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Rapport d'enquête maritime M03N0040

Échouement
du grand bateau de pêche Shinei Maru No. 85
aux abords du port de Halifax
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Tard en soirée le 3 mai 2003, par temps dégagé et sous des vents modérés du nord-nord-ouest, le Shinei Maru No. 85 quittait le port de Halifax lorsqu'il s'échoue près de Portuguese Cove. Une brèche s'ouvre dans deux réservoirs de carburant, ce qui entraîne la fuite d'une quantité indéterminée mais considérable de carburant diesel marin. Après l'enlèvement d'une partie du carburant, le navire sera remorqué pour le dégager des pierres, puis escorté à Halifax pour y être réparé. Personne n'a été blessé.

Renseignements de base

Fiche technique du navire

Nom Shinei Maru No. 85
Numéro officiel 131497
Port d'immatriculation Yasuda (préfecture de Kochi)
Pavillon Japon
Type Grand bateau de pêche (palangrier)
Jauge bruteNote de bas de page 1 379
Longueur 48,40 m
Tirant d'eau Avant : 2,6 m Arrière : 4,8 m
Construction Acier, 1991, Kanasashi Co. Ltd., Shimuzu (Japon)
Groupe propulseur Moteur diesel Niigata développant 736 kW (1 001 BHP)
Cargaison Thon et appâts congelés
Équipage 24 personnes
Propriétaire Sakata Suisan Ltd., Aki-gun, Kochi-ken (Japon)

Description du navire

Photo 1. Shinei Maru No. 85
Shinei Maru No. 85

Le Shinei Maru No. 85 est un grand bateau de pêche fait d'acier soudé. Construit pour servir de palangrier et doté d'installations de traitement du poisson à l'entrepont, il est actuellement utilisé pour la pêche au thon. Il transporte des appâts congelés et il possède une cale réfrigérée lui permettant de pêcher trois ou quatre mois sans interruption avant de retourner au port.

Introduction

Sur les bateaux de pêche japonais comme le Shinei Maru No. 85, l'effectif normal d'officiers à la passerelle comprend quatre personnes : capitaine de pêche, capitaine, lieutenant et officier radio. Le capitaine, bien que responsable de la navigation du bateau en toute sécurité, est le subordonné du capitaine de pêche. Le capitaine de pêche (qui ne doit pas nécessairement avoir de compétences en navigation) dit au capitaine où amener le bateau. La responsabilité générale de l'exploitation du bateau et de la pêche incombe au capitaine de pêche.

Dans le cas du Shinei Maru No. 85, le capitaine de pêche était aussi le capitaine par intérim.

Les officiers japonais à bord du Shinei Maru No. 85 avaient une maîtrise limitée de l'anglais. La Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW) exige que les officiers responsables du quart de navigation aient une connaissance pratique de l'anglais, mais elle ne s'applique pas aux bateaux de pêche.

Déroulement du voyage

À environ 22 hNote de bas de page 2 le 3 mai, le pilote du port de Halifax monte à bord du Shinei Maru No. 85 en préparation de l'appareillage du bateau. Personne n'est sur la passerelle à son arrivée. Une odeur d'alcool est perceptible, et on entend de la musique et des gens qui chantent, non loin sur le même pont.

Le pilote est accueilli par l'agent maritime (qui parle couramment le japonais et l'anglais) et le capitaine de pêche / capitaine par intérim. L'officier radio les rejoint sur la passerelle peu après. Comme les officiers ne portent pas l'uniforme, leurs grades ne peuvent pas être reconnus visuellement. Les officiers ne se présentent pas. Le pilote explique les modalités de l'appareillage du port aux deux officiers, l'agent maritime faisant la traduction. Comme il connaît la chaîne de commandement habituelle à bord des palangriers japonais, le pilote suppose que le capitaine de pêche / capitaine par intérimNote de bas de page 3 est le capitaine de pêche (sans responsabilités à l'égard de la navigation) et l'officier radio, qui lui semble être lucide et alerte, le capitaine.

L'agent maritime quitte le bord et, à 22 h 14, le Shinei Maru No. 85 appareille du quai 30 à Halifax en route vers des fonds de pêche dans les eaux internationales. Le pilote est à la barre et le capitaine par intérim demeure debout près des commandes de la machine du côté tribord de la passerelle. L'officier radio est debout près du poste radio à très haute fréquence (VHF), également du côté tribord. Le pilote passe de la gouverne manuelle à l'autopilote au niveau du haut-fond Pleasant, à environ 1,2 mille de leur lieu de départ.

Un écart de cinq degrés est constaté entre le cap du gyrocompas du navire et le cap choisi sur l'autopilote. La commande rotative du cap graduée en degrés de l'autopilote est désaxée de 5 degrés. Par conséquent, le pilote doit choisir un cap de 155° à la commande de l'autopilote pour obtenir un cap véritable de 160° gyro (G) menant au large de la pointe Sandwich. Le bateau quitte le port, le cap étant ajusté au besoin, en direction de la station de pilotage. Le lieutenant, qui est la seule personne à bord ayant de l'expérience de la navigation, n'est pas sur la passerelle parce qu'il est occupé à d'autres activités liées à l'appareillage, sur le pont.

Lorsque le pilote signale son voyage aux Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) de Halifax au point de contrôle 6, le bateau file en avant toute pour assurer sa séparation par rapport à un navire sur le point de quitter Halifax. Aucun trafic se dirigeant vers le port ne se trouve devant le Shinei Maru No. 85. Le capitaine par intérim quitte la passerelle et le pilote règle l'autopilote sur 170° de façon à obtenir un cap de 175° vers une position au large du haut-fond Lichfield.

Après que le bateau a dépassé le haut-fond Lichfield, à la bouée (H7), le pilote règle l'autopilote sur 155° (160° G) et informe l'officier qui sera plus tard identifié comme étant l'officier radio du cap choisi afin d'assurer la sécurité de la traversée, conformément au dispositif de séparation du trafic. À la demande du pilote, l'officier radio réduit la vitesse commandée à en avant très lentement, pour permettre au bateau-pilote d'accoster. Entre l'appareillage du bateau et le moment où il débarque, le pilote a fait signer le formulaire du pilote par l'officier radio, qu'il croit être le capitaine. Ce formulaire confirme que le pilotage a été effectué.

À environ 22 h 45, environ 1,5 mille avant la station de pilotes (à l'intérieur de la zone de pilotage obligatoire), le pilote passe dans le bateau-pilote. Après son départ, le capitaine par intérim est dans sa cabine, et seul l'officier radio demeure sur la passerelle. Quelques minutes plus tard, le lieutenant arrive dans la timonerie pour la première fois depuis le début du voyage. Il convoque le capitaine par intérim au pont pour discuter des dispositions concernant les quarts des matelots. Environ au même moment, la commande de la machine est réglée sur en avant toute. Alors que les trois officiers sont sur la passerelle, personne ne surveille l'évolution du bateau.

À environ 23 h, on estime que le Shinei Maru No. 85 a atteint la vitesse en avant toute, ou presque, lorsqu'il s'échoue solidement près de Portuguese Cove. Aucun des officiers sur la passerelle ne savait que le bateau risquait de s'échouer. Le navire subit des brèches à hauteur de deux réservoirs de carburant, ce qui permet à du mazout de s'échapper du bateau. Un barrage flottant de confinement des déversements sera disposé autour du bateau peu après son échouement; cependant, une quantité non déterminée mais importante de mazout s'est échappée dans l'environnement. Personne n'a été blessé.

Voir :
Annexe A - Croquis des lieux de l'événement
Annexe B - Photos du bateau échoué

Déroulement des événements après l'échouement

Immédiatement après l'échouement, le capitaine par intérim tente de dégager le bateau des pierres en marche arrière, mais le Shinei Maru No. 85 était solidement accroché.

Le pilote retournait à Halifax dans le bateau-pilote lorsqu'il entend une communication radio entre les SCTM de Halifax et un autre navire signalant que le Shinei Maru No. 85 s'est échoué. Le bateau-pilote ramène alors le pilote au navire échoué pour qu'il puisse offrir son aide. Il est accompagné d'un autre pilote qui vient de terminer une autre mission de pilotage. Lorsque les deux pilotes montent à bord du bateau échoué, à 23 h 30, le capitaine par intérim se montre agressif envers le pilote qui avait navigué le Shinei Maru No. 85. Un des pilotes demande aux SCTM de Halifax de communiquer avec la GRC puisqu'il soupçonne que le capitaine par intérim a consommé de l'alcool. Un agent de la GRC arrive sur place quelque temps plus tard, mais aucun test d'alcoolémie n'est administré.

Pendant que les deux pilotes sont sur la passerelle, un d'eux constate que l'écran radar a été réglé au mode de présentation nocturne, et la gouverne a été réglée au mode manuel. Le gyrocompas donne un cap de 218°.

Le lendemain 4 mai, un bateau remorqueur local tente en vain de dégager le Shinei Maru No. 85 des pierres à marée haute. L'après-midi du 5 mai, après l'enlèvement d'une partie du carburant et à marée haute, deux remorqueurs parviendront à dégager le bateau. Le bateau sera escorté jusqu'au port de Halifax où les avaries seront évaluées et réparées.

Pratiques et modalités sur la passerelle

Aucun membre de l'équipage du bateau n'assurait la fonction de timonier et personne n'était affecté à la veille entre l'appareillage de Halifax et le moment de l'échouement. Entre le moment ou le pilote a débarqué et celui où le lieutenant a initialement visité la timonerie, aucun officier de quart n'était présent sur la passerelle. L'évolution du navire n'était pas surveillée par radar ou à la vue, et les positions n'ont pas été reportées sur une carte.

Conditions météorologiques

Dans la noirceur nocturne, le ciel était dégagé et il y avait une bonne visibilité; les vents soufflaient du nord-nord-ouest à 15 à 20 noeuds.

Avaries au navire

Une brèche s'est ouverte dans la coque à trois endroits, et l'étrave à bulbe a été endommagée. Une rupture dans le bordé de fond à l'extrémité avant du réservoir no 8, au milieu du navire, faisait 175 mm de longueur par 10 mm de largeur. À environ 2,4 m à l'arrière de cette zone, au niveau du réservoir no 8, se trouvait une fracture de 51 mm de longueur par 1 à 2 mm de largeur. Sur bâbord au niveau du réservoir no 6, une fracture de 113 mm de longueur par 1 à 2 mm de largeur a été constatée. L'étrave à bulbe était enfoncée sur bâbord; l'indentation faisait 2 m de longueur par 700 mm de largeur et 450 mm de profondeur.

Brevets, certificats et expérience des officiers

Capitaine de pêche / capitaine par intérim

Le capitaine de pêche / capitaine par intérim était titulaire d'un brevet d'officier mécanicien de quatrième classe délivré au Japon et portant un visa en vertu de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, 1978, telle que modifiée en 1995. Il n'était titulaire d'aucun brevet ou certificat en navigation et n'avait reçu aucune formation officielle en navigation outre les cours de base supplémentaires à l'école des pêches quelque 30 ans plus tôt lorsqu'il avait reçu son brevet de mécanicien. Il n'avait pas de connaissance pratique de l'anglais.

En 30 ans d'expérience à bord de bateaux japonais, il avait servi environ 24 ans comme mécanicien, jusqu'en 1997 lorsqu'il était devenu capitaine de pêche. En août 2002, il a assumé le rôle supplémentaire de capitaine. Son expérience de la commande d'un navire à l'arrivée dans un port ou au départ d'un port se résumait à un voyage précédent à Halifax, en février 2003, et un voyage à Cork (Irlande).

Premier lieutenant

Le lieutenant était titulaire d'un brevet d'officier navigateur de cinquième classe délivré au Japon. Il avait obtenu une dérogation l'autorisant à naviguer sur des navires d'une jauge brute de 200 ou plus. (Le Shinei Maru No. 85 fait 379 de jauge brute.) Son certificat portait aussi un visa SCTW 95. Il n'avait pas de connaissance pratique de l'anglais.

Il avait huit ans d'expérience d'officier à bord de bateaux japonais de pêche au thon; il servait à bord du Shinei Maru No. 85 depuis 17 mois.

Officier radio

L'officier radio possédait 15 ans d'expérience en mer, dont les derniers trois ans et demi à bord du Shinei Maru No. 85. Il n'avait ni brevets ou certificats ni expérience à d'autre titre qu'officier radio.

Pilote du port de Halifax

Le pilote était titulaire d'un certificat de capitaine au long cours délivré en 1997. Il a commencé à travailler à Halifax à l'Administration de pilotage de l'Atlantique (APA) en octobre 2000. Il était titulaire d'un brevet de pilote de classe A délivré par l'APA, organisme de réglementation habilité par la Loi sur le pilotage.

Équipement de navigation

Photo 2. Autopilote
Autopilote

Le radar, le gyrocompas, l'autopilote, la radio VHF, le récepteur de navigation GPS, l'échosondeur et un traceur / enregistreur vidéo étaient tous en état de marche lors du voyage au départ de Halifax.

Le type de traceur vidéo à bord est utilisé davantage comme une aide à la pêche qu'à la navigation. Il illustre la route parcourue par le navire afin de situer l'équipement de pêche et de déterminer où les palangres ont été disposées, mais il ne peut pas afficher des cartes de navigation.

Les officiers du bateau et le pilote savaient que la commande rotative graduée en degrés servant à fixer le cap sur l'autopilote était décalée de 5 degrés. Pour suivre un cap choisi, l'autopilote devait être réglé à 5 degrés de moins que le cap voulu d'après le gyrocompas. L'autopilote était en bon ordre de marche.

Les cartes voulues pour la traversée du port de Halifax étaient à bord, mais elles n'ont pas été utilisées.

Services de communication et de trafic maritimes de Halifax

Les Services de communication et de trafic maritimes de Halifax surveillent le trafic maritime par radar et par radio VHF. Tout le trafic phonie à la radio VHF et au téléphone est enregistré. Les mouvements des navires surveillés par radar sont habituellement enregistrés sur bande vidéo, mais ils n'ont pas pu l'être dans le cas présent en raison de travaux en cours pour améliorer la technologie au moment de l'événement. Parmi les améliorations figuraient l'adoption d'un système radar numérique, et les radaristes s'étaient inquiétés du risque qu'au moment de l'événement, le radar perdrait certains cibles au moment où les navires s'approchaient du cap Chebucto. En pareil cas, le radariste devait recapturer les images de la cible. Le radariste a perdu le Shinei Maru No. 85 environ trois fois avant son échouement.

Alcool

Le capitaine par intérim avait consommé de l'alcool avant que le navire n'appareille de Halifax. Après l'échouement, il a été rapporté qu'il avait les yeux humides et que son haleine sentait l'alcool. Un test d'alcoolémie n'a pas été administré.

Contrôle par l'État du port

Le contrôle par l'État du port est un programme d'inspection des navires de portée mondiale visant à assurer la conformité des navires étrangers entrant dans les eaux du pays à diverses conventions maritimes adoptées par les États. Une inspection sert à jauger la navigabilité générale du navire, la condition de son équipement et la validité de la documentation du navire et de son équipage. Actuellement, les bateaux de pêche ne sont visés ni par le Mémorandum de Tokyo sur le contrôle par l'État du port, ni par celui de Paris.

Analyse

Échange de renseignements au moment de la relève à la conduite du navire

À bord du Shinei Maru No. 85, un échange de renseignements initial entre le pilote et le capitaine par intérim en vue de la relève à la conduite du navire aurait été difficile en raison de la barrière des langues. Cependant, l'instruction du pilote d'appareiller a été transmise aux deux officiers japonais par l'entremise de l'agent maritime faisant office d'interprète. À ce moment, le rôle de chaque personne présente sur la passerelle aurait dû être clairement précisé, mais il ne l'a pas été.

Comme il incombe en dernier ressort au capitaine d'assurer en tout temps la navigation sécuritaire du navire, le capitaine par intérim aurait dû se présenter au pilote, pour recevoir un échange de renseignements en vue de la relève à la conduite du navire et pour discuter du plan de traversée prévu par le pilote. Les personnes présentes ont fait des hypothèses, et des échanges de renseignements adéquats n'ont pas eu lieu.

Problèmes de communication

Le capitaine par intérim était titulaire d'un brevet portant un visa STCW, mais ce brevet ne convenait pas à la conduite d'un navire de cette taille et de ce type. Les officiers japonais n'avaient pas une connaissance pratique de l'anglais. En raison d'une mauvaise communication et faute de présentations, le pilote a supposé que le capitaine de pêche / capitaine par intérim assurait uniquement les fonctions de capitaine de pêche, et que l'officier radio était le capitaine. L'incapacité de communiquer efficacement a fait que le pilote a remis la commande du navire à une personne qui n'était pas compétente.

Pratiques et modalités sur la passerelle

Pour assurer une traversée en toute sécurité dans des eaux restreintes, l'évolution d'un navire doit être surveillée de près. Sans une parfaite connaissance de la position d'un navire par rapport à ses environs, l'officier navigateur ne peut pas convenablement connaître la situation.

Le pilote a débarqué du navire dans les limites prévues par la réglementation du pilotage. Il revient au pilote de déterminer le lieu exact du débarquement. Par mauvais temps, le Règlement de l'Administration de pilotage de l'Atlantique permet au pilote de monter à bord d'un navire ou d'en débarquer à l'intérieur de la zone de pilotage obligatoireNote de bas de page 4. Dans le cas présent, les vents étaient du nord-ouest à 15 à 20 noeuds, et le pilote a choisi de débarquer environ 1,5 mille avant la station d'embarquement des pilotes (voir annexe A).

Le lieutenant, seule personne à bord ayant reçu une formation officielle en navigation, n'était pas sur la passerelle parce qu'il était occupé à des activités liées à l'appareillage, sur le pont. En outre, l'évolution du bateau dans la zone de pilotage et les limites du port n'ont pas été efficacement surveillées par le personnel du bateau.

À la suite du départ du pilote, le capitaine par intérim était dans sa cabine, laissant l'officier radio seul sur la passerelle. Le lieutenant est arrivé sur le pont quelques minutes plus tard et a convoqué le capitaine sur la passerelle pour discuter des quarts des matelots. Même s'il y avait alors trois officiers sur la passerelle, personne n'a été affecté à la veille et aucun timonier n'a été désigné, le radar n'a pas été surveillé et l'évolution du bateau n'a été ni vérifiée sur une carte ni contrôlée au moyen de repères visuels. La position du navire n'a jamais été inscrite dans le journal de bord ou sur la carte.

L'omission de prévoir que les membres du personnel voulus se trouvent à leur poste sur la passerelle durant la phase délicate suivant le débarquement du pilote a fait que personne ne s'occupait de naviguer ou barrer le bateau. Par conséquent, les officiers sur la passerelle ignoraient le danger imminent qui a causé l'échouement.

Équipement de navigation

Photo 3. Affichage des trajectoires de rapprochement et d'éloignement
Affichage des trajectoires de rapprochement et d'éloignement

Le type de traceur vidéo à bord servait d'aide à la pêche plutôt qu'à la navigation. Néanmoins, la trajectoire du bateau à l'arrivée à Halifax y était affichée; la trajectoire d'éloignement y était aussi visible. La trajectoire d'éloignement suit la route recommandée jusqu'à un point immédiatement après le haut-fond Lichfield (où le pilote a débarqué). La trajectoire en ligne droite du navire change alors de direction depuis le haut-fond Lichfield jusqu'au lieu de l'échouement (voir photo 3). Cependant, la trajectoire probableNote de bas de page 5 du bateau est illustrée à l'annexe A.

Le gyrocompas et l'autopilote étaient en ordre de marche satisfaisant, et ceux qui participaient à la navigation du navire connaissaient l'erreur de calibrage de 5 degrés de la commande de cap de l'autopilote et en tenaient compte. Aucune information ne permet de conclure à une panne du gyrocompas ou de l'autopilote, à un changement du cap commandé à l'autopilote ou au réglage de l'autopilote au mode manuel après le départ du pilote. Cependant, on ne peut exclure la possibilité d'une défaillance de l'autopilote, d'un changement de son réglage ou de sa désactivation.

En raison du grand nombre de variables, il n'est pas possible de déterminer quels facteurs ont contribué au changement de cap. Cependant, si le personnel sur la passerelle avait surveillé étroitement l'écran radar et les autres outils de navigation, ils auraient su que le bateau s'abattait ou changeait de cap sur tribord. Il s'ensuit que le personnel affecté à la navigation a été inattentif et ne surveillait pas efficacement l'évolution du bateau.

Consommation d'alcool

On ne peut déterminer combien d'alcool le capitaine par intérim avait consommé avant l'appareillage, mais son allure et son comportement correspondaient à ceux d'une personne qui en a consommé une quantité appréciable. La mesure dans laquelle ceci aurait conditionné son rendement et son attitude ne peut pas être déterminée puisque aucun test d'alcoolémie n'a été administré.

Services de communication et de trafic maritimes de Halifax

La personne de quart aux SCTM de Halifax n'a pas remarqué que le Shinei Maru No. 85 a quitté la trajectoire d'éloignement recommandée, peut-être parce que le radar avait perdu la cible. Cette défaillance du radar survenait assez fréquemment en raison de travaux d'amélioration du système qui étaient en cours. Cependant, lorsque le pilote débarque d'un navire, celui-ci est normalement sur un cap sécuritaire vers la haute mer et exige moins d'attention de la part des radaristes que le trafic dans des zones plus dangereuses.

Depuis l'événement, les radaristes des SCTM ont signalé que le rendement du système radar s'est sensiblement amélioré.

Contrôle par l'État du port

Les dossiers du port indiquent que 109 navires semblables (palangriers japonais) ont fait escale au port de Halifax en 2001, 105 en 2002 et 52 entre janvier et octobre 2003. À St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador), il y en a eu 30 en 2001 et 41 en 2002.

Il n'y a pas d'exigences en matière d'inspection au titre du contrôle par l'État du port de ces types de navires étrangers. La nécessité de prévoir de telles inspections pour les bateaux de pêche a été reconnue par l'Organisation maritime internationale. La modification voulue a été apportée à l'article 8 de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (Convention STCW) pour le personnel des bateaux de pêche, 1995 (STCW-F/95); elle n'est pas encore entrée en vigueur. La convention exige une ratification par 15 pays membres; seulement quatre l'ont ratifiée jusqu'à présent. Les inspections au titre du contrôle par l'État du port permettront de déceler les lacunes non seulement quant à l'état d'un navire, mais aussi quant à l'adéquation des brevets et certificats de l'équipage.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

  1. Le Shinei Maru No. 85 a dévié de son cap aux limites du port de Halifax et s'est échoué, pour des raisons non déterminées.
  2. Personne ne surveillait l'évolution du bateau après que le pilote a débarqué, et la déviation de son cap ainsi que la cause de cette déviation sont passées inaperçues.
  3. Des pratiques et modalités sécuritaires sur la passerelle, y compris des principes fondamentaux de veille, n'ont pas été observées.
  4. Les connaissances inadéquates de l'anglais des officiers ont empêché la communication efficace essentielle à la gestion des ressources sur la passerelle durant le pilotage.
  5. Le pilote a débarqué du navire environ 1,5 mille avant la station de pilotage, dans la zone de pilotage obligatoire.

Faits établis quant aux risques

  1. Le capitaine par intérim n'était pas titulaire des brevets voulus pour commander le Shinei Maru No. 85. Le bateau naviguait en mer pendant des périodes prolongées avec à son bord une seule personne compétente en navigation.
  2. Le capitaine par intérim avait consommé de l'alcool avant l'appareillage du bateau de Halifax.
  3. Il n'y a aucune exigence en matière d'inspections au titre du contrôle par l'État du port pour les bateaux de pêche, de sorte que des lacunes dans l'exploitation de ces bateaux peuvent passer inaperçues.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

En octobre 2003, le Bureau de la sécurité des transports (BST) a envoyé à Transports Canada deux lettres d'information sur la sécurité maritime, 10/03 et 11/03, en transmettant copie à l'organisme central d'enquêtes sur les accidents maritimes au Japon, pour les informer des observations du BST sur l'adéquation des brevets et certificats et de l'armement en équipage du bateau ainsi que sur les pratiques et modalités inadéquates sur la passerelle.

En réponse à ces préoccupations, Transports Canada a signalé des initiatives internationales en cours qui, une fois menées à bien, pourraient améliorer la sécurité. En outre, Transports Canada préparera à l'intention du comité de la STCW de l'OMI un document soulignant la nécessité que les États ayant des bateaux de pêche naviguant dans les eaux internationales sous leur pavillon ratifient la Convention STCW-F de 1995 ou veillent à ce que leurs membres d'équipage détiennent les certificats et brevets correspondant aux principes de base de la convention.

Le Japon a fait une enquête sur cet événement et recommandé que les règles et la réglementation pertinentes aux compétences du personnel à bord soient respectées aussi bien par les exploitants que par le personnel des navires, pour aider à garantir la sécurité.

À la suite de cet événement, l'Administration de pilotage de l'Atlantique (APA) a pris des mesures pour institutionnaliser les pratiques exemplaires de pilotage en définissant plus clairement les rôles du capitaine et du pilote lorsque le pilote embarque ou débarque ailleurs qu'à une station de pilotage. Le pilote serait autorisé à monter à bord d'un navire ou à le quitter ailleurs qu'à une station de pilotage par mauvais temps ou en présence de glace. Pour éviter de compromettre la sécurité, les modalités suivantes sont prescrites :

Ces modifications proposées figurent sous forme de nouvelle procédure décrite à l'article 9.1 du Règlement de l'Administration de pilotage de l'Atlantique qui a été publié dans la partie 1 de la Gazette du Canada en avril 2004. Les modifications font partie d'une révision plus vaste. Certaines parties intéressées ont exprimé des oppositions, que le ministre a chargé un enquêteur d'examiner. L'examen a commencé la semaine du 8 novembre 2004. Le ministre en étudiera les conclusions en mars ou avril 2005.

Ce rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Par conséquent, le Bureau en a autorisé la publication le .

Annexes

Annexe A - Croquis du lieu de l'événement

Annexe A. Croquis du lieu de l'événement
Croquis du lieu de l'événement

Annexe B - Photos du bateau échoué

Annexe B. Le Shinei Maru No. 85 échoué et barrage flottant de confinement des déversements
Le Shinei Maru No. 85 échoué et barrage flottant de confinement des déversements
Annexe B. Étrave à bulbe du bateau solidement accrochée sur les pierres
Étrave à bulbe du bateau solidement accrochée sur les pierres
Annexe B. Le bateau a subi d'importantes avaries à l'étrave et au fond
Le bateau a subi d'importantes avaries à l'étrave et au fond