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Rapport d'enquête maritime M03N0050

Incendie sur le pont-garage
à bord du traversier roulier à passagers
Joseph and Clara Smallwood
à 8 milles marins au sud de
Port aux Basques (Terre-Neuve-et-Labrador)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'après-midi du 12 mai 2003, le traversier roulier à passagers Joseph and Clara Smallwood a appareillé de North Sydney (Nouvelle-Écosse) pour entreprendre une traversée de six heures, suivant son horaire régulier, jusqu'à Port aux Basques (Terre-Neuve-et-Labrador). Le voyage s'est déroulé sans incident jusqu'à environ huit milles marins de Port aux Basques, lorsqu'on a découvert un incendie sur le pont-garage inférieur. On a activé le système de rideau d'eau et combattu l'incendie en même temps que le navire poursuivait son trajet jusqu'à sa destination. Peu après minuit, le navire a accosté à Port aux Basques et les passagers ont été évacués. Avec l'aide du corps local de pompiers volontaires, l'équipage a continué de combattre l'incendie. Deux heures après l'arrivée du navire à Port aux Basques, l'incendie a été déclaré maîtrisé; 1,5 heure plus tard, il a été déclaré éteint.

1.0 Renseignements de base

1.1 Fiche technique du navire

« JOSEPH AND CLARA SMALLWOOD »
Numéro officiel 811386
Port d'immatriculation St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)
Pavillon Canada
Type traversier roulier pour passagers et véhicules
Jauge brute 27 615
LongueurNote de bas de page 1 172,76 m
Tirant d'eauNote de bas de page 2 avant : 6,90 m arrière : 6,00 m
Construction MIL Davie Inc., Lauzon (Québec), Canada (1989)
Groupe propulseur trois moteurs diesel MAK 8M552 et un moteur diesel MAK 6M43, développant au total 20 600 kW et entraînant deux hélices à pas variable
Cargaison À bord CapacitéNote de bas de page 3
55

27

24
370 ou

77

inconnue
Équipage 80 87
Passagers 138 1353
Propriétaires Marine Atlantique, St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)

1.1.1 Description du navire

Le Joseph and Clara Smallwood a été construit en 1989 comme traversier roulier destiné au transport de passagers et de véhicules entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Le navire comporte deux aires de chargement des véhicules, sur les ponts 1 et 3, et des installations pour les passagers sur les ponts 3 à 7 (voir le profil hors-bord à l'annexe B). Il peut transporter jusqu'à 1353 passagers, 370 véhicules automobiles ou 77 camions à semi-remorque et 87 membres d'équipage. Le Joseph and Clara Smallwood et son navire-jumeau, le Caribou, sont les deux plus grands traversiers pour passagers actuellement en exploitation au Canada.

Photo 1. Le Joseph and Clara Smallwood
Le Joseph and Clara Smallwood

1.2 Déroulement du voyage

À 18 h 7, heure avancée de Terre-NeuveNote de bas de page 5 le 12 mai 2003, le traversier pour passagers Joseph and Clara Smallwood, transportant 138 passagers et 80 membres d'équipage, appareille de North Sydney (Nouvelle-Écosse) pour entreprendre une traversée jusqu'à Port aux Basques (Terre-Neuve-et-Labrador) selon son horaire régulier.

Le voyage se poursuit sans incident jusqu'à 23 h 10 lorsque deux alarmes de détecteurs de chaleur se déclenchent sur la passerelle alors que le navire se trouve par 47°26,5′ de latitude nord et 59°08′ de longitude ouest, à environ huit milles marins de Port aux Basques. Presque simultanément, la personne de quart au pont-garage, qui fait sa ronde sur le pont-garage 1, découvre un incendie à proximité d'un camion à semi-remorque (figure 1). La personne de quart au pont-garage quitte le pont par la première porte avant à bâbord et se rend immédiatement à un dispositif d'alarme manuel situé de l'autre côté de la porte. Elle actionne le dispositif, mais, n'entendant aucune alarme, elle monte au pont 3 et actionne un deuxième dispositif. N'entendant toujours pas d'alarme, elle court vers l'arrière au poste où les personnes de quart au pont-garage assurent une veille sur le pont 3, communique avec la passerelle par téléphone et signale l'incendie.

Lorsque les deux premières alarmes des détecteurs de chaleur retentissent sur la passerelle, l'officier de quart se rend au panneau incendie pour déterminer l'origine de l'alarme. Pendant qu'il acquiesce et éteint les deux alarmes, deux alarmes provenant des dispositifs d'alarme manuels sont successivement enregistrées au panneau. Peu après, le téléphone de la passerelle reçoit l'appel de la personne de quart au pont-garage. Conformément au manuel des mesures d'urgences du navire, l'officier de quart entreprend l'intervention d'urgence en cas d'incendie.

L'officier de quart communique immédiatement avec la salle de commande des machines, informe le mécanicien de quart de l'incendie et lui donne la directive de fermer la ventilation au pont-garage 1. Après l'avoir fait, le mécanicien de quart entame son propre protocole d'urgence en communiquant avec le chef mécanicien principal pour l'informer de l'incendie. L'officier de quart tente de communiquer avec le capitaine par téléphone, sans succès. Il parvient toutefois à communiquer avec le second capitaine principal et le maître d'équipage.

Aussitôt qu'il est informé de l'incendie, le second capitaine principal trouve le capitaine et le renseigne sur la situation. Il est environ 23 h 16. Le capitaine ordonne au second capitaine principal de se rendre au pont-garage pour faire enquête sur l'incendie puis de lui faire rapport. Le chef mécanicien principal, qui se dirige vers la salle de commande des machines, ouvre une porte d'accès au pont-garage 1 (voir la figure 1), mais ne peut rien voir en raison de l'épaisse fumée. Après s'être assuré que la porte du pont-garage est fermée, il se rend à la salle de commande des machines.

Figure 1. Pont 1 - Zones du système de rideau d'eau et emplacement de l'incendie
Pont 1 - Zones du système de rideau d'eau et emplacement de l'incendie

Alors que l'officier de quart tente de nouveau de le joindre, le capitaine arrive sur la passerelle. Peu après, le second capitaine principal informe le capitaine qu'il y a une épaisse fumée noire sur le pont-garage 1 et qu'il est pratiquement impossible d'atteindre le feu à partir de sa position. Vers 23 h 20, le capitaine déclenche l'alerte générale puis diffuse par haut-parleur, uniquement dans les aires de l'équipage, une annonce ordonnant aux équipes d'incendie de se rassembler sur le pont-garage 3, en indiquant qu'il ne s'agit pas d'un exercice.

Le second capitaine principal monte au pont-garage 3 où il constate des indications d'un transfert de chaleur au pont immédiatement au-dessus du lieu présumé de l'incendie. Il communique aussi avec le capitaine et, conformément au manuel des mesures d'urgence, il est décidé d'actionner le système de rideau d'eau. Le second capitaine principal se rend vers l'arrière du pont 3, puis descend au pont 1. En arrivant au pont 1, il rencontre les deux personnes de quart au pont-garage qui portent déjà leur équipement de protection contre le feu. Le second capitaine principal leur donne instruction de préparer une manche à incendie et de se rendre vers l'avant. Le second capitaine principal retourne alors au pont 3 où il rencontre des membres de l'équipe d'incendie en voie de se regrouper. Il donne instruction à l'équipe de créer une zone de refroidissement où le pont montre des signes d'une chaleur extrême.

À la suite de sa conversation avec le second capitaine principal, le capitaine communique avec le chef mécanicien principal. Après une brève discussion avec lui, il lui donne instruction d'actionner le système de rideau d'eau. Le chef mécanicien principal se rend directement au.poste de commande d'urgence où il actionne le système de rideau d'eau pour la zone 7. Il est 23 h 22. Peu après, les zones 8 et 9 sont activées, mais il est rapidement déterminé que l'incendie touche vraisemblablement les zones 9 et 10. Donc, la zone 10 est activée et la zone 8, isolée.

Le système de rideau d'eau étant activé, deux équipes d'incendie s'attaquent au feu au moyen de manches. Pour s'assurer que l'incendie ne se propage pas aux unités adjacentes vers l'avant et vers l'arrière, le système de rideau d'eau est de temps à autre activé en alternance pour les zones 8 et 11 de façon à contenir l'incendie. L'accès à l'incendie est difficile en raison du peu d'espace entre les camions et les semi-remorques ainsi que du poids et de la rigidité d'une manche à incendie de deux pouces de diamètre, sous pression. Malgré tout, l'équipe d'incendie poursuit son travail sans interruption, les membres se remplaçant avant que s'épuise la réserve d'air de leur appareil respiratoire autonome.

Vers 23 h 27, on informe les Services de communication et de trafic maritimes à Port aux Basques de l'événement et on demande les services du corps local de pompiers volontaires à son arrivée.

Entre-temps, dès que l'alerte générale a été donnée dans les logements de l'équipage, les membres du service passagers commencent à vérifier les cabines de l'équipage et des passagers ainsi que d'autres aires accessibles aux passagers, demandant aux occupants de libérer les lieux et de se rendre au pont 5 (voir la figure 2).

Figure 2. Pont 5
Pont 5

Vers 23 h 30, le capitaine communique avec le chef steward principal, et est informé qu'il y a de la fumée dans la partie avant du pont 5. Par conséquent, une annonce par haut-parleur donne instruction aux passagers de se réunir à la cafétéria. Cette annonce est répétée à 23 h 40. Peu après, le capitaine communique avec le chef steward principal pour discuter de la procédure d'évacuation des passagers à l'arrivée à Port aux Basques.

Le navire poursuit son trajet vers sa destination et arrive à Port aux Basques à 0 h 8 le 13 mai 2003. Dès son arrivée, le corps local de pompiers volontaires monte à bord du navire et, sous la direction du second capitaine principal, aide l'équipage du navire à combattre l'incendie. Bien que le système de rideau d'eau ait contenu et rabattu les flammes avant l'arrivée, les équipes d'incendie continuent de combattre les flammes dans le camion à semi-remorque où elles avaient débuté ainsi que dans deux camions voisins qui ont aussi pris feu. À 0 h 12, le capitaine ordonne l'évacuation des passagers selon les plans dressés.

L'équipage du navire, avec l'aide du corps de pompiers volontaires de Port aux Basques, continue de lutter contre l'incendie. À 0 h 57, la porte arrière est ouverte, donnant accès au pont-garage 1 et permettant au corps de pompiers de déployer des lances d'incendie d'un diamètre de 1,5 pouce, qui sont plus maniables. À mesure que la fumée se dissipe, les rangées de camions deviennent plus visibles et accessibles. Les chauffeurs qui peuvent identifier leur véhicule sont priés de remonter à bord du navire et de l'en faire descendre. Éventuellement, suffisamment de véhicules sont enlevés du pont pour que les pompiers puissent accéder plus aisément au feu. Le débarquement continue jusqu'à ce que tous les véhicules sauf unNote de bas de page 6 aient été enlevés. À 2 h 10, l'incendie est déclaré maîtrisé. Le système de rideau d'eau est désactivé 35 minutes plus tard. À 2 h 54, la pompe d'incendie du navire est désactivée. À 3 h 35, l'incendie est déclaré éteint.

1.3 Victimes

Un membre d'équipage a souffert d'inhalation mineure de fumée et un autre, d'un mal de dos. Les deux ont été emmenés à l'hôpital pour y être traités, et ils ont reçu leur congé. Deux passagers ont été examinés par des travailleurs paramédicaux, puis ont reçu leur congé.

Équipage Passagers Autres Total
Tués - - - -
Disparus - - - -
Blessés graves - - - -
Blessés légers / Indemnes 2/78 2/136 - 4/214
Total 80 138 - 218

1.4 Avaries et dommages

1.4.1 Avaries au navire et dommages à la cargaison

L'incendie a été découvert alors qu'il brûlait dans un des camions à semi-remorque se trouvant sur le pont-garage 1, mais l'origine et la cause précises de l'incendie n'ont pas été déterminés. Le navire a subi les avaries suivantes, entre autres :

À la suite d'une inspection par les autorités, le navire a été autorisé à retourner à North Sydney dans l'après-midi pour y être réparé, uniquement avec une cargaison de semi-remorques sans tracteur.

Photo 2. Avaries au plafond
Avaries au plafond

La cargaison a subi, entre autres, les dommages suivants (voir l'annexe C) :

1.4.2 Dommages à l'environnement

Il n'y a eu aucun dommage à l'environnement.

1.5 Certificats et brevets

1.5.1 Certificats du navire

Le Joseph and Clara Smallwood est soumis à des inspections régulières de Transports Canada en tant que navire à passagers non assujetti à la ConventionNote de bas de page 7. Son plus récent certificat d'inspection de navire a été délivré le 10 décembre 2002. Le navire est classé Lloyd's Symbole de classification Lloyd's100A1, avec la cote glace 1A super. Le Registre de la Lloyd's a aussi certifié que les systèmes de gestion de la sécurité du navire et de la société qui l'exploite (Marine Atlantique) étaient conformes au Code international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution (Code ISM)Note de bas de page 8.

1.5.2 Brevets des membres d'équipage

Le capitaine et les officiers du Joseph and Clara Smallwood étaient titulaires des brevets requis selon la classe du navire et le type de voyages qu'ils effectuaient. En outre, tous les officiers et membres d'équipage avaient suivi une formation en fonctions d'urgence en mer (FUM) conforme aux exigences de Transports Canada, selon leur fonction à bord. La politique de Marine Atlantique exigeait également que chaque membre d'équipage suive un programme de familiarisation à leur arrivée dans l'entreprise et à leur début sur chaque navire.

1.6 Antécédents du personnel

Le capitaine avait 42 ans de service en mer dont environ 32 ans comme capitaine. Il était capitaine du Joseph and Clara Smallwood depuis sa livraison en 1989. Le second capitaine principal avait 32 ans d'expérience en mer auprès de Marine Atlantique, dont 4 ans à bord du Joseph and Clara Smallwood. Le chef steward principal avait 32 d'expérience auprès de Marine Atlantique, dont 16 ans à titre de chef steward principal. La personne de quart au pont-garage avait environ 24 ans d'expérience en mer et avait reçu un certificat de premier officier de pont, voyage intermédiaire en 2000. Il travaillait chez Marine Atlantique depuis un an, habituellement à titre de second lieutenant.

1.7 Conditions météorologiques

Il y avait une très légère brise et la mer était calme, avec une légère houle de l'est. Le ciel était couvert, et la visibilité était de huit milles. La température de l'air était de 2 °C et la température de la mer, de 5 °C.

1.8 Intervention d'urgence

1.8.1 Système de rideau d'eau

Photo 3. Tête de pulvérisation du système de rideau d'eau
Tête de pulvérisation du système de rideau d'eau
Un principe de base de la sécurité incendie à bord d'un navire à passagers est qu'un incendie doit être décelé, contenu et éteint dans son lieu d'origine. Sur les navires où de grands espaces ouverts sont nécessaires à l'exploitation, comme les ponts-garages d'un traversier roulier, l'aménagement d'un équipement fixe d'extinction remplace les habituelles cloisons structurelles comme moyen de contenir un incendie. C'est pourquoi les deux ponts-garages du Joseph and Clara Smallwood étaient protégés par une installation à eau sous pression, ou système de rideau d'eau. Le système comprenait un réseau de tuyaux fixes divisé en 15 zones. Chaque zone était contrôlée individuellement de façon à projeter de l'eau par des têtes de pulvérisation commandées manuellement à partir du poste de commande d'urgence.

La fonction principale du système de rideau d'eau consiste à contenir et contrôler l'incendie ainsi qu'à refroidir pour permettre à l'équipage de mieux lutter contre l'incendie. Dans l'événement à l'étude, le système de rideau d'eau à bord du Joseph and Clara Smallwood a permis de limiter l'incendie au dessous des trois véhicules touchés.

1.8.2 Système de détection et d'alarme d'incendie

Le navire était doté d'un système de détection d'incendie comprenant des détecteurs automatiques de chaleur et de fumée ainsi que des dispositifs d'alarme manuels aménagés en divers endroits du navire. L'activation d'un de ces détecteurs ou d'un de ces dispositifs manuels devait envoyer un signal (pré-alarme) à la passerelle. Un officier de pont pouvait alors soit accuser réception du signal et faire enquête sur sa cause avant de déclencher l'alarme, soit déclencher l'alarme immédiatement. Si l'accusé de réception n'était pas donné dans un délai prédéterminéNote de bas de page 9, le système de détection d'incendie déclenchait automatiquement l'alarme générale.

Le panneau d'alarme offrait deux options pour le déclenchement de l'alarme : « équipage » ou « tous ». Lorsque l'option « équipage » était choisie, l'alarme résonnait dans les aires de travail et les emménagements de l'équipage. Ceci ne comprenait pas les aires de stationnement des véhicules des ponts-garages, mais bien les postes des personnes de quart au pont-garage. Si l'option « tous » était choisie, l'alarme résonnait dans les aires de l'équipage ainsi que dans toutes les aires d'accueil des passagers. Ceci comprenait les aires de stationnement des véhicules.

Photo 4. Exemple typique d'un dispositif d'alarme manuel
Exemple typique d'un dispositif d'alarme manuel

Les dispositifs d'alarme manuels du Joseph and Clara Smallwood exigent que l'utilisateur abaisse un levier pour envoyer un signal de pré-alarme à la passerelle. Rien n'indique à l'utilisateur si le signal a bien été transmis jusqu'à ce qu'un officier de pont décide de déclencher l'alarme ou que l'alarme soit déclenchée automatiquement après le délai prédéterminé.

Les membres d'équipage ne comprenaient guère ce qui devait se produire lorsqu'un dispositif d'alarme manuel était activé. Certains savaient que l'alarme résonnerait d'abord uniquement sur la passerelle; certains pensaient qu'une alarme sonore suivrait immédiatement; d'autres n'en savaient rien. Les exercices d'incendie hebdomadaires ne portaient pas sur les mesures à prendre lorsqu'un incendie était découvert, comme l'activation des dispositifs d'alarme manuels. Selon le déroulement habituel des exercices, le capitaine décidait, après discussion avec le second capitaine principal, de l'endroit où l'exercice aurait lieu. L'alarme d'incendie était alors activée à cet endroit, par un membre désigné de l'équipage. Il s'agissait de procéder à une vérification au hasard du système de détection d'incendie. Le capitaine communiquait ensuite l'emplacement de l'incendie à l'équipage au moyen des hauts-parleurs.

1.8.3 Manches à incendie

Les manches à incendie du Joseph and Clara Smallwood étaient d'un diamètre nominal de deux pouces et aménagées conformément à la réglementation en vigueurNote de bas de page 10. La pompe automatique à incendie et la pompe de service général avaient une capacité de 120 m3 et 135 m3 d'eau à l'heure respectivement, à une pression approximative de 10,7 barsNote de bas de page 11.

1.8.4 Disposition des véhicules

Photo 5. Espacement typique entre les véhicules et le périmètre du pont
Espacement typique entre les véhicules et le périmètre du pont
Le pont-garage 1 pouvait recevoir six voies de camions à semi-remorque. Lorsque le navire était pleinement chargé, la distance entre les véhicules des voies adjacentes pouvait être réduite à 30 cm.

1.8.5 Fonctions et procédures d'urgence

Dans le cadre de la documentation du système de gestion de la sécurité, le navire transportait à bord un manuel des mesures d'urgence traitant des diverses procédures d'urgence en précisant, en style télégraphique, les tâches à accomplir selon l'urgence (par exemple, navire avarié ou désemparé, abordage, personne à la mer ou déversement polluant). En outre, il précisait pour chaque tâche si elle relevait de la « passerelle » ou de la « salle des machines ». Le manuel des mesures d'urgence ne comprenait pas une marche à suivre pour l'évacuation à quai par suite d'un incendie à bord.

Les procédures pertinentes au présent événement relevaient des rubriques « incendie » et « généralités ». La procédure décrite au titre des généralités est applicable à toute urgence où le navire est avarié ou désemparé.

Pour faire suite au manuel des mesures d'urgence, des fonctions d'urgence précises étaient assignées à des membres d'équipage au moyen de la liste des procédures d'urgence, ou rôle d'appel, qui était affichée à bord du navire. Parmi les nombreuses tâches sur ce rôle d'appel figuraient des éléments concernant la vérification des emménagements et l'orientation des passagers vers les postes de rassemblement voulus. Rien n'était prévu pour assigner à un membre d'équipage la responsabilité précise de vérifier la présence de passagers sur les ponts.

1.8.5.1 Mesures d'urgence sur la passerelle

Dans l'événement à l'étude, bien que la plupart des responsabilités incombant au personnel de la passerelle en vertu du manuel des mesures d'urgence du navire aient été exécutées, plusieurs éléments importants décrits ci-dessous ne l'ont pas été.

1.8.6 Communications

1.8.6.1 Équipe d'incendie

Les communications entre l'équipe d'incendie et la passerelle se sont faites au moyen d'une radio très haute fréquence (VHF) portative. Durant l'événement, les communications ont été intermittentes, exigeant que le second capitaine principal, qui était en charge de l'équipe d'incendie, se déplace constamment pour établir et poursuivre les communications avec la passerelle - ce qui a nui à la coordination de la lutte contre l'incendie.

Bien que la radio VHF soit un moyen de communication accepté entre navires ou entre un navire et la terre, elle ne convient guère lorsque les ondes radio doivent pénétrer des structures métalliques comme c'est le cas dans les communications à bord d'un navire. C'est la radio ultra-haute fréquence portative qui est le moyen accepté et largement utilisé pour les communications à bord.

1.8.6.2 Personne de quart au pont-garage

Lorsque le navire était en mouvement, une personne était chargée de patrouiller le périmètre de chaque pont-garage environ toutes les 30 minutes. Durant ces rondes, la personne de quart au pont-garage devait surveiller le pont-garage pour déceler par exemple tout incendie, une cargaison mal arrimée ou déplacée (véhicules), ou les véhicules ou remorques perdant des liquides, et vérifier la sécurité de l'arrimage des véhicules (le cas échéant), la sécurité des portes de chargement avant et arrière ainsi que la présence de passagers demeurés près de leur véhicule ou y étant retournés. S'il y avait une anomalie, la personne de quart au pont-garage devait la signaler aussitôt à la passerelle.

Les communications entre la personne de quart au pont-garage et la passerelle se faisaient au moyen de téléphones fixes reliés au système de communications internes du navire. Deux de ces téléphones se trouvaient sur chaque pont-garage, un à l'avant et un à l'arrière. Les personnes de quart au pont-garage ne disposaient pas d'un moyen de communication portatif, et ils n'étaient pas tenus d'en disposer.

1.8.7 Marchandises dangereuses

Le manifeste du voyage indiquait que le navire transportait cinq semi-remorques sans tracteur et un camion à semi-remorque transportant des marchandises dangereuses. Le plan de chargement des marchandises dangereuses, qui doit indiquer l'emplacement de ces véhicules à bord du navire, précisait l'emplacement des cinq semi-remorques sans tracteur, sur le pont 3. Cependant, la position du sixième véhiculeNote de bas de page 12 ne figurait pas sur le plan. À la suite de l'événement, il a été déterminé que ce véhicule avait aussi été chargé sur le pont 3, mais il n'était pas possible de déterminer à quel endroit précis.

Au début de leur intervention, les pompiers basés à terre ont demandé au personnel du terminal de Marine Atlantique des renseignements sur les marchandises dangereuses à bord du navire. Le personnel de Marine Atlantique a été incapable de donner des renseignements définitifs.

1.9 Sécurité des passagersNote de bas de page 13

1.9.1 Membres du service passagers - Fonctions d'urgence

Dans les conditions normales, la principale responsabilité des membres d'équipage employés par le service passagers consiste à offrir des services « d'hospitalité » tels que restauration et hébergement. Cependant, en cas d'urgence, leurs responsabilités sont axées sur la sécurité des passagers. Le rôle d'appel affiché sur le navire prévoyait que le chef steward principal, membre le plus haut gradé du service passagers, soit globalement responsable des passagers durant l'événement. Les fonctions d'urgence des membres d'équipage au sein du service comprenaient les éléments suivants :

Dans l'industrie canadienne des traversiers pour passagers, la pratique courante veut que les membres d'équipage affectés à des postes liés aux services aux passagers soient chargés de telles responsabilités en cas d'urgence.

1.9.1.1 Mesures d'urgence prises par les membres du service passagers

Les observations suivantes ont été faites à l'égard de la réaction des membres d'équipage du service passagers face à l'événement :
1.9.1.2 Formation des membres du service passagers

Marine Atlantique assurait la formation initiale suivante aux membres d'équipage du service passagers :

Les membres d'équipage recevaient une formation continue durant des exercices réguliers d'embarcation et d'incendie conformément à la réglementationNote de bas de page 16. Les membres d'équipage étaient informés d'avance de la tenue des exercices. Bien que des exercices étaient effectués en l'absence de passagers à bord, un membre d'équipage était à l'occasion chargé de jouer le rôle d'un passager en difficulté.

Le plan des cours de formation ne comprenait pas d'éléments touchant l'encadrement des passagers, et le programme de formation des membres du service passagers ne comprenait pas des cours approuvés par Transports Canada en encadrement des passagers, en gestion des situations de crise ou sur le comportement humain. Une telle formation n'est pas exigée pour les membres d'équipage des navires à passagers canadiens non visés par la Convention, quelles que soient les fonctions d'urgence qui leur sont confiéesNote de bas de page 17.

1.9.2 Identification des membres d'équipage en situation d'urgence

Au moment de l'événement, 14 des 36 membres du service passagers étaient de service et portaient l'uniforme fourni par l'entreprise. La plupart des 22 membres d'équipage qui n'étaient pas de service portaient des vêtements personnels. En plus des uniformes, Marine Atlantique fournissait à tous les membres d'équipage des gilets réflecteurs et des survêtements dotés de matériel réfléchissant. Aucun membre du service passagers n'a participé aux fonctions d'urgence en portant un ou l'autre de ces articles. Les membres d'équipage qui n'étaient pas de service n'étaient pas tenus de revêtir l'uniforme avant de débuter leurs fonctions d'urgence, et la procédure n'exigeait pas en de telles circonstances qu'ils revêtent leurs vêtements réflecteurs. Certains membres d'équipage qui n'étaient pas de service et qui pouvaient aisément accéder à leur gilet de sauvetage se sont présentés en l'apportant ou en le portant conformément aux indications de leur formation en vue des urgences. Cependant, les gilets de sauvetage ont été mis de côté lorsqu'il est devenu évident qu'aucune évacuation n'était imminente.

De façon générale, les passagers reconnaissaient les membres du service passagers soit à leur uniforme, soit à leur gilet de sauvetage (respectivement 45 % et 34 % des répondants). Les passagers ont indiqué que le principal obstacle à la reconnaissance des membres d'équipage était l'absence d'uniforme, par exemple dans le cas des membres d'équipage qui n'étaient pas de service.

Marine Atlantique n'a pas de politique portant sur la nécessité que les membres du service passagers soient aisément reconnaissables par les passagers en cas d'urgence. Bien qu'il n'y ait pas d'exigence réglementaire à ce sujet, Transports Canada encourage les armateurs-gérants de navires à passagers à appliquer les lignes directrices de l'Organisation maritime internationale (OMI) en ce qui concerne l'identification des membres d'équipage. Ces lignes directrices soulignent la nécessité que les membres d'équipage soient aisément reconnaissables en tant que tels aux passagers. À cette fin, il est recommandé que les membres d'équipage portent un vêtement distinctif ou autre élément d'identificationNote de bas de page 18, qu'ils soient ou non de service. Les lignes directrices ne précisent pas la nécessité que de tels éléments d'identification soient efficaces dans des conditions défavorables, par exemple en cas de visibilité réduite.

1.9.3 Accès aux cabines

Les fonctions d'urgence assignées aux membres du service passagers et répétées durant les exercices réguliers comprenaient notamment la vérification des cabines des membres d'équipage et des passagers. En vérifiant les cabines des membres d'équipage, les membres d'équipage ont trouvé une porte de cabine verrouillée. Ils ont cogné lourdement sur la porte et crié pour prévenir les éventuels occupants. Bien qu'un murmure ait été entendu, il n'y a pas eu de réaction probante. Ils ont continué à cogner sur la porte et à crier pendant plusieurs secondes sans constater de réaction, puis ils ont poursuivi leur chemin et terminé la vérification des cabines des membres d'équipage. Ils ont signalé leur observation au chef steward principal, et un membre d'équipage a été renvoyé sur place pour vérifier la chambre. Celui-ci n'a pas reçu la clé passe-partout, et il ne savait pas qu'une telle clé était disponible. À son arrivée à la cabine, celle-ci était déverrouillée et vide.

Les membres du service passagers chargés d'évacuer les cabines des passagers ont reçu la clé passe-partout voulue, mais pas ceux chargés d'évacuer les cabines des membres d'équipage. La procédure d'évacuation des cabines des membres d'équipage, telle qu'elle était répétée durant les exercices, ne prévoyait pas la remise d'une clé passe-partout aux membres d'équipage pertinents.

1.9.4 Équipement pour les communications d'urgence

Pendant l'événement, le chef steward principal et le capitaine ont communiqué entre eux sans peine grâce au système téléphonique interne du navire. Ils étaient tous deux munis d'un appareil radio émetteur-récepteur portatif VHF. Les membres du service passagers communiquaient entre eux et avec le chef steward principal soit de vive voix, soit en recourant à des messagers; ils n'ont pas reçu d'équipement de communication portatif.

L'ordre aux passagers de se réunir dans la cafétéria a été communiqué par les hauts-parleurs du navire. Les passagers ont entendu l'annonce sans peine (85 % des répondants au questionnaire). Le navire était doté de mégaphones pour amplifier la voix en faisant des annonces, mais les membres du service passagers ne connaissaient pas leur existence ou leur emplacement.

1.9.5 Information sur les passagers

Conformément aux lignes directrices de Transports CanadaNote de bas de page 19, Marine Atlantique a établi un dénombrement des passagers, qui a été remis au capitaine avant l'appareillage. Bien que ces lignes directrices n'exigeaient pas de consigner les noms des passagers, Marine Atlantique avait comme pratique de le faire et de conserver la liste à terre. Avant l'appareillage, le navire a reçu les noms des conducteurs de véhicules (passagers principaux) et des passagers étant montés à bord du navire à pied (passagers-piétons)Note de bas de page 20. Cependant, cette information ne comprenait pas les noms des passagers qui étaient montés à bord du navire dans un véhicule personnel, hormis ceux des conducteurs.

1.9.6 Passagers demeurant dans leur véhicule durant le transit

Trois passagers (deux conducteurs de camions commerciaux et un passager accompagnant un des conducteurs de camion) sont demeurés dans leur véhicule durant le transit entre North Sydney et Port aux Basques. Les deux véhicules étaient situés sur le pont-garage 1, de sorte que les occupants ont été emprisonnés dans leur véhicule en raison de la fumée.

Au début de l'événement, un des conducteurs de camion a demandé de l'aide en actionnant le klaxon de son camion. Deux membres d'équipage en route pour lutter contre l'incendie l'ont entendu, ont trouvé le véhicule et ont indiqué à l'occupant de se rendre au pont 5.

Les deux autres passagers emprisonnés ont demandé de l'aide à terre en utilisant un appareil radio bande publique à bord de leur camion. Lorsque le navire est arrivé au port, des intervenants à terre ont signalé la situation de ces passagers à l'équipage du navire, qui n'en était pas au courant. Une recherche a été entreprise, mais les passagers n'ont été trouvés qu'une fois la porte arrière ouverte; ils étaient dans la première rangée de véhicules. Les passagers sont demeurés prisonniers de leur véhicule environ deux heures.

Bien que la question de l'accès des passagers aux ponts rouliers pendant qu'un navire fait route soit prise en compte par l'OMI et la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS)Note de bas de page 21, la réglementation canadienne n'aborde pas la question des passagers demeurant dans leur véhicule durant un transit. La politique de Marine Atlantique interdit toutefois cette pratique. Les passagers en sont informés par le site Web de Marine Atlantique, par des enseignes à terre et à bord et par des annonces faites lors du départ et durant le transit. Cependant, les passagers ne sont pas informés du fait que l'interdiction de demeurer dans les véhicules est fondée sur des motifs de sécurité. Dans les situations où des passagers ont besoin d'accéder à leur véhicule durant un transit, ils peuvent être escortés par un membre d'équipage.

Marine Atlantique a pris plusieurs mesures pour dissuader les passagers de demeurer dans leur véhicule, avec plus ou moins de succès selon le cas. Par exemple :

Malgré tout, Marine Atlantique indique qu'à presque chaque traversée, certains passagers, surtout des conducteurs de camions commerciaux, demeurent dans leur véhicule.

D'autres armateurs-gérants de traversiers à passagers sont aux prises avec le problème de passagers demeurant dans leur véhicule durant le transit malgré les politiques et les campagnes d'information pour lutter contre cette pratique. Selon la Société des traversiers du Québec, il arrive souvent que certains passagers, surtout des conducteurs de camions commerciaux, demeurent ou tentent de demeurer dans leur véhicule durant le transit. Sur la côte ouest, BC Ferries a constaté que les passagers qui demeurent ou tentent de demeurer dans leur véhicule sont ceux qui habitent la région et empruntent fréquemment le traversier.

1.9.7 Éclairage en position basse

Toutes les lampes constituant le dispositif d'éclairage d'urgence à bord du Joseph and Clara Smallwood étaient disposées au plafond ou près du plafond et respectaient les exigences réglementaires de Transports Canada.

Cependant, comme l'éclairage provenant du plafond peut être obstrué en présence de fumée, les principes de sécurité dans la conception préconisent que l'éclairage ou le balisage destiné à indiquer les voies d'issue en cas d'urgence soient situés sur le pont ou près du pont. Ce principe est reconnu par l'OMI puisque la Convention SOLAS contient des exigences précises sur l'aménagement d'éclairage en position basse à bord des navires à passagers assujettis à la Convention :

Tout navire à passagers et navire roulier immatriculé au Canada qui a été construit conformément à la Convention SOLAS ou qui lui est assujetti doit disposer d'éclairage en position basse pour signaler les issues de secours. Cependant, aucun règlement ou autre exigence ne s'applique aux navires canadiens non assujettis à la Convention.

1.9.8 Évacuation des passagers

En réponse à l'urgence, le capitaine a élaboré deux plans d'évacuation. Le plan A prévoyait que les passagers-piétons et les passagers dont les véhicules se trouvaient sur le pont 1 descendent à pied par la passerelle tribord, tandis que les passagers dont les véhicules se trouvaient sur le pont 3 descendraient du navire en voiture par la rampe arrière. Les véhicules du pont 1 seraient débarqués ultérieurement, quand cela pourrait se faire en toute sécurité. En formulant ce plan, les conditions régnant sur le pont-garage 3 ont été prises en compte : à 23 h 25, la visibilité était bonne car il n'y avait que très peu de fumée. Peu après, le capitaine a renseigné le chef steward principal sur le plan A d'évacuation.

Le capitaine a aussi élaboré un plan de rechange, le plan B. Si l'incendie prenait de l'ampleur, tous les passagers passeraient de la cafétéria à l'arrière du navire, descendraient les escaliers extérieurs jusqu'à l'aire ouverte du pont 3, puis descendraient à pied par la rampe des véhicules. Ainsi, l'exposition des passagers aux dangers habituellement associés aux incendies, comme la chaleur, la fumée et les gaz toxiques, serait réduite au minimum.

Lorsqu'il est arrivé à Port aux Basques à 0 h 8, sur instruction du capitaine, le navire a été préparé à l'évacuation. Alors que l'on a amarré le navire, des nouvelles ont été demandées sur les conditions régnant sur le pont 3. Le rapport produit a indiqué que, même s'il s'y trouvait davantage de fumée que plus tôt, il demeurait possible pour les passagers de descendre du navire en voiture, et que l'escalier arrière intérieur était le moyen le plus sûr d'accéder au pont 3. Sur la foi de cette information, le capitaine a choisi d'appliquer le plan A pour l'évacuation des passagers.

Au moment où cette décision a été prise, la situation de l'incendie se présentait comme suit :

Le navire a accosté à 0 h 10; à 0 h 12, l'évacuation des passagers a commencé conformément au plan A. Des membres du service passagers postés au sommet de l'escalier et à chaque palier ont guidé les passagers vers le pont 3 et les ont aidé au besoin. Pendant ce temps, la porte arrière du pont-garage 1, où se situait l'incendie, est demeurée fermée.

Les passagers des véhicules du pont 3 ont été confrontés à plusieurs obstacles qui ont entravé l'évacuation :

Durant l'évacuation, la quantité de fumée et la densité de cette fumée sur le pont-garage 3 ont augmenté. Au quai, la direction des courants d'air autour du navire a changé de sorte que la fumée a été repoussée à l'intérieur de l'aire de stationnement des véhicules par l'ouverture arrière. En arrivant dans l'aire de stationnement des véhicules, certains passagers ont reçu des serviettes en papier et ont été invités à en recouvrir leur nez et leur bouche pour tenter d'atténuer les effets d'une inhalation de fumée. Il semble que la visibilité ait été réduite au point où les membres d'équipage ne pouvaient pas voir l'autre côté du pont; certains ont dû recouvrir leur nez et leur bouche avec leur veste afin de pouvoir respirer. Vu la densité de la fumée et le temps qu'il fallait pour quitter le pont avec leur véhicule, certains passagers ont envisagé d'abandonner leur véhicule et d'évacuer le navire à pied.

À 0 h 26, 14 minutes après le début de l'évacuation, tous les passagers étaient descendus et le pont 3 était dégagé des véhicules à l'exception de celui qui n'avait pas démarré. Dans les conditions normales, le débarquement exige de 5 à 10 minutes.

2.0 Analyse

Lorsqu'il a été découvert, le feu émanait d'un des camions à semi-remorques stationnés sur le pont-garage 1. L'incendie a été géré efficacement par l'équipage du navire; il a éventuellement été éteint avec l'aide du corps de pompiers volontaires de Port aux Basques.

Au Canada, les traversiers transportent un grand nombre de passagers et de véhicules, répondant ainsi aux besoins de la collectivitéNote de bas de page 25. Le fait que des passagers se déplacent librement dans un environnement qui ne leur est pas familier pendant des périodes relativement courtes pose des difficultés particulières pour les armateurs-gérants au moment de gérer des urgences, notamment à l'égard de la sécurité des passagers.

En raison de préoccupations envers d'éventuelles lacunes dans la gestion des passagers en situation d'urgence dans l'exploitation de navires à passagers, le Bureau a analysé les événements dans le contexte des enjeux liés aux mesures d'urgence et de ceux liés à la sécurité des passagers.

2.1 Intervention d'urgence

2.1.1 Accès à l'incendie

Durant l'événement, une épaisse fumée noire a limité la visibilité, et l'espace restreint entre les véhicules a fait en sorte qu'il était extrêmement difficile d'accéder à l'incendie. L'équipe d'incendie a aussi eu de la difficulté à manier une manche à incendie de deux pouces de diamètre sous pression, avec laquelle ils devaient se déplacer en rampant autour de remorques et sous celles-ci pour accéder au feu. Ces conditions ont augmenté à la fois le temps requis pour arriver au feu et l'effort physique requis des membres de l'équipe d'incendie. Par conséquent, l'équipage du navire n'est pas parvenu à éteindre le feu même si celui-ci avait été efficacement contenu par le système de rideau d'eau. Éventuellement, la porte arrière a été ouverte et les véhicules ont été évacués du pont. Il a ainsi été possible d'accéder plus aisément au feu, qui a alors été éteint avec l'aide de pompiers à terre utilisant leurs plus petites (1,5 pouce de diamètre) manches à incendie.

La difficulté de la lutte contre les incendies dans des espaces restreints est reconnue par Transports Canada : dans certaines conditions, les navires peuvent être autorisés à utiliser dans les compartiments machines des manches à incendie d'un diamètre réduitNote de bas de page 26. De la même façon, l'application de ce principe aux espaces restreints des ponts-garages chargés du Joseph and Clara Smallwood aurait permis aux équipes d'incendie d'accéder plus aisément à ces espaces.

2.1.2 Lutte contre l'incendie

Malgré les difficultés à accéder à l'incendie, une fois que la présence de feu et l'endroit où il se trouvait ont été vérifiés, la lutte contre l'incendie était organisée et efficace.

Lorsque l'on a constaté des indices d'une chaleur extrême provenant d'un endroit circonscrit sur le pont-garage 3, un refroidissement de la zone a été rapidement pratiqué. Par la suite, à en juger par les indices révélateurs constatés sur le pont 3 (c'est-à-dire chaleur, vapeur, déformation du bordé du pont), le système de rideau d'eau a été utilisé efficacement pour contenir le feu et éteindre les flammes à l'extérieur des véhicules. Les pompiers ont ainsi pu concentrer leurs efforts sur l'intérieur et le dessous des véhicules, qui étaient difficiles d'accès et que le système de rideau d'eau ne pouvait pas atteindre.

Lorsque le navire a accosté à Port aux Basques, des membres du corps local de pompiers volontaires sont montés à bord du navire pour aider à la lutte contre l'incendie. Conformément aux meilleures pratiques en milieu maritime, le second capitaine principal est resté maître à la fois de l'équipe d'incendie du navire et des pompiers à terre.

2.1.3 Dispositif de détection et d'alarme d'incendie

2.1.3.1 Dispositifs d'alarme manuels

Lorsque la personne de quart au pont-garage n'a pas immédiatement entendu une alarme après avoir actionné le premier dispositif d'alarme manuel, elle a supposé que le système était défectueux. Elle a donc actionné une deuxième alarme, sur un autre pont. Les gestes posés par la personne de quart au pont-garage dans le présent événement découlent de deux facteurs : l'ignorance de la façon dont le système fonctionne et la conception du mécanisme.

La tenue d'exercices réguliers d'incendie vise à entretenir les connaissances et les aptitudes pertinentes à l'équipement du navire et à son utilisation, y compris la connaissance des suites à attendre lorsqu'une alarme incendie est déclenchée. Cependant, comme les exercices effectués à bord ne comprenaient pas l'activation d'une alarme manuelle et la constatation des conséquences, les connaissances à ce sujet n'ont pas été renforcées. Ce manque de compréhension était répandu et témoigne d'une lacune dans la formation des membres d'équipage et les exercices à bord du navire.

Quel que soit le niveau de connaissance des membres d'équipage au sujet du fonctionnement d'un système d'alarme, il est essentiel que celui-ci soit conçu pour donner aux utilisateurs des indications claires et immédiates. Les systèmes d'alarme qui ne sont pas sous surveillance centralisée donnent une indication immédiate à l'utilisateur qui l'actionne : une alarme sonore ou visuelle se déclenche. Certains postes avertisseurs de systèmes au contrôle centralisé renseignent l'utilisateur en allumant un témoin lumineux lorsque le circuit d'alarme est activé. Dans le cas du dispositif d'alarme manuel à bord du Joseph and Clara Smallwood, aucun signal précis n'était donné pour indiquer s'il avait fonctionné convenablement. Dans l'événement à l'étude, lorsqu'on a communiqué avec la passerelle, on a pu obtenir des indications.

L'absence d'indications au dispositif d'alarme manuel ainsi que le manque de compréhension de la personne de quart au pont-garage au sujet du système de détection d'incendie auraient pu engendrer une confusion et une réaction inadéquate ou un délai dans la prise de mesures adéquates, ce qui aurait compromis la sécurité des passagers et des membres d'équipage.

2.1.3.2 Alarmes automatiques à avertisseur acoustique local

Lorsque survient une situation d'urgence à bord d'un navire, il importe de prévenir adéquatement les passagers et les membres d'équipage de façon à leur donner le plus de temps possible pour prendre les mesures qui s'imposent. Ceci est particulièrement pertinent dans le cas d'incendies car ceux-ci risquent de créer rapidement des environnements dangereux pour les êtres humains (fumée, chaleur, gaz, etc.). Sur le Joseph and Clara Smallwood, le principal moyen d'avertir les passagers et les membres d'équipage d'une urgence est le système d'alarme. Celui-ci est typique des systèmes qui se trouvent sur d'autres navires à passagers en ce sens où l'alarme est déclenchée par la passerelle après validation d'un signal de pré-alarme et évaluation des risques. L'avantage est surtout évident dans les grands espaces publics : on peut retarder l'alerte aux passagers jusqu'à ce que les membres d'équipage aient pu évaluer les risques et se déployer comme voulu, réduisant ainsi le désordre parmi les passagers.

Un petit nombre de passagers ou de membres d'équipage pouvait se trouver dans les espaces des véhicules du Joseph and Clara Smallwood à tout moment durant le voyage. Dans le présent événement, l'alarme a été déclenchée dans les aires de travail de l'équipage une dizaine de minutes après la détection initiale du feu, et elle n'a pas été déclenchée à l'endroit de son origine : le pont-garage 1. Un des occupants du pont-garage a eu besoin d'aide de l'équipe d'incendie pour évacuer l'espace, en raison des conditions qui se détérioraient. Deux autres occupants sont demeurés prisonniers de leur véhicule jusqu'à ce que le navire arrive à quai et que la porte arrière du pont 1 soit ouverte. Le fait d'avertir rapidement les occupants des véhicules leur aurait permis d'évacuer les lieux en toute sécurité.

Des enquêtes du National Transportation Safety Board (NTSB)Note de bas de page 27 se sont penchées sur la question de l'avertissement donné aux passagers et à l'équipage en cas d'incendie à bord d'un navire. Il a par conséquent été recommandé que l'industrie des paquebots de croisière prévoie des détecteurs de fumée déclenchant automatiquement une alarme locale dans les emménagements de l'équipage et des passagers, de sorte que les personnes soient immédiatement averties de la présence de fumée et disposent du plus de temps possible pour évacuer les lieux en cas de feuNote de bas de page 28. L'International Council of Cruise Lines (ICCL) a reconnu que la pose de détecteurs de fumée déclenchant une alarme locale dans les cabines des passagers et des membres d'équipage, comme complément au dispositif d'alarme centralisé du navire, augmente le niveau de sécurité en cas d'incendie. C'est pourquoi les membres de l'ICCL ont convenu de poser de telles alarmes dans tous les nouveaux navires et les navires existantsNote de bas de page 29.

Les systèmes d'alarme incendie actuellement utilisés sur les grands navires à passagers offrent les avantages associés au fait de différer l'avertissement des passagers dans les grands espaces publics, mais excluent les avantages d'un avertissement local immédiat dans les espaces restreints ou isolés, comme les compartiments-couchettes ou les ponts-garages. Dès lors, ils n'assurent pas l'équilibre voulu entre les deux pour que les passagers et les membres d'équipage soient alertés aussi rapidement que l'exige une intervention d'urgence.

2.1.4 Mesures d'urgence sur la passerelle

Durant l'événement, le personnel de la passerelle n'a pas veillé à ce que plusieurs responsabilités essentielles prévues dans le manuel des mesures d'urgence du navire soient exécutées. Cette inaction a pu exposer les passagers et l'équipage à des risques injustifiés :

2.1.5 Procédures d'urgence

L'établissement de procédures est un élément essentiel d'un système efficace de gestion de la sécurité. Le fait de prévoir des consignes écrites en cas d'urgence peut servir à guider les membres d'équipage face aux mesures essentielles requises dans une situation où leur temps et leur attention risquent d'être accaparés par divers éléments et que le niveau de stress est élevé. Vu l'importance des procédures dans une intervention d'urgence, il est essentiel qu'elles soient rédigées d'une façon qui soit comprise clairement et en tenant compte des dispositifs existant à bord du navire. En outre, si on veut que les membres d'équipage observent les indications données, celles-ci doivent aussi être rigoureuses.

Des lacunes ont été constatées dans les procédures d'urgence écrites, qui pourraient entraver ou gêner une intervention efficace :

2.1.6 Marchandises dangereuses

Bien que le manifeste indiquait la présence de six chargements de marchandises dangereuses, le plan de chargement des ponts n'indiquait la position que de cinq remorques. La position de la remorque contenant de l'engrais au nitrate d'ammonium n'était pas consignée et donc n'était pas immédiatement connue des équipes d'incendie.

Lorsque des marchandises dangereuses sont transportées, il est essentiel que toute l'information pertinente sur leur emplacement, leur nature et leurs propriétés soit immédiatement accessible, pour la sécurité des personnes, qu'il s'agisse des passagers, des membres d'équipage ou de personnes à terre. Cette information aide aussi les intervenants d'urgence à évaluer les risques et à prendre des mesures sûres et efficaces. Ce principe est inscrit dans la réglementation régissant le transport de ces marchandises par n'importe quel mode de transportNote de bas de page 31. En outre, dans le cas d'un navire, le capitaine est tenu d'avoir à portée de la main sur la passerelle ou à proximité l'information sur la position des marchandises dangereuses à bordNote de bas de page 32.

Dans l'événement à l'étude, toute l'information n'était pas aisément accessible aux intervenants à bord ou à terre de façon à leur permettre d'évaluer le danger et de s'assurer de prendre les mesures voulues, ce qui les a exposés à un risque injustifié.

2.2 Communications

Des communications efficaces et rapides sont essentielles pour assurer la coordination et l'efficacité des mesures d'urgence, ce qui est déterminant pour le succès d'une mission.

Les difficultés suivantes ont été constatées dans les communications à bord durant l'urgence :

Dans l'événement à l'étude, l'efficacité des communications a été réduite en raison de l'absence d'équipement de communication ou d'équipement de communication inapproprié et des moyens inefficaces qui ont servi à communiquer des instructions aux passagers. La capacité des membres d'équipage à coordonner une intervention efficace s'en est aussi trouvée réduite, ce qui a exposé les passagers et l'équipage à des risques injustifiés.

La nécessité de disposer de moyens adaptés et efficaces de communication bidirectionnelle durant une urgence a été reconnue par l'OMINote de bas de page 34 et Transports Canada, mais Transports Canada n'en exige que sur les navires canadiens qui effectuent des voyages visés par la Convention. Même si les risques associés à des communications inefficaces sont essentiellement les mêmes sur des navires à passagers assujettis ou non à la Convention, cette prescription n'est pas prévue pour les navires à passagers canadiens qui effectuent des voyages non visés par la Convention.

2.3 Sécurité des passagersNote de bas de page 35

2.3.1 Exécution des fonctions d'urgence et formation

Un examen des fonctions d'urgence assignées aux membres du service passagers a révélé que celles-ci relevaient en grande partie de l'encadrement des passagers. Par conséquent, pour exécuter ces fonctions efficacement, les membres du service passagers devraient disposer de connaissances et d'aptitudes dans ce domaine ainsi que d'une compréhension élémentaire de la gestion des situations de crise et du comportement humain en situation d'urgence.

Dans l'événement à l'étude, les membres du service passagers :

L'analyse du rendement des membres du service passagers indique qu'ils ne possédaient pas les connaissances ou les aptitudes requises pour exécuter adéquatement leurs fonctions d'urgence. Bien que les membres d'équipage aient été formés conformément aux exigences réglementaires, une formation supplémentaire en encadrement des passagers, en gestion des situations de crise et sur le comportement humain les aurait mieux préparés à traiter avec les passagers durant l'événement. Dans l'événement à l'étude, les membres d'équipage n'avaient pas reçu une telle formation, que ce soit à titre officiel ou sous forme d'entraînement ou d'exercices à bord.

En raison de préoccupations relatives au manque de connaissances et d'aptitudes permettant de gérer efficacement les passagers durant une urgence, le Bureau a produit deux avis de sécurité maritime, 18/92 et 24/92Note de bas de page 36, et a aussi recommandé que « le ministère des Transports exige que les officiers et les membres de l'équipage de tous les traversiers et navires à passagers inspectés par le gouvernement fédéral reçoivent une formation en bonne et due forme concernant les techniques de maîtrise des foules et les procédures d'urgence connexes » (M93-07)Note de bas de page 37.

Transports Canada a réagi en précisant que les candidats à toutes les catégories de brevet de capitaine, de lieutenant ou de mécanicien doivent entreprendre une formation en FUM, et que la formation prévue pour les capitaines et les officiers de pont aborde le contrôle des passagers. Transports Canada estime que ces dispositions, ainsi que la responsabilité du capitaine d'organiser et de former les membres d'équipage, devraient permettre une évacuation en toute sécurité.

En 1998, Transports Canada a modifié son programme de formation en FUM (TP 4957), rehaussant la sensibilisation aux impératifs de l'encadrement des passagers et des procédures d'urgence pertinentes en intégrant des dispositions de la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, telle que modifiée en 1995 (Convention STCW), à la formation aux niveaux FUM A2 et C pour les officiers.

Une évaluation des programmes de cours actuels de Transports Canada pour la formation des officiers et des membres d'équipage en ce qui concerne l'encadrement des passagers, la gestion des situations de crise et le comportement humainNote de bas de page 38 est résumée dans le tableau ci-dessous.

Navires rouliers à passagers qui effectuent des voyages visés par la Convention Navires à passagers qui effectuent des voyages non visés par la Convention
Voyages courtsNote de bas de page 39 Autres voyages
Officiers:

(capitaine, second, chef mécanicien et second mécanicien)
Encadrement des passagers Programme de formation provenant de la Convention STCW Programme semblable à celui de la Convention STCW; temps prévu :
2 heures
Programme comprenant un grand nombre des éléments de la Convention SCTW, mais pas tous; temps prévu :
1 heure
Gestion des situations de crise et comportement humain Programme de formation provenant de la Convention STCW Programme comprenant quelques éléments de la Convention STCW pour la gestion des situations de crise et le comportement humain dans le cadre de la formation en encadrement des passagers Programme comprenant un grand nombre des éléments de la Convention SCTW; temps prévu :
7 heures

Programme ne comprenant aucun élément de la Convention STCW touchant le comportement humain
Autres membres d'équipage :

(personnel chargé d'aider les passagers ou d'assurer leur sécurité en cas d'urgence)
Encadrement des passagers Programme de formation provenant de la Convention STCW Aucune exigence Aucune exigence
Gestion des situations de crise et comportement humain Aucune exigence Aucune exigence Aucune exigence

En somme, l'évaluation indique ce qui suit :

Transports Canada reconnaît la nécessité d'une formation en encadrement des passagers, en gestion des situations de crise et sur le comportement humain pour les officiers et membres d'équipage de navires rouliers effectuant des voyages visés par la Convention. Cependant, les risques encourus par les passagers en cas d'urgence à bord d'un navire sont les mêmes peu importe que le navire soit un traversier roulier ou un autre type de bâtiment et peu importe que le voyage soit visé ou non par la Convention. Le fait de prévoir une formation qui soit adaptée aux responsabilités des personnes envers la sécurité des passagers et qui soit uniforme pour les officiers et les membres d'équipage de tous les navires transportant des passagers aiderait à atténuer les risques encourus par ces passagers, ce qui améliorerait la sécurité.

2.3.2 Identification des membres d'équipage en situation d'urgence

Dans une situation d'urgence, les passagers doivent pouvoir distinguer les membres d'équipage, qui peuvent les guider et les aider, des autres passagersNote de bas de page 40. À défaut, les risques suivants peuvent se présenter :

Dans l'événement à l'étude, les membres d'équipage portant l'uniforme étaient aisément reconnaissables par les passagers. Même s'ils ne portaient pas l'uniforme, les membres d'équipage qui sont intervenus en portant un gilet de sauvetage étaient aussi reconnaissables aisément, mais seulement temporairement. Dès qu'ils ont mis de côté leur gilet de sauvetage qui servait à les identifier, aucun signe distinctif ne permettait de les reconnaître.

Ainsi, une importante partie des membres d'équipage n'étaient pas aisément reconnaissables. En outre, bien que, durant le présent événement, les membres d'équipage en uniforme aient été aisément reconnaissables, il est improbable qu'ils l'auraient été si la visibilité avait été réduite par des facteurs tels que fumée dense, obsécuritéé ou forte densité de la foule, puisque leur uniforme n'aurait guère été visible.

Pour faciliter la reconnaissance des membres d'équipage dans des conditions défavorables, certains armateurs-gérantsNote de bas de page 41 fournissent des vêtements spécialisés (casquettes ou vestes) faits de tissu luminescent ou marqués au moyen de bandes luminescentes pour les identifier dans une situation d'urgence. Ils ont aussi adopté des politiques au sujet du port de tels vêtements en situation d'urgence. D'autres industries utilisent du tissu ou du ruban luminescent avec succès à des fins semblables, de même que des membres du public comme les cyclistes ou les adeptes du jogging.

Même si Marine Atlantique fournit des vêtements réfléchissants, l'entreprise ne prévoit pas pour les membres du service passagers, qui sont responsables de la sécurité immédiate des passagers en cas d'urgence, un protocole garantissant qu'ils soient aisément reconnaissables dans toutes les conditions, y compris par visibilité réduite. Lorsque les passagers ne peuvent pas reconnaître aisément les membres d'équipage, ils peuvent réagir de façon inopportune et s'exposer eux-mêmes ainsi que d'autres personnes à des risques.

2.3.3 Information sur les passagers et les membres d'équipage

Dans une situation d'urgence, de nombreux éléments interpellent l'attention simultanément, et la rapidité d'action est essentielle à une issue heureuse. Une liste complète et aisément accessible des passagers et des membres d'équipage permet de déterminer l'identité de toute personne manquante. L'information peut indiquer où débuter les recherches et ainsi permettre d'utiliser efficacement le temps des membres d'équipage.

La nécessité d'une procédure systématique permettant de rendre compte nommément des passagers et des membres d'équipage est reconnue par le NTSBNote de bas de page 42. Elle est soulignée dans les cours sur l'état de préparation aux urgences à bord des navires à passagers mis au point conjointement par la Garde côtière des États-Unis et l'industrie maritime. Les avantages d'un tel système étaient évidents dans un événement mettant en cause le navire à passagers Nieuw Amsterdam, lorsqu'un incendie s'est déclaré dans la cabine d'un membre d'équipageNote de bas de page 43. Un appel nominal a permis d'identifier rapidement deux passagers manquants, de sorte que l'équipage a pu concentrer ses recherches près de leur cabine. Les passagers ont été trouvés en peu de temps, alors qu'ils se dirigeaient vers le poste de rassemblement.

L'importance de la consignation des noms des passagers est soulignée par l'OMI. Les navires assujettis à la Convention sont tenus d'inscrire, entre autres renseignements, le nom et le sexe de toutes les personnes à bord en faisant la distinction entre adultes, enfants et bébés. Cette information est conservée à terre, aisément accessible au besoin aux services de recherche et sauvetageNote de bas de page 44.

Les lignes directrices de Transports Canada au sujet de la consignation des renseignements sur les passagers n'évoquent pas l'enregistrement des noms. Bien que l'OMI reconnaisse les avantages à disposer de renseignements sur les passagers dans l'optique des opérations de recherche et sauvetage, on ne reconnaît pas l'intérêt à disposer d'une telle information à bord lors de situations d'urgence. Le fait que les renseignements sur les passagers et sur les membres d'équipage soient aisément accessibles à bord en cas d'urgence procure à l'équipage la précieuse possibilité de recourir à un appel nominal pour rendre compte des personnes, ce qui améliore la sécurité.

2.3.4 Passagers demeurant dans leur véhicule durant le transit

Il arrive fréquemment à bord des traversiers que des passagers demeurent dans leur véhicule durant le transit, surtout dans le cas de conducteurs de camions commerciaux. Cette pratique non seulement compromet la sécurité de ces passagers, mais en outre entrave les opérations en cas d'urgence et peut entraîner des risques pour les intervenants d'urgence.

Les données du BST indiquent que, sur une période de 28 ans, 43 événements sont survenus sur des ponts-garages ou à proximité d'eux. Parmi ces événements figurent des incendies ou explosions, des marchandises qui se déplacent ou tombent ainsi que des fuites de marchandises dangereuses. Les environnements créés par ces genres d'urgence sont dangereux pour toute personne à proximité, mais plus spécialement pour les passagers qui n'ont pas nécessairement les connaissances, les aptitudes, l'expérience ou l'équipement qui leur permettraient de se protéger convenablement.

Les facteurs suivants, entre autres, peuvent influer sur la décision des conducteurs de camion ou des passagers de véhicules de demeurer dans leur véhicule durant un transit :

Malgré les mesures prises par les armateurs-gérants de traversiers, des passagers, surtout des conducteurs de camions commerciaux, continuent de demeurer dans leur véhicule durant le transit, ce qui compromet leur sécurité personnelle.

2.3.5 Évacuation des passagers

Dans une situation d'urgence, des décisions sont souvent prises dans un environnement caractérisé par des tensions, la nécessité d'accomplir de nombreuses tâches et la menace d'importantes conséquences en cas d'erreur. Reconnaissant les risques associés à la prise de décisions en situation d'urgence, les plans de mesures d'urgence - par exemple, pour l'évacuation du navire - font partie des préparatifs aux situations d'urgence exigés en vertu du Code ISM. L'élaboration de plans de mesures d'urgence crée le cadre nécessaire à l'évaluation des risques et la prise en compte des options permettant de les atténuer avant d'en arriver à une décision. Faute de plan de mesures d'urgence, des décisions difficiles sont prises selon la perception des risques et l'expérience antérieure du décideur.

Dans l'événement à l'étude, l'instruction donnée aux passagers de descendre du pont 3 à bord de leur véhicule avant que le feu soit éteint et alors qu'une quantité croissante de fumée pénétrait l'espace a exposé les passagers à un risque injustifié. Un risque excessif peut entraîner une panique et des gestes inopportuns. Le fait de permettre aux passagers de conduire leur véhicule dans de telles conditions de détresse réduit l'aptitude de l'équipage à assurer une évacuation ordonnée. Dans le présent événement, divers obstacles ont entravé le bon déroulement de l'évacuation.

Le manuel des mesures d'urgence du navire n'offrait aucune indication quant à l'évacuation des passagers dans les circonstances du présent événement. Cependant, dans toute urgence, la sécurité des passagers importe par-dessus tout. Dans le présent événement, les passagers ont été inutilement exposés à un environnement potentiellement dangereux en quittant le pont 3 à bord de leur véhicule plutôt que d'évacuer le navire en empruntant la passerelle.

Les circonstances du présent événement et d'un autre événement semblableNote de bas de page 45 mettent en lumière le principe que, dans une situation d'urgence, la première priorité des plans de mesures d'urgence doit consister à réduire au minimum le risque auquel les passagers sont exposés.

3.0 Fait établis

3.1 Fait établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le feu a débuté dans un camion à semi-remorque stationné sur le pont-garage 1 ou à proximité de celui-ci; la cause n'en a pas été déterminée.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Alors qu'un grand nombre des mesures d'urgence prévues en cas d'incendie ont été exécutées conformément au manuel des mesures d'urgence du navire, certaines mesures qui peuvent être essentielles n'ont pas été suivies : l'alarme n'a pas été déclenchée dans les aires des passagers, les portes coupe-feu n'ont pas été fermées au moyen des commandes centralisées, les passagers et les membres d'équipage n'ont pas été dénombrés et les passagers n'ont pas été informés de la situation ou de son évolution.
  2. Les communications par radio très haute fréquence (VHF) entre la passerelle et l'équipe d'incendie étaient intermittentes durant la lutte contre l'incendie.
  3. La lutte contre l'incendie a été entravée en raison du manque d'espace sur le pont-garage chargé et des manches à incendie difficiles à manier.
  4. Les passagers ont été inutilement exposés à un environnement potentiellement dangereux en quittant le pont 3 à bord de leur véhicule plutôt que d'évacuer le navire par la passerelle.
  5. Les membres d'équipage des navires non assujettis à la Convention ne sont pas tenus d'obtenir une formation en encadrement des passagers, en gestion des situations de crise ou sur le comportement humain; les membres du service passagers ne savaient pas que des mégaphones étaient disponibles à bord du navire.
  6. Tous les membres du service passagers n'étaient pas aisément reconnaissables par les passagers durant l'événement.
  7. Les membres du service passagers chargés d'évacuer les cabines des membres d'équipage n'ont pas reçu une clé passe-partout leur permettant d'accéder à toute cabine verrouillée.
  8. Aucun mécanisme n'était prévu pour permettre les communications directes et immédiates entre les membres du service passagers.
  9. Outre un téléphone à chaque extrémité du pont-garage, aucun mécanisme n'était prévu pour permettre les communications directes entre les personnes de quart au pont-garage et la passerelle.
  10. De nombreux membres de l'équipage du navire ne comprenaient guère le fonctionnement du système de détection des incendies.
  11. Les navires à passagers assujettis ou non à la Convention ne sont pas tenus de consigner et de conserver les noms des passagers à bord, à l'exception des personnes handicapées.
  12. Les navires à passagers non assujettis à la Convention ne sont pas tenus de disposer d'un éclairage en position basse qui aiderait les passagers et membres d'équipage à trouver les parcours d'évacuation et les sorties.
  13. L'emplacement d'une cargaison de marchandises dangereuses qui se trouvait à bord n'était pas indiqué sur le plan de chargement du navire. Ainsi, une information complète n'était pas aisément accessible aux intervenants à bord et à terre pour leur permettre de mieux évaluer le niveau de danger et veiller à prévoir les mesures opportunes.
  14. Les passagers, notamment les conducteurs de camions commerciaux, continuent de demeurer dans leur véhicule durant le transit, malgré les risques.

3.3 Autre fait établi

  1. Dans des conditions difficiles, la lutte contre l'incendie a été menée efficacement. La bonne utilisation du système de rideau d'eau a contenu l'incendie et l'aide apportée par les pompiers à terre a été supervisée efficacement par l'effectif du bord.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Détection d'incendie et communications internes

En août 2003, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a adressé à Marine Atlantique la lettre d'information sur la sécurité maritime 08/03, en transmettant copie à Transports Canada, l'informant des observations du BST au sujet du dispositif de détection d'incendie et des moyens de communication interne à bord du Joseph and Clara Smallwood.

Transports Canada a indiqué qu'il considérait qu'il s'agissait là d'une question de formation appropriée plutôt que d'efficacité de l'équipement. Après avoir reçu la lettre d'information sur la sécurité maritime 08/03, Transports Canada a diffusé le Bulletin de la sécurité des navires (BSN) 02/2004, Système d'alarme et des communications internes du navire. Ce BSN indique notamment ceci :

Transports Canada a en outre indiqué que, selon les exigences prévues par la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS) de 1974 et son protocole de 1988, chapitre II-2, règlement 7.8.3, l'équipe d'incendie doit bénéficier de communications bidirectionnelles. Dans le cadre de la réforme réglementaire de Transports Canada, cette exigence sera prévue dans le projet de Règlement sur le matériel de détection et d'extinction d'incendie.

En juin 2005, en plus des inspections annuelles effectuées conformément aux dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada et des inspections au titre de la santé et de la sécurité au travail menées en vertu des exigences de la partie II du Code canadien du travail, la région de l'Atlantique de Transports Canada a effectué des vérifications spéciales à l'égard de l'état de préparation opérationnelle à bord de navires de Marine Atlantique : l'Atlantic Freighter, le Caribou, le Leif Ericson et le Joseph and Clara Smallwood.

Les vérifications ont produit des résultats satisfaisants en ce qui concerne les membres d'équipage affectés à des fonctions liées à la sécurité des passagers. Les vérifications spéciales de l'état de préparation opérationnelle visaient surtout l'aptitude de l'équipage à réagir à des situations d'urgence, notamment en ce qui concerne l'encadrement des passagers et la sécurité des passagers.

En réponse à la lettre d'information sur la sécurité maritime 08/03, Marine Atlantique a indiqué que, pour chaque navire, une description (accompagnée de photos) du dispositif de détection d'incendie a été prévue dans le manuel de formation; en outre, une description du dispositif a été rédigée en termes simples, discutée avec le personnel et affichée en divers endroits à bord du navire. Pour améliorer les communications par radio portative, des systèmes d'amplification des signaux radio ont été mis à l'essai et installés sur les trois traversiers pour passagers, et les personnes de quart ont été munies de radios mobiles très haute fréquence (VHF). Les portes derrière lesquelles les téléphones internes du navire sont situés ont été marquées de façon visible.

Pour améliorer encore les communications internes, Marine Atlantique a prévu des mégaphones supplémentaires à bord du navire; ils sont situés de façon stratégique dans les locaux du service passagers. De plus, de nouvelles radios sont en train d'être acquises pour améliorer les communications au sein du service passagers.

4.1.2 Positionnement de l'éclairage de secours

En décembre 2003, le BST a adressé à Transports Canada la lettre d'information sur la sécurité maritime 12/03, en transmettant copie à Marine Atlantique et à l'Association canadienne des opérateurs de traversiers, l'informant des observations du BST au sujet du positionnement de l'éclairage de secours.

Transports Canada a réagi en indiquant que, dans le cadre de sa réforme réglementaire, un groupe de travail sur la réforme de la réglementation sur la protection contre les incendies examine toutes les exigences réglementaires touchant la sécurité incendie ainsi que d'autres normes internationales. Des exigences visant l'éclairage en position basse, l'éclairage de secours et d'autres paramètres de l'éclairage seront examinées. Transports Canada prévoit qu'un nouveau Règlement sur la sécurité incendie entrera en vigueur d'ici novembre 2006.

Marine Atlantique a indiqué que des enseignes luminescentes avaient été posées aux sorties à 0,3 m du sol.

4.1.3 Passagers demeurant dans leur véhicule

En décembre 2003, le BST a adressé à Transports Canada l'avis de sécurité maritime 08/03, en transmettant copie à Marine Atlantique et à l'Association canadienne des opérateurs de traversiers, l'informant des observations du BST au sujet des passagers demeurant à bord de leur véhicule durant le transit.

Transports Canada a indiqué que les nouvelles Règles sur les heures de service pourraient inciter les conducteurs commerciaux à observer les règles de Marine Atlantique interdisant qu'ils demeurent dans leur véhicule. Pour que la durée du transit leur soit créditée en regard du temps de repos obligatoire (8 heures de repos consécutives toutes les 24 heures), les conducteurs commerciaux devront produire des reçus tant pour le transit que pour la cabine à bord du traversier. La date prévue d'entrée en vigueur de ces règles proposées était le 1er septembre 2004, mais les discussions se poursuivent à ce sujet avec l'industrie; on prévoit maintenant que les nouvelles règles entreront en vigueur d'ici la fin de 2006.

À la suite d'un examen interne, une modification au projet du nouveau Règlement sur les cargaisons a été discutée durant la réunion nationale de novembre 2004 du Conseil consultatif maritime canadien. Une disposition devrait interdire aux passagers, dans des lieux restreints de stationnement des véhicules, de demeurer dans leur véhicule durant le transit. La rédaction se poursuit et le projet de texte comprend maintenant un article abordant cette question, en s'appuyant sur les exigences du Code maritime international des marchandises dangereuses, dans les termes suivants :

Marine Atlantique a indiqué que ses consignes en matière de rondes sur les ponts-garages seront révisées et renfermeront des instructions plus claires pour le personnel des terminaux et les membres d'équipage. Une copie des procédures révisées sera fournie à l'industrie du camionnage par l'entremise de l'Atlantic Provinces Trucking Association.

4.1.4 Sécurité des passagers - Suffisance de la formation des membres d'équipage

En janvier 2004, le BST a adressé à Transports Canada l'avis de sécurité maritime 01/04, en transmettant copie à Marine Atlantique et à l'Association canadienne des opérateurs de traversiers, l'informant des observations du BST au sujet de la suffisance de la formation des membres d'équipage chargés de fonctions liées à la sécurité des passagers.

Transports Canada a réagi en indiquant qu'il diffusera un BSN portant sur la formation des membres d'équipage chargés de fonctions liées à la sécurité des passagers et à l'encadrement des passagers à bord de navires à passagers. Transports Canada a aussi indiqué qu'il avait adopté à ce sujet les règlements V/2 et V/3 de la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, telle que modifiée en 1995 (Convention STCW) pour les navires à passagers canadiens en service intérieur. Il les appliquera comme suit :

Il est proposé qu'une fois ces cours réussis, des mentions aux certificats soient délivrées en vertu de la Convention STCW.

Marine Atlantique a indiqué qu'un programme de formation à l'encadrement des passagers a été mis au point et que la formation est en voie d'être offerte au personnel voulu. L'entreprise a aussi élaboré, de concert avec le Marine Institute à Terre-Neuve, une trousse de formation sur son système d'évacuation maritime. Un des éléments de cette formation vise l'encadrement des passagers.

4.1.5 Manches à incendie des ponts-garages

Marine Atlantique a demandé à Transports Canada l'autorisation de remplacer les manches à incendie de ses navires à passagers par des manches de 1,5 pouce. L'autorisation a été accordée et la conversion est en cours.

4.2 Préoccupations liées à la sécurité

4.2.1 Alarmes automatiques à avertisseur acoustique local

À bord du Joseph and Clara Smallwood, le principal moyen de prévenir les passagers et les membres d'équipage d'urgences incendie est le système d'alarme. Ce système, qui est typique de ceux trouvés sur d'autres navires à passagers, est déclenché par la passerelle à la suite d'un signal de pré-alarme et d'une évaluation des risques. Ce type de système permet de retarder le moment où l'on prévient les passagers jusqu'à ce que l'équipage ait eu la possibilité d'évaluer les risques et de se déployer adéquatement.

En cas d'incendie, un avertissement rapide rehausse la sensibilisation et permet aux passagers comme aux membres d'équipage de prendre les mesures qui s'imposent pour évacuer un lieu où un incendie prend rapidement de l'ampleur. À défaut, les passagers et les membres d'équipage peuvent être piégés par le feu et subir de graves blessures. Les systèmes actuellement utilisés à bord des navires à passagers ne garantissent pas les avantages d'un avertissement local immédiat dans les petits espaces ou les espaces isolés tels que les compartiments-couchettes ou les ponts-garages. Dès lors, ils ne permettent pas aux passagers et aux membres d'équipage occupant ces lieux de prendre immédiatement des mesures pour se protéger.

Dans le présent événement, les passagers se trouvant sur les ponts-garages, bien qu'ils n'étaient pas autorisés à y être, n'ont pas été avertis du feu; certains ont été incapables de quitter les lieux, tandis que d'autres ont pu obtenir de l'aide de l'équipage. Le système actuel d'alarme incendie n'a pas donné d'avertissement local immédiat.

Des enquêtes menées par le National Transportation Safety Board ont examiné la question de l'avertissement donné aux passagers et aux membres d'équipage en cas d'incendie à bord d'un navire. Par conséquent, des recommandations ont été formulées voulant que l'industrie des paquebots de croisière aménage des détecteurs de fumée donnant automatiquement un avertissement local dans les emménagements des membres d'équipage et des passagers, de sorte que les personnes soient immédiatement averties de la présence de fumée et disposent du délai le plus long possible pour s'échapper en cas d'incendie. L'International Council of Cruise Lines (ICCL) reconnaît que la pose de détecteurs de fumée déclenchant un avertissement local dans les cabines des passagers et des membres d'équipage, comme complément au système d'alarme centralisé du navire, augmente le niveau de sécurité en cas d'incendie. Les membres de l'ICCL ont convenu de poser de telles alarmes dans tous les nouveaux navires et les navires existants.

Les systèmes dont sont dotés actuellement de nombreux navires à passagers canadiens, quelles que soient leurs dimensions et la région où ils sont exploités, n'offrent pas les avantages d'un avertissement local immédiat.

Le Bureau est préoccupé par le fait que, sans alarme incendie locale automatique, le délai entre la détection d'un feu et l'avertissement donné au public et à l'équipage peut exposer les personnes se trouvant dans des endroits isolés ou sur les ponts-garages à des risques.

4.2.2 Identification inadéquate des membres d'équipage par les passagers

Dans le présent événement, les passagers reconnaissaient le personnel portant un uniforme. D'autres membres du personnel ne portant pas l'uniforme, mais un gilet de sauvetage ont aussi été reconnus. Toutefois, ils ont pu être identifiés que temporairement puisque, lorsqu'ils ont mis de côté leur gilet de sauvetage, aucun signe distinctif ne permettait de les identifier.

Lors d'une urgence, les passagers qui ne peuvent déterminer qui est membre d'équipage peuvent être moins disposés à accepter ou observer immédiatement les instructions données par quelqu'un qui n'est pas un membre d'équipage ou qui n'est pas perçu comme tel. En outre, la communication rapide d'information essentielle à la sécurité peut être entravée s'il est difficile de discerner qui est membre d'équipage. Si les passagers peuvent aisément reconnaître les membres d'équipage, ils peuvent réagir plus efficacement et ainsi atténuer les risques auxquels eux-mêmes et d'autres personnes sont exposés.

Pour faciliter la reconnaissance des membres d'équipage dans des conditions défavorables, certains armateurs-gérants fournissent des vêtements spécialisés (casquettes ou vestes) faits de tissu luminescent ou marqués au moyen de bandes luminescentes pour les identifier. Ils ont aussi adopté des politiques quant à l'utilisation de tels vêtements lors d'une urgence. D'autres industries utilisent du tissu ou du ruban luminescent avec succès à des fins semblables, de même que des membres du public comme les cyclistes ou les adeptes du jogging.

Même si Marine Atlantique fournit des vêtements réfléchissants, l'entreprise ne prévoit pas pour les membres du service passagers, qui sont responsables de la sécurité immédiate des passagers en cas d'urgence, un protocole garantissant qu'ils soient aisément reconnaissables dans toutes les conditions, y compris par visibilité réduite.

Le BSN 02/1996 de Transports Canada incite toutes les parties responsables de l'exploitation de navires à passagers à appliquer s'il y a lieu la circulaire MSC 699 de l'Organisation maritime internationale (OMI), Revised Guidelines for Passenger Safety Instructions (directives révisées concernant les instructions de sécurité pour les passagers), du 17 juillet 1995. Bien que la circulaire de l'OMI vise les navires assujettis à la Convention, le BSN vise tous les navires à passagers. L'article 5 de la circulaire, qui concerne la nécessité d'une identification des membres d'équipage, énonce ceci :

Bien que les membres d'équipage puissent recevoir des vêtements spécifiques, y compris des articles réfléchissants, les consignes prévues en cas d'urgence ne prévoient pas nécessairement que ces vêtements soient portés.

Le Bureau est préoccupé par le fait que les membres d'équipage des navires à passagers canadiens ne soient pas identifiés grâce à des vêtements spécifiques et qu'en cas d'urgence, les passagers soient exposés à des risques inutiles.

4.2.3 Formation en gestion de la sécurité des passagers

Les fonctions d'urgence touchant la sécurité des passagers assignées aux membres d'équipage relèvent en grande partie du domaine de l'encadrement des passagers. Par conséquent, l'exécution efficace de ces tâches exige que les membres d'équipage disposent de connaissances et d'aptitudes en la matière ainsi que d'une compréhension de base de la gestion des situations de crise et du comportement humain en situation d'urgence.

Transports Canada indique que les règlements V/2 et V/3 de la Convention STCW seront adoptés pour les navires à passagers canadiens en service intérieur dans le futur Règlement sur le personnel maritime, à la partie 2, division 2, dont les articles 37 et 38 proposés se lisent comme suit :

37(1) Le capitaine, premier officier, chef mécanicien, officier mécanicien en second et tout employé à bord d'un navire roulier à passagers de plus de 500 tonneaux effectuant un voyage en dehors des eaux abritées doivent être titulaires d'un visa ou d'un certificat de formation spécialisée en gestion de la sécurité des passagers (navires rouliers), si les fonctions qui leur sont assignées comprennent l'une quelconque des responsabilités suivantes :

  1. charger, décharger ou arrimer les marchandises;
  2. fermer des ouvertures de la coque;
  3. assurer la sécurité des passagers dans les situations d'urgence. 37.1(1)

37(2) Les personnes, autres que celles mentionnées au paragraphe (1), employées à bord d'un navire roulier à passagers de plus de 500 tonneaux effectuant un voyage en dehors des eaux abritées doivent être titulaires d'un visa ou d'un certificat de formation en gestion de la sécurité des passagers, si les fonctions qui leur sont assignées comprennent l'une quelconque des responsabilités suivantes :

  1. aider les passagers dans les situations d'urgence;
  2. fournir un service aux passagers dans les espaces à passagers;
  3. embarquer ou débarquer des passagers. 37.1(2)

38 Tous les officiers et le personnel désigné sur le rôle d'appel à bord d'un navire à passagers de plus de 500 tonneaux, autre qu'un navire roulier à passagers, effectuant des voyages en dehors des eaux abritées doivent être titulaires d'un visa ou d'un certificat de formation en gestion de la sécurité des passagers, si les fonctions qui leur sont assignées comprennent l'une quelconque des responsabilités suivantes :

  1. aider les passagers dans les situations d'urgence;
  2. fournir un service aux passagers dans les espaces à passagers;
  3. embarquer ou débarquer des passagers.

Bien que Transports Canada ait adopté les règlements V/2 et V/3 de la Convention STCW, seuls des règlements proposés ont été rédigés jusqu'à présent. En outre, Transports Canada a indiqué qu'il diffusera un BSN portant sur la formation des membres d'équipage chargés de fonctions liées à la sécurité et à l'encadrement des passagers. À la lumière de la réglementation proposée, le risque demeure pour tous les navires non visés par son application, et les passagers à bord de navires ayant une jauge brute de 500 ou moins restent exposés à des risques du fait qu'ils ne bénéficient pas d'un équipage formé en gestion de la sécurité des passagers. Les passagers à bord de tous les navires à passagers canadiens ne bénéficient des services d'officiers et de membres d'équipage ayant une formation adéquate en gestion de la sécurité des passagers que s'il n'y a pas de limites quant à la jauge et aux voyages. Aucune mesure de sécurité n'a encore été prise relativement au fait que les membres d'équipage à bord de navires à passagers ayant une jauge brute de 500 ou moins, quels que soient les paramètres des voyages, ne seront pas tenus de recevoir une telle formation.

Le processus réglementaire est en cours et il exige de longs délais. Par ailleurs, un délai supplémentaire sera requis pour que tous les membres d'équipage participant à la gestion de la sécurité des passagers soient formés. Entre-temps, les passagers et les membres d'équipage à bord de navires à passager continueront d'être exposés à des risques. De plus, lorsque la réglementation entrera en vigueur, les personnes à bord de navires d'une jauge brute de 500 ou moins naviguant dans des eaux abritées seront toujours exposées à des risques. Le Bureau surveillera cette situation.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Croquis des lieux de l'événement

Annexe A. Croquis des lieux de l'événement
Croquis des lieux de l'événement

Annexe B - Profil du bateau

Annexe B. Profil du bateau
Profil du bateau

Annexe C - Dommage aux véhicules

Annexe C. Dommages causés par le feu à un tracteur
 Dommages causés par le feu à un tracteur
Annexe C. Dommages causés par le feu à une remorque
 Dommages causés par le feu à une remorque
Annexe C. Dommages causés par le feu à une remorque de déménageurs
 Dommages causés par le feu à une remorque de déménageurs
Annexe C. Dommages causés par le feu à une semi-remorque sans tracteur
Dommages causés par le feu à une semi-remorque sans tracteur
Annexe C. Dommages causés par la chaleur à un véhicule personnel
Dommages causés par la chaleur à un véhicule personnel

Annexe D - Sigles et abréviations

BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
Code ISM
Code international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution
Convention SOLAS
Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (OMI)
Convention STCW
Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, 1978, telle que modifiée en 1995 (OMI)
FUM
fonctions d'urgence en mer
ICCL
International Council of Cruise Lines
kPa
kilopascals
lb/po²
livres au pouce carré
m
mètres
mètres carrés
m3
mètres cubes
mm
millimètres
NTSB
National Transportation Safety Board (États-Unis)
OMI
Organisation maritime internationale
TP
publication de transports
SCTM
Services de communication et de trafic maritimes
VHF
très haute fréquence
°
degrés
°C
degrés Celsius
minutes