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Rapport d'enquête ferroviaire R07D0111

Collision à un passage à niveau
du train de voyageurs numéro 35
exploité par VIA Rail Canada Inc.
au point milliaire 23,57
de la subdivision Kingston du Canadien National
à Pincourt/Terrasse-Vaudreuil (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 17 décembre 2007 vers 15 h 49, heure normale de l'Est, le train de voyageurs no 35 de VIA Rail Canada Inc., qui roulait en direction ouest à une vitesse de 62 mi/h sur la voie principale sud de la subdivision Kingston du Canadien National, a heurté un tracteur à semi-remorque vide qui était immobilisé sur le passage à niveau public de la 3e Avenue, au point milliaire 23,57, près de Pincourt/Terrasse-Vaudreuil (Québec). Le tracteur à semi-remorque a été détruit; la locomotive a subi des dommages et n'a pas pu poursuivre sa route. À la suite de la collision, 76 voyageurs ont été transférés à bord d'un autre train de VIA Rail Canada Inc. et la circulation ferroviaire a été retardée pendant près de 3 heures ½. Le conducteur du tracteur à semi-remorque a subi des blessures mineures. Le train n'a pas déraillé et la voie n'a pas été endommagée.

This report is also available in English.

1.0 Renseignements de base

Le 17 décembre 2007 vers 15 h 5, heure normale de l'EstNote de bas de page 1, le train de voyageurs no 35 (VIA 35) exploité par VIA Rail Canada Inc. (VIA) part de Montréal (Québec) vers l'ouest à destination d'Ottawa (Ontario). Le train se compose d'une locomotive et de quatre voitures. L'équipe du VIA 35 compte trois employés des services de bord et deux mécaniciens : un qui a la responsabilité du train (chef de train de VIA) et un autre qui conduit la locomotive (mécanicien de VIA). Les deux mécaniciens satisfont aux normes en matière de repos et de condition physique, répondent aux exigences de leurs postes respectifs et connaissent bien le territoire.

1.1 L'accident

À 15 h 48 min 47 s, le VIA 35 roule à une vitesse de 74 mi/h sur la voie sud dans une courbe vers la droite et s'approche du passage à niveau public automatisé (le passage à niveau) qui se trouve au point milliaire 23,57 de la subdivision Kingston du Canadien National (CN), près de Pincourt/Terrasse-Vaudreuil (Québec) (voir la figure 1).

Figure 1. Carte du lieu du déraillement (Source : Association des chemins de fer du Canada,
Atlas des chemins de fer canadiens )
Carte du lieu du déraillement

Tandis que le VIA 35 est dans la courbe, les membres de l'équipe aperçoivent le passage à niveau à environ 1800 pieds à l'ouest. Le mécanicien de VIA remarque un tracteur à semi-remorque (le camion) faisant face au nord, qui est immobilisé sur le passage à niveau, tandis que le train M31031-16 du CN (CN 310) en direction est semble être stationnaire sur la voie nord, à l'ouest du passage à niveau (voir la figure 2).

Figure 2. Diagramme du lieu de l'accident
Diagramme du lieu de l'accident

Le chef de train de VIA est en train de répéter l'information d'un bulletin de marche par téléphone cellulaire au centre de contrôle de la circulation ferroviaire de la subdivision Alexandria lorsque le mécanicien de VIA, qui reste à l'écoute de la fréquence radio d'attente (canal 1), l'informe qu'une collision est imminente. Le mécanicien du VIA 35 transmet immédiatement un message radio d'urgence sur les ondes du canal 1, puis il serre les freins d'urgence à 15 h 35 min 57 s. À 15 h 49 min 7 s, alors qu'il roule à 62 mi/h, le VIA 35 heurte le camion au passage à niveau. À partir du moment où les freins d'urgence du VIA 35 sont serrés, le train parcourt 2746 pieds avant de s'immobiliser sur la voie sud, parallèlement au CN 310, à 15 h 49 min 46 s.

Le ciel est dégagé, la température est de −11 °C et le vent souffle du nord-est à 30 km/h. La veille, une forte tempête de neige a balayé la région et a laissé au sol 32 cm de neige. Il y a des accumulations de neige le long de la plupart des routes, et la surface des routes est enneigée et glacée.

1.2 Le camion

Le camion, appartenant à Multi-Marques Inc., consistait en un tracteur et une remorque couverte. Le tracteur était un Volvo VNL64 construit en 1999; son équipement standard comprenait un enregistreur de données de conduite. La remorque, fabriquée en 1995 par Manac, mesurait 53 pieds de longueur et avait un poids à vide de 15 800 livres. Le tracteur et la remorque avaient tous deux fait l'objet d'un entretien régulier, étaient en bon état mécanique et avaient passé à l'automne 2007 les inspections de sécurité exigées par le Québec. Le tracteur était équipé de pneus d'hiver dont l'usure de la bande de roulement était minimale.

La remorque était vide et le conducteur allait ramasser un chargement aux installations de Polymos, une entreprise de fabrication d'articles en plastique dont les locaux se trouvent à Terrasse-Vaudreuil. Le conducteur a roulé en direction ouest sur l'autoroute 20, a quitté l'autoroute à la sortie 35 et a arrêté son véhicule au panneau d'arrêt de la 3e Avenue vers 15 h 45 min 0 s. Le conducteur a fait un virage large pour s'engager dans l'intersection et a commencé à tourner à droite sur la 3e Avenue en vue de traverser les voies ferrées. Au moment où le tracteur franchissait la voie nord du CN en débordant sur le côté gauche de la route, le train arrière de la remorque est resté enlisé dans un gros banc de neige à l'angle sud-est de la 3e Avenue et de la sortie 35 de l'autoroute, après quoi les pneus arrière du tracteur se sont mis à patiner sur la surface glacée du passage à niveau.

Après avoir essayé à plusieurs reprises de dégager la remorque, sans succès, le conducteur a reçu de l'aide d'un automobiliste qui s'était arrêté pour lui porter secours; ils ont alors aperçu le CN 310 qui arrivait de l'ouest sur la voie nord. Le conducteur est sorti de la cabine du camion et s'est placé sur la voie nord, près de l'arrière du tracteur, et a fait des signaux de la main pour avertir le train que son camion était coincé. Le CN 310 s'est arrêté un peu à l'ouest du passage à niveau. Le conducteur est allé à l'arrière du tracteur pour prendre du matériel destiné à accroître l'adhérence, il est revenu à la cabine du camion pour prendre des gants, et a alors vu que le VIA 35 arrivait de l'est sur la voie sud. Le conducteur a quitté rapidement la cabine et a poussé l'automobiliste en direction nord, à l'écart du tracteur, au moment où le VIA 35 heurtait l'avant de la remorque. D'après les données de l'enregistreur de données de conduite, le camion était immobilisé sur le passage à niveau depuis 3 minutes 40 secondes avant la collision.

1.3 Train CN 310

Vers 8 h, le CN 310 est parti de Belleville (Ontario) à destination de Montréal. Le train se composait d'une locomotive et de 83 wagons (45 chargés et 38 vides); il mesurait 4998 pieds et pesait 6798 tonnes. L'équipe était constituée d'un mécanicien et d'un chef de train. Les deux membres de l'équipe satisfaisaient aux normes en matière de repos et de condition physique, répondaient aux exigences de leurs postes respectifs et connaissaient bien le territoire.

À 15 h 47 min 0 s, le CN 310 circulait à 32 mi/h sur la voie nord de la subdivision Kingston et approchait du passage à niveau. À environ un demi-mille à l'ouest du passage à niveau, l'équipe a remarqué un camion sur la voie, mais n'a pas pu déterminer si ce camion était en mouvement. Par mesure de précaution, le mécanicien a commandé une réduction de pression dans la conduite générale à 15 h 47 min 40 s, pour faire ralentir le train. Peu de temps après, les membres de l'équipe ont constaté que le camion était immobilisé sur le passage à niveau, et ont alors serré les freins d'urgence du train à 15 h 48 min 0 s.

Les membres de l'équipe ont concentré leur attention sur le conducteur du camion et l'automobiliste qui étaient au passage à niveau. Tandis que le train avançait encore, le chef de train est sorti de la cabine et s'est placé sur la plate-forme avant de la locomotive pour les avertir de dégager la voie. Constatant qu'ils étaient trop loin pour pouvoir l'entendre, le chef de train est rentré dans la cabine. Le train s'est immobilisé à 15 h 48 min 44 s, à environ 750 pieds à l'ouest du passage à niveau, et les membres de l'équipe ont vu le conducteur retourner vers le camion au moment où le VIA 35 apparaissait à l'est du passage à niveau. Après avoir arrêté son train, l'équipe du CN 310 a transmis un message d'urgence sur les ondes du canal 1, et a ensuite actionné le sifflet de locomotive à 15 h 48 min 51 s afin d'avertir le conducteur du camion et l'automobiliste de l'arrivée imminente du VIA 35.

1.4 Messages radio d'urgence

On a établi la chronologie ci-dessous après avoir fait des recoupements entre l'information provenant des détecteurs de boîtes chaudes, l'information consignée par le centre de contrôle de la circulation ferroviaire et les données téléchargées des consignateurs d'événements de locomotive.

Ni l'une ni l'autre des équipes des trains n'a entendu le message radio d'urgence transmis par l'autre train sur les ondes du canal 1.

1.5 Intervention d'urgence

Une fois les deux trains immobilisés, les deux équipes ont appliqué les procédures d'urgence et ont demandé l'envoi de personnel d'intervention d'urgence et de personnel médical. Le CCF du CN a fait des appels d'urgence, il a notamment communiqué avec le CCF du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) et a veillé à assurer la protection de la voie principale double de la subdivision Vaudreuil du CFCP, puisque cette voie est adjacente et parallèle à la subdivision Kingston à cet endroit. La police et des représentants du CN, des représentants et du personnel d'urgence de VIA, la Sûreté du Québec, des ambulanciers paramédicaux et des employés du service des incendies local sont arrivés rapidement sur les lieux.

1.6 Examen des lieux

La locomotive VIA 909 a subi des dommages modérés et a été retirée du service pour être réparée. Le tracteur s'est séparé de la remorque et a été poussé vers le nord, à l'écart de la voie ferrée, entre les voies du CN et celles du CFCP. La remorque a fait un tête-à-queue et s'est immobilisée juste au sud des voies ferrées, où elle a bloqué la 3e Avenue. Le tracteur et la remorque ont été détruits.

Durant les opérations de déneigement, la plus grande partie de la neige avait été poussée vers le côté de la chaussée et avait formé des bancs de neige atteignant quatre pieds de hauteur. La largeur de la chaussée de la 3e Avenue était rétrécie en raison de la présence de ces bancs de neige. La surface du passage à niveau était enneigée et glacée. On a relevé des marques de pneus sur le côté d'un banc de neige situé à l'angle sud-est de la sortie 35 et de la 3e Avenue, près du mât de signalisation et de la barrière du passage à niveau du CN (voir la photo 1).

Photo 1. Bancs de neige à l'angle sud-est du passage à niveau
Bancs de neige à l'angle sud-est du passage à niveau

1.7 Opérations de déneigement

Aux termes d'une entente conclue avec Transports Québec, un entrepreneur est responsable du déneigement de l'autoroute 20 et de toutes les voies de desserte, dont le passage à niveau de la 3e Avenue. Après de fortes chutes de neige, la priorité est de garder les routes ouvertes. Ensuite, le nettoyage secondaire et le déneigement se font le plus tôt possible, bien qu'il n'y ait pas de délais fixes pour l'enlèvement des bancs de neige en bordure des routes. Les entrepreneurs de Transports Québec doivent déneiger et déglacer les surfaces des routes dans les trois heures suivant la fin des précipitations. Chaque année, le CN adresse une lettre à toutes les administrations routières, dont Transports Québec, pour leur rappeler qu'il est important de déneiger les abords des passages à niveau. La lettre demande aux administrations routières de ne pas utiliser de produits de déglaçage et d'abrasifs sur les voies ferrées, étant donné que ces produits peuvent affecter le fonctionnement des dispositifs automatiques d'avertissement des passages à niveau.

1.8 Renseignements sur le conducteur

Le quart de travail du conducteur avait débuté à midi le jour de l'accident. Le conducteur était un employé de Service MRV, une entreprise qui fournit des conducteurs professionnels chargés de conduire des camions de transport appartenant à Multi-Marques Inc. Le conducteur avait un dossier de conduite vierge et était titulaire d'un permis de conduire valide de classe I avec mention pour la conduite de véhicules équipés de freins à air, permis qu'il avait obtenu environ quatre ans avant l'accident. Le conducteur livrait ou ramassait des chargements à différents endroits situés entre Montréal et Québec (Québec) et n'était affecté à aucun itinéraire en particulier. Le conducteur ne connaissait pas bien le secteur de Pincourt/Terrasse-Vaudreuil et n'avait jamais emprunté ce passage à niveau. Le conducteur avait sur lui un téléphone cellulaire personnel, mais n'a pas essayé de téléphoner à quiconque lorsque le camion s'est immobilisé. Le conducteur n'a pas vu l'information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires et ignorait que cette information était disponible aux passages à niveau.

1.9 Renseignements sur la voie ferrée

La subdivision Kingston du CN va de Dorval (Québec) (point milliaire 10,30) à Toronto (Ontario) (point milliaire 333,80) et se compose d'une voie principale double. Dans le secteur du passage à niveau, la circulation des trains est régie par le système de commande centralisée de la circulation, en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), et est supervisée par un CCF posté à Montréal. La voie est une voie de catégorie 5 aux termes du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), approuvé par Transports Canada. La vitesse maximale autorisée par l'indicateur dans le secteur du passage à niveau était de 65 mi/h pour les trains de marchandises et de 95 mi/h pour les trains de voyageurs.

Le passage à niveau se trouve près de l'extrémité ouest d'une courbe vers la droite de 0 degré 37 minutes, qui mesure deux milles de longueur et dont le dévers est de 1 pouce ¾. Pour un train venant de l'est, le passage à niveau n'est visible qu'à partir d'une distance d'environ 1800 pieds. En direction ouest à partir du passage à niveau, la voie est relativement droite et est en palier jusqu'au pont du point milliaire 24,00 et au-delà de celui-ci. Le passage à niveau et la voie ferrée ont été inspectés conformément aux exigences de la réglementation et de la compagnie; aucun défaut n'a été signalé aux alentours du passage à niveau. Le passage à niveau et la voie étaient généralement en bon état.

1.10 Protection en cas d'arrêt d'urgence

La règle 102 du REF établit la marche à suivre pour assurer la protection en cas d'arrêt d'urgence sur des voies doubles. Cette règle précise notamment que l'équipe d'un train qui s'arrête par suite d'un serrage d'urgence des freins ou de toute autre situation anormale risquant de provoquer l'obstruction d'une voie principale adjacente doit envoyer immédiatement un message radio d'urgence sur le canal d'attente. Dès que possible après le message d'urgence, l'équipe doit communiquer au CCF la désignation du train ou de la locomotive et le lieu de l'arrêt d'urgence, en indiquant si les voies adjacentes risquent d'être obstruées.

1.11 Renseignements sur le passage à niveau

Le passage à niveau est le principal accès à la gare de trains de banlieue et à la ville de Terrasse-Vaudreuil. Les voies du CN et du CFCP passent entre le secteur résidentiel de Terrasse-Vaudreuil et l'autoroute 20. Le passage à niveau est identifié comme étant situé au point milliaire 23,57 de la subdivision Kingston du CN et au point milliaire 18,07 de la subdivision Vaudreuil du CFCP. Les véhicules roulant en direction ouest sur l'autoroute 20 accèdent à Terrasse-Vaudreuil en passant par la 3e Avenue. Ils doivent prendre la sortie 35, continuer jusqu'au panneau d'arrêt, puis tourner à droite. La 3e Avenue est orientée dans l'axe nord/sud et forme un angle de 70 degrés avec la bretelle de la sortie 35 et les voies ferrées. Pour réussir à tourner à cet endroit, même dans des conditions idéales, un tracteur à semi-remorque doit faire un virage large et empiéter sur le côté gauche de la 3e Avenue (voir la photo 2).

Photo 2. Virage à droite pour accéder à la 3e Avenue à partir de la sortie 35
Virage à droite pour accéder à la 3e Avenue à partir de la sortie 35

La chaussée asphaltée a un profil en dent de scie. Depuis la sortie 35 et vers le nord, la chaussée a une rampe aux approches et une pente au niveau des voies afin d'adapter la chaussée au dévers de la courbe vers la droite. Le passage à niveau est équipé de dispositifs automatiques d'avertissement qui comprennent des feux clignotants, des cloches, des barrières et des circuits d'annonce à temps constant. Le système de dispositifs automatiques d'avertissement fonctionnait comme prévu. Le passage à niveau est muni de deux barrières, dont l'une est installée à l'angle sud-est et l'autre à l'angle nord-ouest, et qui sont entretenues respectivement par le CN et par le CFCP.

Chaque jour, environ 43 trains de marchandises, 24 trains de voyageurs et 22 trains de banlieue circulent sur le passage à niveau. Quelque 4700 véhicules passent quotidiennement à cet endroit, dont environ 70 camions lourds ou tracteurs à semi-remorque. Le nombre de camions lourds et d'automobiles est appelé à augmenter dans l'avenir, en raison de l'expansion industrielle et résidentielle prévue. Le produit vectoriel totalNote de bas de page 2 du passage à niveau est d'environ 420 000 (55 % pour la subdivision Kingston et 45 % pour la subdivision Vaudreuil).

Le produit vectoriel est un des critères que Transports Canada utilise pour établir l'ordre de priorité afin de décider du financement des projets de sauts-de-mouton. Un produit vectoriel de 200 000 était la valeur de référence acceptée à partir de laquelle on prenait en considération l'éventualité d'un projet de sauts-de-mouton. Toutefois, depuis 1989, selon une politique gouvernementale de ne pas fournir les fonds nécessaires pour ces projets, Transports Canada n'a fourni aucun financement en vertu de l'article 13 de la Loi sur la sécurité ferroviaire . Les compagnies ferroviaires et les administrations routières peuvent demander un financement dans le cadre de programmes d'Infrastructure Canada. Il incombe habituellement aux administrations routières de planifier de telles installations dans le cadre de leur réseau de transport routier, tandis que les compagnies ferroviaires s'occupent de la conception détaillée de la structure afin de veiller à une exploitation ferroviaire en toute sécurité.

Un projet de Transports Québec, prévu depuis les 20 dernières années, prévoit le déplacement de l'autoroute 20 et la construction d'un saut-de-mouton qui éliminerait le passage à niveau de la 3e Avenue ainsi que l'autre passage à niveau qui permet d'accéder à Terrasse-Vaudreuil (boulevard Perrot Nord). Bien que des représentants des compagnies ferroviaires, Transports Québec et les autorités municipales se soient rencontrés à de nombreuses reprises au sujet du projet, ils ont réalisé peu de progrès jusqu'à maintenant en raison de contraintes de financement.

1.12 Accidents précédents

Les dossiers du BST montrent que, depuis 1997, huit tracteurs à semi-remorque ont été heurtés par des trains à des passages à niveau publics munis de dispositifs automatiques d'avertissement sur la subdivision Kingston. Lors de cinq de ces accidents, les tracteurs à semi-remorque étaient immobilisés sur la voie. Trois de ces cinq accidents sont survenus au passage à niveau de la 3e Avenue et ont mis en cause un train de VIA et un tracteur à semi-remorque qui se dirigeait vers le nord. Les dossiers de VIA et du CN portant sur les « accidents évités de justesse » signalés par les équipes des trains révèlent qu'il y a eu quatre incidents de ce type à ce passage à niveau depuis 2004.

Le 15 juillet 2008, le train VIA 60 en direction est a heurté un camion tirant une remorque surbaissée à un passage à niveau public automatisé situé au point milliaire 138,21 de la subdivision Kingston, près de Mallorytown (Ontario). À la suite de la collision, la remorque a été projetée dans le fossé et la locomotive de tête ainsi que la première voiture du train (fourgon à bagages) ont déraillé; les membres de l'équipe et un passager ont subi de légères blessures. On a pu déterminer que le camion était bloqué sur le passage à niveau depuis au moins cinq minutes. Le conducteur du camion n'avait pas remarqué l'information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires au passage à niveau, et ignorait que cette information existait.

1.13 Information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires

En 1994, le BST a mené une enquête sur un accident à un passage à niveau lors duquel un camion tirant une remorque surbaissée a arraché un rail de ses attaches (rapport R94E0062 du BST). Le conducteur du camion a remarqué les dommages, mais il ne disposait pas d'un numéro de téléphone permettant de communiquer avec la compagnie ferroviaire. Subséquemment, un train de marchandises a déraillé à ce passage à niveau. Après que le BST a envoyé l'avis de sécurité ferroviaire 07/95, les compagnies ferroviaires ont apposé un numéro d'information d'urgence (numéro 1-800) à tous les passages à niveau publics du Canada.

Aux États-Unis, l'information sur les numéros d'urgence aux passages à niveau est normalisée au moyen du Manual of Uniform Traffic Control Devices (MUTCD - Manuel des dispositifs de contrôle uniformisés de la circulation) du Department of Transportation. Le chapitre 8, section 8B.12 du manuel donne des directives pour la signalisation des affiches d'avis d'urgence. Il stipule, en partie, qu'une affiche d'avis d'urgence (de 30 pouces sur 30 pouces ou de 30 pouces sur 18 pouces) devrait être installée à tous les passages à niveau afin de fournir un avis d'urgence. L'affiche devrait montrer un message simple et précis visible à toute personne bloquée sur les voies ferrées ou aux prises avec d'autres urgences. Il n'existe pas de norme semblable en matière de signalisation ou d'emplacement dans la réglementation actuelle de Transports Canada ou la norme proposée RTD 10 ( Passages à niveau (Normes techniques et exigences concernant l'inspection, les essais et l'entretien) ).

Le CN appose un numéro de téléphone d'urgence (1-800-465-9239), le point milliaire et la subdivision où se trouve le passage à niveau sur une affiche (de 4 pouces sur 24 pouces) qui se trouve au dos des croix d'avertissement des passages à niveau publics sans signalisation et sur les barrières et les guérites de signalisation des passages à niveau publics automatisés. Le CFCP appose un numéro de téléphone d'urgence (1-800-716-9132) et le numéro à cinq chiffres de Transports Canada correspondant au numéro du passage à niveau sur une affiche semblable qui se trouve au dos des croix d'avertissements de tous les passages à niveau publics (voir la photo 3).

Photo 3. Emplacement de l'information sur les numéros d'urgence au passage à niveau, vu du sud
Emplacement de l'information sur les numéros d'urgence au passage à niveau, vu du sud

Les appels téléphoniques d'urgence sont acheminés à la police du CN et du CFCP, respectivement. La police avise alors le centre de contrôle de la circulation ferroviaire intéressé, lequel alerte le train par radio. Si les conditions sont favorables (c'est-à-dire si les lignes d'urgence ne sont pas déjà occupées), il faut environ deux minutes pour exécuter l'ensemble de ces tâches.

Dans le cadre de l'Opération Gareautrain et de Direction 2006, l'Association des chemins de fer du Canada et Transports Canada ont collaboré à plusieurs initiatives visant à sensibiliser le public aux risques que présentent les passages à niveau. En 2002, Opération Gareautrain et Direction 2006 ont mis au point conjointement du matériel didactique destiné à faire mieux comprendre aux conducteurs les risques associés aux passages à niveau publics. Le matériel renferme des renvois à l'information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires qu'on trouve aux passages à niveau publics et donne des directives sur les mesures qu'on doit prendre si un véhicule s'immobilise sur un passage à niveau. On a fourni ce matériel didactique aux entreprises de formation de conducteurs professionnels et aux autorités provinciales afin de les aider à mettre à jour leurs manuels de formation, mais le matériel n'a pas été intégré à tous les manuels provinciaux de formation des conducteurs. En 2003, la province de Québec a émis un bulletin d'information à l'intention de l'industrie du camionnage au Québec. Ce bulletin énumérait les étapes à suivre si un camion s'immobilise à un passage à niveau. Toutefois, les manuels les plus récents de formation des conducteurs qui ont été publiés par la province ne font aucune mention de l'information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires.

1.14 Détection de la présence de véhicules

Les véhicules automobiles immobilisés sur un passage à niveau peuvent être détectés par une caméra vidéo ou par des capteurs encastrés dans la chaussée (détecteurs à boucle). En mars 2007, la Federal Railroad Administration (FRA) a terminé l'évaluation d'un système de détection de véhiculesNote de bas de page 3 qui avait été installé à un passage à niveau de Groton (Connecticut), aux États-Unis, sur le tracé du couloir nord-est du réseau à haute vitesse d'Amtrak. Le système détecte les véhicules automobiles qui sont sur le passage à niveau et détermine s'ils représentent un danger pour les trains qui approchent. Il signale aux trains qui approchent la présence de véhicules immobilisés sur la voie et empêche les barrières de sortie de se déployer, de sorte que les véhicules ne soient pas coincés entre les barrières et puissent repartir. Le système doit être interrelié à la signalisation en cabine des locomotives. Le système de signalisation en cabine des trains d'Amtrak peut commander automatiquement une diminution de la vitesse si le mécanicien ne prend pas les mesures qui s'imposent. En Suède, l'administration ferroviaire Banverket utilise un système similaire dans son réseau de transport de voyageurs, dont les trains roulent à des vitesses atteignant 200 km/h. Toutefois, il n'existe pas d'exigence en matière d'installation de barrières aux quatre quadrants dans la réglementation de Transports Canada ni dans la norme proposée RTD 10 de Transports Canada. En outre, il n'existe pas de paramètres de conception.

2.0 Analyse

La conduite du VIA 35 était conforme aux exigences de la réglementation et de la compagnie. L'enquête n'a pas relevé de défectuosités mécaniques ou de défauts de la voie qui auraient pu contribuer à l'accident. L'analyse portera sur les opérations de déneigement, la configuration de la chaussée de la route, les procédures radio d'urgence, l'information sur les numéros d'urgence affichée aux passages à niveau, les dispositifs de protection aux passages à niveau et la formation des conducteurs de véhicules.

2.1 L'accident

Après la forte tempête de neige de la veille, la neige avait été poussée vers le côté de la chaussée et un gros banc de neige avait été laissé à l'angle sud-est de la sortie 35 et de la 3e Avenue. En outre, le conducteur n'avait jamais emprunté ce passage à niveau et n'était pas au courant de l'angle du passage à niveau. Par conséquent, quand il a tourné pour s'engager sur la 3e Avenue, le train arrière de la remorque s'est enlisé dans le banc de neige. Le tracteur avait besoin d'un surcroît d'adhérence pour continuer d'avancer. Toutefois, faute de produits de déglaçage et d'abrasifs, la surface du passage à niveau était glacée et les roues arrière du tracteur ont commencé à patiner, de sorte que le camion s'est retrouvé immobilisé sur la voie ferrée et a été heurté par le train VIA 3 minutes 40 secondes plus tard. Le fait que le camion ait été équipé d'un enregistreur de données de conduite et que cet enregistreur ait été activé a permis de connaître avec précision l'heure à laquelle le camion s'est immobilisé et de faire une reconstitution exacte de la chronologie de l'accident.

Conformément aux instructions du CN, les administrations routières n'ont pas épandu de produits de déglaçage ou d'abrasifs sur les voies après la tempête de neige, étant donné que ces produits peuvent empêcher les dispositifs automatiques d'avertissement des passages à niveau de bien fonctionner. Il s'agit d'une pratique acceptée de l'industrie qui pose problème lorsque les conditions hivernales sont rigoureuses. Le déneigement a été exécuté en conformité avec les lignes directrices de Transports Québec; toutefois, le fait que la surface du passage à niveau ait été glacée et que des bancs de neige se soient accumulés le long de la chaussée constituaient des obstacles additionnels pour les gros camions. À cause de l'angle du passage à niveau, même quand les conditions sont idéales, un tracteur à semi-remorque doit faire un virage large et empiéter sur la voie de circulation opposée de la 3e Avenue pour réussir à tourner à cet endroit et à traverser le passage à niveau. Cette manœuvre était rendue encore plus difficile en raison du rétrécissement de la 3e Avenue attribuable à la présence de bancs de neige, du gros banc de neige qui se trouvait à l'angle de la 3e Avenue et de la sortie 35 et de la glace qui recouvrait la surface du passage à niveau. Les instructions du CN et les lignes directrices de Transports Québec en matière de déneigement peuvent être acceptables pour la plupart des routes et des passages à niveau, mais elles ne convenaient pas à ce passage à niveau, en raison de sa configuration particulière et des accumulations de neige.

2.2 Procédures radio d'urgence

Les équipes des deux trains ont transmis presque simultanément un message radio d'urgence sur les ondes du canal 1. Le CN 310 s'est arrêté à 15 h 48 min 44 s et, peu après, l'équipe du CN 310 a transmis un message radio d'urgence et fait entendre le sifflet de locomotive à 15 h 48 min 51 s. Le mécanicien du VIA 35 a transmis son message radio d'urgence à 15 h 48 min 50 s. Étant donné que les équipes des deux trains ont utilisé la radio en même temps, ni l'une ni l'autre n'a pu capter le message d'urgence de l'autre train.

Dès que l'équipe du CN 310 a déterminé que le camion immobilisé bloquait les deux voies du passage à niveau, elle a serré les freins d'urgence à 15 h 48 min 0 s. Comme l'équipe du CN 310 craignait pour la sécurité des gens qui étaient au passage à niveau, le chef de train est sorti de la cabine tandis que le train avançait encore et a essayé de les avertir de dégager la voie. Par conséquent, l'équipe n'a pas envoyé immédiatement un message radio d'urgence après avoir serré les freins d'urgence, comme l'exige la règle 102 du REF. Par contraste, tandis que le VIA 35 était dans la courbe et que le camion a été remarqué, le mécanicien de VIA a réagi immédiatement et a envoyé un message radio d'urgence tout en serrant les freins d'urgence. Des moyens de défense de nature administrative comme ceux de la règle 102 du REF, qui exigent que les humains interprètent une situation donnée et réagissent en conséquence, ne sont pas toujours efficaces, alors qu'un message radio d'urgence automatisé, similaire aux messages automatisés du système de détection en voie, serait envoyé de façon uniforme et serait susceptible d'atténuer le risque d'accident.

Le VIA 35 roulait à 74 mi/h lorsque l'équipe a serré les freins d'urgence et il a parcouru environ 2750 pieds avant de s'arrêter. À 74 mi/h, le VIA 35 mettrait environ 26 secondes pour couvrir la distance de 2750 pieds. Dès que l'équipe reçoit un appel d'urgence, il lui faut deux secondes pour réagir et serrer les freins d'urgence du trainNote de bas de page 4. Ensuite, il s'écoule encore deux secondes avant que les freins commencent à faire ralentir le train. L'équipe avait donc besoin d'un délai de 30 secondes pour recevoir un préavis d'alerte relatif à la présence du camion et pour éviter la collision (c'est-à-dire quand le VIA 35 était à une distance de 3200 pieds du passage à niveau). Le VIA 35 a heurté la remorque à 15 h 49 min 7 s, soit 1 minute 7 secondes après le serrage des freins d'urgence du CN 310. Donc, le délai était suffisant pour alerter l'équipe du VIA 35 et faire arrêter le train. Comme l'équipe du VIA 35 n'a pas reçu de message radio d'urgence sur le canal 1 avant d'être à au moins 30 secondes du passage à niveau, la collision n'a pu être évitée.

2.3 Signalisation relative à l'information sur les numéros d'urgence

Comme le conducteur n'avait jamais emprunté ce passage à niveau et n'était pas au courant du volume de trafic ferroviaire, il n'a pas saisi l'urgence de la situation. Le conducteur a d'abord pensé à libérer le camion, après quoi il s'est préoccupé du CN 310 qui arrivait à proximité, et n'était pas au courant que le VIA 35 approchait aussi. Bien que l'information sur les numéros d'urgence était affichée, l'affiche était petite, n'était pas bien visible et était située à des endroits différents de part et d'autre du passage à niveau. Par conséquent, le conducteur ne l'a pas vue et ne l'a pas cherchée puisqu'il ignorait que ce genre d'information était affiché aux passages à niveau.

Aux États-Unis, l'information sur les numéros d'urgence aux passages à niveau est normalisée sur une grande affiche qui montre un message simple et précis et qui est visible à quiconque est bloqué ou pris sur des voies ferrées. Il n'existe pas de norme semblable en matière de signalisation ou d'emplacement dans la réglementation actuelle de Transports Canada ou la norme proposée RTD 10. Le fait que la signalisation relative à l'information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires n'est pas normalisée ni mise en évidence aux passages à niveau, les conducteurs non informés ne peuvent être en mesure de reconnaître immédiatement l'information sur les numéros d'urgence et d'alerter les compagnies ferroviaires.

L'utilisation rapide de l'information sur les numéros d'urgence affichée à un passage à niveau permettrait à un CCF d'être avisé d'un incident ferroviaire dans un délai d'environ deux minutes. On peut donc raisonnablement penser que toutes les étapes du processus, du moment où le camion s'est immobilisé jusqu'à l'arrêt complet du train, auraient pu être accomplies en moins de trois minutes. Vu que le camion a été immobilisé pendant 3 minutes 40 secondes avant le moment de l'accident, ce délai aurait été suffisant pour qu'un appel téléphonique d'urgence soit placé, que le VIA 35 soit averti de la présence du tracteur à semi-remorque et que l'accident soit évité.

Bien que l'initiative de l'industrie qui consiste à apposer aux passages à niveau l'information sur les numéros d'urgence soit une mesure positive pour l'amélioration de la sécurité aux passages à niveau, elle s'avère insuffisante à certains égards puisque les conducteurs ne sont pas tous au courant de la présence de cette information. Opération Gareautrain et Direction 2006 ont reconnu qu'une sensibilisation accrue des conducteurs à la sécurité aux passages à niveau constitue un aspect crucial dans la diminution du nombre d'accidents aux passages à niveau. C'est pourquoi ils ont élaboré du matériel didactique qui a été diffusé partout au pays; toutefois, le matériel en question n'a pas été intégré à tous les manuels provinciaux de formation des conducteurs. Comme le démontrent cet événement et d'autres accidents mettant en cause des véhicules immobilisés sur un passage à niveau, le matériel didactique n'a pas été transmis à tous les segments du public, et certains conducteurs ne sont toujours pas au courant de la présence de l'information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires.

2.4 Protection assurée aux passages à niveau

Avec un produit vectoriel de 420 000, ce passage à niveau est l'un des passages à niveau les plus achalandés au Canada. Il aurait été pris en considération en vue de la construction d'un saut-de-mouton si l'on s'était fié aux lignes directrices de Transports Canada datant d'avant 1989 (produit vectoriel de 200 000). En raison de sa configuration, le passage à niveau pose des difficultés particulières pour les conducteurs de gros camions, car il est difficile de s'engager sur la 3e Avenue à partir de la sortie 35, même lorsque les conditions météorologiques sont idéales. Depuis 1997, trois accidents sont survenus à ce passage à niveau lors desquels un train de VIA a heurté un tracteur à semi-remorque en direction nord dont le moteur avait calé, qui était bloqué sur le passage à niveau ou encore coincé entre les barrières; de plus, il y a eu quatre « accidents évités de justesse » depuis 2004. Compte tenu du niveau de risque auquel le public est exposé, du fait de la densité actuelle de la circulation routière et ferroviaire et du grand nombre de trains de voyageurs à grande vitesse et de trains de banlieue qui passent à cet endroit, l'augmentation du nombre de camions qui devrait résulter de l'expansion industrielle prévue entraînera une augmentation du risque de collision à ce passage à niveau, risque qui est déjà élevé.

À l'heure actuelle, les dispositifs automatiques d'avertissement dont ce passage à niveau est équipé offrent le niveau de protection disponible le plus élevé au Canada. Ils répondent aux exigences actuelles et offrent une protection efficace aux automobilistes dans la plupart des cas. Toutefois, dans les endroits où les trains sont nombreux, notamment où les trains de voyageurs circulent à grande vitesse, ce genre de protection n'est pas toujours efficace. Comme le démontrent cet accident et les dossiers sur les accidents survenus sur la subdivision Kingston mettant en cause des camions immobilisés sur un passage à niveau, par exemple celui de Mallorytown, les moyens de défense actuels, comme les dispositifs automatiques d'avertissement, l'affichage d'information sur les numéros d'urgence et les messages radio d'urgence, ne sont pas suffisants pour atténuer les risques aux passages à niveau où circulent des trains à grande vitesse et où la densité de la circulation est élevée.

En Amérique du Nord, la recherche sur l'atténuation des risques aux passages à niveau s'est toujours intéressée aux avantages que représentent les dispositifs automatiques d'avertissement, à savoir les feux clignotants, les cloches et les barrières doubles de protection des passages à niveau. L'industrie, les organismes de réglementation et le milieu de la recherche conviennent que la meilleure façon d'atténuer les risques consiste à construire des sauts-de-mouton. Cependant, vu les coûts de construction prohibitifs d'un saut-de-mouton, des recherches récentes se sont concentrées sur des options d'atténuation des risques moins coûteuses, comme le recours à des technologies de détection de la présence de véhicules. L'évaluation par la FRA d'un système de détection de véhicules installé à un passage à niveau du couloir nord-est du réseau à haute vitesse d'Amtrak démontre qu'il existe de nouvelles technologies auxquelles on peut faire appel sur les voies où il y a des trains à grande vitesse pour accroître le niveau de sécurité aux passages à niveau existants, dont la protection est assurée par des dispositifs automatiques d'avertissement. Cette technologie pourrait constituer une solution de rechange dans le cas des passages à niveau de la subdivision Kingston, où des trains circulent à des vitesses élevées et où la densité de la circulation est élevée, et où les dispositifs de sécurité en place sont jugés insuffisants pour atténuer les risques et la construction de sauts-de-mouton n'est pas réalisable du point de vue économique.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le VIA 35 a heurté un tracteur à semi-remorque qui était resté coincé sur le passage à niveau après que le train arrière de la remorque s'est enlisé dans un banc de neige. La configuration, la largeur réduite et la surface glacée de la chaussée ont contribué à l'immobilisation du tracteur à semi-remorque.
  2. Les lignes directrices de Transports Québec et du Canadien National (CN) en matière de déneigement peuvent être acceptables pour la plupart des routes et des passages à niveau, mais elles ne convenaient pas à ce passage à niveau, en raison de sa configuration particulière et des accumulations de neige.
  3. Comme l'équipe du VIA 35 n'a pas reçu de message radio d'urgence sur le canal 1 avant d'être à au moins 30 secondes du passage à niveau, la collision n'a pu être évitée.
  4. Vu que le camion a été immobilisé pendant 3 minutes 40 secondes avant le moment de l'accident, ce délai aurait été suffisant pour qu'un appel téléphonique d'urgence soit placé, que le VIA 35 soit averti de la présence du tracteur à semi-remorque et que l'accident soit évité.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Des moyens de défense de nature administrative comme ceux de la règle 102 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), qui exigent une réaction de l'équipe de train, ne sont pas toujours efficaces, alors qu'un message radio d'urgence automatisé, similaire aux messages automatisés du système de détection en voie, serait envoyé de façon uniforme et serait susceptible d'atténuer le risque d'accident.
  2. Le fait que la signalisation relative à l'information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires n'est pas normalisée, ni mise en évidence aux passages à niveau, les conducteurs non informés ne peuvent être en mesure de reconnaître immédiatement l'information sur les numéros d'urgence et d'alerter les compagnies ferroviaires.
  3. Le matériel didactique à l'intention des conducteurs qui a été élaboré par Opération Gareautrain et Direction 2006 n'a pas été transmis à tous les segments du public, et certains conducteurs ne sont toujours pas au courant de la présence de l'information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires.
  4. Les moyens de défense actuels, comme les dispositifs automatiques d'avertissement, l'affichage d'information sur les numéros d'urgence et les messages radio d'urgence, ne sont pas suffisants pour atténuer entièrement les risques aux passages à niveau où circulent des trains à grande vitesse et où la densité de la circulation est élevée.

3.3 Autres faits établis

  1. Étant donné que les deux messages radio d'urgence ont été transmis pratiquement en même temps sur le canal 1, ni l'une ni l'autre des équipes des trains n'a pu entendre l'appel de l'autre.
  2. Le fait que le camion ait été équipé d'un enregistreur de données de conduite a permis de connaître avec précision l'heure à laquelle le camion s'est immobilisé et de faire une reconstitution exacte de la chronologie de l'accident.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

Trois barrières pour piétons ont été installées le long du côté ouest du passage à niveau.

Transports Québec, Transports Canada et le Canadien National (CN) installeront des feux de circulation des deux côtés du passage à niveau. Ces feux seront interreliés au circuit du système de signalisation du passage à niveau afin de donner 15 secondes de plus d'avertissement avant le déclenchement des dispositifs automatiques d'avertissement par un train qui approche.

Transports Québec prévoit reconfigurer l'autoroute 20 entre Montréal et Dorion (Québec). Dans le cadre des travaux, on construira un tunnel à la hauteur de la 3e Avenue, tunnel qui passera sous les voies ferrées. Les travaux devraient débuter en 2012.

En 2009, Transports Québec, en collaboration avec Opération Gareautrain et Direction 2006, amorcera une étude de la sécurité aux passages à niveau pour les nouveaux conducteurs. On prévoit ainsi intégrer du matériel de sécurité ferroviaire, notamment l'information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires, aux manuels de formation des nouveaux conducteurs. Le nouveau matériel fera également partie des examens pour les nouveaux conducteurs.

4.2 Mesures à prendre

4.2.1 Évaluation des passages à niveau dans le couloir ferroviaire Québec-Windsor

Le Bureau constate qu'entre 1997 et 2008, huit tracteurs à semi-remorque ont été heurtés à des passages à niveau publics munis de dispositifs automatiques d'avertissement dans la subdivision Kingston; six de ces collisions ont mis en cause un train de voyageurs de VIA Rail Canada Inc. (VIA) à grande vitesse. Le dossier des accidents indique que les risques de collision aux passages à niveau existent toujours, surtout pour les trains de voyageurs à grande vitesse, dans le couloir ferroviaire entre Québec (Québec) et Windsor (Ontario). Même si un grand nombre de passages à niveau est muni des dispositifs automatiques d'avertissement offrant la plus grande protection disponible à l'heure actuelle au Canada et même si l'information sur les numéros d'urgence est affichée aux passages à niveau, ces mesures ne sont pas toujours suffisantes pour protéger contre les risques existants.

Avant d'autoriser VIA à augmenter la vitesse de ses trains jusqu'à 100 mi/h dans le couloir ferroviaire Québec-Windsor au début des années 1990, Transports Canada a fait des évaluations de la sécurité aux passages à niveau afin d'identifier les passages à niveau qui devaient être améliorés. Ces évaluations de passages à niveau datent maintenant de près de 20 ans, ne reflètent pas exactement les risques actuels et ne tiennent pas compte des nouveaux risques. Pendant la même période, la circulation ferroviaire a augmenté et les collectivités le long du couloir ont connu une expansion industrielle et résidentielle importante, comme c'est le cas pour Terrasse-Vaudreuil. Tous ces facteurs font augmenter la possibilité d'une collision à un passage à niveau mettant en cause un train de voyageurs. Afin d'assurer que les risques de plus en plus importants auxquels sont exposés les voyageurs ferroviaires et les conducteurs de véhicules sont bien pris en compte, le Bureau recommande que :

Transports Canada mène des évaluations de la sécurité aux passages à niveau dans le couloir Québec-Windsor où circulent des trains de voyageurs à grande vitesse, et s'assure que les moyens de défense sont suffisants pour atténuer les risques de collision entre un camion et un train.
Recommandation R09-01 du BST

4.2.2 Mise en évidence de l'information sur les numéros d'urgence

Lors de cet accident et de plusieurs autres accidents aux passages à niveau dans la subdivision Kingston, des camions ont été immobilisés sur un passage à niveau pour une période de temps avant l'arrivée du train; pourtant, les conducteurs n'ont pas remarqué l'information sur les numéros d'urgence affichée par les compagnies ferroviaires et n'ont pas essayé de faire un appel d'urgence. Ceci démontre que, même si l'initiative de l'industrie d'afficher l'information sur les numéros d'urgence aux passages à niveau constitue une étape positive pour améliorer la sécurité aux passages à niveau, cette initiative comporte des lacunes en raison du manque de sensibilisation des conducteurs et de la mauvaise mise en évidence de la signalisation, les deux étant critiques pour réduire le nombre d'accidents aux passages à niveau. Afin de sensibiliser davantage les conducteurs, Opération Gareautrain et Direction 2006 ont élaboré du matériel de formation à l'intention des conducteurs de véhicules relativement à la sécurité aux passages à niveau et l'a distribué partout au pays. Le matériel comprend des directives sur la présence et l'emplacement de l'information sur les numéros d'urgence aux passages à niveau, mais cette information n'a pas encore été intégrée à tous les manuels de formation provinciaux et n'a pas atteint un grand nombre de conducteurs.

Il incombe aux conducteurs de véhicules d'être au courant de l'information disponible, mais les compagnies ferroviaires ont aussi la responsabilité de s'assurer que l'information est très visible, convaincante et affichée à un endroit où elle sera facilement visible pour un conducteur non informé dont le véhicule s'immobilise sur la voie. Aux États-Unis, le Manual of Uniform Traffic Control Devices (MUTCD - Manuel des dispositifs de contrôle uniformisés de la circulation) fournit des directives relatives à la normalisation de la signalisation sur l'information sur les numéros d'urgence et son emplacement aux passages à niveau. Dans le MUTCD, on exige que l'affiche soit grande, visible et utilise un libellé qui définit clairement les risques. Toutefois, au Canada, il n'existe pas de norme spécifique pour la taille des affiches, leur libellé ou leur emplacement, que ce soit dans la réglementation actuelle sur les passages à niveau de Transports Canada ou dans la norme proposé RTD 10. Par conséquent, les affiches au Canada sont plus petites et le libellé varie d'une affiche à l'autre. Donc, le risque que des conducteurs non informés ne voient pas l'information et n'alertent pas les compagnies ferroviaires est plus grand. Par conséquent, le Bureau recommande que :

Transports Canada mène des évaluations de la sécurité aux passages à niveau dans le couloir Québec-Windsor où circulent des trains de voyageurs à grande vitesse, et s'assure que les moyens de défense sont suffisants pour atténuer les risques de collision entre un camion et un train
Recommandation R09-02 du BST

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .