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Gestion de la fatigue

Dans l’industrie du transport, les équipages font souvent face à de longues heures de travail et des horaires irréguliers, parfois sur plusieurs fuseaux horaires ou dans des conditions difficiles, qui ne sont pas toujours propices à un sommeil réparateur. La fatigue pose un risque pour la sécurité dans le transport aérien, ferroviaire et maritime de marchandises vu l’incidence défavorable qu’elle peut avoir sur plusieurs aspects de la performance humaine.

Transcription

La fatigue est omniprésente dans l’industrie moderne du transport, qui fonctionne 24 h/24, 7 j/7. Les équipages doivent composer avec de longues heures de travail et des horaires irréguliers, sur plusieurs fuseaux horaires ou dans des conditions difficiles, et ils n’ont pas toujours un sommeil réparateur.

La fatigue nuit à la performance humaine, soit à l’attention, à la vigilance et aux fonctions cognitives générales. Cela peut causer des accidents, dont certains ont des conséquences très graves.

C’est pourquoi le BST cherche couramment à déterminer dans toutes ses enquêtes le rôle que joue la fatigue et les pratiques en place par chaque exploitant pour gérer efficacement les risques.

L’enjeu de la gestion de la fatigue demeurera sur la Liste de surveillance tant que Transports Canada et les transporteurs n’auront pas établi et mis en œuvre une approche globale pour la gestion de la fatigue.

Pour en savoir plus sur la Liste de surveillance 2022, consultez ce site : bst.gc.ca/Surveillance.

Contexte

La fatigue est omniprésente dans les sociétés modernes où de nombreux secteurs d’activités, comme le transport, fonctionnent 24 heures sur 24, 7 jours par semaine. Une étude de Statistique Canada publiée en 2017Note de bas de page 1 révèle qu’environ un tiers des adultes canadiens dorment moins que les 7 à 9 heures recommandées par nuitNote de bas de page 2. Selon cette étude, les périodes de sommeil écourtées et un sommeil de mauvaise qualité sont aussi fréquents.

La fatigue peut influer sur les performances humaines au point de causer des accidents. C’est pourquoi, dans ses enquêtes, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) cherche couramment à déterminer s’il y a eu présence de fatigue, si celle-ci a joué un rôle et si l’exploitant avait des pratiques en place pour gérer efficacement les risques associés à la fatigueNote de bas de page 3.

Depuis le début des années 1990 jusqu’au milieu de 2022, la fatigue due au manque de sommeil a figuré dans les faits établis et les messages de sécurité du BST dans le cadre de 99 événements : 38 dans le secteur du transport aérien, 29 dans le secteur du transport maritime et 32 dans le secteur du transport ferroviaire. Une enquête sur une question de sécurité publiée en 2012 a mis en évidence les risques posés par la fatigue dans le secteur de la pêche commercialeNote de bas de page 4.

La gestion de la fatigue des équipes de train de marchandises figure sur la Liste de surveillance du BST depuis 2016 et, en 2018, cet enjeu a été élargi aux secteurs du transport aérien et maritime. Six autres rapports contenant des faits établis ou des messages de sécurité liés à la fatigue ont été publiés depuis la Liste de surveillance 2020Note de bas de page 5.

Jusqu’à maintenant, les mesures proposées ou prises par Transports Canada (TC) et par les intervenants des secteurs pour atténuer le risque de fatigue n’ont pas encore été pleinement mises en œuvre.

Risques pour les personnes, les biens et l’environnement

En dépit des dispositions sur le temps de travail et de repos, l’établissement des horaires de travail pose encore un défi pour les employeurs et les employés dans les trois modes de transport. Si la réglementation et les procédures ne tiennent pas compte de tous les facteurs qui peuvent contribuer à la fatigue, il y a un risque que les employeurs ne prennent pas les moyens pour les atténuer, laissant ainsi les employés vulnérables à la fatigue.

Par exemple, si les transporteurs ne sont pas tenus de mettre en œuvre des plans de gestion de la fatigue, il y a un risque que les membres d’équipage continuent à travailler alors qu’ils sont fatigués, ce qui augmente la probabilité que des erreurs se produisent. En l’absence de sensibilisation à la fatigue, il y a un risque que les membres d’équipage ne soient pas en mesure de prévenir, de repérer et d’atténuer les risques ou les symptômes associés à la fatigue. Toutefois, pour bien gérer la fatigue, les employés doivent comprendre les risques associés à la fatigue et se sentir à l’aise de faire part de leur fatigue sans crainte de subir des conséquences néfastes.

En fin de compte, si les employés n’assument pas la responsabilité d’obtenir suffisamment de repos, ou n’ont pas la possibilité de quitter leur poste lorsqu’ils sont fatigués, il y a un risque accru d’accidents qui pourraient avoir des conséquences néfastes pour les personnes, les biens et l’environnement.

Appel au changement

Les enjeux de la Liste de surveillance sont complexes et difficiles à régler. De nombreux intervenants, notamment les exploitants et l’organisme de réglementation, doivent poser des gestes pour régler ces enjeux. Même si plusieurs mesures ont été prises déjà, il reste beaucoup à faire. Quelques mesures initiales sont énoncées ci-dessous.

La gestion efficace de la fatigue et l’atténuation des risques connexes exigent de profonds changements d’attitudes et de comportements, tant chez les gestionnaires que chez les employés. Ces changements nécessitent une formation de sensibilisation généralisée et soutenue, et la mise en œuvre de plans de gestion de la fatigue qui encouragent les employeurs et les employés à prendre leurs responsabilités afin que personne ne devienne une victime de la fatigue.

Pour favoriser ce changement de paradigme, l’enjeu de la gestion de la fatigue dans le secteur des transports demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que plusieurs mesures soient prises dans les secteurs du transport aérien, ferroviaire et maritime au Canada.

Mesures de sécurité prises par Transports Canada s’appliquant à plusieurs modes de transport

Conscient de l’attention que requiert l’enjeu de la fatigue, TC a tenu un forum international en juin 2018 axé sur les mesures qui peuvent renforcer la sécurité des transports par une meilleure reconnaissance et une meilleure gestion de la fatigueNote de bas de page 6.

Afin d’orienter les décisions stratégiques dans tous les modes de transport et d’assurer une uniformité d’application de la science et des principes de gestion de la fatigue dans le secteur, TC a mis sur pied le Centre d’expertise sur la fatigue en 2020. Bon nombre d’initiatives ont été évaluées au moyen du Centre, y compris examiner le besoin d’établir un cadre général pour élaborer et mettre en œuvre un système de gestion des risques liés à la fatigue (SGRF).

Secteur du transport aérien : mise en œuvre de la réglementation sur les temps de vol et de service de vol

Les opérations aériennes ont lieu jour et nuit, parfois sur de longues distances et sur plusieurs fuseaux horaires. L’altération du rendement due à la fatigue a un effet négatif sur la sécurité du transport aérien.

Mesures prises

En décembre 2018, TC a publié de nouvelles exigences concernant la gestion de la fatigue des équipages de conduite dans la Partie II de la Gazette du Canada. La réglementation a une période de mise en œuvre échelonnée. Les exploitants aériens assujettis à la sous-partie 705 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) disposent de deux ans après la publication des modifications, soit jusqu’à décembre 2020, pour respecter les nouvelles exigences.

Les exploitants aériens assujettis aux sous-parties 703 et 704 du RAC disposent de quatre ans, soit jusqu’à décembre 2022, pour respecter les nouvelles exigences. Les exploitants aériens assujettis à la sous-partie 702 du RAC ne sont pas visés par la nouvelle réglementation sur la gestion de la fatigue des équipages de conduite (les anciennes exigences continuent de s’appliquer).

Comme autre moyen de conformité aux exigences normatives auxquelles les exploitants aériens doivent se conformer, la nouvelle réglementation donne la possibilité aux exploitants aériens (y compris ceux qui sont assujettis à la sous-partie 702) de mettre en œuvre un SGRF afin de cerner et de réduire au minimum les sources de fatigue et de gérer les risques liés à la fatigue dans une activité donnéeNote de bas de page 7.

Mesures à prendre

L’enjeu de la gestion de la fatigue dans le transport aérien demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que les exploitants aériens canadiens assujettis aux sous-parties 703 et 704 mettent en œuvre la nouvelle réglementation sur la gestion de la fatigue des équipages de conduite.

Le BST examinera l’efficacité de cette nouvelle réglementation sur les activités de transport aérien au Canada par l’entremise de ses enquêtes.

Secteur du transport maritime : pas de sensibilisation ni de plans de gestion de la fatigue

Dans le secteur du transport maritime, la fatigue est aussi tributaire de l’intensité des activités, caractérisée par de longues heures de travail irrégulières sur de longues périodes, des périodes de sommeil courtes ou interrompues, une rotation rapide des quarts de travail, une lourde charge de travail et l’isolement social. À l’heure actuelle, la gestion de la fatigue dépend des règles sur le temps de travail et de repos en vigueur, et de la responsabilité du capitaine à tenir compte des risques de fatigue lorsqu’il établit les horaires de travail.

L’application des règles concernant les périodes de travail et de repos sur les navires exploités au pays s’avère problématique. L’approche face à la gestion de la fatigue varie beaucoup d’un propriétaire ou d’un type de navire à un autre. Dans le secteur maritime, l’éthique professionnelle, la pénurie de main-d’œuvre et les contraintes économiques peuvent encourager certaines personnes à travailler même sous l’effet de la fatigue, si elles en ont l’obligation ou se sentent obligées de le faire. De plus, l’enquête du BST sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada (M09Z0001) a démontré que les pêcheurs voient la fatigue comme un aspect normal de leurs activités, ne reconnaissent généralement pas les signes de fatigue et ne comprennent pas les effets de la fatigueNote de bas de page 8.

Les dispositions sur les périodes de travail et de repos dans le Règlement sur le personnel maritime ne s’appliquent pas à environ 95 % des navires de pêche; de plus, il n’y a aucune exigence de donner une formation complète de sensibilisation à la fatigue ou d’élaborer des plans de gestion de la fatigue. Compte tenu des longues heures de travail et de l’effort physique et mental qu’exige la pêche commerciale, il importe que les pêcheurs soient sensibilisés aux risques de fatigue et puissent recourir à des stratégies pour les atténuer. Si la culture de sécurité dans le secteur de la pêche ne change pas, tout plan de gestion de la fatigue risque d’être ignoré.

Mesures prises

En 2018, le BST a formulé deux recommandationsNote de bas de page 9 en ce qui concerne le besoin de cours pratique sur la fatigue et formation en sensibilisation pour les officiers de quart et de plans de gestion de la fatigue pour les propriétaires de navires.

Même si TC a lancé une campagne de sensibilisation à la formation sur la fatigue en 2020, ses progrès ont été interrompus par la pandémie de la COVID-19. De janvier à mars 2020, des hauts fonctionnaires de TC ont organisé des séances d’une demi-journée de sensibilisation à la fatigue pour des représentants autorisés, des gens de mer et des syndicats dans 10 villes différentes partout au Canada. TC prévoit continuer à organiser ces séances à la suite de la reprise des activités normales après la pandémie de la COVID-19 et évalue l’option de donner la formation sur la fatigue et de tenir les séances de sensibilisation en ligne.

TC s’assure actuellement que le plan de cours de tous les programmes de certification des gens de mer (y compris les brevets de capacité) comprend une formation obligatoire sur la fatigue. Cette nouvelle exigence entrera en vigueur avec la publication des modifications proposées au Règlement sur le personnel maritime (qui doivent paraître dans la Partie I de la Gazette du Canada au milieu de 2023). Ces exigences s’appliqueront aux navires canadiens ayant une taille particulière, mais aucune mesure n’est prévue concernant la gestion de la fatigue à bord des petits navires commerciaux et dans le secteur de la pêche.

En Colombie-Britannique, WorkSafeBC fournit des renseignements sur la sensibilisation à la fatigue pour les employeurs et les employés sur son site Web depuis 2020Note de bas de page 10.

À Terre-Neuve-et-Labrador, la Fish Harvesters Safety Association a publié un exemple d’une procédure de gestion de la fatigue qui aide les pêcheurs à élaborer une procédure adaptée à leurs activitésNote de bas de page 11.

Mesures à prendre

L’enjeu de la gestion de la fatigue dans le transport maritime demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que

Secteur du transport ferroviaire : vers une approche globale axée sur la science pour la gestion de la fatigue

Depuis l’enquête du commissaire Foisy en 1986Note de bas de page 12, le gouvernement et l’industrie ferroviaire ont pris un certain nombre de mesures pour gérer de la fatigue dans ce secteur, notamment par le biais de règles et de règlements, de plans et de lignes directrices pour gérer la fatigue et même d’algorithmes de gestion des horaires. Toutefois, les risques n’ont toujours pas été atténués de manière adéquate. La gestion efficace de la fatigue présente des défis, notamment en raison des dispositions sujettes à la négociation collective, les heures de départ imprévisibles dans le transport de marchandises, les longues heures de service et la rotation des quarts de jour et de nuit.

Même si TC a approuvé les nouvelles règles relatives au temps de travail et de repos en 2020, les pratiques de gestion de la fatigue pour le personnel d’exploitation ne sont pas toujours représentatives des plus récents travaux scientifiques sur la fatigue relatifs aux périodes quotidiennes et cumulatives de travail et de repos.

Mesures prises

De 2011 jusqu’au milieu de 2022, le BST a transmis à TC 16 avis de sécurité et lettres d’information sur la sécurité découlant de préoccupations d’employés au sujet de la fatigue.

Les Règles relatives aux périodes de service et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire ont été approuvées par le ministre le 25 novembre 2020 et reflètent les travaux scientifiques et les pratiques sur la fatigue les plus récents. Les Règles énoncent les exigences relatives à l’élaboration des règles concernant les périodes de travail et de repos pour les employés dans des postes désignés comme étant essentiels à la sécurité des activités ferroviaires. Plus particulièrement, les nouvelles règles réduisent la durée des périodes de travail, augmentent la durée minimale des périodes de repos et établissent de nouvelles limites pour le nombre d’heures de travail par semaine et par mois. Les nouvelles règles sont mises en œuvre progressivement, de novembre 2021 à novembre 2024.

En mai 2022, TC a indiqué au BST son intention de publier son Règlement sur le système de gestion de la fatigueNote de bas de page 13 pour le secteur ferroviaire du Canada dans la prochaine année.

Mesures à prendre

L’enjeu de la gestion de la fatigue dans le transport ferroviaire de marchandises demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que