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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M18P0230

Engagement et chavirement
Remorqueur George H Ledcor
Bras nord du fleuve Fraser (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 13 août 2018, le remorqueur George H Ledcor halait le chaland Evco 55 chargé de gravier vers des installations de déchargement sur l'île Mitchell, dans le bras nord du fleuve Fraser (Colombie-Britannique), avec l'aide du remorqueur de renfort Westview Chinook, qui poussait. Vers 22 h 10, le George H Ledcor a été engagé et a chaviré après avoir été dépassé par le chaland. Les 4 membres d'équipage à bord, qui avaient pu grimper sur la coque retournée, ont été secourus par le remorqueur de service River Rebel, qui se trouvait à proximité, et par le remorqueur de renfort Westview Chinook. Un membre de l'équipage a subi une blessure grave à la main. Le remorqueur de renfort a ensuite tiré le remorqueur chaviré et le chaland jusqu'à un amarrage à proximité, où une barrière flottante a été déployée autour du remorqueur. Une quantité indéterminée de diesel a été rejetée par suite de l'événement.

1.0 Renseignements de base

1.1 Fiche technique des navires

Tableau 1. Fiche technique des navires
Nom du navire George H Ledcor Evco 55 Westview Chinook
Numéro matricule 320352 810461 396178
Port d'immatriculation New Westminster Vancouver Nanaimo
Pavillon Canadien Canadien Canadien
Jauge brute 81,41 2275,33 52,50
Longueur 19,29 m 78,03 m 13,47 m
Construction 1964 1988 1981
Propulsion 2 moteurs diesel (567 kW au total) entraînant 2 hélices à pas fixe Non propulsé 2 moteurs diesel (701 kW au total) entraînant 2 hélices à pas fixe
Cargaison Aucune 4621 tonnes de gravier Aucune
Équipage 4 Aucun 2
Propriétaire enregistré Ledcor Resources and Transportation Inc. Lehigh Hanson Materials Limited Pacific Towing Services Ltd.*

* Au moment de l'événement à l'étude, le Westview Chinook était loué à Ledcor Resources and Transportation Inc.

1.2 Description des navires

1.2.1 George H Ledcor

Le George H Ledcor (figure 1) était un remorqueur côtier traditionnel en acier utilisé principalement pour le remorquage fluvial et côtier. Le plan général du navire se trouve à l'annexe A. Le rouf, sur la partie avant du pont principal, était muni de portes étanches à bâbord et à tribord. Le pont principal avait 3 écoutilles étanches menant aux machines et à la cabine de l'équipage sous le pont. La cabine de l'équipage se trouvait à l'avant, dans le gaillard d'avant, et pouvait accueillir 4 membres d'équipage.

La timonerie était située au-dessus du rouf. On pouvait y accéder par un escalier montant du rouf à une porte située côté bâbord arrière de la timonerie. La timonerie avait des fenêtres à l'avant et de chaque côté, ainsi que 2 fenêtres à l'arrière. La timonerie contenait un poste de conduite comprenant des commandes pour les moteurs principaux et le gouvernail. Le navire était équipé de 2 autres postes de conduite : 1 sur le pont supérieur arrière et 1 sur le pont principal.

Le navire était équipé d'un système d'identification automatique transmettant son identité, son type, sa position, son cap, sa vitesse et ses conditions de navigation et permettant aux autres navires et aux services de trafic maritime de le suivre.

Un treuil de remorquage hydraulique était situé sur la partie arrière du pont principal. Chaque poste de conduite comportait un dispositif de largage de remorque avec un bouton sur lequel on pouvait appuyer pour desserrer le frein du treuil et relâcher immédiatement la tension du câble de remorque et un autre bouton permettant de réenclencher le frein du treuil. Le treuil était aussi muni d'un commutateur de desserrage de frein qui permettait de libérer le câble de remorque immédiatement ou de façon contrôlée. Le remorqueur avait des guides rétractables de câble de remorqueNote de bas de page 1 à la poupe.

Figure 1. Le George H Ledcor (Source : BST)
Le <em>George H Ledcor</em> (Source : BST)

1.2.2 Evco 55

L'Evco 55 (figure 2) est un chaland à plat-pont en acier, sans mode de propulsion, avec une capacité de chargement de 5800 tonnes. Le chaland avait un chargement balancé de 4621 tonnes de gravier et un tirant d'eau d'environ 4,7 m au moment de l'événement à l'étude.

Figure 2. L'Evco 55, vu de bâbord, aux installations de déchargement (Source : BST)
L'<em>Evco 55</em>, vu de bâbord, aux installations de déchargement (Source : BST)

1.2.3 Westview Chinook

Le Westview Chinook (figure 3) est un remorqueur en acier utilisé principalement pour le déhalage. La timonerie est située sur la partie avant du pont principal. Il y a 3 postes de conduite comprenant des commandes de gouverne et des machines : 1 à l'intérieur de la timonerie, 1 au-dessus de la timonerie et 1 à tribord du treuil, à l'arrière du pont principal. Au moment de l'événement à l'étude, ce remorqueur était utilisé pour pousser l'Evco 55.

Figure 3. Remorqueur de renfort Westview Chinook (Source : BST)
Remorqueur de renfort <em>Westview Chinook</em> (Source : BST)

1.3 Déroulement du voyage

Le 13 août 2018, juste après minuitNote de bas de page 2, une équipe de 4 personnes est arrivée aux installations de Ledcor Resources and Transportation Inc. (« Ledcor »), à Richmond (Colombie-Britannique), pour entreprendre son quart de travail. Le capitaine, l'officier de pont et 2 matelots de pont sont montés à bord du George H Ledcor et l'ont préparé à circuler entre le fleuve Fraser et Sechelt, en remorquant des chalands de gravier à destination et en provenance de divers endroits sur le fleuve Fraser.

L'officier de pont a rempli toutes les listes de vérification requises avant le départ et a vérifié et mis à l'essai les dispositifs de largage de remorque du remorqueur. L'équipage a ensuite tenu une réunion avant le départ. Vers 1 h, le George H Ledcor a quitté les installations de Richmond pour aller chercher l'Evco 55 à Surrey.

Vers 4 h, le George H Ledcor est arrivé à Surrey. L'officier de pont et l'un des matelots de pont ont préparé l'Evco 55 pour le remorquage. À 5 h 25, le remorqueur et le chaland étaient partis pour Sechelt. Le voyage de Surrey à Sechelt s'est déroulé sans incident; le remorqueur et le chaland ont accosté aux installations de chargement de Sechelt à 13 h 19. L'officier de pont et le matelot de pont ont surveillé le chargement de 4621 tonnes de gravier sur le chaland. Le chargement a été retardé et par conséquent le départ de Sechelt l'a été lui aussi. Le remorqueur et le chaland sont partis de Sechelt à 16 h 45.

À 18 h, alors que le George H Ledcor remorquait l'Evco 55 à environ 5 nœuds avec le papillon des gaz à environ 80 %, le capitaine a pris le quart et relevé l'officier de pont. Le capitaine a pris des dispositions afin qu'un remorqueur de renfortNote de bas de page 3, le Westview Chinook, vienne à la rencontre du George H Ledcor et commence à pousser l'Evco 55 de manière à ce qu'ils arrivent à l'île Mitchell à peu près à l'étale de marée hauteNote de bas de page 4. Le remorqueur de renfort a rejoint le remorqueur et le chaland et commencé à pousser vers 20 h 45. L'action de pousser le chaland a fait augmenter sa vitesse d'environ 1 nœud.

Juste avant d'entrer dans le bras nord du fleuve Fraser (figure 4) vers 21 h, le Westview Chinook a arrêté de pousser pour permettre à l'équipage du George H Ledcor de raccourcir le câble de remorque de manière à ce que la distance entre le remorqueur et le chaland soit d'environ 15 m. Une fois le câble de remorque raccourci, le remorqueur et le chaland sont entrés dans le fleuve, et le Westview Chinook a recommencé à pousser. À un certain moment avant de s'engager dans le fleuve, l'équipage avait fermé les portes et les écoutilles étanches du George H Ledcor, conformément aux pratiques de travail sécuritaires de Ledcor.

Figure 4. Zone de l'événement à l'étude, avec l'itinéraire du navire en rouge (Source de l'image principale : Cartes 3463 et 3491 du Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST. Source de l'image insérée : Google Earth, avec annotations du BST)
Zone de l'événement à l'étude, avec l'itinéraire du navire en rouge (Source de l'image principale : Cartes 3463 et 3491 du Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST. Source de l'image insérée : Google Earth, avec annotations du BST)

Il y a des méandres entre l'embouchure du fleuve et le dépôt de gravier sur l'île Mitchell. Le remorqueur et le chaland ont négocié le premier de ces méandres à 21 h 48, puis le deuxième quelques minutes plus tard. Le remorqueur et le chaland ont approché le troisième, qui était un peu plus important, à une vitesse de 6 nœuds. À 22 h 8, le capitaine amorcé un changement de cap de 31° à bâbord. En moins d'une minute, le capitaine du George H Ledcor a remarqué que le chaland ne répondait pas à ce changement de cap. Il a alors appelé le capitaine du Westview Chinook par radiotéléphone très haute fréquence pour lui demander d'arrêter de pousser le chaland, ce qui a été fait. Le capitaine du George H Ledcor a alors poussé la barre encore plus à bâbord, mais le chaland a continué en ligne droite.

L'Evco 55 a commencé à rattraper le George H Ledcor, tirant le câble de remorque qui reliait les deux navires sur le côté tribord du remorqueur. Le remorqueur a alors commencé à gîter à tribord et s'est trouvé engagéNote de bas de page 5. Le capitaine a tenté de ramener le remorqueur devant le chaland en mettant plein gaz et en poussant la barre complètement à tribord. Cela l'a fait gîter encore plus à tribord.

Le Westview Chinook a alors tenté de communiquer avec le George H Ledcor, mais n'a pas reçu de réponse. Le Westview Chinook s'est ensuite dirigé vers le George H Ledcor afin d'évaluer la situation.

Comme le George H Ledcor gîtait de plus en plus à tribord, son pavois a été submergé et le remorqueur a commencé à chavirer. Le capitaine a tenté d'activer le dispositif de largage de remorque dans la timonerie, mais la gîte l'a empêché d'atteindre le bouton de largage, qui se trouvait à bâbord du poste de conduite. Il a alors crié au matelot de pont de larguer la remorque. Le matelot de pont est sorti de la timonerie pour se rendre au poste de conduite arrière, juste derrière la timonerie, pour larguer la remorque. Une fois rendu, le matelot de pont a enfoncé un bouton du poste de conduite, mais le câble de remorque ne s'est pas décroché. Peu après, le capitaine a rejoint le matelot de pont au poste de conduite arrière tandis que le remorqueur continuait de verser. Le capitaine a essayé de desserrer le frein de treuil tout en tentant de garder l'équilibre, mais, encore une fois, le câble de remorque ne s'est pas décrochéNote de bas de page 6.

Alors qu'il versait, le remorqueur s'est stabilisé brièvement à un angle de gîte de 90°, ce qui a permis à l'officier de pont et au matelot de pont, qui dormaient dans les quartiers d'équipage en dessous, de grimper pour s'échapper par la porte bâbord du rouf. Ils ont ensuite rejoint le capitaine et le matelot de pont sur le côté de la coque.

À 22 h 10, à 49°12,96′ N, 123°10,85′ W, le remorqueur s'est complètement renversé. Les 4 membres de l'équipage sont parvenus à grimper sur la coque retournée. L'un des matelots de pont a subi une blessure grave à la main en tentant de monter sur le chaland depuis le remorqueur.

Le Westview Chinook est arrivé alors que le George H Ledcor se trouvait sur le côté du chaland, sa proue faisant face à la poupe du chaland, et a récupéré le capitaine et l'officier de pont sur la coque. L'équipage du River Rebel, un remorqueur de service qui se trouvait à proximité et avait observé l'engagement, est arrivé sur les lieux et a récupéré les matelots de pont, qui ont été ensuite embarqués par le Westview Chinook. Les équipages du Westview Chinook et du River Rebel ont amarré le George H Ledcor chaviré à l'Evco 55. L'équipage du Westview Chinook a ensuite attaché ses câbles de remorque à patte d'oie au chaland, puis a tiré le remorqueur chaviré et le chaland en amont jusqu'au point d'amarrage YVR.

1.4 Élimination des polluants et récupération du remorqueur

Alors que le remorqueur chaviré et le chaland étaient remorqués au point d'amarrage de YVR, le capitaine du Westview Chinook a communiqué avec le gestionnaire des opérations de Ledcor et avec les Services de communication et de trafic maritimes pour les informer de la situation. Les Services de communication et de trafic maritimes ont alors avisé l'agent d'intervention environnementale de la Garde côtière canadienne (GCC). Ledcor a envoyé un autre remorqueur chercher une barrière flottante et des fournitures d'intervention en cas de déversement aux installations de Richmond pour les amener au point d'amarrage de YVR.

Une fois le George H Ledcor et l'Evco 55 amarrés, vers 23 h, la barrière flottante a été déployée autour du remorqueur chaviré. Vers 23 h 45, l'aéroglisseur de recherche et sauvetage Moytel de la GCC est arrivé pour assurer la sécurité de l'équipage. Le personnel d'intervention environnementale de la GCC, les membres d'équipage des remorqueurs dépêchés en renfort et les intervenants de la bande de MusqueamNote de bas de page 7 sont arrivés pendant la nuit pour aider à l'intervention à la suite du déversement et pour surveiller l'intervention. Ledcor a demandé à la Western Canada Marine Response Corporation (société d'intervention maritime de l'Ouest du Canada), à des consultants maritimes, à des architectes navals, à des plongeurs, à des fournisseurs de services de grand levage, à des assureurs et à des arpenteurs de l'aider à élaborer un plan de sauvetage.

Le 14 août, un commandement unifié a été établi avec des représentants du programme d'intervention environnementale de la GCC, de la bande de Musqueam, du ministère Environment and Climate Change Strategy (Environnement et stratégie sur les changements climatiques) de la Colombie-Britannique, de la Ville de Richmond et de Ledcor Resources and Transportation Inc. Le plan d'intervention intégré du Grand Vancouver a été mis en branleNote de bas de page 8; de nombreux autres organismesNote de bas de page 9 se sont alors joints officiellement à l'intervention dans le cadre d'un système de commandement en cas d'incidentNote de bas de page 10. Des évaluations faites par technique d'évaluation et de restauration des rives ont été entreprises et un plan d'échantillonnage a été mis en œuvre.

Le 16 août, le George H Ledcor a été renfloué (figure 5), et l'eau qu'il contenait a été pompée jusqu'à ce qu'il puisse être remorqué vers un chantier naval à proximité, puis sorti du fleuve.

Au moment de l'événement à l'étude, le remorqueur transportait environ 22 000 litres de diesel. On estime avoir récupéré environ 800 litres de diesel dans le fleuve. Une quantité inconnue de diesel a été pompée du remorqueur. Il n'a donc pas été possible de déterminer la quantité exacte de pollution attribuable à cet événement. Le 17 août, un consultant maritime a prélevé des échantillons de sol et d'eau aux environs du lieu de l'événement et n'a relevé aucune contamination notable. Le même jour, toutes les ressources ont été libérées.

Figure 5. Barges-grues soulevant le George H Ledcor (Source : Intervention environnementale de la Garde côtière canadienne)
Barges-grues soulevant le <em>George H Ledcor</em> (Source : Intervention environnementale de la Garde côtière canadienne)

1.5 Conditions environnementales

Au moment de l'événement à l'étude, de faibles vents soufflaient du nord-nord-ouest à 6 nœuds; la température de l'air était de 19 °C et celle de l'eau, d'environ 18 °C. Il faisait noir, mais le ciel était dégagé, malgré la brumasse de fumée produite par des feux de forêt locaux.

Le bras nord du fleuve Fraser a une largeur moyenne d'environ 0,1 mille marin entre son embouchure et le point où le bras nord rejoint la partie principale du fleuve. Au moment de l'événement, le fleuve était presque à marée haute et sa profondeur était d'environ 12 m. La marée montante s'achevait. Étant donné la profondeur d'eau dans le fleuve, le dégagement sous la quille du George H Ledcor était d'environ 9,0 m, et celui sous la quille de l'Evco 55 était d'environ 7,3 m.

1.6 Certificats du navire

Le George H Ledcor détenait un certificat d'inspection valide délivré en février 2016. Comme le George H Ledcor était un remorqueur d'une jauge brute de plus de 15 tonneaux, il devait subir des inspections quadriennales de Transports Canada (TC). La dernière de ces inspections avait eu lieu en 2015.

Le George H Ledcor avait également un livret de stabilité approuvé par TC en 1965. Ce livret contenait des consignes pour 3 situations : navire lège, tirant d'eau maximum au départ et exploitation.

1.7 Certificats et expérience de l'équipage

Les membres de l'équipage détenaient tous les certificats exigés par le Règlement sur le personnel maritimeNote de bas de page 11.

Le capitaine était titulaire d'un brevet de capitaine, jauge brute de 150, navigation intérieure, avec visa de voyage limité, eaux contiguës. Le capitaine avait commencé à travailler dans le secteur du remorquage en 2000 et était capitaine depuis au moins 8 ans. Il était un employé de Ledcor depuis 3 ans et avait déjà travaillé sur le George H Ledcor avant le voyage dans l'événement à l'étude. Au cours des 3 mois précédents, il avait été capitaine à bord du Paul C Ledcor,avec le même officier de pont, pour des opérations de remorquage similaires.

Le matelot de pont de quart au moment de l'événement avait un certificat de cours de formation de matelot de quart à la passerelle. Le matelot de pont était employé à temps plein de Ledcor depuis un peu plus de 3 ans.

L'officier de pont, qui n'était pas de quart au moment de l'événement, détenait un certificat de compétence d'officier de pont de quart, à proximité du littoral valide. L'officier de pont avait plus de 20 ans d'expérience maritime et travaillait comme officier de pont depuis 8 ans.

Le second matelot de pont, qui était aussi en repos au moment de l'événement, travaillait pour Ledcor depuis un peu plus d'un an.

1.8 Fatigue

La fatigue est reconnue comme un facteur dans bon nombre d'accidents maritimes. Certaines conditions de travail à bord des navires, dont un environnement peu propice au sommeil de bonne qualité et le travail par quarts, peuvent faire croître les risques d'accidents causés par la fatigue.

Pour que le sommeil soit réparateur, il devrait se dérouler la nuit et durer de 7 à 9 heures d'affiléeNote de bas de page 12.

À bord du George H Ledcor, l'horaire habituel comprenait des quarts de 6 heures suivis de 6 heures de repos. Des recherches internationalesNote de bas de page 13,Note de bas de page 14,Note de bas de page 15 sur les pratiques de planification des horaires des officiers de quart ont permis de constater que, par rapport à d'autres horaires, ceux alternant des quarts de 6 heures et des repos de 6 heures entraînent une réduction du sommeil quotidien, des risques accrus de fragmentation et de mauvaise qualité du sommeil, une augmentation de la fréquence d'épisodes d'endormissement (microsommeil), et une somnolence excessive (surtout au petit matin).

L'événement à l'étude est survenu au premier jour d'un voyage continu de 7 jours pour l'équipage du George H Ledcor. L'enquête a permis de déterminer que la fatigue n'était pas un facteur contributif à cet événement.

1.9 Dommages

Après avoir récupéré le George H Ledcor, on a déterminé que sa structure était toujoursintacte, mais que le câblage, les appareils de navigation électroniques et les machines étaient endommagés. Le bateau a été déclaré perte réputée totale.

1.10 Équipement de sauvetage

Le George H Ledcor transportait tout l'équipement de secours requis, notamment des gilets de sauvetage, des combinaisons d'immersion, des radeaux de sauvetage et une radiobalise de localisation des sinistres (RLS).

Le remorqueur avait 2 radeaux de sauvetage pouvant accueillir 6 personnes. Les 2 radeaux étaient équipés de dispositifs de largage hydrostatique. Lorsque le remorqueur a chaviré, les dispositifs de largage hydrostatique ont fonctionné comme prévu. Toutefois, l'un des radeaux de sauvetage ne s'est pas dégagé, car il s'est emmêlé dans les câbles. L'autre radeau de sauvetage a monté à la surface, mais ne s'est pas gonflé parce que le remorqueur ne s'était pas enfoncé assez profondément dans l'eau pour tirer sur la bosse avec assez de force pour déclencher le gonflage.

Le remorqueur avait une RLS à dégagement libre fixée à l'aide d'un dispositif de largage hydrostatique. Lorsque le remorqueur a chaviré, la RLS s'est dégagée mais n'a pas émis de signal. Après l'événement à l'étude, Ledcor a examiné la RLS et déterminé qu'elle avait été endommagée et que de l'eau s'y était infiltrée. On ne sait pas quand ces dommages sont survenus.

1.11 Contexte sectoriel

Les remorqueurs exploités sur la côte ouest du Canada appartiennent à diverses entités, allant de capitaines indépendants qui possèdent et exploitent un seul remorqueur à de grandes entreprises comme Ledcor Resources and Transportation Inc., qui exploitent une flotte de remorqueurs et de chalandsNote de bas de page 16. Les remorqueurs participent à diverses activités, notamment l'accostage de grands navires, le remorquage côtier, le flottage de billes de bois, le remorquage fluvial et le déhalage. Chacune de ces opérations est unique en soi et comporte ses propres risques. Bien que l'engagement puisse survenir dans tout type de remorquage, il est plus fréquemment signalé au cours des opérations de remorquage fluvial et de déhalage.

Ledcor Resources and Transportation Inc. est membre du Council of Marine Carriers. Cet organisme estime représenter environ 60 % des remorqueurs exploités sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, qui comptent pour à peu près 75 % des activités de remorquage dans cette région. Le Council of Marine Carriers défend les intérêts de ses membres en formulant des politiques et en faisant la promotion de lois et de règlements qui sont avantageux pour ses membres, en consultation avec les organismes gouvernementaux et industriels pertinentsNote de bas de page 17.

1.12 Lignes directrices de prévention de l'engagement

Le risque d'engagement est toujours présent lors des opérations de remorquage et doit être géré de manière sûre. Les situations d'engagement peuvent évoluer rapidement et laisser peu de possibilités aux capitaines de prendre des mesures correctives. Il est donc important de prendre des mesures pour réduire le risque d'engagement des navires et de reconnaître rapidement les facteurs susceptibles de le provoquer.

Pour aider les exploitants de remorqueurs à prévenir les situations d'engagement, TC a publié en 1994 le Bulletin de la sécurité des navires 13/1994, « Remorqueurs – Dangers reliés à un engagement ». Ce bulletin a été publié à la suite de 2 enquêtes du BSTNote de bas de page 18 sur l'engagement et le chavirement de remorqueurs. Le bulletin explique les risques associés aux opérations de remorquage, fait ressortir le danger d'engagement et recommande fortement aux capitaines de gérer le risque en adoptant toute mesure pratique susceptible d'éviter à leur navire de se trouver en situation d'engagement. Il rappelle également aux capitaines de veiller à ce que le poids et l'erre du remorqué ne nuisent pas à sa manœuvrabilité. Le bulletin souligne que les situations d'engagement peuvent survenir rapidement, empêchant les membres d'équipage d'utiliser le dispositif de largage de remorque ou l'équipement de sauvetage et de transmettre un appel de détresse ou de prévenir les autres de l'engagement imminent.

En 2014, TC a produit une vidéo de formation intitulée « Mon bateau ma responsabilité – Les remorqueursNote de bas de page 19 » qui traite entre autres des risques associés à l'engagement. La vidéo souligne l'importance d'être vigilant, d'être au courant des conditions météorologiques, de connaître les limites du remorqueur, de maintenir l'intégrité de l'étanchéité à l'eau, de connaître les caractéristiques du remorqué et de savoir comment mettre fin au remorquage. Elle invite les spectateurs à consulter le site Web de TCNote de bas de page 20 pour en savoir plus. Pourtant, le site Web de TC ne donne pas plus d'information sur les risques d'engagement ni sur la façon de les prévenir, et il ne donne pas non plus accès au Bulletin de la sécurité des navires 13/1994, « Remorqueurs – Dangers reliés à un engagement »Note de bas de page 21.

À l'échelle internationale, l'Organisation maritime internationale, reconnaissant la nécessité de critères de stabilité plus précis pour les navires participant aux opérations de remorquage (entre autres), a modifié la partie B du Recueil international de règles de stabilité à l'état intact, 2008Note de bas de page 22. Ces modifications entreront en vigueur en 2020 et s'appliqueront aux navires, autres que les navires de marchandises et à passagers, de plus de 24 m de longueur qui sont exposés à des forces externes influant sur leur stabilité pendant leur fonctionnement. L'une de ces modifications concerne les calculs de stabilité servant à déterminer le levier d'inclinaison (c.-à-d. la force de travers exercée, par exemple, par un câble de remorque). Toutefois, la partie B du Recueil international de règles de stabilité à l'état intact, 2008 ne se serait pas appliquée au George H Ledcor puisqu'il mesurait moins de 24 m.

Au Royaume-Uni, les assureurs maritimes West of England et Shipowners Club ont créé des guides qui donnent de l'information sur les risques d'engagement.

Le Shipowners Club a produit un guide de sécurité intitulé Tug and Tow – A Practical Safety and Operational GuideNote de bas de page 23. Ce guide a été créé afin de mieux faire connaître les aspects pratiques des opérations de remorquage. Il traite d'un grand nombre de sujets et présente un cumul complet d'expériences d'armateurs et de sources de l'industrie. Il met en évidence les bonnes pratiques de remorquage en s'appuyant sur l'information tirée de 31 rapports d'enquête sur des accidents dans 8 pays, ainsi que sur 10 documents différents (lignes directrices, codes ou normes).

La West of England a publié un bulletin de prévention des sinistresNote de bas de page 24 portant précisément sur le risque de chavirement dû à l'engagement. Ce bulletin traite des facteurs de risque pouvant mener à l'engagement et de stratégies de réduction des risques.

Les guides susmentionnés, issus de diverses sources, mentionnent plusieurs facteurs de risque dont les équipages doivent être conscients pour détecter le début d'une situation d'engagement et y réagir efficacement.

1.12.1 Adéquation du remorqueur pour la tâche

La taille, la conception de la coque, le franc-bord, la puissance motrice, la puissance de traction, la manœuvrabilité, la visibilité depuis la timonerie et l'équipement de remorquage sont tous des facteurs à prendre en compte pour déterminer si un remorqueur convient à une opération de remorquage donnée.

Chez Ledcor, c'est l'entreprise qui décide des affectations des remorqueurs. Le capitaine a le droit de refuser une affectation s'il la juge dangereuse. Ledcor n'a pas de critères documentés pour évaluer l'adéquation d'un remorqueur à une affectation donnée.

La puissance de traction du George H Ledcor n'avait pas été déterminéeNote de bas de page 26 avant l'événement à l'étude. Après l'événement, l'enquête n'a pas permis de déterminer la puissance de traction exacte du remorqueur puisque celui-ci a été déclaré perte réputée totale.

Il n'y a aucune règle absolue pour déterminer la puissance de traction requise selon les dimensions du remorqué. Plusieurs facteurs devraient être pris en compte, notamment :

Certaines entreprises qui font du remorquage calculent la puissance au frein et le déplacement du remorqueur nécessaires pour des tâches de remorquage particulières, à des fins de sécurité. Ces calculs tiennent compte du lieu du voyage, du déplacement et de la puissance au frein du remorqueur, ainsi que du déplacement du chaland.

1.12.2 Facteurs liés à la stabilité

1.12.2.1 Longueur du câble de remorque

Il faut prendre en compte plusieurs facteurs pour déterminer la longueur du câble de remorque, notamment la manœuvrabilité, la taille du remorqué, les dimensions du chenal de navigation et les conditions environnementales qui prévalent. La détermination de la longueur du câble de remorque relève normalement du capitaine ou de l'officier de pont.

Dans l'événement à l'étude, comme le remorqueur et le remorqué passaient dans une section du fleuve assez étroite avec des méandres, l'équipage avait raccourci le câble de remorque avant de s'engager dans le fleuve, de sorte que le chaland était à environ 15 m de la poupe du remorqueur au moment de l'événement. Un câble de remorque plus court peut aider le remorqueur à manœuvrer le remorqué; par contre, si le remorqué dépasse le remorqueur, l'équipage a moins de temps pour réagir avant que la force exercée par le câble de remorque nuise à la stabilité du remorqueur. Dans l'événement à l'étude, alors que le chaland dépassait le remorqueur, le câble de remorque était assez long pour permettre au remorqueur de faire un tête-à-queueNote de bas de page 27 le long du chaland plutôt que d'être frappé par ce dernier.

1.12.2.2 Emplacement du point de remorquage

L'endroit auquel le câble de remorque est attaché sur un remorqueur a une incidence sur la capacité de ce dernier de manœuvrer le remorqué. Il a aussi une incidence sur la stabilité du remorqueur et sur sa réaction lorsqu'il est dépassé par le remorqué.

Des apparaux de retenue, comme les guides rétractables de câble de remorque ou une bosse de remorqueNote de bas de page 28, peuvent être utilisés pour limiter le mouvement du câble de remorque à l'axe du remorqueur près de la poupe. Si le remorqué dépasse le remorqueur alors que le câble de remorque est fixé à ce point, la tension du câble de remorque fera pivoter la poupe du remorqueur, mais n'exercera pas de force de travers près du milieu de la longueur du remorqueur. Si le remorqué dépasse le remorqueur alors que le câble de remorque est fixé près du milieu du remorqueur, la force exercée par le câble de remorque pourrait nuire à la stabilité du remorqueur, le mettre en situation d'engagement et peut-être le faire chavirer.

L'utilisation d'apparaux de retenue est peu courante dans le déhalage. Cela s'explique par le fait qu'on a parfois recours à un engagement contrôlé au cours des opérations normales de déhalage et que cela permet au remorqueur de mieux manœuvrer le remorqué. Certains capitaines disent que l'utilisation d'apparaux de retenue réduit la manœuvrabilité du remorqueur; ils sont donc réticents à modifier le point de remorquage.

Dans l'événement à l'étude, le câble de remorque n'était pas fixé à l'aide d'apparaux de retenue.

1.12.2.3 Intégrité de l'étanchéité à l'eau

L'intégrité de l'étanchéité à l'eau contribue au maintien de la stabilité d'un navire, particulièrement lorsque celui-ci gîte. Tant que l'intégrité de l'étanchéité à l'eau d'un navire est maintenue, celui-ci a une meilleure flottabilité et demeure plus longtemps à la verticale. En cas de chavirement, cela peut donner à l'équipage davantage de temps pour prendre des mesures d'urgence.

Dans l'événement à l'étude, l'intégrité de l'étanchéité à l'eau du remorqueur ne fait pas partie des facteurs contributifs, car l'équipage avait fermé toutes les portes et écoutilles étanches avant que le remorqueur s'engage dans le fleuve Fraser, conformément aux pratiques de travail sécuritaires de Ledcor.

1.12.2.4 Autres forces en présence

Les forces environnementales, comme le vent, les vagues, le courant et la profondeur du fleuve, peuvent influer sur la stabilité et contribuer à l'apparition d'une situation d'engagement. L'angle de gouvernail du navire, la force de propulsion appliquée ainsi que les effets de l'immersion du livet de pont sont aussi des facteurs à prendre en compte (figure 6)Note de bas de page 29.

Figure 6. Forces pouvant contribuer à une situation d'engagement (Source : BST)
Forces pouvant contribuer à une situation d'engagement (Source : BST)

1.12.3 Caractéristiques du navire remorqué

Les caractéristiques du remorqué, notamment sa taille, son poids, sa conception et son point de pivot, influent toutes sur la capacité du remorqueur de le manœuvrer. Le point de pivot d'un navire est généralement son centre longitudinal et transversal lorsqu'il est stationnaire. Toutefois, une fois que le navire commence à avancer, le point de pivot se déplace vers l'avant, environ jusqu'au tiers de la longueur du navire depuis la proueNote de bas de page 30.

La distance entre le point de pivot et la force appliquée (par le remorqueur de tête ou le remorqueur de renfort) crée 2 leviers de rotation. Lorsque le levier de rotation est plus long, le moment de rotation (force) augmente. L'utilisation d'un remorqueur de renfort a un effet sur la capacité du remorqueur de tête de manœuvrer le remorqué. Il faut tenir compte des points de pivot lorsqu'un remorqueur de renfort est utilisé pour pousser le remorqué, particulièrement si le voyage nécessite des changements de cap.

Dans l'événement à l'étude, le remorqueur de renfort servait à pousser le chaland vers l'amont du fleuve. Le remorqueur de renfort était placé au centre de la poupe du chaland et utilisé uniquement pour pousser; il n'aidait pas à guider le chaland. Le remorqueur de renfort disposait d'un levier de rotation plus long et avait plus d'influence sur la direction et l'erre du chaland (en ligne droite) que le remorqueur de tête, dont le levier de rotation était plus court (figure 7). Par conséquent, le remorqueur de tête, avec son levier de rotation plus court, était incapable de faire virer le chaland.

Figure 7. Comparaison des leviers de rotation du George H Ledcor et du Westview Chinook (Source : BST)
Comparaison des leviers de rotation du <em>George H Ledcor</em> et du <em>Westview Chinook</em> (Source : BST)

1.13 Dispositifs de largage de remorque

Un dispositif de largage de remorque est un système de dégagement rapide qui desserre le frein de treuil et relâche la tension du câble de remorque; il est normalement utilisé en situation d'urgence. Il peut aussi servir à rallonger le câble de remorque pour donner au remorqueur davantage de temps pour se repositionner ou pour reprendre la maîtrise du remorqué dans une situation d'engagement, lorsque le remorqué rattrape ou dépasse le remorqueur. Les dispositifs de largage de remorque se trouvent normalement aux postes de conduite ou à proximité de ceux-ci. Le Règlement sur la construction de coquesNote de bas de page 31 de TC stipule que tous les treuils de remorquage doivent être munis d'un dispositif de largage de remorque.

Le George H Ledcor avait des dispositifs de largage de remorque à chacun des 3 postes de conduite. Le BST a examiné les dispositifs de largage de remorque du George H Ledcor et remarqué que l'emplacement, l'orientation et la couleur des boutons commandant ces dispositifs différaient d'un poste de conduite à l'autre. Les 3 boutons étaient étiquetés, mais ces étiquettes étaient masquées par la position d'autres commandes et interrupteurs. Les 3 mécanismes comportaient des caches de sécurité pour éviter que les dispositifs ne soient déclenchés par inadvertance, mais chacun de ces caches était de modèle différent. Le tableau 2 résume les observations faites à propos de chacun des dispositifs.

Tableau 2. Comparaison des dispositifs de largage de remorque à chacun des 3 postes de conduites du George H Ledcor
Caractéristique Timonerie
(figure 8)
Pont supérieur arrière
(figure 9)
Pont principal
(figure 10)
Position Deuxième bouton à partir de la gauche Troisième bouton à partir de la gauche dans la rangée du bas Premier bouton à partir de la gauche dans la rangée du haut
Orientation Horizontale Verticale Verticale
Couleur du bouton de largage de remorque Noir Rouge Rouge
Couleur du bouton de réenclenchement Noir Noir Noir
Cache de sécurité Autour du bouton de largage de remorque seulement Cache de sécurité unique entourant les boutons de largage de remorque et de réenclenchement Caches de sécurité individuels autour du bouton de largage de remorque et du bouton de réenclenchement
Éclairage Sans éclairage Sans éclairage Éclairé
Étiquetage

Boutons de largage de remorque et de réenclenchement étiquetés

Étiquettes invisibles

Étiquette seulement pour le bouton de largage de remorque

Étiquette invisible

Boutons de largage de remorque et de réenclenchement étiquetés

Étiquettes invisibles

Figure 8. Dispositif de largage de remorque au poste de conduite de timonerie, bouton de largage de remorque indiqué par la flèche jaune (Source : BST)
Dispositif de largage de remorque au poste de conduite de timonerie, bouton de largage de remorque indiqué par la flèche jaune (Source : BST)
Figure 9. Dispositif de largage de remorque au poste de conduite du pont supérieur arrière, bouton de largage de remorque indiqué par la flèche jaune (Source : BST)
Dispositif de largage de remorque au poste de conduite du pont supérieur arrière, bouton de largage de remorque indiqué par la flèche jaune (Source : BST)
Figure 10. Dispositif de largage de remorque au poste de conduite du pont principal, bouton de largage de remorque indiqué par la flèche jaune (Source : BST)
Dispositif de largage de remorque au poste de conduite du pont principal, bouton de largage de remorque indiqué par la flèche jaune (Source : BST)

De nombreux types différents de dispositifs de largage de remorque sont utilisés dans le secteur du remorquage, et il n'existe aucune norme canadienne ou internationale encadrant la conception des commandes. Il existe toutefois des principes de baseNote de bas de page 32 pour la conception de ce type de dispositif qui peuvent réduire la probabilité d'erreur humaine en garantissant que :

À la suite de l'événement à l'étude, l'entreprise a installé des dispositifs de largage de remorque supplémentaires de modèle standard à un endroit commun dans tous ses remorqueurs (figure 11).

Figure 11. Bouton normalisé de dispositif de largage de remorque ajouté récemment (Source : Ledcor Resources and Transportation Inc.)
Bouton normalisé de dispositif de largage de remorque ajouté récemment (Source : Ledcor Resources and Transportation Inc.)

1.14 Processus décisionnel

Pendant leurs activités, les personnes s'efforcent de rester conscientes de l'évolution de la situation et de prendre des décisions qui leur permettront d'effectuer leurs tâches efficacement et sans danger. Ces décisions s'appuient souvent sur des procédures ou pratiques officielles. En l'absence de procédures ou de pratiques, les décisions sont plus susceptibles d'être fondées sur des facteurs comme le temps requis, le désir d'exécuter le travail de façon efficace et sécuritaire, les pratiques passées et l'expérience, l'équipement disponible et l'environnement. En outre, des personnnes différentes pourraient prendre des décisions différentes selon leur point de vue et leur compréhension de la situation.

Les décisions sont également fondées sur les connaissances acquises notamment au cours de la formation. La formation améliore la mémoire à long terme et le rappel des connaissances acquises, et peut réduire la fréquence des erreurs. Des erreurs peuvent se produire lors de l'évaluation d'une situation changeante ou dans le choix des mesures à prendre dans cette situation. Des erreurs peuvent également se produire lorsqu'on tarde à reconnaître une situation donnée ou qu'on prend des mesures incomplètes pour y remédier. Outre la formation, le repérage systématique des dangers, dans le cadre d'un système de gestion de la sécurité, contribue à l'amélioration du rendement. En effet, cela permet de cerner les situations courantes ou aux conséquences graves (comme l'engagement) pour élaborer et mettre en œuvre des procédures et des formations officielles.

1.15 Formation et certification des capitaines de remorqueurs

Pour travailler comme capitaine sur un remorqueur d'au moins 15 tonneaux de jauge brute, comme le George H Ledcor, un navigateur doit détenir, au minimum, un brevet de capitaine, jauge brute de 150, navigation intérieure, valide, ainsi que les autres brevets exigésNote de bas de page 33.

En plus d'avoir l'expérience de service en mer exigée, le navigateur doit réussir un examen écrit sur des sujets adaptés au domaine d'activité ainsi qu'au type et à la jauge brute du navire pour lequel le brevet est demandé, conformément aux exigences du document Examen des navigants et délivrance des brevets et certificatsNote de bas de page 34. Le programme pour ce brevet porte sur plusieurs sujets, notamment les compétences en navigation, l'exploitation d'un navire, ainsi que la construction et la stabilité du navire. En ce qui concerne la stabilité, les candidats doivent savoir comment le centre de gravité et le centre de carène interagissent pour créer le levier de redressement, et ils doivent être en mesure de déterminer le levier de redressement requis pour un angle donné de gîte. Ces connaissances sont nécessaires pour déterminer les limites de stabilité d'un navire.

Les candidats doivent aussi réussir un examen oral pour obtenir leur brevet. Les candidats doivent démontrer leur capacité d'appliquer leurs connaissances et de donner des réponses appropriées sur certains sujets, par exemple sur les connaissances de base du remorquage, et plus particulièrement sur les éléments suivantsNote de bas de page 35 :

À la suite de l'événement à l'étude, Ledcor a mis en place un programme adapté de formation sur la prévention de l'engagement au cours du remorquage, à l'intention de tous ses capitaines et ses officiers de pont. Cette formation de 2 jours combine des scénarios en simulateur avec un apprentissage et des discussions en classe.

La formation vise à mieux faire connaître les situations d'engagement et les mesures de prévention auxquelles on peut avoir recours pour y réagir. Elle comporte plusieurs objectifs, notamment reconnaître les conditions pouvant mener à une situation d'engagement, y compris l'utilisation d'un remorqueur de renfort, un angle de câble de remorque inapproprié et des enjeux liés à la stabilité (comme les forces externes exercées sur la coque du remorqueur, l'immersion du livet de pont et l'intégrité de l'étanchéité à l'eau). La formation met l'accent sur les situations dans lesquelles un câble de remorque sous tension est fixé au treuil de remorquage et exerce une force de travers qui fait gîter le remorqueur et risque de le faire chavirer. Elle aborde également les stratégies de prévention et d'intervention, comme les compétences de manœuvre du navire (par exemple, l'utilisation de la propulsion et des angles de gouvernail) et le relâchement de la tension du câble de remorque (largage de remorque).

1.16 Gestion de la sécurité

1.16.1 Code international de gestion de la sécurité

Le Code international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution (Code international de gestion de la sécurité [Code ISM]) adopté par l'Organisation maritime internationale a pour objectifs d'assurer la sécurité en mer, de prévenir les blessures et les pertes de vies, et d'éviter les dommages  l'environnement. On atteint ces objectifs en mettant en place des pratiques d'exploitation de navires sécuritaires et en préconisant un environnement de travail sûr, en établissant des mesures de protection contre tous les risques connus et en améliorant continuellement les compétences de gestion de la sécurité du personnel à terre et à bord des naviresNote de bas de page 36.

Le Code ISM s'applique à tous les navires visés par la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS)Note de bas de page 37 et exige que les compagnies et les navires élaborent et mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité (SGS). Le George H Ledcor n'était pas visé par la Convention et n'était par conséquent pas tenu d'avoir un SGS.

1.16.2 Système de gestion de la sécurité national de l'entreprise

Ledcor avait volontairement adopté un SGS national pour sa flotte de navires. Le SGS national du George H Ledcor avait fait l'objet, en mai 2018, d'une vérification qui l'avait trouvé conforme aux exigences du Code ISMNote de bas de page 38. Le manuel de gestion de la sécurité national comprenait notamment une politique relative à l'environnement et à la sécurité, des plans et des procédures de bord, la planification d'urgence et la préparation aux situations d'urgence, ainsi qu'une procédure de signalement des accidents, des événements dangereux et des non-conformités.

1.16.2.1 Manuel d'exploitation de l'entreprise

Ledcor avait également un manuel d'exploitation pratique rédigé en avril 2015, qui décrivait les pratiques de travail sécuritaires pour diverses opérations à bord de remorqueurs, chalands et navires de relève. L'une de ces pratiques de travail sécuritaires, pour le travail sur le pont arrière d'un remorqueur, consiste à être toujours très attentif à son environnement et à la situation, particulièrement l'emplacement et les mouvements possibles du chaland, des pattes d'oie et du câble de remorque. Une autre pratique de travail sécuritaire, pour le départ avec un chaland, comprend une liste de vérification avant départ et en cours de route qui stipule que le navire doit être sécurisé pour le déhalage, c'est-à-dire que toutes les portes étanches doivent être fermées et verrouillées.

Le manuel aborde également le matelotage général, les opérations à terre et les urgencesNote de bas de page 39. Le contenu relatif au matelotage général fournit des pratiques de travail sécuritaires et renseigne les travailleurs sur les risques courants à bord des remorqueurs et chalands ainsi que sur la manière de les prévenir en toute sécurité. Le manuel contient des pratiques de travail sécuritaires pour diverses situations d'urgence, comme les dommages ou une défaillance structurelle causés par le mauvais temps, les collisions, l'échouement, l'envahissement par les eaux, les blessures, les chutes par-dessus bord, la perte de propulsion et les défaillances des systèmes électriques et de gouverne. Il y a également une liste de vérification pour une familiarisation générale avec le navire, qui porte sur l'emplacement et le fonctionnement des systèmes d'urgence, mais ne traite pas de la familiarisation avec les dispositifs de largage de remorque. Le manuel ne comprenait pas de pratiques de travail sécuritaires sur l'utilisation des remorqueurs de renfort ni sur la manière d'éviter des situations d'engagement.

1.17 Événements antérieurs

Entre 2005 et 2018, 26 situations d'engagement, ayant provoqué 21 chavirements, ont été signalées au BST. Au cours des 14 années précédentes (de 1991 à 2004), le BST avait été informé de 12 situations d'engagement ayant provoqué 9 chavirements et 5 pertes de vie. La liste des événements survenus au cours de cette période de 28 ans se trouve à l'annexe B. Le BST a publié des rapports d'enquête sur 6 de ces événementsNote de bas de page 40. Voici quelques-uns des facteurs récurrents dans ces rapports :

En 2004, après un accident mortel à la suite d'un engagementNote de bas de page 41, TC a formé un groupe d'étude sur les remorqueurs et chalands afin de formuler des lignes directrices et des recommandations. En 2006, un groupe de travail du Conseil consultatif maritime canadien a été mis sur pied expressément pour discuter du rapport du groupe d'étude. Ce groupe de travail a recommandé, entre autres, que la puissance de traction des remorqueurs, qui est utilisée pour déterminer s'ils conviennent à des tâches telles que le remorquage de chalands, soit calculée selon une méthode commune et consignée officiellement. Toutefois, cette recommandation n'a pas été appliquée. Par contre, elle a incité TC à créer des lignes directrices sur la puissance de traction, qui figurent à l'annexe A des Normes sur la construction, l'inspection et l'exploitation des chalands de transport d'hydrocarbures ou de produits chimiques dangereux en vrac (TP 11960-2017). Il n'y a eu aucune mise à jour par le groupe de travail depuis 2011.

En 2009, après un autre événement avec un engagementNote de bas de page 42, TC a consulté 5 entreprises de remorquage et le Council of Marine Carriers dans la cadre d'un projet pilote de 2 ans. Ce projet pilote avait pour but la mise en place d'un programme de conformité différent qui exigerait un SGS. TC a alors établi des procédures de sécurité relatives à l'engagement pour qu'elles soient examinées puis intégrées dans le SGS national. Ce projet pilote a conclu que la mise en place d'un programme de conformité différent n'était pas une option efficace; TC a donc procédé à la mise en œuvre du Programme de conformité des petits bâtiments. Tenant compte des résultats de ce programme, TC a aussi entrepris une analyse plus générale du Règlement sur la gestion pour la sécurité de l'exploitation des bâtiments, qui est toujours en cours.

Après que soit survenu un autre événement en lien avec le remorquage, en 2016Note de bas de page 43, TC a commencé à rédiger une publication technique sur la formation à bord propre aux remorqueurs, qui décrit les tâches pratiques à exécuter et les critères d'évaluation des compétences. En août 2019, cette publication technique était toujours en cours de préparation. TC a fait savoir que cette publication contiendra de l'information sur les dangers liés à l'engagement et sur des événements antérieurs, ainsi que sur les mesures pratiques à prendre pour éviter ce risque. Cette publication devrait être disponible d'ici la fin de 2019.

1.18 Recommandation antérieure

En 1991, après un événement mettant en cause le Seaspan RustlerNote de bas de page 44, le BST avait découvert que les dangers de l'engagement étaient méconnus. Le Bureau avait recommandé que :

Le ministère des Transports s'efforce de sensibiliser l'industrie canadienne du remorquage aux dangers que pose l'engagement, en particulier durant le remorquage avec un câble court dans des virages courts.
Recommandation M93-15 du BST

TC a répondu à la recommandation en précisant que d'autres précautions, en plus de la sensibilisation, pourraient être nécessaires. En avril 1994, la Garde côtière canadienne a parrainé des consultations dans le secteur à propos de la recommandation du BST; des intervenants du secteur avaient alors suggéré de publier régulièrement des Bulletins de la sécurité des navires à propos de l'engagement. En octobre 1994, TC a publié le Bulletin de la sécurité des navires 13/94, « Remorqueurs – Dangers reliés à un engagement ». La réponse à cette recommandation du BST avait alors été jugée entièrement satisfaisanteNote de bas de page 45.

1.19 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

La gestion de la sécurité et surveillance figure sur la Liste de surveillance 2018. Certains transporteurs ne gèrent pas efficacement leurs risques en matière de sécurité, et de nombreuses compagnies ne sont toujours pas tenues de mettre en œuvre un processus de gestion de la sécurité officiel. La surveillance et les interventions de TC ne parviennent pas toujours à amener les entreprises à changer des pratiques d'exploitation non sécuritaires. Ledcor Resources and Transportation Inc. avait volontairement mis en œuvre un SGS, mais n'avait pas relevé que l'engagement constituait un risque, et son manuel d'exploitation ne contenait aucune ligne directrice sur la manière d'atténuer ce risque connu. Après cet événement, l'entreprise a modifié son SGS de façon à aborder expressément l'engagement.

MESURES À PRENDRE

La gestion de la sécurité et surveillance restera sur la Liste de surveillance jusqu'à ce que :

  • Transports Canada mette en œuvre des règlements obligeant tous les exploitants commerciaux des secteurs aérien et maritime à adopter des processus formels pour la gestion de la sécurité, et en supervise l'application de façon efficace.
  • Les transporteurs qui ont un SGS démontrent à Transports Canada qu'il fonctionne bien et donc permet de déceler les risques et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour les atténuer.
  • Transports Canada exerce ses responsabilités lorsque des exploitants ne peuvent pas assurer une gestion efficace de la sécurité de façon à ce qu'ils corrigent les pratiques d'exploitation non sécuritaires.

1.20 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

Différents composants électroniques du George H Ledcor ont été récupérés et envoyés au Laboratoire technique du BST à Ottawa (Ontario) à des fins d'analyse et d'extraction de données. On a asséché, nettoyé et démonté ces composants. On a constaté la présence d'une corrosion importante sur les cartes de circuits imprimés. En raison de l'étendue des avaries, il a été impossible de mettre les composants sous tension. Les puces de mémoire et des disques durs ont été extraits, mais ces composants étaient désuets ou trop endommagés, ou ne contenaient pas d'information pertinente aux fins de l'enquête.

2.0 Analyse

L'enquête a établi que le chaland Evco 55 n'avait pas répondu à un changement de cap du George H Ledcor, puis avait dépassé ce dernier. Cela a provoqué un engagement du remorqueur, qui a chaviré. L'enquête s'est penchée sur les lignes directrices et la formation fournies aux exploitants de remorqueurs en ce qui concerne l'engagement, ainsi que sur la surveillance de la sécurité effectuée par Transports Canada (TC) et par le secteur. L'enquête a également examiné la conception des dispositifs de largage de remorque.

2.1 Facteurs contributifs à l'engagement et au chavirement

Au moment de l'événement à l'étude, le George H Ledcor remorquait le chaland Evco 55 chargé de gravier dans le bras nord du fleuve Fraser. Le remorqueur de renfort Westview Chinook était utilisé pour augmenter la vitesse du chaland afin d'arriver à temps pour profiter du meilleur moment du cycle des marées pour l'accostage du chaland. Après avoir négocié sans problème 2 méandres du fleuve, le George H Ledcor a tenté de tirer l'Evco 55 à bâbord pour négocier un troisième méandre un peu plus prononcé du fleuve. Mais le George H Ledcor a été incapable de changer la trajectoire du chaland chargé, entre autres à cause du remorqueur de renfort qui poussait sur la poupe.

Lorsque le capitaine s'est aperçu que le chaland n'avait pas répondu au changement de cap, il a demandé au remorqueur de renfort d'arrêter de pousser et a poussé la barre encore plus à bâbord. Cependant, le chaland a continué en ligne droite et a commencé à dépasser le remorqueur; le court câble de remorque, qui n'était pas maintenu par des apparaux de retenue, a alors commencé à exercer une force de travers sur le remorqueur, le mettant en position d'engagement. Lorsque le chaland a commencé à dépasser la poupe du remorqueur à tribord, le capitaine a mis plein gaz en poussant la barre complètement à tribord. Or, étant donné les forces agissant sur la stabilité du navire, entre autres la poussée des hélices, le courant du fleuve contre la coque et la force croissante exercée par le câble de remorque, cette mesure a fait gîter encore plus le remorqueur (figure 12). L'évolution de la situation était telle que le capitaine n'a pas eu suffisamment de temps pour prendre des mesures correctives.

Figure 12. Forces influant sur la stabilité du George H Ledcor au moment où le chaland Evco 55 le dépassait (Source : BST)
Forces influant sur la stabilité du <em>George H Ledcor</em> au moment où le chaland <em>Evco 55</em> le dépassait (Source : BST)

En quelques secondes, le livet de pont et le pavois ont été submergés; la force de traînée ainsi produite a alors augmenté encore la gîte à tribord du remorqueur. L'équipage a alors tenté de larguer la remorque, mais sans succès, et le remorqueur a rapidement chaviré. Ni le capitaine ni le matelot de pont ne sont parvenus à prévenir l'officier de pont et l'autre matelot de pont qui se trouvaient dans les quartiers d'équipage, à communiquer avec le Westview Chinook, à transmettre un appel de détresse ou à mettre des gilets de sauvetage. Le capitaine et le matelot de pont ont réussi à évacuer la timonerie et à grimper sur le côté de la coque.

2.2 Gestion des risques d'engagement

Pour que le remorquage puisse se faire en toute sécurité, l'équipage doit avoir des lignes directrices et une formation l'aidant à repérer les facteurs de risque qui peuvent engendrer des situations d'engagement et à trouver des méthodes de rétablissement. Selon la gravité de la situation, ces méthodes pourraient notamment consister à corriger la longueur du câble de remorque et à repositionner le remorqueur en avant du remorqué, à utiliser un remorqueur de renfort pour repositionner le remorqué, à faire un tête-à-queue ou à larguer la remorque.

Dans l'événement à l'étude, le capitaine s'est retrouvé dans une situation pour laquelle il ne disposait d'aucune procédure ni ligne directrice. Son expérience passée de déhalage lui avait appris que la force exercée par le câble de remorque devait être maintenue près du centre de la poupe du bateau. Lorsque le chaland a commencé à dépasser le George H Ledcor, le capitaine a tenté d'utiliser l'appareil à gouverner et la propulsion pour repositionner le George H Ledcor en avant du chaland. Toutefois, plusieurs facteurs agissant sur la stabilité du navire ont augmenté sa gîte : poussée du changement de cap, courant du fleuve contre la coque et force de travers constante du câble de remorque.

Bien que les exploitants de remorqueurs qualifiés aient généralement une connaissance de base des limites de stabilité de leurs navires, il n'est pas facile de déterminer les limites réelles de stabilité dans chaque situation, surtout étant donné la variété des facteurs susceptibles d'influer à tout moment sur la stabilité dynamique.

L'enquête a permis d'établir que Ledcor ne donnait aucune ligne directrice ni formation sur l'engagement survenant pendant le remorquage. Le manuel de gestion de la sécurité national ne mentionnait pas l'engagement en tant que risque parce que Ledcor était d'avis qu'il s'agissait d'un risque connu et tenait pour acquis que les mesures à prendre pour atténuer ce risque faisaient partie des connaissances communes de tous les capitaines et officiers de pont brevetés. Mais la formation que le capitaine avait suivie pour obtenir son brevet avait eu lieu 8 ans avant l'événement. Or, si les connaissances acquises pendant la formation ne sont pas régulièrement mises en pratique, il peut devenir plus difficile de les retrouver dans la mémoire à long terme, particulièrement dans une situation stressante ou en cas d'urgence. Par conséquent, au moment de l'événement à l'étude, il se pourrait que le capitaine n'ait pas eu le niveau de connaissances nécessaire pour reconnaître les facteurs menant à l'engagement et les stratégies à mettre en œuvre pour corriger la situation.

Si les capitaines de remorque ne reçoivent pas une formation initiale et récurrente ainsi que des lignes directrices sur les facteurs pouvant mener à un engagement ainsi que sur des stratégies pour contrer ces facteurs, il se pourrait qu'ils ne réagissent pas de manière efficace s'il se produit un engagement.

2.3 Surveillance de la sécurité

2.3.1 Secteur

Bien qu'en définitive, la sécurité de l'équipage, du navire et de l'environnement relève de la responsabilité du capitaine, les propriétaires de navires et les intervenants du secteur ont aussi un rôle à jouer à cet égard. Les entreprises de remorquage s'efforcent généralement de donner une formation sur les procédures d'exploitation, mais ont tendance à supposer que les lignes directrices et la formation sur l'engagement ne sont pas nécessaires, car il s'agit d'un risque bien connu.

Dans le secteur, on compte sur les compétences et connaissances en manœuvre des navires des capitaines pour gérer le risque d'engagement. Cela veut toutefois dire que la détection et l'atténuation des risques d'engagement sont laissées entièrement aux équipages, qui ont des degrés variables de connaissances, de formation et d'expérience relativement aux facteurs qui contribuent à l'engagement et aux stratégies qui permettent d'en sortir.

L'engagement contrôlé est couramment utilisé au cours des opérations normales de déhalage et est considéré comme faisant partie des compétences facilitant la manœuvre d'un remorqué. C'est pourquoi les risques découlant de l'engagement d'un navire sont peut-être maintenant vus comme faisant partie de la norme dans le secteur.

Même si l'industrie dispose de renseignements lui permettant de créer des lignes directrices, de la formation et de la sensibilisation sur les causes de l'engagement, les facteurs qui le provoquent et les stratégies pour y remédier, cette information n'est pas prise en compte lors des opérations de remorquage.

En outre, on constate dans le secteur une certaine résistance à la modification des pratiques d'exploitation pour améliorer la sécurité. Par exemple, certains exploitants de remorqueurs s'opposent au déplacement du point de remorquage, car cela exigerait une modification des manœuvres et limiterait la manœuvrabilité.

En général, des mesures de sécurité sont prises seulement en réaction à un incident ou un accident et dans une seule entreprise plutôt qu'à l'échelle du secteur. À l'heure actuelle, il n'existe aucun organisme de sécurité provincial propre au secteur du remorquage pour faire la promotion de la sécurité.

Si le secteur du remorquage continue de compter principalement sur des pratiques informelles et sur les compétences des capitaines en matière de manœuvre des navires pour gérer les risques d'engagement, il se pourrait que les facteurs menant à l'engagement ne soient pas détectés et corrigés, et qu'ils continuent de provoquer des chavirements.

2.3.2 Transports Canada

TC reconnaît que l'engagement est un risque bien documenté. Pourtant, à l'heure actuelle, les seules lignes directrices disponibles sont celles du Bulletin de la sécurité des navires 13/1994, qui date de 1994, et une vidéo de formation produite en 2014.

Lorsque le Bulletin de la sécurité des navires a été produit, TC a mentionné que d'autres précautions, en plus de la sensibilisation, pourraient être nécessaires. Des intervenants du secteur avaient recommandé de publier régulièrement un Bulletin de la sécurité des navires portant sur l'engagement, mais cette recommandation n'a pas été suivie. La vidéo de formation est disponible sur le site Web de TC; mais pour avoir accès au Bulletin de la sécurité des navires, qui date de 25 ans et a été archivé, il faut en connaître l'existence et le demander à TC.

Pour le moment, seuls les navires visés par la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) sont tenus d'avoir un système de gestion de la sécurité. La majorité des remorqueurs ne sont pas visés par la Convention et ne sont par conséquent pas tenus d'avoir un système de gestion de la sécurité. La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada exige qu'on élabore des méthodes d'exploitation sécuritaires des bâtiments, ainsi que des procédures à suivre en cas d'urgenceNote de bas de page 46, mais comme le montre l'événement à l'étude, cette exigence ne s'est pas avérée efficace pour garantir que les exploitants de remorqueurs disposent d'un processus de détection et d'atténuation des risques associés à l'engagement.

Au cours des 15 dernières années, TC a entrepris certaines initiatives relatives aux enjeux touchant les remorqueurs et chalands, mais aucune d'entre elles n'a fait baisser le nombre de situations d'engagement signalées.

En 2006, un groupe de travail du Conseil consultatif maritime canadien formé par TC a recommandé que la puissance de traction des remorqueurs soit calculée selon une méthode commune et consignée officiellement. Cette recommandation n'a jamais été suivie, et le groupe de travail a été intégré à d'autres comités permanents en 2011, même si des intervenants du secteur avaient demandé de le laisser en fonction.

En 2009, TC a établi des procédures de sécurité relatives à l'engagement dans le cadre d'un projet pilote. Mais au terme de ce projet-pilote, TC a mis en place le Programme de conformité des petits bâtiments, et les procédures de sécurité n'ont pas été mises en œuvre à l'échelle du secteur.

TC est en train de rédiger une publication technique sur la formation à bord propre aux remorqueurs, qui décrit les tâches pratiques à effectuer et les critères d'évaluation des compétences. TC a fait savoir que cette publication contiendra de l'information sur les dangers liés à l'engagement et sur des événements antérieurs, ainsi que sur les mesures pratiques à prendre pour éviter ce risque.

Si la supervision et les interventions de TC ne permettent pas de modifier efficacement les pratiques des exploitants de remorqueurs en ce qui concerne l'engagement, il y a un risque que d'autres accidents d'engagement se produisent.

2.4 Conception des dispositifs de largage de remorque

Le largage de remorque présente plusieurs autres risques dont il faut tenir compte, notamment la possibilité que le remorqué s'échoue et les risques pour l'environnement. De plus, cela va à l'encontre du but de l'exploitant, qui est de mener le chaland à bon port sans danger ni retard. C'est pourquoi le largage de remorque constitue normalement un dernier recours, pour éviter un chavirement; les dispositifs de largage de remorque sont donc généralement utilisés dans des situations où chaque seconde compte.

Dans l'événement à l'étude, le capitaine et le matelot de pont de quart ont tenté d'utiliser les dispositifs de largage de remorque du George H Ledcor, mais sans succès. Le capitaine n'a pas réussi à atteindre le bouton dans la timonerie, à cause de la gîte du navire, qui avait commencé à chavirer. Le matelot de pont a repéré et enfoncé un bouton sur le pont supérieur arrière pour relâcher le câble de remorque. Des essais réalisés par la suite ont déterminé que le frein de treuil était toujours serré, ce qui indique que le dispositif de largage de remorque n'avait pas été activé.

Les dispositifs de largage de remorque sont plus efficaces lorsqu'ils sont faciles à identifier, conçus et disposés de façon identique dans tout le navire, illuminés, mis à l'essai en charge et entretenus régulièrement. La conception des dispositifs de largage de remorque du George H Ledcor manquait d'uniformité à plusieurs égards et ne respectait pas ces principes de conception élémentaires.

Si la conception et l'emplacement des dispositifs de largage de remorque ne sont pas optimaux, il y a un risque que les membres d'équipage aient de la difficulté à les repérer et à les activer lorsque le temps presse.

3.0 Fait établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le George H Ledcor a tenté de tirer l'Evco 55 à bâbord, mais a été incapable de changer la trajectoire du chaland chargé, en partie en raison du remorqueur de renfort qui poussait sur sa poupe.
  2. Lorsque le chaland a commencé à dépasser le George H Ledcor, le câble de remorque, qui n'était pas maintenu par des apparaux de retenue, a commencé à exercer une force de travers sur le remorqueur, le mettant en position d'engagement.
  3. Le capitaine a mis plein gaz en poussant la barre complètement à tribord, mais étant donné les forces agissant sur la stabilité du navire, entre autres la poussée des hélices, le courant du fleuve contre la coque et la force croissante exercée par le câble de remorque, cette mesure a fait gîter encore plus le remorqueur.
  4. Comme le remorqueur gîtait de plus en plus et étant donné le câble de remorque raccourci, le capitaine n'a pas eu suffisamment de temps pour prendre des mesures correctives.
  5. L'immersion du livet de pont et du pavois du remorqueur a généré une force de traînée qui a augmenté encore la gîte à tribord du remorqueur. L'équipage a alors tenté de larguer la remorque, mais sans succès, et le remorqueur a rapidement chaviré.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si les capitaines de remorque ne reçoivent pas une formation initiale et récurrente ainsi que des lignes directrices sur les facteurs pouvant mener à un engagement ainsi que sur des stratégies pour contrer ces facteurs, il se pourrait qu'ils ne réagissent pas de manière efficace s'il se produit un engagement.
  2. Si le secteur du remorquage continue de compter principalement sur des pratiques informelles et sur les compétences des capitaines en matière de manœuvre des navires pour gérer les risques d'engagement, il se pourrait que les facteurs menant à l'engagement ne soient pas détectés et corrigés, et qu'ils continuent de provoquer des chavirements.
  3. Si la supervision et les interventions de Transports Canada ne permettent pas de modifier efficacement les pratiques des exploitants de remorqueurs en ce que concerne l'engagement, il y a un risque que d'autres accidents d'engagement se produisent.
  4. Si la conception et l'emplacement des dispositifs de largage de remorque ne sont pas optimaux, il y a un risque que les membres d'équipage aient de la difficulté à les repérer et à les activer lorsque le temps presse.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Ledcor Resources and Transportation Inc.

Après avoir analysé les causes de l'événement, Ledcor a pris les mesures de sécurité suivantes pour prévenir d'autres accidents similaires ou réduire leur probabilité :

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Plan général du George H Ledcor

Annexe B – Événements antérieurs

M91W1035 – Le 20 juin 1991, le remorqueur Seaspan Rustler a été engagé et a chaviré en tentant de reprendre la maîtrise de son remorqué sur le fleuve Fraser (Colombie-Britannique). Le BST a formulé la recommandation M93-15 par suite de cet événement.

M94W0039 – Le 18 juin 1994, le remorqueur Savage Warrior a été engagé et a chaviré alors qu'il halait un chaland chargé près de l'embouchure de la rivière Campbell (Colombie-Britannique), ce qui a provoqué 1 perte de vie.

M95W0006 – Le 12 février 1995, le remorqueur Kaien Pride a été engagé et a chaviré alors qu'il halait un chaland par forts vents sur une mer agitée dans le bras de Cornwall (Colombie-Britannique). Le capitaine est présumé noyé.

M95L0010 – Le 1er mai 1995, le bateau de service Vézina No. 1, qui était utilisé comme remorqueur, a été engagé et a chaviré alors qu'il manœuvrait un autre navire dans le port de Québec (Québec). Le manque d'intégrité de l'étanchéité à l'eau et le fait que le remorqueur n'était pas équipé d'un dispositif de largage de remorque ont contribué à l'accident. Il y a eu 1 perte de vie.

M95W0205 – Le 16 novembre 1995, le remorqueur Duke Point, qui remontait la rivière en halant une allingue, a été engagé et a chaviré en contournant du bois fondrier près de Campbell River (Colombie-Britannique).

M98W0220 – Le 7 octobre 1998, le remorqueur Evco Crest a été engagé, a pris l'eau et a failli chavirer alors qu'il halait un chaland chargé de gravier près du port de Vancouver (Colombie-Britannique).

M99W0119 – Le 19 juillet 1999, le remorqueur Compass Rebel a été engagé et a chaviré sous l'effet du courant alors qu'il halait une allingue dans le bras nord du fleuve Fraser (Colombie-Britannique).

M00L0040 – Le 9 mai 2000, le remorqueur Ocean Jupiter a été engagé et a failli chavirer alors qu'il apportait son aide aux manœuvres de départ d'un navire de haute mer dans le port de Montréal (Québec).

M00L0061 – Le 23 juin 2000, le remorqueur 10D34138 a été engagé et a chaviré lors de l'accostage d'un chaland au lac des Deux Montagnes (Québec).

M03L0137 – Le 9 novembre 2003, le remorqueur Ocean Hercule a été engagé et a failli chavirer alors qu'il halait un chaland à Trois-Rivières (Québec).

M04W0045 – Le 14 mars 2004, le remorqueur Samantha J a été engagé et a chaviré alors qu'il aidait à manœuvrer un chaland de billes de bois au port de Ladysmith (Colombie-Britannique).

M04W0235 – Le 6 novembre 2004, le remorqueur Manson a été engagé, a chaviré et a coulé en tentant de récupérer son deuxième remorqué, dont le câble de remorque s'était rompu, à l'île Texada (Colombie-Britannique). Il y a eu 2 pertes de vie.

M05W0038 – Le 20 mars 2005, le remorqueur Aqua Queen a été engagé et a chaviré en levant les ancres d'un flot dans la baie Toquart (Colombie-Britannique).

M05W0199 – Le 15 octobre 2005, le remorqueur Samantha J a été engagé et a coulé alors qu'il halait un chaland dans le canal Northumberland (Colombie-Britannique).

M07L0175 – Le 7 septembre 2007, le remorqueur Boatman No. 5 a été engagé et a chaviré alors qu'il longeait un chaland sur la rivière Koksoak (Québec).

M07W0012 – Le 21 janvier 2007, le remorqueur Jacques Cartier a été engagé et a gîté fortement à tribord alors qu'il halait un chaland chargé dans le port de Vancouver (Colombie-Britannique).

M07W0072 – Le 6 juin 2007, le remorqueur Glenshiel a été engagé, a chaviré et a coulé rapidement alors qu'il halait un chaland dans les rapides Nakwakto, au passage Seymour (Colombie-Britannique).

M07W0104 – Le 27 juillet 2007, le remorqueur Butler a été engagé et a chaviré alors qu'il halait des billes de bois près du pont ferroviaire de Queensborough dans le bras nord du fleuve Fraser (Colombie-Britannique).

M07W0129 – Le 19 septembre 2007, le remorqueur D & E No. 1 a été engagé et a chaviré alors qu'il halait un chaland de camp de pêche aux îles de la Reine-Charlotte (Colombie-Britannique).

M08W0103 – Le 9 juin 2008, le remorqueur Sea Cap III a été engagé et a chaviré alors qu'il manœuvrait un chaland à Derby Reach, sur le fleuve Fraser (Colombie-Britannique).

M08W0137 – Le 2 juillet 2008, le remorqueur Cricket No. 1 a été engagé et a failli chavirer en manœuvrant un chaland sur la rivière Taku (Colombie-Britannique).

M09C0063 – Le 19 novembre 2009, le remorqueur Connie E a été engagé et a chaviré alors qu'il halait un chaland avec un autre remorqueur sur la voie navigable Trent -- Severn près de Trenton (Ontario).

M09W0039 – Le 7 mars 2009, le remorqueur Island Provider 1 a été engagé et a chaviré alors qu'il halait 2 chalands dans le chenal Sunderland (Colombie-Britannique).

M09W0141 – Le 19 juillet 2009, le remorqueur North Arm Venture a été engagé et a chaviré alors qu'il halait un chaland d'équipement dans les rapides de Sechelt (Colombie-Britannique).

M10W0006 – Le 28 janvier 2010, le remorqueur Iris G a été engagé et a coulé alors qu'il halait un chaland en aval sur le fleuve Fraser (Colombie-Britannique).

M11W0171 – Le 5 octobre 2011, le remorqueur Warnoc a été engagé et a chaviré alors qu'il s'occupait d'un chaland de billes de bois dans la baie Cleo (Colombie-Britannique).

M12W0023 – Le 14 février 2010, le remorqueur Sea Imp XV a été engagé et a chaviré alors qu'il halait un chaland sur le fleuve Fraser près de Mission (Colombie-Britannique).

M12W0153 – Le 28 juin 2012, le remorqueur Sea Cap VII a été engagé et a chaviré alors qu'il déhalait un chaland près du pont Pattullo sur le fleuve Fraser (Colombie-Britannique).

M13W0198 – Le 4 août 2013, le remorqueur Maren J a été engagé et a failli chavirer alors qu'il aidait à des activités de remorquage de chaland dans le canal Northumberland (Colombie-Britannique).

M14P0265 – Le 6 octobre 2014, le remorqueur Samantha J a été engagé et a coulé pendant qu'il déplaçait un chaland dans le canal Northumberland (Colombie-Britannique).

M15P0107 – Le 24 mai 2015, le remorqueur Fraser Warrior a été engagé et a failli chavirer alors qu'il halait un chaland, après une défaillance du levier de direction dans le havre de Prince Rupert (Colombie-Britannique).

M15P0152 – Le 19 juin 2015, le remorqueur Hodder Ranger a été engagé et a chaviré pendant qu'il levait les ancres d'un chaland près de Port Mellon (Colombie-Britannique).

M15C0108 – Le 22 juin 2015, le remorqueur LCM131 a été engagé et a chaviré pendant qu'il manœuvrait un câble de remorque attaché à un chaland dans la Voie maritime du Saint-Laurent près de Cornwall (Ontario).

M15P0298 – Le 11 septembre 2015, le remorqueur Ocean Gordon a été engagé et a chaviré alors qu'il halait un chaland dans le port de Vancouver (Colombie-Britannique).

M16A0415 – Le 5 décembre 2016, le bateau de service C25510PE a été engagé et a chaviré pendant qu'il aidait un remorqueur à manœuvrer un câble près de Borden (Île-du-Prince-Édouard).

M16P0243 – Le 13 juillet 2016, le remorqueur Charles H. Gates VI tentait d'accoster un chaland-citerne de produits pétrolier lorsqu'il a été engagé et heurté par le chaland dans le port de Vancouver (Colombie-Britannique).

M18P0063 – Le 27 février 2018, le remorqueur Seaspan Raven a été engagé et a failli chavirer alors qu'il portait assistance à un navire porte-conteneurs dans le port de Vancouver (Colombie-Britannique).