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Rapport d'enquête maritime M96M0090

Homme tombé à la mer et noyé
du bateau de pêche «LUC I»
à environ 5 milles NE
du cap Lumière (Nouveau-Brunswick)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 12 août 1996 vers 12 h 30, le bateau de pêche «LUC I» était en train de mouiller des casiers à homards dans le détroit de Northumberland lorsque le matelot a été entraîné à la mer par les casiers à homards et les engins qui y étaient attachés, et il s'est noyé.

Renseignements de base

Fiche technique du navire

Nom « LUC I »
Numéro officiel 155396
Port d'immatriculation Moncton (N.-B.)
Pavillon Canadien
Type Homardier
Jauge brute Moins de 15 tjb
Longueur Environ 13 m
Groupe propulseur Un diesel Caterpillar de 157 kW
Propriétaire M. R. Boucher Richibuctou Village (N.-B.)

Le «LUC I» est un bateau de type «détroit de Northumberland», conçu pour être commandé du côté bâbord. Il a un dévers de l'étrave accentué et un pont arrière d'environ 1.13 m de longueur et 83 cm de hauteur.

Le bateau appareille de Bouctouche (N.-B.) vers 4 h 30Note de bas de page 1 le 12 août 1996 avec deux membres d'équipage à bord, soit le propriétaire-patron et un matelot. Le voyage a pour but de remettre en place des trains de casiers métalliques dont on avait récolté les homards auparavant.

Il règne à bord un climat de détente et de bonne entente. Le propriétaire-patron est aux commandes. Par la porte de bâbord de la timonerie qui est ouverte, il peut voir le matelot sur le pont-coffre, en train de lancer des casiers à homards à la mer.

Le matelot, qui a déjà mouillé les casiers qui étaient arrimés du côté bâbord du pont-coffre, est en train de travailler sur les casiers qui se trouvent du côté tribord lorsque l'accident se produit.

Chaque casier métallique, d'une longueur d'environ 1,2 m, est lesté d'environ 25 kg de pierre et relié à un filin en polypropylène de 16 mm qui forme le train de casiers. Une longueur de filin de 18 à 20 brasses sépare les casiers les uns des autres. Entre le dernier casier du train (casier no 8) et la bouée repère, il y a de 23 à 25 brasses de cordage semblable, déployées par environ 10 brasses de fond.

Le matelot, qui travaille à mouiller un train de huit casiers, en a déjà jeté sept à l'eau, de même que la bouée repère qui est attachée à l'extrémité du train de casiers, lorsqu'il saisit le casier no 8, probablement pour le lancer par-dessus bord. Le propriétaire-patron entend le matelot crier son nom et il le voit assis sur le pont arrière, face vers l'avant du navire, et qui serre le casier à homards contre sa poitrine. Sous l'effet du mouvement vers l'avant du navire, le matelot est entraîné à reculons sur le pont arrière par le casier qu'il serre entre ses bras et qui est relié aux sept autres casiers et à la bouée repère déjà mouillés. Le propriétaire-patron fait immédiatement machine arrière.

Le propriétaire-patron voit le matelot, qui est entraîné à reculons, passer par-dessus bord, mais il ne peut rien faire pour lui venir en aide, sauf casser l'erre du navire. Le matelot tombe à la renverse par-dessus bord, serrant toujours le casier à homards lesté contre sa poitrine.

Au moment du mouillage des casiers, le navire se laissait dériver avec la marée à une vitesse sur le fond d'environ un noeud, moteur au ralenti. Le propriétaire-patron s'attendait à ce que le matelot refasse surface, même s'il n'ignorait pas que celui-ci ne savait pas nager. Le vent était faible, la mer calme et la visibilité bonne.

Le propriétaire-patron appelle sur la voie 7 du radiotéléphone VHF pour demander l'aide des autres bateaux de pêche qui se trouvent à proximité. Il alerte ensuite sur la voie 16 le Centre de communications et de trafic maritime (CCTM) de Charlottetown. On relève le train de huit casiers, mais le corps du matelot ne remonte pas à la surface.

À 12 h 25, le garde-pêche «ARCADIE», qui se trouve dans le secteur et a capté l'appel radio du «LUC I», signale au Centre de coordination du sauvetage (CCS) de Halifax qu'un homme est tombé à la mer par 46°44,5′N, 064°41,3′W.

À 12 h 35, on dépêche un hélicoptère Labrador du 413e escadron de la Base des Forces canadiennes de Summerside qui décolle peu après. Un aéronef Hercules des Forces canadiennes qui survole déjà le secteur à une quinzaine de milles du lieu de l'accident, est aussi mobilisé.

Malgré les efforts des équipes de recherches aériennes ainsi que des autres bateaux de pêche et des navires de la Garde côtière canadienne, le corps du matelot n'est pas retrouvé. À 18 h 45, on interrompt les recherches aériennes, et on confie la responsabilité des recherches à la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

L'équipe de plongeurs de la GRC, aidée du propriétaire-patron du «LUC I», repère le corps du matelot le lendemain à moins de 15 m de la première position donnée par le propriétaire-patron du «LUC I».

Le matelot portait des pantalons étanches munis d'un grand plastron ainsi que des bottes en caoutchouc à embouts d'acier. Avant l'accident, il était apparemment en bonne santé et bien reposé, n'ayant pas travaillé la veille. Il ne portait pas de dispositif de flottaison et ne s'était pas attaché à un filin de sécurité.

Le coroner a confirmé que le décès était dû à la noyade. Rien n'indique que la consommation de drogue ou d'alcool ait joué un rôle quelconque dans l'accident à l'étude.

Il s'agissait de la deuxième saison de travail du matelot à bord du «LUC I», même s'il avait sept ans d'expérience antérieure sur d'autres navires.

Le propriétaire-patron comptait trois ans d'expérience de la conduite de ce bateau et d'autres navires du même genre en plus d'une dizaine d'années d'expérience sur des homardiers et d'autres bateaux de pêche.

Analyse

Le navire n'avançait qu'à une allure d'environ un noeud, mais la traction exercée sur le filin par les sept casiers déjà mouillés était considérable.

La façon dont le matelot a été entraîné par-dessus bord laisse croire que le matelot se tenait probablement dans la boucle du filin qui reliait les casiers à homards entre eux.

Outre le poids du casier à homards qu'il serrait dans ses bras, le matelot était aussi gêné par ses grands pantalons étanches et ses lourdes bottes à embouts d'acier. Comme le matelot ne savait pas nager, le fait de tomber à l'eau dans de telles circonstances a pu le désorienter et l'empêcher de se dégager lorsqu'il s'est retrouvé dans l'eau.

On ignore pourquoi le matelot a lancé la bouée repère par-dessus bord avant d'avoir mouillé le dernier casier du train, mais il se peut qu'il ait mal compté le nombre de casiers déjà lancés et ait cru que les huit casiers du train étaient déjà à l'eau.

Faits établis

  1. Le matelot a été entraîné à la mer par le filin qui reliait les casiers à homards et la bouée repère entre eux.
  2. Il se tenait probablement en abord et dans une boucle du filin, et a été incapable de se dépêtrer de celui-ci ou de lancer le dernier casier à la mer par tribord.
  3. Le matelot, qui ne savait pas nager, ne portait pas de dispositif de flottaison et il ne s'était pas attaché à un filin de sécurité.
  4. Le matelot a été gêné par ses grands pantalons étanches et par ses lourdes bottes à embouts d'acier.
  5. En tombant à l'eau, le matelot a pu être désorienté, ce qui l'a empêché de se dégager lorsqu'il s'est retrouvé dans l'eau.

Causes et facteurs contributifs

Le matelot a probablement été empêtrer dans le filin qui reliait les casiers à homards entre eux et il a été entraîné à reculons sur le pont arrière et par-dessus bord à cause de la traction considérable exercée par les sept casiers à homards et la bouée repère déjà mouillés.

Le matelot, qui ne portait aucun dispositif de flottaison, a été gêné par le fait qu'il ne savait pas nager et qu'il portait de lourdes bottes ainsi que des grands pantalons étanches.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.