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Rapport d'enquête de pipeline P12H0105

Rupture d’un gazoduc
estcoast Energy Inc., exploitée sous la raison
sociale spectra energy transmission
gazoduc de Nig Creek, borne kilométrique 1,93
à proximité de Buick (Colombie-Britannique)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 28 juin 2012, à 23h 5, heure normale du Pacifique, le gazoduc de 406,4mm (16po) de Nig Creek, situé à environ 40km au nord-ouest de Buick (Colombie-Britannique) et appartenant à la société Westcoast Energy Inc., s'est rompu et un incendie a suivi. Environ 25 minutes plus tard, le gazoduc de 168, 3mm (6,625po) de la société Bonavista Energy Corporation, installé à proximité dans la même emprise, s'est rompu et un incendie a suivi. Au moment des ruptures, les deux gazoducs étaient hors service et contenaient du gaz acide sous pression. L'incendie s'est propagé aux zones forestières adjacentes. Un cratère de grande dimension a été créé et une section de conduite du gazoduc de Nig Creek ainsi que des débris ont été projetés à environ 20m du point de rupture. Personne n'a été blessé et aucune évacuation n'a été nécessaire.

This report is also available in English.

Renseignements de base

Le 28 juin 2012, à 23h 5Note de bas de page 1, le gazoduc de 406, 4mm (16 po) de Nig Creek, appartenant à la société Westcoast Energy Inc. (Westcoast), exploitée sous la raison sociale Spectra Energy Transmission, s'est rompu à la borne kilométrique 1,93. Le gaz acide s'échappant du gazoduc rompu s'est enflammé et l'incendie s'est propagé à la zone forestière adjacente. Au moment de l'accident, la pression dans le gazoduc était de 6654 kilopascals (kPa).

Environ 25 minutes plus tard, le gazoduc de 168,3mm (6,625po) de la société Bonavista Energy Corporation (Bonavista), situé à proximité dans la même emprise, s'est rompu et le gaz acide ainsi libéré s'est aussi enflammé. La pression dans le gazoduc était de 869kPa et la température du gaz était de 12°C.

Au moment de l'accident, la température ambiante était de 14°C avec des passages nuageux.

Le gazoduc de Nig Creek a libéré un volume total d'environ 955000 m3 de gaz, et celui de Bonavista, d'environ 6400 m3. La superficie totale de la zone incendiée est d'environ 1,6 hectare. Personne n'a été blessé et aucune évacuation n'a été nécessaire.

La zone autour de l'endroit où l'accident s'est produit est une terre publique non arpentée située dans le district régional de Peace River et appartenant à la province de la Colombie-Britannique. La zone touchée (Figure 1) est faiblement peuplée et il n'y a aucune habitation dans un rayon de 12km. La route la plus proche se trouve à environ 400m au nord. La route 97 passe environ à 30km au sud-ouest. La municipalité la plus proche est Buick (Colombie-Britannique), à environ 40km au sud-est. Sa population est de 58 habitants.

Figure 1. Carte de localisation – Lieu de l'accident
Carte du lieu de l'accident

Gazoduc de Nig Creek de Westcoast

Le gazoduc de Nig Creek fait partie du système de collecte de gaz acide du nord de la Colombie-Britannique. Le gazoduc commence à la station de surpression n°9 (BS-9) de Nig Creek et se termine à la station de surpression de Buick Creek, à 45, 6km en aval.

Le gaz acide est acheminé à l'entrée de la station BS-9 par un réseau de collecte et par d'autres gazoducs. À la station de surpression, le gaz acide recueilli est comprimé au besoin et injecté dans le gazoduc de Nig Creek au moyen d'un système de conduites et de dispositifs de commande. Du gaz acide supplémentaire est également recueilli des producteurs à des points de réception situés le long du gazoduc. Le gaz acide est acheminé à l'usine de traitement du gaz McMahon de WestcoastNote de bas de page 2 (usine McMahon) pour y être traité.

Au moment de l'accident, les compresseurs de la station BS-9 ne fonctionnaient pas et le débit de gaz dans le gazoduc était nul en raison de l'arrêt imprévu de l'usine McMahon. Lorsque le débit de gaz entrant dans l'usine est interrompu, le gaz acide continue d'entrer dans le réseau de gazoduc en amont et s'accumule dans le réseau de collecte. Par conséquent, la pression dans le système en amont augmente progressivement jusqu'à ce qu'elle soit uniforme dans la totalité du réseau de collecte ou que les dispositifs de contrôle de la pressionNote de bas de page 3 atteignent leur point de déclenchement.Note de bas de page 4

Le gazoduc de Nig Creek a été conçu et construit en 1960, conformément à la norme B31.1.8 de l'American Standards Association (ASA). Le diamètre extérieur du gazoduc est de 406, 4 mm et l'épaisseur de sa paroi est de 6,35mm. Le gazoduc est en acier doux de nuance 52, conforme aux normes de l'American Petroleum Institute (API) et ayant une limite d'élasticité minimale prescrite (LEMP) de 359 mégapascals (MPa). La pression maximale de service du gazoduc autorisée par l'Office national de l'énergie (ONÉ) est de 6895kPa.

Les sections de conduite soudées longitudinalement ont été fabriquées en 1960 au moyen d'un procédé de soudage par résistance électrique à basse fréquence. Les sections de conduite ont été assemblées sur le chantier au moyen d'un procédé manuel de soudage à l'arc électrique avec électrodes enrobées. Au moment de la construction du gazoduc, il n'y avait pas d'exigence d'effectuer des examens non destructifs des soudures réalisées par résistance électrique. Des inspections radiographiques étaient généralement effectuées de façon aléatoire sur 10% des joints circulaires de production. La surface extérieure du gazoduc avait été revêtue d'un émail asphaltique posé en chantier.

Gazoduc de Bonavista

Le gazoduc de Bonavista, qui relève de la compétence de la British Columbia Oil and Gas Commission, a une pression maximale de service de 3500 kPa et a été mis en service en 1967. Acquis par Bonavista en 2005, ce gazoduc fait partie du système de Bonavista de collecte de gaz acide du nord de la Colombie-Britannique. Il est identifié par la désignation «Projet 22830, segment 1» (gazoduc de Bonavista). La longueur de ce segment de gazoduc est de 5,8km, son diamètre extérieur est de 168, 3mm et l'épaisseur de sa paroi est de 4mm. Il est composé de sections de conduite soudées par résistance électrique et constituées d'acier au carbone API 5L de nuance B ayant une LEMP de 240 MPa. Lors de leur fabrication, les sections de conduite du gazoduc avaient été revêtues de polyéthylène extrudé.

Le gazoduc de Bonavista se trouve dans la même emprise que le gazoduc de Nig Creek. Les deux gazoducs sont parallèles et sont enfouis à environ 3 m l'un de l'autre. Les deux gazoducs transportent du gaz acide, mais dans des directions opposées.

Essai et inspection interne du gazoduc de Nig Creek

En novembre 1960, un essai de pression pneumatique post-construction a été réalisé au moyen de gaz acide. Lors de cet essai, il y eu plusieurs défaillances le long du joint longitudinal des sections de conduite du gazoduc. Il n'existe aucun dossier indiquant le nombre, la cause et l'emplacement des joints défaillants.

En raison d'un besoin urgent de gaz, une autorisation de mise en service provisoire à une pression réduite à 6206kPa a été accordée.

En juin1961, à la suite d'un essai hydrostatique réussi, une autorisation a été accordée afin de permettre l'exploitation du gazoduc à sa pression maximale de service, c'est-à-dire 6895kPa.

Depuis 1961 et jusqu'à l'accident, le gazoduc de Nig Creek n'a subi aucun autre essai de pression.

Un certain nombre d'inspections internes du gazoduc de Nig Creek ont été effectuées:

À la suite de ces 3 inspections internes, aucun défaut de la conduite n'a été détecté aux alentours du lieu de l'accident. Toutefois, de la corrosion a été détectée à d'autres endroits du gazoduc et les réparations suivantes ont été effectuées:

Protection cathodique et revêtement externe du gazoduc de Nig Creek

Dans un gazoduc enfoui, le contrôle de la corrosion externe est généralement assuré au moyen d'un système combiné de revêtement externe et de protection cathodique. La fonction première du revêtement externe consiste à protéger la surface de la conduite de l'environnement extérieur. En cas de dégradation ou de défaillance du revêtement, le système de protection cathodique est conçu pour protéger la conduite de la corrosion.

Sur le gazoduc de Nig Creek (y compris sur les joints circulaires), le revêtement externe est constitué d'un émail asphaltique posé en chantier. Depuis 1960, ce revêtement externe a été réparé à plusieurs endroits le long du gazoduc à l'occasion de diverses excavations effectuées pour vérifier et réparer la conduite, à la suite des inspections internes de 1986, 1995 et 2004. Le revêtement utilisé pour les réparations était constitué d'un ruban à base de pétrole et d'un apprêt adhésif.

Aucune réparation n'a été effectuée sur le revêtement du gazoduc aux alentours du lieu de l'accident, étant donné qu'aucun défaut n'avait été constaté.

Les composants du système de protection cathodique du gazoduc de Nig Creek comprennent des anodes et des redresseurs installés à chaque extrémité du gazoduc. Le redresseur le plus proche du lieu de l'accident est installé en amont, à la station de surpression BS-9. Les stations d'essai les plus proches du lieu de l'accident sont situées aux bornes kilométriques 1,360 (en amont) et 2,813 (en aval). Les 2 plus récentes vérifications du système de protection cathodique ont été effectuées en juillet 2010 et en novembre2011. Ces vérifications ont permis de déterminer qu'aux alentours du lieu de l'accident, le système de protection cathodique était conforme aux exigences réglementaires, puisque tous les relevés du potentiel de polarisation négative dépassaient 850millivolts. Par conséquent, aucune mesure corrective n'était requise.

Information enregistrée

Les données relatives à la pression d'entrée et au débit du gazoduc de Nig Creek enregistrées dans le système SCADA (système d'acquisition et de contrôle des données) pendant les 2 années précédant la rupture ont été examinées (Figure 2).

Figure 2. Historique de la pression d'entrée du gazoduc de Nig Creek sur une période de deux ans
Historique de la pression d'entrée du gazoduc de Nig Creek sur une période de deux ans

Pendant ces 2 années, la pression de service moyenne à l'intérieur du gazoduc de Nig Creek s'est établie à 4350kPa. À quelques reprises, la pression de service a fluctué pendant de courtes périodes, généralement de 24 à 48 heures. Avant juin 2012, la pression de service maximale enregistrée avait atteint 6628 kPa, le 18 janvier 2011. Les fluctuations de la pression dans ce gazoduc sont généralement provoquées par des facteurs d'exploitation (p. ex., disponibilité du gaz, activités d'entretien et mise hors service de l'usine de traitement du gaz).

Le jour de l'accident, à compter d'approximativement 10h, la pression dans le gazoduc de Nig Creek a augmenté progressivement, passant de 4100 kPa à 6656 kPa (Figure 3).

Figure 3. Graphique de la pression d'entrée du gazoduc de Nig Creek le jour de l'accident
Graphique de la pression d'entrée du gazoduc de Nig Creek le jour de l'accident

L'augmentation de pression a été provoquée par l'accumulation du gaz acide arrivant dans le gazoduc de Nig Creek, à la suite de la mise hors service de l'usine McMahon aux environs de 9hle 28 juin 2012.

À 23h5, au moment de la rupture du gazoduc, la pression à la borne kilométrique 0,0 a atteint 6656 kPaNote de bas de page 6, puis a chuté rapidement jusqu'à environ 1000kPa.

Le jour de l'accident, les contrôleurs géraient l'augmentation graduelle de la pression dans le gazoduc provoquée par l'accumulation du gaz à la suite de la mise hors service de l'usine McMahon.

Système SCADA de Westcoast

Le système SCADA est le système d'acquisition et de contrôle des données utilisé dans l'ensemble du réseau de gazoducs de Westcoast. Ce système donne accès aux opérateurs en temps réel aux pressions internes aux emplacements vitaux du réseau de gazoduc. De plus, il fournit des paramètres de fonctionnement importants concernant les installations de compression et usines de traitement ainsi que des données sur la qualité du gaz arrivant dans le gazoduc. Le système SCADA est utilisé par les opérateurs pour exploiter les installations de compression, de contrôle de la pression, de réception et de livraison des installations de gaz brut ainsi que des canalisations principales.

Notification de la rupture du gazoduc

Le 28 juin 2012, entre approximativement 23h14 et 23h23, le système SCADA de Westcoast a signalé et affiché sur les écrans d'alarmes 2 ensembles d'alarmes de basse pression de priorité moyenne provenant des capteurs de la station BS-9. Ces écrans affichent également d'autres alarmes provenant de l'ensemble du système de collecte de gaz de l'entreprise. Toutes les alarmes sont affichées par ordre chronologique. Les alarmes de basse pression étaient intercalées parmi les autres alarmes.

Lorsque ces alarmes de basse pression se sont déclenchées, le contrôleur de gaz de Westcoast surveillait plusieurs systèmes dont la pression de service s'approchait du maximum. À ce moment, l'objectif principal du contrôleur de Westcoast était de prévenir toute surpression dans le système. De plus, lorsque la pression a chuté dans le gazoduc de Nig Creek, plusieurs producteurs de gaz ont téléphONÉ au contrôleur de Westcoast pour lui demander de remettre leurs installations en service, car celles-ci avaient été mises hors service plus tôt à cause des pressions élevées dans le réseau.

Le contrôleur de Westcoast a constaté la présence des alarmes de basse pression à environ 23h30, heure à laquelle il a confirmé les alarmes à l'aide des commandes du système. Initialement, il a interprété ces alarmes comme étant liées à un changement d'état à la station BS-9, conséquence de l'augmentation de pression dans le système de collecte vers la pression de service maximale. Conformément aux procédures de l'entreprise, le contrôleur de Westcoast a alors entrepris d'extraire et d'examiner les données de télémesure du système SCADA afin de confirmer la cause des alarmes.

À 23h30, Bonavista a reçu un appel d'un propriétaire terrien local signalant un incendie important dans l'emprise du gazoduc adjacent à la route de Nig Creek. À la suite de cet appel, Bonavista a examiné les données de télémesure de son système SCADA. Constatant qu'une chute de pression s'était produite dans son gazoduc, Bonavista a alors avisé Westcoast. Aucune alarme de basse pression n'avait été déclenchée par le système SCADA de Bonavista à ce moment.

À 23h42, le contrôleur de Westcoast a reçu un rapport téléphonique du personnel de Bonavista signalant un incendie important près de la station BS-9. Le contrôleur de Westcoast a alors avisé un autre contrôleur ainsi que son superviseur, et a immédiatement déclenché la procédure d'intervention de l'entreprise

À 0h5, le 29 juin 2012, le système SCADA de Westcoast a signalé d'autres alarmes de basse pression provenant des capteurs situés à la borne kilométrique 42,65.

Mesures prises à la suite de la rupture

À la suite de la rupture du gazoduc, les mesures suivantes ont été prises:

Figure 4. Intervention de Westcoast à la suite de la rupture du gazoduc de Nig Creek.
Intervention de Westcoast à la suite de la rupture du gazoduc de Nig Creek
Figure 5. Intervention de Bonavista à la suite de la rupture de son gazoduc.
Intervention de Bonavista à la suite de la rupture de son gazoduc

Examen des lieux

À la suite de l'accident, le BST a effectué un examen détaillé des lieux. Les observations suivantes ont été notées:

Photo 1. Vue aérienne du lieu de l'accident
Vue aérienne du lieu de l'accident
Photo 2. Lieu de l'accident : cratère et section de conduite éjectée
Lieu de l'accident : cratère et section de conduite éjectée

Dans la zone délimitée par le cratère, les revêtements extérieurs des gazoducs de Nig Creek (émail asphaltique) et de Bonavista (polyéthylène extrudé) ont été complètement détruits par l'incendie (Photo 3).

Photo 3. Gazoducs de Bonavista et de Nig Creek à l'intérieur du cratère
Gazoducs de Bonavista et de Nig Creek à l'intérieur du cratère
Photo 4. Section rompue du gazoduc de Nig
Image 1 du section rompue du gazoduc de Nig
Photo 5. Section rompue du gazoduc de Nig
Image 2 du section rompue du gazoduc de Nig

Les sections rompues des deux gazoducs, de même que de courtes sections intactes en amont et en aval de la zone endommagée, ont été découpéesNote de bas de page 8 et envoyées au laboratoire de la société Acuren GroupInc. à Richmond (Colombie-Britannique) pour y être analysées.

Analyse en laboratoire des conduites rompues

L'analyse en laboratoire des sections rompues du gazoduc de Nig Creek a comporté plusieurs volets: examen visuel, inspection magnétoscopique, vérification du revêtement, analyse chimique, métallographie, essai mécanique et essai de dureté. L'analyse en laboratoire a révélé ce qui suit:

Photo 6. Fissure à chaud
Fissure à chaud

L'analyse en laboratoire des segments rompus du gazoduc de Bonavista a comporté plusieurs volets: examen visuel, examen chimique, métallographie et essai de dureté. L'analyse en laboratoire a révélé ce qui suit:

Exigences réglementaires pour la gestion de l'intégrité des pipelines

L'article 40 du Règlement de1999 sur les pipelines terrestres, DORS/99-294, de l'ONÉ, oblige les entreprises à élaborer un programme de gestion de l'intégrité des pipelines. Le Règlement de 1999 sur les pipelines terrestres exige également la mise en application de l'édition la plus récente de la norme CSAZ662Note de bas de page 10, qui contient des dispositions sur le contenu des programmes de gestion de l'intégrité des pipelines.

Bien que l'ONÉ, dans ses Notes d'orientation liées au Règlement de 1999 sur les pipelines terrestres, fournisse quelques orientations pour élaborer un programme de gestion de l'intégrité des pipelines, les compagnies ont une certaine latitude et peuvent agir à leur discrétion pour élaborer le contenu d'un tel programme.

L'ONÉ s'attend à ce que les compagnies réglementées, dans le cadre de leur programme de gestion de l'intégrité des pipelines, surveillent continuellement et identifient de façon proactive les dangers auxquels sont exposés leurs pipelines (peu importe la génération de ceux-ci) et mettent immédiatement à jour leur programme dès que de nouveaux dangers sont identifiés. L'ONÉ surveille en permanence l'efficacité des programmes de chaque compagnie réglementée pour s'assurer que les pipelines peuvent continuer à être utilisés de façon sûre, fiable et responsable sur le plan environnemental.

Ces dispositions font en sorte que les compagnies réglementées mettent au point des programmes de gestion de l'intégrité des pipelines adaptés à leurs circonstances particulières, et font le nécessaire pour corriger les défauts connus ou qui ne satisfont pas aux critères établis par la norme CSAZ662.

Programme de gestion de l'intégrité des pipelines de Westcoast

Le programme de gestion de l'intégrité des pipelines mis en place par Westcoast pour ses réseaux de collecte de gaz acide qui était en vigueur au moment de l'accident comprend un programme d'inspection interne et un programme de surveillance et de contrôle de la corrosion.

Le programme d'inspection interne comprend les éléments suivants :

Toute l'information relative aux inspections et aux excavations, comme les détails des réparations, est entrée dans le système d'information géographique de Westcoast.

Le programme de surveillance et de contrôle de la corrosion comprend :

Bien que le programme de gestion de l'intégrité des pipelines de Westcoast ne spécifie pas de méthodes de contrôle des fissures et des défauts similaires ni d'essai hydrostatique périodique, le programme spécifie que les surfaces extérieures de toutes les conduites exposées lors des excavations soient inspectées pour y déceler des signes de fissure.

Analyse

L'accident

Le gazoduc de Nig Creek s'est rompu à la borne kilométrique 1,93 lorsque la capacité de charge de l'acier de la conduite a été réduite par une fissure à chaud pré-existante le long du joint longitudinal soudé par résistance électrique. Cette fissure a crû par un mécanisme temporel, entraînant l'explosion et l'incendie.

Dans les 14heures (approximativement) avant la rupture, la pression à l'intérieur du gazoduc a augmenté progressivement, passant de 4100 kPa à 6656 kPa. L'augmentation de la pression a été causée par l'accumulation de gaz acide dans le gazoduc de Nig Creek lorsque l'usine McMahon a été temporairement mise hors service. Bien que la pression n'ait pas dépassé la pression maximale de service autorisée de 6895kPa, elle a atteint un niveau suffisant pour rompre la conduite le long du joint longitudinal à partir de la fissure à chaud pré-existante. La fissure à chaud pré-existante ne s'était pas rompue avant parce qu'elle n'avait pas atteint la dimension critique par rapport aux contraintes en service qu'elle avait supportées tout au long des 5 décennies précédentes. Bien que le mécanisme à l'origine de la croissance de la fissure n'a pu être confirmé, il est probable que celle-ci a servi d'amorce, ayant crû pendant une période de temps indéterminée.

Le cratère créé par l'explosion du gazoduc de Nig Creek a exposé le gazoduc de Bonavista. Même si ce gazoduc n'a pas initialement été endommagé par l'explosion, il a été en contact avec l'incendie provoqué par celle-ci. Sur une période d'environ 25 minutes, le gazoduc de Bonavista a surchauffé localement, ce qui a réduit sa résistance et sa capacité à supporter la pression interne. Sous l'effet de la chaleur, la conduite a gonflé et l'acier a cédé jusqu'au point de rupture. Le gaz acide libéré par la rupture du gazoduc de Bonavista s'est enflammé et a contribué à alimenter l'incendie.

Notification de la rupture du gazoduc

Le premier signe d'anomalie sur le gazoduc de Nig Creek s'est manifesté environ 9 minutes après la rupture de la conduite, lorsque le système SCADA de Westcoast a signalé des alarmes de basse pression déclenchées par des capteurs installés à la stationBS-9. Les alarmes se sont déclenchées lorsque l'onde de décompression transitoire, créée par la rupture et se propageant vers l'amont dans la section de la conduite rompue, a atteint les capteurs de la stationBS-9. Ces alarmes étaient intercalées parmi d'autres alarmes affichées sur l'écran du système SCADA et avaient la catégorie de priorité moyenne. Par conséquent, ces alarmes étaient difficiles à distinguer des autres alarmes affichées sur l'écran du système SCADA, dont plusieurs avaient aussi été classées dans la catégorie «prioritémoyenne».

Par ailleurs, les descriptions de ces alarmes ont amené le contrôleur à associer en un premier temps ces dernières à un changement d'état à la stationBS-9 et non à une anomalie sur le gazoduc de Nig Creek. En outre, pendant qu'il surveillait plusieurs systèmes dont la pression s'approchait de la pression maximale de service, le contrôleur a reçu des appels téléphoniques simultanés des producteurs de gaz qui lui demandaient de remettre leurs installations en service.

Les alarmes simultanées, leurs niveaux de priorité et leurs descriptions, conjugués à la nécessité de répondre à un grand nombre d'appels téléphoniques, ont contribué à créer un délai d'environ 16minutes entre le signalement des alarmes par le système SCADA et leur confirmation.

En raison des signaux multiples et alarmes associées aux autres événements, les alarmes pertinentes déclenchées à la suite de la rupture n'ont pas été traitées en temps opportun. Si la charge de travail excessive des contrôleurs n'est pas gérée de façon adéquate, il est possible que les interventions d'urgence soient retardées.

Essai du gazoduc de Nig Creek

En 1960, lorsque le gazoduc de Nig Creek a été soumis à l'essai pneumatique post-construction, il y eu plusieurs défaillances le long du joint longitudinal des sections de conduite du gazoduc. Les défaillances des joints des conduites de cette génération (soudées par résistance électrique à basse fréquence) étaient généralement causées par des défauts, comme une fusion incomplète ou des fissures à chaud. Dans les sections de conduite plus vieilles soudées par résistance électrique à basse fréquence, la probabilité de présence de défauts (p.ex., fusion insuffisante ou fissures à chaud) dans les joints augmente, ce qui accroît les risques de défaillance en service.

Dans cet accident, la fissure à chaud pré-existante est restée inaperçue après avoir survécu à un essai pneumatique réalisé en 1960 et de multiples essais hydrostatiques effectués en 1961. Les essais hydrostatiques réussis réalisés en 1961 ne permettaient pas de gérer le développement d'un mécanisme de croissance temporel associé à des défauts d'origine des joints longitudinaux qui pourraient menacer par la suite l'intégrité du gazoduc en service.

Programme de gestion de l'intégrité des pipelines

L'objectif principal d'un programme de gestion de l'intégrité des pipelines est de s'assurer que les menaces et les dangers pouvant avoir des répercussions sur le fonctionnement sécuritaire d'un pipeline sont détectés et atténués pour faire en sorte que le gazoduc convienne au service continu.

Le programme de gestion de l'intégrité du gazoduc de Nig Creek en vigueur au moment de l'accident avait identifié la corrosion interne et externe comme étant des dangers pour l'intégrité du gazoduc. Ces dangers étaient gérés à l'aide de systèmes de contrôle et de protection de la corrosion, conjugués à des inspections internes périodiques au moyen d'outils d'inspection interne par perte de flux magnétique, ainsi qu'au moyen d'excavations et de réparations ciblées.

Le programme de gestion de l'intégrité du gazoduc de Nig Creek en vigueur au moment de l'accident ne considérait pas que les fissures et défauts similaires puissent représenter un danger suBSTantiel pour l'intégrité du gazoduc. Westcoast estimait que le risque d'exposition du gazoduc à ce type de défaut était faible, compte tenu des caractéristiques physiques, de l'environnement d'exploitation, des données d'essai et d'inspection ainsi que de l'absence de fuites ou de défauts dans les joints soudés par résistance électrique à basse fréquence dans cette conduite ou dans d'autres conduites similaires pendant plus de 50années de service continu. Par conséquent, il n'y avait pas de programme particulier de détection et d'atténuation des fissures et des défauts similaires pour le gazoduc de Nig Creek et ce dernier n'avait pas été soumis à un essai hydrostatique depuis 1961.

Historiquement, les essais hydrostatiques périodiques ont été utilisés par les compagnies de pipeline pour confirmer l'intégrité des sections de conduite menacées par des phénomènes temporels, comme la corrosion, la fissuration et les défauts de fabrication. Bien que les essais hydrostatiques puissent démontrer qu'à un moment précis dans le temps, le pipeline peut supporter une pression donnée, il est possible dans certaines circonstances que ces essais soient à l'origine de mécanismes de défaillance indésirables additionnels comme l'amorce, la réamorce ou la croissance de défauts sous-critiques qui autrement étaient stables. De plus, les essais hydrostatiques ne permettent pas de détecter certains types de défauts sous-critiques susceptibles de présenter des défaillances à des pressions supérieures aux pressions d'essai. En outre, ils risquent de compromettre le système de protection contre la corrosion interne des gazoducs de gaz acide en perturbant la pellicule de sulfure de fer qui recouvre leur surface intérieure.

Le programme de gestion de l'intégrité du gazoduc de Nig Creek comprenait des inspections au moyen d'outils d'inspection interne par perte de flux magnétique à haute résolution pour atténuer les risques liés à la corrosion. Bien que ces outils d'inspection interne aient été utilisés avec succès pour repérer les zones touchées par la corrosion, ils ne sont pas conçus pour détecter les fissures et défauts similaires.

Les outils d'inspection interne permettant de détecter les fissures existent depuis de nombreuses années. Or, les progrès technologiques récents les ont rendus plus faciles à utiliser dans les gazoducs et ont amélioré leur capacité à détecter des fissures et des défauts similaires. Ces dernières années, certains de ces outils ont commencé à démontrer leur capacité à fournir de meilleures données sur l'intégrité des conduites que l'information ponctuelle fournie par les essais de pression hydrostatique. On prévoit que ces outils continueront à se développer et à s'améliorer avec l'appui d'un effort coordonné des compagnies de pipeline, des fournisseurs d'outils, des prestataires de service, des fabricants d'équipement et d'autres organisations.

Toutefois, avant d'utiliser des outils d'inspection interne permettant de détecter les fissures, le type d'outils et la technologie utilisés doivent être évalués pour s'assurer qu'ils conviennent au mécanisme de fissuration dont la présence est soupçonnée dans un pipeline particulier. En effet, certaines technologies et certains outils ne permettent pas de détecter et de distinguer de façon fiable tous les types de fissures et de défauts similaires. Si ces outils ne sont pas faciles d'accès ou s'ils ne permettent pas de détecter de façon fiable les défauts présentant un intérêt, la gestion efficace des fissures et des défauts similaires dans les pipelines en service continuera d'exiger des mesures complémentaires, y compris, mais sans toutefois s'y limiter, des essais hydrostatiques périodiques.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le gazoduc de Nig Creek s'est rompu à la borne kilométrique 1,93 lorsque la capacité de charge de l'acier de la conduite a été réduite par une fissure à chaud pré-existante le long du joint longitudinal soudé par résistance électrique. Cette fissure a crû par un mécanisme temporel, entraînant l'explosion et l'incendie.
  2. Avant la rupture, la pression à l'intérieur du gazoduc a augmenté progressivement en raison de l'accumulation de gaz acide dans le gazoduc de Nig Creek lorsque l'usine McMahon a été temporairement mise hors service.
  3. La pression accrue était suffisante pour rompre la conduite le long du joint longitudinal à partir de la fissure à chaud pré-existante.
  4. Cette fissure a crû pendant une période de temps indéterminée.
  5. Le programme de gestion de l'intégrité du gazoduc de Nig Creek ne considérait pas que les fissures et défauts similaires puissent représenter un danger suBSTantiel pour l'intégrité du gazoduc.

Faits établis quant aux risques

  1. Dans les sections de conduite plus vieilles soudées par résistance électrique à basse fréquence, la probabilité de présence de défauts (p.ex., fusion insuffisante ou fissures à chaud) dans les joints augmente, ce qui accroît les risques de défaillance en service.
  2. En raison des signaux multiples et alarmes associées aux autres événements, les alarmes pertinentes déclenchées à la suite de la rupture n'ont pas été traitées en temps opportun. Si la charge de travail excessive des contrôleurs n'est pas gérée de façon adéquate, il est possible que les interventions d'urgence soient retardées.

Autres faits établis

  1. Bien que les outils d'inspection interne basés sur la perte de flux magnétique aient été utilisés avec succès pour repérer les zones touchées par la corrosion, ils ne sont pas conçus pour détecter les fissures dans les conduites.
  2. Les outils d'inspection interne permettant de détecter les fissures existent depuis de nombreuses années. Or, les progrès technologiques récents les ont rendus plus faciles à utiliser dans les gazoducs et ont amélioré leur capacité à détecter des fissures et des défauts similaires.
  3. Si les outils d'inspection interne pour la détection des fissures ne sont pas faciles d'accès ou s'ils ne permettent pas de détecter de façon fiable les défauts présentant un intérêt, la gestion efficace des fissures et des défauts similaires dans les pipelines en service continuera d'exiger des mesures complémentaires, y compris, mais sans toutefois s'y limiter, des essais hydrostatiques périodiques.
  4. Le gazoduc de Bonavista a surchauffé localement à la suite de la disparition de la couche de terre provoquée par l'explosion du gazoduc de Nig Creek et de l'incendie qui en a résulté. La chaleur a réduit la résistance du gazoduc de Bonavista ainsi que sa capacité à supporter la pression interne. Sous l'effet de la chaleur, la conduite a gonflé et l'acier a cédé jusqu'au point de rupture.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

À la suite de l'accident, l'Office national de l'énergie (ONÉ) a demandé à Westcoast d'effectuer les vérifications d'intégrité et les réparations nécessaires pour préserver l'intégrité du gazoduc avant de demander l'autorisation de le remettre en service.

Westcoast a mis en œuvre les mesures de sécurité suivantes:

  1. Un essai hydrostatique à une pression minimale correspondant à 125% de la pression maximale de service été effectué en août 2012 sur la totalité du gazoduc de Nig Creek. L'essai n'a révélé aucune défaillance du gazoduc.
  2. En octobre 2012, le plan de surveillance et de vérification démontrant que le gazoduc de Nig Creek peut être remis en service a été déposé à l'ONÉ.
  3. Des analyses métallurgiques des autres conduites retirées du gazoduc de Nig Creek pendant les travaux de remise en service ont été demandées.
  4. Une inspection interne visant à détecter les défauts axiaux du gazoduc de Nig Creek sera effectuée en mai 2013.
  5. Une révision des procédures de gestion de la salle de commande, y compris une révision des appellations, des groupements et des priorités des alarmes du système d'acquisition et de contrôle des données (SCADA), a été entreprise. Ces mesures modifieront les priorités et les appellations des alarmes et réduiront le nombre d'alarmes gérées par un contrôleur.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le 4 juin 2013.