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Rapport d'enquête ferroviaire R98T0141

Collision
Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson
Point milliaire 37,8 de la subdivision Galt
Campbellville (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 17 juin 1998, vers 15 h45, heure avancée de l'est (HAE), le train de marchandises no 501-16 du Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson, roulant vers l'ouest sur la voie principale sud de la subdivision Galt, a heurté deux véhicules d'entretien (une petite grue et un lorry) au point milliaire 37,8. Les roues du lorry se sont enchevêtrées sous la seconde locomotive et ont percé le réservoir de carburant, qui a laissé fuir quelque 2 000 gallons de carburant diesel. Personne n'a été blessé lors de cet accident.

This report is also available in English.

Autres renseignements de base

Le 17 juin 1998, le train de marchandises no 501-16 du Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson (train 501) a quitté le triage Agincourt, à Scarborough (Ontario), à destination de London (Ontario). Roulant en direction ouest, le train a suivi la subdivision Belleville jusqu'à Leaside, la subdivision North Toronto de Leaside à West Toronto, et devait suivre la subdivision Galt de West Toronto à London. Le train était formé de 3 locomotives, de 25 wagons intermodaux chargés et de 2 wagons vides. Il mesurait environ 3 300 pieds et pesait quelque 2 700 tonnes.

Dans le secteur où la collision s'est produite, la subdivision Galt était constituée de deux tronçons de voie principale, appelés voie principale nord et voie principale sud. Les mouvements des trains étaient régis par Commande centralisée de la circulation (CCC) en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et ils étaient supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Montréal (Québec). La vitesse maximale autorisée était de 75 mi/h pour les trains de voyageurs et de 50 mi/h pour les trains de marchandises, et était réduite respectivement à 50mi/h et à 45 mi/h dans les courbes situées entre les points milliaires 33 et 39,4. Généralement, 10 trains de banlieue du réseau du gouvernement de l'Ontario (GO) et 24 trains de marchandises passaient chaque jour dans ce secteur. Les mouvements entre les deux tronçons de voie principale se faisaient par l'entremise de liaisons commandées à distance par le CCF. L'occupation des circuits de voie est indiquée à l'écran de contrôle du CCF lorsque le courant électrique traverse les rails ou si le courant est interrompu sur un seul rail. Les roues et les essieux du matériel roulant ferment le circuit entre les rails, permettant au courant de passer d'un rail à l'autre et de générer un signal d'occupation de la voie. Certains véhicules d'entretien activent les circuits de voie de la même manière que le matériel roulant, alors que d'autres sont isolés et peuvent occuper la voie sans activer les circuits. Le CCF et le contremaître savaient tous deux que les véhicules d'entretien n'activaient pas toujours les circuits de voie.

Un programme de travaux d'entretien de la voie était en cours, pendant lequel on devait remplacer des traverses. Au moment de la collision, le gros de l'équipe de pose travaillait sur la voie principale sud, entre le signal 402 du point milliaire 40,2, à l'extrémité ouest de Guelph Junction, et le signal 388-3 du point milliaire 38,85, à Guelph Junction est (Figure 1). Un groupe plus petit, dirigé par un sous-contremaître, travaillait sur la voie principale sud à Campbellville, à environ un mille à l'est du gros de l'équipe, et déchargeait un lorry à l'aide d'une grue à traverses.

Figure 1
<strong>Figure 1</strong>

Les travaux effectués sur les deux tronçons de la voie principale étaient protégés en vertu de la règle 42 du REF, « Protection prévue », qui était en vigueur entre le point milliaire 33 et le point milliaire 40,2 entre 8 Note de bas de page 1 et 17 . Des drapeaux d'avertissement avaient été placés aux points milliaires appropriés le long de la voie. Aux termes de la règle 42, le contremaître qui demande une protection pour une zone de travaux doit communiquer avec le CCF suffisamment à l'avance avant le début de l'application de la protection pour que le CCF s'assure que les trains qui s'approchent de la zone aient en leur possession le Bulletin de marche (BM) pertinent. Le contremaître doit se faire confirmer par le CCF que la protection par BM a été transmise aux trains avant le début des travaux. Dans ce cas-ci, le contremaître est entré en contact avec le CCF au cours de la soirée précédente pour demander la protection des travaux prévus pour le lendemain. Le matin du 17 uin 998, le contremaître a communiqué avec le CCF avant le début des travaux pour confirmer que la protection demandée avait été fournie. Le CCF a confirmé que le Bulletin d'exploitation quotidien (BEQ) no 168, en vigueur à 0 1 le 17 uin 998, contenait le BM no 232, lequel précisait l'application de la règle 42 le 17 uin 998 de 8 à 17 sur la voie nord et la voie sud entre le point milliaire 40,2 et le point milliaire 33,0 de la subdivision Galt.

Le BM étant en vigueur, le contremaître a placé ses drapeaux le long de la voie et a commencé les travaux.

Vers 15h 31, le CCF a communiqué avec le contremaître pour le prévenir que deux trains de marchandises roulant en direction ouest et venant de Toronto s'approchaient dans la subdivision Galt, et qu'un train de marchandises roulant vers le nord approchait en provenance de Hamilton dans la subdivision Hamilton. Le train venant de Hamilton devait entrer sur la voie sud à Guelph Junction et rouler en direction ouest. De plus, le CCF a posé une question au sujet de l'indication d'un circuit de voie qui apparaissait à l'écran de contrôle de CCC pour la voie principale sud à Guelph Junction. Note de bas de page 2 Le contremaître a répondu que l'équipe de pose de traverses était sur la voie principale sud à Guelph Junction. Le contremaître a ensuite demandé si la CCC montrait que la voie était occupée à l'est de « l'aiguillage commandé à distance de la jonction ». Il y avait un aiguillage à double commande à Guelph Junction, et cinq aiguillages à double commande à Guelph Junction est. Le contremaître n'a pas donné de précisions sur l'aiguillage à double commande dont il parlait. En réponse à cette question, le CCF a de nouveau confirmé que le système affichait une occupation de la voie principale sud à Guelph Junction entre le signal 388-3 (Guelph Junction est) et le signal 401-3 (le point où la voie principale nord et la voie principale sud de la subdivision Galt convergent). Le CCF avait supposé que « l'aiguillage commandé à distance » dont il était question était l'aiguillage à double commande situé au point de convergence des voies principales nord et sud. Il semble que le contremaître n'ait pas remarqué que le CCF avait de nouveau décrit l'occupation du circuit de la voie sur laquelle le gros de l'équipe travaillait. Le CCF a ensuite demandé au contremaître s'il pourrait faire passer un train venant de Hamilton, qui entrerait dans sa zone protégée à Guelph Junction en provenance de l'est. Le contremaître a fait savoir qu'il serait prêt à laisser passer le train dans cinq minutes environ.

Le CCF s'est rappelé que le train 501 devait rouler en direction ouest sur la voie principale sud, pénétrer au point milliaire 33 dans la zone protégée par la règle 42, passer par les aiguillages de liaison de Guelph Junction est, au point milliaire 38,7, passer sur la voie principale nord et continuer sa route en direction ouest dans le reste de la zone protégée du contremaître.

Les procédures de contrôle de la circulation du Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson n'exigeaient pas officiellement que le CCF communique avec le contremaître pour établir l'itinéraire désiré des trains. La compagnie estimait que, pour les besoins de l'exploitation, le CCF et le contremaître devaient communiquer ensemble pour déterminer où et quand les trains devaient passer.

Le contremaître a communiqué, comme il devait le faire, avec le sous-contremaître qui travaillait sur la voie sud à Campbellville, pour l'aviser de l'arrivée imminente du train 501, et a reçu son accord pour laisser le train passer sur la voie principale nord.

Le train 501, roulant vers l'ouest sur la voie principale sud, a dépassé le signal 321-3 (point milliaire 32,1, à Milton), lequel indiquait une absence d'ordres de marche. Cet endroit était le dernier où l'on aurait pu faire passer le train de la voie principale sud à la voie principale nord avant le point où la collision s'est produite. Alors que le train approchait du drapeau rouge placé au point milliaire 33, les membres de l'équipe ont communiqué par radio avec le contremaître pour s'identifier, donner leur position et demander des instructions. L'équipe n'a pas dit au contremaître sur quelle voie le train approchait, et n'était pas non plus tenue de le faire. Le contremaître a donné au train 501 des instructions disant de « poursuivre sa route sur la voie nord » en passant par la zone protégée, et de se conformer à « une seule restriction - une limitation de vitesse de 30 mi/h sur la voie sud à Guelph Junction ». L'équipe du train a répété cette instruction de la façon suivante « . . poursuivre sa route sur la voie principale . . . . ». Le contremaître a accusé réception de la répétition transmise par l'équipe du train en précisant l'heure, et a indiqué 15 h 35 sur le formulaire approprié. Le contremaître s'est rappelé qu'au moment où l'équipe a répété l'instruction, il a été distrait par un autre employé qui s'adressait à lui. L'équipe se rappelle avoir consigné les instructions du contremaître dans le BEQ. Le BEQ en question n'a pas été retrouvé.

On emploie le terme conscience de la situation pour décrire la façon dont une personne perçoit les conditions et les contingences d'une situation donnée. Généralement, on acquiert une conscience de la situation à trois niveaux différents. Note de bas de page 3 Initialement, la personne perçoit les éléments d'une situation à partir d'affichages, de communications ou d'autres moyens de référence. Cette information est ensuite intégrée en une compréhension globale de la situation grâce à l'application de l'expérience passée et à la connaissance du fonctionnement du système. Enfin, la personne projette l'information acquise dans l'avenir afin d'établir et de modifier les plans selon que les tâches sont exécutées ou que leur déroulement est retardé en raison d'événements nouveaux. Les indices ou l'information relatifs à la situation peuvent varier, c'est-à-dire qu'ils peuvent être plus ou moins clairs ou ambigus. Plus les indices sont clairs, moins l'effort mental nécessaire pour les interpréter est grand et plus le diagnostic de la situation devrait être exact.

Le processus de communication est complexe et peut donner lieu à des erreurs, en raison de la nature imprécise du langage naturel, combinée aux résultats attendus compte tenu de la situation. Note de bas de page 4 On a préconisé plusieurs contre-mesures afin de prévenir les erreurs liées à la transmission et la réception d'instructions verbales, notamment la redondance, la précision, et la sensibilisation aux dangers découlant des communications imprécises. Les règles de l'industrie et les instructions spéciales qui sont exposées ci-après énoncent les procédures destinées à assurer l'exactitude de la communication :

La règle 42 du REF, Protection prévue, exige notamment :

  • (b) Un train ou une locomotive en possession du modèle Y d'ordre de marche ne doit pas poursuivre sa route au-delà du signal rouge prescrit par l'alinéa a) i), ni entrer dans la zone protégée indiquée dans le BM, ni inverser son mouvement à l'intérieur de cette zone avant d'avoir reçu des instructions du contremaître nommé dans le BM. Lorsqu'il faut utiliser une voie en particulier, les instructions du contremaître doivent préciser la voie sur laquelle les instructions s'appliquent.
  • (c) Les instructions ne doivent être mises à exécution qu'après avoir été répétées au contremaître nommé dans le BM, et avoir fait l'objet d'un accusé de réception de sa part.

L'instruction spéciale pour le réseau qui vise l'application de l'alinéa 42 c) exige que

Les instructions visant l'entrée et la circulation dans une zone protégée doivent être consignées par écrit par le contremaître et un membre de l'équipe.

La Règle d'exploitation (v) du REF exige :

Dans le présent règlement, les instructions spéciales et les instructions générales d'exploitation, la mention « par écrit » utilisée à propos d'une permission, d'une autorisation ou d'une instruction indique que le destinataire qui ne reçoit pas le message en main propre doit en prendre par écrit le contenu et le répéter à l'expéditeur pour confirmer qu'il a été bien reçu.

La règle 42 du REF ne précise pas les modalités relatives à l'accusé de réception; toutefois, les chemins de fer ont adopté dans leurs procédures le concept d'accusé de réception qui figure dans la règle 140 du REF, intitulée Document répété et complété, qui dit notamment :

  • (b) . . . Si tout [la répétition] est correct, et après avoir reçu les signatures s'il y a lieu, le CCF répondra par le mot « Complété », qu'il fera suivre de l'heure et des initiales du CCF. L'employé qui prend par écrit le document inscrira ces renseignements et en accusera réception en les répétant au CCF.

La règle 134 du REF, intitulée Brièveté, clarté et prononciation, dit notamment :

  • (c) Pour transmettre et répéter par liaison phonique, il faut prononcer distinctement tous les mots et numéros. Lorsque la communication doit être prise par écrit, il faut prononcer les numéros au complet, puis les répéter en énumérant chaque chiffre. Enfin, les numéros exprimés par un seul chiffre doivent être prononcés, puis épelés.

L'annexe « A » de l'imprimé V280F du CFCP, Règlement pour la protection des véhicules d'entretien et des travaux en voie, dit notamment :

  • (e) Le contremaître ne doit pas donner l'instruction à un train ou à une locomotive d'entrer ou de se déplacer dans la zone d'application du POV [permis d'occuper la voie] ou du modèle Y avant que chaque sous-contremaître ait signalé avoir dégagé la voie ou portion de voie à utiliser et que celle-ci soit sans danger pour les mouvements de train ou de locomotive.

Aux abords du point où la collision s'est produite, la visibilité à partir de la locomotive était limitée à 800 pieds environ, en raison de la courbure de la voie. En apercevant les machines sur la voie, l'équipe du train a immédiatement commandé un freinage d'urgence, a lancé un message radio d'urgence, et a actionné le sifflet de la locomotive afin d'avertir les employés d'entretien de la voie. Tous les employés ont pu s'éloigner des machines et n'ont pas été blessés. Après le contact, les machines ont été poussées vers l'ouest sur une distance d'environ 400 pieds; le mouvement s'est arrêté alors que la seconde locomotive était sur le passage à niveau public du chemin de canton Guelph, dans la ville de Campbellville. La grue a heurté et brisé un poteau d'électricité dans le quadrant sud-ouest du passage à niveau, et le lorry s'est retrouvé sous la seconde locomotive et a perforé le réservoir de carburant, lequel a laissé fuir quelque 2 000 gallons de carburant diesel.

Le secteur immédiat où la collision s'est produite faisait partie de l'escarpement du Niagara. Il y avait une source à environ 1 000 pieds en aval du passage à niveau. Le service d'incendie local et la Police provinciale de l'Ontario sont intervenus. La route a été bloquée et la circulation automobile a été détournée.

Une grande partie du carburant répandu a été rapidement absorbée par le sol poreux adjacent. On a dépêché des équipements spécialisés afin de récupérer le combustible accumulé dans des fosses munies de digues d'arrêt qu'on avait aménagées en toute hâte pour contenir le déversement. Le passage à niveau public du chemin de canton Guelph est resté fermé pendant quatre heures environ. Le matériel roulant du train n'a pas déraillé.

Le consignateur d'événements de la locomotive a indiqué qu'au moment du serrage d'urgence des freins, vers 15 h 45, le train roulait à 40,9 mi/h. Le consignateur a aussi révélé que le train a parcouru environ 1 000 pieds avant de s'immobiliser.

L'équipe du train 501 était composée d'un mécanicien et d'un chef de train. Ils étaient qualifiés pour occuper leurs postes respectifs et se conformaient aux exigences en matière de condition physique et de repos. Le contremaître était qualifié pour occuper son poste et était bien reposé.

Le CCF possédait les qualifications exigées par son poste. Il a pris son quart de travail à 15 h, après un transfert réglementaire avec le CCF dont il prenait la relève. Le transfert a inclus une discussion au sujet des travaux en voie qui étaient en cours entre Milton et Guelph Junction, et du fait que trois trains (le 501, le 509 et le Hamilton Turn) allaient bientôt demander la permission de passer dans la zone protégée du contremaître. Le CCF s'est rappelé qu'au moment où il a assumé le contrôle au pupitre, vers 15 h 15, le train 501 roulait vers l'ouest sur la voie principale sud dans le secteur de Streetsville, point milliaire 20,3, et devait suivre la voie sud dans le reste du territoire de CCC de la subdivision Galt, jusqu'au point milliaire 40,2.

Au moment de l'accident, le ciel était dégagé, la température était de 24 °C, des vents légers et variables soufflaient du nord-ouest et il n'y avait pas de précipitations.

Analyse

Les processus de communication entre le contremaître, l'équipe du train et le CCF ont amené ces personnes à percevoir la situation de façon inexacte. Ni le CCF ni l'équipe du train ne savaient que des véhicules d'entretien se trouvaient sur la voie sud au point milliaire 37,8, et le contremaître ne savait pas qu'un train circulait sur la voie sud. De plus, des erreurs de procédure ont été commises et, à certaines occasions, les procédures n'ont pas été suivies à la lettre.

Les principales sources d'information que le CCF avait à sa disposition pour connaître la position des travaux sur la voie étaient les indications d'occupation des circuits de voie à l'écran de contrôle, et les communications avec le contremaître. L'occupation d'un circuit de voie n'est pas une façon sûre de savoir à quel endroit des travaux sont en cours sur la voie, car les véhicules d'entretien n'activent pas tous les circuits de voie; par conséquent, les communications peuvent jouer un rôle critique.

Bien que la conversation entre le CCF et le contremaître ait visé à déterminer sur quelle voie les trains devraient être dirigés aux abords de la zone protégée du contremaître, l'emploi de langage non uniformisé et des procédures de communication non structurées ont donné lieu à un malentendu. Quand le contremaître a demandé si l'écran de contrôle montrait une occupation du circuit de voie à l'est de l'aiguillage commandé à distance de Guelph Junction, il essayait vraisemblablement de déterminer si le CCF était au courant de la position du sous-contremaître. Le contremaître parlait du circuit de voie situé à l'est des aiguillages de liaison de Guelph Junction est. Quand le CCF a répondu, il a identifié le canton à l'aide des numéros de signaux. Le contremaître ne s'est pas aperçu que, pour la seconde fois consécutive, il avait décrit l'occupation du circuit de voie situé à l'ouest des aiguillages de liaison de Guelph Junction est, en l'occurrence la position du gros de l'équipe de pose.

À la suite de cet échange, le CCF a cru que toute l'équipe de pose de traverses se trouvait sur la voie principale sud, à l'ouest des liaisons de Guelph Junction est. Le contremaître a cru avoir informé correctement le CCF de la position de son sous-contremaître, à l'est de ces liaisons. À partir de la connaissance qu'il avait de la position de l'équipe de pose de traverses, le CCF a laissé le train 501 rouler sur la voie principale sud jusqu'aux liaisons de Guelph Junction est, en l'occurrence sur la voie même où le sous-contremaître travaillait.

Les deux principales sources d'information dont le contremaître disposait pour se faire une idée de la situation étaient les communications avec le CCF et avec l'équipe du train. Il est vraisemblable que le contremaître, lorsqu'il a essayé d'établir si la grue et le lorry du sous-contremaître avaient activé un circuit de voie, voulait vérifier si le CCF connaissait la position où le sous-contremaître travaillait. Toutefois, l'emploi d'un langage imprécis a fait en sorte que les deux interlocuteurs ont mal interprété les renseignements. En l'absence de procédure uniformisée de communication pour établir l'itinéraire spécifique d'un train (pour les mouvements de trains dans un territoire à voie multiple régi par la règle 42) le contremaître et le CCF ont dû déterminer les questions dont ils devaient discuter. Faute d'instructions suffisantes à ce sujet, leur conversation a porté sur les indications fournies par les circuits de voie et a négligé l'établissement d'un itinéraire approprié. Les instructions spéciales émises par la compagnie peu après cette collision ont officialisé les exigences relatives aux communications entre les contremaîtres et les CCF quant à l'établissement de l'itinéraire des trains et ont comblé cette lacune dans la procédure.

Au sujet de la communication entre le contremaître et l'équipe du train, les procédures de la compagnie n'obligeaient pas l'équipe du train à informer le contremaître de la voie sur laquelle le train roulait pendant que celui-ci approchait de la zone protégée du contremaître. Le contremaître a cru que le CCF se représentait clairement la position occupée par le sous-contremaître et que, par conséquent, il aurait fait passer les trains sur la voie nord. Le contremaître savait qu'il n'y avait pas de liaisons entre le drapeau rouge du point milliaire 33,0 et l'endroit où son sous-contremaître était à l'oeuvre. Si l'équipe avait informé le contremaître de la voie sur laquelle le train approchait, le contremaître aurait peut-être pu prendre des mesures pour prévenir la collision.

Pour acquérir une connaissance de la situation relative à la position des travaux, les équipes des trains communiquent avec les contremaîtres. En territoire régi par CCC, l'indication d'un signal peut souvent s'avérer être un indice trompeur; par exemple, l'équipe a pu voir un signal d'autorisation de rouler et, pourtant, peut ne pas être autorisée à poursuivre sa route sur cette voie à moins que le contremaître n'en donne la permission. Dans le cas de cet accident, il y avait un signal clair autorisant les mouvements en direction ouest sur la voie sud, immédiatement avant l'entrée de la zone protégée. Même si, dans les instructions qu'il a données à l'équipe, le contremaître avait précisé que le train devait poursuivre sa route sur la voie nord, l'équipe a répété « voie principale » plutôt que « voie nord », et le contremaître n'a pas détecté l'erreur et a confirmé la répétition comme étant correcte. La distraction du contremaître au moment de la répétition a pu contribuer au fait qu'il n'ait pas relevé l'erreur, et l'équipe du train, croyant que le CCF et le contremaître devaient s'assurer que les trains étaient acheminés sur les voies appropriées, a peut-être accordé moins d'importance qu'elle aurait dû à cette communication critique.

Pour se protéger contre les erreurs de communication, la compagnie de chemin de fer s'en remet à ses employés, lesquels doivent se conformer strictement aux procédures et règles pertinentes. Pour assurer la conformité, la compagnie s'en remet aux activités de supervision, par exemple la surveillance des communications radio et les tests de compétence, et sur le fait que les employés connaissent bien les incidences d'un manque d'exactitude dans les communications. Bien qu'on ait suivi « grosso modo » les procédures existantes, les exigences relatives à l'emploi d'un langage structuré n'ont pas été respectées. De plus, le CCF et le contremaître n'avaient pas établi un processus structuré visant à établir l'itinéraire approprié des trains, et les équipes des trains n'étaient pas tenues d'informer le contremaître de la voie sur laquelle elles approchaient.

Faits établis

  1. Comme il n'était pas obligatoire d'établir l'itinéraire que les trains devaient suivre dans la zone protégée du contremaître, le contremaître et le CCF ont engagé une communication ad hoc, faisant appel à un langage non structuré, qui a amené les deux parties à se faire une idée inexacte de la situation.
  2. La perception inexacte de la situation a incité le CCF à décider de faire passer le train sur la voie sud, là où se trouvait le sous-contremaître, et a contribué au fait que le contremaître n'ait pas détecté une erreur dans la répétition de ses instructions par l'équipe du train.
  3. Le fait que le contremaître ait été interrompu par une tierce partie au moment où l'équipe du train répétait ses instructions a contribué au fait que le contremaître n'ait pas détecté l'erreur dans la répétition et ait confirmé cette erreur comme étant correcte.
  4. L'équipe du train n'a pas été suffisamment attentive à la portion des instructions du contremaître qui portait sur l'itinéraire, car elle croyait que le contremaître et le CCF s'étaient entendus au préalable sur le choix de l'itinéraire.
  5. L'équipe du train a interprété erronément le signal d'absence d'ordres de marche donné par le signal 321-3, et a compris que le signal indiquait que l'itinéraire correct avait été établi au préalable.
  6. La protection accordée par la règle 42 du REF, Protection prévue, dans un territoire à voie multiple régi par CCC, a été amoindrie puisqu'il n'existe pas de procédures qui obligent les CCF et les contremaîtres à bien se comprendre quant à l'itinéraire des trains, et qui obligent les équipes des trains à informer les contremaîtres de la voie sur laquelle elles abordent une zone protégée.

Causes et facteurs contributifs

La collision s'est produite parce que, contrairement aux instructions du contremaître, on a fait rouler le train sur la voie sud pour le faire entrer dans la zone protégée. Une série d'erreurs de procédure et de communications erronées entre le contremaître et le CCF et entre le contremaître et l'équipe du train a fait en sorte qu'on a choisi de faire suivre un itinéraire non approprié au train et que des erreurs critiques n'ont pas été détectées.

Mesures de sécurité

Mesures prises

Transports Canada

Le 19 juin 1998, Transports Canada a fait part officiellement de ses préoccupations quant au nombre d'accidents à signaler impliquant des contremaîtres qui étaient survenus depuis juin 1997, et plus particulièrement des accidents impliquant des trains du Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson qui étaient entrés sans permission dans la zone protégée d'un contremaître. On demandait particulièrement à la compagnie de fournir des détails quant aux correctifs qu'elle entendait appliquer pour prévenir la répétition d'accidents de cette nature.

À la suite d'un accident survenu le 14 juillet 1998 dans la subdivision Belleville du Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson, lors duquel un train est entré dans la zone protégée d'un contremaître sans permission, Transports Canada a publié un avis à l'intention de la compagnie en vertu de l'article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire . L'avis décrivait comment les trains qui entrent dans une zone protégée sans avoir obtenu des instructions appropriées des contremaîtres menaçaient la sécurité ferroviaire. Il précisait aussi que des communications non appropriées pouvaient causer des blessures ou des pertes de vies ou être à l'origine de collisions.

Transports Canada fait savoir qu'en réponse à l'avis émis par TC aux termes de l'article 31, la compagnie a pris ou entend prendre les mesures suivantes :

  1. la compagnie a mis l'accent sur les tests de compétence relatifs à la règle 42 du REF et sur le programme de formation des CCF;
  2. la compagnie a créé un poste permanent d'instructeur spécialisé dans le domaine des règles d'exploitation, à son Centre de gestion du réseau situé à Montréal;
  3. la compagnie a établi un comité de santé et sécurité au travail au nouveau centre;
  4. la compagnie a mené un programme de perfectionnement d'une journée complète à la grandeur de l'Ontario et du Québec, à la fin de 1998 et au début de 1999;
  5. la compagnie mènera des activités d'éducation du personnel des opérations régionales au moyen de différentes méthodes de communication, notamment des bulletins, des réunions sur la sécurité, et des discussions individualisées;
  6. la compagnie met actuellement au point une série de modules sur la sensibilisation à la sécurité, intitulée « Communication », qui sera mise en oeuvre au début de 1999;
  7. la compagnie a élaboré une politique relative à la protection des voies multiples à l'intention du personnel d'entretien de la voie qui travaille dans des territoires où la voie est double.

Transports Canada fait savoir que les correctifs mis en oeuvre par le Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson satisfont le Ministère et que l'avis émis en vertu de l'article 31 a été abrogé le 16 novembre 1998.

Chemin de fer Canadien Pacifique (Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson)

Le 22 juillet 1998, le Chemin de fer Canadien Pacifique a publié l'instruction spéciale suivante relative à la règle 42 b) du REF. L'instruction spéciale se lit comme il suit :

En CCC, lorsqu'il y a plusieurs itinéraires possibles pour un train ou une locomotive qui approchent de la zone d'application d'une protection - règle 42 ou qui se trouvent dans cette zone, le CCF et le contremaître doivent s'entendre sur les voies à utiliser avant que soit autorisé tout mouvement à l'intérieur de la zone.

Le CCF s'assurera que les aiguillages sont orientés pour les voies en question.

Lorsque le même itinéraire est accordé pour plusieurs mouvements de train ou de locomotive, l'instruction doit être enregistrée par le CCF, qui la répétera au contremaître pour en assurer la bonne compréhension.

Cette instruction a eu pour effet d'obliger officiellement le contremaître et le CCF à établir l'itinéraire des trains dans les territoires à voie multiple régis par CCC, avant que les trains arrivent dans les zones protégées.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Par conséquent, le Bureau, composé du Président Benoît Bouchard, ainsi que des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros, a autorisé la publication du présent rapport le .