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Rapport d'enquête maritime M91C2004

Abordage
entre le NGCC «GRIFFON»
et le B.P. «CAPTAIN K»
baie de Long Point, lac Érié



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 18 mars 1991 vers 13 h 20, en sortant de la baie de Long Point, le NGCC «GRIFFON» est entré en collision avec le bateau de pêche canadien «CAPTAIN K» qui rentrait au port. La visibilité était considérablement réduite par la brume. Le «CAPTAIN K» a coulé presque immédiatement; les corps des trois membres de l'équipage ont plus tard été retrouvés dans l'épave au moment du renflouement du «CAPTAIN K». Le bateau de pêche, lourdement endommagé, a été déclaré perte implicite totale; le navire de la Garde côtière canadienne n'a subi que quelques éraflures mineures.

Le Bureau a déterminé que le «GRIFFON», qui filait sa pleine vitesse commerciale malgré une visibilité réduite, sans faire entendre de signaux de brume, n'a pas bien identifié une cible radar devant lui et n'a pas pris de mesures pour éviter l'abordage avant que la cible ne soit entrée dans la zone de retours de mer. L'absence d'un radar en état de marche à bord du «CAPTAIN K» a contribué à l'abordage.

1.0 Renseignements de base

1.1 Fiche technique des navires

« GRIFFON » « CAPTAIN K »
Numéro officiel 328110 158606
Port d'immatriculation Ottawa (Ontario) Nanticoke (Ontario)
Pavillon Canadien Canadien
Genre Baliseur 1 / brise-glace léger de type 1100 Chalutier en acier de type Lac Érié
Jauge brut 2,212 tonneauxNote de bas de page 1 11,97 tonneaux
Longueur 71,3m 18,3m
Tirant d'eau Av:Note de bas de page 2 2,,74m Av: 0,9m
(estimatif) Ar:5,0m Ar: 1,8m
Construction 1970 Lauzon (Québec) 1936 Port Dover (Ontario)
Groupe propulseur Diesel-électrique, deux moteurs électriques de 1 471 kW chacun (2 000 SHP0 entraînant deux hélices à pas fixe Moteur diesel 671 Détroit de 149 kW (200 BHP) entraînant une seule hélice à pas fixe
Propriétaires Gouvernement du Canada Lynn-Dover Foods Ltd. Port Dover (Ontario)

1.2 Renseignements sur les navires

1.2.1 «GRIFFON »

Le baliseur et brise-glace léger «GRIFFON» est un navire d'un type couramment utilisé par la Garde côtière canadienne (GCC) pour la manutention des bouées et l'escorte de navires de petit à moyen tonnage dans le sud du Canada et la région sub-arctique. Pendant la majeure partie de la saison de navigation, le «GRIFFON» est exploité à partir de la base du district de la GCC de Prescott (Ontario). Il est principalement utilisé pour la mise en place, l'entretien et l'enlèvement des bouées dans la partie amont du Saint-Laurent, dans la partie ouest du lac Ontario et dans la partie est du lac Érié aux abords du canal Welland. Le navire fait aussi l'entretien d'autres aides à la navigation, maintient en état et ravitaille les phares et exécute des missions de déglaçage. Comme tous les navires de la GCC, le «GRIFFON» est affecté à des opérations de recherches et sauvetage (SAR) lorsque les circonstances l'exigent. Le navire peut transporter un hélicoptère, ce qui augmente le rayon d'action pour les missions d'observation des glaces, de recherches et sauvetage et d'évacuation sanitaire en mer. Selon sa fiche technique, le navire a une vitesse commerciale de 11 noeuds. Le «GRIFFON» a habituellement un équipage de 38 personnes, et même s'il ne comptait qu'un équipage de 29 personnes au moment de l'abordage, tous les officiers de navigation étaient à bord.

1.2.2 «CAPTAIN K»

Le «CAPTAIN K» était un bâtiment typique des nombreux bateaux de pêche qui ont leur port d'attache à Port Dover dans la baie de Long Point et qui font la pêche commerciale sur le lac Érié. Tout en acier, monocoque avec une superstructure partiellement fermée s'étendant de l'avant à l'arrière, le bateau n'avait qu'un seul pont de travail en acier et la coque n'était pas compartimentée. Le moteur principal se trouvait directement en dessous de la timonerie, à peu près au milieu du navire, et était commandé par une manette unique de type Morse placée à bâbord du poste de gouverne du barreur sur l'axe longitudinal du bateau. Le bateau avait une vitesse commerciale de huit noeuds. L'équipement de navigation et de communication était disposé sur toute la largeur de la partie avant de la timonerie, à portée de la main d'une personne assise dans le fauteuil du barreur. Les couchettes des membres de l'équipage étaient placées juste derrière, à bâbord et à tribord, au niveau du pont de superstructure, ce qui ne laissait qu'un mètre de hauteur libre pour la tête au-dessus des couchettes. Une porte du côté bâbord, à l'intérieur de la superstructure, était le seul accès à la timonerie; aucune issue de secours n'était ménagée dans le plafond de la timonerie, et les fenêtres de la timonerie ne permettaient pas un passage facile. Le «CAPTAIN K» était gréé pour le chalutage de la hanche bâbord et de la hanche tribord.

1.3 Déroulement des voyages

1.3.1 «GRIFFON»

Le «GRIFFON» avait été affecté à la remise en place des bouées pour la saison de navigation de 1991. Arrivé à Port Colborne sur le lac Érié pendant la soirée du vendredi 15 mars 1991, le navire est resté à quai dans le port pendant tout le week-end. Le second capitaine (S/C) était resté sur le navire en tant que membre du quart de sécurité, tandis que le capitaine ainsi que le deuxième lieutenant (2/L) s'en étaient allés chez-eux, pour revenir sur le navire à 0 h 30Note de bas de page 3, le lundi 18 mars. Le troisième lieutenant (3/L) était monté à bord à ce moment-là.

Le «GRIFFON» a appareillé de Port Colborne à 8 h 6, le lundi 18 mars, sous la conduite du capitaine, pour entreprendre la remise en place des bouées dans le secteur de la baie de Long Point. Vers 9 h 30, il a commencé à y avoir de la brume. Il restait encore plusieurs bouées à placer et le «GRIFFON» faisait route à sa pleine vitesse commerciale entre les positions des diverses bouées, même si la visibilité était souvent réduite. Vers 11 h 50, alors que la visibilité était très limitée, le 3/L a relevé le quatrième lieutenant (4/L) sur la passerelle, et ce dernier est redescendu. Le 2/L, qui était aussi sur la passerelle, y est demeuré pour aider à la mise en place des dernières bouées. Peu après avoir mouillé la bouée «N» à 12 h 45, le capitaine, après avoir mis le cap vers l'ouest pour s'écarter de la bouée, a passé la conduite du navire au 3/L. Le chef mécanicien (C/M), qui était monté sur la passerelle vers 12 h 40 pour prendre un appel sur le téléphone cellulaire, a parlé au téléphone pendant quelque sept minutes, puis il est demeuré sur la passerelle après avoir raccroché.

Le 2/L a quitté la passerelle vers 12 h 50 et le S/C y est arrivé vers 12 h 55 ou 13 h. Alors, le capitaine, le S/C, le 3/L, le C/M et le barreur se trouvaient sur la passerelle.

De la timonerie, le S/C observait l'équipage de pont en train de préparer la bouée suivante, qui devait être mouillée à une position située à environ 10 milles au sud de Port Stanley. Le capitaine a quitté la passerelle pour redescendre dans ses quartiers peu après 13 h selon les estimations. Il y a ensuite eu une discussion entre les officiers qui se trouvaient sur la passerelle. Le S/C s'est temporairement chargé de la veille, avec l'intention de se faire relever par l'un des membres de l'équipage qui travaillaient sur le pont.

Selon les estimations, la visibilité était limitée à 50 à 100 m, la lame avait une hauteur d'environ 0,5 m, et le «GRIFFON» faisait route avec ses machines à leur régime commercial maximal, filant en moyenne 11½ noeuds passé la bouée «N», sur un cap au 153° gyro (G), avec une erreur gyro nulle. Le radar de tribord était ouvert, mais le navire ne faisait pas entendre de signaux de brume. Le barreur a soudainement aperçu un navire qui approchait et s'est exclamé qu'il allait y avoir collision. De son propre chef, sans ordre des officiers de navigation, il a placé la manette de gouvernail à droite toute. Un moment plus tard, alors que la barre était apparemment déjà à droite toute, le S/C a donné l'ordre de mettre la barre à droite toute tandis que le 3/L allait en toute hâte placer les commandes des deux machines à en arrière toute. Au même instant, le navire est entré en collision avec ce qui semblait être un bateau de pêche du modèle courant sur le lac Érié, qui a ultérieurement été identifié comme étant le «CAPTAIN K». On a noté sur le «GRIFFON» l'heure, soit 13 h 20, et la position estimative de l'abordage, à savoir 42°36′N par 80°02,7′W. Le S/C a sonné l'alerte générale puis a donné l'ordre «paré aux embarcations» sur le système de sonorisation du navire.

Juste après l'impact, on a vu le «CAPTAIN K», qui était alors sur le nez, glisser rapidement l'arrière en premier le long du flanc tribord du «GRIFFON». L'arrière du «CAPTAIN K» était écarté du «GRIFFON», avec lequel le bateau de pêche faisait un angle de 20 à 30°. Les membres de l'équipage de pont du «GRIFFON», qui avaient abandonné à la hâte leurs occupations pour se rendre sur le côté tribord pour observer le bateau de pêche, n'ont vu aucun signe de vie à bord. Le capitaine, qui, jusqu'à ce qu'il ait aperçu le bateau de pêche par la fenêtre de tribord de sa cabine, pensait qu'on avait échappé une bouée sur le pont, s'est alors précipité sur la passerelle. Même si les hélices du «GRIFFON» battaient en arrière toute, le «CAPTAIN K» se trouvait à une certaine distance à l'arrière du navire de la Garde côtière lorsqu'il a coulé, une trentaine de secondes après l'abordage, selon les estimations. Le «GRIFFON» a lui-même lancé les opérations de recherches et sauvetage et s'est nommé lui-même «commandant sur place».

1.3.2 «CAPTAIN K»

Au matin du lundi 18 mars 1991, le «CAPTAIN K» a appareillé de Port Dover vers 6 h afin d'atteindre les principaux lieux de pêche situés au large de la pointe Long avant que le jour soit complètement levé. Le bateau se rendait dans un secteur au sud-ouest de la pointe Long, dont le centre se trouve à la position approximative de 42°28,7′N par 80°11,4′W, où il devait pêcher avec la flottille locale qui comptait environ 20 bateaux en cette époque de l'année. On pêchait l'éperlan au moyen de chaluts à mailles serrées, et le «CAPTAIN K» a commencé à chaluter dans un axe NE-SW vers 8 h. De temps à autre ce matin-là, le «CAPTAIN K» a été aperçu par d'autres bateaux de pêche, notamment le «C.J. WEAVER» et le «INGRAM», avec lesquels il a communiqué. Vers 9 h 30, la visibilité a commencé à se détériorer à cause de la brume et, vers 11 h, elle était réduite, selon les estimations, à moins de 100 m. Vers 11 h 15, les panneaux de chalut du «CAPTAIN K» se sont croisés et on a décidé de les remonter. De plus, la pêche avait été médiocre jusque-là, et on n'avait rempli qu'une seule boîte. Vers 11 h 30, le «CAPTAIN K» a fait savoir au «C.J. WEAVER», sur radiotéléphone très haute fréquence (VHF), qu'il cessait de pêcher pour la journée afin de rentrer au port, mais qu'il allait essayer de prendre un peu de poisson dans la baie de Long Point si c'était possible. Le «CAPTAIN K» a aussi appelé sur radiotéléphone VHF la compagnie Omstead Fisheries de Port Dover entre 12 h et 12 h 15 environ, à peu près au moment où il doublait la pointe Long. Le but des appels était d'informer l'usine de traitement du poisson de la progression du bateau et de la prévenir de l'heure prévue d'arrivée au port.

Au cours de la période en cause, soit entre 12 h 15 et peu après 13 h 20 (moment où on a fait savoir qu'un bateau de pêche avait coulé après avoir été heurté), le «C.J. WEAVER» a vainement tenté à maintes reprises de communiquer avec le «CAPTAIN K» sur radiotéléphone VHF.

1.4 Victimes

1.4.1 «GRIFFON»

L'abordage n'a fait aucun blessé à bord du «GRIFFON».

1.4.2 «CAPTAIN K»

Les trois membres de l'équipage du «CAPTAIN K» ont perdu la vie.

Les autopsies effectuées sur les trois corps par le coroner du comté de Simcoe ont révélé que deux des victimes étaient mortes presque sur le coup au moment de l'abordage. Leurs corps ont été retrouvés près des couchettes dans la timonerie, à l'arrière du poste de gouverne, endroit où l'impact s'est fait ressentir le plus violemment. Le patron, dont le corps se trouvait près du poste de barre, a subi de nombreuses blessures et s'est noyé peu de temps après.

1.5 Avaries et dommages

1.5.1 Généralités

Le fait que le «GRIFFON» était conçu comme brise-glace explique pourquoi le bateau de pêche a été si lourdement endommagé alors que le navire de la GCC était presque intact.

1.5.2 «GRIFFON»

Après l'abordage, on a constaté la présence de gros dépôts de peinture blanche et d'éraflures importantes jusqu'aux 5,5 m (18 pieds) de l'échelle de tirant d'eau, du côté bâbord, à l'arrière de l'étrave, sur une longueur d'environ 2 m. Du côté tribord, il y avait des traces de peinture blanche et des éraflures jusqu'aux 4,9 m (16 pieds) de l'échelle de tirant d'eau, à partir de l'étrave et vers l'arrière jusqu'au milieu du navire. La coque n'a pas été percée.

1.5.3 «CAPTAIN K»

Le bateau a subi des avaries considérables. Il a été inspecté après son renflouement et un rapport sur l'état du bateau décrivant en détail les avaries a été préparé. Voici les points saillants de ce rapport :

  • La configuration des avaries confirme les déclarations des témoins selon lesquelles, en termes relatifs, le «CAPTAIN K» croisait la route du «GRIFFON» sur l'avant, de tribord vers bâbord.
  • Le circuit de l'appareil à gouverner était en bon état et le gouvernail était placé à 3° à gauche.
  • La commande du moteur se trouvait à la position en arrière toute.
  • Le tableau de contrôle du moteur avait été broyé, mais un examen en laboratoire a montré que les instruments indiquaient un rendement normal du moteur en arrière toute.
  • Le moteur principal, déposé pour examen, a été trouvé dans un état normal pour un moteur ayant calé à cause de l'immersion soudaine des prises d'air dans l'eau.
  • Cinq commutateurs électriques montés sur un panneau ont été trouvés en position abaissée (fermée), mais à cause des dommages importants, leurs rôles demeurent indéterminés.
  • Il a été impossible de déterminer si les feux de route étaient ou non allumés.
  • Il a été impossible de déterminer si la corne de brume électrique était ou non en marche.
  • Le bateau était bien équipé en aides à la navigation mais celles-ci ont subi des dommages si considérables qu'il a été impossible de savoir si elles fonctionnaient bien; on a toutefois fait les constatations suivantes :
  • l'écran radar (Si-Tex), seul équipement radar à bord, était fermé;
  • le poste des bandes publiques portatif était éteint;
  • l'émetteur-récepteur VHF (Royce) était ouvert sur la voie 22, avec la commande de volume à mi-course.
  • Divers engins d'urgence ont été retrouvés.
  • Rien ne permet de croire que le bateau ait été muni d'un réflecteur radar d'un modèle approuvé.

1.5.4 Dommages à l'environnement

Une petite quantité de carburant diesel s'est échappée lorsque le bateau de pêche a coulé, mais les hydrocarbures se sont rapidement dispersés.

1.6 Renseignements concernant le personnel

1.6.1 «GRIFFON»

1.6.1.1 Capitaine

Le capitaine était titulaire d'un brevet de navigateur océanique NO-I délivré en 1979 et avait suivi un cours de navigation électronique simulé (NES-II) en 1979. Il a déclaré qu'il était rare qu'il reçoive de la formation.

Le capitaine naviguait depuis 1951, soit depuis qu'il avait commencé à travailler. À l'emploi de la GCC depuis 1976, il avait été nommé capitaine en 1983, et commandant du «GRIFFON» quelques mois plus tard. Avant de se joindre à la GCC, il avait été officier de pont sur des navires de commerce.

1.6.1.2 Second capitaine (S/C)

Le S/C était titulaire d'un brevet NO-II délivré en 1988 ainsi que d'un brevet de commandement de la GCC. Il avait suivi un cours NES-II en 1987, ainsi qu'un cours NES-II/APRA (aide au pointage radar automatique) en 1990.

Il était au service de la GCC depuis 1984, année où il a terminé son cours d'élève-officier au Collège de la GCC. Il avait été nommé S/C permanent en décembre 1990, et naviguait sur le «GRIFFON» comme officier depuis plus de cinq ans.

1.6.1.3 Troisième lieutenant (3/L)

Le 3/L était titulaire d'un brevet NO-II. Il avait suivi un cours NES-II en 1985.

Le 3/L est officier de pont à la GCC depuis 1986, année où il a terminé son cours d'élève-officier au Collège de la GCC. Il naviguait à bord du «GRIFFON» depuis novembre 1990. Il était depuis peu revenu sur le navire après avoir passé six semaines à terre.

1.6.2 «CAPTAIN K»

1.6.2.1 Patron

Le patron du «CAPTAIN K» était titulaire d'un brevet de capitaine de pêche de classe IV délivré le 1er mars 1985, et avait suivi le cours de Fonctions d'urgence en mer (FUM I) en janvier 1985. Il avait suivi les trois quarts d'un cours de navigation astronomique des Escadrilles canadiennes de plaisance en 1989-1990.

Plombier de métier, il avait exercé cette occupation pendant la majeure partie de sa vie active, soit à compter de 1959. Il ne vivait de la pêche que depuis 3½ ans, exploitant le «CAPTAIN K» pour le compte du propriétaire. Il n'avait jamais auparavant navigué ni manoeuvré de bateaux.

1.6.2.2 Équipage

Les deux membres de l'équipage ne possédaient pas de qualifications maritimes et n'étaient d'ailleurs pas tenus d'en avoir.

1.7 Certificats des navires

1.7.1 «GRIFFON»

Le navire possédait l'équipage et les certificats valides qu'il était tenu d'avoir en vertu des règles et règlements en vigueur.

1.7.2 «CAPTAIN K»

Jaugeant moins de 15 tonneaux de jauge brute (tjb), le bateau n'était pas tenu d'avoir à bord des marins brevetés ni d'être inspecté par la Direction de la sécurité des navires de la GCC. Le bateau devait se conformer aux dispositions pertinentes du Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche et, bien que limité, l'examen de l'épave a révélé que le bateau se conformait au règlement.

1.8 Navigation lorsque la visibilité est mauvaise

La conduite des navires est régie par le Règlement sur les abordages, et les navires doivent prendre des précautions spéciales lorsqu'ils naviguent par visibilité réduite.

  1. Tout navire doit naviguer à une vitesse de sécurité adaptée aux circonstances existantes et aux conditions de visibilité réduite. Un navire qui détecte au radar la présence d'un autre navire doit déterminer si un risque d'abordage existe. Dans ce cas, il doit prendre largement à temps des mesures pour éviter cette situation.
  2. Tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et auditive appropriée, en utilisant tous les moyens disponibles de manière à permettre une pleine appréciation du risque d'abordage.
  3. Les navires doivent faire entendre les signaux sonores appropriés lorsque la visibilité est réduite.
  4. Un navire peut se servir de signaux sonores pour attirer l'attention d'un autre navire.
  5. Il faut faire un usage approprié du radar, en particulier du pointage radar, afin de déterminer à l'avance s'il y a risque d'abordage, et il faut éviter de tirer des conclusions à partir de renseignements insuffisants. En cas de doute, on doit présumer qu'il y a bel et bien risque d'abordage.

1.9 Navigation et quart à la passerelle

1.9.1 «GRIFFON»

1.9.1.1 Conditions d'exploitation

Le «GRIFFON», qui naviguait dans des conditions où la brume prédominait, au départ à moins de 3,5 milles marins (M) de la côte, filait sa pleine vitesse commerciale entre les arrêts nécessaires à la mise en place des bouées pendant l'avant-midi du 18 mars 1991, et jusqu'au moment de l'abordage dans l'après-midi. Vers 13 h, une vingtaine de minutes avant l'abordage et avant de quitter la passerelle, le capitaine a vérifié le radar de tribord, mais il n'a aperçu aucune cible préoccupante sur l'écran. On alternait l'échelle de portée du radar entre 6 milles et 12 milles. Le capitaine a dicté les paramètres d'exploitation ci-après du «GRIFFON» pour le trajet vers la position située au large de Port Stanley :

  1. le navire devait filer sa pleine vitesse commerciale;
  2. le navire ne devait pas émettre de signaux de brume à moins d'entendre la corne de brume d'un autre navire ou de détecter une cible radar devant; et
  3. un homme de veille devait être posté sur la passerelle dès qu'un membre de l'équipage de pont se libérerait des travaux de préparation des bouées sur le pont principal.

Il y avait un calendrier à suivre afin de mettre en place les bouées avant l'ouverture de la Voie maritime. Le capitaine a déclaré que sa décision de faire route à pleine vitesse était motivée par les prévisions météorologiques qui faisaient état d'une détérioration du temps, par sa volonté de terminer le travail de jour et par son désir de minimiser les heures supplémentaires.

Le capitaine n'a pas donné de raison pour expliquer sa décision de ne pas émettre de signaux de brume. Le sifflet, muni d'une commande automatique capable de l'actionner périodiquement pendant que le navire fait route, est monté sur la cheminée au-dessus des emménagements, juste derrière la passerelle. L'équipage de pont s'affairait sur le pont, à l'avant de la passerelle, à gréer, à l'aide du mât de charge, une bouée munie d'un orin et d'un crapaud d'amarrage de deux tonnes.

En ce qui concerne la veille, les témoignages ne concordent pas quant à savoir si le capitaine a donné directement l'ordre au S/C de remplir cette fonction ou si ce dernier l'a fait de son propre chef. Le S/C a déclaré qu'il a rempli ce rôle en attendant d'être relevé par un matelot de l'équipage de pont.

Le capitaine a quitté la passerelle quelques instants après 13 h, et n'y est revenu qu'après l'abordage. Le capitaine, qui était sur la passerelle depuis 8 h environ, n'avait pas pris de pause pour aller aux toilettes et n'avait pas encore pris son déjeûner. Le navire a des toilettes à l'arrière, au même niveau que la passerelle.

L'usage veut que le capitaine reste sur la passerelle lorsque la visibilité est réduite dans des eaux restreintes, particulièrement si le navire file une certaine vitesse. Lorsque le capitaine a besoin de s'absenter, il confie ordinairement la conduite du navire à l'officier de navigation le plus haut gradé. Toutefois, dans le cas à l'étude, la principale mission du navire était de poser des bouées, et le S/C devait superviser la préparation ainsi que la mise en place de celles-ci.

1.9.1.2 Quart à la passerelle

Dans des circonstances normales, il n'y a pas de période de temps précise d'allouée pour le transfert des responsabilités du quart à la passerelle. Ordinairement, l'officier de relève arrive sur la passerelle 10 minutes avant le début de son quart et l'officier qui doit quitter ne le fait que lorsque son remplaçant et lui-même sont d'avis que toute l'information pertinente a été transmise et que le nouveau responsable du quart a la situation bien en main.

Le jour de l'événement à l'étude, le 3/L est arrivé sur la passerelle une dizaine de minutes avant le début de son quart et a pris en charge les responsabilités d'officier de quart en deux étapes. Le 3/L a relevé le 4/L comme officier de quart alors que le capitaine était encore sur la passerelle, à manoeuvrer le navire pour les opérations de mise en place de bouées. Le 2/L, qui était sur la passerelle et assistait le capitaine dans la conduite du navire, a décelé un écho radar sur l'avant du navire alors que celui-ci venait sur un cap au 153° (V), et il a déclaré l'avoir à ce moment-là signalé à l'attention du 3/L. Lorsque le 2/L a quitté la passerelle peu après, il n'a pas officiellement transféré la responsabilité du quart au 3/L étant donné qu'il n'avait pas été lui- même responsable du quart.

1.9.1.3 Acquisition de cibles

Le seul radar en usage était en mode de présentation en mouvement relatif stabilisé par gyrocompas et muni d'un «réflecto-traceur» (glace de pointage) et, selon les témoignages, on changeait constamment l'échelle de portée à la recherche de cibles radars. Les officiers ont déclaré qu'ils avaient aperçu une cible radar devant le «GRIFFON», mais les témoignages ne sont pas précis à cet égard et le brouillon de passerelle ne contient guère d'informations qui permettent de bâtir une chronologie par déduction. Selon son témoignage initial, l'officier de quart n'aurait aperçu sur l'écran que cinq cibles qui devaient être pointées; quatre se sont révélées être des bouées-repères de tête de puits privées dans la baie de Long Point alors que la cinquième était une cible qui se dirigeait vers l'intérieur de la baie, juste au large de la pointe Long. Selon les témoignages, ces cibles auraient été pointées au pastel gras sur la glace de pointage (réflecto-traceur). Il existe des témoignages contradictoires à cet égard, car quelqu'un a affirmé que les pointages avaient été effacés par une main inconnue le lendemain de l'accident, alors qu'un autre témoin a déclaré ne pas avoir vu de tels pointages juste après l'abordage pendant l'opération SAR. Environ six heures après l'abordage, l'officier de quart a fait un «pointage de mémoire», mais celui-ci ne semble pas chronologiquement exact. Ce pointage montre une distance au large de la pointe Long d'environ 8,6 milles, alors qu'on sait que l'abordage est survenu à environ 4 milles au large de cette pointe. On peut en conclure que le pointage correspondrait davantage à la situation vers 12 h 55 plutôt que vers 13 h 20 tel qu'indiqué sur le pointage. L'officier de quart a déclaré que le pointage reflétait la situation vers 12 h 50. Selon le pointage, quatre des cibles semblaient se déplacer en direction inverse de la route du «GRIFFON», tandis que celle au large de la pointe Long était dépourvue de mouvement relatif. Les heures correspondant à la période de pointage n'ont pu être données avec précision.

Selon d'autres témoignages, lors du pointage de la position du navire, alors que le 2/L était au radar et que le 3/L faisait le report sur la carte, le 2/L aurait déclaré qu'il y avait un faible écho en dessous de la ligne de foi, information dont aurait accusé réception le 3/L, qui était l'officier de quart. Il a en outre été indiqué que la cible était à environ trois milles; qu'elle se trouvait sous la ligne de foi du radar lorsque le navire a mis le cap au 153° (V); que l'objet ne se déplaçait pas; et qu'il s'agissait d'une bouée à espar privée marquant la limite des lieux de pêche. Il a été déclaré qu'à 13 h, il y avait eu changement de cap à partir du 150° (G) pour revenir au 153° (G), mais l'heure n'a pu être confirmée, car les changements de cap n'ont pas été inscrits dans le brouillon de passerelle. La «cinquième cible», au large de la pointe Long, si elle a vraiment été observée vers 12 h 55, n'a apparemment pas été acquise de nouveau ni identifiée avant l'abordage.

L'écho radar du «CAPTAIN K» n'a jamais été identifié.

1.9.1.4 Position de 13 h inscrite dans le journal

Selon les éléments de preuve recueillis, le navire était d'abord à l'ouest de la route projetée, et il lui a fallu venir temporairement du 153° (G) au 150° (G). Un tracé de la position de 13 h inscrite dans le journal de bord (pointe Bluff 200° x 6,7 M), place le navire à 0,5 M à l'est de la route qu'on voulait suivre pour aller de la bouée «N» jusqu'à une position située à 1,6 M au large de la pointe Long. On a appris plus tard qu'une distance de 6,4 milles au lieu de 6,7 milles de la pointe Bluff aurait dû être pointée. Cependant, cela placerait le «GRIFFON» encore plus au nord à 13 h, rendant encore plus difficiles à expliquer les distances séparant cette position du lieu de l'abordage ou du naufrage.

1.9.1.5 Méthode de pilotage par radar

Pour effectuer un pilotage par radar adéquat, il faut au moins deux officiers, mais il est encore mieux d'en avoir trois. L'un des officiers assure la conduite du navire, et le ou les autres voient à lui fournir toute l'information pertinente. Un des officiers s'occupe exclusivement du radar afin d'assurer la continuité et d'aider à la navigation, de même que la prévention des abordages. S'il y a trois officiers, le troisième s'occupe du pointage et des autres tâches de navigation ordinaires afin que la personne qui a la conduite du navire soit en mesure de se concentrer sur les décisions à prendre et sur la manoeuvre du navire. Rien ne laisse supposer qu'on ait fonctionné de cette façon dans le cas à l'étude.

L'utilisation d'une image radar superposée sur une carte marine électronique simplifie grandement la tâche; un tel équipement a récemment été installé sur plusieurs navires de commerce canadiens et est en train d'être évalué par la GCC.

1.9.1.6 Manoeuvres d'urgence pour éviter l'abordage

Comme on ne disposait pas de graphique de manoeuvre pour le «GRIFFON», il n'y en avait pas d'affiché à bord le 18 mars 1991; or, les règlements exigent la présence d'un tel graphique. Les caractéristiques de manoeuvre sont toutefois incluses dans les Ordres permanents du capitaine à l'intention des officiers de pont. Aucune formation en bonne et due forme n'est donnée concernant les arrêts en catastrophe ou les techniques pour manoeuvrer la machine principale et le gouvernail. Les officiers de pont doivent donc acquérir ces habiletés par l'expérience.

Dans la situation critique où le navire se trouvait, le barreur a mis la barre à droite toute, même s'il n'était pas censé le faire de son propre chef avant d'avoir reçu des instructions à cet effet. Les changements de cap à gauche, qui sont normalement à éviter, sont permis en cas d'urgence.

1.9.1.7 Désaccord avec les normes d'exploitation

Les officiers de navigation ont été incapables d'énoncer une ligne de conduite claire à suivre en cas de profond désaccord avec le capitaine sur la façon de diriger le navire. La GCC n'a pas de directives précises sur ce que doivent faire les officiers dans de telles circonstances.

Selon les témoignages des officiers, ceux-ci avaient l'impression, depuis quelques mois, que le capitaine ne tenait pas compte de leur opinion concernant la conduite du navire, lorsqu'elle était contraire à la sienne.

Par exemple, certains des officiers de navigation se sont inquiétés du fait que le navire ne faisait pas entendre de signaux de brume, mais ils ont jugé inutile de le dire au capitaine qui, selon eux, n'aurait pas tenu compte de leur avis.

1.9.1.8 Connaissance des activités de pêche locales

La flottille de bateaux de pêche ayant son port d'attache à Port Dover dans la baie de Long Point se livrait à la pêche commerciale le jour de l'événement. Le capitaine a déclaré qu'il savait qu'une flottille de pêche était exploitée à partir de Port Dover. Le capitaine a également dit que lorsque l'abordage est survenu, il avait d'abord pensé que l'équipage de pont avait échappé une bouée sur le pont.

Le 3/L a déclaré que même s'il était conscient de l'existence de la flottille de pêche, il pensait que celle-ci n'avait pas recommencé à pêcher après la période d'inactivité hivernale. En outre, sachant que la Voie maritime et le canal Welland étaient fermés, il a supposé qu'il n'y avait pas d'autres navires dans le secteur. Le capitaine n'a pas parlé aux officiers qui se trouvaient sur la passerelle de la présence éventuelle de bateaux de pêche.

1.9.2 «CAPTAIN K»

La route suivie à partir de la pointe Long n'a pas été consignée. Sans radar, il aurait été normal de suivre la ligne Loran 9960-Z58600 entre la pointe Long et Port Dover. S'il l'a fait, le bateau a dû passer à environ huit encablures de la pointe.

La vitesse du «CAPTAIN K» avant l'abordage demeure inconnue. Toutefois, sa vitesse commerciale était de huit noeuds. Si, après avoir doublé la pointe Long, le bateau ne s'est pas écarté de la route directe pour pêcher, sa vitesse réelle a été, selon les calculs, de moins de quatre noeuds. Lorsqu'on effectue un balayage électronique pour trouver du poisson, il est normal de faire route à vitesse réduite.

L'équipage du «GRIFFON» n'a pas remarqué de lames d'étrave et, d'après la position des commandes du moteur sur l'épave lors du renflouement, il semble que le moteur du bateau de pêche ait été «en arrière toute» avant l'abordage.

Les membres de l'équipage du «GRIFFON» ont déclaré qu'ils n'avaient pas entendu de signaux de brume émanant du bateau de pêche qui approchait.

D'après les positions des victimes lorsque leurs corps ont été retrouvés, il semble que le patron s'occupait de la navigation et gouvernait manuellement le bateau tout en assurant en même temps la veille sans l'aide de personne.

1.9.3 Veille

Une veille appropriée doit être assurée par une personne exclusivement chargée d'être à l'affût des feux, des sons, des obstacles, etc. afin de les signaler, et cette personne ne doit pas avoir d'autres tâches qui pourraient la distraire. L'officier de quart ou le barreur ne doit pas assurer en même temps la veille sauf dans des circonstances exceptionnelles. L'avant est la meilleure position pour placer un homme de veille à bord d'un navire faisant route; cette personne ne risque pas alors d'être distraite de sa tâche et elle dispose en même temps de moyens fiables de communication avec l'officier de quart.

1.9.4 Utilisation des fenêtres de la timonerie

1.9.4.1«GRIFFON»

La preuve recueillie lors de l'enquête, parce qu'elle comportait des éléments contradictoires, n'a pas permis de déterminer avec certitude s'il y avait des portes ou des fenêtres ouvertes dans la timonerie du «GRIFFON». Sur les navires de ce modèle, lorsque les fenêtres et les portes sont fermées et que les machines principales fonctionnent à plein régime, il est plus difficile pour quelqu'un qui se trouve dans la timonerie d'entendre des signaux sonores que pour une personne qui serait placée à l'extérieur. Le bruit ambiant de la timonerie est aussi une source de distraction.

1.9.4.2«CAPTAIN K»

Il a été constaté, à bord de bateaux de pêche de modèle similaire au «CAPTAIN K» faisant route, que les niveaux de bruit sont élevés. On a affirmé que dans la timonerie du «CAPTAIN K», il était impossible d'entendre la corne de brume du quai de Port Dover à une distance supérieure à ½ mille, et cela, lorsque la fenêtre centrale avant de la timonerie était ouverte. À cause des avaries, il est impossible de savoir si les fenêtres de la timonerie étaient ouvertes à bord du bateau de pêche au moment de l'abordage.

1.10 Instruments de navigation de bord

1.10.1 Radar - Généralités

Le radar sert à la fois pour établir la position du navire et comme moyen d'éviter les abordages. Dans ce dernier rôle, c'est lorsque des méthodes de pointage reconnues sont utilisées que l'information radar est la plus utile.

Les deux principales longueurs d'ondes utilisées sont 3 cm (10 000 mégacycles à la seconde) et 10 cm (3 000 mégacycles à la seconde). Chacune de ces longueurs d'ondes a ses propres avantages. Pour simplifier à l'extrême, on peut dire que les ondes 10 cm sont moins atténuées et moins réfléchies par la pluie que les ondes 3 cm, alors que les ondes 3 cm assurent une meilleure discrimination, c'est-à-dire une image plus précise, plus utile pour la navigation fluviale et dans les canaux. La GCC a effectué il y a quelques années des essais qui ont montré que l'installation de deux postes de 3 cm répondait mieux à ses exigences à bord d'un navire appelé à évoluer en eaux restreintes.

Comme la force des échos dépend du matériau, de l'aspect et de la position des cibles, de même que de la taille et de la forme de celles-ci, certaines cibles à profil bas et certains petits bateaux peuvent être complètement escamotés ou ne produire que des retours intermittents. Les micro- ondes des radars peuvent être réfléchies par les précipitations et les vagues, et lorsque cela survient, les échos parasites ainsi produits peuvent masquer de petites cibles. On peut avoir recours à l'anti-retour de pluie et à l'anti-retour de mer pour éliminer les faux échos. Il faut cependant être prudent en les utilisant, car on risque de masquer d'autres cibles proches si on place les commandes de ces dispositifs à un niveau trop élevé.

La perte de cibles radars à l'intérieur de l'arc d'amont de retours de mer continue d'être le principal problème avec l'utilisation du radar en mer. Plus fort est le vent, plus importants sont les retours de mer. À noter que le journal de bord du «GRIFFON» fait état de vents de 15 à 20 noeuds vers 12 h, ce qui est supérieur aux valeurs signalées dans d'autres rapports pour ces parages. On n'y retrouve aucune inscription concernant la vitesse du vent au moment de l'événement.

La méthode normale consiste à observer les cibles, spécialement les petites cibles intermittentes, à l'extérieur de la zone de retours de mer, puis soit de prendre des mesures substantielles pour éviter l'abordage, soit de suivre les cibles très attentivement, souvent en les marquant au pastel gras sur une glace de pointage, dans toute la zone de retours de mer, jusqu'à ce que la cible soit passée à bonne distance. Si on détourne son attention lorsque la cible est dans une zone de retours de mer, il est souvent impossible de la retrouver par la suite.

On n'obtiendra pas les meilleurs résultats et on risque de perdre de petites cibles si le poste radar n'est pas correctement réglé et les commandes ne sont pas placées de façon à assurer une performance optimale.

Sur un écran cathodique ordinaire, la ligne de foi matérialise le passage de l'axe d'émission de l'antenne à l'axe du navire, mais elle peut être temporairement désactivée pour permettre de mieux scruter une cible droit devant.

1.10.2 «GRIFFON»

1.10.2.1 Équipement installé

Le «GRIFFON» était muni de l'équipement suivant :

  • deux radars 3 cm (bande-X)
  • un radiogoniomètre
  • deux sondeurs à ultrasons
  • un Loran C
  • un gyrocompas
  • un pilote automatique
  • un compas magnétique
  • deux radiotéléphones VHF, un autre à bande latérale unique (BLU) et un téléphone cellulaire.
1.10.2.2 Équipement radar

Les écrans cathodiques classiques du «GRIFFON» nécessitent l'utilisation d'un masque et d'un capot pour protéger de la lumière du jour, de sorte qu'une seule personne à la fois peut surveiller l'écran. Par visibilité réduite et en eaux restreintes, lorsqu'un officier assure la conduite du navire et qu'un autre aide à la navigation, il est souhaitable que chacun des officiers ait son propre écran radar. Le «GRIFFON» avait deux écrans mais on ne les utilisait pas simultanément parce que cela créait du brouillage d'origine électronique. Il y avait bien un circuit de suppression de réponses asynchrones (défruiteur) qui réduisait le brouillage réciproque à un niveau acceptable, mais il était fermé. Certains officiers ne connaissaient pas l'existence de ce circuit, tandis que d'autres avaient tout simplement décidé de ne pas l'utiliser.

Le système radar ne comprenait pas d'APRA et le règlement ne l'exige pas pour ce navire. Le but principal de l'APRA est d'aider à éviter les abordages en eaux libres. Il n'est pas efficace comme dispositif anti-collision avec des cibles intermittentes situées à relativement courte distance lorsqu'il y a des retours de mer.

1.10.2.3 Essai du radar de tribord

Dans le cadre de l'enquête, on a procédé aux vérifications d'état de marche et aux vérifications des spécifications techniques suivantes :

Le 19 mars 1991, au mouillage dans la baie de Long Point

On a procédé à une vérification générale de l'état de marche et aucune anomalie n'a été relevée.

Le 20 mars 1991, au mouillage dans la baie de Long Point

On a procédé à des observations pratiques à bord d'un bateau de pêche semblable au «CAPTAIN K» dans des conditions de mer qu'on estimait analogues à celles qui régnaient le jour de l'événement, mais sans brume. La discrimination des cibles était bonne sur pratiquement toutes les échelles de portée; toutefois, lorsque le bateau de pêche est arrivé à moins de 120 m sur la portée de 1,5 M et à moins de 0,6 M sur la portée de 3 M, la cible a été perdue dans les retours de mer.

Le 21 mars 1991, au quai de Port Colborne

Des vérifications techniques de la performance ont été effectuées et comparées avec les spécifications de l'équipement, et les résultats ont montré que celui-ci était conforme aux normes établies.

Le 27 mars 1991, en mer sur le lac Ontario

Après une observation attentive de l'écran à la demande du capitaine de relève, l'écho radar de la bouée du Système d'acquisition de données océaniques (SADO) au large de la pointe Peter devenait difficile à repérer dans les retours de mer à 2,4 M, était très difficilement détectable à moins de 1,4 M, et était totalement indiscernable à moins de 0,8 M. L'écho radar de la bouée «MM 2» au large de l'île Main Duck ne pouvait être détecté à moins de 1 M. L'état de la mer et les conditions météorologiques lors de ces observations étaient jugées similaires à la situation qui prévalait au moment de l'abordage, sauf qu'il y avait de la pluie/du crachin au lieu de la brume et des vents de 20 à 25 noeuds. Les deux bouées étaient munies de réflecteurs radars.

Le 17 avril 1991, au quai de Prescott

À la suite des observations du capitaine de relève, une autre série de vérifications techniques de la performance a été effectuée sur le radar et à nouveau, on a jugé qu'il fonctionnait normalement.

Pour les essais ci-dessus, il a été impossible de reproduire exactement et avec certitude la position des commandes du radar au moment de l'abordage, car plusieurs d'entre elles sont en interaction et leur position n'est pas consignée. Les conditions météorologiques étaient considérées comme semblables à celles qui régnaient au moment de l'événement, mais non parfaitement identiques, et il n'y avait pas de brume. Aucun travail d'entretien n'avait été effectué sur l'appareil radar.

En résumé, toutes les vérifications de l'appareil radar ont montré qu'il fonctionnait normalement, compte tenu de son type et de ses spécifications.

1.10.2.4 Essai du radar de bâbord

Des essais semblables ont été effectués sur le radar de bâbord, même si son fonctionnement n'était pas mis en cause, et ceux-ci ont montré que l'appareil fonctionnait normalement.

1.10.2.5 Évaluation du réflecteur radar

Le 23 avril 1991, en mer, au sud de l'île Amherst, sur le lac Ontario

Aux fins de sécurité et en vertu des exigences énoncées à la Règle 40 du Règlement sur les abordages, le «CAPTAIN K» était tenu d'avoir un réflecteur radar, mais il n'en avait pas. Toutefois, il avait bien en évidence une marque de pêche métallique qui semble de construction analogue. Le BST a procédé à des essais pratiques en se servant du radar de tribord du «GRIFFON» et d'un bateau de pêche en acier de plus faible tonnage que le «CAPTAIN K» afin de comparer l'efficacité de la marque de pêche pour la réflection des ondes de radar avec celle d'un réflecteur radar ordinaire.

Les conditions météorologiques au moment des essais étaient jugées similaires à celles qui existaient lors de l'abordage, sauf qu'il n'y avait pas de brume et qu'il y avait des vents de 14 à 20 noeuds.

On a procédé à trois essais à partir de différentes directions, mais toujours à l'intérieur de l'arc de retours de mer. Il a été possible de repérer le bateau de pêche jusqu'à des distances de 0,31, 0,35 et 0,41 M respectivement. Il n'y a pas eu de différence appréciable de l'écho radar dans les trois conditions d'essai, à savoir :

  1. pas de réflecteur du tout
  2. un réflecteur radar
  3. une marque de pêche métallique.

On a noté que l'écho était plus fort lorsque le bateau était de côté plutôt que de face. La performance générale a été analogue à celle enregistrée lors des essais précédents du 20 mars 1991.

D'autres essais effectués au fil des ans dans des circonstances différentes ont tous montré que le coefficient de fiabilité pour la détection radar dans diverses conditions météorologiques est accru lorsque la cible est munie d'un réflecteur radar.

1.10.2.6 Utilisation du téléphone cellulaire

Au moment de l'événement à l'étude, la GCC n'avait ni restriction ni recommandation concernant l'emplacement ou l'utilisation de téléphones cellulaires à bord de navires comme le «GRIFFON».

Le capitaine avait préparé une série de directives concernant l'utilisation du téléphone cellulaire, mais celles-ci ne contenaient aucune restriction concernant les moments où on pouvait se servir du téléphone.

Le téléphone cellulaire était placé sur la passerelle du «GRIFFON», non loin des cartes de navigation et à côté du radar de tribord, de telle sorte que quelqu'un qui répondait au téléphone devait se tenir sur la passerelle de navigation et les autres personnes présentes pouvaient l'entendre.

1.10.3 «CAPTAIN K»

1.10.3.1 Équipement installé

Le «CAPTAIN K» était muni de l'équipement suivant :

  • un radar
  • un sondeur à ultrasons (détecteur de poissons)
  • un Loran C
  • un compas magnétique
  • trois radiotéléphones VHF.
1.10.3.2 État de l'équipement radar

Le bateau de pêche n'était pas tenu d'avoir un radar à bord.

Les marins-pêcheurs locaux n'utilisent généralement pas le radar par temps clair et bonne visibilité, sauf comme appoint au Loran C pour déterminer la position de leur bateau. Ils s'en servent toutefois lorsque la visibilité est restreinte. Un technicien d'entretien avait examiné le radar deux semaines avant l'abordage, examen qui lui avait pris une quinzaine de minutes. Lorsqu'on a ouvert le radar, à l'intérieur du port, l'écran montrait un magma confus d'échos sur l'échelle de portée inférieure et ne fournissait aucune donnée utile sur des portées supérieures. Le radar était dans cet état depuis six mois et ne fournissait apparemment aucune information utile. Le technicien avait conclu que le radar pourrait être réparé en installant un nouveau magnétron, pièce qu'il pouvait se procurer, mais le propriétaire n'avait pas autorisé les réparations. Le patron avait fait part au propriétaire de son inquiétude au sujet de l'exploitation du bateau sans radar en bon état de marche. L'interrupteur marche-arrêt du radar était à la position «arrêt» au moment de l'abordage.

1.10.4 Utilisation des réflecteurs radars dans le secteur

Les marins-pêcheurs de Port Dover estiment généralement que les réflecteurs radars ne sont pas nécessaires. Selon eux, les bateaux de pêche en acier réfléchissent suffisamment bien les ondes radars pour qu'on n'ait pas besoin de réflecteurs. Au cours d'une visite à Port Dover, on a constaté qu'aucun réflecteur radar n'était installé sur les bateaux de pêche se trouvant dans le port.

1.11 Angle d'approche et d'impact

De la position du «GRIFFON» à 13 h, consignée dans le journal de bord, à la position de l'abordage, le navire a suivi une route vraie au 158° (V). Pendant cette période, le navire a gouverné au 153° (G).

Pour se rendre d'un point situé à une distance de passage estimée de 0,8 M au large de la pointe Long à la position de l'abordage, il faut suivre un cap au 345° (V). Cette route suit la ligne 9960- Z58600 du Loran C, mais on ne sait pas si le «CAPTAIN K» naviguait au Loran C ni, en fait, quels caps il a suivis.

Rien ne permet de connaître avec certitude l'aspect qu'avait le «CAPTAIN K» lorsqu'il a été aperçu pour la première fois du «GRIFFON». Une évaluation des avaries du «CAPTAIN K» a montré que le «GRIFFON» l'avait abordé sous un angle de 60 à 80° par l'avant bâbord.

1.12 Équipement d'urgence

1.12.1 «GRIFFON»

Le navire est muni d'une embarcation de sauvetage classique à 24 places ainsi que d'une embarcation de type Boston Whaler. L'équipement de sauvetage du bord était conforme aux règlements pertinents.

1.12.2 «CAPTAIN K»

Le «CAPTAIN K» se conformait aux règlements pertinents et avait à bord un plus grand nombre de gilets de sauvetage qu'il n'était tenu d'en avoir. Comme environ 50 p. 100 des bateaux de la flottille de pêche locale, le «CAPTAIN K» transportait une embarcation de sauvetage en acier galvanisé très robuste avec caissons de flottaison intégrés. Ces «Tilburys», comme on les appelle, ont à peu près 3,7 m de long et sont encombrants, lourds et difficiles à manier ainsi qu'à mettre à l'eau une fois détachés. L'embarcation était assujettie à l'envers par des sangles derrière la timonerie, à l'arrière du portique à charpente en «A» du «CAPTAIN K». Sous le choc de l'abordage, la porte bâbord de la timonerie a été complètement enfoncée, empêchant l'équipage de sortir pour aller détacher les sangles, mais l'embarcation s'est détachée soit lors de l'abordage, soit au cours du naufrage.

Rien dans les règlements n'oblige les bateaux du genre du «CAPTAIN K» à avoir à bord un radeau de sauvetage pneumatique ou des combinaisons d'immersion.

1.13 Communications radio

1.13.1 «GRIFFON»

Le «GRIFFON» n'a communiqué avec aucun autre navire ce jour-là, avant l'abordage. Les radiotéléphones VHF du navire étaient réglés sur la voie 16, fréquence internationale de détresse et d'appel, et sur la voie 13, fréquence réservée pour les communications de passerelle à passerelle dans ce secteur du lac Érié. Tous les radiotéléphones étaient en bon état de fonctionnement.

1.13.2 «CAPTAIN K»

On ne sait pas sur quelle voie du radiotéléphone VHF on était à l'écoute à bord du «CAPTAIN K», mais, après le renflouement, on a constaté que le radiotéléphone VHF (Royce) était réglé sur la voie 22, fréquence rarement utilisée. Ayant moins de 20 m de longueur, le «CAPTAIN K» n'était pas tenu en vertu des règlements d'être muni d'un radiotéléphone VHF, mais s'il l'était, le bateau devait avoir une licence, le radiotéléphoniste devait être titulaire du certificat exigé et, dans l'intérêt de la sécurité, le bateau devait être à l'écoute sur la voie 16, fréquence internationale de détresse et d'appel. Il devait aussi rester à l'écoute sur la voie réservée pour les communications de passerelle à passerelle dans le secteur où il naviguait. À cause des avaries importantes provoquées par l'abordage, il n'a pas été possible de déterminer si les trois radiotéléphones VHF étaient en bon état de fonctionnement.

Le «CAPTAIN K» avait communiqué par radiotéléphone VHF avec d'autres bateaux de pêche ce matin-là, alors qu'il pêchait au sud-ouest de la pointe Long, ainsi qu'avec l'usine de traitement du poisson de Port Dover au moment où il doublait la pointe Long pour rentrer au port. La communication avec l'usine s'est déroulée sur la voie 7A du VHF et celle avec les autres chalutiers, sur la voie 18 du VHF, voie utilisée par les bateaux de la flottille pour communiquer entre eux. Une autre flottille locale, composée de bateaux de pêche aux filets maillants, assure une veille sur la voie 6. Les navires de commerce qui connaissent le secteur diffusent leurs appels de sécurité sur les voies 6 et 18 en plus de la voie 16, lorsqu'ils se trouvent dans ces parages. Le «GRIFFON» n'était à l'écoute ni sur la voie 18 ni sur la voie 7A et n'a donc pas entendu les communications du «CAPTAIN K». À moins que le poste n'ait été réglé sur la voie 22 à ce moment-là, on ne peut expliquer pourquoi le «CAPTAIN K», après avoir doublé la pointe Long, n'a pas répondu aux appels du «C.J. WEAVER» sur radiotéléphone VHF.

1.13.3 Avis à la navigation (AVNAV)

Avant l'abordage, le «GRIFFON» a appelé la Station radio de la Garde côtière (SRGC) de Sarnia sur la voie 82A du VHF. Une première communication a été pour transmettre, via la SRGC la plus proche, le rapport de situation du matin au bureau régional, à la base d'attache et aux Services de trafic maritime (STM) de Sarnia. D'autres appels avaient pour but de faire savoir quelles bouées avaient été remises en place afin qu'on puisse diffuser les AVNAV nécessaires.

Les AVNAV sont diffusés sur les voies de radiodiffusion maritime continue 21B et 83B du VHF, et un avis à cet effet est préalablement diffusé sur la voie 16. On ne sait pas si le «CAPTAIN K» a entendu le premier AVNAV diffusé à 12 h 13; s'il l'avait entendu, il aurait pu en déduire qu'il y avait un navire de la GCC dans la baie de Long Point. Le second AVNAV a été diffusé après l'événement.

1.14 Recherches et sauvetage (SAR)

Juste après la collision, le «GRIFFON» est demeuré aussi près que possible de la position de l'abordage, et le capitaine a lui-même désigné son navire comme «commandant sur place». Le navire a mis l'embarcation Boston Whaler à l'eau à 13 h 22 et a commencé les recherches. On n'a pas signalé l'abordage immédiatement. À 13 h 27, on a retrouvé une petite valise flottant avec d'autres débris, ce qui a permis de déterminer la position approximative du naufrage du bateau de pêche. À 13 h 30, on a appelé du «GRIFFON» sur téléphone cellulaire le Centre de coordination du sauvetage (CCS) de Trenton pour signaler l'accident et les opérations de recherche en cours.

À 13 h 32, l'embarcation métallique du «CAPTAIN K» a été repêchée. À 13 h 38, le CCS de Trenton a appelé la SRGC de Sarnia (VBE). À 13 h 41, VBE a transmis un «Relais Mayday» qui a été rediffusé comme «Appel Mayday» à 13 h 43. Des bateaux de pêche locaux ont répondu et le «C.J. WEAVER» a fait savoir à 14 h 2 qu'il se trouvait au milieu d'une nappe d'hydrocarbures sur les lieux de l'abordage. La visibilité continuait d'être de 1/8 mille ou moins. Les bateaux de pêche sur les lieux ont rapidement identifié le bateau manquant comme étant le «CAPTAIN K».

Un bateau de pêche qui a localisé le bateau coulé au moyen d'un sondeur à ultrasons a marqué l'emplacement avec une bouée.

Un aéronef SAR canadien a décollé à 14 h 15, mais le plafond bas l'a empêché de larguer une bouée-repère électronique tel que prévu. Un aéronef de la garde côtière américaine (USGC) a décollé vers 14 h 19 et un autre aéronef de la USGC, à 15 h 8, avec un technicien SAR (nageur- sauveteur) spécialement équipé. Les aéronefs canadiens n'étaient pas munis de capteurs de chaleur, mais un des aéronefs américains l'était. Après les problèmes initiaux causés par le plafond bas, l'hélicoptère américain a été en mesure de placer une bouée-repère électronique à 15 h 45.

Il est possible de se procurer le rapport SAR auprès des autorités compétentes.

1.15 Opérations de plongée et de sauvetage

Le 23 mars 1991, sous la direction du BST et du bureau du coroner de l'Ontario, on a procédé à une inspection visuelle sous-marine du «CAPTAIN K», avec l'aide de plongeurs et d'un submersible télécommandé. Le «CAPTAIN K» reposait par environ 42 m de fond, à la position 42°36'56,9"N par 80°02'53,41"W. Les images recueillies par les caméras vidéo montraient des avaries structurelles importantes dans les oeuvres mortes ainsi que dans la section du milieu et la partie avant de la timonerie du côté bâbord.

En raison du mauvais temps, les opérations de récupération ont été retardées jusqu'au 31 mars. Les plongeurs se sont mis à l'oeuvre sur les lieux vers 8 h 25 ce jour-là, et ont constaté que la posture ainsi que l'orientation du bateau avaient changé.

Vers 9 h 22, le bateau a crevé la surface, et après avoir été asséché, il a été soulevé hors de l'eau à 11 h 15 et placé sur le pont d'un chaland qui a été remorqué jusqu'à Port Maitland.

1.16 Facteurs environnementaux

1.16.1 Renseignements sur les conditions météorologiques

1.16.1.1 Prévisions météorologiques

Voici les prévisions météorologiques maritimes pour le secteur comprenant la baie de Long Point émises par Environnement Canada à 4 h, heure locale, le 18 mars 1991 : vents du SE de 15 à 20 noeuds se changeant en vents du SW le matin et du NW à 20 noeuds dans l'après-midi; de la pluie et des bouchons de brume jusqu'en après-midi. Lames de 1 à 2 m dans les zones libres de glace. Les prévisions américaines étaient semblables.

1.16.1.2 Conditions météorologiques rapportées par le «GRIFFON»

Selon divers témoignages, au moment de l'abordage, les conditions météorologiques étaient les suivantes : vent léger avec lames de 0,6 à 1 m ou faible houle. Visibilité estimée à 50 à 100 m avec une température de l'air de 8° C et une température de la mer de 1° C.

1.16.1.3 Conditions météorologiques enregistrées par les stations locales

À 12 h, le ministère de l'Environnement a observé à Port Dover, à environ 13 milles au nord- ouest du lieu de l'abordage, des vents variables de 2 à 3 noeuds ainsi qu'une température de l'air de 10° C et de la brume. Des observations très semblables ont été faites à 16 h. La station météorologique de Nanticoke, à environ 11 milles au nord du lieu de l'abordage, a signalé des vents d'ouest de 5 à 10 noeuds au cours de la même période.

1.16.1.4 Différence dans la vitesse du vent

Il y a une différence considérable dans la vitesse du vent enregistrée sur la rive nord de la baie de Long Point et celle que le «GRIFFON» a consignée vers 12 h. Toutefois, la vitesse du vent de 15 à 20 noeuds consignée par le «GRIFFON» ne tenait apparemment pas compte de la vitesse du navire et correspondait à une vitesse réelle de 4 à 9 noeuds. Le secteur de la baie de Long Point se trouvait au confluent de deux systèmes frontaux qui, par un effet du hasard, se chevauchaient au centre de la baie.

Lorsque cela se produit, les vents peuvent souffler de directions différentes pendant de courtes périodes de temps lorsque la pression baisse. Ce phénomène s'accompagne d'une mer tourmentée, de mauvaises conditions météorologiques et, comme c'était le cas le jour de l'accident, de brume. La brume s'est formée vers 9 h 30 et a persisté jusqu'en fin d'après-midi. Les conditions météorologiques du 18 mars 1991 étaient semblables aux prévisions pour la journée précédente.

1.16.2 Courants

Le 18 mars 1991, la dérive due au courant de surface était censée être de 0,3 à 0,6 noeud portant vers le nord-est dans la moitié nord de la baie de Long Point, compte tenu des conditions climatiques qui régnaient alors.

1.17 Services de trafic maritime (STM)

1.17.1 Rôle

Le rôle des STM est de protéger l'environnement marin et d'améliorer la sécurité et l'écoulement du trafic maritime.

1.17.2 Organisation sur le lac Érié

À l'ouest de la pointe Long, c'est le centre des STM de la GCC de Sarnia qui assure les services au trafic maritime; ces services sont offerts à longueur d'année. À l'est de la pointe Long, y compris dans la baie de Long Point, les STM sont assurés par le Centre des opérations du canal Welland de l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent. Le centre, qui est inactif lorsque la Voie maritime est fermée pour l'hiver, était fermé le 18 mars 1991. Les bateaux de moins de 20 m de longueur ne sont pas tenus de signaler leur position aux STM de Sarnia, mais ils peuvent le faire sur une base volontaire; les navires qui ne transitent pas par le canal Welland n'ont pas à se rapporter au Centre de contrôle de Welland, mais on les incite à le faire.

1.18 Gestion

1.18.1 Système de gestion de la sécurité

1.18.1.1 Généralités

Une approche relativement nouvelle dans les opérations maritimes consiste à désigner un gestionnaire à terre qui est conjointement responsable avec le capitaine de la sécurité d'un navire; chacune des deux personnes a sa propre série d'instructions écrites. Ce mode de fonctionnement est controversé car d'aucuns soutiennent qu'il va à l'encontre du principe fondamental en marine qui veut que le capitaine assume la responsabilité absolue de son navire. Plus controversée encore est l'obligation, dans le cadre de ce régime, de soumettre les méthodes de navigation du capitaine à une vérification interne; en effet, certains prétendent que cela détruit la crédibilité du capitaine vis-à-vis de son équipage. Toutefois, depuis quelques années, bon nombre de compagnies ont adopté ce mode de fonctionnement. L'OMI a en chantier un projet de résolution proposant un code destiné à être mis en application par étapes à l'échelle internationale, sur une base volontaire au début. Voici les points saillants du Code international de gestion pour la sécurité de l'OMI :

  1. une politique en matière de sécurité et de protection de l'environnement;
  2. les responsabilités et les pouvoirs de la compagnie;
  3. une ou des personnes désignées;
  4. les responsabilités et les pouvoirs du capitaine;
  5. les ressources et le personnel;
  6. l'établissement de plans pour les opérations à bord;
  7. la préparation aux situations d'urgence;
  8. la notification et l'analyse des irrégularités, des accidents et des incidents potentiellement dangereux;
  9. le maintien en état du navire et de son armement;
  10. les documents;
  11. la vérification, l'examen et l'évaluation effectués par la compagnie;
  12. les certificats, la vérification et le contrôle.
1.18.1.2 «GRIFFON»

La Direction générale des Systèmes de la flotte de la GCC exploite de nombreux navires de divers types. Dans le cas du «GRIFFON», il existe de nombreux documents décrivant les responsabilités de gestion à tous les niveaux ainsi que la filière hiérarchique. La description d'emploi du capitaine du «GRIFFON» insiste beaucoup sur la sécurité; le capitaine relève du gestionnaire de district de Prescott. La description d'emploi de ce dernier ne cite pas de responsabilités particulières en matière de sécurité, mais se borne plutôt à des mentions en termes généraux comme «gestion efficace». Le gestionnaire régional des Systèmes de la flotte, dont le capitaine relève indirectement, a une description d'emploi qui fait état des 21 navires de types divers et d'un personnel navigant d'environ 400 personnes qui sont placés sous son autorité; la description d'emploi précise qu'il lui incombe d'élaborer des normes de sécurité et de diriger la mise sur pied et la surveillance de programmes de prévention des accidents, mais ne met pas d'accent particulier sur la sécurité. Il existe nombre d'ordonnances et de bulletins de la Flotte qui traitent de la sécurité, mais ces ordonnances et bulletins ont normalement été élaborés en fonction de situations bien précises. Il existe des procédures bien établies pour signaler les accidents ainsi qu'un programme de formation exhaustif.

La politique nationale de la GCC est établie à l'administration centrale, après consultation des intéressés, mais l'organisation est très régionalisée et l'interprétation des politiques et l'accent mis sur chacune d'elles varient d'une région à l'autre. Le 9 avril 1990, le directeur général des Systèmes de la flotte a fait circuler parmi les gestionnaires régionaux de la Flotte l'avis à la marine marchande ( Merchant Shipping Notice ) M 1188 du Royaume-Uni, lequel contient le Code de gestion de la sécurité de l'Association maritime internationale ( International Shipping Association ). D'autres normes de sécurité internationales ont été examinées par la Direction générale des Systèmes de la flotte en mai 1992 et, plus tard cette même année, un projet de normes de gestion de la Flotte a été distribué pour avis.

En mars 1991, la GCC n'avait pas de véritable système de gestion de la sécurité ni les vérifications internes et les évaluations des méthodes de navigation prévues par un tel système.

1.18.1.3 «CAPTAIN K»

Le «CAPTAIN K» n'avait pas de système de gestion de la sécurité, et il ne serait pas réaliste de s'attendre à ce que le propriétaire d'un ou deux bateaux de pêche adopte un tel système. On considérait que la sécurité à bord relevait du patron, avec l'appui de la direction à terre au besoin.

1.18.2 Cadre d'exploitation du «GRIFFON»

Le «GRIFFON» était considéré par certains membres de son équipage comme un «navire difficile», surtout à cause d'une situation créée par le calendrier de fonctionnement. Le navire avait souvent une charge de travail très exigeante sur les Grands Lacs. À l'exception des congés annuels et d'une courte période d'entretien par l'équipage en hiver, les seules ruptures de la routine du bord pour l'équipage étaient les week-ends, période où le navire ne sortait habituellement pas; or, il s'avérait souvent difficile pour les membres de l'équipage d'aller chez- eux et d'en revenir, compte tenu du peu de temps dont ils disposaient. Les restrictions financières, particulièrement concernant les heures supplémentaires et le carburant, ainsi que les nombreux changements d'équipage, contribuaient à cette situation. Le gestionnaire de la Flotte ainsi qu'un officier du service opérationnel se trouvaient à Toronto, tandis qu'un surintendant et un gestionnaire de district étaient à la base de Prescott. Ces quatre personnes étaient responsables, à divers degrés, des opérations quotidiennes à terre; le capitaine quant à lui, devait déterminer selon quelle priorité il devait s'acquitter de ses responsabilités envers chacune de ces quatre personnes.

1.18.3 Gestion des ressources sur la passerelle du «GRIFFON»

L'équipage du «GRIFFON» n'avait reçu aucune formation en gestion des ressources sur la passerelle et il n'était pas tenu d'en avoir. La gestion des ressources sur la passerelle consiste essentiellement à faire un usage judicieux de toutes les ressources disponibles pour assurer la bonne exécution de la mission. La gestion des ressources sur la passerelle englobe la canalisation de l'attention, les tâches opérationnelles, le stress, les comportements et le risque. L'optimisation de la gestion de ces éléments a un effet direct sur quatre facteurs critiques pour l'issue heureuse d'une opération, à savoir la reconnaissance du problème à surmonter et la définition de la nature de celui-ci (connaissance de la situation); la réflexion qui peut aboutir à des jugements ou à des décisions (métacognition); la participation d'autrui à la solution de problèmes (partage de modèles mentaux); et la compréhension de ce qu'il faut faire, selon quelle priorité, ainsi que des ressources qui sont nécessaires et disponibles (gestion des ressources).

La gestion des ressources sur la passerelle tient compte du fait que la sécurité et l'efficacité des opérations sont régies par de multiples facteurs, relatifs à l'individu, à l'organisation et au cadre réglementaire. Les notions inhérentes à la gestion des ressources sur la passerelle fournissent des moyens pratiques pour optimiser ces facteurs. Le choix de personnel mieux disposé pour le travail en équipe représente une stratégie à long terme dont l'efficacité est incontestable. Les dirigeants doivent bâtir une culture et élaborer des normes qui favorisent le travail en équipe, y compris des modèles de rôle qui mettent en pratique et consolident un tel concept. Enfin, la réglementation peut aussi aider, tout au moins en encourageant le travail en équipe dans l'exécution des missions, sinon en appuyant activement la formation en matière de gestion des ressources sur la passerelle.

1.19 Renseignements d'ordre médical

1.19.1 Politiques et rôle de Santé et Bien-être social Canada (SBSC)

Les politiques touchant la médecine du travail pour le personnel de l'administration fédérale sont établies par le Conseil du Trésor en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques. Le Conseil du Trésor a délégué à la Direction de la santé des fonctionnaires fédéraux de Santé et Bien-être social Canada (SBSC) (rebaptisé Santé Canada en 1993) la responsabilité de l'application du programme, laquelle inclut une évaluation de l'aptitude à l'emploi. Les normes médicales qui régissaient le personnel de la GCC au moment de l'accident avaient été élaborées en 1985 par SBSC et sont contenues dans la publication intitulée Guide du médecin. Ces normes ont été révisées en 1992 et publiées dans le Guide d'évaluation de la santé au travail.

Les principaux objectifs des évaluations médicales des employés et les principales attentes du système, selon le Guide du médecin, étaient les suivantes : «constituer un moyen de prévenir une maladie ou une infirmité pouvant découler des conditions de travail ou être aggravés par elles; établir que les personnes sont aptes à continuer à travailler sans que cela nuise à leur santé ou à leur sécurité ni à celles des autres; déterminer les conditions dans lesquelles certaines personnes malades ou infirmes peuvent continuer à travailler.»

Le Guide du médecin précise aussi : «De façon générale, des examens de santé sont faites (sic) dans les cas suivants : lorsque des emplois comportent un risque pour la santé ou la sécurité d'un employé; lorsque des gestes posés par un employé représentent une menace pour la santé et la sécurité d'un autre; ... lorsqu'une norme, une politique ou une ligne directrice de la Fonction publique prévoit que la direction d'un ministère ou SBSC est libre de demander la tenue d'un tel examen.»

Après l'examen médical, le ministère employeur reçoit un rapport ou une interprétation non médicale indiquant la capacité de l'employé à exécuter le travail requis. Le rapport ne contient pas de diagnostic et ne fournit pas de raisons pour les conclusions formulées. Toutefois, si des restrictions professionnelles sont indiquées, le rapport comprend des conseils à la direction concernant l'adaptation au travail ou le choix du travail, ou concernant la réaffectation de l'employé ainsi que la durée estimative de telles restrictions.

Des examens médicaux devaient être effectués à des intervalles donnés, mais, dans certains cas, SBSC pouvait recommander des évaluations ou des examens plus fréquents.

Le nombre de médecins disponibles pour effectuer les examens médicaux et pour d'autres fonctions dans la Région de l'Ontario où le «GRIFFON» était basé a été réduit au fil des ans de quatre postes à plein temps à un poste à plein temps avec un adjoint à temps partiel. En 1991, le médecin a examiné les dossiers médicaux de 2 656 employés fédéraux, en plus de ses autres tâches.

1.19.2 Programme d'aide aux employés (PAE) de l'administration fédérale

Les ministères étaient en mesure de faire passer des examens médicaux spéciaux dans le cadre du Programme d'aide aux employés (PAE), lorsqu'on jugeait que le rendement de l'employé au travail était diminué par des problèmes de santé. La tâche de fournir le PAE créé par le Conseil du Trésor a été confiée aux divers ministères, et, en l'occurrence, à Transports Canada (TC). À cause de la diminution des ressources de SBSC, du caractère très confidentiel du PAE et du roulement de personnel dans le poste d'agent du PAE à TC, il y avait très peu de dialogue entre le médecin de SBSC affecté à la GCC à Toronto et l'agent du PEA de TC.

1.19.3 Équipage du «GRIFFON» : Aptitude à l'emploi

1.19.3.1 Capitaine

En mai 1990, le capitaine a dû s'absenter de son travail pendant cinq semaines à cause du stress causé par la brusque annulation de ses vacances. Par suite de cet incident, il a consulté un médecin pour des problèmes d'insomnie, d'angoisse reliée au travail, de stress et de dépression. Après l'avoir interrogé sur ces symptômes et lui avoir fait passer un examen sommaire, le médecin lui a prescrit de s'absenter de son travail pour une durée indéterminée. Le capitaine a vu son médecin de famille en juillet et celui-ci a constaté que son état s'était amélioré et qu'il reprenait son travail.

En septembre 1990, le capitaine a de nouveau consulté son médecin de famille. Il s'est plaint de stress et d'insomnie, même si le dossier médical du médecin concernant cette visite n'en donne pas les raisons. Le médecin lui a prescrit un traitement d'un mois au Prozac, un antidépressif.

Le médecin spécialiste en médecine du travail de SBSC n'a pas été informé à l'époque de ces diagnostics et traitements, et rien dans les lois ou les règlements n'exigeait qu'il le soit.

Jusqu'à ce moment, les différents officiers de la GCC dont relevait le capitaine ne savaient pas qu'il était stressé ou dépressif. Ce dernier a continué d'exercer ses fonctions à bord du «GRIFFON» pendant la période d'un mois où il était sous médication, en septembre 1990.

Le 16 octobre 1990, le capitaine a subi l'examen médical de routine exigé par SBSC chez un médecin désigné. Le capitaine a rempli correctement le questionnaire concernant sa santé. Il a parlé de ses récents problèmes médicaux, y compris ses problèmes de stress et de dépression, ainsi que du médicament qui lui avait été prescrit. Le médecin-examinateur n'a pas communiqué avec le médecin de famille ni avec le médecin de SBSC. Le capitaine, qui avait toujours été déclaré «apte à l'emploi» auparavant, a vu cette évaluation confirmée. Jamais il n'a songé à consulter dans le cadre du PAE.

Avec les années, selon des officiers du navire et un surintendant à terre qui travaillait avec le capitaine, celui-ci était progressivement devenu renfermé et revêche. Ce comportement était très différent de l'attitude joviale et ouverte qu'il avait quelques années avant l'abordage, selon les dires du médecin de SBSC et des camarades de travail du capitaine.

En mars 1991, quelques jours à peine avant l'abordage, le médecin de SBSC, qui contrôlait les dossiers médicaux de l'équipage du «GRIFFON», a examiné le dossier du capitaine. Il se souvenait de celui-ci qu'il avait déjà rencontré pour lui faire passer des examens médicaux et lors de visites sur le navire. Il a estimé que le capitaine était parfaitement en mesure de surmonter une période passagère de dépression et qu'il avait apparemment bien répondu à la médication, surtout que son rétablissement avait déjà été confirmé par le médecin-examinateur désigné. Il n'a demandé aucun suivi particulier. Il était prévu que l'aptitude à l'emploi du capitaine serait évaluée en octobre 1991.

1.19.3.2 Officiers

Des médecins désignés par l'agent médical de la Santé de SBSC faisaient passer des examens médicaux aux officiers et aux membres de l'équipage du «GRIFFON».

Toutes les personnes mises en cause dans l'accident, sauf le barreur, avait passé les examens médicaux réglementaires et avaient été trouvées aptes à l'emploi.

1.19.3.3 Barreur

Le barreur était employé depuis environ quatre mois sur une base temporaire sans avoir passé l'examen médical préalable à l'embauche requis, ou l'évaluation médicale de son aptitude à l'emploi de SBSC. Des porte-parole de la GCC ont déclaré qu'à cause de la quantité considérable de travail accumulée, il fallait plusieurs semaines pour obtenir le certificat médical d'aptitude à l'emploi d'un nouvel employé. Le barreur avait profité de sa période d'emploi pour acquérir de l'expérience et de la formation comme barreur. Rien dans la façon dont il s'acquittait de ses fonctions ne permet de croire qu'il avait un quelconque problème de santé.

1.19.3.4 Renseignements médicaux après l'accident

Les membres de l'équipe à la passerelle n'ont pas subi d'examen médical après l'accident pour voir s'ils étaient dans un état susceptible de nuire à l'exécution de leurs fonctions. On n'a pas demandé d'échantillons pour le dépistage des drogues ni fait d'examen pour déceler une détérioration de la performance, et la loi ne l'exige pas. Le médecin-examinateur de SBSC a offert ses services, mais s'est fait répondre par la GCC qu'on n'en avait pas besoin. Un conseiller du PAE de TC a passé trois jours à bord du navire pour donner des séances de gestion du stress.

Après l'abordage, le capitaine s'est montré plein de prévenances et de compassion, s'employant à réconforter ses officiers et son équipage. En outre, il a recommandé à tous de collaborer sans réserve avec les enquêteurs. Après avoir rempli ses tâches professionnelles, le capitaine a montré des signes de stress très grave, selon le conseiller du PAE.

1.19.4 Équipage du «CAPTAIN K» : Aptitude à l'emploi

1.19.4.1 Politique

Les marins-pêcheurs ne sont pas tenus de passer un examen médical avant de naviguer.

1.19.4.2 Patron

Le dossier médical du patron ne montre aucune anomalie. Les éléments de preuve recueillis indiquent qu'il était bien reposé et n'avait été exposé à aucun facteur de stress important.

1.19.4.3 Équipage

On n'a relevé chez les membres de l'équipage aucun problème de santé qui aurait pu contribuer à l'accident.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Étant donné que, selon les éléments de preuve recueillis, les équipages des deux navires étaient suffisamment qualifiés et expérimentés, l'analyse s'attache à déterminer pourquoi les méthodes d'exploitation en vigueur au moment de l'abordage étaient jugées appropriées. Elle examine aussi la preuve recueillie concernant l'aptitude à l'emploi du personnel de navigation et les incidences de celle-ci sur l'exploitation des deux bâtiments.

2.2 Attentes et méthodes d'exploitation

2.2.1 Généralités

Il est évident, d'après la façon dont les deux navires étaient exploités, qu'aucun des deux ne s'attendait à rencontrer un autre bâtiment dans le secteur. Des méthodes d'exploitation comportant des sauvegardes intégrées contre de telles erreurs d'évaluation ont été prévues, particulièrement pour le type de conditions météorologiques qui régnaient ce jour-là. Ces méthodes font appel à l'utilisation des signaux appropriés, de systèmes de navigation électronique, d'hommes de veille et de vitesses de sécurité. Dans le cas à l'étude, les méthodes d'exploitation approuvées ont été délaissées, à divers degrés, sur chacun des deux navires.

2.2.2 «GRIFFON»

2.2.2.1 Exploitation

Le capitaine du «GRIFFON» avait décidé que son navire filerait sa pleine vitesse commerciale; aucun homme de veille n'avait été posté à l'avant, et on n'avait pas donné l'ordre de faire entendre les signaux de brume. En outre, l'absence d'appels de sécurité par radio et de gestion des ressources sur la passerelle du «GRIFFON», notamment la non-utilisation d'un régime de pilotage par radar et l'absence de consignes à l'équipage, rendait la sécurité encore plus aléatoire.

Des mesures de sécurité intégrées ont été laissées pour compte, ce qui porte à croire que le capitaine était certain de ne pas rencontrer d'autres bâtiments en cours de route. Même si le capitaine connaissait bien le secteur et savait qu'il y avait une flottille de pêche à Port Dover, il semble qu'il ne pensait pas que celle-ci pêchait effectivement ce jour-là. Le fait que le capitaine était convaincu qu'il lui fallait terminer le travail de façon à minimiser les heures supplémentaires et avant que les conditions météorologiques ne se détériorent l'a peut-être empêché de se rendre compte qu'il n'était pas prudent d'agir de la sorte. Il se peut également que le stress ait réduit sa faculté de concentration et affecté son jugement au point qu'il a ordonné au navire de faire route à pleine vitesse avant l'abordage, sans prendre les mesures de sécurité qui s'imposaient dans les circonstances. Il était tellement ancré dans ses idées qu'en entendant le bruit de l'abordage, le capitaine a pensé que l'équipage avait échappé une bouée sur le pont; ce n'est que lorsqu'il a aperçu lui-même le «CAPTAIN K» par son hublot qu'il a remis son interprétation des faits en question.

2.2.2.2 Gestion des ressources sur la passerelle

C'est le capitaine qui avait décidé des paramètres d'exploitation du «GRIFFON» pendant les moments précédant l'abordage. Le S/C et le 3/L s'inquiétaient des méthodes d'exploitation utilisées, mais ils n'ont pas contesté ses décisions. Ce manque d'affirmation de soi de la part du 3/L, comportement qui n'est pas rare dans les opérations maritimes, a permis au navire d'être exploité selon l'idée que le capitaine seul se faisait de la situation. Or, selon les principes de la gestion des ressources sur la passerelle, les membres de l'équipage doivent partager l'information dont ils disposent afin que, dans la mesure du possible, tous les éléments pertinents soient pris en compte dans le processus décisionnel; en vertu d'un tel principe, les autres officiers auraient dû intervenir face à une situation qu'ils jugeaient dangereuse. L'équipage du «GRIFFON», y compris le capitaine, n'avait pas été entraîné à mettre en pratique les principes de la gestion des ressources sur la passerelle. Comme ni le S/C ni le 3/L n'a questionné le capitaine, ce dernier n'est pas revenu sur ses décisions.

2.2.3 «CAPTAIN K»

2.2.3.1 Exploitation

À bord du bateau de pêche, personne n'avait été désigné pour assurer une veille, et on n'a peut- être pas fait entendre de signaux de brume. Les deux membres de l'équipage étaient dans leurs couchettes, même s'ils n'étaient vraisemblablement pas plus fatigués que le patron; un des deux aurait pu être désigné pour assurer la veille.

Si le radar avait fonctionné, il est probable que le patron aurait été averti à l'avance de l'approche du «GRIFFON» et qu'il aurait pu communiquer par radiotéléphone VHF avec celui-ci pour convenir de mesures à prendre afin d'éviter un accident s'il avait pensé qu'il y avait un risque d'abordage.

2.3 Sources de distraction pour le personnel de navigation du «GRIFFON»

2.3.1 Utilisation du téléphone cellulaire

Le téléphone cellulaire était placé sur la passerelle du «GRIFFON», tout près des cartes de navigation et à côté du radar de tribord, de telle sorte qu'une personne qui répondait au téléphone empiétait physiquement dans la passerelle de navigation. Les conversations sont une source de distraction lorsque d'importantes décisions en matière de navigation doivent être prises en se basant sur les données des radars et d'autres instruments.

Telle était la situation lorsque le «GRIFFON» s'est éloigné de la bouée «N». Le 2/L a déclaré que pendant que le C/M parlait au téléphone, il avait signalé au 3/L une cible sur la ligne de foi, alors que ce dernier était en train de mettre le navire sur un nouveau cap. La conversation en cours peut avoir été un élément de distraction. Quoi qu'il en soit, la cible radar qui approchait n'a pas été identifiée.

2.3.2 Personnel essentiel sur la passerelle

Après avoir terminé son appel téléphonique, rien ne retenait plus le C/M sur la passerelle. Il n'a donné aucune information utile concernant la navigation, mais sa présence a fourni aux autres officiers l'occasion d'engager la conversation.

Le S/C est monté sur la passerelle, mais il n'avait pas de tâches précises auparavant. Une fois sur la passerelle, il a assuré, en principe, la veille, mais il s'est aussi joint à la conversation.

Dans des circonstances aussi critiques que celles qui étaient réunies à ce moment, il importe que seules les personnes essentielles à la navigation demeurent sur la passerelle, et il faut que ces personnes connaissent bien leurs responsabilités respectives et les exercent avec diligence.

2.4 Conscience de la présence d'autres navires

On ne sait pas si le «CAPTAIN K» avait capté l'un des messages radio qui aurait pu lui faire connaître la présence du «GRIFFON» dans les parages. Le premier message du «GRIFFON» a été envoyé sur la voie 82A du VHF, fréquence sur laquelle il est improbable que le bateau de pêche ait été à l'écoute. Il est donc peu probable que le «CAPTAIN K» ait entendu l'AVNAV diffusé par les SRGC de Sarnia et de Toronto qui aurait pu permettre au patron de déduire qu'un baliseur de la GCC travaillait dans le secteur. Comme il ne se trouvait pas dans une zone de STM obligatoire, le «GRIFFON» n'a pas autrement fait rapport de ses déplacements.

Le «GRIFFON» n'était pas à l'écoute (et il n'était pas obligé de l'être) sur la voie 18 du VHF, fréquence utilisée par les bateaux de pêche pour communiquer entre eux dans le secteur, ni sur la voie 7A, fréquence utilisée par le «CAPTAIN K» pour communiquer avec l'usine de traitement du poisson. Par conséquent, il n'a capté aucune des communications du «CAPTAIN K». Ni l'un ni l'autre des deux bâtiments n'avait donné d'information à son équipage concernant l'environnement opérationnel, ni transmis d'appels de sécurité, ni assuré l'écoute sur d'autres voies radiotéléphoniques: ils n'étaient donc pas au courant de la situation concernant la présence d'autres navires dans le secteur.

2.5 Fonctionnement du radar du «GRIFFON»

2.5.1 Retours de mer

Selon les témoignages, il y avait sur l'écran radar, des retours de mer qui pourraient probablement expliquer que le «GRIFFON» n'ait pas détecté la présence du «CAPTAIN K» et que le faible écho intermittent devant le navire n'ait pas été suivi à l'extérieur de la zone de retours de mer. Une fois à l'intérieur de cette zone, l'écho du «CAPTAIN K» serait devenu virtuellement impossible à déceler.

2.5.2 Pointage radar

Il est difficile de comprendre comment un élément aussi vital que le pointage sur le

réflecto-traceur a pu être effacé. Il n'en demeure pas moins qu'un bateau de pêche en acier, qui constitue notoirement une cible radar typique pour sa taille, n'a pas été suivi au radar. Comme l'officier de quart a affirmé avoir passé beaucoup de temps devant l'écran radar avant l'abordage, cela laisse supposer qu'on n'a pas correctement utilisé le radar : soit qu'on n'ait pas procédé à une recherche continue et attentive des cibles, soit qu'on n'ait pas fait un pointage radar correct des échos décelés. Il se peut également que les commandes du radar n'aient pas été correctement réglées, mais cela est improbable puisque de petites bouées-repères de tête de puits ont été décelées.

On relève plusieurs contradictions dans les éléments de preuve recueillis, l'une étant la déclaration selon laquelle les quatre bouées-repères de tête de puits, selon le pointage, se seraient déplacées en direction inverse sur un tracé relatif, alors que la cible se dirigeant vers le port au large de la pointe Long a été pointée comme étant immobile. Dans son témoignage initial, l'officier de quart a indiqué qu'il pensait que l'écho au large de la pointe Long (décelé à un moment que l'on situe vers 12 h 55) se dirigeait vers le port, mais qu'il n'avait pas fait de pointages pour s'en assurer. Or, une cible qui «se dirige vers le port» ne peut être en même temps «immobile». L'officier de quart a ultérieurement témoigné qu'il n'avait vu la cible que quelques minutes avant l'abordage. Le «pointage de mémoire» fait plusieurs heures après l'accident n'est pas concluant, mais si l'on admet que l'écho au large de la pointe Long a été observé à 12 h 50, il est alors possible que cet écho ait été celui du «CAPTAIN K».

2.6 Position du «GRIFFON» à 13 h, selon l'inscription dans le journal de bord

Il n'y a pas de courant appréciable dans la baie de Long Point. Compte tenu de la position à 13 h consignée dans le journal de bord du «GRIFFON», soit 200° et 6,7 M par rapport à la pointe Bluff, le navire aurait dû, pour atteindre le lieu où le «CAPTAIN K» a fait naufrage ou la position de l'abordage (selon le formulaire de rapport d'accident), maintenir une vitesse moyenne de 15,3 noeuds ou de 15,75 noeuds, selon le cas. En prenant une distance de 6,4 M au large de la pointe Bluff, ces vitesses auraient dû être de 15,75 ou de 16,2 noeuds respectivement. Avec des distances de 6,4 et de 6,7 M de la pointe Bluff, mais en prenant la position de l'abordage notée initialement par le «GRIFFON», soit 42°36′N par 80°02,7′W, le navire aurait dû filer en moyenne 18,45 ou 18 noeuds. Comme la vitesse maximale du «GRIFFON» est de 12,5 noeuds, les positions indiquées demeurent inexplicables.

2.7 Réaction du barreur du «GRIFFON»

Face à la situation dangereuse qui se créait rapidement, le barreur n'avait pas l'expérience nécessaire pour savoir comment réagir; à cause de sa formation initiale, il était peut-être enclin à venir sur tribord dans le doute. Si le S/C et le 3/L avaient les premiers décelé la présence du bateau de pêche, l'un ou l'autre aurait pu prendre la même décision. Toutefois, si l'officier avait remarqué la houache de l'hélice du «CAPTAIN K» qui battait en arrière et/ou l'absence de lame d'étrave, il aurait peut-être ordonné de venir sur bâbord pour éviter le bateau de pêche. Tout compte fait, il est impossible de dire si les mesures prises à bord du «GRIFFON» pour éviter l'abordage étaient correctes.

2.8 Réflecteurs radars

Un navire de moins de 20 m de longueur comme le «CAPTAIN K» aurait dû être muni d'un réflecteur radar passif.

En l'occurrence, les essais n'ont pas montré beaucoup de différence dans l'écho radar d'un bateau de pêche muni ou non d'un réflecteur radar et celui d'un bateau muni ou non d'une marque de pêche métallique. Toutefois, en raison de la très grande différence possible entre les conditions d'exploitation le jour de l'événement et celles qui régnaient au moment des essais, il n'est pas possible de dire si un réflecteur radar aurait amélioré l'image radar du «CAPTAIN K».

2.9 Non-identification du «CAPTAIN K» au radar à bord du «GRIFFON»

Le pointage de mémoire, correspondant supposément à la situation vers 12 h 50 mais que l'on situe plutôt vers 12 h 55, montre un écho au large de la pointe Long. Il n'y a jamais eu d'autre acquisition de cet écho que l'officier de quart a supposé, à ce moment, «immobile», mais qui, selon un témoignage antérieur, lui avait semblé se diriger vers le port. L'abordage est survenu à 13 h 20, et, si l'on présume que le «GRIFFON» filait environ 12 noeuds, cela le placerait à environ quatre milles au nord de la pointe Long à ce moment.

Dans l'intervalle, le «CAPTAIN K» avait, selon les témoignages, doublé la pointe Long vers 12 h ou 12 h 15 et il est possible qu'il se soit arrêté pour localiser des bancs de poisson. Il peut avoir été immobile jusque vers 12 h 45 ou 12 h 55, après quoi il se serait mis en route vers le nord, ce qui expliquerait que l'officier de quart du «GRIFFON» ait pu le voir successivement «immobile» et «se dirigeant vers le port». Si le «CAPTAIN K» se trouvait au large de la pointe Long à 12 h 50, filant sa vitesse maximale, il pouvait parvenir au lieu de l'abordage dans le laps de temps qui s'est écoulé (30 minutes) avant l'accident.

Il n'en demeure pas moins que l'écho aperçu au large de la pointe Long n'a jamais été correctement identifié et qu'il pouvait s'agir du «CAPTAIN K». Étant donné que le second radar (et le «défruiteur») n'était pas en marche, ce deuxième appareil n'a pas pu servir pour détecter le «CAPTAIN K».

2.10 Angle de l'abordage

Les avaries subies par le «CAPTAIN K» indiquent qu'il a été heurté par le «GRIFFON» sous un angle approximatif de 60 à 80° par rapport à son axe longitudinal. On ne sait pas quels caps le «CAPTAIN K» avait suivis avant l'abordage; toutefois, si le bateau de pêche suivait une route voisine de la ligne reliant une position au large de la pointe Long au lieu du naufrage, l'angle d'approche des deux bâtiments a dû être d'environ 20°. Cette différence apparente dans l'angle d'abordage peut s'expliquer par le fait que la lame d'étrave du «GRIFFON» a fait embarder le bateau de pêche sur tribord avant l'abordage et, jusqu'à un certain point, par l'évitement de l'arrière du «CAPTAIN K» sur bâbord alors qu'il battait en arrière toute avec une hélice à pas à droite.

2.11 Cloisonnement du «CAPTAIN K»

Comme le bateau jaugeait moins de 15 tjb, il n'était pas tenu d'avoir des cloisons étanches et il n'en avait pas. S'il avait été muni de cloisons étanches, le «CAPTAIN K» n'aurait peut-être pas coulé aussi rapidement.

2.12 Système de gestion de la sécurité

2.12.1 «GRIFFON»

Bien que la GCC exploite une importante flotte de l'État, aucune politique de gestion de la sécurité n'était encore établie au moment de l'abordage. Une telle politique aurait pu contribuer à éclaircir les liens hiérarchiques du capitaine et aurait pu amener la mise en place de méthodes de navigation appropriées inspirées des leçons tirées d'une précédente vérification.

2.12.2 «CAPTAIN K»

Même si l'on ne s'attend pas à ce qu'un aussi petit bateau ait une politique écrite en matière de gestion de la sécurité, les principes sous-jacents demeurent. Le patron, en demandant qu'on répare le radar, avait montré qu'il se préoccupait bel et bien de la sécurité; toutefois, le propriétaire, en ne veillant pas au bon fonctionnement d'une aide à la navigation aussi importante, n'a pas assuré au patron le soutien qu'aurait exigé un système de gestion de la sécurité bien établi.

2.13 Renseignements médicaux

2.13.1 État de santé du capitaine du «GRIFFON»

À deux reprises en 1990, le capitaine avait vivement réagi à des éléments stressants par de l'instabilité émotionnelle et des symptômes comme de l'insomnie. Pendant un mois, en septembre 1990, il a pris des antidépressifs. Le 19 octobre 1990, au cours d'un examen médical de routine effectué par un médecin désigné, examen au cours duquel les questions du stress, de l'état dépressif et du traitement ont été abordées, le capitaine a été déclaré médicalement apte à l'emploi. En mars 1991, quelques jours à peine avant l'abordage, son dossier a été étudié par le médecin-examinateur de SBSC qui le connaissait personnellement et l'avait déjà examiné auparavant; ce médecin a jugé que le capitaine avait bien répondu à la médication et a officiellement approuvé l'attestation d'aptitude à l'emploi délivrée en octobre 1990.

Les facteurs de stress reliés au travail avaient été moins nombreux au cours de l'hiver, période où le «GRIFFON» était désarmé à Amherstburg (Ontario). Au moment de l'abordage, le «GRIFFON» était pleinement opérationnel depuis environ deux semaines et les fonctions ainsi que le rythme des activités étaient analogues ou plus exigeants encore que pendant la période où le capitaine avait consulté un médecin antérieurement.

L'état de santé du capitaine pouvait présenter un risque pour la sécurité du navire mais, à cause d'un manque de communication, et, dans une certaine mesure, de l'insuffisance des ressources, le capitaine ne s'est pas prévalu des programmes offerts et on ne l'a pas envoyé consulter.

2.13.2 Le Programme de santé au travail

Les principaux objectifs du Programme de santé au travail de SBSC n'ont pas été atteints à cause du manque de communication entre les médecins qui traitaient le capitaine et ceux qui effectuaient les examens d'aptitude à l'emploi. Ces derniers n'ont pas déterminé s'il convenait que le capitaine continue de travailler alors qu'il prenait des antidépressifs.

Le médecin désigné et le médecin de famille n'ont pas discuté ensemble de l'aptitude du capitaine à continuer de remplir ses fonctions dans un milieu qui provoquait apparemment des symptômes reliés au stress.

Idéalement, dans un programme pro-actif, le médecin conseil peut coordonner la contribution de personnes de diverses disciplines pour fournir des services comme une évaluation des dangers en milieu de travail, de la formation, des programmes de mieux-être et des consultations médicales.

2.13.3 Direction de la Garde côtière canadienne (GCC)

La direction de la GCC n'a pas pris au sérieux la période dépressive initiale du capitaine après l'annulation de ses vacances annuelles. Elle n'a pas demandé de consultation dans le cadre du PAE. Toutefois, la direction n'était pas au courant des récurrences du stress, ni du traitement aux antidépressifs en cours d'emploi. Tout au moins dans le contexte des événements précédant l'abordage, la GCC semble avoir été la bénéficiaire relativement passive des services de SBSC. Il n'y a pas eu de communication avec les responsables du Programme de santé au travail, pas plus qu'il y en a eu entre le PAE et SBSC.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis

3.1.1 «GRIFFON»

  1. Le capitaine a entrepris de terminer un programme de mise en place de bouées avant la tombée de la nuit et avant que les conditions météorologiques ne se détériorent tout en cherchant en même temps à minimiser les heures supplémentaires.
  2. Alors que la visibilité était réduite par la brume, le navire faisait route à sa pleine vitesse, soit 11½ noeuds en moyenne, après avoir placé la bouée «N».
  3. Il ne faisait pas entendre de signaux de brume.
  4. Une cible radar détectée au large de la pointe Long n'a pas été bien identifiée ni suivie.
  5. Il n'y avait pas de véritable régime de pilotage par radar en place.
  6. Les changements de cap n'ont pas été inscrits dans le brouillon de passerelle.
  7. La position consignée pour 13 h le 18 mars est peut-être erronée.
  8. Le second capitaine (S/C) a temporairement assuré la veille, mais il ne l'a fait ni de façon officielle ni adéquatement.
  9. Le «GRIFFON» naviguait avec un seul des deux écrans radars ouverts.
  10. Pour utiliser le téléphone cellulaire installé sur la passerelle, l'interlocuteur devait se tenir sur la passerelle de navigation.
  11. Les tâches usuelles de navigation ont été perturbées par un appel sur le téléphone cellulaire et par le fait que celui qui l'a reçu est demeuré sur la passerelle par la suite.
  12. Trois officiers étaient en train de converser sur la passerelle avant l'abordage.
  13. On n'a pas détecté l'écho radar du «CAPTAIN K».
  14. Le barreur a été la première personne sur la passerelle à apercevoir le bateau de pêche qui approchait.
  15. Le barreur a changé de cap en catastrophe avant d'en avoir reçu l'ordre d'un officier.
  16. On n'a pas signalé l'abordage immédiatement.

3.1.2 «CAPTAIN K»

  1. Personne en particulier n'avait été désigné pour assurer la veille.
  2. Le radar installé à bord ne fonctionnait pas depuis environ six mois.
  3. Le patron était occupé aux tâches de navigation et à gouverner manuellement son bateau par visibilité réduite.
  4. La timonerie ne comportait qu'une seule issue et celle-ci a été complètement bloquée par les avaries causées par l'abordage.
  5. Le bateau n'avait pas de réflecteur radar.
  6. Le moteur était en marche arrière toute au moment de l'abordage.
  7. Le bateau n'avait pas de cloisons étanches et n'était pas tenu d'en avoir en vertu des règlements.

3.1.3 Services de trafic maritime (STM)

1. Il n'y avait pas de système STM actif dans la baie de Long Point ce jour-là.

3.1.4 Systèmes de la Flotte de la Garde côtière canadienne (GCC)

  1. Aucun système intégré de gestion de la sécurité n'était établi.
  2. Il n'y avait pas de programme de formation en gestion des ressources sur la passerelle.
  3. Après avoir pris un congé de maladie d'une durée indéterminée, le capitaine avait repris ses fonctions sans avoir été examiné par un médecin habilité à approuver son retour au travail.
  4. En septembre 1990, le capitaine avait été traité pendant environ un mois aux antidépressifs, période au cours de laquelle il a continué d'exercer ses fonctions à bord à l'insu et sans l'approbation de l'autorité médicale désignée. Le 16 octobre 1990, il avait été déclaré médicalement apte à l'emploi et, quelques jours à peine avant l'abordage, le médecin de Santé et Bien-être social Canada (SBSC) était d'avis que le capitaine avait bien répondu à la médication.
  5. Il faut plusieurs semaines pour obtenir le certificat d'aptitude à l'emploi d'un nouvel employé, et c'est pourquoi on n'avait pas envoyé le barreur passer l'examen médical préalable à l'embauche requis.
  6. Il n'y a pas eu de communication entre le médecin-examinateur de SBSC assurant la supervision à la GCC et le conseiller du Programme d'aide aux employés (PAE) de la GCC.
  7. Il n'existait pas de politique concernant une vérification médicale/opérationnelle en bonne et due forme des aptitudes à reprendre son emploi d'une personne qui a pris un congé de maladie à cause de problèmes reliés au stress.
  8. Il n'existait pas de politique concernant le suivi médical/opérationnel systématique d'un membre de l'équipage d'un navire qui prend des médicaments sous ordonnance.
  9. Il n'existait pas de politique concernant la ligne de conduite à adopter lorsque des officiers étaient en désaccord avec les méthodes d'exploitation du navire adoptées par le capitaine.

3.2 Causes

Le «GRIFFON», qui filait sa pleine vitesse commerciale malgré une visibilité réduite, sans faire entendre de signaux de brume, n'a pas bien identifié une cible radar devant lui et n'a pas pris de mesures pour éviter l'abordage avant que la cible ne soit entrée dans la zone de retours de mer. L'absence d'un radar en état de marche à bord du «CAPTAIN K» a contribué à l'abordage.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Utilisation et emplacement des téléphones cellulaires

Étant donné que l'utilisation de téléphones cellulaires sur la passerelle peut nuire énormément à la concentration et à l'attention nécessaires au personnel de quart dans l'exercice de fonctions de navigation capitales, le BST a fait parvenir un Avis de sécurité maritime à la Garde côtière canadienne (GCC) en 1992 afin de souligner la nécessité d'établir des lignes directrices concernant l'installation et l'utilisation de téléphones cellulaires ou d'autres équipements de communication facultatifs à bord des navires canadiens.

Par la suite, la GCC a publié la circulaire no FSC2-92 de la Flotte touchant l'utilisation et l'emplacement des téléphones cellulaires. Les commandants de tous les navires de la Flotte de la GCC ont reçu instruction d'établir des directives détaillées concernant l'utilisation des téléphones cellulaires et d'autres équipements de communication facultatifs sur la passerelle, afin de faire en sorte que ceux-ci ne nuisent pas à la sécurité de la navigation ou à l'exploitation du navire.

En outre, la GCC a publié le Bulletin de la sécurité des navires no 7/92 intitulé Lignes directrices visant l'usage de l'équipement de communication radio installé sur la passerelle de navigation qui demande que les appareils de communication destinés aux appels personnels soient placés ailleurs que sur la passerelle de navigation. Lorsque cela est impossible, les appels personnels et d'affaires doivent être les plus brefs possibles afin d'éviter de distraire le personnel de navigation de ses tâches.

4.1.2 Réflecteurs radars à bord de petits bâtiments

Compte tenu du risque accru d'abordage dans des conditions de visibilité réduite et puisqu'un réflecteur radar passif peut rendre les petits bâtiments plus facilement détectables, le BST a envoyé un Avis de sécurité maritime à la GCC en 1992 lui demandant de rappeler aux exploitants de petits bâtiments, et tout spécialement les bateaux de pêche, les exigences du Règlement sur les abordages concernant l'installation de réflecteurs radars passifs.

En conséquence, la GCC a publié le Bulletin de la sécurité des navires no 4/92 concernant L'installation de réflecteurs-radar sur les petits navires (version mise à jour du Bulletin no 3/81 intitul é Réflecteur radar - Dispositif de sécurité pour les petits bateaux ). Ce dernier bulletin rappelle aux propriétaires/exploitants de petits bâtiments l'importance d'utiliser des réflecteurs radars. Il indique que de petits bâtiments naviguant par visibilité réduite ont été éperonnés ou écrasés par de grands navires dont les radars ne les avaient pas détectés. On y souligne en outre l'importance toute spéciale des réflecteurs radars pour les petits bateaux de pêche qui, pour un grand nombre, sortent par tous les temps, le jour comme la nuit. On y indique aussi que les propriétaires/exploitants de petits bâtiments qui désirent se fabriquer un réflecteur radar conforme aux normes établies peuvent s'en procurer les plans à leur bureau régional de la Sécurité des navires.

4.1.3 Avis à la navigation/Appels de sécurité

Compte tenu de la nécessité de tenir les marins-pêcheurs locaux au courant des activités de la flotte de la GCC dans les zones de pêche, le BST a, en 1992, envoyé à la GCC un Avis de sécurité maritime pour lui demander de penser à des moyens de communiquer, aux marins-pêcheurs de Port Dover et d'ailleurs, de l'information concernant les activités de la GCC dans leur secteur.

La GCC, consciente des incidences nationales de la question, a abordé cet aspect de la sécurité maritime lors de réunions régionales du Conseil consultatif sur la sécurité maritime de la Garde côtière canadienne, et elle a invité les représentants de l'industrie de la pêche et de l'industrie maritime à faire valoir leurs idées et suggestions d'amélioration à cet égard.

4.1.4 Présence de personnel non essentiel sur la passerelle

Le BST a également envoyé en 1992 un Avis de sécurité maritime à la GCC pour lui demander de prendre des mesures afin de limiter la présence de personnel non essentiel sur la passerelle.

Par conséquent, la Circulaire de la Flotte no FSC2-92 (citée à la section 4.1.1) demande aussi aux commandants de tous les navires de la flotte de la GCC d'inclure dans leurs Ordres permanents du capitaine des lignes directrices concernant la présence de personnel non essentiel sur la passerelle, dans la salle des machines, dans le poste de commande, dans le poste de commande de treuil et dans d'autres zones d'exploitation critiques.

4.1.5 Radar à bord des petits bateaux de pêche

Conscient de l'utilité des radars comme outil anti-abordage, le BST a envoyé en 1992 à la GCC une lettre d'information sur la sécurité maritime décrivant en détail l'état du radar à bord du «CAPTAIN K». On y soulignait l'importance d'une bonne installation, d'un entretien approprié et d'une utilisation efficace des radars à bord de petits bâtiments.

Par la suite, la GCC a mis en valeur cet aspect de la sécurité maritime dans le cadre du volet prévention de son Programme de recherches et sauvetage ainsi que dans des campagnes de publicité pour améliorer la sécurité à l'intention des pêcheurs commerciaux.

4.1.6 Gestion des ressources sur la passerelle

Après l'événement à l'étude, la GCC a modifié plusieurs sections des Ordonnances de la Flotte de la Garde côtière (OFGC). Une nouvelle OFGC, no 209.00 concernant les méthodes et pratiques nautiques a été ajoutée; on y préconise notamment de meilleures procédures de sécurité sur la passerelle pour les capitaines et officiers de quart.

En outre, nous croyons savoir que la GCC a fait l'acquisition de matériel de formation en gestion des ressources sur la passerelle destiné au personnel de sa flotte. Les premiers cours de gestion des ressources sur la passerelle ont été donnés à du personnel de la flotte en 1994 et la formation se poursuit.

4.2 Mesures à prendre

4.2.1 Aptitudes physiques et mentales pour les postes critiques pour la sécurité

En juillet 1990, le capitaine du «GRIFFON» a repris le travail après plusieurs semaines de congé de maladie pour cause de stress et de symptômes reliés au stress. Quelques mois plus tard, il a été traité par son médecin de famille qui lui a administré une cure d'un mois de médicaments antidépressifs. Le médecin-examinateur du programme de sécurité et de santé professionnelle de Santé et Bien-Être social Canada (SBSC) n'a pas été informé de ce diagnostic et du traitement administré, et le capitaine a conservé ses fonctions à bord du «GRIFFON» alors qu'il était sous médication. La direction de la GCC a été mise au courant de l'état dépressif du capitaine à son stade initial; apparemment, toutefois, ni la direction ni les agents du Programme d'aide aux employés (PAE) de Transports Canada (TC) n'ont été mis au courant de l'évaluation médicale et du traitement subséquents du capitaine.

Une mauvaise santé peut avoir une influence néfaste sur les comportements physique, physiologique et psychologique, et l'usage de certains médicaments sous ordonnance ou en vente libre peut aussi diminuer le rendement d'une personne, en particulier son jugement, son temps de réaction et sa vigilance. C'est pourquoi certains secteurs de l'industrie ont jugé nécessaire d'édicter des règles et des politiques concernant les aptitudes physiques et mentales des personnes occupant des postes critiques pour la sécurité. Par exemple, les pilotes d'aviation et les contrôleurs de la circulation aérienne du Canada sont tenus, en vertu du Règlement de l'Air du Canada, de subir des examens médicaux que font passer des médecins désignés, ainsi que d'avertir les autres médecins qu'ils consultent qu'ils sont titulaires de permis de contrôleurs de la circulation aérienne ou de pilotes d'aéronefs. Ces médecins, quant à eux, doivent informer un médecin-examinateur désigné de tout état de santé du patient qui est susceptible, à leur avis, de représenter un danger pour la sécurité aéronautique.

Aux États-Unis, par suite d'un abordage entre un garde-côte de la garde côtière américaine (USCG) et un cargo, le National Transportation Safety Board (NTSB) a proposé des normes concernant la prise de médicaments par le personnel de quart des navires de la USCG, le but de ces normes étant de s'assurer que la médication n'empêche pas la personne de s'acquitter de ses fonctionsNote de bas de page 4. En outre, après l'échouement d'un traversier, le NTSB a recommandé que les officiers des navires à passagers américains soient tenus de déclarer tout médicament qu'ils prennent afin qu'il soit possible de procéder à une évaluation des effets de ce médicament sur la capacité de l'individu à exercer les fonctions du quartNote de bas de page 5.

Au Canada, les normes et les politiques touchant la santé du personnel de la GCC ont été établies par SBSC (devenu Santé Canada). Elles prévoient des examens médicaux obligatoires administrés par des médecins-examinateurs désignés afin de s'assurer, entre autres, que les employés de la GCC sont capables de s'acquitter de leur travail sans compromettre la sécurité. En outre, il est possible de faire passer des examens médicaux spéciaux dans le cadre du PAE si on a des raisons de croire que le rendement de l'employé au travail est diminué par des problèmes de santé.

Dans le cas à l'étude, certaines circonstances ont empêché à peu près totalement la consultation concernant l'état de santé du capitaine, entre le médecin-examinateur de SBSC responsable de la GCC à Toronto et l'agent du PAE de TC. Nonobstant ces circonstances atténuantes, il n'existe pas, dans le secteur maritime canadien, de mécanisme formel par lequel une personne en mesure de bien évaluer l'aptitude du capitaine à s'acquitter de ses fonctions aurait pu être informée de l'état de santé de ce dernier. Tout comme le capitaine du «GRIFFON», d'autres navigateurs peuvent à leur insu compromettre la sécurité dans l'exercice de leurs fonctions parce que leur rendement est diminué à cause d'un état de santé déficient ou d'un médicament qu'ils prennent.

Le Bureau n'a pas trouvé de lien entre l'état de santé du capitaine ou le fait qu'il était sous médication, et l'accident qui est survenu. Néanmoins, le Bureau s'inquiète de l'absence de mécanisme formel capable d'assurer l'identification et la surveillance des personnes que leur état de santé physique ou mental rend inaptes à exercer leurs fonctions lorsque ces personnes occupent des postes critiques pour la sécurité, comme les pilotes et les officiers de navire.

Compte tenu de l'absence de liaison entre le médecin de SBSC et le conseiller du PAE de TC, du manque de communication entre le médecin de famille du capitaine et le médecin-examinateur désigné de SBSC, de l'absence de surveillance opérationnelle systématique d'un membre de l'équipage d'un navire occupant un poste critique pour la sécurité alors qu'il suivait une cure de médicaments sous ordonnance, et de l'absence d'évaluation médicale en bonne et due forme avant le retour au travail dans des fonctions critiques pour la sécurité d'une personne revenant d'un congé de maladie pour cause de stress, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports, en collaboration avec Santé Canada et la Garde côtière canadienne, établisse des politiques et des procédures pour s'assurer que les personnes qui reprennent des fonctions critiques pour la sécurité après avoir suivi un traitement médical quelconque sont aptes à exercer de telles fonctions.
Recommandation M95-05 du BST

4.3 Préoccupations liées à la sécurité

4.3.1 Procédures anti-abordage et méthodes d'exploitation sur la passerelle

L'International Chamber of Shipping (ICS) considère depuis longtemps le fait de ne pas assurer une veille efficace et les déficiences de l'organisation sur la passerelle comme étant les principales causes d'abordages et d'échouements en merNote de bas de page 6. Les statistiques canadiennes en matière d'accidents maritimes corroborent cette constatation. Au cours de la décennie 1984 à 1993, près des deux-tiers des abordages survenus en eaux canadiennes étaient attribuables, du moins en partie, à des lacunes dans le mode de fonctionnement et à des procédures de quart inadéquates.

Dans le cas à l'étude, les officiers du «GRIFFON», même s'ils avaient les brevets et les mentions voulus, n'ont pas appliqué les règles élémentaires du bon usage maritime, ni mis en oeuvre des procédures anti-abordage établies. Le BST vient de publier deux autres rapports concernant des accidents majeurs (l'un relatif à l'abordage du «TENYO MARU» et du «TUO HAI», rapport no M91W1051, et l'autre traitant de l'événement mettant en cause le «IRVING NORDIC» sur le Saint-Laurent, rapport no M91L3012) dans lesquels le défaut de se conformer à des principes anti-abordage fondamentaux ainsi que des lacunes dans les procédures de quart sont cités comme des facteurs contributifs.

Le Bureau s'inquiète du fait qu'en dépit de la présence d'officiers qualifiés sur la passerelle, le non-respect de méthodes de navigation reconnues continue d'être une cause importante d'événements maritimes au Canada. Par conséquent, le Bureau se concentrera encore davantage sur les événements maritimes où intervient le «défaut de se conformer à des méthodes de navigation établies» et s'attachera à dégager les facteurs qui sont à l'origine de cet écart par rapport au comportement normal.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.

Annexes

Annexe A - Croquis du secteur de l'événement

Annexe B - Reconstitution du sillage des navires

Annexe C - Photographies

NGCC «GRIFFON»
NGCC «GRIFFON»
B.P. «CAPTAIN K»
B.P. «CAPTAIN K»
Marque de pêche ordinaire
Marque de pêche ordinaire
Réflecteur radar ordinaire
Réflecteur radar ordinaire

Annexe D - Extraits du Règlement pour prévenir les abordages

PARTIE B--RÈGLES DE BARRE ET DE ROUTE

SECTION I--CONDUITE DES NAVIRES DANS TOUTES

LES CONDITIONS DE VISIBILITÉ

Règle 4

Champ d'application

Les règles de la présente section s'appliquent dans toutes les conditions de visibilité.

Règle 5

Veille

Tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et auditive appropriée, en utilisant également tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux circonstances et conditions existantes, de manière à permettre une pleine appréciation de la situation et du risque d'abordage.

Règle 6

Vitesse de sécurité--International

Tout navire doit maintenir en permanence une vitesse de sécurité telle qu'il puisse prendre des mesures appropriées et efficaces pour éviter un abordage et pour s'arrêter sur une distance adaptée aux circonstances et conditions existantes.

Les facteurs suivants doivent notamment être pris en considération pour déterminer la vitesse de sécurité:

a) Par tous les navires:

(i) la visibilité;

(ii) la densité du trafic et notamment les concentrations de navires de pêche ou de tous autres navires;

(iii) la capacité de manoeuvre du navire et plus particulièrement sa distance d'arrêt et ses qualités de giration dans les conditions existantes;

(iv) de nuit, la présence d'un arrière-plan lumineux tel que celui créé par des feux côtiers ou une diffusion de la lumière des propres feux du navire;

(v) l'état du vent, de la mer et des courants et la proximité de risques pour la navigation;

(vi) le tirant d'eau en fonction de la profondeur d'eau disponible.

b) De plus, par les navires qui utilisent un radar:

(i) les caractéristiques, l'efficacité et les limites d'utilisation de l'équipement radar;

(ii) les limitations qui résultent de l'échelle de portée utilisée sur le radar;

(iii) l'effet de l'état de la mer, des conditions météorologiques et d'autres sources de brouillage sur la détection au radar;

(iv) le fait que les petits bâtiments, les glaces et d'autres objets flottants peuvent ne pas être décelés par le radar à une distance suffisante;

(v) le nombre, la position et le mouvement des navires détectés par le radar;

(vi) le fait qu'il est possible d'apprécier plus exactement la visibilité lorsque le radar est utilisé pour déterminer la distance des navires et des autres objets situés dans les parages.

Règle 7

Risque d'abordage

a) Tout navire doit utiliser tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux circonstances et conditions existantes pour déterminer s'il existe un risque d'abordage. S'il y a doute quant au risque d'abordage, on doit considérer que ce risque existe.

b) S'il y a à bord un équipement radar en état de marche, on doit l'utiliser de façon appropriée en recourant, en particulier, au balayage à longue portée afin de déceler à l'avance un risque d'abordage, ainsi qu'au «plotting» radar ou à toute autre observation systématique équivalente des objets détectés.

c) On doit éviter de tirer des conclusions de renseignements insuffisants, notamment de renseignements radar insuffisants.

Règle 35

Signaux sonores par visibilité réduite--International

Tant de jour que de nuit, à l'intérieur ou à proximité d'une zone où la visibilité est réduite, les signaux prescrits par la présente règle doivent être utilisés comme suit:

a) Un navire à propulsion mécanique ayant de l'erre doit faire entendre un son prolongé à des intervalles ne dépassant pas 2 minutes.

Règle 40

Réflecteurs radar

a) Sous réserve de l'alinéa b), tout navire d'une longueur inférieure à 20 mètres ou construit principalement de matériaux non métalliques doit être doté d'un réflecteur radar passif.

b) L'alinéa a) ne s'applique pas

(i) lorsque le navire est exploité dans des conditions où le trafic est léger, de jour et dans des conditions atmosphériques favorables et qu'il n'est pas nécessaire pour sa sécurité qu'il s'y conforme, ou

(ii) lorsque la petite taille du navire ou que le fait de l'exploiter à l'extérieur des zones où se pratique la navigation au radar font qu'il est impossible de s'y conformer.

Annexe E - Liste des rapports de laboratoire pertinents

L'enquête a donné lieu aux rapports techniques suivants :

  • Survey report on the wreck of the "CAPTAIN K" (Rapport sur l'examen de l'épave du «CAPTAIN K»)
  • Report of the operational radar tests aboard the "GRIFFON" in Long Point Bay, 20 March 1991

(Rapport sur les vérifications de l'état de marche des radars à bord du «GRIFFON» dans la baie de Long Point, le 20 mars 1991)

- Report of the radar technical specification tests aboard the "GRIFFON" at Port Colborne, 21 March 1991

(Rapport sur les vérifications de la performance comparée aux spécifications techniques des radars à bord du «GRIFFON» à Port Colborne, le 21 mars 1991)

Report of the radar technical specification tests aboard the "GRIFFON" at Prescott, 17 April 1991

(Rapport sur les vérifications de la performance comparée aux spécifications techniques des radars à bord du «GRIFFON» à Prescott, le 17 avril 1991)

- Report of the operational radar tests aboard the "GRIFFON" in Lake Ontario, 23 April 1991

(Rapport sur les vérifications de l'état de marche des radars à bord du «GRIFFON» sur le lac Ontario, le 23 avril 1991)

- LP 92/91 - "CAPTAIN K" Instrument Analysis

(Analyse des instruments du «CAPTAIN K»)

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe F - Sigles et abréviations

appel de sécurité
Appel radiotéléphonique pour signaler des risques pour la sécurité de la navigation.
APRA
aide au pointage radar automatique
ar.
arrière
av.
avant
AVNAV
avis à la navigation
BHP
puissance au frein
BLU
bande latérale unique
bouée-repère
Bouée qui aide à déterminer la direction et la vitesse du courant.
B.P.
bateau de pêche
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
C
Celsius
CCS
Centre de coordination du sauvetage
cm
centimètre(s)
C/M
chef mécanicien
défruiteur
Circuit électronique qui réduit à un niveau acceptable, sur (circuit de suppressionl'écran radar, le brouillage électronique causé par des réponses asynchrones)d'autres appareils radars avoisinants.
FUM
Fonctions d'urgence en mer
G
gyro (degrés)
GCC
Garde côtière canadienne
HNE
heure normale de l'est
kW
kilowatt(s)
ligne de foi
Ligne qui apparaît sur l'écran radar pour indiquer la tête du navire.
Loran C
système de positionnement électronique
m
mètre(s)
M
mille(s) marin(s)
marque de pêche
Dispositif de forme approuvée qui sert à indiquer qu'un navire est en train de pêcher.
N
nord
NE
nord-est
NES
navigation électronique simulée
NGCC
navire de la Garde côtière canadienne
NO
navigateur océanique
noeud
mille marin à l'heure
NW
nord-ouest
OFGC
Ordonnance de la Flotte de la Garde côtière
OMI
Organisation maritime internationale
PAE
Programme d'aide aux employés
panneaux de chalut
Lourds panneaux placés de part et d'autre de la gueule du chalut afin de la garder ouverte pendant le chalutage.
pastel gras
Crayon utilisé pour écrire sur du perspex, etc.
perte implicite totale
Lorsque la valeur du navire, une fois réparé, est moindre que le coût des réparations.
pointage radar
Pointage des cibles détectées à l'écran radar, généralement en vue de planifier la meilleure façon d'éviter l'abordage.
réflecto-traceur
Dispositif superposé sur l'écran radar pour faciliter le pointage (glace de pointage) manuel des cibles.
retours de mer
Retour du signal causé par les vagues, la pluie, etc. qui apparaît à l'écran radar.
SADO
Système d'acquisition de données océaniques
SAR
recherches et sauvetage
SBSC
Santé et Bien-être social Canada
S/C
second capitaine
SE
sud-est
SHC
Service hydrographique du Canada
SHP
puissance sur l'arbre
SI
système international (d'unités)
sondeur à ultrasons
Appareil électronique qui sert à mesurer la profondeur de l'eau et à détecter les bancs de poisson.
SRGC
station radio de la Garde côtière
STM
Services de trafic maritime
SW
sud-ouest
TC
Transports Canada
tjb
tonneau(x) de jauge brute
USGC
United States Coast Guard
UTC
temps universel coordonné
V
vrai (degrés)
VBE
indicatif d'appel de la SRGC de Sarnia
VHF
très haute fréquence
W
ouest
°
degré(s)
minute(s)
seconde(s)
2/L
deuxième lieutenant
3/L
troisième lieutenant
4/L
quatrième lieutenant