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Enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R19T0107

Le BST a terminé cette enquête. Le rapport a été publié le 18 décembre 2023.

Table des matières

Déraillement de train en voie principale

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Train de marchandises M38331-27
Point milliaire 60,55, subdivision de Strathroy
Sarnia (Ontario)

Voir le rapport final

L'événement

Le 28 juin 2019, le train de marchandises M38331-27 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) circulait dans le tunnel Paul M. Tellier du CN en direction de Port Huron (Michigan, États-Unis) lorsqu’un freinage d’urgence provenant de la conduite générale du trainNote de bas de page 1 s’est déclenché. Au total, 46 matériels roulants ont déraillé dans le tunnel, dont un wagon-citerne de marchandises dangereuses qui a subi une brèche pendant le déraillement et a déversé une quantité estimée à 12 000 gallons américains d’acide sulfurique (ONU 1830 , classe 8, groupe d’emballage II). Il n’y a eu aucun blessé.

L’accident

Le train circulant en direction ouest avait quitté Sarnia (Ontario, Canada) (point milliaire 57,2 de la subdivision de Strathroy du CN) le 28 juin 2019, vers 4 h 02, heure avancée de l’Est. Le train était composé de 2 locomotives de tête et de 1 locomotive à traction répartie télécommandée en milieu de train, tirant un total de 140 wagons de marchandises. Il avait une longueur de 9541 pieds et pesait 15 674 tonnes.

Un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché vers 4 h 20, alors que le train roulait à 44 mi/h dans le tunnel. La partie avant séparée du train s’est arrêtée à l’extérieur du tunnel au point milliaire 61,46, tandis que la partie arrière s’est arrêtée à l’extérieur du portail est du tunnel à Sarnia. Au total, 45 wagons de marchandises et la locomotive à traction répartie télécommandée ont déraillé et se sont immobilisés de part et d’autre de la frontière internationale à l’intérieur du tunnel.

L’enquête a permis de déterminer que l’accident s’est produit lorsque le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478, chargé de ferrailles d’acier, a subi une défaillance structurale et que le côté gauche du bout A du wagon s’est affaissé, ce qui a entraîné le déraillement du wagon dans le tunnel, du côté canadien de la frontière. Lorsque le wagon DJJX 30478 s’est affaissé, le bogie du bout A s’est décentré sous le wagon, ce qui a eu pour effet de renverser les 2  rails vers l’extérieur et de faire dérailler les wagons qui suivaient.

La présence de défectuosités structurales dans les plaques de cisaillement, les longrines tronquées, les traverses pivots et les brancards ainsi que l’amincissement des sections d’acier en raison de la corrosion du wagon DJJX 30478 ont eu une incidence négative sur la capacité du wagon à résister aux forces exercées le long du train. Le wagon-tombereau baignoire DJJX 1978, construit par Berwick Forge & Fabricating Corporation (Berwick Forge) en 1978, a été utilisé dans le cadre d’un type d’exploitation exigeant (c.-à-d. le transport de ferrailles d’acier) pour lequel il n’avait pas été conçu à l’origine. Il n’y avait aucune exigence réglementaire ou de l’industrie visant l’exécution périodique d’une inspection complète du wagon afin de s’assurer qu’il conservait son intégrité structurale. Par conséquent, son intégrité structurale s’est détériorée et cela n’a pas été décelé avant l’accident.

Dans le cadre de l’enquête, une analyse a été réalisée à l’aide de simulations des forces dynamiques du train et de la modélisation par éléments finis (FEM). Les simulations des forces dynamiques du train ont permis de déterminer que des forces de compression pouvant atteindre approximativement 388 kips (soit 388 000 livres de force) ont été exercées sur le wagon DJJX 30478 alors que celui-ci se trouvait dans le tunnel. L’analyse de défaillance par FEM a permis de confirmer que, compte tenu de la présence de défectuosités qui compromettaient l’intégrité structurale du wagon, les forces de compression exercées sur le wagon ont entraîné la défaillance structurale du bout A, qui a mené à la séquence de déraillement. La force de compression maximale calculée qui s’exerçait sur le wagon au moment de l’affaissement représentait une réduction de 61 % de la résistance nominale d’origine du wagon en raison de sa détérioration.

Exigences réglementaires relatives à l’inspection et à la sécurité des wagons de marchandises

Il est courant que le matériel roulant soit transféré d’un chemin de fer à un autre à un point d’échange. Ce processus est appelé échange. Il y a échange lorsqu’une compagnie de chemin de fer accepte qu’un wagon de marchandises d’une autre compagnie de chemin de fer soit mis en service sur son réseau à un point d’échange ou au passage de la frontière canado-américaine.

Le Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises (2014) (Règlement sur la sécurité des wagons) approuvé par Transports Canada (TC) et le Code of Federal Regulations (CFR), titre 49, volume 4, partie 215 – Railroad Freight Car Safety Standards (2011) (normes de sécurité des wagons de marchandises) de la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis établissent les critères de sécurité minimaux pour les wagons de marchandises exploités par les compagnies ferroviaires sous réglementation fédérale dans leur pays respectif. Les wagons de marchandises qui circulent au Canada ou aux États-Unis doivent respecter ces critères minimaux, bien que les documents susmentionnés renferment tous deux des dispositions qui permettent de déplacer des wagons de marchandises présentant des défectuosités vers un endroit pour y être réparés.

Toutefois, ni le Règlement sur la sécurité des wagons du Canada ni les normes de sécurité des wagons de marchandises des États-Unis ne contiennent de limites relatives aux dommages causés à des éléments de structure importants des wagons de marchandises, comme la déformation de montants latéraux; la rupture de tôles latérales, de tôles de bout et de sections de la tôle inférieure; la cambrure négative du brancard; la déformation des membrures supérieures; ou la présence de fissuration et de corrosion importantes. Par conséquent, les défectuosités structurales n’interdisaient pas l’échange du wagon DJJX 30478.

Échange du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478

Le wagon-tombereau qui a subi une défaillance dans le tunnel a servi au transport du charbon pendant environ 34 ans. L’Association of American Railroads (AAR) avait qualifié le wagon pour le « service prolongé », qui s’applique aux wagons de marchandises neufs construits depuis le 1er juillet 1974. La qualification pour le « service prolongé » permet d’exploiter le wagon pour une durée allant jusqu’à 50 ans à compter de la date de construction initiale sans avoir à obtenir de nouvelle qualification, sauf indication contraire.

En 2012, le wagon avait été retiré du service de transport de charbon et acheté par le David J. Joseph Company Rail Equipment Group (DJJ Co.), dans le cadre d’un achat plus important de 1650 wagons semblables destinés au transport de ferrailles d’acier. DJJ Co. a modifié l’ensemble des 1650 wagons en remplaçant les 4 barres transversales de renfort, qui entravaient le chargement par le haut de la ferraille d’acier, par 2 grands profilés en U en acier mécanosoudés à l’intérieur du wagon pour compenser le changement structurel et renforcer la tôle inférieure. Les modifications apportées aux 1650 wagons ont été approuvées par l’AAR.

Au moment de sa défaillance dans le tunnel, le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 était détérioré et présentait un certain nombre de défectuosités préexistantes qui ont contribué à réduire son intégrité structurale. L’examen visuel du wagon après l’accident a permis de déterminer que les défectuosités n’étaient pas récentes et qu’elles s’étaient développées au fil du temps avant l’accident.

Malgré sa détérioration, le wagon DJJX 30478 se déplaçait fréquemment au Canada, aux États-Unis et entre les deux, et il avait fait l’objet de 16 échanges entre chemins de fer dans les 6 mois précédant l’accident.

Au cours des 3 mois précédant l’accident, le wagon DJJX 30478 avait fait l’objet de 24 inspections autorisées des wagons réalisées à divers points d’échange du CN, avait été soumis à de nombreuses inspections au défilé et avait traversé plusieurs systèmes de détection en voie, sans qu’aucune défectuosité importante ne soit relevée. Pendant l’année qui a précédé l’accident, le wagon n’avait fait l’objet que de travaux d’entretien régulier.

Essais de compression en queue de wagon des wagons-tombereaux baignoires DJJX effectués par le Conseil national de recherches Canada

Le BST a retenu les services du Conseil national de recherches Canada (CNRC) pour effectuer des essais de compression en queue de wagon sur 3 wagons-tombereaux baignoires semblables au wagon DJJX 30478 qui se trouvaient dans la partie avant du train. Les essais visaient à évaluer la capacité de ces wagons à résister à 3 applications consécutives d’une force de compression longitudinale de 1000 kips dans leur état actuel d’usure après 40 ans de service. Les essais ont été effectués conformément aux critères du Manual of Standards and Recommended Practices de l’AAR pour la conception et la construction de nouveaux wagons de marchandises.

Deux des wagons soumis aux essais, qui avaient été construits par ACF Industries Inc., comportaient des membrures de châssis en acier plus épaisses et ont chacun résisté à 3 applications consécutives d’une force de 1000 kips. Le troisième wagon (DJJX 30156), construit par Berwick Forge, qui était de la même conception et de la même année que le wagon DJJX 30478, a subi une défaillance structurale à une pression d’environ 628 kips (628 000 livres-force) au cours de la première application de force. Par conséquent, l’essai n’a pas pu être répété.

Mesures de sécurité prises

Bureau de la sécurité des transports du Canada

À la suite de cet accident, le BST a communiqué des renseignements essentiels pour la sécuritéNote de bas de page 2 sur les éléments suivants :

Transports Canada

En réponse à l’avis de sécurité ferroviaire 08/19 du BST, Transports Canada a écrit à l’Association des chemins de fer du Canada et à la Western Canadian Short Line Railway Association pour recommander que les compagnies de chemin de fer canadiennes veillent à ce que leur matériel roulant, leurs procédures et leurs instructions soient examinés et mis à jour, au besoin, afin d’assurer la sécurité des employés.

En réponse aux avis de sécurité ferroviaires 09/19 et 07/20 du BST, Transports Canada a communiqué avec l’AAR au sujet des problèmes mentionnés dans les 2 avis de sécurité ferroviaires et a continué d’exercer un suivi auprès de l’AAR pour s’assurer que tous les wagons visés par l’avis d’entretien (Maintenance Advisory) MA-0188 émis par l’AAR ont été inspectés.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

Après le déraillement, le CN a repéré et inspecté 416 des 2130 wagons d’âge et de type semblables au wagon-tombereau baignoire de l’événement à l’étude, qui servaient au transport de ferrailles en Amérique du Nord. Le CN a constaté que 149 des 416 wagons (36 %) présentaient des défectuosités.

En réponse à l’avis de sécurité ferroviaire 08/19 du BST, le CN a publié le bulletin sommaire novembre 2020 – avril 2021 en vertu de la règle 83(c), qui comprenait de nouvelles procédures d’urgence à suivre en cas d’urgence dans le tunnel.

Association of American Railroads

L’AAR a publié les avis d’entretien MA-0188 et MA-0198, le préavis d’alerte (Early Warning) EW-5344 et l’instruction sur le matériel roulant (Equipment Instruction) El-0017 à l’intention de l’industrie ferroviaire, exigeant l’inspection de wagons-tombereaux baignoires spécifiés. L’instruction sur le matériel roulant EI ‑0017, qui a été émise après les avis d’entretien et le préavis d’alerte, exige que les wagons-tombereaux baignoires Berwick Forge de même année que le wagon en cause dans l’événement à l’étude soient inspectés tous les 2 ans. Les wagons indiqués dans l’instruction sur le matériel roulant font automatiquement l’objet d’une interdiction d’échange en vertu des règles d’échange de l’AAR, à moins d’avoir été inspectés dans le délai de 2 ans et d’avoir été déclarés exempts des défectuosités mentionnées. Le processus se répétera tous les 2 ans pour chaque wagon figurant sur la liste.

Les règles d’échange de l’AAR de 2020 qui régissent les longrines centrales, les longrines de traction, les supports d’attelage et les brancards ont été révisées afin d’inclure les défectuosités touchant les longrines tronquées et les brancards qui nécessitent une attention particulière.


Ressources pour les médias

Communiqué de presse

2023-12-18

La défaillance structurale d’un wagon de marchandises a entraîné un déraillement de train en 2019 dans le tunnel entre le Canada et les États-Unis
Lire le communiqué de presse

Communiqué de presse

2019-11-16

Avis de mise à jour d’enquête : déraillement de train survenu près de Sarnia (Ontario) en juin 2019
Lire le communiqué de presse

2019-07-05

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada mènera l’enquête sur le déraillement de train survenu dans le tunnel St. Clair qui relie Sarnia (Ontario) et Port Huron (Michigan)
Lire le communiqué de presse

2019-06-29

Le BST et le NTSB évaluent le déraillement d'un train du CN dans le tunnel St. Clair entre Sarnia (Ontario) et Port Huron (Michigan)
Lire le communiqué de presse

Avis de déploiement

2019-06-28

Le BST envoie une équipe d’enquêteurs sur les lieux d’un déraillement de train à Sarnia (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) envoie une équipe d’enquêteurs sur les lieux d’un déraillement impliquant un train du Canadien National dans le tunnel Sarnia à Sarnia (Ontario). Le BST ira recueillir des informations et évaluer l'événement.


Informations d'enquête

Carte de la région




Enquêteur désigné

Photo de Rob Johnston

Depuis 2001, M. Rob Johnston travaille au Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST). Il a occupé le poste d’enquêteur principal régional à Winnipeg jusqu’en 2004, année où il est devenu enquêteur principal, agent des normes et de la formation à l’Administration centrale du BST à Gatineau (Québec). Il est devenu le gestionnaire des Opérations de la région du Centre en novembre 2009 et il a agi en tant que directeur intérimaire de la Direction des enquêtes (Rail/Pipeline) pendant 9 mois en 2010-2011.

Il gère actuellement six membres du personnel, soit des enquêteurs des secteurs ferroviaire et des pipelines à Winnipeg, Toronto et Ottawa et il est responsable de toutes les activités des enquêtes ferroviaires de la région du Centre qui s’étend de Cornwall, en Ontario à tout près de la frontière entre l’Alberta et le Saskatchewan.

Au cours de sa carrière au BST, M. Johnston a participé à plus de 100 enquêtes sur des accidents, y compris 14 enquêtes majeures à titre d’enquêteur désigné ou en tant que membre d’une équipe d’enquête fournissant une expertise technique.

Avant de se joindre au BST, M. Johnston a travaillé au sein du groupe Prévention des accidents ferroviaires du Chemin de fer Canadien Pacifique de 1984 à 2001. Durant ces années, il a acquis une expérience considérable en ce qui a trait à l’exploitation mécanique, à l’analyse des défaillances et aux marchandises dangereuses.


Photos


Catégorie de l’enquête

Cette enquête est une enquête de catégorie 2. Ces enquêtes sont complexes et portent sur plusieurs problèmes de sécurité exigeant une analyse approfondie. Les enquêtes de catégorie 2, qui donnent souvent lieu à des recommandations, se concluent généralement en 600 jours. Pour de plus amples renseignements, consultez la Politique de classification des événements.

Processus d'enquête du BST

Une enquête du BST se déroule en 3 étapes :

  1. L'étape du travail sur le terrain : une équipe d'enquêteurs examine le lieu de l'événement et l'épave, interviewe les témoins et recueille toute l'information pertinente.
  2. L'étape d'examen et d'analyse : le BST examine toute la documentation liée au dossier, effectue des tests en laboratoire sur des composantes de l'épave, établit la chronologie des événements et identifie toute lacune en matière de sécurité. Lorsque le BST soupçonne ou constate des lacunes en matière de sécurité, il en informe sans tarder les organismes concernés sans attendre la parution du rapport final.
  3. L'étape de production du rapport : une version confidentielle du rapport est approuvée par le Bureau et envoyée aux personnes et organismes qui sont directement touchés par le rapport. Ceux-ci ont l'occasion de contester ou de corriger l'information qu'ils jugent erronée. Le Bureau tient compte de toutes les observations fournies avant d'approuver la version définitive du rapport, qui est ensuite publiée.

Vous trouverez de plus amples détails à la page sur le Déroulement des enquêtes.

Le BST est un organisme indépendant qui mène des enquêtes sur des événements de transport aérien, ferroviaire, maritime et pipelinier. Son seul but est de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.