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Recommandation sur la sécurité du transport aérien A96-08

Réévaluation de la réponse à la recommandation A96-08 du BST

Matériel de survie, trousses de premiers soins et radiobalises de détresse

 Recommandation A96-08 en PDF [115 KB]

Contexte

Le 21 février 1995, un aéronef Beechcraft A100 exploité par Bearskin Lake Air Services Ltd. effectuait un vol régulier selon les règles de vol à vue à destination de l'aéroport de Big Trout Lake (Ontario) avec neuf passagers et deux membres d'équipage à bord. L'avion survolait un lac à quelque quatre milles au nord-ouest de l'aéroport en vue d'un atterrissage sur la piste 14 lorsqu'il s'est trouvé dans des conditions de voile blanc. L'avion est descendu en vol maîtrisé avant de percuter la surface glacée du lac. Les membres de l'équipage et plusieurs passagers ont subi des blessures graves. Des sauveteurs de l'agglomération voisine sont arrivés sur les lieux environ deux heures après l'accident, et les 11 occupants de l'avion ont été secourus en moins de quatre heures.

Le Bureau a déterminé que pendant que les membres de l'équipage effectuaient les manœuvres en vue de l'atterrissage et qu'ils tentaient de garder leurs références visuelles malgré la visibilité réduite, la charge de travail était telle que les données essentielles affichées par les altimètres et les variomètres ont échappé aux membres de l'équipage, ou qu'ils n'en ont pas tenu compte sans le vouloir. Ont contribué à l'accident : les conditions de voile blanc et le fait que les membres de l'équipage ont décidé d'effectuer une approche à vue à basse altitude au-dessus d'une zone où les repères étaient peu nombreux et où la visibilité était réduite.

Le Bureau a conclu son enquête et a publié le rapport d'enquête aéronautique A95C0026 le 21 mai 1996.

Recommandation A96-08 du BST (mai 1996)

Les possibilités de survie à un accident demeurent une préoccupation constante dans le milieu de l'aviation commerciale. Au fil des ans, le BST et son prédécesseur, le Bureau canadien de la sécurité aérienne, ont recommandé à Transports Canada qu'une liste minimale de matériel de survie obligatoire, des trousses de premiers soins améliorées et des radiobalises de détresse (ELT) améliorées soient emportées à bord des avions commerciaux canadiens qui transportent des passagers. En dépit des recommandations antérieures du Bureau, il subsiste des lacunes de sécurité qui influent sur la probabilité de survie après un écrasement, comme le montre l'accident en question.

En l'absence de lignes directrices appropriées, tant pour le transport de trousses de premiers soins améliorées en cas d'accident que pour l'octroi d'exemptions d'emport de matériel de survie, et sans actualisation des exigences relatives aux ELT, les survivants d'accidents continueront d'être exposés à des risques dus aux retards dans les opérations de sauvetage, au manque de préparation aux conditions climatiques rigoureuses, ou à des premiers soins inadéquats.
Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports prépare, à l'aide de méthodes reconnues de gestion des risques, des exigences propres à chaque transporteur pour l'emport de trousses de premiers soins, de matériel de survie et de radiobalises de détresse améliorées à bord de tous les aéronefs commerciaux.
Recommandation A96-08 du BST

Réponse de Transports Canada à la recommandation A96-08 (septembre 1996)

Matériel de survie

Les exigences courantes relatives au matériel de survie, stipulées dans l'ONA V, no 12, Ordonnance sur le transport de matériel de télécommunications et de secours dans les régions inhospitalières, ne s'appliquaient qu'aux opérations en régions très peu peuplées. Le nouveau Règlement de l'aviation canadien (RAC) aborde la question du matériel de survie pour l'ensemble des opérations aériennes. Sauf dans certaines conditions à risque réduit, décrites au paragraphe 602.61 (2) et examinées dans le cadre du processus du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC), l'article 602.61 du nouveau RAC stipule qu'un avion qui survole la terre ferme doit avoir à son bord du matériel de survie adéquat pour assurer la survie au sol de chaque personne à bord, compte tenu de l'emplacement géographique, de la saison et des variations climatiques saisonnières prévues. Ce matériel doit offrir les moyens d'allumer un feu, de fournir un abri, de fournir de l'eau ou de purifier l'eau et d'émettre des signaux de détresse visuels. Les avions qui doivent emporter des radeaux de sauvetage au-dessus de l'eau doivent offrir les mêmes moyens, sauf pour celui d'allumer un feu.

Conformément à ce règlement, l'exigence relative au matériel de survie devient propre à chaque transporteur, en ce sens que le transporteur doit prouver à Transports Canada que ses trousses de survie respectent l'esprit du règlement. Ce matériel doit être régulièrement inspecté selon le calendrier d'inspection établi dans le manuel d'exploitation du transporteur. Dans le cas de vols au-dessus de la terre ferme, le manuel d'exploitation doit indiquer comment la conformité au RAC sera assurée; une liste de matériel de survie et l'information sur la façon de l'utiliser doivent se trouver à bord, de même qu'un manuel de survie approprié à la saison et au climat; et les membres d'équipage doivent être formés sur le fonctionnement et l'utilisation de tout l'équipement d'urgence. Pour les vols au-dessus de l'eau pour lesquels l'emport de radeaux de sauvetage est obligatoire, les radeaux doivent être munis d'une trousse de survie qui contient tous les articles indiqués au paragraphe 724.84(2) du RAC.

Trousses de premiers soins

D'après le paragraphe 2.5.2 de la section Analyse du rapport, même si la trousse de premiers soins de l'avion satisfaisait aux exigences réglementaires, elle ne contenait pas les articles nécessaires pour les types de blessures subies dans cet accident.

Le nouveau RAC stipule que toute trousse de premiers soins doit satisfaire aux exigences du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (aéronefs), Partie 10, Annexe II, pour les trousses de type A ou de type B. Le Règlement sur la santé et la sécurité au travail (aéronefs) indique clairement la nature exacte et le nombre des articles requis. Le nouveau RAC indique désormais le nombre de trousses à emporter, qui varie selon le nombre de passagers pour lequel l'avion est configuré. Dans le cas d'avions comptant plus de 100 sièges de passagers, une trousse d'urgence médicale approuvée doit être emportée en sus et doit contenir au minimum les articles stipulés par le RAC. Cette exigence est fondée sur la méthodologie de gestion du risque acceptée selon laquelle, sur le plan statistique, chaque groupe de 100 passagers comprendra au moins une personne ayant des connaissances médicales suffisantes pour gérer les fournitures médicales, comme des médicaments (épinéphrine, comprimé de nitroglycérine) et du matériel (seringues et aiguilles) précis.

Outre ce qui précède, Transports Canada a aussi mis sur pied un Groupe de travail chargé de la révision du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs). Ce groupe de travail aura pour tâche de s'assurer que le contenu des trousses de premiers soins est adéquat pour soigner les blessures de survivants d'écrasement d'avion.

Radiobalise de repérage d'urgence (ELT)

Transports Canada estime que l'adoption des ELT conformes à la norme TSO C126 résoudrait bon nombre des problèmes que présentent les ELT actuellement en service. L'utilisation d'ELT efficaces fait actuellement l'objet de discussions au sein du comité consultatif sur la réglementation d'aviation (ARAC) de la Federal Aviation Administration (FAA), dont fait partie Transports Canada. Le Groupe de travail du comité technique sur la Partie VI du CCRAC a été informé de l'enjeu général concernant les ELT. Une fois que l'ARAC aura achevé ses activités sur ce sujet, le Comité technique TCA étudiera la possibilité de confier cet enjeu au Comité technique sur la Partie VI pour qu'il analyse les conclusions de l'ARAC dans le contexte canadien.

Évaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation A96-08 (novembre 1996)

Le Bureau s'inquiétait du fait que sans lignes directrices appropriées sur l'emport de trousses de premiers soins améliorées en cas d'accident et sur l'octroi d'exemptions relatives à l'emport de matériel de survie et sans modernisation des exigences relatives aux ELT pour tous les avions commerciaux de transport de passagers, les survivants d'accidents continueraient d'être exposés à des risques à cause de retards dans les opérations de sauvetage, du manque de préparation aux conditions climatiques rigoureuses, ou de premiers soins inadéquats. Par conséquent, le Bureau a recommandé que 

le ministère des Transports prépare, à l'aide de méthodes reconnues de gestion des risques, des exigences propres à chaque transporteur pour l'emport de trousses de premiers soins, de matériel de survie et de radiobalises de détresse améliorées à bord de tous les aéronefs commerciaux.

La réponse de TC traite séparément les enjeux du matériel de survie, des trousses de premiers soins et des ELT mises à niveau; il en va de même pour l'évaluation par le personnel.

Matériel de survie

Le Bureau s'inquiétait du fait qu'à l'instar d'Ordonnances sur la navigation aérienne (ONA) précédentes, le nouveau RAC permette des exemptions (dispenses) pour les exigences relatives à l'équipement de survie, et que des interprétations générales de ces dispenses fassent en sorte que certains transporteurs aériens soient mal équipés pour assurer la survie en cas d'accident. On a utilisé le libellé exact du RAC comme exemple pour souligner une anomalie dans le raisonnement de TC sur l'octroi de dispenses; or, TC n'a rien dit sur la validité de cet exemple, pas plus que sur la question des « dispenses ». Par conséquent, à moins d'indication contraire, certains transporteurs aériens qui risquent davantage d'exposer les survivants d'accident à des conditions rigoureuses et à un sauvetage retardé pourraient toujours bénéficier d'exemptions sur l'emport d'équipement de survie crucial à bord de leurs avions. Cette partie de la réponse dénote par conséquent une attention non satisfaisante.

Trousses de premiers soins

La réponse indique que d'après le RAC, les trousses de premiers soins à bord d'avions doivent satisfaire aux exigences du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (aéronefs), et que de plus, TC a confié au Groupe de travail chargé de la révision du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs) la tâche d'évaluer le caractère adéquat du contenu de ces trousses pour soigner les blessures de survivants d'un écrasement. Un suivi officieux par le personnel du BST a permis de déterminer que le Groupe de travail a achevé son examen et a formulé des recommandations d'amélioration aux trousses. Il n'y avait aucune information sur ce que l'on comptait mettre en œuvre ou quand cela pourrait se produire. Comme il se peut que les trousses de premiers soins conviennent davantage à des accidents d'avion, cette partie de la réponse dénote une intention satisfaisante; toutefois, il n'y a pour l'instant aucun engagement à corriger la lacune de sécurité soulevée par le Bureau.

Radiobalise de repérage d'urgence (ELT)

TC indique que l'adoption des (nouvelles) ELT TSO C126 résoudrait bon nombre des problèmes que présentent les ELT actuellement en service. On fournit beaucoup d'information sur les nombreuses étapes d'examen qui sont soit en cours, soit à venir avant la mise en œuvre de la norme TSO. Or, la réponse ne fournit aucun renseignement quant aux dates d'approbation ou de mise en œuvre pour des ELT améliorées (malgré le fait que la dernière génération d'ELT [TSO C126] est à l'essai depuis 1991). Comme l'indiquait le préambule de la recommandation, le taux de « succès » des ELT actuellement en service est pour le moins inadéquat. Puisque les lacunes des ELT existantes vont vraisemblablement perdurer dans l'avenir prévisible, cette partie de la réponse dénote une attention non satisfaisante.

CONCLUSION

Le bien-fondé de la recommandation A96-08 s'appuyait non seulement sur les circonstances particulières découlant de l'accident à Big Trout Lake, mais aussi sur les lacunes précédemment cernées concernant les possibilités de survie après un accident et l'apparente inaction au fil des ans, du secteur de l'aviation comme de Transports Canada, pour corriger ces problèmes une fois pour toutes. Les lacunes mises en évidence par l'accident à Big Trout Lake sont représentatives de celles qui existent depuis un certain temps. Compte tenu de cette réponse à la plus récente recommandation du Bureau, ces lacunes vont exposer pendant encore longtemps les survivants d'accident à des risques. Par conséquent, la réponse de TC à la recommandation A96-08 est jugée dans l'ensemble insatisfaisante.

COMMENTAIRE DU PERSONNEL

Vers 1990, TC a adopté envers l'industrie une approche « consultative » par rapport à l'élaboration de nouveaux règlements de sécurité. La mise en œuvre efficace de tout nouveau règlement requiert qu'il soit accepté par l'industrie; toutefois, une certaine « attitude de temporisation » de la part de TC marque la situation actuelle. Le processus consultatif du ministère laisse à divers groupes de travail composés de représentants sectoriels le soin de traiter d'importants enjeux de sécurité. Les initiatives de sécurité sont souvent bloquées par des intervenants ayant intérêt à le faire; parfois, le secteur détermine l'ordre du jour en fonction du plus bas dénominateur commun, établissant de fait ses propres règles et normes. Au mieux, les changements importants ne surviennent que lentement; au pire, TC a abdiqué son autorité réglementaire en faveur du secteur.

Dans le cas présent, des risques systémiques persistent depuis longtemps pour la survie de passagers payants dans les régions éloignées du Canada. Malgré la réponse raisonnée de TC, il semble que des considérations commerciales continuent de supplanter les considérations de sécurité. La chronologie des événements concernant une question aussi délicate sur le plan public résisterait mal à l'examen minutieux d'une enquête publique.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A96-08 dénote une attention non satisfaisante.

Réévaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation A96-08 (novembre 1997)

Les lacunes mises en évidence par cet accident existent depuis longtemps. Compte tenu de l'actuel environnement réglementaire, ces lacunes vont continuer d'exposer les survivants d'accident à des risques.

En conséquence, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A96-08 dénote toujours une attention non satisfaisante.

Révision par le BST de l'état du dossier de la recommandation A96-08 (avril 2014)

Le Bureau a demandé que la recommandation A96-08 soit révisée pour déterminer si l'état du dossier de lacune est approprié. Après une évaluation initiale, il a été décidé que la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation A96-08 devait être réévaluée.

Une demande de renseignements supplémentaires a été transmise à Transports Canada, dont la réponse donnera lieu à une réévaluation du dossier.

Donc, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A96-08 dénote toujours une attention non satisfaisante.

Par conséquent, le dossier de la recommandation A96-08 est remis à l'état actif.

Réponse de Transports Canada à la recommandation A96-08 (novembre 2018)

Transports Canada est d'accord avec l'intention de cette recommandation.

TC projette d'aborder la recommandation en deux temps.

Premièrement, les sous-parties 702, 703 et 704 du RAC renvoient à l'article 602.60 du RAC pour ce qui est de l'équipement d'urgence et des trousses de premiers soins. TC examinera les règlements applicables afin de déterminer quels sont les changements à apporter aux règlements existants pour mettre en œuvre la recommandation du BST. Cet exercice se déroulera dans le cadre de l'examen réglementaire de la sécurité aérienne en cours.

Deuxièmement, pour ce qui est du volet de cette recommandation portant sur les radiobalises de repérage d'urgence (ELT), TC maintient ses efforts réglementaires pour rendre obligatoire l'emport de radiobalises d'urgence de 406 MHz à bord des avions immatriculés au Canada et des avions étrangers exploités au Canada. TC prévoit la publication de ces règlements dans la partie I de la Gazette du Canada d'ici à l'hiver 2019.

Réévaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation A96-08 (mars 2019)

Transports Canada (TC) a pris un certain nombre de mesures pour corriger la lacune de sécurité soulevés dans la recommandation A96-08, mesures qui concernent les questions de possibilités de survie après un écrasement liées aux trousses de premiers soins, au matériel de survie et aux radiobalises de repérage d'urgence (ELT) à bord des avions commerciaux, notamment :

Le Bureau estime que les exigences actuelles du RAC, en ce qui a trait aux questions de possibilités de survie après un écrasement liées aux trousses de premiers soins et au matériel de survie à bord des avions commerciaux, ont considérablement réduit le risque associé à la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation A96-08.

Par conséquent, le Bureau estime que cette partie de la réponse de Transports Canada à la recommandation A96-08 dénote une attention pleinement satisfaisante.

En ce qui a trait aux exigences relatives aux ELT, le nouveau règlement rendant obligatoire l'emport d'ELT de 406 MHz n'a pas encore été publié dans la partie I de la Gazette du Canada. En juin 2016, le Bureau a émis plusieurs recommandations (A16-01, A16-02, A16-03, A16-04, A16-05, A16-06 et A16-07) qui demandaient des améliorations à diverses exigences relatives aux ELT. Ces recommandations traitent et développent les questions de probabilité de survie après un écrasement qui ont été cernées dans la recommandation A96-08 à l'égard des exigences en matière d'ELT.

Le BST surveillera les progrès réalisés sur les questions relatives aux ELT soulevées dans la recommandation A96-08 par la mise en œuvre des recommandations A16-01, A16-02, A16-03, A16-04, A16-05, A16-06 et A16-07.

Le présent dossier est fermé.