accroissement de la vision était actif au moment de l’accident, mais puisque la FLTA était bloquée, le système ne pouvait pas émettre des mises en garde visuelles.

1.7 Renseignements météorologiques

1.7.1 Renseignements météorologiques avant le vol

Les bulletins météorologiques des aéroports les plus près du lieu de l’accident provenaient de CBBC, situé à 37 NM au nord-ouest, et de CYZT, à 58 NM au sud-sud-ouest. À l’heure de départ qui était initialement prévue, les conditions météorologiques à CYZT étaient les suivantes :

Tableau 5. Conditions météorologiques à CYZT et à CBBC à l’heure de départ initialement prévue
Paramètre Conditions à CYZT Conditions à CBBC
Vents Légers et variables Soufflant du sud à 3 nœuds
Visibilité 15 SM 3 SM
Précipitations Légères averses de pluie Pluie et brume
Nuages Quelques nuages à 2500 pieds AGL, nuages épars à 4000 pieds AGL, plafond de nuages fragmentés à 10 000 pieds AGL et une autre couche de nuages fragmentés à 13 000 pieds AGL, avec des nuages convectifs noyés Quelques nuages à 400 pieds AGL, plafond de nuages fragmentés à 3300 pieds AGL et couvert nuageux à 4200 pieds AGL

Les prévisions d’aérodrome (TAF) pour CYZT, publiées à 5 h 38, étaient les suivantes :

Tableau 6. Prévisions d’aérodrome pour CYZT émises à 5 h 38 le jour de l’événement
Heure Vents Visibilité Nuages
À partir de 6 h Vents variables à 3 nœuds Visibilité >6 SM Nuages épars à 4000 et à 8000 pieds AGL et un plafond de nuages fragmentés à 14 000 pieds AGL
Temporairement entre 6 h et 9 h Aucun changement Visibilité >6 SM dans de légères averses de pluie Plafond de nuages fragmentés à 4000 pieds AGL et couvert nuageux à 8000 pieds AGL
Après 9 h 140°V à 5 nœuds Visibilité >6 SM dans de légères averses de pluie Nuages épars à 2000 pieds AGL et plafond de nuages fragmentés à 5000 pieds AGL
Temporairement entre 9 h et 18 h Non indiqué dans les prévisions Visibilité de 5 SM dans de légères averses de pluie et de la brume Plafond de nuages fragmentés à 2000 pieds AGL et couvert nuageux à 5000 pieds AGL

Les TAF pour CBBC, publiées à 5 h 38, étaient les suivantes :

Tableau 7. Prévisions d’aérodrome pour CBBC émises à 5 h 38 le jour de l’événement
Heure Vents Visibilité Nuages
À partir de 6 h 120°V à 5 nœuds   6 SM dans de légères averses de pluie Nuages épars à 2000 pieds AGL et couvert nuageux à 4000 pieds AGL
Temporairement entre 6 h et 12 h Aucun changement 2 SM dans de légères averses de pluie et de la brume Nuages épars à 800 pieds AGL, plafond de nuages fragmentés à 2000 pieds AGL et couvert nuageux à 4000 pieds AGL

À peu près au moment où l’aéronef à l’étude a décollé de CAM9, les conditions météorologiques à CYZT et à CBBC étaient les suivantes :

Tableau 8. Conditions météorologiques à CYZT et à CBBC vers l’heure du départ réel de l’aéronef à l’étude
Paramètre Conditions à CYZT Conditions à CBBC
Vents Légers Soufflant du sud à 9 nœuds avec des rafales à 17 nœuds
Visibilité 10 SM 2 SM
Précipitations Légères averses de pluie Légères averses de pluie et brume
Nuages Quelques nuages à 2300 pieds AGL et plafond de nuages fragmentés à 4100 et à 10 000 pieds AGL, avec des nuages convectifs noyés Plafond de nuages fragmentés à 1000 pieds AGL et couvert nuageux à 1700 pieds AGL

Au moment du départ, les plus récentes TAF pour CYZT et CBBC étaient les prévisions de 5 h 38.

Les bulletins et les prévisions météorologiques d’aéroport pour la côte centrale de la Colombie-Britannique fournissent aux pilotes peu de renseignements en raison de la grande distance qui sépare chacune des stations et en raison des conditions météorologiques côtières très variables. Ainsi, les pilotes se fient normalement aux prévisions de zone graphique (GFA) et aux prévisions locales graphiques (LGF) pour la zone côtière centrale.

Selon la GFA émise à 4 h 31 et la LGF émise à 7 h 45 (annexe B), toutes les 2 étant valides pendant les heures de départ des 4 aéronefs de Seair se dirigeant vers la côte centrale, les prévisions météorologiques pour les 75 derniers NM du vol étaient les suivantes :

Les bulletins météorologiques provenant de phares dotés en personnel le long de la côte fournissent des renseignements supplémentaires qui sont essentiels. À 7 h 30, le jour de l’événement, divers phares le long de la côte centrale signalaient des visibilités allant de ¼ SM à 15 SM (annexe B). Les conditions météorologiques provenant de sources officielles les plus près ont été consignées à la station du phare de l’île Addenbroke, à environ ½ NM à l’ouest du lieu de l’accident, et à environ 9 NM au sud-est du camp de pêche. À 7 h 30, le gardien de phareNote de bas de page 25 a observé les conditions suivantes :

Les images des caméras météo de NAV CANADA de la station du phare de l’île Addenbroke à l’heure de départ prévue, ainsi qu’à l’heure de départ réelle, laissent voir de la pluie et du brouillard avec visibilité de 2 SM ou moinsNote de bas de page 26.

Les pilotes ont également accès à un certain nombre de caméras météo privées dans la région du camp de pêche. Avant le départ, les caméras les plus près de la destination laissaient voir une visibilité variable. Lorsque l’aéronef à l’étude a quitté CAM9, ces images montraient des visibilités allant d’environ ¾ SM à 1,4 SM, avec de la pluie, de la brume et du brouillard dans de nombreux secteurs. 

Des images de référence servant d’échelle ont été fournies dans le cadre de l’enquête par rapport aux images des caméras météorologiques privées. Toujours dans le cadre de l’enquête, ces images de référence ont permis de déterminer la visibilité et le plafond des nuages (dans certains cas). Cependant, les pilotes n’ont pas accès à ces images de référence. Par conséquent, les pilotes s’appuient sur les connaissances locales pour interpréter la visibilité et le plafond des nuages dans ces images.

1.7.2 Conditions météorologiques au moment de l’accident

Environ 30 minutes avant l’accident, les phares le long de la côte centrale ont consigné des visibilités allant de 1/8 SM à 10 SM (annexe B). Le gardien de phare de l’île Addenbroke a observé ce qui suit :

Pendant au moins 30 minutes avant l’accident, les caméras météo de NAV CANADA sur l’île Addenbroke indiquaient la présence de nuages bas, de pluie et de brume qui obscurcissaient le relief environnant. Les images indiquaient que la visibilité était inférieure à 2 SM. De même, les caméras météo privées situées près du camp de pêche laissaient voir des visibilités réduites, des plafonds bas et un relief indiscernable avec une visibilité allant d’environ 0,6 SM à 1,4 SM.

L’institut de recherche près du camp de pêche gère un certain nombre de stations de surveillance météorologique qui enregistrent les paramètres environnementaux toutes les 5 minutes. Les stations les plus rapprochées du lieu de l’accident ont toutes enregistré des périodes de fortes pluies au moment de l’accident. Ces données correspondent aux rapports des pilotes datant du jour de l’accident.

Après l’accident, le BST a demandé à Environnement et Changement climatique Canada de mener une évaluation météorologique. Les observations finales de cette évaluation indiquaient les faits suivants [traduction] :

Il est tout à fait possible que les visibilités aient pu être inférieures [aux 2 SM signalées] s’il y avait une condition de nuage convectif noyé. L’imagerie satellite visible a confirmé la présence d’éléments de nuages convectifs autour de l’île Addenbroke au moment de l’accident; il est donc fort probable qu’il y avait des zones de visibilité réduite et de plafonds bas dans les averses. En outre, les images de caméras météo confirment que les plafonds avaient baissé, et qu’une grande partie du relief environnant avait été entièrement cachée par les nuages, la pluie et la brumeNote de bas de page 27.

Bien qu’aucun compte rendu météorologique de pilote (PIREP) n’ait été fourni à NAV CANADA, des équipages de conduite ont indiqué plus tard que la visibilité dans les environs de l’île Addenbroke, avant et après l’accident, avait baissé à ½ SM ou moins. 

1.7.3 Réglementation concernant l’altitude et les conditions météorologiques

Comme le stipule le RAC, lorsqu’un avion est piloté en vol VFR de jour dans un espace aérien non contrôlé à moins de 1000 pieds AGL, la visibilité minimale en vol VFR est de 2 SM :

602.115 Il est interdit à quiconque d’utiliser un aéronef en vol VFR dans l’espace aérien non contrôlé, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :

a) l’aéronef est utilisé avec des repères visuels à la surface;

[…]

c) dans le cas d’un aéronef autre qu’un hélicoptère, l’aéronef est utilisé à moins de 1 000 pieds AGL :

  1. (i) sauf autorisation contraire aux termes d’un certificat d’exploitation aérienne, la visibilité en vol est d’au moins deux milles le jour,
  2. (ii) la visibilité en vol est d’au moins trois milles la nuit,
  3. (iii) dans les deux cas, l’aéronef est utilisé hors des nuages; […]Note de bas de page 28

Les données de vol indiquent qu’environ 30 minutes avant l’accident, l’aéronef à l’étude est descendu dans un espace aérien non contrôlé et a maintenu le vol à l’intérieur de cet espace aérien.

Le RAC stipule qu’il est interdit aux pilotes de taxi aérien « de commencer un vol VFR à moins que les derniers bulletins météorologiques et les dernières prévisions météorologiques, s’ils peuvent être obtenus, n’indiquent que les conditions météorologiques sur la route prévue et à l’aérodrome de destination lui permettront de se conformer aux VFRNote de bas de page 29 ».

Enfin, le RAC stipule ce qui suit :

703.27 Sauf pour effectuer un décollage ou un atterrissage, il est interdit d’utiliser un aéronef en vol VFR :

[…]

b) dans le cas où l’aéronef est un avion, le jour, à moins de 300 pieds AGL ou à une distance inférieure à 300 pieds de tout obstacle, mesurée horizontalementNote de bas de page 30.

Les données de vol indiquent que l’aéronef de l’événement à l’étude et le C-FLAC volaient à moins de 300 pieds AGL dans la région du détroit de Fitz Hugh.

1.8 Aides à la navigation

Selon le certificat d’exploitation aérienne de la compagnie, tous les aéronefs de Seair étaient autorisés pour le vol VFR de jour. Étant donné que les règles de vol sont fondées sur la navigation à vue du pilote, il n’existe aucun règlement concernant les appareils de navigation aux instruments qui doivent être installés à bord de l’aéronef et qui doivent être fonctionnels. Bien qu’il n’existe aucune exigence en ce sens, tous les appareils de navigation installés à bord de l’aéronef de l’événement à l’étude étaient en bon état de marche le jour de l’accident.

Aucun NOTAMNote de bas de page 31 GPS n’indiquait une dégradation du signal ou un manque de fiabilité concernant le secteur le jour de l’accident.

L’enquête sur une question de sécurité (SII) du BST concernant l’industrie du taxi aérien (Améliorer la sécurité : Réduire les risques liés aux activités de taxi aérien au Canada)Note de bas de page 32 a permis de déterminer que la technologie embarquée était un thème omniprésent. La principale question de sécurité est le manque de technologie embarquée, mais certains exploitants ont une automatisation si avancée que le problème est alors celui d’une dépendance excessive à la technologie. Des exploitants de taxi aérien interrogés dans le cadre de cette SII ont affirmé être préoccupés par le fait que la dépendance à l’égard de la technologie était à l’origine de la dégradation des compétences de pilotage de base. De plus, de nombreux exploitants de taxi aérien ont fait remarquer que la dépendance excessive à la navigation par GPS peut contribuer à la décision d’effectuer un vol dans des conditions météorologiques défavorables, ou comme l’ont fait remarquer les exploitants de « braver le mauvais temps ».

1.9 Communications

1.9.1 Communications vocales

Une fois l’aéronef à l’étude sorti de la région de contrôle terminal de Vancouver, il n’y a eu aucune communication entre les services de la circulation aérienne et le pilote dans l’événement à l’étude. En raison des règles régissant la structure de l’espace aérien, le pilote n’était pas tenu de communiquer avec les services de la circulation aérienne en route pendant la phase de croisière du vol.

Le pilote dans l’événement à l’étude a amorcé une descente alors que l’aéronef se trouvait à environ 60 NM à l’est-sud-est de CYZT. Tout au long de la descente, et jusqu’aux 8 dernières minutes du vol, le pilote se trouvait à portée de réception radio de la station d’information de vol (FSS) de CYZT. Les enregistrements de la FSS indiquent cependant qu’il n’y a eu aucune communication radio.

Le système Garmin G1000 comprend une fonction d’enregistrement audio qui peut enregistrer jusqu’à 2,5 minutes de transmissions radio. Cependant, si l’alimentation électrique de l’unité est coupée, la mémoire ne peut plus être récupérée. Un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) aurait également pu capter la transmission audio, ainsi que les sons ambiants dans le poste de pilotage, mais un tel appareil n’était pas installé et la réglementation ne l’exigeait pas. Par conséquent, l’enquête n’a pas permis de déterminer le contenu exact des transmissions radio du pilote dans l’événement à l’étude, y compris l’interaction avec le pilote du C-FLAC lorsque les 2 aéronefs étaient dans le détroit de Fitz Hugh.

Rien n’indique qu’il y ait eu une transmission radio de détresse (d’urgence).

1.9.2 Communication des données

Les enregistrements récupérés d’un appareil mobile indiquent que le pilote dans l’événement à l’étude avait communiqué avec d’autres pilotes de Seair à certains moments pendant le vol par messages texte à l’aide d’un téléphone cellulaire. Le dernier message texte a été échangé 34 minutes avant l’accident. La dernière connexion par données cellulaires au réseau mobile a eu lieu environ 18 minutes avant l’accident. Au moment de l’événement, Seair n’avait établi aucune politique concernant l’utilisation acceptable d’appareils mobiles pendant le vol.

L’aéronef à l’étude était muni d’un appareil S100 de Latitude Technologies. Cet appareil est principalement utilisé pour assurer le suivi des aéronefs en temps quasi réel. Les surveillants des volsNote de bas de page 33 de Seair reçoivent les données de vol à intervalles de 3 minutes, y compris les données sur la position d’un aéronef. Les données ainsi obtenues sont visionnées sur une application Web. L’icône de l’aéronef est colorée en fonction de son état. Après l’accident, l’icône de l’aéronef de l’événement à l’étude a pris une couleur violette, ce qui indique aux surveillants des vols que l’aéronef accusait un retard dans l’envoi du signal suivant de données de vol.

Une autre caractéristique de l’appareil est la capacité d’envoyer des messages préchargés (binaires) au surveillant des vols de Seair. Ces messages sont « Landed » [Atterrissage], « Message » et « Emergency » [Urgence]. L’enquête a permis de déterminer qu’aucun message n’avait été envoyé par le pilote dans l’événement à l’étude pendant le vol, et qu’aucun message n’avait été mis en attente pour être transmis dans les 2 minutes précédant l’accident.

1.10 Renseignements sur l’aérodrome

Même si l’aéronef de l’événement à l’étude avait décollé d’un hydroaérodrome certifié (CAM9), le camp de pêche n’est pas un hydroaérodrome certifié. Le lieu de destination est situé dans une anse protégée des mauvaises conditions de l’océan.

Le long de la trajectoire de vol typique jusqu’au camp de pêche se trouvent de nombreux sites d’atterrissageNote de bas de page 34, dont un certain nombre d’hydroaérodromes, comme Comox, Campbell River et Port McNeil. Davantage de sites d’atterrissage convenables se trouvent à d’autres camps de pêche de la région de la côte centrale. Au cours des activités avant le vol tenues le jour de l’événement, on a noté qu’un camp de pêche dans la région du bras Rivers, situé à 14 NM au sud-est de l’île Addenbroke, aurait pu être un autre site d’atterrissage convenable.

1.11 Enregistreurs de bord

1.11.1 Généralités

L’aéronef de l’événement à l’étude n’était pas muni d’un CVR ni d’un enregistreur de données de vol (FDR), et le RAC ne l’exigeait pas.

L’aéronef était muni de 3 systèmesNote de bas de page 35 qui avaient la capacité d’enregistrer les données de vol relatives au vol à l’étude.

Chaque appareil pouvait prendre en charge un certain degré de suivi des données de vol (FDM). Le FDM consiste en la collecte et l’analyse courantes des données de vol numériques générées pendant les vols afin d’offrir plus de renseignements et une meilleure vue d’ensemble des opérations aériennes. L’objectif du FDM est de prendre connaissance des risques et des tendances, ce qui permet aux exploitants de déceler et d’atténuer les lacunes en matière de sécurité avant que des incidents ou des accidents ne se produisentNote de bas de page 36.

Le FDM a été adopté par des exploitants aériens dans de nombreux pays, y compris au Canada, et il est largement reconnu comme un outil rentable pour améliorer la sécurité.

Aux États-Unis, le National Transportation Safety Board (NTSB) recommande que des programmes de FDM soient mis en œuvre depuis 2009Note de bas de page 37. Plus récemment, le NTSB a émis 2 recommandations sur la question. Dans la première, la recommandation sur la sécurité A‑16‑034, le NTSB recommandait que la Federal Aviation Administration (FAA) [traduction] « [e]xige que tous les exploitants assujettis à la partie 135 du titre 14 du Code of Federal Regulations [Note de bas de page 38] installent des dispositifs d’enregistrement de données de vol capables de prendre en charge un programme de surveillance des données de volNote de bas de page 39 ». Dans la deuxième, la recommandation sur la sécurité A-16-035,NTSB recommandait qu’une fois la recommandation A-16-034 considérée comme étant mise en œuvre, la FAA [traduction] « exige que tous les exploitants assujettis à la partie 135 du titre 14 du Code of Federal Regulations établissent un programme structuré de surveillance des données de vol qui examine toutes les sources de données disponibles afin de cerner les écarts par rapport aux normes et procédures établies et d’autres lacunes de sécurité potentiellesNote de bas de page 40 ».

L’examen des renseignements quantitatifs, en particulier en tant qu’élément établi dans le système de gestion de la sécurité (SGS) d’une compagnie, s’est révélé utile pour relever et corriger les lacunes en matière de sécurité ainsi que pour prévenir les accidents.

Les programmes de FDM peuvent nécessiter beaucoup de travail et sont généralement utilisés par les exploitants de ligne aérienne. Toutefois, les programmes des exploitants de taxi aérien n’exigent pas forcément beaucoup de ressources financières ou humaines, puisque des enregistreurs numériques sont couramment utilisés à bord des aéronefs modernes. Fondamentalement, le FDM consiste à télécharger et à analyser régulièrement les données de vol des aéronefs. Les exploitants aériens peuvent étudier les tendances opérationnelles et cerner les signes précurseurs de risques dans le cadre de leurs opérations aériennes. Il existe de nombreux fournisseurs de logiciels de FDM, ainsi que des fournisseurs de services par abonnement pour la surveillance et la communication des données.

1.11.2 Suivi des vols de Latitude Technologies

Un dispositif S100 de Latitude Technologies avait été installé à bord de l’aéronef à l’étude en juin 2009, conformément au STC SA11-11Note de bas de page 41. Le dispositif S100 est un petit système embarqué qui enregistre 5 paramètres de données de volNote de bas de page 42 à des intervalles d’une seconde pendant 2 minutes. À la fin de ces 2 minutes, le dispositif écrase les données précédentes pour continuer à enregistrer. Cet enregistrement se produit en boucle continue tant et aussi longtemps que le dispositif est alimenté et qu’il reçoit un signal GPS. Selon les intervalles saisis par l’utilisateur, le dispositif enregistre 1 seconde de données de vol et les transmet à un serveur au sol, ce qui permet aux utilisateurs de visualiser ces renseignements et de les afficher sur une application de cartographie.

Dans le cadre de l’enquête, il a été possible de récupérer les 2 dernières minutes de données de vol contenues dans le dispositif S100 de l’aéronef à l’étude. De plus, Seair a fourni dans le cadre de l’enquête les données de vol qui ont été transmises à partir de l’aéronef à l’étude toutes les 3 minutes le jour de l’événement.

Latitude Technologies prend en charge le FDM au moyen d’un système Web, Latitude Flight Data Analytics (LFDA). LFDA permet aux utilisateurs de consulter les données de vol, en temps réel et après le vol, et de fixer des seuils de signalement d’événements en fonction des paramètres de vol (position ou altitude) ou du fonctionnement mécanique de l’aéronef.

1.11.3 Système d’acquisition de données numériques

Le système numérique d’acquisition de données numérique (ADAS-d) Note de bas de page 43 du moteur est un dispositif embarqué qui enregistre à intervalles d’une demi-seconde des données sur 17 paramètres discrets se rapportant au moteur et aux données de vol Note de bas de page 44.

Le dispositif ADAS-d de l’aéronef à l’étude contenait 5 jours consécutifs de données sur des paramètres relatifs au vol et au moteur; aucune défaillance et aucun dépassement n’ont été constatés. Au cours du vol à l’étude, dans les quelque 7 minutes avant l’accident, il n’y a eu aucun changement sur le plan de la puissance du moteur ou du régime de l’hélice.

1.11.4 Système Garmin G1000

Le système Garmin G1000 a la capacité de consigner les données sur des paramètres de vol et de les enregistrer sur une 2e carte SD, distincte de la carte SD contenant les renseignements des bases de données. La fonction d’enregistrement des données de vol du système Garmin G1000 permet de stocker automatiquement les données essentielles relatives au vol et au moteur à des intervalles d’une seconde lorsque le MFD est allumé. À bord du Caravan, le système Garmin G1000 peut stocker les données sur 45 paramètres uniques durant environ 16 000 heures de vol sur la carte. Toutefois, aucune carte SD n’avait été installée dans l’aéronef à l’étude pour enregistrer les données sur les paramètres de vol, et une carte SD n’était pas nécessaire pour utiliser le système Garmin G1000.

Garmin ne dispose pas et n’assure pas la prise en charge d’un logiciel permettant d’enregistrer les images d’un PFD et d’un MFD. Par conséquent, sans carte SD de stockage des données, la majorité des données de vol ont été perdues; peu de renseignements du système Garmin G1000 ont pu être récupérés dans le cadre de l’enquête.

1.11.5 Recommandations du BST concernant les enregistreurs de bord

De nombreux rapports d’enquête aéronautique du BST ont fait état d’enquêteurs incapables de déterminer les raisons pour lesquelles un accident s’était produit, étant donné l’absence de dispositifs d’enregistrement de bord. Les avantages des données de vol enregistrées dans le cadre d’enquêtes sur les accidents d’aéronefs sont bien connus et documentésNote de bas de page 45.

Durant son enquête sur la désintégration en vol d’un DHC-3TNote de bas de page 46 survenue en mars 2011, le BST a émis une recommandation sur la sécuritéNote de bas de page 47 concernant les enregistreurs de bord légers et les programmes de suivi des données de vol. Dans le préambule de cette recommandation, le BST affirme qu’une surveillance systématique des activités normales peut aider les exploitants à améliorer leur efficacité opérationnelle et à déceler les lacunes de sécurité avant qu’elles causent un accident. Le préambule indique aussi que si un accident venait à se produire, les enregistrements de systèmes d’enregistrement des données de vol légers fourniraient aux enquêteurs des renseignements utiles pour permettre de mieux déterminer les lacunes de sécurité. Le Bureau a conclu qu’il existait des arguments convaincants pour l’installation de systèmes FDR légers par tous les exploitants commerciaux, et a recommandé que :

le ministère des Transports, en collaboration avec l’industrie, élimine les obstacles et élabore des pratiques recommandées en ce qui a trait à la mise en œuvre du suivi des données de vol et à l’installation de systèmes d’enregistrement des données de vol légers par les exploitants commerciaux qui ne sont pas actuellement tenus de munir leurs aéronefs de ces systèmes.
Recommandation A13-01 du BST

Le BST a enquêtéNote de bas de page 48 sur un événement survenu en 2016 au cours duquel un Mitsubishi MU-2B-60 a percuté le relief durant l’approche finale à l’aéroport des Îles-de-la-Madeleine (Québec). Les 7 occupants ont été mortellement blessés. Même si la réglementation ne l’exigeait pas, cet aéronef avait à son bord un FDR léger. Les enquêteurs ont pu récupérer l’enregistreur et en extraire les données pour les analyser, ce qui leur a permis de mieux comprendre le déroulement des événements qui avaient mené à la perte de maîtrise de l’aéronef. Sans système d’enregistrement à bord, les enquêteurs n’auraient pas obtenu ces renseignements essentiels à la compréhension des circonstances et des faits ayant mené à l’événement.

Dans le cas d’un autre événement survenu en 2016Note de bas de page 49 mettant en cause un avion à réaction privé, les enquêteurs ne disposaient d’aucun des renseignements que contiennent normalement les FDR légers. Il n’a donc pas été possible d’établir les causes de la perte de maîtrise de l’aéronef qui a entraîné la collision avec le relief et la mort des 4 occupants.

Même si la recommandation A13-01 ciblait les exploitants commerciaux, ces 2 événements survenus en 2016 font ressortir la valeur de FDR légers à bord en démontrant à quel point la disponibilité de ces données est importante. Ces systèmes permettent aussi la surveillance des activités de vol normales, ce qui aide les exploitants à accroître leur efficacité opérationnelle et à repérer les problèmes de sécurité avant qu’ils ne causent un accident.

Par conséquent, le Bureau a publié la recommandation A18-01, qui remplace la recommandation A13-01 et qui appelle TC à se servir du travail effectué dans le cadre de la recommandation A13-01.

Le Bureau avait recommandé que :

le ministère des Transports oblige l’installation de systèmes d’enregistrement des données de vol légers chez les exploitants commerciaux et exploitants privés qui n’y sont pas actuellement tenus.
Recommandation A18-01 du BST

Dans la réévaluation du BST de la réponse de TC à la recommandation publiée en décembre 2020, TC indiquait son accord à l’égard de cette recommandation et indiquait qu’une ébauche d’avis de proposition de modification (APM) avait été élaborée. Les prochaines étapes devaient comprendre une réunion de groupe de discussion et des consultations par l’entremise du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC). TC s’attendait à ce que l’APM soit publié avant décembre 2020, sauf en cas de retard engendré par la pandémie de la COVID-19. 

Les progrès de TC dans l’élaboration de réglementation sur les systèmes d’enregistrement des données de vol légers sont considérés comme étant positifs. Toutefois, tant que le règlement ne sera pas finalisé, les risques associés à la lacune de sécurité relevée dans la recommandation A18-01 persisteront.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A18-01 dénote une attention en partie satisfaisanteNote de bas de page 50.

Tout comme l’enquête sur l’accident d’un aéronef Mitsubishi MU-2B-60 survenu en 2016, l’enquête à l’origine du présent rapport a démontré l’utilité des systèmes d’enregistrement des données pour les enquêtes et a souligné le fait que divers dispositifs peuvent prendre en charge les systèmes de surveillance des données de vol.

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

L’épave était située sur un flanc de colline densément boisé, à une altitude d’environ 425 pieds ASL. Les dommages causés à l’aéronef par les arbres montrent que celui-ci les avait d’abord heurtés, les ailes presque à l’horizontale, sans indication perceptible d’assiette en cabré ou en piqué. Les données de vol indiquent que la vitesse anémométrique de l’aéronef était de 114 nœuds lorsqu’il est entré en contact avec les arbres. L’avion s’est désintégré et a laissé une traînée de débris d’une longueur d’environ 450 pieds.

Lorsque le fuselage de l’aéronef s’est immobilisé sur la pente, il reposait sur son côté gauche. Les ailes et les flotteurs avaient été séparés du fuselage, mais se trouvaient à proximité.

Tous les éléments majeurs de la structure de l’aéronef ont été retrouvés lors de l’examen sur place de l’épave. Le moteur est resté en place durant l’impact. L’hélice était toujours fixée à l’avant de l’aéronef. Les pales de l’hélice étaient lourdement endommagées, mais aucune ne s’est détachée du moyeu de l’hélice.

Au cours de l’impact, le PFD gauche a été détruit et le MFD a été lourdement endommagé. Il a tout de même été possible de récupérer les cartes SD contenant les bases de données. Les unités de traitement du PFD et du MFD ont été récupérées afin d’être analysées.

L’examen de l’aéronef et du groupe motopropulseur n’a révélé aucun signe d’anomalie mécanique avant l’impact. On a relevé de la matière végétale couvrant une grande partie de la grille d’entrée d’air du moteur, et des plus petits morceaux se trouvaient à l’intérieur de la section compresseur du moteur. Ces constatations correspondent aux données de vol récupérées qui indiquent des performances normales jusqu’au contact avec les arbres.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Rien n’indique que la performance du pilote ait été affectée par des facteurs médicaux, pathologiques ou physiologiques; une analyse approfondie de l’état de fatigue a néanmoins été réalisée dans le cadre de l’enquête.

Pour qu’une personne atteigne des niveaux optimaux de rendement, elle requiert de 7 à 9 heures consécutives de sommeil réparateur pendant la nuitNote de bas de page 51. La fatigue reliée au sommeil, soit la fatigue liée à la quantité et à la qualité du sommeil obtenu, est de nature biologique. Par conséquent, des caractéristiques telles que la personnalité, l’intelligence, la scolarité, l’entraînement, les compétences, la rémunération, la motivation, la taille physique, la force et la pratique ne permettent pas de la prévenir. La fatigue reliée au sommeil peut résulter d’un ou de plusieurs des 6 facteurs de risque suivants : perturbations aiguës du sommeil; perturbations chroniques du sommeil; état d’éveil continu; effets sur le rythme circadien; troubles du sommeil; conditions médicales et psychologiques, maladies et médicaments.

Il est établi qu’une perturbation du sommeil ou des cycles de sommeil augmente le temps de réaction, augmente la prise de risques et réduit la capacité d’une personne à résoudre des problèmes complexesNote de bas de page 52. Plus généralement, la fatigue perturbe l’attention, la vigilance et les fonctions cognitives en généralNote de bas de page 53. Par conséquent, il est reconnu que la fatigue augmente les risques d’accidentNote de bas de page 54,Note de bas de page 55,Note de bas de page 56,Note de bas de page 57.

1.13.1 Perturbations des rythmes circadiens

La vigilance et le rendement d’une personne varient de manière importante selon le moment de la journée, en raison de changements physiologiques synchronisés avec le rythme circadien (quotidien). D’un point de vue physiologique, le corps humain est prêt à dormir la nuit et à être éveillé le jour.

Des horaires de travail sporadiques dont les heures de début varient peuvent désynchroniser les rythmes circadiens, ce qui peut causer de la fatigueNote de bas de page 58. Des symptômes de désynchronisation peuvent également réduire davantage la durée et la qualité du sommeilNote de bas de page 59. Chez ceux qui travaillent occasionnellement de nuit, les rythmes circadiens ne s’adaptent pas instantanément.

Au cours de la semaine précédant l’événement, le pilote dans l’événement à l’étude a commencé à travailler à 3 h 37 et à 3 h 31 deux jours de suite. Toutefois, au 2e jour consécutif (le 23 juillet), l’activité du téléphone cellulaire a commencé à 1 h 39, soit environ 2 heures avant le début du quart de travail du pilote à titre de préposé d’escale. De manière générale, ces autres quarts de travail ont commencé entre 6 h et 7 h. Il était courant que les heures de début en milieu de semaine varient.

1.13.2 Fatigue aiguë

Des réductions importantes de la qualité ou de la quantité de sommeil peuvent entraîner de la fatigue et une baisse de la performance.

Une réduction aiguë de la quantité de sommeil est normalement considérée comme notable si elle est d’au moins 30 minutes. Les réductions aiguës peuvent se produire une fois, ou plus fréquemment, mais elles sont cumulatives et peuvent contribuer à accroître la fatigue et à affaiblir le rendement lorsque des perturbations du sommeil surviennent au cours des 3 jours précédents.

Quatre jours avant l’événement, le pilote dans l’événement à l’étude a commencé à travailler à 3 h 37 et les registres du téléphone cellulaire indiquent une activité jusqu’à 20 h 39 ce soir-là. L’activité du téléphone cellulaire a repris à 1 h 39 le lendemain, avant le début d’un quart de travail qui commençait à 3 h 31. Par conséquent, au cours des 3 jours qui ont précédé l’événement, le pilote n’avait qu’une période 5 heures pour dormir entre 2 quarts de 14 heures chacun.

Une diminution aiguë de la qualité du sommeil est normalement considérée comme remarquable lorsque la quantité de sommeil profond est réduite à moins que ce qui est nécessaireNote de bas de page 60, même si le temps de sommeil total reste inchangé.

L’hébergement du pilote dans l’événement à l’étude consistait en un véhicule récréatif stationné à l’aéroport international de Vancouver, près de la piste. En général, des aéronefs sont exploités à cet aéroport tard le soir et tôt le matin. Les activités aéroportuaires, comme les décollages et les atterrissages d’aéronefs, ont vraisemblablement créé un environnement bruyant qui n’était pas propice à un sommeil réparateur.

1.13.3 Fatigue chronique

Des recherchesNote de bas de page 61 ont démontré que le nombre d’heures travaillées par semaine, au-delà de 40 heures (ce qui est considéré comme une semaine de travail normale), est associé à un risque accru de blessures au travail. À cet égard, une analyseNote de bas de page 62 a démontré que le personnel qui travaille plus de 64 heures par semaine est 88 % plus susceptible d’être impliqué dans un accident que les personnes qui travaillent moins de 40 heures par semaine.

Un travailleur faisant 7 quarts de travail de jour consécutifs ne devrait accumuler aucune fatigue, ou alors très peu, s’il obtient un sommeil nocturne de bonne qualité et en quantité suffisante. Toutefois, si un travailleur dort moins d’heures que nécessaire, ou si le sommeil entre ces quarts de travail est de mauvaise qualité, une perturbation chronique du sommeil peut s’installer et la fatigue s’accumulera. Cette fatigue augmente ultimement les risques d’incident ou d’accidentNote de bas de page 63.

Au total, le pilote de l’événement à l’étude avait travaillé en moyenne 76,7 heures par semaine pendant les 2 mois précédents et 83,5 heures au cours des 7 jours précédents. De plus, dans les 28 jours précédant l’événement, le pilote avait travaillé 27 jours, le dernier jour de repos remontant à 15 jours avant l’événement. Enfin, pendant cette période de travail, le pilote de l’événement à l’étude a travaillé à des heures de début variables, parfois pendant la nuit, avec de courtes périodes de repos.

1.14 Incendie

Aucun incendie ne s’est déclaré avant ou après l’impact.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 Ceintures de sécurité

L’enquête a permis de déterminer que tous les passagers portaient une ceinture de sécurité à 3 points et que le pilote et le passager occupant le siège du copilote portaient une ceinture de sécurité à 5 points.

1.15.2 Évacuation et blessures

Quelques bagages avaient été fixés au plancher de l’aéronef devant l’issue de secours. Toutefois, après l’impact avec le relief, les passagers ayant survécu à l’accident n’ont pas emprunté les issues normales ou de secours, car les ouvertures dans le fuselage endommagé de l’aéronef leur permettaient de passer.

Les 5 passagers qui ont survécu étaient assis dans une zone de l’espace de survie de l’aéronef, où les arbres et les pièces d’aéronef ne se sont pas introduits pendant l’impact. Le pilote et le passager qui occupait le siège du copilote ont subi des blessures mortelles correspondant aux forces de vitesse et à un traumatisme contondant. Deux autres passagers ont subi des blessures mortelles correspondant aux blessures auxquelles on pourrait s’attendre compte tenu des dommages subis par le fuselage de l’aéronef et de la pénétration de composants métalliques dans l’espace de survie immédiat.

1.15.3 Recherche et sauvetage

La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) émettant sur une fréquence de 406 MHz s’est automatiquement activée pendant l’accident, tel qu’elle a été conçue, et le signal a été reçu par le Centre canadien de contrôle des missions à 11 h 09. Le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) de Victoria a été informé de l’accident et a amorcé les recherches. Le JRCC a fait appel à de nombreuses ressources aériennes et maritimes de la région pour rechercher l’aéronef à l’étude.

Un hélicoptère de la Garde côtière canadienne a repéré le lieu de l’accident à 12 h 23. À 12 h 52, les premiers intervenants de la Garde côtière canadienne sont arrivés sur les lieux de l’accident et ont commencé le triage. Après les premiers intervenants, des professionnels de la santé qui étaient à bord d’un navire de BC Ferries comme passagers sont arrivés sur les lieux.

Un aéronef de recherche et de sauvetage (SAR) Buffalo du 442e Escadron de transport et de sauvetage à Comox (C.-B.) a tenté de se rendre sur les lieux de l’accident à 13 h 27, mais n’y est pas parvenu en raison de mauvaises conditions météorologiques. Après avoir déterminé un autre itinéraire, le Buffalo s’est rendu près du lieu de l’accident à 13 h 42. Un hélicoptère Cormorant de SAR du même escadron l’a rejoint 3 minutes plus tard.

À 14 h 35, 2 techniciens de SAR ont été parachutés à partir du Buffalo dans le détroit de Fitz Hugh près de l’île Addenbroke. Ils sont montés à bord d’une embarcation rapide de sauvetage de la Garde côtière canadienne, puis ont été transportés jusqu’à la station du phare de l’île d’Addenbroke, où un hélicoptère les a embarqués puis déposés près du lieu de l’accident, qu’ils ont atteint à 15 h 17.

Les survivants ont été hissés à bord de l’hélicoptère Cormorant; la dernière remontée a été effectuée à 18 h 10. L’hélicoptère Cormorant est arrivé à CYZT à 18 h 47 et les survivants ont ensuite été transportés vers les hôpitaux de Port Hardy, Campbell River, Victoria et Vancouver (C.-B.).

1.16 Essais et recherche

1.16.1 Simulation employant la technologie d’accroissement de la vision

Dans le cadre de l’enquête, des simulations du vol dans son intégralité ont été effectuées à l’aide d’un simulateur muni d’une suite d’avionique Garmin G1000 correspondant à la configuration qui se trouvait à bord de l’aéronef à l’étude. La trajectoire de vol des simulations a été obtenue à partir des données de vol de cet aéronef.

Selon le G1000 Integrated Avionics System Pilot’s Guide for the Cessna Caravan, une alerte de marge requise réduite de franchissement du relief (RTC) est émise lorsque la trajectoire de vol prévue d’un aéronef donné se situe au-dessus du relief, mais empiète sur les valeurs minimales de franchissement du système. La valeur RTC pour un vol en palier, lorsque l’aéronef se trouve à environ 23 NM ou plus d’une piste, est de 700 pieds. Un vol effectué à des altitudes inférieures à la valeur RTC fait en sorte que le système émet des alertes en continuNote de bas de page 64.

Lorsque la trajectoire a été suivie sur le simulateur en maintenant la FLTA activée (les mises en garde n’étant pas bloquées), le système a réagi de manière fiable quant à la reconnaissance de la masse terrestre de l’île Addenbroke dans la base de données de relief. Lorsque le vol simulé a dépassé la valeur RTC du dispositif de 700 pieds AGL, la FLTA a émis un premier message d’avertissement à environ 1,2 NM, ou 30 secondes, du rivage de l’île Addenbroke (figure 4). Ce message d’avertissement est passé à une alerte lorsque l’aéronef se trouvait à 0,75 NM, ou à 19 secondes, du rivage.

Figure 4. Comparaison de la géométrie des textures à la surface représentant l’île Addenbroke, comme affiché sur l’écran de vol principal de l’aéronef avant l’activation de l’avertissement de relief (image de gauche) et immédiatement après l’activation de l’avertissement de relief (image de droite) lorsque l’altitude est de 1000 pieds au-dessus du sol (Source : BST)
Comparaison  de la géométrie des textures  à la surface  représentant l’île Addenbroke, comme affiché sur l’écran de vol principal de  l’aéronef avant l’activation de l’avertissement de relief (image de gauche) et  immédiatement après l’activation de l’avertissement de relief (image de droite)  lorsque  l’altitude  est  de 1000 pieds au-dessus du sol  (Source : BST)

Lorsque réglé à peu près à la même altitude que le vol à l’étude (sous la valeur RTC), le système émettait des mises en garde visuelles (figure 5) et sonores en continu.

Figure 5. Comparaison de la géométrie des textures à la surface représentant l’île Addenbroke, comme affiché sur l’écran de vol principal de l’aéronef, avec la fonction d’évitement d’obstacle à balayage frontal bloquée (image de gauche) et la fonction d’évitement d’obstacle à balayage frontal activée (image de droite) lorsque l’altitude est de 250 pieds au-dessus du sol (Source : BST)
Comparaison  de la géométrie des textures  à la surface  représentant l’île Addenbroke, comme affiché sur l’écran de vol principal de  l’aéronef, avec la fonction d’évitement d’obstacle à balayage frontal bloquée (image  de gauche) et la fonction d’évitement d’obstacle à balayage frontal activée (image  de droite) lorsque  l’altitude est  de  250 pieds au-dessus du sol (Source : BST)

Au cours des essais, on a constaté que l’affichage de la technologie d’accroissement de la vision représente la masse terrestre de l’île Addenbroke comme une petite partie du paysage réel parce que l’île se fond partiellement dans l’océan (zone verte encerclée dans les figures 4 et 5). L’enquête a permis de déterminer qu’environ 6 % de l’île est représentée comme une masse terrestre sur le PFD lorsqu’on compare la géométrie des textures à la surface. Le reste de la superficie de l’île est représentée comme étant l’océan.

Une comparaison semblable a été effectuée pour la zone de représentation de la masse terrestre en pixels du MFD, à partir de la carte SD des bases de données à bord de l’aéronef à l’étude. L’enquête a permis de déterminer que la représentation de l’île Addenbroke qui pouvait être affichée sur le MFD ( illustrée par la forme superposée à la figure 6) procurait une précision d’environ 86 % par rapport à la masse terrestre réelle.

Figure 6. Comparaison, en pixels, entre l’écran de la carte de base Garmin G1000 installée (forme ombragée superposée) et de la masse terrestre réelle de l’île Addenbroke. La ligne pointillée représente la route réelle de l’aéronef de l’événement à l’étude. (Source : Carte no 3934 du Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST)
Comparaison, en pixels, entre l’écran de la carte de base Garmin G1000 installée (forme ombragée superposée) et de la masse terrestre réelle de l’île Addenbroke. La ligne pointillée représente la route réelle de l’aéronef de l’événement à l’étude. (Source : Carte no 3934 du Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST)

1.16.2 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a réalisé les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 Généralités

Au moment de l’événement, Seair exploitait 14 aéronefs, soit 7 aéronefs Cessna 208 Caravan, 4 aéronefs de Havilland Canada Beaver, 2 aéronefs de Havilland Canada Turbo Beaver et 1 aéronef Cessna 185. Tous les aéronefs sont munis de flotteurs. La compagnie effectue des vols réguliers entre Vancouver (CAM9 et CYHC [port de Vancouver]) et 7 emplacements sur l’île de Vancouver ou à proximité de celle-ci. La compagnie offre jusqu’à 24 vols réguliers par jour vers Nanaimo et 8 vols quotidiens vers les îles Gulf. De plus, Seair propose des vols nolisés, des vols de transport de marchandises et des vols d’agrément.

Le certificat d’exploitation aérienne de Seair permet à la compagnie d’exploiter l’un des 14 aéronefs en vertu de la sous-partie 702 du RAC (travail aérien) ou de la sous-partie 703 du RAC (exploitation d’un taxi aérien), selon la nature du vol. Dans les deux cas, les activités de la compagnie se limitent aux vols VFR de jour. Le jour de l’événement, l’aéronef était piloté en vertu de la sous-partie 703 du RAC.

Conformément à sa certification d’exploitation aérienne, Seair n’a pas l’option d’effectuer des vols selon les règles de vol aux instruments (IFR). De plus, bien que le Caravan soit normalement muni des appareils nécessaires à un vol IFR et qu’il puisse effectuer un tel vol, la réglementation n’autorise pas le décollage ou l’amerrissage d’aéronefs à voilure fixe sur un plan d’eau en vol IFR. Par conséquent, les pilotes de Seair n’ont pas l’option de poursuivre un vol IFR lorsque les conditions météorologiques se détériorent sous les minimums VFR.

TC examine actuellement la certification des hydroaérodromes à certains endroits au Canada. Cet examen pourrait éventuellement conduire à l’autorisation d’approches aux instruments aux hydroaérodromes certifiés et à la modification des critères d’élaboration des procédures aux instruments, afin de permettre l’amerrissage à la suite d’une approche indirecte à un aérodrome terrestre.

Il est également possible d’effectuer des approches vers un point dans l’espaceNote de bas de page 65 (PINSA) à n’importe quel emplacement (pas nécessairement à un aérodrome ou à un hydroaérodrome). Toutefois, en vertu de la réglementation en vigueur, les PINSA ne sont pas autorisées au Canada pour les aéronefs à voilure fixe.

1.17.2 Contrôle de l’exploitation

Le contrôle de l’exploitationNote de bas de page 66 des vols chez Seair est délégué au commandant de bord de chaque vol par le gestionnaire des opérations, à qui incombe la responsabilité des opérations aériennes quotidiennes. Cette pratique est appelée système de contrôle d’exploitation de type D, qui s’applique à toutes les opérations assujetties à la sous-partie 703 du RAC. Dans le cadre de ce système, le commandant de bord est responsable de toutes les tâches de préparation de vol, y compris les évaluations météorologiques et l’analyse des risques, en plus de la surveillance de volNote de bas de page 67 durant le vol. Les exploitants ne sont pas tenus d’avoir un régulateur des vols agréé.

1.17.3 Opérations aériennes

Conformément à la réglementationNote de bas de page 68, les SOP doivent être élaborées et utilisées dans le cadre de toutes les activités de taxi aérien à l’aide d’aéronefs nécessitant que 2 pilotes soient aux commandes. Étant donné que Seair n’exploite aucun aéronef à équipage multiple, la compagnie n’a pas l’obligation d’élaborer et de tenir à jour des SOP pour ses aéronefs. Cependant, Seair dispose de SOP pour ses aéronefs Caravan et les tient à jour.

Les SOP de Seair pour le Caravan visent à donner des lignes directrices sur l’utilisation de l’aéronef et à compléter le manuel d’utilisation (POH) du Cessna Caravan. Les SOP ne sont pas élaborées pour remplacer un POH ni pour couvrir toutes les circonstances; elles servent à aider les pilotes à s’acquitter de leurs fonctions de façon normalisée. Seair indique que [traduction] « la normalisation est l’un des outils les plus puissants dont dispose le pilote pour prévenir les situations indésirables, pour déterminer quand quelque chose d’indésirable se produit et pour gérer une situation indésirable si elle devait se présenterNote de bas de page 69 ».

Les SOP de Seair précisent que [traduction] « les plans de vol utilisateur par points de cheminement devraient être extraits des pages du plan de vol et utilisés pour accroître la conscience situationnelle dans des conditions de faible visibilitéNote de bas de page 70 ». Toutefois, les SOP ne contiennent aucune ligne directrice ou norme sur la façon de configurer et d’utiliser le Terrain-SVS pour voler dans des conditions de faible visibilité, ni ne commentent l’utilisation des diverses fonctions du système Garmin G1000. De même, les SOP ne fournissent pas de lignes directrices ou de normes pour la sortie d’une zone si les conditions météorologiques se détériorent sous les minimums VFR ni pour la sélection ou la nécessité de considérer d’autres sites d’atterrissage.

Plus loin, les SOP indiquent que [traduction] « le recours au pilote automatique est recommandé pour réduire la charge de travail […] par mauvaises conditions météorologiquesNote de bas de page 71 ». Toutefois, elles ne réitèrent pas la limitation qui interdit les opérations en route avec le système de contrôle automatique de vol sous la barre des 800 pieds AGL, comme indiqué dans le POHNote de bas de page 72.

Le RAC n’exige pas que les exploitants assujettis à la sous-partie 703 veillent à ce que leurs pilotes se conforment aux SOP ou au POH, ni qu’ils mettent en place un programme d’assurance de la qualité des opérations aériennes.

1.17.4 Formation et évaluation des pilotes

1.17.4.1 Vérification de compétence et formation au vol aux instruments

Lorsqu’ils mènent des activités en vertu de la sous-partie 703 du RAC, les membres d’équipage titulaires d’une licence pour les vols VFR de jour sur aéronef monomoteur sont tenus d’avoir réussi une vérification de compétence dont la période de validité n’est pas expirée pour le type d’aéronef piloté.

La formation initiale pour les activités de taxi aérien en vol VFR de jour sur aéronef monomoteur exige 6 heures de formation au sol et 3 heures de formation en vol. La formation périodique nécessite 3 heures de formation au sol et 1 heure de formation en vol.

La formation et l’évaluation en vue de réussir une vérification de compétence comprennent des situations de vol normales et anormales, et cette vérification peut être accordée à un pilote après un vol de formation périodique d’au moins 1 heure. Le programme de Seair ne comprend pas de formation de base sur les compétences de vol aux instruments, de formation sur les procédures de vol aux instruments ou de formation sur les manœuvres de rétablissement en cas de perte de repères visuels, et la réglementation n’exige la tenue d’aucune de ces formations.

Seair n’exige pas que les pilotes détiennent une qualification de vol aux instruments à jour, bien que certains pilotes Seair en détiennent une.

1.17.4.2 Formation sur la gestion des ressources pour pilote seul aux commandes

Le poste de pilotage d’un aéronef à équipage multiple est un milieu de travail dynamique et exigeant; les membres d’un équipage de conduite sont en interaction constante avec l’aéronef, avec l’environnement et entre eux. La gestion des ressources de l’équipage (CRM) consiste à faire une utilisation efficace des ressources disponibles – humaines, matérielles et informationnelles – pour gérer les menaces et les difficultés qui peuvent survenir pendant un vol.

Bien que, traditionnellement, la CRM soit envisagée dans le contexte d’un poste de pilotage à équipage multiple, la CRM moderne « couvre également les ressources pour pilote seul aux commandes, qui invariablement doivent s’adapter avec d’autres aéronefs et divers organismes de soutien au sol afin de compléter leurs missions avec succèsNote de bas de page 73 ». La formation en gestion des ressources pour pilote seul aux commandes (SRM) adapte les concepts de la CRM pour les transposer à un environnement comptant un seul pilote aux commandes. D’après l’article 723.98 des Normes concernant les services aériens commerciaux (NSAC), la formation proposée par un exploitant « sera adaptée aux besoins et à la taille de l’organisation. La formation en CRM doit traiter de la culture de l’exploitant en matière de sécurité, de la culture de l’entreprise, du type d’opérations et des procédures connexes de l’exploitant, notamment des secteurs des opérations susceptibles de donner lieu à des difficultés particulières ou à des dangers inhabituelsNote de bas de page 74. »

La formation doit porter notamment sur la gestion des menaces et des erreurs (TEM)Note de bas de page 75, la conscience situationnelle, la fatigue et la prise de décisions.

À partir du 28 juillet 2017, les exploitants canadiens de services de travail aérien, de services de taxi aérien et de services aériens de navette avaient 18 mois pour mettre en œuvre une formation en CRM. En date du 31 janvier 2019, tous les exploitants aériens commerciaux sont tenus de former leur personnel concerné sur la CRM. Toutefois, l’obligation de respecter cette norme a été retardée et elle n’est entrée en vigueur que le 30 septembre 2019, soit 2 mois après le vol à l’étude.

Au moment de l’événement, Seair n’était pas tenue d’offrir une formation en CRM à ses pilotes, et le pilote dans l’événement à l’étude n’avait pas reçu cette formation.

1.17.4.3 Formation sur l’évitement des impacts sans perte de contrôle

Les exploitants de taxi aérien doiventNote de bas de page 76 fournir à tous les membres de l’équipage de conduite une formation au sol initiale puis bisannuelle sur l’évitement d’un impact sans perte de contrôle (CFIT). Toutefois, cette norme ne s’applique qu’aux exploitants aériens autorisés à effectuer des vols VFR de nuit et des vols IFR. Par conséquent, les exploitants aériens qui effectuent des vols VFR de jour, comme Seair, ne sont pas tenus de se conformer à cette norme.

Le pilote de l’événement à l’étude n’a reçu aucune instruction au sol ou en vol sur l’évitement d’un CFIT, et la réglementation ne l’exigeait pas.

1.17.4.4 Formation sur l’avertissement d’impact et sur le système d’accroissement de la vision

Les exploitants aériens qui possèdent des avions avec une configuration de sièges pour 6 passagers ou plus sont tenusNote de bas de page 77 d’employer un TAWS certifié. Toutefois, cette disposition n’est valide que pour les exploitants de vols VFR de nuit et des vols IFR. Par conséquent, les exploitants qui effectuent des vols VFR de jour, comme Seair, ne sont pas tenus d’installer ce système.

Même si l’aéronef à l’étude était équipé d’un système d’avertissement et d’alarme d’impact non certifié et d’un système d’accroissement de la vision, aucune disposition réglementaire n’exige que les membres d’équipage d’un aéronef équipé de tels systèmes soient formés à l’utilisation de cette technologie.

L’examen administré au terme de la formation de Seair sur le système Garmin G1000 ne contient aucune question sur le système d’accroissement de la vision, et ne comporte qu’une seule question relative au code de couleur des indications de relief.

La formation sur les aéronefs de Seair ne porte pas sur le système d’accroissement de la vision du système Garmin G1000. Le manuel d’exploitation de la compagnie et les SOP ne contiennent aucun énoncé sur l’utilisation appropriée ou approuvée du Terrain-SVS et aucune directive sur les mesures à prendre en cas de mise en garde concernant le relief.

1.17.4.5 Failles dans la réglementation concernant la formation relevées dans l’enquête sur une question de sécurité du BST

La SII du BSTNote de bas de page 78 a démontré que la réglementation et les normes ne peuvent pas suffire à assurer la sécurité dans le secteur du taxi aérien, mais qu’elles prévoient des moyens de contrôle qui y contribueront. Cela dit, le cadre réglementaire comporte des failles, notamment en ce qui a trait à la formation et à la qualification du personnel (entre autres).

Le RAC établit la formation que les exploitants sont tenus de donner. Dans les faits cependant, la formation peut varier énormément. Certains d’entre eux donnent seulement la formation prescrite par la réglementation, tandis que d’autres donnent de la formation additionnelle qui dépasse ces exigences, pour combler certains besoins ou mieux atténuer les risques dans leurs activités. Cependant, plusieurs exploitants ont mentionné que sans une réglementation et des normes actualisées contraignant tous les exploitants à respecter les mêmes règles, la situation n’est pas équitable.

Quoique la sous-partie 703 du RAC prévoie des exigences de formation obligatoires pour certaines activités spécialisées à risque élevé , comme les vols de nuit, aucune exigence de la sorte n’est imposée pour plusieurs autres activités spécialisées, comme les vols en montagne ou côtiers. Les exigences de formation obligatoire pourraient ainsi ne pas couvrir les nombreux aspects uniques au secteur du taxi aérien.

La consultation menée dans le cadre de la SII auprès d’intervenants du secteur du taxi aérien a permis de constater que la réglementation et les normes comportent des failles. Les pratiques recommandées par certains exploitants surpassent parfois les exigences réglementaires courantes ou comprennent des concepts non prévus par la réglementation en vigueur. Toutefois, confrontés aux pressions concurrentes, les exploitants pourraient choisir de simplement se conformer à la réglementation même si en déborder augmenterait la sécurité.

Le niveau de sécurité dans le secteur du taxi aérien demeurera inégal tant qu’il y aura des failles dans le cadre réglementaire, comme celles cernées par la SII.

Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports examine les failles cernées dans la présente enquête sur une question de sécurité en ce qui concerne la sous-partie 703 du Règlement de l’aviation canadien et les normes connexes, et actualise la réglementation et les normes pertinentes.
Recommandation A19-04 du BST

Dans la réponse de TC à la recommandation en janvier 2020, TC indiquait son accord à l’égard de la recommandation A19-04.

En 2020, TC a entrepris un examen des exigences de formation et de qualification dans toutes les sous-parties du RAC, avec la mise en œuvre prévue en 2023, qui devait comprendre :

Dans le cadre du projet d’examen réglementaire de l’Aviation civile de TC, un examen des désagréments de formation ayant trait à la formation, aux qualifications et aux licences du personnel est en cours. Ce dossier réglementaire devrait être publié dans la Partie I de la Gazette du Canada en 2020-2021.

Dans son évaluation de la réponse de TC en mars 2020, le Bureau voyait positivement le fait que TC avait déjà commencé un examen réglementaire et attendait avec impatience la publication des détails des améliorations réglementaires proposées dans un avenir rapproché.

Par conséquent, la réponse à la recommandation A19-04 relative à la formation et aux qualifications a été évaluée comme dénotant une intention satisfaisante.

Cependant, la SII a souligné d’autres failles dans les normes et règlements existants qui ont été relevées par les exploitants. TC n’a pas fourni de réponse détaillée en ce qui a trait à la façon dont ils prévoient régler les failles dans les normes et le règlement indiquées dans la SII autres que les détails susmentionnés.

À l’égard de la réponse à la recommandation A19-04 relative à la correction des failles, le Bureau a estimé son évaluation impossibleNote de bas de page 79.

1.17.5 Système de gestion de la sécurité de la compagnie

Un SGS est « [u]n système documenté pour gérer les risques qui intègre des processus d’exploitation et techniques à la gestion des ressources financières et humaines pour assurer la sécurité aérienne ou la sécurité du publicNote de bas de page 80 ». Les systèmes des organisations dont la culture de sécurité est plus avancée utilisent des stratégies proactives, réactives et prédictives au moyen de rapports confidentiels, d’analyses de données de vol et de surveillance normale des activitésNote de bas de page 81.

1.17.5.1 Recommandations du BST relatives aux systèmes de gestion de la sécurité

La réglementation ne contient pas de dispositions relatives aux SGS pour les exploitants de taxi aérien. Par conséquent, TC ne surveille et ne réglemente pas les SGS des exploitants de taxi aérien. À la suite de l’enquête du BST sur un accident d’hélicoptère mortelNote de bas de page 82, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports exige que tous les exploitants d’aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme.
Recommandation A16-12 du BST

Dans sa réponse en décembre 2019, TC a indiqué qu’il avait entamé un examen en deux phases de sa politique relative aux SGS afin de s’assurer que la mise en œuvre des SGS renforce la sécurité et s’effectue de façon durable, et que toutes les parties concernées soient prêtes pour la mise en œuvre. TC n’entendait pas modifier les exigences relatives aux SGS ou étendre leur application à d’autres secteurs tant que l’examen n’était pas terminé.

De plus, TC a indiqué qu’il était en train de terminer la première phase de son processus d’examen qui en compte deux. Toutefois, il n’a pas fourni d’échéancier pour la réalisation de la deuxième phase. Il n’a également pas fourni d’échéancier pour la rédaction de l’exposé des options concernant ses recommandations à l’égard des outils de nature réglementaire et non réglementaire à utiliser pour moderniser les pratiques en matière de SGS et mettre en œuvre les SGS dans d’autres secteurs.

Pendant ce temps, le Canada ne respecte pas les normes et les pratiques recommandées en matière de SGS énoncées à l’Annexe 19 à la Convention relative à l’aviation civile internationale publiée par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Comme TC l’a souligné, les intervenants suivants ne se conforment pas aux exigences relatives aux SGS énoncées à l’Annexe 19 de l’OACI :

Dans son évaluation de la réponse de TC en mars 2020, le Bureau voyait d’un bon œil le fait que TC veuille s’assurer que la politique relative aux SGS réponde aux objectifs indiqués ci-dessus. Par contre, l’examen de la politique n’était toujours pas terminé, même si TC avait initialement indiqué, en 2016, que le processus prendrait un an et demi.

Il n’y avait, à ce moment, aucune mention évidente des mesures que TC comptait prendre une fois l’examen terminé, ni aucune indication claire de son intention d’adopter des modifications au règlement afin d’exiger que tous les exploitants de services aériens commerciaux, qui exercent leurs activités au Canada et à l’étranger, mettent en œuvre un SGS en bonne et due forme.

Par conséquent, à l’égard de la réponse à la recommandation, le Bureau a estimé son évaluation impossibleNote de bas de page 83.

Plus récemment, au terme de la SII sur les risques associés aux activités de taxi aérien au Canada, le BST a recommandé que :

les associations du secteur (p. ex., ATAC, ACH, AQTA, FOA, NATA) prônent des processus de gestion proactive de la sécurité et une culture de sécurité auprès des exploitants de taxis aériens, pour corriger les lacunes de sécurité cernées dans cette enquête sur une question de sécurité, par la formation et par le partage de pratiques exemplaires, d’outils et de données sur la sécurité propres au secteur du taxi aérien.
Recommandation A19-03 du BST

Dans sa réponse, l’Association du transport aérien du Canada (ATAC) a indiqué qu’elle continuait à promouvoir l’élaboration et l’utilisation de processus de gestion de la sécurité et de la culture de sécurité. L’ATAC a aussi indiqué qu’elle avait élaboré des outils pour ses membres et leur avait fourni de la formation, et qu’elle continuerait à appuyer TC et à collaborer avec lui pour aider à éliminer l’acceptation des pratiques non sécuritaires dans le secteur du taxi aérien.

Dans sa réponse, la Northern Air Transport Association (NATA) a indiqué son engagement pour appuyer ses membres et les aider avec l’intégration de nouvelles règles et de nouveaux programmes dans leurs activités. Les recommandations du BST publiées au terme du rapport de la SII seraient le centre d’intérêt des présentations à la 44e conférence annuelle et le forum de la NATA pour le transport aérien nordique et dans les régions éloignées du Canada. Le Bureau était satisfait du fait que la Floatplane Operators Association, qui s’est maintenant jointe à la NATA, continue d’élaborer les « pratiques exemplaires des North Stars ».

Le Bureau était encouragé par le fait que l’ATAC et la NATA appuyaient la recommandation A19-03 et continueraient leurs travaux avec leurs membres respectifs. Toutefois, les détails fournis dans les réponses de l’ATAC et de la NATA ne comprenaient pas suffisamment de détails en ce qui a trait aux initiatives futures et aux mesures planifiées pour permettre au Bureau de déterminer clairement si la lacune de sécurité serait atténuée ou éliminée. De plus, le BST n’a pas reçu de réponse de l’Association canadienne de l’hélicoptère (ACH) ou de l’Association québécoise du transport aérien (AQTA).

Par conséquent, à l’égard de l’ensemble des réponses à la recommandation A19-03, le Bureau a estimé son évaluation impossibleNote de bas de page 84.

1.17.5.2 Gestion de la sécurité chez Seair

Seair dispose d’un système pour gérer la sécurité qui intègre les 6 composants et éléments du cadre défini par TCNote de bas de page 85. Toutefois, comme il n’existe aucune réglementation en matière de SGS pour le secteur du taxi aérien, le SGS de Seair n’a jamais fait l’objet d’une surveillance de la part de TC.

Seair offre à tous les employés une formation initiale sur le SGS et, par la suite, une formation périodique tous les 3 ans. Toute formation sur le SGS est tenue sur ordinateur.

Les données du SGS de Seair proviennent de rapports sur des dangers ou des événements soumis par des employés au moyen d’un processus de notification papier ou d’un courriel confidentiel transmis au responsable de la sécurité. Les rapports sont ensuite traités individuellement au cours de la réunion suivante sur la sécurité; 9 réunions sur la sécurité sont tenues chaque année.

Les dossiers indiquent qu’il n’y avait aucun rapport soumis par des pilotes concernant un vol effectué par inadvertance dans des conditions météorologiques inférieures aux minimums visuels. De même, les dossiers indiquent qu’il n’y avait aucun rapport proactif ou réactif soumis par des pilotes de Seair concernant les lacunes de l’affichage du relief du système Garmin G1000.

Le manuel des politiques sur les SGS de Seair indique que les événements, comme les accidents, entraînent la production d’un rapport d’événement réactif qui mène à une enquête, une analyse et une gestion des risques. Durant l’enquête, on n’a trouvé aucun dossier indiquant que ces mesures ont été prises à la suite de cet événement.

1.17.6 Temps de vol et temps de service de vol

Tous les exploitants aériens commerciaux au Canada doiventNote de bas de page 86 mettre sur pied un système qui surveille le temps de vol, le temps de service de vol et les périodes de repos de chacun de ses membres d’équipage de conduite.

Selon le manuel d’exploitation de Seair, tous les pilotes sont tenus de consigner leur temps de vol et de service dans le programme de surveillance à la fin de chaque journée de vol. Il incombe au gestionnaire des opérations de veiller au respect en tout temps du système de surveillance. L’enquête a permis de déterminer que le pilote dans l’événement à l’étude n’avait jamais dépassé les limites de temps de vol ou de temps de service de vol et les périodes de repos dans le cadre de son emploi comme pilote.

Le système de surveillance de Seair ne tient pas compte des pilotes qui occupent un autre emploi en plus de leurs fonctions de pilotage chez Seair, et la réglementation ne l’exige pas. Le manuel d’exploitation de Seair affirme que [traduction] « il incombe aux membres de l’équipage de conduite d’utiliser les périodes de repos prévues […] pour obtenir le temps repos nécessaire. Les membres d’équipage de conduite doivent s’assurer qu’ils ont obtenu un repos suffisant avant de se présenter au travailNote de bas de page 87. »

Si un pilote éprouve de la fatigue malgré une période de repos adéquate, Seair exige qu’il le signale. L’enquête n’a pas permis de déterminer si le pilote dans l’événement à l’étude avait signalé à Seair qu’il éprouvait de la fatigue. Chez Seair, on signalait normalement la fatigue verbalement au chef pilote ou au gestionnaire des opérations, sans soumettre de documents papier ou électroniques.

Selon la réglementationNote de bas de page 88, les pilotes ne doivent pas assurer de rôle dans l’équipage de conduite lorsqu’ils ne sont pas en état de travailler. Toutefois, l’exploitant aérien doit également s’assurer qu’un pilote n’agit pas à titre de membre d’équipage de conduite s’il y a des raisons de croire que le pilote en question n’est pas ou probablement pas en état de travailler.

Seair savait que le pilote dans l’événement à l’étude occupait un autre emploi, et il surveillait de manière non officielle son niveau général de bien-être. Toutefois, Seair n’a jamais jugé nécessaire d’imposer des restrictions en ce qui a trait à cet autre emploi ou aux tâches de pilotage du pilote.

1.17.7 Supervision et surveillance des pilotes

Le chef pilote est responsable de la supervision des membres d’équipage de conduite. En plus du chef pilote, Seair a autorisé 2 autres pilotes à effectuer les vérifications de compétence requises pour les membres d’équipage de conduite.

Les vérifications courantes (vérifications en vol) des pilotes sont destinées à surveiller la sécurité des opérations, la gestion des risques et le respect des SOP et du POH. Seair n’est pas tenue d’effectuer ou de consigner ces vérifications, mais a indiqué dans le cadre de l’enquête que des vérifications de compétence en ligne sont réalisées, sans qu’elles soient consignées, à moins qu’une question de sécurité ou une non-conformité à la politique, aux SOP ou au RAC ne soit observée. Le dossier de formation du pilote dans l’événement à l’étude ne contenait aucune documentation indiquant qu’il y avait eu des vérifications de compétence en ligne au cours des 2 années précédentes, et il ne contenait aucune indication concernant des problèmes en matière de sécurité ou de non-conformité.

Les cadres d’exploitation de Seair, y compris le chef pilote et le gestionnaire des opérations, effectuent plusieurs vols opérationnels chaque jour en tant que pilotes, comme c’était le cas le jour de l’événement. Ces membres du personnel planifient les vols et exécutent leur évaluation des risques aux côtés des autres pilotes. À ce titre, ils n’effectuent pas de supervision spécifique des pilotes de Seair, mais ils peuvent assurer une surveillance générale des activités pendant la planification des vols.

1.17.8 Surveillance réglementaire

1.17.8.1 Surveillance par l’organisme de réglementation

Les activités de surveillance de TC s’inscrivent dans les 4 catégories suivantes, classées par ordre décroissant de portée : surveillance des systèmes, surveillance des processus, inspections ciblées et inspections de conformitéNote de bas de page 89.

TC a mené des activités de surveillance des processus relatifs aux opérations aériennes et de maintenance de Seair du 22 au 24 janvier 2019. La portée de cette activité s’étendait à une évaluation de la régulation des vols, de la remise en service technique, de l’assurance de la qualité et de la sécurité dans la cabine chez Seair. Elle a donné lieu à 5 constatations de non-conformité à la réglementation (3 mineuresNote de bas de page 90 et 2 modéréesNote de bas de page 91) concernant la remise en service technique, de l’assurance de la qualité et de la sécurité dans la cabine. TC a accepté le plan de mesures correctives de Seair pour chaque lacune, et il a effectué leur suivi.

Au cours de l’année qui a précédé l’événement, aucune inspection de conformité, y compris des vérifications aux aires de trafic et en vol, ni aucune inspection ciblée n’avaient été effectuées pour examiner la gravité des risques et pour déterminer les options possibles d’atténuation des risques.

À la suite d’un événement imprévu ou d’un problème (comme un accident), TC a le pouvoir discrétionnaire d’affecter des ressources de surveillance réactive pour entreprendre d’autres activités de surveillance. TC n’a mené aucune activité de surveillance réactive des opérations aériennes de Seair en réponse à cet événement. Toutefois, TC a mené 2 inspections ciblées concernant la navigabilité en réaction à l’événement.

TC peut également faire passer ses activités de surveillance à une catégorie supérieure. TC a le pouvoir discrétionnaire d’effectuer des activités de surveillance des systèmes à la suite d’activités de surveillance des processus si, au cours des 12 mois précédents, l’exploitant a eu un accident que le BST a classé comme étant une enquête de catégorie 3 (ou supérieure). TC n’a pas fait passer la prochaine inspection prévue de Seair à une catégorie supérieure après cet événement.

La SII du BST portant sur la réduction des risques liés aux activités de taxi aérien au Canada a permis de constater que la plupart des exploitants ont indiqué qu’ils seraient heureux de voir une surveillance accrue de la part de l’organisme de réglementation, et plus particulièrement, des activités de surveillance plus traditionnelles davantage axées sur la pratique, comme des vols de vérification de compétence, des vérifications aux aires de trafic et des vérifications de compétence en ligne. En outre, les exploitants de taxi aérien ont ajouté que TC devait s’employer à tenir les exploitants responsables de toute non-conformité à la réglementation. Enfin, les exploitants de taxi aérien ont déclaré à maintes reprises le besoin d’un soutien accru de TC, soulignant le besoin d’une relation positive et de collaboration avec les inspecteurs afin que les compagnies puissent améliorer la sécurité.

1.17.8.2 Conformité à la réglementation

En raison de la complexité du secteur du taxi aérien, les techniques de gestion du risque sont importantes pour établir les critères d’inspection permettant aux inspecteurs d’évaluer la conformité des compagnies au cadre réglementaireNote de bas de page 92.

Au cours des 10 années qui ont précédé l’événement à l’étude, l’unité régionale d’application de la loi à TC n’a remis aucun constat d’infraction à Seair pour des infractions liées à l’altitude ou aux minimums météorologiques. Toutefois, TC ne prend habituellement pas de mesures d’application de la loi contre un exploitant aérien pour ces types d’infraction; la mesure d’application de la loi est plutôt prise contre le commandant de bord. TC a déclaré qu’il n’avait aucun mécanisme pour surveiller activement les infractions concernant l’altitude ou les conditions météorologiques. TC s’appuie plutôt sur les déclarations volontaires des exploitants, ou sur les personnes ou les organismes pour effectuer des déclarations auprès de TC . Ces déclarations sont ensuite consignées dans le Système de compte rendu quotidien des événements de l’Aviation civile (SCRQEAC).

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Impact sans perte de contrôle

Un CFIT [traduction] « se produit lorsqu’un aéronef en état de navigabilité, sous la commande de l’équipage, percute par inadvertance le relief, un obstacle ou un plan d’eau, habituellement sans que l’équipage ait conscience de l’imminence de la collisionNote de bas de page 93 ». Un tel accident se produit la plupart du temps dans des conditions de mauvaise visibilité. Dans des conditions comme l’obscurité et le mauvais temps, il peut être plus difficile pour le pilote d’être bien conscient de l’environnement immédiat de l’aéronef et de déterminer visuellement la distance de l’aéronef par rapport au relief.

Au début des années 1990, la majorité des accidents aéronautiques mortels étaient des accidents CFIT . Au cours des décennies suivantes, les exploitants et les organismes de réglementation ont réalisé de grands progrès pour réduire le nombre d’accidents de CFIT. De nombreuses nouvelles technologies ont été introduites, notamment les systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact, les systèmes d’avertissement de proximité du sol améliorés, les GPS, les bases de données numériques sur le terrain et les affichages de cartes mobiles illustrant la position de l’aéronef par rapport au terrain. De plus, de meilleures formations sont désormais offertes, comme la formation de sensibilisation aux CFIT, la formation sur les manœuvres d’évitement des CFIT et la CRM améliorée avec TEM. Combinées, ces avancées ont réduit le nombre d’accidents de type CFIT, au point où ces accidents ne sont plus le type principal d’accident mortel.

La SII du BST portant sur l’examen du secteur du taxi aérien a révélé qu’au cours de la période couverte par l’enquête (de 2000 à 2014), le plus grand nombre de morts dans les accidents résulte de vols ayant commencé dans des conditions météorologiques de vol à vue, puis s’étant poursuivis jusqu’à un point où le pilote a perdu ses repères visuels au sol. La principale différence était la manière dont les vols se terminaient : une perte de maîtrise ou un CFIT. Il semblerait donc que l’expérience du pilote n’atténue pas les risques que ces types d’accidents se produisent. L’analyse des données sur les accidents a aussi révélé que les facteurs ayant contribué aux accidents de taxi aérien qui sont survenus pendant la période de l’étude s’inscrivaient dans 2 grandes catégories : l’acceptation de pratiques non sécuritaires et la gestion inadéquate des dangers opérationnels.

La technologie qui, à une certaine époque, ne se trouvait qu’à bord d’aéronefs de la catégorie transport est désormais offerte pour les plus petits aéronefs, notamment ceux utilisés dans le secteur du taxi aérien. Dans le cadre de 3 enquêtes portant sur des événements au cours desquels un vol VFR est poursuivi dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC)Note de bas de page 94, le BST a mené un examen statistique des accidents CFIT au Canada pour la période comprise entre 1992 et 2019. L’examen a porté sur les accidents au cours desquels des aéronefs immatriculés au Canada effectuaient un vol VFR qui s’est poursuivi dans des IMC et où un accident de type CFIT s’est produit.

Les données suivantes ont été relevées pour la période de 28 ans examinée :

Un test de corrélationNote de bas de page 95 a été mené pour déterminer s’il y avait une tendance en ce qui a trait à ce type d’accidents sur cette période de 28 ans. On constate une tendance à la baisse du nombre d’accidents mettant en cause des avions commerciaux sur 28 ans, tandis que le nombre d’accidents concernant des hélicoptères commerciaux, ainsi que des avions et des hélicoptères privés, n’a pas révélé de tendances statistiquement significatives. La diminution globale du nombre d’accidents s’est principalement produite au cours des 14 premières années de la période (de 1992 à 2005); on ne relève aucune tendance pour la période allant de 2006 à 2019.

De plus, l’examen statistique du BST a permis de déterminer que les accidents de vol VFR qui se poursuivent en IMC et se terminent en CFIT au cours de la période de l’étude ne représentent que 1 % de tous les accidents signalés, mais ils représentent environ 6 % de toutes les pertes de vie. Dans l’ensemble, 52 % des accidents causés par un vol VFR en IMC avec CFIT ont été mortels, comparativement à seulement 11 % en moyenne pour tous les autres types d’accidents.

1.18.2 Gestion de l’information et conscience situationnelle

La conscience situationnelle peut être divisée en 3 élémentsNote de bas de page 96. Pour les pilotes, il s’agit de la perception des caractéristiques pertinentes de l’environnement, la compréhension des caractéristiques et de l’information, et la prédiction avec exactitude de leur effet sur la progression du vol.

Les pilotes utilisent différentes sources d’information pour veiller à ce qu’ils acquièrent et une bonne conscience situationnelle et la maintiennent avant et pendant un vol. Toutefois, les sources de l’information de vol peuvent varier en fonction d’un certain nombre de facteurs, comme la route et la destination. Un pilote disposant de peu de sources d’informations avant un vol est susceptible d’être prudent lorsqu’il décide de décoller, puisqu’il lui est plus difficile d’établir à l’avance une conscience situationnelle pour l’ensemble du plan de vol. Un pilote qui comprend qu’il ne disposera que de peu de sources d’information pendant le vol est susceptible de s’assurer d’évaluer une quantité suffisante d’information avant le vol pour déterminer si le plan de vol peut être exécuté en toute sécurité. À l’inverse, un pilote qui a accès à de multiples sources d’information avant et pendant le vol peut être en mesure d’aller de l’avant avec le vol et de continuellement mettre à jour sa conscience situationnelle d’un segment de vol à l’autre.  

Les pilotes de Seair ont accès à de multiples sources de renseignements météorologiques, y compris l’application Web de suivi de vol de Latitude Technologies qui leur permet de visualiser en temps réel la trajectoire suivie par d’autres pilotes de Seair. Une fois en vol, les pilotes de Seair ont également accès à plusieurs sources d’information, comme les rapports d’autres pilotes de Seair dans le secteur, et ils ont accès à des appareils électroniques personnels, entre autres pour des appels radio, des appels par téléphone cellulaire, des messages texte et des téléchargements Internet dans le but d’obtenir des mises à jour météorologiques.

Avant le décollage, les pilotes de Seair, y compris les cadres d’exploitation, utilisent régulièrement l’arbre décisionnel de la politique en matière de conditions météorologiques de Seair (annexe C). Cet outil d’aide à la prise de décisions encourage l’utilisation de sources de données multiples pour évaluer les conditions météorologiques et intègre les limites VFR en matière d’altitude et de visibilité. L’arbre décisionnel demande explicitement au pilote de répondre, par oui ou par non, à la question suivante [traduction] : « Les conditions ou les prévisions météorologiques seront-elles inférieures aux minimums exigés pendant le vol? » Même si la réponse est oui, la décision de renoncer au vol n’est pas automatiquement prise. Le pilote peut évaluer d’autres facteurs, comme les conditions météorologiques à la destination, les mises à niveau de l’aéronef et le degré de nervosité des passagers. Dans cette optique, les multiples sources d’information avant le vol et la connaissance des multiples sources d’information en vol permettent aux pilotes de Seair de prendre la décision d’effectuer le vol, même si les prévisions indiquent des conditions météorologiques inférieures aux minimums VFR.

Le jour de l’événement à l’étude, le pilote a utilisé plusieurs sources de données pour prendre la décision d’effectuer le vol, même si les conditions météorologiques sur une partie de la trajectoire n’étaient pas propices à un vol VFR. Le pilote dans l’événement à l’étude a continué de se fier à de multiples sources d’informations en vol, notamment le téléchargement de données, les appels radio, les messages texte et les rapports verbaux du gestionnaire des opérations de Seair, qui partait du camp de pêche.

1.18.3 Décisions fondées sur les menaces par rapport aux décisions fondées sur les objectifs

Sans méthodes adéquates d’atténuation des risques, comme des activités de supervision indépendantes et des mesures de contrôle des risques, les risques associés à un vol pourraient ne pas être réduits au minimum, dans la mesure du possible. Si aucune méthode n’est adoptée pour atténuer les risques, l’attention du pilote peut passer de la sécurité du vol (orientée sur le risque) à l’exécution du vol (orientée sur l’objectif). Lorsque l’attention d’une personne est orientée sur l’objectif plutôt que sur le risque, il est possible qu’elle adopte un comportement favorisant la prise de risques.

Les personnes qui exercent des activités très risquées qui engendrent peu ou pas de répercussions négatives sont susceptibles de continuer à prendre de grands risques. Avec le temps, une désensibilisation ou une habitude peut s’installer en ce qui a trait au degré du risque encouru. Par exemple, des réussites répétées peuvent inciter un pilote à croire que les mêmes situations engendreront toujours des réussites. Cette réussite antérieure influe sur le comportement favorisant la prise de risques, ce qui à son tour entraîne un nouveau niveau de confort par rapport aux comportements risquésNote de bas de page 97. L’absence de mesures d’atténuation pour ajuster la perception du risque peut mener une personne à sous-évaluer les risques et, par conséquent, à entreprendre plus d’activités très risquéesNote de bas de page 98. Le risque peut encore augmenter lorsque, à mesure que les valeurs du groupe changent, les décisions très risquées deviennent normales et acceptées dans un groupe.

Seair reconnaît que de nombreux vols comportent un élément de risque, étant donné les conditions météorologiques très variables et la fréquence des bancs de nuages à basse altitude . Par conséquent, les risques relatifs aux conditions météorologiques ne sont pas évités, mais plutôt évalués pour déterminer s’il est possible d’effectuer le vol.

1.18.4 Dynamique de groupe

Les décisions prises par les groupes et au sein des groupes peuvent être un moyen efficace de prendre une décision essentielle à la sécurité. En particulier, la prise de décisions de groupe fondée sur plusieurs sources de communication, lorsqu’elle est encadrée systématiquement par une gestion objective et appropriée des dangers et des risques, peut s’avérer très efficace. En ce qui concerne les opérations aériennes, les décisions et les mesures prises doivent être encadrées systématiquement par des qualifications objectives, des niveaux de compétences, des règles et des critères de vol, ainsi que des activités de supervision du vol indépendantes. Parfois, un arbre décisionnel fondé sur des règles et des critères de vol objectifs est utilisé. Par conséquent, lorsque la prise de décisions est encadrée par des critères objectifs (par exemple, les limites d’altitude ou de visibilité), qui limitent la probabilité de biais issus d’un groupe, il y a des avantages à utiliser plusieurs sources d’information et de communication au sein d’un groupe pendant la prise de décisions. Toutefois, si la prise de décision n’est pas encadrée par des mesures objectives d’atténuation, la dynamique de groupe peut être influencée par de nombreuses variables, comme les besoins commerciaux de la compagnie, l’expérience antérieure et les attentes sociales.

La dynamique de groupe peut entraîner les conséquences suivantesNote de bas de page 99,Note de bas de page 100 :

Chez Seair, les décisions d’effectuer un vol régulier ou d’y renoncer sont généralement prises par les pilotes individuellement. Toutefois, dans le cas de vols nolisés exécutés par plusieurs aéronefs, ces décisions sont prises soit ouvertement ou implicitement en groupe. Pour ce qui est des décisions prises ouvertement, le groupe de pilotes pourrait décider d’un jour ou d’un moment convenable pour effectuer le vol, d’un commun accord. Concernant les décisions prises implicitement, un ou plusieurs pilotes pourraient décider d’effectuer un vol, ou pourraient avoir déjà effectué un vol, et les autres constateraient la réussite du vol et prendraient une décision en conséquence. Dans les deux cas, les cadres d’exploitation planifient un vol et prennent la décision d’effectuer le vol ou d’y renoncer en même temps que les autres pilotes. De plus, le président de la compagnie est souvent présent pendant ces périodes de prise de décisions des pilotes.   

Une fois en vol, les décisions sur la faisabilité et la poursuite du vol sont souvent prises en groupe. Dans ce cas, les pilotes échangent des renseignements concernant une route vers laquelle ils se dirigent ou une route suivie. Les renseignements peuvent inclure des détails tels que la visibilité, la présence de nuages et le temps nécessaire pour sortir de secteurs avec des nuages à basse altitude. Les renseignements fournis sur une route à suivre sont susceptibles de renforcer le modèle mental d’un pilote à l’égard de cette route, ou de renforcer ou créer des attentes. Le pilote peut alors aller de l’avant, avec la possibilité de rechercher les repères visuels attendus (par exemple, un ciel clair après des nuages). Toutefois, avec de telles attentes, le pilote pourrait avoir à chercher ces repères au détriment d’autres repères visuels, comme des repères permettant d’éviter le relief.

Le jour de l’événement, le groupe de pilotes, y compris le pilote dans l’événement à l’étude, avait achevé la planification avant le vol et avait décidé ouvertement, en présence de cadres d’exploitation et du président de la compagnie, d’effectuer les vols. L’un des cadres d’exploitation avait alors choisi de partir avant les autres pilotes. Un pilote, qui ne s’était jamais rendu dans ce secteur ou à cette destination, a refusé d’effectuer le vol en raison de préoccupations concernant les conditions météorologiques au lieu de destination, et il a été remplacé par le chef pilote. Le pilote dans l’événement à l’étude était au courant de cette décision, mais il a néanmoins décidé d’effectuer le vol. Pendant le vol à l’étude, la décision du pilote de continuer vers le nord a probablement été influencée par les observations météorologiques du pilote qui se dirigeait vers le sud (le gestionnaire des opérations de Seair).

1.18.5 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. Les enjeux suivants tirés de la Liste de surveillance concernent l’événement à l’étude.

1.18.5.1 Gestion de la fatigue dans le transport aérien

Dans l’industrie du transport, les équipages doivent souvent composer avec de longues heures de travail et des horaires irréguliers, parfois sur plusieurs fuseaux horaires ou dans des conditions difficiles, qui ne sont pas toujours propices à un sommeil réparateur. La fatigue pose un risque pour la sécurité dans le transport aérien vu l’incidence défavorable qu’elle peut avoir sur plusieurs aspects de la performance humaine.

En décembre 2018, TC a publié de nouvelles exigences concernant la gestion de la fatigue des équipages de conduite dans la Partie II de la Gazette du Canada. La réglementation a une période de mise en œuvre échelonnée. Les exploitants aériens assujettis aux sous-parties 703 et 704 du RAC disposent de quatre ans, soit jusqu’à décembre 2022, pour respecter les nouvelles exigences.

La nouvelle réglementation donne en outre la possibilité aux exploitants aériens de mettre en œuvre un système de gestion des risques liés à la fatigue (SGRF) afin de cerner et de réduire au minimum les sources de fatigue et de gérer les risques liés à la fatigue dans une activité donnée.

MESURES À PRENDRE

La gestion de la fatigue dans le transport aérien demeurera sur la Liste de surveillance du BST jusqu’à ce que les mesures suivantes soient prises :

  • Les exploitants aériens canadiens menant leurs activités en vertu des sous-parties 703, 704 et 705 du RAC mettent en œuvre et respectent la nouvelle réglementation sur la gestion de la fatigue des équipages de conduite.
  • L’incidence de cette nouvelle réglementation sur les activités aéronautiques au Canada est évaluée par le BST.
1.18.5.2 Gestion de la sécurité

Les SGS sont des cadres reconnus à l’échelle internationale qui permettent aux compagnies de cerner les dangers, de gérer les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités, idéalement avant que ne survienne un accident. Bien que l’enjeu de la gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance depuis 2010, les rapports d’enquête du BST continuent de faire état de diverses lacunes et préoccupations.

Il n’y a eu que peu de progrès pour étendre l’utilisation des SGS au-delà des exploitants assujettis à la sous-partie 705 du RAC. Les exigences en matière d’utilisation de SGS ne s’appliquent toujours pas aux exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC, aux unités de formation au pilotage (assujettis à la sous-partie 406 du RAC) ou aux exploitants d’aérodromes non certifiés. Ensemble, les exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC représentent plus de 90 % de tous les exploitants aériens commerciaux au Canada.

Ainsi, plus de 90 % des exploitants aériens commerciaux au Canada ne sont pas tenus d’avoir un SGS. Bon nombre d’entre eux sont de petites entreprises et, sans l’aide d’un SGS, elles continuent de manquer des occasions d’améliorer la sécurité de leurs activités. Par conséquent, la probabilité d’un plus grand nombre de pertes de vie et de blessures graves demeure élevée Note de bas de page 101.

Bien que des progrès aient été réalisés dans la réponse aux 3 recommandations du BST sur cet enjeu, ces progrès ont été sporadiques et TC n’envisage pas de modifier l’exigence de posséder un SGS ou de l’étendre à d’autres secteurs de l’aviation commerciale au Canada tant que son examen continu de la politique sur les SGS n’aura pas été terminé.

MESURES À PRENDRE

La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport aérien jusqu’à ce que :

  • TC mette en œuvre de la réglementation obligeant tous les exploitants commerciaux à adopter des processus formels pour la gestion de la sécurité;
  • Les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien et qu’il permet donc de cerner les dangers et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour atténuer les risques.
1.18.5.3 Surveillance réglementaire

Tous les transporteurs sont responsables de gérer les risques en matière de sécurité au sein de leur organisation et dans le cadre de leurs activités. La réglementation aide les exploitants à se doter d’un cadre directeur et à fixer certaines exigences minimales et certains niveaux minimaux de sécurité. Toutefois, il incombe aux exploitants de satisfaire à ces exigences. TC est tenu d’inspecter les exploitants et d’effectuer des vérifications auprès d’eux afin de s’assurer qu’ils se conforment à cette réglementation et qu’ils respectent les niveaux minimaux de sécurité.

Cependant, la surveillance n’a pas toujours été efficace, et le BST a relevé diverses lacunes et préoccupations au fil des ans.

TC ne parvient pas toujours efficacement à cerner les lacunes dans les processus de gestion de la sécurité au sein des entreprises et à intervenir à temps. De plus, on a relevé à certaines occasions un déséquilibre entre l’utilisation d’inspections classiques pour vérifier la conformité aux règlements et la vérification des processus de sécurité des entreprises pour déterminer leur bon fonctionnement.

La population canadienne qui voyage au moyen des services de transport et qui utilise les services fournis par des transporteurs inspectés et approuvés par TC s’attend à ce que les activités de ces transporteurs soient sécuritaires et qu’elles respectent les exigences réglementaires de base. Dans le cas où les activités ne sont pas adéquates, la population canadienne s’attend à ce que TC prenne des mesures proactives afin d’assurer que ces exploitants se conforment à nouveau à la réglementation en temps opportun.

Toutefois, lorsque cela ne se produit pas et que les mesures de surveillance ne sont pas suffisantes pour déceler les lacunes de sécurité, ou si TC n’est pas en mesure d’intervenir pour s’assurer que les exploitants prennent les mesures correctives appropriées, des pratiques d’exploitation dangereuses ou non conformes peuvent persister. Par conséquent, il se peut que les niveaux minimaux de sécurité ne soient pas atteints, ce qui compromet la sécurité des gens, des biens et de l’environnement.

En 2019, TC a élaboré et mis en place des lignes directrices, des outils et de la formation pour améliorer la qualité des constatations tirées des activités de surveillance, ainsi que les décisions prises relativement à la surveillance de l’aviation commerciale et sa méthodologie de planification axée sur les risques.

MESURES À PRENDRE

La surveillance réglementaire restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport aérien jusqu’à ce que TC démontre, au moyen d’évaluations des activités de surveillance, que les nouvelles procédures de surveillance permettent de déceler et de corriger les non-conformités et que TC s’assure qu’une entreprise se conforme à nouveau à la réglementation en temps opportun et qu’elle est en mesure de gérer la sécurité de ses activités.

1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

L’enquête n’a révélé aucune défaillance ou anomalie dans le fonctionnement mécanique de l’aéronef. Le pilote connaissait bien la zone géographique du vol, et rien n’indique que des facteurs médicaux ou pathologiques auraient pu nuire à son rendement. L’accident présentait des chances de survie parce que l’aéronef a percuté des arbres dans une assiette presque horizontale, ce qui a dispersé les forces d’impact sur une plus grande distance. De plus, les flotteurs se sont séparés de l’aéronef tard dans la séquence d’impact et ont ainsi absorbé une partie des forces d’impact.

L’aéronef a décollé de l’hydroaérodrome international de Vancouver (CAM9) à un moment où les prévisions de zone graphique à proximité de la destination indiquaient des zones présentant des conditions inférieures à celles établies pour les vols selon les règles de vol à vue (VFR), et la majorité des images des caméras météo à proximité de la destination laissaient voir des conditions inférieures à celles établies pour les vols VFR. À mesure que l’aéronef approchait de la destination, il entrait dans des conditions inférieures aux minimums visuels, ce qui a mené à un impact sans perte de contrôle (CFIT).

L’analyse réalisée dans le cadre de la présente enquête portera sur les conditions de la prise de décisions par le pilote, le CFIT, la technologie dans le poste de pilotage, l’acceptation de pratiques non sécuritaires, la surveillance des opérations aériennes, la fatigue, la surveillance réglementaire et les systèmes de gestion de la sécurité (SGS).

2.1 Prise de décisions du pilote

Entre l’heure de départ prévue à l’origine et l’heure de départ réelle du premier aéronef de Seair à destination de la côte centrale de la Colombie-Britannique (C.-B.), la majorité des images provenant des caméras météo de l’île Calvert et de l’île Addenbroke laissaient voir des conditions météorologiques inférieures au minimum de visibilité requis pour effectuer un vol VFR, la majeure partie du relief environnant étant partiellement ou entièrement cachée par les nuages, la pluie et la brume. Même si les conditions météorologiques étaient inférieures aux minimums VFR à proximité de la destination, l’arbre décisionnel de Seair sur sa politique météorologique indiquait qu’un commandant de bord pouvait décider d’annuler, de retarder ou d’effectuer le vol.

Les cadres d’exploitation et le président de la compagnie sont souvent présents lorsque les pilotes de Seair prennent des décisions concernant un vol nolisé. De plus, le président, qui accorde beaucoup d’importance aux besoins commerciaux de sa compagnie en raison de son rôle, est souvent présent lorsque les cadres d’exploitation prennent des décisions concernant leurs propres vols.

Les décisions prises par les groupes et au sein des groupes peuvent être un moyen efficace de prendre une décision essentielle à la sécurité. En particulier, la prise de décisions de groupe fondée sur plusieurs sources de communication, lorsqu’elle est encadrée systématiquement par une gestion objective et appropriée des dangers et des risques, peut s’avérer très efficace. En ce qui concerne les opérations aériennes, les décisions et les mesures prises doivent être encadrées systématiquement par des qualifications objectives, des niveaux de compétences, des règles et des critères de vol, ainsi que des activités de supervision du vol indépendantes. Parfois, un arbre décisionnel fondé sur des règles et des critères de vol objectifs est utilisé.

Bien que les décisions de groupe puissent être bénéfiques, sans méthodes d’encadrement objectives appliquées efficacement et systématiquement, la prise de décisions peut être sujette à un biais subjectif et à la prise de risques. Un groupe, en particulier s’il est composé d’individus ayant des niveaux d’ancienneté différents, peut être exposé aux biais de groupe, notamment le conformisme la complaisance et la pensée de groupe. Par conséquent, si les minimums météorologiques pour le vol VFR ne sont pas systématiquement respectés, si on ne dispose pas de directives ou de formation sur les procédures d’exploitation normalisées (SOP) abordant la gamme de conditions possibles, ou si on utilise des outils pour la prise de décisions comme les arbres décisionnels qui vont à l’encontre des critères objectifs, alors les décisions peuvent être prises sans tenir compte de critères objectifs, et le groupe risque de ne pas être en mesure d’arriver à prendre une décision essentielle à la sécurité. Il est possible que les décisions des pilotes et des cadres d’exploitation soient influencées par une dynamique de groupe qui les pousse à prendre plus de risques que si les décisions étaient prises individuellement.

L’enquête n’a révélé aucune indication de pression directe de la part de l’exploitant sur le pilote dans l’événement à l’étude pour que ce dernier effectue le vol le jour de l’événement. Toutefois, l’aéronef a décollé de l’hydroaérodrome international de Vancouver même si les conditions météorologiques rapportées et prévues à proximité de la destination étaient inférieures aux minimums VFR. La décision d’effectuer le vol aurait pu être influencée par la dynamique de groupe, composé de pilotes et de cadres d’exploitation de Seair, pendant l’étape de la planification du vol.

Environ 40 minutes avant l’accident, l’aéronef est descendu de l’altitude de croisière, probablement dans le but de maintenir les repères visuels à la surface. Pendant ces 40 minutes, le pilote a continué de descendre, pour enfin se mettre en palier à environ 230 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) dans un secteur avec des nuages bas, de la brume et du brouillard qui obscurcissaient des parties du relief environnant. L’aéronef a amorcé une montée graduelle à 0,12 mille marin du rivage de l’île Addenbroke et a percuté des arbres à environ 490 pieds ASL. L’enquête a permis de déterminer que la visibilité était probablement réduite à ½ mille terrestre ou moins dans les environs de l’île Addenbroke. Alors qu’il pénétrait dans cette zone de visibilité réduite, le pilote a poursuivi le vol vers la destination.

Selon les lignes directrices publiées par Transports Canada (TC) concernant la vérification de compétence des exploitants aériens qui effectuent des vols VFR de jour, aucune formation de base n’est requise pour le vol aux instruments et aucune formation sur les manœuvres de rétablissement n’est requise pour sortir de conditions météorologiques défavorables.

Comme indiqué dans le rapport d’enquête sur une question de sécurité (SII) du BST portant sur le secteur du taxi aérien, le cadre réglementaire comporte des failles, notamment en ce qui a trait à la formation et à la qualification du personnel, ce qui démontre que la réglementation et les normes ne peuvent pas suffire à assurer la sécurité dans le secteur. Quoique la réglementation prévoie des exigences de formation obligatoires pour certaines activités spécialisées à risque élevé , comme les vols de nuit, aucune exigence de la sorte n’est imposée pour plusieurs autres activités spécialisées, comme les vols en montagne ou côtiers. Les exigences de formation obligatoire pourraient ainsi ne pas couvrir les nombreux aspects uniques au secteur du taxi aérien. Sans formation spécialisée obligatoire correspondant à leur environnement opérationnel, les pilotes pourraient ne pas avoir les connaissances et compétences nécessaires pour assurer la sécurité des opérations aériennes. Comme le démontre l’événement à l’étude, si les pilotes ne suivent pas une formation spécialisée qui aborde les risques liés à leur environnement de vol, il y a un risque qu’ils n’aient pas les compétences particulières nécessaires pour respecter les marges de sécurité.

2.2 Impact sans perte de contrôle

Au cours du vol à l’étude, rien n’indique que le pilote avait l’intention d’amerrir avant d’atteindre sa destination ou de faire demi-tour en raison de la visibilité réduite.

Il est probable que le pilote utilisait le pilote automatique et naviguait à l’aide du GPS (système de positionnement mondial), une pratique courante chez Seair. Si c’était le cas, le pilote aurait eu largement recours aux écrans électroniques du poste de pilotage pour la navigation et pour effectuer le vol en l’absence de repères visuels adéquats, puisqu’il pilotait à basse altitude dans des conditions de visibilité réduite. D’après les observations météorologiques du pilote qui volait en sens inverse, l’île Addenbroke était visible; il est donc probable que le pilote s’attendait à établir un repère visuel avec l’île en sortant des conditions de visibilité réduite.

Les dommages subis par l’aéronef et les arbres sur le lieu de l’accident étaient des indicateurs de la vitesse et de l’assiette de l’aéronef immédiatement avant l’impact. La trace qui marquait le passage de l’aéronef dans les arbres était longue, droite et relativement plate. En outre, les dommages extrêmes aux arbres et à l’aéronef indiquent que celui-ci volait à une vitesse relativement élevée, mais qu’il n’y a pas eu de montée rapide avant la collision avec le relief. Les dommages causés aux pales de l’hélice et la matière végétale dans le moteur correspondent aux données de vol indiquant que le moteur fonctionnait normalement.

Alors qu’il approchait de l’île Addenbroke, le pilote a effectué un léger virage vers l’ouest et amorcé une montée superficielle; toutefois, on ne sait pas quand il a eu un contact visuel avec l’île, ou même s’il l’a vue. D’après le site de l’accident et les données de vol, le pilote n’a pas réagi d’une manière qui laisse croire qu’il reconnaissait la proximité du relief. L’enquête a permis de déterminer que le pilote a poursuivi le vol dans des conditions de visibilité réduite, sans reconnaître la proximité du relief, et est entré en collision avec le relief ascendant de l’île Addenbroke.

2.3 Technologie dans le poste de pilotage

L’enquête a permis de déterminer que le système d’accroissement de la vision (Terrain-SVS) à bord de l’aéronef à l’étude était actif au moment de l’accident. L’analyse de l’image qui devait s’afficher sur l’écran principal de vol (PFD) du pilote a permis de déterminer que la partie colorée de la masse terrestre représentant l’île Addenbroke ne constituait qu’environ 6 % de la taille réelle de l’île. L’image montrait donc 94 % de l’île en bleu, ce qui indique qu’il s’agissait de l’océan.

Par conséquent, si le Terrain-SVS est le seul instrument utilisé comme outil d’aide à la navigation dans des conditions de visibilité réduite, malgré les nombreuses mises en garde dans les documents reliés au système Garmin G1000 indiquant de ne pas l’utiliser comme source principale pour la navigation, un pilote éprouverait probablement des difficultés à déterminer l’emplacement de l’île.

Étant donné que le pilote avait bloqué (désactivé) la fonction d’évitement d’obstacle à balayage frontal de l’aéronef, il n’y aurait eu aucune alerte sonore provenant des haut-parleurs de l’aéronef ni alerte visuelle sur le PFD mettant en évidence le relief ascendant devant l’aéronef.

La configuration des systèmes d’alerte visuelle et sonore, ainsi que l’ambiguïté engendrée par les couleurs de l’écran principal de vol du système Garmin G1000, n’ont pas alerté le pilote dans l’événement à l’étude par rapport au relief ascendant.

2.4 Culture de sécurité de la compagnie et acceptation de pratiques non sécuritaires

L’enquête sur une question de sécurité du BST portant sur les activités de taxi aérien a révélé que les 2 grands facteurs contributifs des accidents de taxi aérien sont l’acceptation de pratiques non sécuritaires et la gestion inadéquate des dangers opérationnels. Des pratiques non sécuritaires peuvent être acceptées progressivement dans l’exécution des tâches, dans une dérive des pratiques sécuritaires qui passe inaperçue, ce qui réduit la marge de sécurité.

Dans l’événement à l’étude, l’aéronef a décollé avec 1200 livres de carburant, 8 passagers et au moins 320 livres de fret à bord. Même si le plan de vol exploitation indiquait que la masse et le centre de gravité s’inscrivaient dans les limites prescrites pour l’aéronef, l’enquête a permis de déterminer que les calculs du plan de vol exploitation ne reflétaient pas fidèlement la charge réelle de l’aéronef. Un examen attentif du poids du carburant, des occupants et du fret à bord de l’aéronef a permis d’établir que la masse de l’aéronef dépassait d’environ 400 livres la masse maximale autorisée au décollage. Si l’aéronef est exploité avec une masse supérieure à la masse maximale autorisée au décollage, il y a un risque que les performances se dégradent et que des caractéristiques défavorables de vol soient présentes, ce qui pourrait compromettre la sécurité du vol.

Lors du chargement des bagages des passagers et du fret à bord de l’aéronef à l’étude, l’équipement de certains passagers était trop grand pour être rangé dans le compartiment de fret à l’arrière de la cabine. Cet équipement a été arrimé à la cabine de l’aéronef, mais devant une issue de secours. Si le fret est arrimé devant les issues de secours, toute évacuation pourrait être entravée pendant une situation d’urgence, ce qui entraînerait un temps d’évacuation accru et des risques de blessures.

Le pilote automatique de l’aéronef à l’étude était certifié pour être utilisé en route et pour effectuer des approches aux instruments. À bord du Caravan, il est certifié à une altitude minimale de 800 pieds au-dessus du sol (AGL) lorsqu’il est utilisé dans la phase en route du vol, et à 200 pieds AGL lorsqu’il est utilisé en approche aux instruments. Il est probable que le pilote dans l’événement à l’étude utilisait le pilote automatique de l’aéronef tout au long du vol, y compris à des altitudes proscrites par le fabricant. L’enquête n’a pas permis de déterminer si le pilote dans l’événement à l’étude était au courant de cette limite établie.

Enfin, le pilote utilisait activement un téléphone cellulaire tout au long du vol; l’exploitant n’offrait aucune directive ni aucune restriction quant à l’utilisation autorisée d’un téléphone cellulaire en vol.

Sans données de vol historiques, et parce qu’aucune activité de supervision des pilotes n’a été consignée, l’enquête n’a pas permis de déterminer si le pilote dans l’événement à l’étude avait dévié vers l’adoption de pratiques non sécuritaires ou si ces pratiques étaient courantes chez Seair.

Bien que la réglementation en vigueur ne l’exige pas, Seair tient à jour des SOP pour sa flotte de Caravan. Les SOP ne sont pas conçues pour remplacer les manuels d’aéronef ni pour couvrir toutes les circonstances; elles servent à aider les pilotes à s’acquitter de leurs fonctions de façon normalisée. Toutefois, les SOP de Seair pour le Caravan n’offrent aucune directive ou norme sur la façon de configurer et d’utiliser le Terrain-SVS pour le pilotage dans des conditions de visibilité réduite, sur les utilisations approuvées du Terrain-SVS, sur le blocage manuel de la fonction d’évitement d’obstacle à balayage frontal (FLTA) du système Garmin G1000, sur la sortie d’une zone si les conditions météorologiques se détériorent sous les minimums VFR, ni sur la sélection — ou la nécessité de considérer — d’autres sites d’atterrissage lors de la planification du vol.

L’enquête a permis de déterminer que la formation suivie par le pilote de l’événement à l’étude était conforme à la réglementation en vigueur au moment de l’événement. Toutefois, comme il a été mentionné précédemment, les exigences de formation obligatoire pourraient ainsi ne pas couvrir les nombreux aspects uniques au secteur du taxi aérien. L’enquête a révélé que le pilote dans l’événement à l’étude n’avait reçu aucune formation additionnelle en matière d’avertissement d’impact et de SVS, d’évitement de CFIT, de gestion des ressources pour pilote seul aux commandes, de manœuvres de rétablissement en cas de perte de repères visuels, ni n’avait pas suivi de formation de base récurrente sur les instruments.

Enfin, avant un décollage, les pilotes de Seair, y compris les cadres d’exploitation, utilisent régulièrement l’arbre décisionnel de Seair sur sa politique météorologique. Cet outil d’aide à la prise de décisions pendant la planification du vol permet aux pilotes de Seair de prendre la décision d’effectuer le vol, même si les prévisions indiquent des conditions météorologiques inférieures aux minimums VFR.

L’absence de directives organisationnelles dans l’événement à l’étude démontre la nécessité que les exploitants évaluent continuellement et objectivement les risques et qu’ils imposent des mesures d’évitement ou d’atténuation (lorsque les événements ne peuvent être évités). Si des évaluations continues et objectives des risques ne sont pas menées, des pratiques non sécuritaires peuvent être adoptées et, si de telles pratiques sont acceptées au fil du temps en tant que méthodes de travail « normales », le risque d’accident augmente. Quand des pratiques non sécuritaires n’ont aucun effet négatif et donnent très souvent des résultats positifs (comme un vol parvenant à destination et des clients satisfaits), l’acceptation de ces pratiques non sécuritaires peut sembler rationnelle, et elles finissent éventuellement par devenir la norme. L’attention portée à la réalisation du vol (orientée sur l’objectif), plutôt que sur la sécurité du vol (orientée sur le risque), est susceptible d’inciter les pilotes à accepter le risque pour atteindre la destination.

Seair reconnaît que la plupart des vols effectués dans sa zone d’exploitation comportent un élément de risque, étant donné les conditions météorologiques variables. Par conséquent, les risques météorologiques ne sont pas évités, mais plutôt évalués pour déterminer si le vol peut être effectué. L’acceptation des pratiques non sécuritaires, comme le démontre l’événement à l’étude, peut entraîner une culture d’entreprise où les pilotes continuent à prendre des risques parce qu’ils n’en subissent aucune conséquence négative et, par conséquent, de tels comportements ne sont plus considérés comme étant « risqués ». Si les exploitants aériens n’adoptent pas une méthodologie pour évaluer avec précision les risques inhérents aux activités quotidiennes, il y a un risque que les pratiques non sécuritaires deviennent courantes et que les exploitants ne soient pas conscients de l’augmentation des risques.

2.5 Surveillance des opérations aériennes

Le vol à l’étude démontre au moins 4 écarts par rapport aux limites et à la réglementation (masse au décollage supérieure à la masse maximale brute autorisée au décollage, utilisation du système de pilote automatique de l’aéronef à moins de 800 pieds AGL, vol sous l’altitude minimale d’exploitation et vol effectué en deçà de la visibilité minimale). De plus, le Caravan de Seair qui volait à proximité de l’île Addenbroke au moment de l’accident démontre au moins 2 autres cas d’écarts par rapport à la réglementation en ce qui concerne l’altitude et les minimums de visibilité.

Conformément à la réglementation, Seair mène une formation de vol annuelle avec les pilotes, mais l’exploitant n’effectue pas des vérifications de vol régulières auprès des pilotes pour surveiller la façon dont les vols sont effectués en ce qui concerne les limites de l’aéronef, les SOP ou la réglementation, et de telles vérifications ne sont ni exigées ni consignées.

Même si l’aéronef à l’étude était équipé de 3 dispositifs capables d’enregistrer les données de vol, Seair n’avait pas établi de programme de suivi des données de vol (FDM). La compagnie avait la possibilité d’accéder aux données de vol qui indiquaient si les limites d’exploitation étaient respectées. Ces programmes permettent de cerner les problèmes associés à la conformité aux SOP, à la prise de décisions par les pilotes et au respect des limites des aéronefs. Les compagnies peuvent ainsi gérer de manière proactive les risques opérationnels touchant les vols avant qu’un accident ne se produise. Si les exploitants aériens qui disposent de méthodes de suivi des données de vol ne surveillent pas activement leurs opérations aériennes, ils pourraient ne pas être en mesure de cerner une dérive vers des pratiques non sécuritaires qui augmentent le risque pour l’équipage de conduite et les passagers.

2.6 Gestion des risques de fatigue

La fatigue reliée au sommeil peut résulter d’au moins 1 des 6 facteurs de risque; 3 de ces facteurs étaient présents dans cet événement :

L’enquête n’a pas permis d’établir avec certitude le rendement du pilote et ses capacités cognitives au cours de l’événement à l’étude. Toutefois, les données disponibles ont permis de déceler la présence de 3 facteurs de risque de fatigue; l’attention, la vigilance et les fonctions cognitives générales du pilote dans l’événement à l’étude ont fort probablement été influencées dans une certaine mesure par la fatigue.

Le manuel d’exploitation de Seair stipule que la période de repos prévue pour les équipages de conduite doit être utilisée pour obtenir le repos requis. Les membres d’équipage doivent utiliser leur temps libre pour se reposer adéquatement, ou pour être « exempts de fatigue ». Toutefois, Seair ne surveille pas et ne limite pas les activités des membres d’équipage de conduite en dehors des rôles qu’ils occupent chez l’exploitant. Même si l’exploitant savait que le pilote dans l’événement à l’étude occupait un poste non lié au pilotage chez un autre exploitant, la compagnie assurait une surveillance informelle du pilote et a jugé inutile de restreindre son horaire de travail secondaire.

2.7 Surveillance réglementaire

Les exploitants de services de taxi aérien tels que Seair effectuent des vols réguliers et nolisés, tout comme les entreprises de transport aérien, mais ils sont soumis à moins d’exigences réglementaires et, par conséquent, à moins de dispositifs de protection réglementaire par rapport aux exploitants de services de navette ou aux entreprises de transport aérien. Ainsi, la grande variété d’activités de taxi aérien et les risques tout aussi divers qui y sont associés sont régis par un petit ensemble de dispositions. Comme le souligne la SII du BST sur la réduction des risques liés aux activités de taxi aérien au Canada, l’absence de réglementation dans certains domaines peut se traduire par des normes de sécurité plus faibles dans un secteur qui sert de terrain d’entraînement pour les pilotes commerciaux novices et qui comprend de nombreuses opérations parmi les plus risquées de l’aviation canadienne.

Le rôle de TC est de veiller à ce que les exploitants soient capables de gérer les risques inhérents à leurs activités, que les mesures visant à améliorer la sécurité permettent de repérer les dangers et d’atténuer les risques de manière efficace, que les cas de non-respect de la réglementation soient traités rapidement et que des mesures correctives soient prises.

Au cours de l’année qui a précédé l’événement à l’étude, TC avait mené 1 activité de surveillance (surveillance des processus) chez Seair. En outre, aucun contrôle direct de la conformité, y compris des vérifications aux aires de trafic et en vol, ni aucune inspection ciblée n’avaient été effectués pendant cette période pour examiner la gravité du risque et pour déterminer les options possibles d’atténuation des risques. Les pratiques non sécuritaires comme celles observées dans le cadre de l’événement à l’étude (surcharge en vol, déclaration inexacte du poids dans un plan de vol exploitation, bagages arrimés devant une issue de secours, départ dans des conditions météorologiques inférieures aux minimums VFR et poursuite du vol dans des conditions inférieures aux minimums VFR) n’ont pas été relevées, tandis que d’autres problèmes concernant les carnets des aéronefs et les exposés aux passagers ont été relevés.

À la suite de l’événement à l’étude, TC a mené 2 activités de surveillance en matière de navigabilité des aéronefs. Toutefois, TC , opérations aériennes , n’a mené aucune surveillance réactive, comme entreprendre de nouvelles activités de surveillance à la suite d’un événement grave, intensifier les prochaines activités de surveillance et mener des inspections ciblées ou des inspections de la conformité.

Lorsqu’un exploitant n’adopte pas des pratiques sécuritaires conformes à sa philosophie, à ses politiques et à ses procédures, l’organisme de réglementation devrait non seulement intervenir, mais le faire de manière à réussir à changer les pratiques d’exploitation non sécuritaires.

Si les activités de surveillance menées par TC auprès des exploitants sont insuffisantes, il y a un risque que les exploitants aériens ne se conforment pas à la réglementation ou dérivent vers des pratiques non sécuritaires, ce qui réduit les marges de sécurité.

2.8 Systèmes de gestion de la sécurité

Un SGS a pour but de promouvoir une gestion proactive des risques par les exploitants. Bien que les éléments et processus nécessaires d’un SGS soient bien établis, leur efficacité dépend de la culture de sécurité de l’organisation. Tout comme l’ensemble de valeurs et de croyances oriente le comportement de chaque individu, la culture de sécurité d’une organisation détermine dans quelle mesure les processus et éléments d’un SGS sont utilisés. Il est peu probable qu’une culture de sécurité qui ne favorise pas un SGS dynamique comprenne des processus efficaces pour signaler les dangers.

Un SGS est un système documenté de gestion des risques. L’efficacité d’un système dépend en partie de l’information qui alimente le système, comme les données de vol, la formation, les vérifications, et les rapports proactifs ou réactifs. L’enquête n’a permis de trouver aucune indication démontrant que les pilotes de Seair signalent les vols effectués par inadvertance dans des conditions inférieures aux minimums VFR et les écarts concernant les projections visuelles du système Garmin G1000 des reliefs environnants.

Il n’existe aucune exigence réglementaire selon laquelle les exploitants de taxi aérien doivent mettre en œuvre et tenir à jour un SGS. Par conséquent, dans le cas d’exploitants de taxi aérien qui tiennent un SGS, TC ne détient pas les pouvoirs nécessaires pour surveiller leur efficacité. À ce titre, les exploitants n’obtiennent aucune rétroaction sur l’efficacité globale de leur SGS, y compris la capacité du système à cerner les risques et à les atténuer avant qu’ils n’entraînent un incident ou un accident. Si TC ne rend pas les systèmes de gestion de la sécurité obligatoires, ne les évalue pas et n’en assure pas la surveillance, il y a un risque accru que les compagnies n’arrivent pas à repérer et atténuer efficacement les risques connexes dans le cadre de leurs activités.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. L’aéronef a décollé de l’hydroaérodrome international de Vancouver même si les conditions météorologiques rapportées et prévues à proximité de la destination étaient inférieures aux minimums selon les règles de vol à vue; la décision d’effectuer le vol aurait pu être influencée par la dynamique de groupe, composé de pilotes et de cadres d’exploitation de Seair, pendant l’étape de la planification du vol.
  2. Le pilote a poursuivi le vol dans des conditions de visibilité réduite, sans reconnaître la proximité de l’aéronef par rapport au relief; il est par la suite entré en collision avec le relief ascendant de l’île Addenbroke.
  3. La configuration des systèmes d’alerte visuelle et sonore, ainsi que l’ambiguïté engendrée par les couleurs de l’écran principal de vol du système Garmin G1000, n’ont pas alerté le pilote dans l’événement à l’étude par rapport au relief ascendant.
  4. L’attention, la vigilance et les fonctions cognitives générales dans pilote de l’événement à l’étude ont fort probablement été influencées dans une certaine mesure par la fatigue.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si les pilotes ne suivent pas une formation spécialisée qui aborde les risques liés à leur environnement de vol, il y a un risque qu’ils n’aient pas les compétences particulières nécessaires pour respecter les marges de sécurité.
  2. Si l’aéronef est exploité avec une masse supérieure à la masse maximale autorisée au décollage, il y a un risque que les performances se dégradent et que des caractéristiques défavorables de vol soient présentes, ce qui pourrait compromettre la sécurité du vol.
  3. Si le fret est arrimé devant les issues de secours, toute évacuation pourrait être entravée pendant une situation d’urgence, ce qui entraînerait un temps d’évacuation accru et des risques de blessures.
  4. Si les exploitants aériens n’adoptent pas une méthodologie pour évaluer avec précision les risques inhérents aux activités quotidiennes, il y a un risque que les pratiques non sécuritaires deviennent courantes et que les exploitants ne soient pas conscients de l’augmentation des risques.
  5. Si les exploitants aériens qui disposent de méthodes de suivi des données de vol ne surveillent pas activement leurs opérations aériennes, ils pourraient ne pas être en mesure de cerner une dérive vers des pratiques non sécuritaires qui augmentent le risque pour l’équipage de conduite et les passagers.
  6. Si les activités de surveillance menées par Transports Canada auprès des exploitants sont insuffisantes, il y a un risque que les exploitants aériens ne se conforment pas à la réglementation ou dérivent vers des pratiques non sécuritaires, ce qui réduit les marges de sécurité.
  7. Si Transports Canada ne rend pas les systèmes de gestion de la sécurité obligatoires, ne les évalue pas et n’en assure pas la surveillance, il y a un risque accru que les compagnies n’arrivent pas à repérer et atténuer efficacement les risques connexes dans le cadre de leurs activités.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1. Le pilote utilisait activement un téléphone cellulaire tout au long du vol; l’exploitant n’offrait aucune directive ni aucune restriction quant à l’utilisation autorisée d’un téléphone cellulaire en vol.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Seair Seaplanes

À la suite de l’accident, Seair a pris les mesures suivantes :

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A — Horaire du pilote dans les 7 jours précédant l’accident

Date(juillet) Jour Rôle de service Heure de la première utilisation du téléphone cellulaire avant l’entrée en service Heure de début de service Heure de fin de service Temps total de service Heure de la dernière utilisation du téléphone cellulaire après le service
19 Vendredi Pilote chez Seair S.O. 6 h 30 18 h 30 12 heures 21 h 11
20 Samedi Pilote chez Seair S.O. 7 h 18 h 30 11 heures 30 minutes S.O.
21 Dimanche Pilote chez Seair S.O. 7 h 18 h 11 heures 18 h 22
22 Lundi Préposé d’escale S.O. 3 h 37 17 h 43 14 heures 6 minutes 20 h 39
23 Mardi Préposé d’escale 1 h 39 3 h 31 17 h 40 14 heures 9 minutes 19 h 45
24 Mercredi Préposé d’escale 5 h 19 6 h 43 17 h 40 10 heures 57 minutes 23 h 04
25 Jeudi Pilote chez Seair S.O. 7 h 45 17 h 30 9 heures 45 minutes 19 h 52
26 Vendredi Pilote chez Seair S.O. 6 h 30 S.O. S.O. S.O.

Annexe B — Prévisions météorologiques et observations météorologiques concernant les phares en date du 26 juillet 2019

Figure B1. Carte de prévision de zone graphique Nuages et temps valide à 5 h, heure avancée du Pacifique (1200Z) (Source : NAV CANADA)
Carte de prévision de zone graphique Nuages et temps valide à 5 h, heure avancée du Pacifique (1200Z) (Source : NAV CANADA)
Figure B2. Carte de prévision de zone graphique Nuages et temps valide à 11 h, heure avancée du Pacifique (1800Z) (Source : NAV CANADA)
Carte de prévision de zone graphique Nuages et temps valide à 11 h, heure avancée du Pacifique (1800Z) (Source : NAV CANADA)
Figure B3. Prévisions locales graphiques valides à 8 h, heure avancée du Pacifique (1500Z)
Prévisions locales graphiques valides à 8 h, heure avancée du Pacifique (1500Z)
Figure B4. Prévisions locales graphiques valides à 11 h, heure avancée du Pacifique (1800Z) (Source : NAV CANADA)
Prévisions locales graphiques valides à 11 h, heure avancée du Pacifique (1800Z) (Source : NAV CANADA)
Table B1. Observations météorologiques des phares à 7 h 30 et à 10 h 30, heure avancée du Pacifique (Source : Garde côtière canadienne)
Phare Observation météorologique à 7 h 30 Observation météorologique à 10 h 30
Île Pine Visibilité : 15 SM Hauteur estimée des nuages : nuages fragmentés à 1500 pieds, couvert nuageux à 2500 pieds Visibilité : 8 SM Hauteur estimée des nuages : nuages fragmentés à 1500 pieds, couvert nuageux à 2500 pieds
Île Egg Visibilité : 15 SM Légères averses de pluie Hauteur estimée des nuages : nuages fragmentés à 1500 pieds, couvert nuageux à 2500 pieds Visibilité : 10 SM Hauteur estimée des nuages : nuages fragmentés à 1500 pieds, couvert nuageux à 2500 pieds
Île Addenbroke Visibilité : 1 ½ SM Faible pluie et brouillard Hauteur estimée des nuages : couvert nuageux à 800 pieds Visibilité : 2 SM Faible pluie et brouillard Hauteur estimée des nuages : couvert nuageux à 800 pieds
Pointe Dryad Visibilité : 3 SM Faible pluie et brouillard Hauteur estimée des nuages : quelques nuages à 500 pieds, nuages fragmentés à 1500 pieds, couvert nuageux à 2500 pieds Visibilité : 4 SM Faible pluie Hauteur estimée des nuages : quelques nuages à 500 pieds, nuages fragmentés à 1500 pieds, couvert nuageux à 2500 pieds
Île Ivory Visibilité : 6 SM Faible pluie et brouillard Hauteur estimée des nuages : quelques nuages à 400 pieds, nuages fragmentés à 2200 pieds, couvert nuageux à 2500 pieds Visibilité : 8 SM Hauteur estimée des nuages : quelques nuages à 400 pieds, nuages fragmentés à 2200 pieds, couvert nuageux à 2500 pieds
Île McInnes Visibilité : ¼ SM Pluie modérée et brouillard Ciel obscurci Visibilité : 1/8 SM Bruine légère et brouillard Ciel obscurci
Falaise Boat Visibilité : 3 SM Faible pluie et brouillard Hauteur estimée des nuages : nuages fragmentés à 800 pieds, couvert nuageux à 1700 pieds Visibilité : 3 SM Faible pluie et brouillard Hauteur estimée des nuages : nuages fragmentés à 800 pieds, couvert nuageux à 1700 pieds
Figure B5. Emplacement des phares (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Emplacement des phares (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Annexe C — Arbre décisionnel de Seair sur sa politique météorologique (en anglais seulement)

Annexe C - Arbre décisionnel de Seair sur sa politique météorologique (en anglais seulement)
Arbre décisionnel de Seair sur sa politique météorologique (en anglais seulement)

Source: Seair Seaplanes