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Rapport d'enquête aéronautique A09A0016

Panne de boîte de transmission principale et collision avec un plan d'eau
du Sikorsky S-92A C-GZCH
exploité par Cougar Helicopters Inc.
à 35 milles marins à l'est de St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 12 mars 2009 à 9 h 17, heure avancée de Terre-Neuve-et-Labrador, le Sikorsky S-92A (immatriculation C-GZCH, numéro de série 920048) de Cougar Helicopters exploité sous le numéro de vol Cougar 91 (CHI91), décolle de l'aéroport international de St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) à destination de la plateforme de forage Hibernia avec à son bord 16 passagers et 2 membres d'équipage. Vers 9 h 45, soit 13 minutes après la mise en palier à l'altitude prévue de 9000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), un voyant d'alarme pour la pression d'huile de la boîte de transmission principale s'allume. L'hélicoptère est à environ 54 milles marins de l'aéroport de St. John's. L'équipage déclare une situation d'urgence et commence à descendre en faisant demi-tour pour revenir à St. John's. Il descend jusqu'à 800 pieds asl et se met en palier à un cap de 293 degrés magnétiques et à une vitesse de 133 nœuds. À 9 h 55, à environ 35 milles marins de St. John's, l'équipage signale qu'il fait un amerrissage forcé. Moins d'une minute plus tard, l'hélicoptère percute la surface de l'eau en cabré légèrement incliné à droite, à une faible vitesse avant mais à un taux de descente élevé. Le fuselage est lourdement endommagé et l'hélicoptère coule rapidement par 169 mètres de fond. Un passager gravement blessé survit et est secouru environ 1 heure et 20 minutes après l'accident. Les 17 autres passagers périssent noyés. Aucun signal en provenance de l'émetteur de localisation d'urgence de l'hélicoptère ou des radiobalises individuelles des occupants n'est détecté.


1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

1.1.1 Préparation du vol

Le matin de l'accident, l'équipage effectue la planification du vol et prépare l'hélicoptère. On présente aux passagers l'exposé de sécurité avant le vol et on leur distribue, ainsi qu'à l'équipage, des combinaisons de survie pour le survol maritime.

1.1.2 Départ et croisière

Le vol 91 (CHI91)Note de bas de page 1 de Cougar Helicopters Inc. (Cougar Helicopters) décolle à 9 h 17Note de bas de page 2 de l'aéroport international de St. John's (CYYT) (Terre-Neuve-et-Labrador) selon un plan de vol aux instruments à destination des plateformes de forage Sea Rose et Hibernia. Le commandant de bord occupe le siège droit et est aux commandes (PF). Le copilote occupe le siège gauche et n'est pas aux commandes (PNF). Peu après le décollage, l'équipage modifie le plan de vol et obtient l'autorisation d'aller d'abord à Hibernia puis ensuite à Sea Rose. À 9 h 32, l'équipage met l'appareil en palier à 9000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) et règle la puissance à 70 % du couple moteur (couple), obtenant une vitesse indiquée de 112 nœuds. L'appareil devait arriver à Hibernia à 10 h 40.

1.1.3 Détection de la panne et descente

À 9 h 45 min 5, l'enregistreur de données de vol (FDR) enregistre une baisse de pression d'huile de la boîte de transmission principale (BTP) sous le niveau normal situé entre 45 et 70 livres par pouce carré (lb/po²). Dans la seconde suivante, le voyant d'avertissement jaune MGB OIL PRES (pression d'huile de boîte de transmission), indiquant une faible pression d'huile, s'allume momentanément, puis s'éteint quand le voyant d'alarme rouge MGB OIL PRES s'allume. Le voyant d'alarme rouge MGB OIL PRES est accompagné d'un message d'alarme sonore : « GEARBOX PRESSURE… GEARBOX PRESSURE » (pression boîte de transmission). Dans les secondes qui suivent, le commandant de bord demande au copilote de sortir la liste de vérifications et de commencer la procédure. La pression d'huile tombe à moins de 5 lb/po² à 9 h 45 min 25. Selon le manuel de vol de l'hélicoptère (RFM) du S-92A, la combinaison du voyant d'alarme rouge MGB OIL PRES (indication principale) et d'une chute de pression sous 5 lb/po² (indication secondaire) commande d'« atterrir immédiatement ».

À 9 h 45 min 27, le commandant de bord déclare une urgence au centre de contrôle régional (ACC) de Gander (Terre-Neuve-et-Labrador), indiquant qu'il éprouve un problème de pression d'huile de la BTP et demande l'autorisation de retourner à CYYT (voir la figure 1, point A). À 9 h 45 min 31, le commandant de bord amorce la descente en quittant 9000 pieds asl . Immédiatement après l'appel de détresse, l' ACC de Gander donne des vecteurs radar à CHI91 , pour le guider vers CYYT . À 9 h 45 min 57, CHI91 a terminé son virage et se trouve à environ 54 milles marins (nm) de CYYT et 47 nm du cap Spear, qui est le point du continent le plus proche.

Au départ et lorsque le vol était en croisière, le copilote assurait les communications radio. Toutefois, après le déclenchement des alarmes de pression d'huile de la BTP , le commandant de bord, qui est aux commandes, assure les communications radio avec l'extérieur tandis que le copilote passe en revue la liste de vérifications d'urgence.

À 9 h 45 min 58, le PF mentionne qu'il a commencé à descendre vers la surface de l'eau. Le copilote accuse réception. Moins d'une minute après, les pilotes discutent de la préparation des combinaisons de survie. Ils parlent ensuite de la sortie du train d'atterrissage (le premier élément de la liste de vérifications d'un amerrissage forcé), mais ils décident de ne pas le sortir à ce moment-là.

À 9 h 47, l'équipage discute de la présence éventuelle d'odeurs anormales ou de vibrations. Aucune odeur ni vibration n'est perçue, et rien d'anormal n'est constaté à l'arrière de l'hélicoptère. Au même moment, le FDR enregistre que la pression d'huile de la BTP est tombée à 0 lb/po². Pendant tout l'événement, les pilotes ont surveillé la jauge de pression d'huile de la BTP et étaient conscients qu'elle était tombée à 0 lb/po².

Le commandant confirme à l' ACC de Gander qu'il vole en conditions météorologiques de vol à vue (VMC) et indique que la pression d'huile de la BTP est tombée à 0 lb/po². L' ACC de Gander informe CHI91 que le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS) de Halifax a été avisé de la situation. Le commandant de bord accuse réception de la transmission et mentionne qu'il a également avisé le centre de régulation des vols de Cougar pour avoir un autre appareil prêt à intervenir en cas de besoin.

La figure 1 montre la trajectoire de vol à l'aller de CHI91 , avant l'apparition du voyant d'alarme rouge MGB OIL PRES (ligne continue verte), le point où la perte de pression d'huile est survenue (point A), la partie de la trajectoire de retour du vol (ligne rouge), et le point d'impact approximatif avec la surface de l'eau (point B). La ligne pointillée bleue est la projection de la trajectoire directe du point d'impact à CYYT . L'encart dans la figure 1 montre la distance entre le cap Spear et la trajectoire de retour directe vers CYYT depuis le point de déroutement.

Figure 1. Carte des lieux montrant la trajectoire de l'hélicoptère et le point d'impact
Image de la carte des lieux montrant la trajectoire de l'hélicoptère et le point d'impact

À 9 h 51 min 14, l' ACC de Gander donne le calage altimétrique en vigueur à CHI91 et lui demande le nombre d'occupants à bord et la quantité de carburant restante. Au même moment, le système d'avertissement sonore de l'hélicoptère annonce : « MINIMUMS, MINIMUMS », indiquant que l'appareil a atteint l'altitude de mise en palier présélectionnée. Le commandant de bord accuse réception du calage altimétrique et dit à Gander qu'il y a dix-huit personnes à bord et trois heures de carburant. Immédiatement après, le copilote termine la liste de vérifications de panne de pression d'huile de la BTP en déclarant qu'ils sont en situation [Traduction] « d'atterrissage immédiat ». Le commandant de bord répond au copilote qu'il va mettre l'hélicoptère en palier à environ 1000 pieds asl.

1.1.4 Mise en palier et poursuite du vol à 800 pieds asl

Quand CHI91 descend sous 1000 pieds asl , le PF augmente la puissance de façon à maintenir l'altitude. À 9 h 51 min 50, le FDR enregistre l'augmentation du couple moteur. Quelques instants plus tard, l'hélicoptère se met en palier à 800 pieds asl . Cette altitude aurait donné une marge de franchissement d'obstacles d'environ 300 pieds au-dessus du point le plus élevé à terre sur la trajectoire directe entre la position présente du vol et CYYT , et une marge d'environ 600 pieds au-dessus du point le plus élevé aux abords du cap Spear. À 9 h 52 min 16, le centre de régulation des vols de Cougar informe CHI91 que le CCCOS demande si un amerrissage forcé est imminent, probable ou possible. Le commandant de bord, en accord avec le copilote, répond qu'un amerrissage forcé est possible. Il indique également qu'il soupçonne une panne de pompe à huile ou un problème de capteur de pression d'huile puisque la température d'huile de la BTP donne encore une indication dans la plage normale. Au cours de cette conversation avec le centre de régulation de Cougar, le commandant de bord ajoute qu'il ne pense pas avoir perdu toute la pression d'huile de la BTP.

À partir de 9 h 54 min 8, le commandant de bord entame une discussion avec le centre de régulation de Cougar qui dure 67 secondes. À 9 h 55 min 15, des indices montrent que quelque chose vient de survenir dans l'hélicoptère et le commandant de bord décide immédiatement de faire un amerrissage forcé. Au même moment, l'alimentation électrique de l'enregistreur de vol multifonction (MPFR) est coupée. Aucune anomalie n'a été mentionnée par l'équipage avant la panne électrique pouvant expliquer la décision soudaine de faire un amerrissage forcé.

À 9 h 56, moins d'une minute après que le commandant de bord ait signalé au centre de régulation de Cougar sa décision de faire un amerrissage forcé, et 11 minutes après la perte de pression d'huile de la BTP , CHI91 percute la surface de l'eau en cabré légèrement incliné à droite. L'impact endommage la structure de l'hélicoptère et le dispositif de flottaison d'urgence ne se déploie pas. L'hélicoptère sombre rapidement et, à l'exception de deux personnes, tous les occupants restent à l'intérieur.

1.1.5 Lieu de l'accident et sauvetage du survivant

L'accident s'est produit à environ 35 nm de CYYT (soit une position approximative de 47° 26′ 03″ N , 051 ° 56′ 35″ W), sur une trajectoire directe entre le point de déroutement et CYYT (voir la figure 1).

À 10 h 12, environ 17 minutes après le message de CHI91 indiquant qu'il faisait un amerrissage forcé, un avion de patrouille maritime arrive sur place et repère deux personnes et deux radeaux de sauvetage à la surface de l'eau. Une personne fait des signaux à l'avion, mais l'autre semble flotter sur le ventre.

À 10 h 37, Cougar Rescue 61, un S-92A de la compagnie équipé pour la recherche et le sauvetage (SAR), décolle de CYYT et arrive sur le lieu de l'accident à 10 h 55. Avec l'aide d'un sauveteur, l'unique survivant est amené à bord par le treuil de l'hélicoptère environ 20 minutes plus tard. À 11 h 40, un second hélicoptère, Cougar Rescue 62, arrive sur place et remonte le deuxième passager au treuil, mais ce dernier ne montre plus aucun signe vital.

Le premier aéronef militaire arrivé sur place est un CP140A (Arcturus) à 10 h 32. Il est suivi d'un avion SAR CC130 Hercules à 11 h 4. À 11 h 58, trois hélicoptères SAR CH-149 Cormorant arrivent sur place. Les opérations de recherche active se poursuivent jusqu'au lendemain à 20 heures, lorsque le CCCOS met un terme aux recherches.

1.2 Victimes

  Équipage Passagers Tiers Total
Tués 2 15 - 17
Blessés graves - 1 - 1
Blessés légers/indemnes - - - -
Total 2 16 - 18

1.3 Dommages à l'aéronef

La cellule de CHI91 a été lourdement endommagée à l'impact avec la surface de l'eau. La partie avant du poste de pilotage, la partie centrale du fuselage et le plancher de la cabine, la plateforme moteur et la queue ont été séparés en quatre sections reliées par des bouts de câbles, des faisceaux de fils et quelques éléments de structure. Des débris flottants ont été récupérés par des navires de surface, notamment le flotteur latéral gauche et le réservoir souple gauche, la porte de la soute arrière, deux radeaux de sauvetage, des objets flottants légers et quelques effets personnels. Le flotteur latéral droit et le réservoir souple droit n'ont pas été retrouvés. Pendant les semaines suivant l'accident, d'autres débris flottants ont été récupérés par des navires de surface.

Le poste de pilotage a été lourdement endommagé et s'est détaché du fuselage. Les deux issues de secours des places pilotes se sont détachées à l'impact quand la structure du poste de pilotage et du fuselage s'est déformée. Le poste de pilotage avec les commandes de vol et le tableau de bord, depuis le nez vers l'arrière jusqu'à sa jonction avec le corps du fuselage, a été retrouvé sous la partie avant de la cabine. Le siège pilote gauche est resté fixé à la structure du poste de pilotage, mais le siège pilote droit s'est détaché de ses points d'ancrage à la structure.

Les parois principales de la cabine et le plancher se sont déformés puis rompus en plusieurs endroits. Le côté gauche et le côté droit de la cabine se sont rompus horizontalement le long des cadres des fenêtres passagers et des issues de secours et se sont détachés de la plateforme moteur et du plafond de la cabine. Les fenêtres éjectables des sièges passagers se sont toutes détachées du fuselage à l'impact et aucune n'a été récupérée. La partie avant gauche de la cloison de la cabine avec le compartiment avionique et la structure de la cellule derrière le poste de pilotage se sont rompues et pendaient à l'extérieur. Les issues de secours avant et arrière gauche ainsi que l'issue de secours arrière droite se sont séparées du fuselage et n'ont pas été récupérées. Les deux battants de la porte d'entrée principale se sont détachés du fuselage et ont été récupérés.

La plateforme moteur avec le plafond de la cabine, les moteurs, le groupe auxiliaire de bord (APU), la transmission et le rotor principal étaient presque complètement détachés de l'épave. La plateforme moteur s'est déformée et, avec l'ensemble des éléments moteurs, a pivoté de 180 degrés par rapport à son emplacement initial pour faire face à l'arrière selon l'axe longitudinal de l'hélicoptère. Les quatre pales du rotor principal sont restées attachées à la tête du rotor et à la transmission.

Photo 1. Photo prise par l'engin sous-marin télécommandé avant la récupération : A - rotor principal; B - train d'atterrissage principal.
Photo prise par l'engin sous-marin télécommandé avant la récupération : A - rotor principal; B - train d'atterrissage principal.

La queue (avec la poutre de queue, la boîte de transmission intermédiaire [BTI], la boîte de transmission de rotor de queue [BTRQ] et le rotor de queue) s'est complètement détachée du fuselage et a été retrouvée à proximité de l'épave principale au fond de l'eau. La porte de la soute arrière, le boudin arrière du dispositif de flottaison d'urgence, les bouteilles et leur tuyauterie se sont détachés de l'hélicoptère.

Un engin sous-marin télécommandé (ROV) a été utilisé pour constater l'importance des dégâts et noter la position des principaux éléments disloqués, comme le train d'atterrissage principal qui s'est retrouvé près de la tête et des pales du rotor principal (voir la photo 1).

1.4 Autres dommages

Il n'y a pas eu d'autres dommages à des biens ni à l'environnement.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Généralités

Commandant de bord Copilote
Licence ATPL (H) ATPL (H)
Date d'expiration du certificat de validation 1er juillet 2009 1er avril 2009
Heures de vol totales 5997 2854
Heures de vol sur type 1061 94
Heures de vol dans les 90 derniers jours 127 13
Heures de vol sur type dans les 90 derniers jours 127 13
Heures libres avant le début de la période de travail 13 14

1.5.2 Commandant de bord

Le commandant de bord possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une licence de pilote de ligne - hélicoptère (ATPL) canadienne ainsi que des qualifications de type sur Bell 206, Bell 212, Robinson 22, Eurocopter AS332, Eurocopter AS350 et Sikorsky S-92A. Il avait une qualification de vol aux instruments de groupe 4 valide jusqu'au 1er février 2010.

De 1996 jusqu'à la fin 2003, le commandant de bord a travaillé dans le cadre de son premier emploi de pilote auprès d'une compagnie basée à Terre-Neuve-et-Labrador où il pilotait un hélicoptère monomoteur à un seul pilote. Les vols se déroulaient en conditions météorologiques de vol à vue (VFR). Il travaillait également comme copilote sur bimoteur à deux pilotes pour la même compagnie et volait en VFR et en conditions météorologiques de vol aux instruments (IFR). Dans cette compagnie, il a effectué plusieurs survols maritimes. Il a également fait des autorotations jusqu'à l'atterrissage pendant sa formation annuelle. Le commandant de bord avait la réputation d'être confiant, habile aux commandes et doté d'une forte personnalité.

Le 10 janvier 2005, le commandant de bord a été engagé par Cougar Helicopters comme copilote sur AS332. En septembre 2006, il a obtenu sa qualification comme copilote sur S-92A puis a été promu commandant le 27 septembre 2007. Le 9 janvier 2009, il a passé son contrôle de compétence pilote (CCP), lequel était valide jusqu'au 1er février 2010. Il avait la réputation d'être soucieux de la sécurité et n'hésitait pas à faire part de ses inquiétudes sur les questions qui pouvaient avoir des répercussions sur les vols ou les marges de sécurité. Afin de partager ses expériences, il avait rédigé un article sur le givrage des hélicoptères qui a été publié dans le bulletin Sécurité aérienne - Nouvelles de Transports Canada.

Les heures de vol et les temps de service en vol du commandant de bord étaient dans les limites permises. Dans les jours précédant l'accident, il avait volé 4,2 heures le 9 mars 2009, 8,5 heures le 11 mars 2009 et il avait disposé de 13 heures de temps libre avant de prendre son service le 12 mars 2009. Le jour de l'accident, il s'est présenté au travail vers 8 heures et les employés de Cougar Helicopters qui lui ont parlé n'ont pas observé de comportements ou de signes indiquant qu'il aurait pu manquer de repos.

1.5.3 Copilote

Le copilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une ATPL (hélicoptère) canadienne ainsi que des qualifications de type sur Sikorsky S-61 et S-92A. Il avait une qualification de vol aux instruments de groupe 4 valide jusqu'au 1er juin 2010.

Avant son emploi chez Cougar Helicopters, le copilote avait servi 24 ans dans les Forces canadiennes (FC). De 1997 à 2008, il avait servi comme pilote sur Sikorsky CH-124 Sea King, remplissant une grande variété de missions opérationnelles et où il avait acquis une grande expérience en survol maritime. D'un tempérament décontracté, il était apprécié de ses pairs et de ses supérieurs. Ses progrès dans le programme de formation sur Sea King avaient toutefois été lents en raison de difficultés d'apprentissage des systèmes et des données techniques. Son manque d'assurance le poussait à s'en remettre aux décisions des plus expérimentés que lui. Il a finalement été promu commandant d'aéronef puis commandant de mission où il était chargé de la coordination et de l'exécution de missions maritimes opérationnelles. Comme pilote de Sea King, il faisait régulièrement des exercices d'amerrissage forcé et effectuait annuellement des amerrissages afin de familiariser le personnel à ces situations. Comme c'est souvent le cas avec les hélicoptères lourds multimoteurs, le copilote n'avait jamais effectué d'autorotation jusqu'au sol sur Sea King, ces exercices étant limités au simulateur. Toutefois, il a fait des autorotations pendant sa formation élémentaire sur hélicoptère dans les FC.

Le copilote a été engagé par Cougar Helicopters le 21 avril 2008. Il a suivi le cours de transformation initial sur S-92A avec succès, en réussissant au CCP le 25 mai 2008. Son dossier de formation initial sur le S-92A faisait état de problèmes de gestion des ressources de l'équipage (CRM), mais les rapports notaient des améliorations à chacune des sessions. Le CCP du copilote était valide jusqu'au 1er juin 2009.

Les heures de vol et les temps de service en vol du copilote étaient dans les limites permises. À l'issue de son cours de transformation initial, le copilote a été affecté à l'étranger où il ne volait pas régulièrement. Cette affectation, combinée à des congés après son retour, ne lui avait pas permis de totaliser beaucoup d'heures de vol chez Cougar Helicopters. Dans les jours précédant l'accident, il avait volé 5,1 heures le 9 mars 2009, 2,8 heures la veille de l'accident, et il avait disposé de 14 heures de temps libre avant de prendre son service le 12 mars 2009. Le jour de l'accident, il s'est présenté au travail vers 7 heures et les employés de Cougar Helicopters qui lui ont parlé n'ont pas observé de comportements ou de signes indiquant qu'il aurait pu manquer de repos.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Généralités

Constructeur Sikorsky Aircraft Corporation
Type et modèle S-92A
Année de construction 2006
Numéro de série 920048
Certificat de navigabilité Délivré le 10 mai 2007
Total des heures de la cellule et cycles 2194,3 heures / 1773 cycles
Type de moteur (nombre) General Electric CT7-8A (2)
Masse maximale autorisée au décollage 26 500 livres
Types de carburant recommandés JP-4, JP-5, JP-8, JET A, JET A-1 et JET B
Type de carburant utilisé JET A-1

Le S-92A est un hélicoptère bimoteur quadripale de moyen tonnage construit par Sikorsky Aircraft Corporation pour les marchés d'hélicoptères civils et militaires (voir la photo 2 et la figure 2). La version de transport civile a un intérieur de type avion de ligne et peut accueillir jusqu'à 19 passagers. Le premier S-92A a été livré à un exploitant américain en septembre 2004. Le S-92A de Cougar Helicopters (C-GZCH) était configuré pour transporter 2 membres d'équipage et jusqu'à 17 passagers dans la cabine. L'appareil était aussi doté d'un réservoir de carburant auxiliaire installé dans la cabine sur le côté gauche à la place des sièges 3A, 4A et 5A.

Photo 2. Photo du C-GZCH (hélicoptère accidenté). Source : Mark Stares 2008; reproduction autorisée.
Photo du C-GZCH (hélicoptère accidenté). Source : Mark Stares 2008; reproduction autorisée.
Figure 2. Dimensions du S-92A
Images des dimensions du S-92A

Le tableau de bord du S-92A de Cougar Helicopters comprend cinq écrans multifonction (MFD) Collins (voir la photo 3). Les MFD 1 et 2 sont montés devant le copilote. Les MFD 3 et 4 sont montés devant le poste de commandant de bord. Le MFD 5 est installé au centre du tableau de bord, entre les MFD 2 et MFD 3. Selon la configuration type propre à Cougar Helicopters, les MFD 1 et 4 étaient ouverts à la page Primary Flight Display (PFD), les MFD 2 et 3 à la page Engine Instrument and Caution Advisory System (EICAS), et le MFD 5 était habituellement configuré sur la page Navigation (voir la photo 3).

Photo 3. Tableau de bord du S-92A de Cougar Helicopters - Configuration type
Photo du tableau de bord du S-92A de Cougar Helicopters - Configuration type

1.6.2 Examen des dossiers de maintenance

L'hélicoptère était certifié et équipé selon la réglementation en vigueur. Les dossiers de maintenance n'ont révélé aucune anomalie antérieure au vol en question (voir aussi la rubrique 1.18.3.9).

1.6.3 Boîte de transmission principale du S-92A

1.6.3.1 Description

La boîte de transmission principale du S-92A entraîne la tête du rotor principal, les deux pompes à huile de la transmission, les deux générateurs de courant alternatif, la pompe hydraulique principale, la pompe hydraulique auxiliaire et l'arbre du rotor de queue. La boîte comprend les engrenages de la BTP , deux trains d'engrenages d'entrée identiques et deux trains d'engrenages de servitudes identiques (voir la figure 3 et la figure 6).

Figure 3. Transmission principale du S-92A
Image de la transmission principale du S-92A

La BTP est dotée d'un dispositif de dérivation de l'huile permettant au pilote de court-circuiter le radiateur d'huile de la BTP en cas de fuite dans le radiateur ou ses éléments, c.-à-d., les éléments du circuit de refroidissement d'huile (voir la figure 7). L'interrupteur de dérivation de la BTP permet au pilote de tester le bon fonctionnement du système ou de fermer l'électrovalve de dérivation. Quand l'électrovalve est fermée, l'huile retourne directement dans la boîte de transmission sans passer par le circuit de refroidissement. Le message d'avertissement MGB BYPASS (dérivation BTP ) apparaît alors sur l'écran MFD.

La boîte de transmission est dotée d'un dispositif de mesure de pression d'huile intégré. La pression venant des pompes est mesurée par un capteur situé sur le côté arrière gauche de la BTP et un manocontact monté dans le module auxiliaire no 1 détecte les basses pressions.

En vol, le message MGB OIL PRES (pression huile BTP ) apparaît en jaune sur la page EICAS si le signal du capteur de la BTP indique une pression de 45 à 35 lb/po² , ou si le manocontact basse pression détecte une pression inférieure à 24 lb/po² (voir la figure 4). Comme le précise le RFM du S-92A, les messages, tels que MGB OIL PRES, [Traduction] « apparaissent d'abord en vidéo inverse et sont annoncés par l'activation du voyant principal d'avertissement. Il n'y a pas d'alarme sonore pour annoncer ces avertissements. Lorsque l'un des pilotes accuse réception de l'avertissement en enfonçant le voyant principal d'avertissement, le message de l'avertissement en question devient jaune et le voyant principal d'avertissement s'éteint. » Si la pression indiquée de la BTP tombe sous les 35 lb/po² et que le manocontact basse pression se déclenche, l'équipage reçoit un avertissement sonore : « GEARBOX PRESSURE… GEARBOX PRESSURE » (pression boîte de transmission … pression boîte de transmission), et le message MGB OIL PRES jaune est remplacé par un message MGB OIL PRES rouge. L'apparition du message MGB OIL PRES rouge est également annoncée par le voyant principal d'avertissement, que l'un ou l'autre des pilotes désactive en appuyant dessus.

Figure 4. Avertissement jaune de pression d'huile BTP
Image de l'avertissement jaune de pression d'huile BTP

Un détecteur de particules monté dans le carter de la BTP est doté d'une sonde de température analogique immergée qui transmet les indications de température à l'équipage. Pour que cette sonde fonctionne correctement, elle doit rester immergée dans l'huile. En situation normale, l'électrovalve de dérivation envoie l'huile dans le circuit de refroidissement pour maintenir la température dans des limites de fonctionnement adéquates. Quand l'électrovalve de dérivation se ferme, l'huile retourne dans la BTP sans passer par le radiateur, entraînant une augmentation de température. En cas de perte totale d'huile, les indications de température deviennent erronées puisque la sonde capte la température de l'air ambiant dans la BTP.

Figure 5. Avertissement rouge de pression d'huile BTP
Image de l'avertissement rouge de pression d'huile BTP

La cuve du filtre à huile de la BTP contient deux éléments filtrants. En situation normale, l'huile passe dans le premier filtre à 3 microns, puis dans le second à 75 microns. Si le filtre à 3 microns se bouche, un ergot indicateur de blocage imminent situé au fond de la cuve se déclenche et fournit ainsi un avertissement visuel au personnel de maintenance quand les filtres commencent à se boucher. Les procédures de Cougar Helicopters demandent à ce que l'ergot indicateur de blocage soit vérifié après chaque vol.

Le filtre à huile de la BTP comporte quatre alvéoles également réparties à la base du filtre. Elles ont pour but d'assurer le passage de l'huile sous pression sous l'orifice d'entrée des filtres.

La cuve du filtre à huile est fixée au carter de la BTP par trois écrous autobloquants vissés sur des goujons en alliage de titane également répartis. C'est le constructeur qui choisit le genre d'attache à employer, et il n'existe aucune règle formelle sur le type d'attache à utiliser pour une fonction donnée. Lorsqu'ils font leur choix, les avionneurs se réfèrent habituellement à des historiques de produits similaires, aux caractéristiques de matériaux publiées (p. ex. l'American Society for Testing and Materials), ou élaborent leurs propres exigences de processus.

Le titane est efficace dans certaines applications en raison de sa résistance à la corrosion et de sa légèreté en comparaison avec l'acier. Sikorsky a choisi des goujons en alliage de titane parce qu'ils ont déjà été utilisés sur d'autres produits Sikorsky comme le CH-53E Sea Stallion dont la cuve du filtre à huile est fixée à la BTP par six goujons de titane. Sikorsky a également noté qu'aucune rupture de goujons en titane n'avait été signalée.

Le grippage est un mode d'usure par adhérence où des particules métalliques sont arrachées des surfaces en contactNote de bas de page 3. Le guide de conception The Selection and Use of Titanium, A Design GuideNote de bas de page 4 donne des précisions sur le grippage du titane :

[Traduction]
Les surfaces en titane et tous les alliages de titane produits commercialement ont une résistance à l'usure relativement faible. En particulier, les surfaces en titane en contact entre elles ou en contact avec d'autres métaux se grippent rapidement en cas de frottement. Même sous faible charge et un déplacement relativement faible, les surfaces peuvent se bloquer complètement par grippage. Cela est dû à l'usure par adhérence où des particules microscopiques à la surface des métaux entrent en contact en raison du mouvement relatif. Elles ont tendance à se souder et à former un lien qui peut avoir une résistance à la rupture supérieure à celle du métal souche. Les particules soudées se détachent ensuite entraînant un transfert de métal d'une surface à l'autre. Les résidus ainsi formés provoquent une usure accélérée des pièces en titane.

La cuve du filtre à huile du S-92A était fixée à l'aide de goujons en alliage de titane anodiséNote de bas de page 5, des écrous d'acier plaqués argent et des rondelles plaquées de cadmium. L'anodisation et le plaquage augmentent la résistance à la corrosion, à l'usure et au grippage.

1.6.3.2 Principes de la lubrification

Le fonctionnement de la BTP dépend d'un apport d'huile constant en quantité suffisante et de qualité adéquate. L'huile réduit les frottements et l'usure des surfaces en contact en formant un film intercalaire lubrifiant qui dissipe la chaleur. Il empêche ainsi les pièces d'atteindre des seuils critiques de température. Si l'apport d'huile diminue, le film d'huile s'amincit progressivement, ce qui conduit à une réduction de la dissipation de la chaleur et à un contact métal sur métal. Le phénomène peut provoquer des dommages par frottement, friction, grattage ou grippage. Normalement, à mesure que le niveau d'huile diminue, la température de l'huile augmente à cause du dégagement calorifique.

Figure 6. Schéma de la boîte de transmission principale
Image du schéma de la boîte de transmission principale
1.6.3.3 Vidange de la BTP et remplacement des filtres du S-92A

L'huile de la BTP a une durée de service de 500 heures de vol. Si au moment de la vidange, un prélèvement répond aux critères du test d'acceptation du manuel de maintenance d'aéronef (AMM), l'huile peut rester en service 500 heures de plus. De surcroît, si l'huile répond aux critères d'acceptation, les filtres à l'huile de la BTP peuvent rester en place 500 heures de plus jusqu'à un maximum de 1000 heures de vol. C'est donc dire que la période initiale de remplacement des filtres à l'huile est de 500 heures, ce qui correspond aux intervalles prévus pour la lubrification et aux pratiques de Cougar et d'autres exploitants de S-92A en la matière. Au moment de l'événement, le remplacement de la BTP du S-92A était prévu à des intervalles de 2700 heures, ce qui laisse supposer que la cuve du filtre à huile serait normalement déposée 5 fois au cours de la durée de vie de la BTP.

Figure 7. Composants du circuit de lubrification de la BTP
Image des composants du circuit de lubrification de la BTP

Si l'ergot indicateur de blocage imminent s'est déclenché, le chapitre 63-24-02 de l'AMM donne les critères permettant de savoir s'il faut remplacer les filtres avant le vol suivant ou dans les huit prochaines heures de vol. Chez Cougar Helicopters, la façon de faire consistait à remplacer les filtres de la BTP toutes les 500 heures et chaque fois que l'ergot indicateur de blocage s'était déclenché. Sur l'hélicoptère accidenté, les filtres de la BTP avaient été remplacés 11 fois. Dans la flotte de S-92A de Cougar Helicopters, y compris l'hélicoptère accidenté, les cas de blocage imminent pouvaient survenir au terme de quelques heures ou de plusieurs centaines d'heures, la moyenne étant de 220 heures environ. Par conséquent, Cougar Helicopters changeait les filtres aux 220 heures environ au lieu des 500 à 1000 heures prévues, ce qui impliquait des déposes d'écrous répétées. Cette moyenne correspond à la moyenne de la flotte mondiale de S-92A. Aucune anomalie n'avait été détectée par Cougar Helicopters ni par Sikorsky lors de l'examen des filtres à l'huile remplacés en raison d'une indication de blocage imminent.

Certains exploitants de S-92A ont initialement constaté des cas de blocage imminent dans les heures suivant la vidange, mais ont réglé la situation en préfiltrant l'huile avant de l'ajouter. D'autres exploitants ont indiqué que même sans filtrage, les cas de blocage imminent étaient rares. Au moment de l'accident, Cougar Helicopters ne préfiltrait pas l'huile de la BTP et cette pratique n'était pas exigée par Sikorsky. Avant l'accident, Sikorsky avait amorcé des travaux en collaboration avec les fabricants d'huile en vue de savoir quelles caractéristiques de l'huile neuve pouvaient éventuellement contribuer aux cas de blocage imminent. Au moment de rédiger ce rapport, Sikorsky et les fabricants d'huile n'étaient pas en mesure de déterminer la cause des cas de blocages imminents fréquents.

1.6.4 Vidange de la BTP et remplacement des filtres du S-92A

L'hélicoptère accidenté était doté d'un réservoir auxiliaire de 150 gallons US installé sur le côté gauche de la cabine en vertu d'un certificat de type supplémentaire (STC) approuvé par Transports Canada. Le STC autorisait l'installation d'un réservoir de carburant et de ses accessoires à gauche ou à droite ou sur les deux côtés de la cabine du S-92A.

1.6.5 Vidange de la BTP et remplacement des filtres du S-92A

Le S-92A est doté de plusieurs dispositifs de sécurité et la conception de sa résistance à l'impact répond aux normes de certification et dans certains cas les dépasse. De façon à comprendre les questions relatives à la survie des occupants, certains de ces dispositifs et éléments de conception sont décrits ci-dessous.

Selon les règlements 29.561 et 29.562 de la Federal Aviation Regulation (FAR), un aéronef à voilure tournante doit offrir à chaque occupant toutes les chances possibles d'éviter les blessures graves en cas d'atterrissage en catastrophe, que ce soit sur terre ou sur l'eau, même si l'hélicoptère est endommagé. Il doit être conçu de façon à ce que chaque occupant et chaque élément lourd dans la cabine pouvant blesser un occupant soient maintenus en place à la structure lorsqu'ils sont soumis aux limites de charge d'inertie ci-dessous :

  1. vers le haut : 4 g Note de bas de page 6;
  2. vers l'avant : 16 g ;
  3. latéralement : 8 g ;
  4. vers le bas : 20 g , après déplacement du mécanisme d'absorption;
  5. vers l'arrière : 1,5 g .

Les sièges passagers et les sièges pilotes du S-92A répondaient aux normes des FAR pertinentes. Les sièges étaient dotés d'un mécanisme d'absorption conçu pour absorber l'énergie d'un impact vertical lors d'un écrasement. Le mécanisme est composé de deux tubes verticaux servant d'armature au siège (voir la figure 8). Des galets enserrent les tubes pour empêcher le siège de descendre librement. Lorsque la force verticale exercée sur le siège dépasse un certain seuil, le siège commence à descendre le long des tubes qui se déforment au passage des galets. La déformation élastique des tubes absorbe l'énergie de l'impact. Le fabricant a conçu le siège de façon à limiter la force verticale sur la colonne vertébrale de l'occupant à 1500 livres. Lors des essais de certification, un appareil anthropomorphe d'un poids standard de 170 livresNote de bas de page 7 a dû subir une charge d'inertie verticale de 8,8 g pour déclencher le mécanisme. Si le poids sur le siège est supérieur à 170 livres, le déclenchement se produit à un nombre de g inférieur.

Figure 8. Exemple de mécanisme d'absorption d'énergie des sièges
Image d'un exemple de mécanisme d'absorption d'énergie des sièges

1.6.6 Dispositif de flottaison d'urgence

D'après le RFM du S-92A, le dispositif de flottaison d'urgence (DFU) a été [Traduction] « conçu pour maintenir l'hélicoptère en position droite et à la surface de l'eau suffisamment longtemps pour que tous les membres de l'équipage et les passagers puissent évacuer l'appareil sur une mer de niveau 5 (hauteur de vague comprise entre 8 et 12 pieds et vitesse de vent de 18 à 24 nœuds). » Le DFU qui équipait le CHI91 a été certifié pour être utilisé avec une mer de force 4 à l'échelle de l'Organisation météorologique mondiale (OMM)Note de bas de page 8. Cependant, il a été conçu et mis à l'essai pour une mer de force 4 dans le cadre du projet commun d'étude des ondes en mer du Nord (JONSWAP). Le JONSWAP prend en compte un profil de vague plus escarpé que celui de l'échelle de l'OMM. Ce profil est plus représentatif des vagues provoquées par le vent que l'on trouve dans la mer du Nord.

Le DFU du S-92A comprenait un ensemble de trois boudins gonflables à compartiments doubles. Deux boudins étaient montés sous les fenêtres du poste de pilotage et le boudin arrière était installé sous la poutre de queue. Quatre dispositifs de gonflageNote de bas de page 9, deux au centre sous le plancher et deux dans la queue, étaient reliés aux boudins par une combinaison de canalisations rigides et flexibles. Par mesure de sécurité, chacun des dispositifs avant gonflait un des compartiments des boudins avant, et chacun des dispositifs arrière gonflait un des compartiments du boudin arrière. Des petites charges explosives sur les bouteilles étaient mises à feu soit par le pilote, soit automatiquement par des contacts d'immersion installés dans les logements de roues du train principal. La mise à feu permettait le gonflage des boudins au moyen du gaz sous pression. Le dispositif est conçu pour gonfler simultanément les boudins. Il n'y avait aucun moyen de gonfler individuellement les boudins.

Le DFU du S-92A est conçu pour être armé lorsque l'hélicoptère survole un plan d'eau et que la vitesse est inférieure à 80 nœuds. Toutefois, le pilote doit d'abord amerrir avant de déployer le dispositif, « les boudins n'étant pas conçus pour encaisser l'impact avec l'eau et ne pouvant être déployés qu'après le contact avec l'eauNote de bas de page 10 ». Même si le déploiement intentionnel des boudins en vol est interdit, l'hélicoptère peut continuer de voler en cas de déploiement intempestif en vol. En pareille situation, le taux de montée de l'hélicoptère doit être limité à 1000 pieds par minute (pi/min) ou moins, et l'angle d'inclinaison est limité à 30 ° ou moins. De plus, la vitesse indiquée maximale avec les boudins déployés est limitée à 50 KIAS (vitesse indiquée exprimée en nœuds) en montée, 55 KIAS en palier et 60 KIAS en descente/autorotation.

Il existe une option de DFU homologuée à cinq boudins pour le S-92A. Cette option a été conçue et éprouvée pour une mer de force 6 selon le JONSWAP. Au moment de l'accident, 38 hélicoptères de la flotte mondiale de S-92A en service étaient dotés de cette option à cinq boudins. La plupart des DFU à cinq boudins sont installés sur des hélicoptères exploités en mer du Nord.

1.6.7 Émetteur de localisation d'urgence

L'hélicoptère accidenté était équipé de deux émetteurs de localisation d'urgence (ELT) émettant sur 406 MHz Note de bas de page 11. Un des ELT était une radiobalise de survie Honeywell RESCU 406 (référence 1151324-1M316, numéro de série 1151324-41074) installé dans la cabine. Il s'agit d'un ELT portatif étanche pouvant être emporté par les occupants en cas d'évacuation. Il est doté d'une antenne interne et peut être activé au contact de l'eau douce ou salée, ou en plaçant l'interrupteur sur ON. L'autre ELT était un Artex C406-N HM (référence 453-5061, numéro de série 02033) fixé au fuselage sur le côté droit de l'hélicoptère dans la soute arrière. L' ELT fixe était activé automatiquement à l'impact ou manuellement par un interrupteur installé dans le poste de pilotage. Aucun des deux ELT n'a été retrouvé et aucun signal émis sur 406 MHz n'a été rapporté. L'interrupteur de l' ELT fixe a été trouvé en position armée.

Les ELT de l'hélicoptère accidenté étaient conçus pour émettre sur 406 MHz un signal de 440 à 520 millisecondes répété toutes les 47,5 à 52,5 secondes. Toutefois, selon la réglementation, la première transmission après l'activation est volontairement retardée de 50 secondes de façon à éviter les fausses alarmes pouvant se produire lors de l'entretien de l' ELT . Si ce retard garantit dans une certaine mesure que le signal reçu par un satellite COSPAS-SARSAT est un signal de détresse légitime, il peut néanmoins empêcher l'émission d'un signal de détresse réel dans le cas d'un amerrissage forcé. En raison de la violence de l'impact, il est possible que l'hélicoptère ait coulé avant de pouvoir transmettre un signal sur 406 MHz.

L'hélicoptère n'était pas équipé d'un ELT à largage automatique, un tel ELT n'étant pas obligatoire en vertu de la réglementation. Sikorsky a commencé à offrir deux ELT largables en option au début de 2005 pour le S-92A : la DRS Technologies Deployable Emergency Beacon (DEB) ELB 3000 et la H.R. Smith Crash Position Indicator Model CPI-503. Ces deux ELT largables sont homologués pour utilisation au Canada. À l'heure actuelle, Sikorsky n'offre en option que l' ELT largable CPI-503.

Les règlements d'exploitation européens imposent l'installation d'un ELT à largage automatique conformément à la JAROPS 3.820 ­Émetteur de localisation d'urgence automatique (ADELT), qui prévoit la disposition suivante :

[Traduction]
Un exploitant ne doit pas exploiter un hélicoptère en classe de performances 1 ou 2 en survol maritime dans un environnement déclaré hostile selon la définition de la JAR-OPS 3.480(a)(12)(ii)(A) à une distance de la terre correspondant à plus de 10 minutes de vol à la vitesse normale de croisière, lors d'un vol en soutien d'une exploitation de ressources minérales (y compris le gaz) ou concernant cette exploitation, à moins que l'hélicoptère ne soit équipé d'un émetteur de localisation d'urgence automatique.

La CAA a reçu plusieurs rapports faisant état d'ELTAD qui ne se sont pas déployés lors d'un accident, et de cas où les balises se sont déployées de manière intempestive. La CAA du Royaume-Uni enquête sur ces anomalies de fonctionnement afin de déterminer les mesures correctives à prendre.

1.7 Renseignements sur les conditions météorologiques

1.7.1 Conditions météorologiques observées à CYYT

Les conditions météorologiques observées à CYYT avant et après le départ de CHI91 à 9 h 17 étaient les suivantes :

À 8 h 30 : vent de surface du 190 ° vrais (V) à 13 nœuds, rafales à 19 nœuds, visibilité de 15 milles terrestres (sm), plafond couvert à 1100 pieds au-dessus du sol (agl), température de −1 °C , point de rosée −6 °C , altimètre 29,98 pouces de mercure (Hg). Remarques : altocumulus 8/8. Pression au niveau de la mer 1016,0 hPa.

À 9 h 30 : vent de surface du 190 ° V à 14 nœuds, rafales à 20 nœuds, visibilité de 15 sm , nuages épars à 1100 pieds agl, plafond couvert à 8000 pieds agl, température de −1 °C , point de rosée −5 °C , altimètre 29,93 Hg . Remarques : stratocumulus 2/8, altocumulus 6/8. Pression au niveau de la mer 1014,2 hectopascals (hPa).

1.7.2 Conditions météorologiques observées en mer

Plusieurs bouées permanentes ancrées dans la zone générale de l'impact ont enregistré la température de l'eau de mer qui était comprise entre 0,1 °C et 0,3 °C et la direction générale du vent de surface, du sud-sud-ouest à environ 22 nœuds. La carte d'analyse des vagues préparée par la division du Service météorologique du Canada (SMC)Note de bas de page 12 indiquait que les vagues dans la zone de l'accident avaient une hauteur de l'ordre de 2,5 m , avec une direction générale de la houle du vent du sud-sud-ouest.

Le jour de l'accident, l'état de la mer enregistré à Nickerson Bank, situé à 64 nm au sud-ouest de St. John's, était le suivant : vent 180 ° V à 29 nœuds avec rafales à 35 nœuds, température de l'air 2 °C , température de l'eau 0 °C , pression au niveau de la mer 29,72 Hg chutant rapidement et une hauteur de vague d'environ 2,5 m avec une période de houle dominante de 7 secondes. L'indice du refroidissement du vent calculé était de - 6 °C.

1.7.3 Conditions météorologiques en vol

Le vol CHI91 a décollé en IFR de CYYT dans des conditions météorologiques de vol à vue VMC . De même, les conditions signalées aux plateformes pétrolières de destination et le long de la route prévue étaient VMC.

Au départ de CYYT , CHI91 a sans doute traversé au moins une couche de nuages fragmentés pendant sa montée à l'altitude de croisière de 9000 pieds asl . Lorsqu'il a fait demi-tour et s'est mis en descente pour revenir à CYYT , il était hors des nuages et la visibilité était bonne.

Rien n'indique que les conditions météorologiques ont contribué à l'accident.

1.8 Aides à la navigation

Les aides à la navigation dans la région de St. John's et celles des plateformes pétrolières fonctionnaient toutes normalement, à l'exception du radiophare non directionnel (NDB) de Outer Cove qui était hors service jusqu'au 7 mai 2009. Les équipements de navigation de bord de l'hélicoptère étaient composés d'aides à la navigation conventionnelles et de récepteurs satellites du système de positionnement mondial (GPS). Une étude des données de l'enregistreur des paramètres de vol n'a révélé aucune anomalie avec les appareils de navigation. L'examen de la trajectoire de vol de CHI91 a montré que l'hélicoptère tenait l'axe de la route prévue avec une précision conforme à une situation normale. Le fonctionnement et la précision des aides à la navigation ne sont pas considérés comme des facteurs dans cet accident.

1.9 Communications

1.9.1 Communications avec l' ACC de Gander

Toutes les communications enregistrées entre CHI91 et l' ACC de Gander étaient de bonne qualité technique, à savoir que l'équipement d'enregistrement a fonctionné normalement et la qualité sonore était bonne. Les communications entre l' ATC et l'hélicoptère accidenté ont duré en tout 2 minutes et 7 secondes après l'apparition de l'alarme de pression d'huile de la BTP . Elles comprenaient l'appel de détresse, les renseignements sur la navigation, la piste préférentielle et d'autres renseignements comme le nombre d'occupants à bord et le carburant restant. Rien n'indique que les communications de l' ATC ont été mal comprises ou manquées par CHI91.

Quand le pilote a lancé l'appel de détresse à 9 h 45 min 27, le contrôleur de l' ACC de Gander a traité la situation comme une urgence en répondant conformément aux normes et pratiques de NAV CANADA. À 9 h 51, l' ACC de Gander a ouvert un poste de contrôleur dédié uniquement au traitement de la situation d'urgence de CHI91 . Après l'amerrissage forcé de l'hélicoptère, à 9 h 56, le contrôleur en question a continué à coordonner les opérations SAR de sept aéronefs en leur transmettant à mesure des mises à jour et des informations. Ces communications ont été claires, rapides et sans équivoque.

1.9.2 Communications avec le centre de régulation des vols de Cougar

Les communications radio entre CHI91 et le centre de régulation des vols de Cougar, d'une durée de 2 minutes et 9 secondes, ont également été claires et normales (voir la figure 9). Elles comprenaient l'appel de détresse, la description de la situation d'urgence, la possibilité de continuer le vol et la préparation d'un second S-92A.

1.9.3 Communications internes et externes

Entre le déclenchement de l'alarme de pression d'huile de la BTP et l'arrêt de l'enregistreur de bord juste avant l'amerrissage forcé, 10 minutes et 7 secondes se sont écoulées. Pendant ce temps, le commandant de bord a été en communication avec l' ACC de Gander et le centre de régulation des vols de Cougar durant 4 minutes et 16 secondes environ, laissant 5 minutes et 51 secondes aux communications internes entre les pilotes (voir la figure 9).

Figure 9. Communications internes et externes
Communications internes et externes

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

1.10.1 Généralités

Aucun problème d'exploitation concernant une panne ou ayant pu avoir des conséquences négatives sur le vol CHI91 n'a été relevé à l'aéroport de départ, aux plateformes d'appontage de destination ou au site de dégagement. L'aéroport de St. John's est à une altitude de 461 pieds asl et le relief le plus élevé entre l'aéroport et le point d'impact de CHI91 était d'environ 500 pieds asl.

1.10.2 Surface d'atterrissage du cap Spear

Dans ses communications, le pilote a mentionné qu'il se poserait possiblement au cap Spear, une langue de terre située à environ 8 nm au sud-est de CYYT et à environ 4,5 nm au sud de la trajectoire de retour directe à l'aéroport international de St. John's (voir la figure 1).

Le cap Spear est désigné lieu historique national du Canada par Parcs Canada et c'est un site bien connu dans la région de St. John's avec le phare historique du cap Spear comme point d'intérêt. À proximité du phare, se trouve un grand terrain de stationnement bien dégagé avec un revêtement asphalté en bon état dépourvu d'obstacles importants. Le stationnement est à une altitude d'environ 150 pieds asl et pouvait parfaitement convenir à l'atterrissage d'un hélicoptère comme le S-92A. Il aurait pu servir de surface d'atterrissage d'urgence.

1.11 Enregistreur de bord

1.11.1 Généralités

Le CHI91 était doté d'un enregistreur de bord multifonction (MPFR) Penny & Giles (référence D51615-102, numéro de série 00170-002), destiné à l'enregistrement des données de vol (FDR) ainsi que des conversations dans le poste de pilotage (CVR), sur une mémoire à semi-conducteurs protégée contre les impacts (voir la photo 4). Le MPFR installé (position FDR / CVR no 1) était alimenté en courant continu (c.c.) de 28 V par le bus batterie. Le CHI91 n'était pas équipé du second MPFR optionnel (position FDR / CVR no 2), et celui-ci n'était pas exigé par la réglementation.

Photo 4. MPFR du CHI91
Photo du MPFR du CHI91

1.11.2 Interruption d'alimentation de l'enregistreur de bord multifonction

L'enregistrement du MPFR s'est arrêté environ 44 secondes avant l'impact puis a repris environ 1,7 seconde avant l'impact. L'examen par le BST du MPFR et des éléments de saisie des données ainsi que leurs faisceaux de fils n'a révélé aucune anomalie préexistante ayant pu nuire à un fonctionnement normal.

Le circuit d'alimentation du MPFR est doté de son propre relais. Tant que le relais n'est pas mis sous tension, le MPFR reste alimenté. Lorsqu'il est mis sous tension, soit par l'interrupteur à inertie omnidirectionnel (interrupteur g), soit par les contacts d'immersion, l'alimentation du MPFR est coupée. Lorsque le poussoir de réarmement est enclenché, le relais est mis hors tension et l'alimentation du MPFR est rétablie.

Le S-92A est muni de plusieurs accéléromètres fournissant des données au MPFR ainsi qu'au système de contrôle et de maintenance de l'hélicoptère (HUMS). L'interrupteur à inertie est conçu pour fermer le circuit lorsqu'il est soumis à une force de 5 g pendant 4 millisecondes, mais réagit beaucoup plus rapidement s'il est soumis à une force plus grande.

Avant l'arrêt de l'enregistrement du MPFR , les données indiquaient que l'alimentation électrique était fournie par les générateurs de courant alternatif (c.a.) principaux. Les données HUMS montrent que le générateur de l' APU était en ligne. Toujours selon les données HUMS , le régime du rotor principal (Nr) était tombé à environ 80 % juste avant le rétablissement de l'alimentation du MPFR . Après la reprise de l'enregistrement du MPFR , les données indiquent que l'alimentation électrique était fournie par le générateur de l' APU.

En situation normale, l'alimentation électrique est fournie par les deux générateurs c.a. principaux entraînés respectivement par un des moteurs. L'hélicoptère est aussi doté d'un APU avec un générateur qui fournit l'alimentation électrique au sol et en cas d'urgence en vol. Lorsque le régime tombe sous les 80 %, les deux générateurs c.a. principaux sont coupés. Si à cet instant le générateur de l' APU est en ligne, il fournit l'alimentation électrique. Le transfert d'alimentation des générateurs c.a. principaux au générateur de l' APU n'est pas instantané et il est possible qu'il y ait eu une interruption de courant momentanée. Cela aurait pu couper l'alimentation du relais du MPFR et rétablir ainsi l'alimentation du MPFR.

D'après les articles 529.1457 d)(2) et 529.1459 a)(5) du Règlement de l'aviation canadien (RAC), les enregistreurs de bord installés à bord des giravions de catégorie transport doivent être pourvus d'un moyen automatique pour couper l'enregistrement dans les 10 minutes qui suivent l'impact lors d'un écrasement. De façon à garantir sa fiabilité, le fonctionnement de ce moyen automatique doit dépendre de plusieurs paramètres. Par exemple, la détection d'une perte de pression de tous les moteurs en corrélation avec la détection d'une vitesse nulle et un impact ou une immersion. Afin de répondre à cette exigence, le coupe-circuit du S-92A a un interrupteur à inertie de 5 g . En général, les interrupteurs à inertie ne sont pas considérés comme fiables pour arrêter les enregistreurs, et à la suite de la certification du S-92A, le problème a été traité dans deux documents. Le document ED112 de l'Organisation Européenne pour l'Équipement de l'Aviation Civile (EUROCAE) publié en mars 2003 et intitulé Spécifications de performances opérationnelles minimales pour les systèmes enregistreurs embarqués protégés précise que les capteurs d'accélération négative (interrupteurs à inertie) ne doivent pas être utilisés parce que leur réaction n'est pas considérée fiable. De plus, l'Air Accidents Investigation Branch (AAIB) du Royaume-Uni a émis la recommandation de sécurité 2008-074 suivante :

[Traduction]
Il est recommandé que la Federal Aviation Administration et l'Agence Européenne de la Sécurité Aérienne revoient les normes de certification concernant l'arrêt automatique des enregistreurs de bord dans les dix minutes qui suivent l'impact lors d'un écrasement, en vue d'inclure une référence spécifique interdisant l'utilisation d'interrupteurs à inertie comme solution pour répondre à la recommandation du document ED112 émis par le groupe de travail 50 de l'EUROCAE.

La réglementation canadienne en vigueur ne reflète pas cette philosophie. Le problème des interrupteurs à inertie n'est pas unique aux hélicoptères. Une récente enquête du BST (A07A0134) à propos d'un accident à l'atterrissage a établi que l'interrupteur à inertie avait coupé prématurément l'alimentation électrique du CVR lors de l'impact initial au sol. Les conversations et les bruits subséquents dans le poste de pilotage pendant la sortie de piste et l'évacuation subséquente de l'avion n'ont pas été enregistrés.

Au moment de la certification du S-92A, l'installation d'un CVR / FDR combiné (c.-à-d., un MPFR ) répondait aux normes de certification pertinentes. Le S-92A peut recevoir un second MPFR , mais la conception de l'hélicoptère est telle que même si deux MPFR avaient été installés, l'interruption de courant aurait également altéré le fonctionnement du second MPFR.

L'absence de données FDR et CVR pendant la dernière phase du vol de l'hélicoptère accidenté a nui au travail des enquêteurs pour comprendre le déroulement exact des dernières secondes de l'événement. Cette lacune pourrait avoir compromis l'identification en temps opportun de problèmes de sécurité importants. L'absence de renseignements FDR a également éliminé la possibilité pour les ingénieurs d'obtenir des données sur une réelle panne de rotor de queue avec autorotation pour valider les modèles de vol utilisés dans les simulateurs du S-92A de façon à rendre cette formation plus réaliste.

1.11.3 Données HUMS

Les enquêteurs ont pu retrouver les deux calculateurs de commandes de vol (FCC), les deux commandes moteur électroniques (EEC), le concentrateur de données, le HUMS , le système d'avertissement de proximité du sol amélioré (EGPWS) et l'ordinateur de données de maintenance. Les données qui ont pu être récupérées des mémoires rémanentes ont été utilisées pour reconstituer une partie du profil de vol pendant la phase finale, ce qui a permis aux enquêteurs de mieux comprendre et analyser les derniers instants avant l'impact.

Le laboratoire technique du BST a examiné les données enregistrées. À 90 pieds asl , le HUMS a enregistré un taux de descente de 2300 pi/min avec une tendance à augmenter et une assiette en cabré à 16 degrés inclinée à gauche à 9 degrés. La faible vitesse de rotation du rotor principal n'aurait pas permis de réduire le taux de descente. En tenant compte de la résistance de l'air, le taux de descente réel devait être quelque peu inférieur à 5100 pi/min, mais nettement supérieur à 2300 pi/min.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

1.12.1 Examen préliminaire de l'épave

Le 19 mars 2009, l'épave a été récupérée et transportée à l'aéroport de CYYT . Elle a ensuite été retirée du conteneur grillagé, partiellement démontée et disposée au sol pour examen et consignation des observations. Presque immédiatement, on s'est aperçu que deux des trois goujons de montage de la cuve du filtre à huile étaient sectionnés et le côté gauche de la cuve s'était écarté du carter de la BTP . Le goujon inférieur avant s'était détaché avec l'écrou presque au niveau de la face supérieure du flasque de montage et ils n'ont pas été retrouvés. Le goujon inférieur arrière était fendu plus bas dans l'alésage du flasque et l'écrou était encore en place sur la partie sectionnée du goujon. Le goujon supérieur et son écrou étaient intacts.

L'examen préliminaire de l'épave s'est poursuivi au cours des sept jours suivants. Les éléments demandant un examen plus poussé ont été expédiés au laboratoire technique du BST à Ottawa. Afin de réduire les effets de la corrosion par l'eau salée, la BTP a été presque immédiatement déposée, emballée, scellée et expédiée à l'usine mère de Sikorsky au Connecticut. Sur place, la BTP a été démontée et examinée par des employés de Sikorsky qui ont consigné leurs observations. L'opération s'est déroulée sous la supervision de deux enquêteurs du BST . Des observateurs de Cougar Helicopters, de la Federal Aviation Administration (FAA) et du National Transportation Safety Board (NTSB) étaient également présents. Les éléments critiques de la BTP ont ensuite été expédiés au laboratoire technique du BST pour un examen métallurgique détaillé.

1.12.2 Empreinte des dommages et caractéristiques de l'impact

L'hélicoptère a percuté la surface de l'eau avec une vitesse vers le bas élevée. L'importante désintégration de la cabine passagers, et notamment du plancher, par rapport au plafond qui est resté relativement intact, correspond à un impact à plat. En raison de l'état de la mer, avec une hauteur significative de vagues d'environ 2,5 mètres, il n'a pas été possible d'établir l'assiette exacte de l'hélicoptère au moment de l'impact (voir la photo 5). Néanmoins, les dommages subis par la cellule indiquent que le poste de pilotage et le pylône de queue se sont rompus dans un mouvement vers le bas.

L'intégrité relative des pales du rotor principal correspond à un faible mouvement au moment de l'impact. Les pales du rotor de queue ne portaient aucune trace de rotation à l'impact.

Photo 5. Disposition de l'épave du CHI91 : A - poste de pilotage; B - plateforme moteur et moteurs; C - flotteur latéral; D - rotor de queue; E - pales du rotor principal; F - cabine passagers
Photo du disposition de l'épave du CHI91 : A - poste de pilotage; B - plateforme moteur et moteurs; C - flotteur latéral; D - rotor de queue; E - pales du rotor principal; F - cabine passagers

1.12.3 Examen de la BTP de CHI91

La BTP a fonctionné pendant environ 11 minutes après la perte totale de pression d'huile. L'examen des pièces de la BTP a montré qu'elles avaient subi des dommages par surchauffe en raison du frottement provoqué par un fonctionnement sans lubrification. Les dents du pignon d'entraînement du rotor de queue ont subi un affaissement plastique sous l'effet de la chaleur, et les arbres du rotor de queue ont fini par s'arrêter (voir la photo 6 du pignon endommagé comparé à un pignon neuf). Il n'y avait aucune trace de grippage ayant pu empêcher le rotor principal de tourner librement au moment de l'impact. La tenue radiale et axiale de l'arbre du pignon d'entraînement du rotor de queue est assurée par deux roulements à rouleaux coniques et les dommages relevés sur les roulements correspondent à un fonctionnement sans lubrification adéquate. Leur rupture a certainement provoqué la perte de tenue radiale et axiale du disque du frein rotor. Le dispositif de freinage par frein à disques est conçu pour immobiliser les rotors en 30 secondes quand les deux moteurs sont coupés et que le régime tombe à 40 % ou moins.

Photo 6. À droite, pignon d'entraînement du rotor de queue endommagé
Photo du pignon d'entraînement du rotor de queue endommagé (à droite)

Environ 1,5 seconde avant l'arrêt de l'enregistrement MPFR , le message ROTOR BRAKE ON (frein rotor) est apparu pendant une à deux secondes. Il n'y a aucune trace de contact anormal entre le disque et les plaquettes, mais la fermeture de l'un des microcontacts des étriers peu avoir été provoquée par un ou plusieurs impacts entre le disque et les garnitures des plaquettes à cause de la détérioration du pignon d'entraînement du rotor de queue et des roulements.

L'examen des pièces et du dispositif de dérivation de l'huile de la BTP par le BST a établi qu'aucune anomalie préexistante n'aurait empêché un fonctionnement normal.

1.12.4 Examen de la cuve du filtre de la BTP de CHI91

Les deux goujons de montage de la cuve du filtre à huile se sont rompus suite à la propagation de criques de fatigue. Les traces d'usure et de frottements relevées sur le corps du filtre et sur le joint indiquent que les criques de fatigue se sont propagées dans le goujon avant et ont provoqué sa rupture. La surcharge reportée sur le goujon arrière a entraîné sa rupture (voir la photo 7).

Photo 7. Cuve du filtre à huile du CHI91
Photo de la cuve du filtre à huile du CHI91

Plusieurs empreintes ont été relevées dans le fond de la cuve. Sikorsky a observé des empreintes sur des cuves neuves et a indiqué qu'en fonctionnement normal, quand les pièces sont assemblées correctement, il est possible qu'avec la pression d'huile, l'élément du filtre soit comprimé contre la cuve avec suffisamment de force pour laisser des empreintes. Des empreintes similaires ont été observées dans la cuve du filtre à huile d'une BTP retirée d'un hélicoptère ayant subi une panne similaire en Australie (voir la rubrique 1.18.3.2). Il a été établi que les empreintes dans la cuve du filtre à huile de la BTP n'ont pas contribué à la rupture des goujons de montage de CHI91.

1.12.5 Essai sur des ensembles goujons-écrous de la cuve du filtre à huile

Le BST a pu examiner le goujon supérieur qui est resté sur la cuve de la BTP de CHI91 (voir la photo 8) et a effectué des essais sur un échantillonnage d'ensembles goujons-écrous neufs fournis par Sikorsky afin de quantifier les dommages et les effets sur le serrage après un certain nombre de cycles d'assemblage. L'examen des dommages par grippage sont apparus dès le premier montage et se sont aggravés progressivement avec le nombre de cycles de vissages et de dévissages (voir la photo 9). Les essais effectués sur le goujon restant et sur les échantillons ont montré qu'après 13 à 17 cycles, la bague de l'autobloquant de l'écrou était très abîmée et des fragments s'étaient détachés des crêtes des filets.

Photo 8. Goujon supérieur resté en place sur le carter de la BTP de CHI91
Photo du goujon supérieur resté en place sur le carter de la BTP de CHI91

1.12.6 Réservoir de carburant auxiliaire

Le réservoir auxiliaire est resté attaché à la structure du plancher de la cabine et a été récupéré avec la partie principale du fuselage. Le bouchon en fibre de verre qui couvre le tuyau et les raccords électriques sur le sommet du réservoir était endommagé. La gaine externe en fibre de carbone du réservoir était endommagée à proximité des dommages sur le bouchon. Le reste de la structure du réservoir et de ses ancrages au plancher étaient intacts. Une partie de la tuyauterie, du filage et des raccords électriques étaient endommagés et n'étaient plus raccordés à la cellule. La gaine interne en caoutchouc du réservoir semblait intacte et ne portait aucune trace de dommage. Du carburant résiduel et de l'eau de mer ont été trouvés en petite quantité dans le réservoir souple. Néanmoins, celui-ci n'avait pas été rempli pour le vol en cause.

Photo 9. Goujon neuf - à gauche, filets d'origine, à droite filets après 10 cycles de vissage et dévissage du même écrou
Photo du goujon neuf - à gauche, filets d'origine, à droite filets après 10 cycles de vissage et dévissage du même écrou

1.12.7 Examen du dispositif de flottaison d'urgence

L'interrupteur du DFU était armé et plusieurs éléments du dispositif ont été endommagés par la force de l'impact. Le filage électrique et les canalisations de gonflage au gaz étaient rompus en plusieurs endroits. Les gaines de protection des canalisations flexibles étaient tordues ou arrachées par endroits, et les canalisations rigides étaient sectionnées et tordues en plusieurs endroits avec des sections aplaties localement. Les contacts d'immersion dans les puits de roues ont été mis hors service quand les flotteurs latéraux ont été arrachés à l'impact.

Le boudin de droite était sorti de son carénage tout en restant attaché à la cellule. Il était éraflé et percé en plusieurs endroits, certainement à cause de l'impact et des manœuvres de récupération ou du déplacement de l'épave par la suite. Le boudin de gauche est resté dans son carénage. Il a été subséquemment gonflé par le BST et les deux compartiments ont maintenu leur pression. Les deux dispositifs de gonflage des boudins avant ont été retrouvés intacts et complètement pressurisés. Le boudin arrière et ses dispositifs de gonflage n'ont pas été retrouvés.

L'hélicoptère était doté de deux radeaux de survie rangés dans la pointe avant de chaque flotteur latéral. Les deux radeaux de survie ont été retrouvés complètement gonflés près du point d'impact. Ils se sont probablement gonflés quand les cordelettes destinées au gonflage manuel se sont tendues au moment où le couvercle du compartiment de rangement s'est détaché des flotteurs latéraux à l'impact.

1.12.8 Examen des sièges et des harnais de sécurité

Les sièges ont subi des dommages structuraux; des dossiers ont notamment été tordus et des appuie-tête, déformés. Une analyse de la déformation du mécanisme d'absorption des chocs des sièges passagers a établi que les occupants ont été soumis à des facteurs de charge verticaux d'au moins 5,3 g à 8,6 g . Toutefois, sur quatre sièges passagers, le mécanisme d'absorption est descendu jusqu'en butée en raison du poids des occupants, ce qui laisse entendre que ces derniers ont certainement subi des facteurs de charge dépassant 8,6 g . Tous les harnais de sécurité ont été examinés et fonctionnaient normalement après l'impact.

1.13 Renseignements médicaux

1.13.1 Généralités

Pendant la phase initiale de la récupération, les agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont pris en charge les personnes décédées au nom du médecin légiste à mesure qu'ils ont été remontés à bord de l'Atlantic Osprey, le navire employé pour la récupération. Ces personnes ont été trouvées dans l'épave, toujours attachées à leur siège par les harnais de sécurité. Les barres de codage enregistrées lors de la distribution des combinaisons de survie ont permis de confirmer l'emplacement du siège de chaque passager. À l'arrivée au port de St. John's, les personnes décédées ont été transportées dans les locaux du médecin légiste pour fin d'autopsie.

Le médecin légiste a noté que tous les passagers portaient leur combinaison de survie de façon adéquate (c.-à-d. fermée jusqu'en haut avec la capuche sur la tête) indiquant qu'ils étaient prêts à l'amerrissage forcé. Le survivant a déclaré à la Commission d'enquête sur la sécurité des hélicoptères extracôtiersNote de bas de page 13 (OHSI) qu'il se souvenait que l'équipage avait prévenu les passagers de l'imminence d'un amerrissage forcé, puis de prendre la position de sécurité juste avant l'impact. Les passagers ne portaient pas leurs gants. On leur avait dit que les gants pouvaient les gêner pour déboucler le harnais de sécurité et évacuer l'hélicoptère. Le survivant a déclaré que le temps de remonter à la surface de l'eau, il avait déjà perdu toute sensation dans les mains et qu'il lui avait été impossible d'enfiler ses gants ou de soulever sa visière.

Le médecin légiste a noté que les combinaisons de survie n'avaient pas été endommagées. La plupart des passagers portaient des maillots à manches longues, des jeans, des caleçons et des chaussettes de laine sous leur combinaison.

Les combinaisons de survie portées par les pilotes et l'occupant trouvé sans vie à la surface ont été conservées par le BST en vue d'être examinées. Aucune anomalie n'a été décelée. La combinaison de survie portée par le survivant a été découpée par le personnel médical lors de son sauvetage, pendant son transport à l'hôpital et au cours de son traitement initial. Elle a été détruite.

1.13.2 Équipage

Les pilotes ont subi des blessures plus graves que tous les autres occupants. Ils avaient surtout des blessures à la tête et à la poitrine en raison du choc contre le tableau de bord quand le poste de pilotage a été enfoncé à l'impact. Les pilotes ne portaient pas de casque et n'y étaient pas obligés par la réglementation. Une analyse détaillée sur le port du casque est donnée à la rubrique 1.15.14. Pendant la séquence d'impact, le poste de pilotage a été lourdement endommagé. La structure a été écrasée en comprimant l'espace intérieur, puis est revenue en place, ce qui l'a presque arrachée du fuselage. L'enquête a établi que les capacités des pilotes n'étaient pas altérées par des facteurs physiologiques.

1.13.3 Passagers

Le diagramme des blessures des occupants (voir la figure 10) donne une indication générale des blessures subies par les occupants de CHI91 . L'absence de blessures à la tête ou aux membres supérieurs est remarquable sachant que le plafond et la plateforme moteur avec la transmission ont comprimé le fuselage au point de le déchirer au niveau des fenêtres et de tordre des appuie-tête vers l'avant. L'absence de blessures par écartèlementNote de bas de page 14 semble indiquer que les passagers ont pris la position de sécurité comme on leur avait enseigné, et que cela s'est avéré efficace pour prévenir des blessures à la partie supérieure du corps.

Les blessures les plus importantes subies par les passagers étaient des fractures des membres inférieurs. La fracture des os longs des membres inférieurs exige normalement une force supérieure à celle de 5,3 à 8,6 g indiquée par le mécanisme d'absorption des sièges. Il est donc possible qu'elles aient été provoquées par la combinaison de l'accélération verticale et du soulèvement brutal du plancher de la cabine. Les occupants qui sont restés dans l'épave sont morts noyés.

L'occupant du siège 1A qui a été retrouvé mort à la surface avait des fractures ouvertes aux jambes, ce qui coïncide de façon générale aux types de blessures des autres occupants. Il est possible que cette victime ait débouclé sa ceinture avant l'impact, mais l'absence de blessures sur le haut du corps et le type de blessures générales aux membres inférieurs laissent penser qu'elle était probablement attachée sur son siège avec le harnais de sécurité au moment de l'impact.

Le seul survivant de CHI91 occupait le siège 3D. Après l'impact, il a réussi à sortir du fuselage qui s'enfonçait dans l'eau et à rejoindre la surface. Il a cependant aspiré une quantité importante d'eau de mer et s'est retrouvé en état de choc en raison de nombreuses blessures, notamment une fracture du sternum. Son gilet de sauvetage intégré à la combinaison de survie était gonflé et avec la flottabilité inhérente de la combinaison, il est resté à la surface.

Figure 10. Tableau des blessures des occupants
Image du tableau des blessures des occupants

Le survivant portait une combinaison de grande taille. Une revue subséquente des lignes directrices sur les mesures a montré qu'il aurait dû porter une combinaison de taille moyenne. Il avait correctement fermé sa combinaison et le gilet de sauvetage était gonflé, mais de l'eau s'était infiltrée à l'intérieur et la température de son corps avait chuté considérablement. Normalement, la température du corps est de 37 °C . Le document de Transports Canada intitulé La survie en eaux froides (TP 13822F)Note de bas de page 15, mentionne ceci : « Si la température interne du corps continue de baisser, le décès survient généralement par suite d'un arrêt cardiaque lorsque la température corporelle chute en deçà de 24 °C ». La température du corps du survivant était tombée à 29,8 °C et son rythme cardiaque était irrégulier. Cette perte de température corporelle est survenue après une exposition dans l'eau froide à des températures de 0,1 °C à 0,3 °C pendant environ une heure et vingt minutes, ce qui correspond à une diminution d'environ 0,09 °C par minute.

1.14 Incendie

Il n'y a pas eu d'incendie, ni avant, ni après l'écrasement.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 Généralités

Les documents de référence, les recherches et les descriptions mentionnées dans la présente section renvoient à des amerrissages forcés d'hélicoptères où les forces d'impact sont relativement faibles à modérées. Dans l'écrasement de CHI91 , la violence de l'impact dépassait le seuil de survie normalement admis dans un amerrissage forcé. Toutefois, les 18 occupants du CHI91 ont survécu à l'impact, mais un seul a survécu à l'accident.

Le vol CHI91 a percuté l'eau avec une force estimée entre 20 g et 25 g . La majeure partie de l'impact a été absorbée par le fuselage, les mécanismes d'absorption des sièges et les harnais à quatre points. La force g subie par les différents occupants a varié en fonction de la force exercée sur le fuselage à l'endroit où chacun était assis. Hormis les occupants des quatre sièges côte à côte situés au fond de l'appareil, les autres passagers ont, dans l'ensemble, été soumis à des facteurs de charge d'inertie compris entre au moins 5,3 g et 8,6 g dans le sens de l'axe de siège vertical. À cela s'ajoute le fait que l'hélicoptère a percuté la surface de l'eau avec une vitesse avant d'environ 55 à 60 nœuds, ce qui aurait fait subir aux occupants une force horizontale comprise entre 5 g et 8 g.

Des recherches ont révélé qu'en général 10 % à 15 % seulement des occupants sont en mesure d'exécuter les mesures d'évacuation efficacementNote de bas de page 16 lors d'un accident d'hélicoptère sur un plan d'eau. Un nombre identique d'occupants perd ses moyens en raison du stress intense, ce qui a pour effet de réduire considérablement les chances de survieNote de bas de page 17. Les 75 % restants sont étourdis ou désorientés par l'événement. Néanmoins, la plupart d'entre eux sont capables d'évacuer l'appareil s'ils ont été bien entraînés et préparés à ce genre de situationNote de bas de page 18.

Pour survivre à un impact comme celui de CHI91 , il faut que certaines conditions préalables soient réunies. La survie à un tel scénario dépend aussi de la capacité des occupants à prendre plusieurs décisions opportunes dans un délai critique et à passer à l'action de manière adéquate. Parmi les principales conditions préalables dont il est question, on peut citer le suivi récent d'une formation en évacuation subaquatique réaliste, une bonne pratique de la natation, des périodes d'acclimatation en eaux froides, de l'agilité, de bonnes aptitudes physiques et mentales, une résistance élevée à la douleur, l'absence de toute incapacité quelle qu'elle soit et un instinct de survie particulièrement développé. Lorsqu'il a présenté à l' OHSI les facteurs qui ont prévalu dans sa survie, le rescapé du vol CHI91 a mentionné son âge, sa condition physique, son bon état de santé, sa préparation mentale, son instinct, son expérience en matière d'acclimatation en eaux froides, sa capacité à se concentrer sur les procédures d'évacuation et la chance.

La société Helly Hansen, le fabricant de la combinaison de survie E-452 Nautilus portée par les passagers, a déterminé qu'une fuite au niveau de la combinaison ne pouvait justifier à elle seule la perte de température corporelle de 7,2 °C comme l'a subie le survivant. À l'aide de son modèle de survie à l'exposition au froid (MSEF), la société Helly Hansen a constaté qu'une personne portant la combinaison dans une eau à 0 °C , en présumant une infiltration d'eau de 654 grammes, devrait être en mesure de survivre pendant 12,9 heures avec une baisse de température corporelle allant jusqu'à 28 °C . Les essais ont montré que même avec une combinaison remplie d'eau, les délais de survie sont d'environ quatre heures.

Helly Hansen a pu établir que la température corporelle d'un survivant qui passe 1 heure et 20 minutes dans une eau à 0,2 °C avec une combinaison remplie d'eau est de 35,4 °C , sous réserve que les tremblements de la personne soient normaux. Cependant, à la suite d'un trauma ou d'une perte de température corporelle d'environ 5 °C Note de bas de page 19, les tremblements peuvent devenir anormaux et entraîner des pertes de température corporelles plus marquées. Le MSEF suppose une immersion en eau calme, mais le vent et les vagues peuvent réduire les délais de survieNote de bas de page 20,Note de bas de page 21 et accentuer la déperdition calorifique d'un pourcentage pouvant aller jusqu'à 37 %Note de bas de page 22,Note de bas de page 23.

Des études menées avec 228 travailleurs de l'industrie pétrolière ont montré que leur durée d'apnée moyenne dans une eau à 25 °C est de 37 secondesNote de bas de page 24. Les chercheurs ont conclu que l'incapacité à retenir sa respiration expliquait le taux de décès de 15 % à 50 % dans les cas d'amerrissages forcés d'hélicoptère. Plus la température de l'eau est basse, plus la durée d'apnée moyenne diminue. Lorsque la température de l'eau est près du point de congélation, la durée de l'apnée baisse considérablement pour se situer entre 5 et 10 secondesNote de bas de page 25.

Les membres d'équipage et les passagers du vol CHI91 ont subi un choc hypothermique brutal lorsque l'hélicoptère s'est enfoncé dans les eaux de l'Atlantique Nord à 0,2 °C . Le choc hypothermique représente la principale cause de noyade des membres d'équipage et des passagers des hélicoptères lors d'un amerrissage forcé en eau froideNote de bas de page 26,Note de bas de page 27. Même si les occupants de l'appareil sont équipés d'une combinaison de survie, l'immersion soudaine du visage dans l'eau froide provoque une profonde inspiration (réflexe d'inspiration), une hyperventilation et une ingestion d'eau. Dans le même temps, le rythme cardiaque s'accélère dangereusement, ce qui peut entraîner un arrêt cardiaque ou une arythmieNote de bas de page 28,Note de bas de page 29.

1.15.2 Normes de formation élémentaire sur la survie

Le Comité de formation et de qualification de l'industriegazière et pétrolière du Canada atlantique a élaboré les normes de pratique concernant la formation et les qualifications du personnel (Standard Practice for the Training and Qualifications of Personnel [2008-1038]) applicables à l'industrie pétrolière en mer du Canada atlantique. Les normes ont été révisées pour la dernière fois en avril 2008. Le Comité de formation et de qualification révise les normes chaque année; d'ailleurs, une nouvelle révision devrait avoir lieu en 2010. Le Comité est le résultat d'une initiative concertée réunissant l'Association canadienne des producteurs pétroliers (CAPP), la Canadian Association of Oilwell Drilling Contractors (CAODC), l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers (C-NSOPB) et l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (C-NLOPB), le Marine Institute de Terre-Neuve-et-Labrador (MI) et la société Survival Systems Training Limited (SSTL) de Nouvelle-Écosse. La CAPP Note de bas de page 30 est l'organisme qui publie les normes. Il agit en tant que secrétariat du Comité de formation et de qualification.

La section 3 de la norme (Formation obligatoire sur la sécurité pour toutes les installations pétrolières) décrit des programmes de formation obligatoires concernant la sécurité du personnel, y compris la formation élémentaire sur la survie (FES) et la formation élémentaire périodique sur la survie (FEPS). Tous les employés des installations pétrolières reçoivent un certificat FES sous réserve de réussir au cours de formation initiale de 5 jours. Cette formation initiale est actualisée au moyen d'un cours de recyclage de 2 jours (FEPS) dispensé tous les 3 ans. La formation FES aborde tous les aspects de la survie du personnel des plateformes pétrolières, notamment l'abandon de la plateforme, la lutte contre les incendies et les opérations de recherche et de sauvetage. L'entraînement à l'évacuation d'un hélicoptère immergé (EEHI) est un module indépendant, mais néanmoins important de la formation FES.

À l'époque de l'accident, la norme reconnaissait les certificats de FES délivrés par deux instituts de formation canadiens et par deux centres européens (sous réserve que les stagiaires aient suivi une formation complémentaire). Ces organismes sont les suivants :

  1. Le Marine Institute (St. John's, Terre-Neuve-et-Labrador);
  2. Survival Systems Training Ltd (Dartmouth, Nouvelle-Écosse);
  3. La Norwegian Oil Industry Association (OLF) (Stavanger, Norvège);
  4. La Offshore Petroleum Industry Training Organization - The Oil and Gas Academy (Aberdeen, Royaume-Uni).

La norme canadienne régissant la FES et la FEPS est un document de 2,5 pages qui recense 16 modules de cours pour la formation FES , d'une durée de 5 jours, et 6 modules de cours pour la FEPS , qui s'étale sur 2 jours. La norme précise qu'il est obligatoire de faire des exercices d' EEHI dans le cadre de la FES et de la FEPS . Par contre, elle ne fournit aucune précision complémentaire concernant, par exemple, le nombre et la durée des exercices, les normes applicables aux équipements EEHI , les conditions environnementales et les compétences des instructeurs à respecter ou encore le processus d'évaluation des participants.

La Norwegian Oil Industry Association (OLF) est un ordre professionnel et une association patronale regroupant les sociétés pétrolières qui œuvrent sur le plateau continental norvégien. Les directives de l' OLF en matière de FES consistent en un document de 2 pages qui décrit les objectifs de formation, le public cible, les connaissances préalables obligatoires, la durée et le contenu du cours et divers modules tirés du GSK - Basic Safety and Emergency Course (cours élémentaire sur la sécurité et les urgences). Le document ne précise pas que l'équipement EEHI doit reproduire fidèlement l'environnement opérationnel.

La Offshore Petroleum Industry Training Organization (OPITO) est un organisme de l'industrie pétrolière et gazière dirigé par une organisation syndicale ayant son siège au Royaume-Uni. Les normes approuvées par l'OPITO en matière d'initiation et de formation élémentaire à la sécurité et aux situations d'urgence en mer est un document de 16 pages qui précise le public ciblé par la formation, les connaissances préalables à posséder, les résultats d'apprentissage visés, le programme de formation, la durée de la formation et le processus d'évaluation des participants. Tout comme l' OLF , les normes de l'OPITO ne précisent pas que l'équipement EEHI doit reproduire fidèlement l'environnement opérationnel.

Différents organismes ont proposé d'autres normes de formation visant plus particulièrement l'entraînement EEHI . Par exemple, le Human Factors Group de la Cranfield University a élaboré un projet de norme EEHI pour l'industrie de l'exploitation pétrolière en mer dans le cadre d'une étude plus pousséeNote de bas de page 31. Ce document préliminaire précise que la tenue des participants et l'équipement EEHI doivent être fidèles à ceux utilisés en conditions opérationnelles.

1.15.3 Examen de la qualité du programme de FES

En 2008, les programmes de formation du Marine Institute et de la société Survival Systems Training Ltd. ont fait l'objet d'un examen de la qualité indépendant à la demande du CFQ.

L'examen visant le Marine Institute a révélé que ses programmes FES et FEPS répondent aux exigences de la norme. Dans le processus d'amélioration continue de la qualité, les examinateurs ont relevé dix points (au-delà des exigences de la norme) perfectibles. L'équipement EEHI de l'institut est notamment visé car il ne représente pas fidèlement les hélicoptères utilisés sur les plateformes en mer.

Les quelque 40 heures de cours que compte la FES initiale du Marine Institute prévoyaient 5 exercices dans le simulateur d'entraînement à l'évacuation d'un hélicoptère immergé, tandis que la FEPS incluait au moins 3 exercices dans le simulateurNote de bas de page 32. Les participants qui échouent à un exercice suivent une formation de rattrapage. Au cours de ces exercices, la vitesse de descente moyenne du simulateur dans la piscine reste stable à 0,57 mètres par seconde, ce qui produit des forces de décélération négligeables au moment de l'impact sur l'eau. L'entraînement à l'évacuation d'un hélicoptère immergé du Marine Institute comporte les exercices suivants :

  1. Une évacuation en surface avec deux stagiaires. Le simulateur est immergé horizontalement et l'eau est infiltrée jusqu'à la hauteur des sièges.
  2. Une évacuation par hublot sous la surface. Les stagiaires sont assis à côté d'un hublot; le stagiaire éjecte le hublot alors que le simulateur se trouve à la surface de l'eau. Le simulateur est ensuite immergé horizontalement, ce qui crée une petite poche d'air au niveau du plafond du simulateur. Le stagiaire doit évacuer l'appareil en passant par le hublot.
  3. Une évacuation par hublot avec simulateur basculé de 180 degrés. Les stagiaires sont assis à côté d'un hublot; le stagiaire éjecte le hublot alors que le simulateur se trouve à la surface de l'eau. Le simulateur bascule ensuite de 180 degrés et se retrouve immergé. Le stagiaire doit évacuer l'appareil en passant par le hublot.
  4. Une répétition du troisième exercice.
  5. Une évacuation en surface ordonnée avec utilisation du radeau de sauvetage par un groupe de 12 stagiaires.

Le programme FEPS du Marine Institute prévoit la répétition des exercices 1, 3 et 5 dans le simulateur d'entraînement.

Le simulateur du Marine Institute (voir photo 10) a été conçu pour reproduire une grande variété d'hélicoptères; il ne reproduit donc pas spécifiquement le S-92A. Il est équipé de sièges à dossier court montés sur pattes qui ne sont pas représentatifs des sièges à mécanisme d'absorption du S-92A. Les sièges ne sont pas dotés du harnais de sécurité à quatre points comme ceux du S-92A, mais d'une sangle sous-abdominale. Le simulateur est pourvu de trois hublots de dimension différente munis de joints d'étanchéité en caoutchouc qu'il faut extirper pour pouvoir retirer les fenêtres en plexiglas et évacuer l'appareil. Aucun hublot ne fonctionne comme ceux du S-92A.

Photo 10. Sièges du simulateur d'EEHI du Marine Institute
Photo des sièges du simulateur d'EEHI du Marine Institute

L'examen de la qualité du programme de formation offert par Survival Systems Training Ltd. a indiqué que la FES et la FEPS répondent aux exigences de la norme à une exception près; les cagoules antifumée sont présentées et leur usage est démontré, mais les stagiaires ne font aucun exercice en conditions réelles. Comme dans le cas de la formation offerte par le Marine Institute, l'examen de la formation de Survival Systems Training Ltd. a mis en relief un certain nombre de points perfectibles (au-delà des exigences de la norme). La pertinence des équipements EEHI n'a pas été prise en compte par ce constat.

Les quelque 35 heures de cours que compte la FES de Survival Systems Training Ltd. prévoient 5 exercices dans le simulateur d'entraînement à l'évacuation d'un hélicoptère immergéNote de bas de page 33. Au cours de ces exercices, la vitesse de descente moyenne du simulateur varie de 0,04 à 0,46 mètres par seconde.

Le module EEHI de la FES initiale offerte par Survival Systems Training Ltd. comprend les étapes suivantes :

  1. Une évacuation en surface avec le simulateur à l'horizontale et partiellement immergé.
  2. Une évacuation par hublot avec simulateur basculé de 180 degrés. Les stagiaires sont assis à côté d'un hublot; le stagiaire éjecte le hublot alors que le simulateur se trouve à la surface de l'eau. Le simulateur bascule ensuite de 180 degrés et le stagiaire doit évacuer l'appareil en passant par le hublot.
  3. Une évacuation par hublot avec simulateur basculé de 180 degrés et immergé dans l'eau. Les stagiaires sont assis sur les mêmes sièges que ceux utilisés à l'exercice 2; le simulateur bascule de 180 degrés alors qu'il est immergé. Le stagiaire doit éjecter le hublot et évacuer l'appareil.
  4. Une répétition du troisième exercice à partir d'un siège situé côté couloir.
  5. Une répétition du troisième exercice à partir du côté opposé afin que les stagiaires s'entraînent à éjecter un hublot avec l'autre bras.

La FEPS de Survival Systems Training prévoit une répétition de l'ensemble des 5 exercices d' EEHI prévus à la formation initiale.

Le simulateur de Survival Systems Training (voir photo 11) a été conçu pour reproduire le S-92A. Il est muni de sièges à dossier haut, qui sont réglables de manière à pouvoir simuler des sièges enfoncés par un impact, de harnais quatre points et de hublots dont les dimensions et le principe de fonctionnement ressemblent à ceux des hublots du S-92A. La position enfoncée des sièges permet aux stagiaires de s'entraîner à évacuer l'appareil à partir des différents scénarios d'impact que l'on peut rencontrer lors d'un amerrissage forcé. Le degré de difficulté d'une évacuation selon chaque scénario d'impact varie pour chaque stagiaire en fonction de sa taille, de sa souplesse et de la longueur de ses bras.

Photo 11. Siège du simulateur d'EEHI de Survival Systems Training
Photo des siège du simulateur d'EEHI de Survival Systems Training

1.15.4 Périodicité et réalisme de la FES

En 1998, la société Mills and Muir a évalué la périodicité de la formation dans le but de faire des recommandations à l'industrie pétrolière en mer du Royaume-Uni sur la périodicité des formations de recyclageNote de bas de page 34. Les évaluateurs ont déclaré qu'en six mois à peine, les connaissances et les performances des participants peuvent baisser à un point tel qu'ils ne sont plus en mesure d'exécuter les gestes pertinents dans l'ordre approprié; ils débouclent souvent, par exemple, leur ceinture de sécurité avant d'ouvrir le hublot de secours, une erreur qui peut s'avérer fatale dans une situation d'urgence réelle. Les évaluateurs ont par ailleurs précisé que les difficultés rencontrées après seulement six mois peuvent être imputables au manque de réalisme de l' EEHI . Ils ont aussi fait remarquer que les personnes qui s'étaient portées volontaires pour leur étude étaient des gens qui se sentaient naturellement à l'aise dans l'eau. Cet échantillon n'est donc pas représentatif de la population appelée à embarquer à bord des hélicoptères de l'industrie pétrolière. Selon toute probabilité, une étude impliquant la participation d'un échantillon représentatif des travailleurs de l'industrie pétrolière en mer aurait donné lieu à des résultats bien moins favorables.

En Australie, c'est la Industrial Foundation for Accident Prevention (IFAP) qui administre la plupart des EEHI auxquels prend part l'industrie pétrolière en mer du pays. L' IFAP a constaté que les connaissances acquises pendant les cours s'estompent considérablement dans un délai de 6 à 12 mois à compter de la formation initialeNote de bas de page 35. Une étude a montré que ceux qui réussissent le mieux aux exercices d'évacuation sous l'eau réalisés au moyen d'un simulateur d' EEHI , sont les stagiaires qui ont pris part à 4 séances pratiques (avec hublot éjectable) au cours d'une seule période de formation 6 mois auparavantNote de bas de page 36. Les stagiaires qui ont reçu moins de séances d'entraînement et qui n'ont pas eu à éjecter le hublot pendant l' EEHI n'ont pas été aussi performants au cours de la session suivante lorsqu'ils ont dû éjecter des hublots pour évacuer l'appareil. L' IFAP a aussi recommandé qu'on entraîne intensément les stagiaires pour mieux les préparer à lutter contre les périls associés à un amerrissage forcé. Les conclusions de l' IFAP sont les suivantes :

[Traduction]
L'étude portant sur la connaissance des procédures et l'exécution des gestes de survie a montré que, de manière générale, la baisse de connaissance la plus critique (sur simulateur) intervient dans un délai de 6 à 12 mois à compter de la formation initiale. Tout indique que la périodicité légale actuelle de deux ans qui s'applique aux séances d' EEHI , et qui ne prévoit aucune formation de recyclage intermédiaire appropriée, est trop longue.

La dernière FES suivie par le survivant de l'accident du vol CHI91 remontait à 2 mois avant l'accident. Deux autres occupants, qui ont subi des fractures aux membres inférieurs, avaient suivi leur FES au cours des 3 mois précédents. L'autre occupant qui a réussi à sortir de l'épave avait suivi la FES 1 an auparavant. Parmi les 8 occupants qui ont subi des blessures légères ou sans importance, 2 personnes avaient suivi la FES un an plus tôt; 2 avait suivi la FES un an et demi plus tôt; 1 personne avait suivi la formation presque deux ans plus tôt, et la formation la plus récente des 3 derniers occupants remontait à environ deux ans et demi. Sur ces 8 occupants, 6 se trouvaient à côté d'un hublot ou d'une issue.

À l'occasion de son témoignage devant l' OHSI , le survivant a comparé la formation et la situation réelle vécue lors de l'amerrissage forcé du Cougar CHI91 . En plus de mentionner que l' EEHI se déroulait sous une supervision très serrée, avec un impact peu important, il a ajouté que les conditions environnementales de la simulation, telles que l'eau salée, la température de l'eau et l'effet des vagues, étaient bien différentes de la réalité. Il a indiqué que le fait de suivre un EEHI pendant quelques jours tous les deux ou trois ans ne suffisait pas à préparer un occupant à sortir d'un hélicoptère accidenté comme le CHI91.

Dans les premiers temps de la formation EEHI , la température de l'eau allait de 8 °C en hiver à 16 °C en été. Toutefois, les participants qui attendaient leur tour pour passer aux séances suivantes attrapaient froid, perdaient le moral et demandaient que la température soit relevée. Ainsi, il y a 20 ans environ, la majorité des centres de formation ont commencé à chauffer la piscine d'entraînement jusqu'à environ 20 °C . Le moral des stagiaires s'est amélioré et davantage de personnes ont réussi le module EEHI de la FES . On abordait le sujet du choc hypothermique en classe, mais aucune séance pratique n'était prévue en piscine. Plusieurs équipages ayant effectué des amerrissages forcés en eaux froides ont déclaré n'avoir jamais pleinement réalisé ce que signifiait un choc hypothermique en conditions réelles.

Lors d'une étude conduite en 2008, 100 membres d'équipage se sont portés volontaires pour subir une immersion en eau froide (8 à 12 °C ) pendant environ cinq minutes sans combinaison de survie. Tous les participants ont présenté certains symptômes de choc hypothermique. La majorité d'entre eux ont indiqué que l'expérience valait la peine et ont suggéré de l'inclure dans la norme de formationNote de bas de page 37.

Des études ont également montré que le réalisme de la formation est important en ce sens qu'il contribue à renforcer l'automatisme des réflexes, permettant une évacuation plus rapide de l'appareil immergé. L'utilisation d'un simulateur d'évacuation d'hélicoptère immergé qui ne tient pas compte des conditions opérationnelles risque de compromettre les résultats de la formation, car les stagiaires peuvent manquer de confiance en leurs chances de survie et mettent plus de temps à sortir en essayant de trouver le meilleur moyen de réagir face à une situation nouvelleNote de bas de page 38.

Bon nombre d'autorités maritimes, y compris celles de Norvège, exigent que les séances de FEPS aient lieu une fois tous les quatre ans, alors que les organismes de réglementation canadiens spécialisés dans l'exploitation pétrolière en mer préconisent un intervalle de trois ans. Afin de réduire au minimum la perte des réflexes de sécurité qui se produit entre chaque séance de formation périodique, un exposé vidéo sur la sécurité est présenté avant chaque vol aux employés de l'industrie pétrolière en mer de l'est du Canada ainsi qu'aux employés d'une multitude d'autres organismes d'exploitation pétrolière en mer. La vidéo présentée aux travailleurs qui prennent part aux rotations aériennes de Cougar Helicopters durait 15 minutes.

1.15.5 FES destinée aux équipages de conduite qui participent à des opérations en haute mer

La réglementation de Transports Canada n'oblige pas les équipages de conduite de Cougar Helicopters à suivre un EEHI . Toutefois, les contrats avec les compagnies pétrolières peuvent imposer cette formation comme faisant partie des qualifications des pilotes. La plupart des pilotes de Cougar Helicopters suivent un programme FES complet de 5 jours, étant donné qu'ils peuvent être amenés à rester en poste sur une plateforme pétrolière en mer. La formation périodique a lieu tous les 3 ans, et les pilotes ont la possibilité de suivre le cours de recyclage complet de deux jours ou le module EEHI d'une journée. En outre, le programme de FES permet de satisfaire à bon nombre de modules obligatoires de la formation sur les procédures d'urgence normalisées propre à Cougar Helicopters.

Le commandant de bord avait suivi le cours FES initial de 5 jours au Marine Institute de St. John's le 5 février 2005, et sa qualification avait été renouvelée le 7 janvier 2008 à la suite d'une séance d' EEHI de 7 heures effectuée au cours d'une seule journée. Sa qualification était valide jusqu'au 7 janvier 2011. Le commandant de bord était bon nageur.

Lorsqu'il a été engagé par Cougar Helicopters, le copilote a suivi une FES de 40 heures sur 5 jours à Survival Systems Training qui a pris fin le 13 juin 2008. Sa qualification était valide jusqu'au 13 juin 2011. Il avait été pilote des Forces canadiennes et avait déjà suivi plusieurs formations EEHI sur Sea King à Survival Systems Training Ltd. auparavant. Le copilote était bon nageur.

La compagnie incite ses pilotes à prendre place dans ce qui tient lieu de poste de pilotage dans le simulateur EEHI , mais ils ne sont pas tenus de le faire. Ainsi, un pilote peut réussir le cours même s'il n'a pas fait d'exercices d'évacuation à partir de l'un des sièges pilote.

1.15.6 Normes et règlements actuels sur les combinaisons pour passagers d'aéronef

Afin d'obtenir auprès de Transports Canada une homologation pour usage maritime des combinaisons de survie à port constant et une homologation pour usage aéronautique des combinaisons pour passagers d'hélicoptère, la combinaison de survie flottante Nautilus E-452 (E-452) de la société Helly Hansen Canada Limited (Helly Hansen) doit répondre aux exigences des normes de l'Office des normes générales du Canada (ONGC) :

La norme CAN/ ONGC -65.16-2005 s'applique aux combinaisons flottantes à port constant en cas de naufrage. La norme précise que les combinaisons flottantes doivent :

D'après la norme CAN/ ONGC -65.16-2005, la combinaison flottante doit fournir une protection thermique au moins égale à 0,75 cloNote de bas de page 39, posséder une flottabilité inhérente minimale de 70 Newton (N)Note de bas de page 40 et une flottabilité minimale totale de 150 N.

Selon l'article 551.407 du Manuel de navigabilité (MN) - Combinaisons pour passagers d'aéronef, et le RAC 602.63 - Radeaux de sauvetage et équipement de survie, la norme CAN/ ONGC -65.17-99 s'applique aux combinaisons pour passagers d'aéronef qui sont utilisées à bord des hélicoptères qui survolent des plans d'eau dont la température est inférieure à 10 °C . Cette norme de l' ONGC énumère des exigences générales et particulières concernant les combinaisons pour passagers d'aéronef, telles que celles qui ont trait aux principes de fermeture et d'étanchéité de la combinaison, aux caractéristiques de flottaison et à la protection thermique. Selon la norme, les combinaisons pour passagers d'aéronef doivent assurer une protection thermique d'au moins 0,75 clo, posséder une flottabilité inhérente maximale à l'évacuationNote de bas de page 41 de 175 NNote de bas de page 42 et une flottabilité minimale totaleNote de bas de page 43 de 156 N. Les combinaisons pour passagers d'aéronef qui répondent à cette norme doivent être de couleur orange ou jaune international ou d'une couleur haute visibilité équivalente.

Les normes CAN/ ONGC -65.16-2005 et CAN/ ONGC -65.17-99 présentent de nombreux recoupements. La formulation de l'entrée en matière de la norme CAN/ ONGC -65.17-99 prévoit notamment clairement que dans certaines circonstances une seule combinaison peut répondre aux deux normes. Cette section de la norme précise :

La combinaison flottante décrite dans la norme CAN/ ONGC -65.16 et la combinaison pour passagers d'aéronef décrite dans la norme CAN/ ONGC -65.17 peuvent, dans certaines situations, faire l'objet d'une double approbation en ce qui a trait à leur utilisation.

Bien que les combinaisons pour passagers d'aéronef n'ont pas à répondre à la norme CAN/ ONGC -65.16-2005, les exploitants de plateformes pétrolières de la côte est ont demandé au fabricant de s'y conformer également. Ainsi, les combinaisons pour passagers d'aéronef utilisées pour les vols peuvent aussi servir de combinaison flottante en cas d'abandon d'urgence des plateformes pétrolières en mer. Les travailleurs doivent avoir accès à deux combinaisons de survie conformes à la norme CAN/CGSB-65.16-2005 lorsqu'ils travaillent sur une plateforme en mer. La double fonction des combinaisons pour passagers d'aéronef (combinaison de vol et seconde combinaison flottante) permet de réduire à deux le nombre de combinaisons obligatoires par personne. La première combinaison de survie, qui est conçue pour répondre uniquement à la norme sur l'abandon en cas de naufrage, est conservée à bord de la plateforme pétrolière.

Si l'on tient compte des deux normes simultanément, on aboutit à une combinaison pour passagers d'aéronef qui doit avoir une flottabilité propre d'au moins 70 N et une flottabilité disponible maximale au moment de l'évacuation de 175 N. La flottabilité disponible au moment de l'évacuation inclut la flottabilité propre et l'air piégé à l'intérieur de la combinaison. La flottabilité propre est souvent obtenue en fabriquant une combinaison à partir de matériaux flottants uniquement. Le fait d'exiger une flottabilité propre minimale de 70 N, comme c'est le cas avec la norme CAN/ ONGC -65.16-2005 peut donner lieu à une combinaison pour passagers d'aéronef plus épaisse et plus encombrante qu'une combinaison qui n'a pas à satisfaire à une flottabilité minimale, comme c'est le cas avec la norme CAN/CGSB-65.17-99.

1.15.7 Combinaisons de survie des équipages de Cougar Helicopters

Les deux pilotes du vol Cougar 91 portaient des combinaisons de vol étanches bleues de type Viking (équipement de survie Viking; numéro de modèle PS4177). Le modèle Viking PS4177 est une combinaison étanche munie de bandes de serrage étanches en néoprène aux poignets, d'une fermeture éclair étanche et d'un col et d'une capuche en néoprène. Le modèle ne possède pas de flottabilité propre et n'assure aucune protection thermique. La flottabilité est garantie par un gilet de sauvetage séparé, tandis que la protection thermique est assurée par des sous-vêtements. Ce modèle existe uniquement en bleu. D'autres combinaisons étanches de couleur orange ou jaune international réputées pour être particulièrement efficaces lors des missions SAR sont offertes dans le commerceNote de bas de page 44. Par contre, ces types de combinaisons ne font pas l'unanimité en raison des phénomènes de réflexion qui peuvent se produire dans le poste de pilotage et distraire les pilotes. L'appendice 1 de la norme technique européenne (ETSO)-2C503, intitulée Helicopter crew and passenger immersion suits (combinaisons pour équipages et passagers d'hélicoptères), prévoit que lorsque cela est possible les combinaisons des équipages doivent répondre aux mêmes exigences que celles qui s'appliquent aux combinaisons pour passagers, lesquelles stipulent que la couleur des parties de combinaison qui sont bien en vue dans l'eau doit être hautement visible. La norme précise aussi que [Traduction] « le choix de la couleur de la combinaison peut varier afin de réduire les risques de réflexion sur certaines surfaces du poste de pilotage.» En conséquence, certains exploitants choisissent des combinaisons de survie pour pilote ne comportant pas de couleurs hautement visibles, afin de réduire les risques de distraction inhérents aux phénomènes de réflexion qui se produisent sur des surfaces du poste de pilotage.

Cougar Helicopters avait choisi la combinaison Viking PS4177, car celle-ci offrait une protection en cas d'immersion dans l'eau tout en étant suffisamment souple pour permettre aux pilotes d'exécuter les tâches du poste de pilotage, et elle présentait peu de risques de réflexion dans le poste de pilotage (voir la photo 12). Le modèle Viking PS4177 est un concept des forces aériennes qui a été modifié afin de répondre aux exigences du marché de l'aviation commerciale. Il n'a pas été testé, et il n'est pas tenu de l'être, selon les normes applicables aux combinaisons pour passagers d'aéronef qui sont énoncées par l' ONGC , lequel exige des combinaisons plus épaisses dotées d'une plus grande flottabilité et d'une isolation thermique supérieure.

Photo 12. Combinaison de vol Viking PS417
Photo d'une combinaison de vol Viking PS417

En 1985, le Bureau canadien de la sécurité aérienne (BCSA) a souligné la nécessité d'élaborer un ensemble de normes et de règlements concernant les combinaisons des passagers et des membres d'équipage. À l'époque, le BCSA a formulé les recommandations suivantes : Note de bas de page 45

  1. BCSA 86-28 : le ministère des Transports modifie l'Ordonnance sur la navigation aérienne, série VII, n ° 6, afin d'inclure des dispositions concernant le port de combinaisons de survie par les passagers et les membres d'équipage présents à bord de tous les hélicoptères qui survolent les eaux du large et les eaux du Nord du Canada.
  2. BCSA 86-29 : le ministère des Transports garantit que toutes les combinaisons de survie exigées par la recommandation 86-28 satisfont aux normes de performance minimales pendant toute leur durée de vie.

Une fois adoptées, ces recommandations obligeaient les passagers et les membres d'équipage à porter des combinaisons de survie étanches. Au fil du temps, le concept des combinaisons étanches pour passagers et membres d'équipage a évolué. Lorsque le RAC a été promulgué dans les années 1990, le titre du règlement applicable est devenu Combinaisons pour passagers d'aéronef. Aujourd'hui, les exigences réglementaires et les normes régissant les combinaisons pour passagers d'aéronef sont prévues dans le RAC 602.63 paragraphe 7a) et dans le MN 551.407. Transports Canada a précisé que ces dispositions ne s'appliquaient pas aux combinaisons des équipages de conduite. Il n'existe aucune norme canadienne à jour concernant les combinaisons étanches des équipages de conduite et aucune disposition du RAC n'exige que les équipages de conduite en portent. Par contre, l'AESA précise clairement que ses normes de conception visant les combinaisons de survie s'appliquent autant aux membres d'équipage qu'aux passagers. En 2006, l'AESA a publié les normes ci-dessous :

  1. Exigence technique européenne (ETSO-2C502) Helicopter Crew and Passenger Integrated Immersion Suits (combinaisons de survie intégrées destinées à l'équipage et aux passagers des hélicoptères);
  2. Exigence technique européenne (ETSO-2C503) Helicopter Crew and Passenger Immersion Suits for Operations to or from Helidecks Located in a Hostile Sea Area (combinaisons de survie destinées à l'équipage et aux passagers des hélicoptères qui participent à des opérations à destination ou au départ des héliplateformes situées dans des zones maritimes hostiles).

Les fabricants de combinaisons fournissent des directives à suivre concernant la manipulation et l'entretien des équipements de survie annexes, tels que les gilets de sauvetage. Même si aucun règlement n'expose les exigences concernant la manipulation et la maintenance des combinaisons de survie, le point 11 de l'appendice C de la norme 625 du RAC précise que, « l'équipement de secours et de survie doit être révisé aux intervalles recommandés par le constructeur ». À l'époque de l'accident, Cougar Helicopters n'avait pas mis en place de calendrier d'entretien officiel assorti d'inspections régulières concernant les combinaisons de survie des pilotes, et les équipages étaient chargés d'inspecter eux-mêmes leurs combinaisons. À la suite de l'accident, une inspection visant les combinaisons de survie a révélé que 16 tenues sur 25 étaient inutilisables, et cinq d'entre elles nécessitaient des réparations importantes. On a constaté que certains pilotes n'inspectaient pas à fond leurs combinaisons et que certains défauts ne pouvaient pas être décelés facilement au moyen d'une inspection visuelle rapide.

Les deux pilotes portaient des gilets de flottaison externes de couleur orange (type Mustang, numéro de modèle MD1127). Le gilet Mustang utilisé par les pilotes de Cougar Helicopters est un gilet de sauvetage gonflable à compartiments double et à port constant assurant une flottabilité de 37 livresNote de bas de page 46. Le gilet Mustang a une capacité de redressement automatique. Il est doté d'un système de gonflage manuel au dioxyde de carbone (CO2), d'une lampe activée par l'eau et d'un colorant activé par l'eau. Les gilets de flottaison n'ont présenté aucun défaut et ils n'ont joué aucun rôle lors de l'accident.

1.15.8 Combinaisons pour passagers d'aéronef

Avant d'embarquer dans l'hélicoptère à CYYT , les passagers ont reçu une combinaison pour passagers d'aéronef qu'ils étaient censés conserver jusqu'à leur retour à CYYT , à la fin de la rotation sur la plateforme. Les exploitants des plateformes pétrolières de la côte estNote de bas de page 47 ont considéré que la combinaison pour passagers E-452 avait fait ses preuves, qu'elle était sûre et qu'elle constituait la solution la plus adaptée aux conditions environnementales du fait de ses caractéristiques, de sa protection thermique et de son étanchéité (voir la photo 13). La combinaison E-452 est offerte dans sept tailles différentes. Le tableau récapitulant les mensurations des utilisateurs de combinaison E-452 prend en compte 23 tailles auxquelles il associe les tailles de combinaison correspondantes. Il est possible d'obtenir une combinaison sur mesure lorsque la taille d'un passager n'est pas prise en compte dans le tableau. À l'époque de l'accident, aucune exigence ne suggérait de porter un type de vêtement particulier sous la combinaison E-452.

Photo 13. PTSS E-452
Photo d'une combinaison de vol Viking PS417

Les caractéristiques de la combinaison E-452 sont les suivantes :

En 1995, l'Office national de l'énergie du Canada (ONE) a présenté à l' ONGC un document de travailNote de bas de page 49 expliquant que le Norwegian Underwater Technology Centre (NUTEC) avait réussi à apprendre à 10 000 stagiaires à sortir d'un simulateur d'entraînement à l'évacuation d'un hélicoptère immergé sans difficulté aucune alors que ceux-ci portaient une combinaison pour passagers d'aéronef ayant une flottabilité propre comprise entre 168 N et 196 N. Aucune étude similaire n'a été réalisée au Canada avec la combinaison E-452. Pourtant, le Marine Institute et la société Survival Systems Training Ltd. ont informé la CAPP que la flottabilité du modèle E-452 ne gênait pas l'évacuation lors d'un EEHI.

Le modèle E-452 est doté de points d'attache conçus pour fixer une radiobalise individuelle de repérage (PLB) activée par l'eau, une lampe stroboscopique et un dispositif respiratoire submersible de secours (EUBA). Le système EUBA classique est composé d'une petite bouteille d'air comprimé et d'un détendeur de plongée capable de fournir un volume d'air limité à l'utilisateur. Toutes les combinaisons E-452 portées le jour de l'accident étaient équipées d'une radiobalise individuelle de repérage et d'une lampe stroboscopique. Par contre, elles n'étaient pas dotées de dispositif EUBA.

Le survivant a déclaré à l' OHSI que la lampe stroboscopique activée par l'eau avait fonctionné et qu'elle lui avait fourni suffisamment de lumière pour voir clair à l'intérieur de l'appareil immergé. Cette lampe, qui est étanche jusqu'à dix mètres de profondeur, est conçue pour commencer à émettre des éclats lorsqu'elle est armée et en contact avec de l'eau douce ou salée. La lampe est visible à au moins 1,6 km de distance et elle fonctionne pendant au moins 8 heures dans un environnement à −1 °C.

1.15.9 Mise en service des combinaisons pour passagers d'aéronef

Lorsque la combinaison E-452 est entrée en service à Cougar Helicopters, le personnel de la société Helly Hansen a présenté la combinaison et a formé le personnel de Cougar Helicopters sur la marche à suivre pour apprendre aux passagers à se servir de la combinaison. À l'époque, pour choisir la taille de combinaison appropriée, le personnel évaluait visuellement la taille et le poids du porteur, la facilité à enfiler la capuche et la capacité du porteur à se mouvoir. La FES ne prévoyait pas que l'on confirme l'ajustement de la combinaison au moyen d'une vérification spécifique; cette étape ne faisait pas non plus partie du choix initial des combinaisons ou du processus de distribution standard des combinaisons à Cougar Helicopters.

La combinaison pour passagers d'aéronef E-452 a été conçue pour être efficace avec une infiltration d'eau maximale de 654 grammes à la suite d'une fuite. Après l'impact de l'hélicoptère avec l'eau, l'infiltration d'eau dans la combinaison du survivant a dépassé 654 grammes et la température corporelle de ce dernier a rapidement chuté. L'infiltration d'eau a probablement été causée, en partie, par un défaut d'étanchéité de la combinaison autour du visage (étanchéité de la capuche) et des poignets (bande de serrage au niveau des poignets), ce défaut tenant au fait que la combinaison du survivant était trop grande.

1.15.10 Examen des normes régissant les combinaisons pour passagers d'aéronef

Le comité de l' ONGC chargé d'étudier les combinaisons de survie est composé de représentants des organismes de réglementation, de fabricants, de syndicats et d'exploitants. Ce comité met en place un processus d'examen périodique concernant les combinaisons pour passagers d'hélicoptère, habituellement tous les 5 ans ou selon les besoins. Il tient compte des nouvelles données en la matière, des découvertes technologiques et des techniques d'essai novatrices, puis modifie les normes en conséquence. La dernière révision des normes a été promulguée en 1999.

1.15.11 Combinaisons pour passagers d'aéronef et dimensions des hublots

La combinaison E-452 a été conçue pour s'ajuster sur la plupart des travailleurs de l'industrie pétrolière en mer. Selon les mesures anthropométriques effectuées, la largeur maximale du bassin, mesurée au niveau des hanches en position debout avec des vêtements de travail (sans combinaison), de la plupart des travailleurs de l'industrie pétrolière de l'Atlantique est de 16,5 pouces, et la largeur des épaules en position relâchée est de 17,6 poucesNote de bas de page 50. Il importe de noter également que lorsque les travailleurs portent la combinaison, 50 % d'entre eux ont un tour de taille supérieur à 46,9 pouces.

Les documents de certification du S-92A précisent que chaque hublot passager mesure 21,5 pouces de haut et 18,25 pouces de large. Le FAR 29 ne considère pas ces hublots comme des issues de secours, et aucun règlement n'oblige à soumettre ces hublots à un processus de certification qui tiendrait compte du port de combinaison par les occupants de l'appareil.

1.15.12 Radiobalise individuelle de repérage

Ni les règlements ni l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers n'exigent le port d'une radiobalise individuelle de repérage; par contre, les exploitants pétroliers de la côte est exigent que les pilotes et les passagers en soient dotés. Les radiobalises (modèle no ISPLB8X) ont été fabriquées au Royaume-Uni par la société Marine Rescue Technologies Ltd. Elles peuvent fonctionner pendant 20 à 30 heures à des profondeurs d'eau inférieures à 20 centimètres (voir la photo 14). L'appareil est conçu pour émettre immédiatement un signal de détresse sur la fréquence 121,5 MHz lorsque le porteur est immergé dans de l'eau douce ou de l'eau de mer. Avant le 1er février 2009, la principale source de détection des signaux émis par les radiobalises portatives fonctionnant sur 121,5 MHz et les émetteurs de localisation d'urgence des aéronefs était le système de satellites COSPAS-SARSAT. Les navires de surface ou les aéronefs en vol pouvaient également détecter le signal à distance de visibilité directe. À compter du 1er février 2009, COSPAS-SARSAT a cessé de surveiller la fréquence 121,5 MHz en raison de l'adoption des nouvelles radiobalises fonctionnant sur la fréquence 406 MHz . Les exploitants pétroliers de la côte est ont continué d'utiliser les radiobalises fonctionnant sur 121,5 MHz en raison des possibilités de radioguidage qu'elles offrent et du fait que bon nombre des nouvelles radiobalises de repérage d'urgence fonctionnant sur 406 MHz nécessitent une activation manuelle. Des radiobalises à activation automatique fonctionnant sur 406 MHz sont utilisées en Europe; elles devraient être disponibles à la vente en Amérique du nord en 2011.

Photo 14. Radiobalise individuelle de repérage
Photo d'une radiobalise individuelle de repérage

La radiobalise individuelle de repérage est conçue de telle sorte que si l'on serre trop l'antenne, on risque sans beaucoup d'efforts de faire pivoter le connecteur d'antenne. Si on continue à le serrer, les fils reliés au connecteur finissent par se casser. Les connecteurs d'antenne de trois radiobalises récupérées après l'accident et examinées par le BST étaient desserrés, ce qui a pu compromettre l'étanchéité des balises. Deux de ces radiobalises présentaient des fils torsadés, et les fils de l'une d'elles avaient été sectionnés sous l'effet de la torsion. Ces fils cassés auraient empêché la radiobalise ne pouvait pas émettre. Le connecteur d'antenne de la troisième radiobalise, qui a été récupérée sur le passager survivant, semblait avoir été endommagé avant l'accident.

Le site Internet du fabricant des radiobalises indique que les appareils sont étanches à l'eau jusqu'à des profondeurs comprises entre 15 cm et 1 m. Toutes les radiobalises portatives récupérées avaient été contaminées par infiltration d'eau salée. Les radiobalises sont des appareils électroniques qui doivent être étanches à l'eau pour fonctionner correctement. Étant donné qu'aucun aéronef de recherche et de sauvetage intervenu sur les lieux de l'accident n'a reçu de signal sur la fréquence 121,5 MHz , on peut penser que l'eau de mer s'est rapidement infiltrée dans les radiobalises et qu'elle a rendu ces dernières inutilisables.

Les membres de l'équipage de conduite étaient équipés de radiobalises de détresse ACR AEROFIX 406 (numéro de pièce 11-07709), lesquelles consistent en de petits appareils légers logés dans la poche à rabat d'une jambe de leur combinaison de survie. Ces radiobalises émettent un signal sur la fréquence 406 MHz , lequel signal est détecté par les satellites COSPAS-SARSAT. Le signal de détresse émis par ces balises est un signal numériquement codé unique et enregistré. Les balises 406 MHz émettent également sur la fréquence 121,5 MHz afin de permettre un radioguidage classique par les moyens SAR . Le BST n'a pas récupéré les radiobalises de détresse de l'équipage de conduite.

1.15.13 Dispositif respiratoire submersible de secours

En 1989, un rapport de la Royal Air Force a montré qu'une réserve d'air contribuait largement à faciliter l'évacuation d'un hélicoptère immergéNote de bas de page 51. Des études indiquent que le taux de survie des occupants d'un hélicoptère qui a fait un amerrissage forcé est sans doute faible en raison, notamment, de l'incapacité des occupants à retenir leur respiration suffisamment longtemps pour laisser l'hélicoptère s'immobiliser et l'évacuer alors qu'il se trouve souvent à l'envers et immergéNote de bas de page 52. On a montré que les dispositifs EUBA permettaient de rallonger le délai disponible pour effectuer une évacuation sous-marine au-delà des 29 à 92 secondesNote de bas de page 53 habituellement nécessaires, et d'augmenter les probabilités de réussite des évacuationsNote de bas de page 54. En 2001, les militaires canadiens ont effectué des recherches sur l' EUBA au Canada et avant la fin de cette même année, tous les équipages des hélicoptères militaires maritimes canadiens ont été formés sur la façon d'utiliser le dispositif.

En 2000, l'Office C-NLOPB a demandé à la CAPP d'étudier la possibilité d'équiper les travailleurs de l'industrie côtière du Canada de dispositifs EUBA . Un comité de mise en œuvre a été formé par la CAPP en 2003 afin de déterminer si les combinaisons en usage pouvaient être dotées de tels dispositifs, et voir quel genre de dispositif serait le mieux adapté au contexte de l'industrie côtière canadienne. Il existe trois types de dispositifs respiratoires submersibles actuellement en usage dans le monde : ceux à l'air comprimé, les appareils de respiration à circuit fermé et les systèmes hybrides qui combinent un appareil à circuit fermé avec un cylindre d'air comprimé. Ces dispositifs sont normalement disposés dans une poche de la combinaison de survie ou du gilet de sauvetage. Pour être efficace, un EUBA doit être bien conçu, fiable et facile à utiliser, en plus de convenir aux besoins de la personne moyenne se trouvant dans les conditions environnementales les plus courantes du milieu.

Les dispositifs à air comprimé fournissent de l'air sur demande et peuvent être déployés juste avant l'immersion, ou sous l'eau après un impact soudain et une immersion. Cela dit, une fois le système déployé, sa réserve d'air (d'une capacité totale d'environ 2 minutes) commence à s'écouler; il faut donc retarder le plus possible son déploiement. Comme tout plongeur se servant d'air comprimé, l'utilisateur d'un EUBA à l'air comprimé doit continuer de respirer normalement lors de l'ascension à la surface, sans quoi il pourrait subir un barotraumatisme. Il s'agit d'une blessure interne provoquée par un changement de pression, comme celui causé par un changement de profondeur dans l'eau par exemple. L'éventualité d'un barotraumatisme constitue un risque supplémentaire auxquels s'exposeraient les travailleurs de l'industrie côtière chaque fois qu'ils suivraient une formation sur l'usage de l' EUBA.

Les appareils de respiration à circuit fermé ont été conçus afin d'être faciles à utiliser et d'éliminer le risque d'un barotraumatisme. Ils se composent principalement d'un sac qui fournit à l'utilisateur de l'air, lui permettant de respirer de l'air recyclé et ainsi de tenir sa respiration de 2 à 4 fois plus longtemps qu'à la normale. Pour activer la plupart des appareils de respiration à circuit fermé, il faut tout d'abord les remplir d'air recyclé et introduire l'embout buccal dans la bouche. La manière dont la personne est placée sous l'eau et la conception de l'appareil peuvent rendre le déséquilibre hydrostatique entre la pression de l'air dans les poumons et dans le sac difficile à surmonter.

Les dispositifs hybrides de respiration à circuit fermé fournissent un supplément d'air à partir d'une réserve d'air comprimé afin de suppléer au circuit, réduisant ainsi le déséquilibre hydrostatique.

Avant l'accident du CHI91 , l'industrie côtière du Canada avait adopté un programme visant l'entrée en service de dispositifs EUBA à air comprimé, mais le programme n'a été mis en œuvre (formation, distribution du matériel) qu'après l'accident.

1.15.14 Casques et visières de l'équipage de conduite

Les pilotes n'ont pas été mortellement blessés lors de l'impact, mais ils se sont gravement blessés en se cognant notamment la tête et le visage contre le tableau de bord. Aucun des pilotes ne portait de casque approuvé avec une visière intégrée.

À l'époque de l'accident, Cougar Helicopters n'avait mis en place aucune politique concernant le port de casque, et aucune exigence réglementaire n'obligeait les pilotes d'hélicoptère à porter un dispositif de protection de la tête. Avant l'accident, environ 10 % des pilotes de Cougar Helicopters portaient régulièrement un casque. La plupart des pilotes interrogés au cours de l'enquête ont invoqué l'inconfort comme raison de ne pas porter de casque. De plus, très peu de pilotes avaient envisagé qu'une incapacité partielle causée par une blessure à la tête ou au visage pourrait compromettre leur capacité à aider leurs passagers après un accident.

Selon des recherches militaires menées aux États-Unis, le risque de blessures mortelles à la tête peut être jusqu'à 6 fois plus élevé pour les passagers d'hélicoptère qui ne portent pas de casqueNote de bas de page 55. De plus, la tête est la deuxième partie du corps la plus fréquemment blessée lors d'un écrasement offrant des chances de survieNote de bas de page 56. Les effets de blessures non mortelles à la tête varient : confusion momentanée, incapacité de se concentrer et perte de conscience totaleNote de bas de page 57. Ces blessures peuvent rendre les pilotes incapables de piloter, pouvant ainsi les empêcher de sortir rapidement d'un hélicoptère et d'aider les passagers lors d'une évacuation d'urgence.

Le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis reconnaît que le port du casque peut réduire le risque de blessures et de mort. En 1988, le NTSB a effectué un examen de 59 accidents aériens des services médicaux d'urgence survenus entre le 11 mai 1978 et le 3 décembre 1986. Il a été recommandé à la Federal Aviation Administration (FAA) (no A-88-009) d'exiger le port du casque, et à la American Society of Hospital-Based Emergency Aeromedical Services (no A-88-014) d'encourager cette même mesure pour les membres d'équipage et le personnel médical afin de réduire le risque de blessures et de mort.

Dans le rapport de 1998 du groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS)Note de bas de page 58, Transports Canada reconnaît également que le port du casque améliore la sécurité, et s'est engagé à appliquer les recommandations suivantes :

Le SATOPS a également formulé la recommandation suivante aux exploitants aériens :

Le BST a produit plusieurs rapports d'événementNote de bas de page 59 où le port d'un casque aurait probablement réduit ou évité les blessures subies par le pilote, et d'autres dans lesquels le port d'un casque a effectivement réduit ou évité des blessures.

Malgré les difficultés inhérentes au pilotage d'un hélicoptère, et malgré les avantages en matière de sécurité bien documentés du port du casque, la plupart des pilotes d'hélicoptère n'en portent pas. De même, la plupart des exploitants d'hélicoptères canadiens ne font pas la promotion active du port du casque auprès de leurs pilotes et ne l'exigent pas.

1.16 Casques et visières de l'équipage de conduite

Sans objet.

1.17 Renseignements sur les organismes et la gestion

1.17.1 Aperçu général de l'organisme

La société Cougar Helicopters, créée en 1986, détient des certificats d'exploitation qui l'autorisent à mener ses opérations en vertu des sous-parties 704Note de bas de page 60 et 702 du RAC Note de bas de page 61. En 1990, les hélicoptères Sikorsky S-61N et S-76A de la société Cougar ont commencé à assurer le transport des travailleurs de l'industrie pétrolière à partir de Halifax (Nouvelle-Écosse). L'année suivante, Cougar Helicopters s'est vu octroyer le premier contrat civil prévoyant la prestation de services SAR avec un S-76A à Yarmouth (Nouvelle-Écosse). Aujourd'hui, les services SAR continuent de représenter une part importante des opérations de la compagnie. En 1995, Cougar Helicopters a été engagée par contrat pour transporter les travailleurs de la plateforme de production Hibernia au moyen de trois Super Pumas AS332L.

En 2004, Cougar Helicopters a été rachetée par l'entreprise Vancouver Island Helicopters (VIH) Aviation group. La société VIH a été fondée à Victoria, au Canada, en 1955. Il s'agit de la compagnie d'hélicoptères privée la plus ancienne au Canada. Outre la prestation de services de nolisement partout dans le monde, l'entreprise VIH Aviation Group exploite un centre de réparation d'hélicoptères, une entreprise d'aéronefs d'affaire et une installation d'entretien courant implantée à l'aéroport international de Victoria.

En plus de ses opérations en territoire canadien, Cougar Helicopters est également très présente dans le monde, notamment en Louisiane (États-Unis) et à Perth (Australie) où ses opérations liées à l'exploitation pétrolière et gazière en mer sont intenses. La société a également travaillé en Alaska, au Groenland en Angola et dans les Territoires du Nord-Ouest. La société Cougar Helicopters estime que 97 % des heures de vol sont effectuées en survol maritime.

1.17.2 Système de gestion de la sécurité

1.17.2.1 Généralités

La société Cougar Helicopters n'est pas tenue par le RAC de disposer d'un système de gestion de la sécurité (SGS). D'après le calendrier de mise en place des SGS de Transports Canada, la promulgation du règlement devant s'appliquer aux exploitants régis par le RAC 704 (comme Cougar Helicopters) est prévue pour 2012, et la mise en place progressive de ce règlement devrait prendre environ trois ans. La société Cougar Helicopters a cependant été proactive et a élaboré des programmes de sécurité au sein de la compagnie. En 1997, Cougar Helicopters est devenue la première compagnie d'hélicoptères en Amérique du Nord à recevoir la certification ISO 9001:2000 (qui est devenue ensuite ISO 9001:2008).

Comme le règlement n'existe pas encore, le SGS de Cougar Helicopters n'a pas encore été évalué par Transports Canada. Par contre, Cougar Helicopters et l'ensemble de ses programmes d'exploitation sont soumis à la surveillance et au contrôle externes des compagnies pétrolières pour lesquelles elle travaille et à ceux de l'Office Canada­Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers. En conséquence, le SGS de la société Cougar Helicopters a déjà fait l'objet de plusieurs vérifications dans le passé, mais aucune lacune majeure n'a été relevée.

Le programme de sécurité de Cougar Helicopters est particulièrement transparent et tous les échelons hiérarchiques de la société participent à la promotion active de la sécurité dans toutes les activités. Cougar Helicopters favorise une « culture juste »Note de bas de page 62 non-punitive au sein de son organisation, dans le respect des meilleures pratiques recommandées par l'industrie, en vue de mettre sur pied un système de gestion de la sécurité efficace. Les employés sont invités à signaler tout problème de sécurité, même s'il est le fait d'une erreur personnelle, sachant que la personne en faute ne sera pas pénalisée en cas d'erreur.

1.17.2.2 SGS de Cougar Helicopters

Le SGS de Cougar Helicopters est conforme à tous les éléments mentionnés dans le document consultatif relatif au SGS de Transports Canada. Les éléments du programme sont les suivants : signalement d'événements ou de dangers, officiellement ou confidentiellement, gestion des risques, processus d'enquête interne, plans de mesures correctives, suivi des tendances en matière de dangers pour la sécurité, analyse des performances, formation sur la sécurité destinée aux employés et processus de communication concernant la sécurité. Une page d'information en ligne sur la sécurité permet à tous les employés de la société de prendre connaissance des dernières nouvelles en matière de sécurité, de poser des questions sur le sujet, de faire le suivi des problèmes de sécurité qu'ils ont signalés et d'en signaler de nouveaux.

Les éléments proactifs d'un SGS ne sont pas obligatoires durant les phases initiales de la mise en place, et il ne semble pas raisonnable de s'attendre à une exploitation efficace de ces éléments avant un stade plus avancé. Transports Canada souhaite que les éléments d'enquête proactifs, l'analyse et la gestion des risques soient présents à la phase III de l'étape de mise en œuvre du SGS , et que les éléments de l'assurance de la qualité des opérations soient présents à la phase IV de l'étape de mise en œuvre du SGS . Selon le TP14135F (Systèmes de gestion de la sécurité propres aux petites exploitations aériennes, un guide de mise en œuvre pratique), les statistiques de santé et de sécurité au travail suggèrent que pour chaque accident grave ou ayant entraîné une incapacité qui se produit dans un organisme, il y a plus de 600 lacunes de la sécurité ou incidents mineurs antérieurs, qu'ils aient été signalés ou non. L'aviation est un environnement très complexe et le signalement proactif des problèmes de sécurité latents demande du temps, la participation des ressources et une expérience de la compagnie dans les différents processus mentionnés.

Lors de l'arrivée du S-92A dans la flotte de Cougar Helicopters, certains processus d'évaluation des risques et de gestion des changements ont été mis en œuvre dans le but d'identifier des risques potentiels. On a tenu compte des lacunes d'infrastructure, notamment celles qui concernent l'entretien courant des hélicoptères, le personnel ou les moyens de maintenance et la formation des équipages de conduite. Cougar Helicopters n'a pas spécialement évalué les risques opérationnels liés à l'utilisation du S-92A en mer, car il s'agissait d'un nouvel hélicoptère connu pour respecter les normes de sécurité les plus strictes et approuvé par la FAA , Transports Canada et les Autorités conjointes de l'aviation (JAA)Note de bas de page 63.

1.17.2.3 Tableau d'évaluation des risques et centre de régulation des vols Cougar

Cougar Helicopters utilise un tableau d'évaluation des risques (TER) qui doit être rempli avant chaque vol. Dans le cadre de la planification des départs, le centre de régulation aide les pilotes à évaluer les facteurs de risque liés à l'expérience du pilote, les facteurs environnementaux, la complexité du vol, la période du jour, les conditions de luminosité, la fatigue du pilote et les facteurs d'ordre personnel de l'équipage. Le TER rempli au moment du vol CHI91 a mis en relief deux facteurs de risque : le nombre d'heures de vol peu élevé du copilote sur le S-92A et les escales multiples prévues par le vol. La valeur de risque totale se trouvait toutefois dans une plage convenable. Le TER a été conçu de telle sorte que certaines valeurs de risque impliquent l'intervention des dirigeants des opérations, dont le mandat consiste alors à s'assurer que le risque est atténué comme il se doit, soit en modifiant l'équipage ou l'itinéraire prévu au plan de vol, soit en annulant purement et simplement le vol. Le fait d'évaluer les risques à chaque vol reflète la culture de sécurité positive de l'entreprise et incite à la prudence, car on encourage ainsi les pilotes à tenir sérieusement compte des risques.

Cougar Helicopters possède un système de régulation ou de contrôle d'exploitation en coresponsabilité de type BNote de bas de page 64. Ce système de régulation, qui est prévu par le RAC 705Note de bas de page 65, n'avait jamais été appliqué aux hélicoptères au Canada. Cougar Helicopters a demandé à Transports Canada d'approuver ses opérations selon cette norme et a collaboré à l'établissement d'un système qui dépasse les exigences applicables aux hélicoptères du RAC 704.15 - Système de contrôle d'exploitation. Le système utilisé par Cougar Helicopters répond aux normes de contrôle d'exploitation de type B applicables aux entreprises de transport aérien du RAC 725.20 - Système de contrôle d'exploitationdes Normes de service aérien commercial (NSAC). Les régulateurs du centre de régulation de la société Cougar suivent une formation spécialisée, sont certifiés par Transports Canada et font l'objet d'une réévaluation tous les ans. Le fait que les décisions concernant les vols soient prises conjointement par les équipages de conduite et les régulateurs crée un échelon supplémentaire de surveillance de la sécurité.

Le suivi des volsNote de bas de page 66 est assuré par le centre de régulation des vols de Cougar par différents moyens de communication. Pour suivre la progression des vols, le centre utilise le réseau satellitaire Iridium. Ce type de système est plus performant que le système de suivi exigé par les règlements. Il suit la progression de l'hélicoptère, par l'intermédiaire de son transpondeur, ce quelle que soit sa position géographique, et retransmet sa position, son altitude, sa vitesse et son cap. Ces données sont mises à jour et transmises toutes les cinq minutes lorsque l'hélicoptère vole au-dessus de 2000 pieds, toutes les trois minutes lorsqu'il vole au-dessous de 2000 pieds et toutes les 15 secondes lorsque l'équipage actionne le commutateur de détresse du poste de pilotage. Le centre de régulation Cougar reçoit une alerte lorsqu'un hélicoptère ne transmet plus de rapport actualisé.

1.17.2.4 Suivi des données de vol des hélicoptères et système de surveillance des cycles de fonctionnement du S-92A

Cougar Helicopters a également mis en place un programme de suivi des données de vol (HFDM) qui exploite les données de l'enregistreur de données de vol et celles du système de surveillance des cycles de fonctionnement (HUMS) de l'hélicoptère dans le but de contrôler les performances de l'équipage de conduite. À la fin de chaque journée, les données de chaque enregistreur sont téléchargées et transférées à la station de travail HFDM , où elles sont analysées à des fins de contrôle de la qualité du vol, mais également dans la perspective de déceler tout écart éventuel par rapport aux procédures d'utilisation normalisée (SOP) de Cougar Helicopters. Au besoin, le vol est reproduit sous la forme d'une animation qui est ensuite examinée par un comité composé d'un analyste de données expérimenté et de deux pilotes d'expérience. Cet examen a pour objectif de cerner les séquences perfectibles et d'en discuter avec le pilote en toute confidentialité. Les problèmes systémiques repérés au moyen du programme sont intégrés à de nouveaux programmes de formation et peuvent aussi mener à la révision des SOP.

En plus du programme HFDM , les données HUMS de chaque hélicoptère sont téléchargées quotidiennement et utilisées pour vérifier si les systèmes de l'hélicoptère ne présentent pas d'anomalie ou pour déceler des tendances susceptibles d'aboutir à des anomalies. L'exploitant et le fabricant ont ainsi la possibilité de prendre des mesures proactives pour corriger d'éventuels problèmes de sécurité. L'exploitant n'est pas le seul destinataire des données HUMS . Sikorsky reçoit les données HUMS brutes de tous les exploitants de S-92A à travers le monde. Cela facilite le repérage des tendances aux lacunes de sécurité, car toutes les données de la flotte sont compilées et pas seulement celles de quelques aéronefs.

1.17.2.5 Surveillance réglementaire externe et interne des opérations de Cougar Helicopters

Sur le plan de la réglementation, la surveillance de l'industrie de l'aviation incombe à Transports Canada. La société Cougar Helicopters est titulaire d'un certificat d'exploitation et d'un certificat d'organisme de maintenance agréé émis par Transports Canada. L'inspecteur de la maintenance de Transports Canada chargé de la surveillance de Cougar Helicopters travaille au bureau de St. John's. L'inspecteur principal des opérations de Transports Canada, un spécialiste des aéronefs à voilure tournante, travaille au bureau régional de Moncton (Nouveau-Brunswick). Il possède la qualification de type sur S-92A et il suit une formation sur S-92A chaque année avec Cougar Helicopters. Il peut ainsi contrôler de près le programme de formation. La surveillance est réalisée sur une base régulière par le biais d'inspections, de vérifications, de réunions et de conversations téléphoniques. Cougar Helicopters fait habituellement l'objet de deux vérifications distinctes conduites par une équipe d'inspecteurs de Transports Canada qui vérifient soit les opérations, soit la maintenance de la compagnie. Les vérifications successives de Cougar Helicopters n'ont donné lieu à aucune constatation importante. Tous les rapports d'incident impliquant un hélicoptère exploité par la compagnie sont examinés par Transports Canada et font l'objet d'un suivi au besoin.

Outre la surveillance de Transports Canada, la société Cougar Helicopters est également soumise à une surveillance intense de la part des entreprises vis-à-vis desquelles elle a des obligations contractuelles. Les compagnies pétrolières font appel à des spécialistes de l'aviation et de la gestion de la sécurité indépendants chargés de vérifier régulièrement Cougar Helicopters. Entre 2007 et la date de l'accident, Cougar Helicopters a fait l'objet de 16 vérifications externes.

Enfin, Cougar Helicopters a défini ses propres processus de vérification internes dans son SGS . De manière générale, quatre vérifications internes distinctes sont réalisées chaque année à chaque base d'opérations de Cougar Helicopters. D'autres vérifications ou processus de gestion des changements sont mis à exécution le cas échéant, lorsque des modifications ont été apportées sur le plan de l'exploitation (ouverture d'une nouvelle base ou arrivée d'un nouvel hélicoptère dans la flotte par exemple). Entre 2007 et la date de l'accident, Cougar Helicopters a réalisé 16 vérifications internes sur la sécurité.

1.17.3 Formation des pilotes de S-92A de Cougar Helicopters

1.17.3.1 Exigences réglementaires

Le RAC 704.120 prévoit que tous les exploitants aériens établissent et maintiennent à jour un MEC . Les exploitants aériens doivent soumettre à l'approbation de Transports Canada leur MEC et toute modification éventuelle. Le MEC doit comprendre les instructions et les renseignements permettant au personnel concerné d'exercer ses fonctions en toute sécurité. Le MEC doit également présenter le contenu détaillé du programme de formation au sol et en vol de la compagnie et préciser la périodicité de la formation. Le MEC donne aussi des précisions concernant l'utilisation des manuels de vol des avions et des hélicoptères, des SOP et des listes d'équipement minimal.

Le RAC 704.115 énumère les exigences de formation fondamentales à inclure dans le manuel d'exploitation de la compagnie (MEC). Le règlement exige que les exploitants aériens établissent et maintiennent à jour un programme de formation au sol et en vol ayant pour objet de fournir aux personnes qui reçoivent la formation d'acquérir la compétence nécessaire pour exercer les fonctions qui leur sont assignées. Le RAC 704.117 exige que les exploitants aériens conservent les dossiers de formation et de qualification de chaque employé.

Les exploitants aériens doivent également s'assurer que des installations convenables existent et qu'un personnel qualifié dispense le programme de formation au sol et en vol, conformément aux NSAC Note de bas de page 67. Le RAC énonce les qualifications que doivent posséder les instructeurs au sol, les instructeurs en vol, les instructeurs sur simulateur et le chef pilote de la société. Les instructeurs en vol et sur simulateur et le chef pilote ont la responsabilité commune de contrôler les programmes de formation et de signaler tout besoin en formation complémentaire. Ces personnes sont également tenues de superviser les normes de formation et de recommander des modifications concernant les procédures d'exploitation. Ils formulent notamment les commentaires à ajouter dans les manuels d'exploitation des hélicoptères et les SOP , qui renferment les techniques que les pilotes doivent respecter en vol.

Un exploitant aérien qui offre un programme de formation approuvé et qui utilise un simulateur de vol complet de niveau ANote de bas de page 68 ou supérieur est autorisé à dispenser la plus grande partie de la formation initiale, d'avancement et périodique sur ce simulateur. La formation sur simulateur permet d'enseigner les SOP propres aux systèmes de bord, dans les situations normales, anormales et d'urgence. Elle met l'accent sur l'utilisation des listes de vérifications et sur la coordination des membres d'équipage. Les défaillances des systèmes hydrauliques, électriques et d'autres systèmes sont notamment abordées lors des formations sur simulateur.

Pour tirer pleinement profit de la valeur instructive des simulateurs, la politique de Cougar Helicopters est d'utiliser au maximum les simulateurs lors de la formation sur type. Toutefois, le MEC comporte une indication sur un cours de transformation qui est donné exclusivement sur hélicoptère et non pas sur simulateur.

Selon le MEC , la formation technique au sol a pour but de renseigner les membres d'équipage sur les systèmes de bord et les procédures à suivre dans des situations normales, anormales et d'urgence. Conformément à l'article 724.115Note de bas de page 69 des NSAC , le paragraphe 8.6 du MEC de Cougar Helicopters précise qu'il faut [Traduction]« minimiser l'instruction liée aux composants et aux systèmes que l'équipage de conduite ne peut contrôler, influencer ou faire fonctionner ».

Conformément aux règlements, la formation technique au sol doit se faire de façon annuelle. La formation initiale et périodique au sol doit comprendre de l'instruction sur l'utilisation des systèmes de l'hélicoptère, sur les limites du MEC ainsi que sur les SOP et les tâches du pilote aux commandes et du pilote qui n'est pas aux commandes pour les procédures normales, anormales et d'urgence de l'hélicoptère. La formation au sol doit comporter des examens d'évaluation axés sur les performances et mettre l'accent sur le fonctionnement (normal, anormal et d'urgence) des systèmes et équipements de bord de l'hélicoptère.

1.17.3.2 Formation théorique concernant le S-92A

En ce qui concerne la formation sur le S-92A, Cougar Helicopters envoie la plupart de ses pilotes suivre le cours initial et la formation périodique au centre de Flight Safety International (FSI) à West Palm Beach (Floride). Cougar Helicopters envoie aussi, mais moins souvent, ses pilotes au centre FSI de Farnborough, au Royaume-Uni. Le commandant de bord avait suivi sa dernière formation périodique au centre de FSI de Farnborough du 5 au 9 janvier 2009. Le copilote, qui avait terminé sa formation initiale sur S-92A en mai 2008, devait suivre la formation périodique en juin 2009.

Le centre FSI assure la formation des pilotes et des techniciens en maintenance de Sikorsky depuis 1983. Le site Web du centre FSI précise que le centre s'engage à faire en sorte que la formation dispensée soit exacte et à jour. Le site Web de Sikorsky précise, quant à lui, que l'entente passée entre Sikorsky et le centre FSI permet d'offrir aux clients du S-92 une qualité de formation la plus élevée qui soit, grâce à un programme de formation sur hélicoptères approuvé à l'interne et proposé au centre d'apprentissage de West Palm Beach, en Floride. Même si Sikorsky n'approuve pas officiellement le contenu du manuel d'apprentissage du pilote (PTM) de S-92, les pilotes de Sikorsky qui ont pris part au programme de formation au sol et sur simulateur consacré au S-92 en vérifient le contenu et formulent des recommandations d'amélioration à l'intention du centre FSI . Les représentants des services à la clientèle de FSI et de Sikorsky communiquent régulièrement dans le but de traiter des problèmes touchant la formation.

La formation périodique au sol et notamment la formation sur les systèmes de l'hélicoptère est dispensée à l'aide du PTM de S-92A de la société FSI et du RFM du S-92A. Cette formation comprend 22 heures d'instruction théorique. Le contenu du cours a été évalué dans le cadre de l'enquête au moyen d'entrevues, d'un examen du module de formation de FSI et de l'étude du chapitre 10 du PTM , qui traite de la transmission du S-92A.

Le chapitre du PTM consacré à la transmission précise que la lubrification de la BTP est assurée par deux pompes à huile. Il donne un schéma du circuit de lubrification illustrant les deux pompes en question ainsi qu'une photo montrant les deux pompes externes montées sur la partie avant de la BTP . Le manuel mentionne qu'en cas de panne de l'une des pompes, le débit d'huile reste suffisant, mais la pression baisse jusqu'au bas du secteur vert (autrement dit jusqu'à 45 lb/po² ). En outre, si les deux pompes tombent en panne (perte de débit totale), le PTM indique qu'il est possible de poursuivre le vol en toute sécurité pendant un court délai. Ni le PTM ni le RFM n'indique le délai pendant lequel la transmission pourrait continuer de fonctionner, ni ne précise un délai maximal recommandé établi pour le fonctionnement continu en toute sécurité de la transmission à la suite d'une perte de lubrifiant.

Le PTM coïncide avec le premier paragraphe de la deuxième partie du RFM à l'exception de l'explication sur le dispositif de mesure de la pression d'huile. Le PTM dit que si la pression d'huile de la BTP descend au-dessous de 24 lb/po² (captée par le manocontact installé sur le module de servitude gauche) ou 35 lb/po² (mesuré par le transducteur de pression situé dans le collecteur d'entrée), le voyant d'alarme rouge MGB OIL PRES s'allume et un message d'alarme sonore « gearbox pressure…gearbox pressure » retentit. Toutefois, le fabricant a depuis expliqué au BST que c'était les informations du RFM qui étaient correctes et que chaque capteur devait enregistrer, indépendamment l'un de l'autre, la basse pression d'huile : la pression d'huile du transducteur devait chuter à 35 lb/po² et la pression d'huile dans le module de servitude gauche devait descendre à 24 lb/po² pour déclencher l'alarme sonore et l'avertissement principal.

Les autres composants de la BTP décrits dans le PTM incluent le détecteur de particules, la sonde de température d'huile et les capteurs de pression d'huile. Le PTM ne donne aucun détail sur le principe de fonctionnement de l'indicateur de température (il n'explique pas qu'il s'agit d'une sonde humide qui doit être immergée dans l'huile) et ne précise pas que l'instrument n'est plus fiable en cas de perte d'huile totale, car en pareil scénario, il mesurerait la température ambiante à l'intérieur du carter de la BTP.

1.17.3.3 Dispositif d'entraînement de vol et formation sur simulateur de S-92A

Pour configurer les simulateurs d'entraînement de FSI , les paramètres de base (caractéristiques de pilotage, performances, bruit et vibrations) ont été collectés en utilisant un ancien prototype d'hélicoptère S-92A. Il est impossible de reproduire une perte de l'entraînement du rotor de queue en conditions réelles. La simulation de ce scénario d'urgence a donc été fondée sur les meilleures estimations que Sikorsky et FSI ont pu faire concernant la façon dont l'hélicoptère se comporterait en présence d'une telle panne.

La formation périodique annuelle comprend habituellement 6 heures de vol en place droite et 6 heures de vol en place gauche, suivies par un CCP de 5 heures, ce qui donne au total 17 heures de séance sur simulateur par an. Lors de la formation annuelle sur simulateur, les pilotes s'exercent habituellement une seule fois à traiter une panne de pression d'huile BTP et le scénario simule une perte progressive de la pression d'huile se traduisant par des vibrations qui incitent les pilotes à faire un atterrissage ou un amerrissage d'urgence. Selon les besoins, l'exercice est répété jusqu'à ce que les réflexes soient acquis. Cette simulation prévoit l'apparition de vibrations inhabituelles peu de temps après que la pression d'huile BTP a atteint 20 lb/po², et l'intensité des vibrations augmente progressivement à mesure que la pression d'huile diminue. Lors d'une simulation de perte de pression d'huile BTP progressive, l'affichage de la température d'huile BTP commence par monter, puis descend ensuite dans le secteur vert.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Procédures d'urgence et gestion des situations d'urgence

1.18.1.1 Généralités

La présente section traite des situations anormales et d'urgence et des principes d'élaboration des listes de vérifications, du RFM du S-92A, des SOP de Cougar Helicopters et de la liste de vérifications du S-92A de Cougar Helicopters. La section se termine par un compte-rendu des réactions de l'équipage face à la situation d'urgence, depuis l'indication initiale de perte de pression d'huile BTP jusqu'à l'impact avec l'eau. L'accent est également mis sur les procédures à suivre en cas de situations anormales et d'urgence et sur la réaction de l'équipage en pareilles circonstances. La rubrique 2.6 relate en détail la gestion des ressources du poste de pilotage par l'équipage lors de l'accident.

1.18.1.2 Principes d'élaboration des procédures en cas de situations anormales et d'urgence

Les exploitants se fient principalement à des procédures approuvées pour s'assurer que les équipages utilisent les aéronefs dans les limites fixées et exécutent correctement les actions propres à une situation donnée. Les procédures à suivre en cas de situations anormales sont conçues pour permettre à l'équipage de sortir d'une situation qui pourrait devenir une situation d'urgence. Les procédures d'urgence sont conçues pour traiter des types d'urgence précisNote de bas de page 70. Généralement, les situations anormales sont signalées par des voyants ou des messages d'avertissement, tandis que les situations d'urgence sont caractérisées par l'activation de voyants ou de messages d'alarme.

Dans la plupart des cas, les procédures applicables en situations anormales sont des vérifications que l'équipage exécute en consultant directement la liste de vérifications. En situation d'urgence, l'équipage commence souvent par une série d'actions vitales dont la rapidité d'exécution est cruciale (ce sont les vérifications de mémoire); ces actions sont suivies par des actions secondaires exécutées en lisant la liste de vérifications. La décision de considérer une étape de procédure comme étant une vérification de mémoire dépend essentiellement du caractère urgent de la mesure à prendre. En règle générale, les vérifications de mémoire sont des actions exécutées sur-le-champ qui s'avèrent vitales pour la poursuite du vol en toute sécuritéNote de bas de page 71. En pareilles situations, les pilotes n'ont pas le temps de chercher ou de consulter une liste de vérifications. Lors de la rédaction des listes de vérifications d'urgence, les vérifications de mémoire doivent être clairement indiquées au moyen d'ombrages, d'encadrements ou de polices de caractères spécialesNote de bas de page 72.

Des études ont montré que les pilotes oublient souvent des actions de mémoire lors des procédures d'urgence en raison des limites de la mémoire immédiate et d'une vulnérabilité naturelle aux distractionsNote de bas de page 73, notamment lorsque la charge de travail est élevéeNote de bas de page 74. L'exécution des vérifications de mémoire conduit souvent à des erreurs dans l'identification de la situation d'urgence, dans le choix de la bonne procédure et dans l'exécution de la procédureNote de bas de page 75. Parfois, des actions apparemment simples ne le sont pas forcément pour une personne qui est accaparée par une situation de stress intense et dont la capacité à analyser les situations et à trouver des solutions est sérieusement compromise du fait des limites de la mémoire immédiateNote de bas de page 76. C'est pourquoi certains constructeurs ont essayé de réduire, sinon de supprimer, les vérifications de mémoire des procédures en situations anormales et d'urgenceNote de bas de page 77. Dans certains cas, les constructeurs s'attendent à ce que les pilotes exécutent certaines actions sans consulter la liste de vérifications, mais ils ne précisent pas que ces étapes sont des vérifications de mémoire. Dans l'un des cas où cette pratique a été relevée, l'AESA a recommandé aux exploitants d'élaborer leurs propres vérifications de mémoire en conformité avec leur philosophie d'exploitationNote de bas de page 78.

Les constructeurs sont également parvenus à réduire la charge de travail des pilotes dans les situations anormales et d'urgence en automatisant une partie des procédures. C'est notamment le cas avec les actions vitales. Il est par exemple possible de concevoir des systèmes intégrant des fonctions automatiques de coupure ou de dérivation de la même manière qu'il est possible de programmer l'activation de voyants et de messages d'alarme et d'avertissement à des valeurs prédéterminées.

La plupart des procédures applicables aux hélicoptères en situations anormales et d'urgence se terminent par les recommandations « land as soon as practical (ou practicable) » (atterrissage à la première occasion)Note de bas de page 79, « land as soon as possible » (atterrissage dès que possible) ou « land immediately » (atterrissage immédiat). De manière générale, si un problème de fonctionnement n'est pas critique, la procédure demandera aux pilotes un « atterrissage à la première occasion ». Si la situation est critique ou s'il s'avère que le problème n'a pas été résolu, la procédure peut se terminer par la directive « atterrissage dès que possible ». Si la situation présente un danger imminent pour l'équipage et les passagers, la procédure se terminera par une directive « atterrissage immédiat ».

Chacune de ces directives suppose un degré d'urgence spécifique. Il faut cependant savoir que le caractère urgent de chaque directive varie souvent en fonction des fabricants et des exploitants, selon la formulation qu'ils utilisent dans leur définition. Actuellement, il n'existe aucune norme établie concernant la directive d'atterrissage employée dans les procédures anormales et d'urgence; la question a d'ailleurs fait l'objet d'un avis de sécurité aérienne du BST (no A990002)Note de bas de page 80. En réponse à cet avis, Transports Canada a émis la Circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires (CIACA) no 0163, laquelle invite les exploitants à examiner l'interprétation faite par les membres de l'équipage de conduite des termes anglais tels que « possible », « practical », « practicable », « suitable » et « adequate » dans le contexte des procédures d'urgence dans les aéronefs, ce en vue d'en régulariser l'utilisation. L'expression « Land immediately » n'a pas été mentionnée dans cette CIACA . Les fabricants et les exploitants sont toujours tenus de définir ces directives d'atterrissage. Même si de temps en temps, les exploitants souhaitent modifier ces définitions afin qu'elles répondent mieux à leurs besoins, des chercheurs ont constaté que les exploitants sont souvent réticents à l'idée de remettre en cause les procédures élaborées par les fabricants, car ils considèrent ces derniers comme les experts en matière de procédureNote de bas de page 81.

Dans l'exploitation des hélicoptères, l'expression « atterrissage immédiat » caractérise la situation d'urgence la plus critique. La directive est généralement reconnue comme étant synonyme de danger immédiat pour l'équipage et les passagers. Pour illustrer cet exemple, prenons deux définitions applicables à des hélicoptères militaires de taille similaire exploités au large des côtes est et ouest du Canada.

CH-124 Sea King :

CH-149 Cormorant :

Dans le RFM du S-92A et la liste de vérifications utilisée par Cougar Helicopters, les expressions « atterrissage dès que possible » et « atterrissage immédiat » sont définies de la manière suivante :

La présentation est un autre aspect important à prendre en compte lors de la rédaction des procédures anormales et d'urgence, plus spécialement lorsque ces procédures sont réunies en une seule. Des études ont révélé que certains pilotes sont souvent décontenancés par les listes de vérifications et qu'ils commettent des erreurs au moment d'appliquer la procédure voulueNote de bas de page 82. Si la procédure a été mal conçue, il y a de grandes chances pour que les pilotes aient du mal à l'utiliser, ce qui risque de retarder l'exécution des actions vitalesNote de bas de page 83.

L'une des façons de présenter des procédures anormales et d'urgence consiste à énumérer des étapes selon une séquence linéaire. Habituellement, les procédures linéaires commencent par les vérifications de mémoire et se terminent par les actions secondaires non critiques. Par contre, il arrive que des procédures anormales et d'urgence soient regroupées en une seule procédure. Lorsqu'une procédure réunit des mesures anormales et d'urgence de manière linéaire, le pilote doit lire chaque ligne de la procédure pour savoir si l'étape doit être exécutée ou non.

1.18.1.3 Manuel de vol de l'hélicoptère du S-92A

La certification de type d'un hélicoptère prévoit obligatoirement l'élaboration d'un manuel de vol d'hélicoptère (RFM) approuvé par Transports Canada au Canada. Ce manuel, qui est élaboré par le fabricant, doit comporter des sections traitant des limites, des procédures et des performances requises pour pouvoir utiliser l'appareil en toute sécurité. Le RFM doit toujours se trouver à portée de main des membres d'équipage. Aucun RFM n'a été retrouvé sur les lieux de l'accident, mais il a été établi que les pilotes en avaient des copies dans le poste de pilotage. Le RFM a priorité sur les listes de vérifications et les SOP.

Les enquêteurs ont constaté que certaines procédures anormales et d'urgence figurant dans la liste de vérifications du S-92A et les SOP de Cougar Helicopters différaient de celles décrites dans le RFM . Ils ont notamment remarqué des différences de procédure mineures entre le RFM , la liste de vérifications et les SOP de Cougar Helicopters en ce qui a trait à une double panne moteur de l'appareil en croisière et à la procédure d'atterrissage en autorotation. Par contre, ils ont relevé des différences majeures entre les procédures à suivre en cas d'anomalie de fonctionnement de la BTP décrites dans les SOP et la liste de vérifications du S-92A et celles énoncées dans le RFM utilisé à l'époque de l'accident. Les différences relevées entre les SOP de Cougar Helicopters et la liste de vérifications du S-92A de Cougar Helicopters seront traitées dans les rubriques 1.18.1.7 et 1.18.1.8.

Le RFM du S-92A comporte une section consacrée à la BTP . Les anomalies de fonctionnement de la BTP sont réparties dans trois catégories : pannes du circuit d'huile, pannes mécaniques et pannes des accessoires (voir l'annexe D). Dans le cas d'une panne du circuit d'huile, les conditions anormales et d'urgence sont intégrées à une procédure linéaire unique. Les anomalies non critiques (situations anormales) sont présentées au début de la procédure, tandis que les pannes critiques (situations d'urgence) sont présentées à la fin de la procédure.

Voici ce que dit le RFM à propos des anomalies de fonctionnement de la BTP : [Traduction] « Les indicateurs de température et de pression et le détecteur de particules BTP devraient fournir suffisamment d'indices au pilote pour que ce dernier puisse prendre une décision éclairée en cas de problème touchant la BTP ».

Le paragraphe qui suit demande au pilote de rester vigilant aux symptômes suivants, car ils constituent les signes de panne imminente de la BTP :

  1. Voyant de détecteur de particules d'un train d'engrenages;
  2. Indication de faible pression d'huile ou avertissement MGB OIL PRES;
  3. Indication de température d'huile élevée ou avertissement MGB OIL HOT;
  4. Augmentation de puissance nécessaire pour maintenir un couple et une vitesse constants;
  5. Mouvements de lacet brusques;
  6. Sifflement, grincement ou bruit inhabituel provenant de la transmission principale.

Cette section du RFM précise également que la combinaison de plusieurs symptômes doit être perçue comme l'indication évidente d'une panne BTP imminente. Le manuel ajoute que lorsque le pilote soupçonne une panne BTP imminente, la première chose à faire est d'atterrir avant que la panne se traduise par un grippage de la BTP ou une perte d'entraînement du rotor principal ou du rotor de queue. Le RFM ne précise pas aux pilotes le délai pendant lequel l'aéronef pourra poursuivre le vol en toute sécurité à la suite d'une perte de lubrifiant de la BTP . Même si les constructeurs d'hélicoptères ont coutume d'annoncer le délai de fonctionnement à secNote de bas de page 84 de leurs hélicoptères dans le cadre de leur démarche commerciale, aucune exigence réglementaire n'oblige à préciser ce délai dans le RFM.

Les symptômes de panne imminente propres à la BTP des S-92A sont les mêmes que ceux qui caractérisent les autres hélicoptères lourds, et il est courant d'attendre d'avoir des indications complémentaires pour confirmer une situation d'urgence potentiellement préoccupante. Les données de l'indicateur de pression d'huile BTP du S-92A sont fournies par deux sources distinctes : le capteur de pression d'huile et le manocontact d'huile. Ces sources transmettent des paramètres à un calculateur qui les retransmet aux MFD . L'indicateur de température BTP du S-92A a besoin d'huile pour donner des indications de température précises. Sans huile, les indications qu'il donne sont erronées. Néanmoins, sur certains hélicoptères les messages d'avertissement ou d'alarme et les indications de pression ou de température correspondantes sont fournis par les mêmes capteurs. On apprend donc aux pilotes de ces hélicoptères à attendre une deuxième indication avant de prendre une décision. Par exemple, en l'absence de bruit ou de vibrations inhabituelles, ou des deux phénomènes simultanés, de nombreux pilotes savent que la perte de lubrification se traduit par une augmentation de la température et que ce phénomène est considéré comme l'indication secondaire d'un problème réel.

Pour un hélicoptère, une panne BTP imminente est une situation critique. Dans un événement récent concernant un hélicoptère de taille similaire évoluant en Mer du Nord, la BTP est tombé en panne et le pilote a immédiatement perdu le contrôle de l'appareil. L'hélicoptère s'est écrasé en mer et il n'y a pas eu de survivantsNote de bas de page 85. L'équipage n'a reçu aucun message indiquant que la BTP était sur le point de tomber en panne, et la situation s'est dégradée si rapidement qu'il a tout juste eu le temps de lancer un appel de détresse.

Le RFM du S-92A fournit les directives suivantes concernant les pannes de BTP possibles :

[Traduction]
Descendre à une altitude permettant d'atterrir rapidement en touchant le moins possible à la puissance et adopter une vitesse exigeant une puissance minimale. Effectuer la descente avec une puissance moteur réduite tout en conservant suffisamment de couple pour entraîner la transmission. Éviter les changements de puissance rapides ou fréquents. Une température élevée ou une perte de lubrification peut entraîner la perte des générateurs principaux. Démarrer l' APU pour que le générateur auxiliaire soit disponible instantanément. Il est préférable d'effectuer un atterrissage glissé, car cela nécessite moins de puissance et des changements de régime moins importants. Si l'endroit ne permet pas de procéder à un tel atterrissage, faire un atterrissage sans vol stationnaire.

Bien qu'il n'existe aucun réglage de couple universellement reconnu dans les procédures à suivre en cas de panne BTP imminente, certains programmes de formation pour pilotes d'hélicoptère recommandent d'adopter un profil de descente d'urgence approprié à une vitesse exigeant une puissance minimale pour poursuivre le vol et des valeurs de couple comprises entre 15 % et 30 %, si la situation le permet. La vitesse dont il est question est la vitesse de finesse maximale, qui correspond à la vitesse à laquelle la puissance nécessaire pour compenser la traînée totale est minimale. Cette vitesse coïncide avec le meilleur taux de montée ou avec la vitesse d'autonomie maximale d'un hélicoptère. Une autre expression souvent utilisée est la vitesse du meilleur rapport portance/traînée (L/D), où la traînée totale est également minimaleNote de bas de page 86. La vitesse L/D maximale représente la vitesse associée à l'angle de vol plané optimal de l'hélicoptère, ou l'autonomie maximale dans le cas d'une autorotation. La section du RFM du S-92A qui est consacrée aux pannes BTP ne précise aucun couple ou vitesse de descente souhaitable à adopter en cas de panne de BTP imminente.

La procédure à suivre en cas de panne du circuit d'huile de la BTP sur le S-92 fait état d'une étape de confirmation qui s'applique en cas de pression d'huile faible ou de température d'huile élevée. Si l'indication initiale de la panne est une pression d'huile faible, l'étape de confirmation exige que le pilote vérifie si la température d'huile BTP est supérieure à 130 °C . Lorsque cette étape a été franchie, le RFM comporte un avertissement suivi de mises en garde et de notes multiples. L'avertissement précise ce qui suit :

[Traduction]
Le circuit de dérivation [BYP] doit être fermé dans les cinq secondes suivant l'apparition du message d'avertissement MGB OIL PRES afin qu'une quantité d'huile suffisante reste dans la boîte de transmission. NE PAS fermer la dérivation si l'avertissement n'est pas affiché.

Dans le RFM , cet avertissement est suivi d'une mise en garde qui informe le pilote qu'il doit s'attendre à une augmentation de température d'huile BTP dans le secteur rouge après la fermeture de la dérivation MGB BYP. La mise en garde se poursuit en indiquant que l'augmentation de température qui fait suite à la fermeture de la dérivation ne doit pas être considérée comme une indication secondaire concernant l'opportunité d'un atterrissage immédiat. Une note précise ensuite que la pression d'huile BTP devrait se stabiliser ou fluctuer dans une plage de 5 à 25 lb/po² après la fermeture de la dérivation. Cette note rappelle aussi que la température BTP passe progressivement dans le secteur rouge (au-dessus de 130 °C ) après la fermeture de la dérivation. Le RFM ne dit pas ce qu'il advient de la température d'huile BTP en cas de perte complète de l'huile de lubrification (à savoir que le pilote ne peut pas se fier à l'indicateur de température étant donné qu'il mesure la température ambiante à l'intérieur du carter de la BTP ).

La page suivante du RFM comprend deux autres notes. La première précise : [Traduction] « Une fuite d'huile de la BTP importante ou la panne d'une pompe à huile BTP peut provoquer l'affichage de l'avertissement MGB OIL PRES. » Le RFM ne mentionne aucun autre symptôme caractéristique d'une panne de pompe BTP unique, ni aucune mesure d'urgence associée. Toutefois, selon le PTM du S-92A, la perte d'une seule pompe ferait chuter la pression jusqu'au bas du secteur vert (pour atteindre environ 45 lb/po²). Néanmoins, après la publication du PTM , d'autres symptômes ont été constatés suite à ce genre de panne. À partir de ces incidents, on a établi qu'une panne touchant une seule pompe pouvait faire bouillonner l'huile et entraîner une chute de pression avec des fluctuations de 5 à 25 lb/po² et une élévation éventuelle de la température dans les trains d'engrenage et les modules auxiliaires.

La deuxième note souligne que si le message d'alarme rouge MGB OIL PRES apparaît, le message d'avertissement jaune MGB OIL PRESS sera éteint. Suite à la vérification des symptômes, l'étape de confirmation, la série de notes d'avertissement, les deux mises en garde et les quatre notes, les actions vitales concernant une perte de débit d'huile partielle commencent. La première étape de la procédure consiste à sélectionner MGB OIL BYP si le message d'alarme rouge MGB OIL PRES s'allume. Si le message d'avertissement jaune MGB OIL PRES s'allume et que la pression d'huile BTP est supérieure ou égale à 35 lb/po² , l'étape suivante du RFM préconise d'atterrir dès la première occasion. La troisième étape demande au pilote de surveiller la pression d'huile BTP.

Après la troisième étape, la procédure du RFM parle de l'affichage du message d'alarme rouge ou du message d'avertissement jaune MGB OIL PRES accompagné d'une pression BTP inférieure à 35 lb/po² . Dans ces conditions, le RFM demande au pilote de descendre à l'altitude minimale de sécurité. Le manuel ne recommande aucune altitude ou vitesse pour établir cette altitude. La procédure demande ensuite au pilote d'enclencher le générateur de l' APU et d'atterrir dès que possible. Après avoir atteint la ligne du RFM qui préconise d'atterrir dès la première occasion, la procédure continue en précisant :

[Traduction]
Si le message d'alarme ou d'avertissement MGB OIL PRES s'affiche et que l'une des indications de panne BTP secondaires suivantes se manifestent :

pression d'huile BTP inférieure à 5 lb/po²;
fumée ou vapeurs dans la cabine;
panne subséquente du circuit hydraulique;
augmentation de puissance progressive pour poursuivre le vol;

vibrations ou bruits anormaux.

Atterrir immédiatement.

La décision d'atterrir ou d'amerrir immédiatement peut dépendre de l'interprétation que le pilote fait de la définition « atterrissage immédiat » et de l'évaluation qu'il fait des risques associés à un atterrissage immédiat plutôt qu'à une poursuite du vol en vue d'atteindre une zone d'atterrissage plus appropriée. L'un des facteurs susceptibles d'influer sur le processus de prise de décision du pilote est la capacité de fonctionnement à sec de l'hélicoptère. Si un pilote s'inquiète à l'idée qu'une perte de lubrification a pu se produire, il est primordial qu'il connaisse la capacité de fonctionnement à sec de son hélicoptère afin de déterminer le profil de vol à adopter pour poser ou faire amerrir son appareil avant qu'une panne potentielle de la BTP ou des composants annexes se produise à la suite d'une perte de lubrifiant de la BTP.

En pleine mer, la décision d'amerrir ou de poursuivre le vol incombe au pilote, qui doit tenir compte des risques associés aux deux options. À moins que ce dernier ait été confronté plusieurs fois à de telles situations, le stress inhérent à un scénario d'amerrissage potentiel pourrait nuire à sa capacité d'évaluer correctement la situation et se traduire par des tentatives moins fructueuses et potentiellement désordonnées d'envisager d'autres solutionsNote de bas de page 87,Note de bas de page 88.

La perte possible d'un hélicoptère en mer peut avoir un impact significatif sur la décision d'un pilote, notamment si ce dernier a eu connaissance d'accidents pour lesquels l'enquête ultérieure a conclu que l'hélicoptère impliqué aurait pu rejoindre la côte en toute sécurité. Étant donné la fiabilité des hélicoptères modernes, il est peu probable qu'un pilote soit confronté plusieurs fois à des situations potentiellement dangereuses comme un amerrissage forcéNote de bas de page 89. De plus, une personne peut succomber au biais de confirmation d'hypothèse, idée préconçue qui l'incite à tenir principalement compte des indices confirmant le plan d'action qu'elle souhaite suivre, qui peut consister à rejoindre la côteNote de bas de page 90. Par conséquent, de nombreux pilotes d'hélicoptères tentent de rejoindre la côte, à moins qu'ils soient en présence d'indications prouvant sans équivoque l'imminence d'une panne catastrophique (vibrations ou bruits anormaux)Note de bas de page 91.

Dans certaines situations extrêmes, il arrive que les pilotes soient contraints de prendre une décision qui va à l'encontre de la procédure officielle, en raison de circonstances atténuantes, telles que les conditions météorologiques, l'obscurité ou l'état de la mer. Si un pilote juge que les risques liés à l'amerrissage forcé sont élevés au point que la poursuite du vol constitue une option plus sûre, il doit bien évaluer le profil de vol choisi pour atteindre une zone d'atterrissage sûre. Même s'il n'existe aucun profil de vol universellement reconnu lorsqu'il s'agit de poursuivre un vol en présence d'une BTP dont on soupçonne un mauvais fonctionnement, les enquêteurs ont constaté que de nombreux pilotes d'hélicoptères choisiraient de voler à basse altitude et à basse vitesse. Il est généralement admis qu'une altitude comprise entre 50 et 200 pieds agl et une vitesse comprise entre 50 et 80 nœuds (autrement dit, une vitesse de finesse maximale ou presque) réduisent les contraintes imposées à une BTP dont l'état de fonctionnement est douteux tout en permettant au pilote d'effectuer un amerrissage contrôlé rapide dès la première indication d'une panne BTP Note de bas de page 92.

Le rapport no 85-H54001 du BCSA relate l'incident d'un hélicoptère S-61N dont la BTP a fui au complet à seulement 17 nm des côtes. Comme le pilote a rapidement compris les risques de panne liés au manque de lubrification de la BTP , il a stabilisé l'hélicoptère à 100 pieds au-dessus de l'eau à une vitesse de 100 nœuds afin de pouvoir rapidement amerrir au cas où la situation l'exigerait. Lorsqu'il a ressenti des vibrations et des bruits, le pilote a mis l'appareil dans le vent, a fait un arrondi pour réduire la vitesse et l'altitude de l'hélicoptère et a amerri sans problème, sauvant ainsi la vie de tous les occupants.

À l'époque de l'accident, le RFM ne précisait aucune combinaison d'altitude et de vitesse à adopter lorsque la directive « atterrissage immédiat » est jugée trop risquée. Ce scénario n'est habituellement pas abordé pendant la formation.

Les profils suggérés en situations d'urgence correspondent à des procédures informelles qui découlent de connaissances propres à l'entreprise transmises par des pilotes plus expérimentésNote de bas de page 93. Les pilotes d'hélicoptères d'ancienne génération auraient défini de tels profils en tenant compte de l'âge et de la fiabilité des hélicoptères qu'ils pilotaient dans le passé. Lorsque ces pilotes sont passés à des appareils plus récents, ils ont appliqué les réflexes qu'ils avaient acquis sur les anciennes machines. Les pilotes plus jeunes aux commandes d'hélicoptères modernes sont sûrement moins exposés à ces situations et la possibilité d'en discuter est moins courante qu'auparavant en raison des améliorations apportées aux appareils de nouvelle génération en termes de fiabilité et de sécurité.

1.18.1.4 Perte de poussée du rotor de queue

Le RFM du S-92A identifie la perte d'entraînement du rotor de queue comme étant l'une des conséquences possibles d'une panne de la BTP . Lorsqu'on subit une perte d'entraînement du rotor de queue sur le S-92A, l'effet anticouple de ce rotor est supprimé, ce qui a pour effet de provoquer un mouvement de lacet à droite. D'après le RFM du S-92A, il est impossible de maintenir le vol en palier à la suite d'une perte de poussée du rotor de queue. L'hélicoptère fait un brusque mouvement de lacet à droite non sollicité qui nécessite une mise en autorotation immédiate, si l'appareil est en croisière. Le RFM précise aussi qu'une perte de poussée du rotor de queue à 60 nœuds ou plus peut entraîner des mouvements de roulis jusqu'à 10 ° , des mouvements de tangage jusqu'à 5 ° et des changements de cap pouvant atteindre 50 ° , ce jusqu'à ce que l'hélicoptère soit stabilisé en autorotation. Une fois en autorotation, le RFM recommande de stabiliser l'hélicoptère en assiette et en roulis avec un niveau de glissade acceptable.

Le RFM avertit qu'une « perte d'entraînement du rotor de queue imminente peut être précédée par un bruit ou des vibrations intenses provenant du rotor de queue, souvent ressentis par le pilote comme des vibrations d'amplitude intermédiaire dans les pédales du palonnier. »

Le RFM recommande de suivre la procédure ci-dessous en cas de perte de poussée du rotor de queue en vol avant :

[Traduction]

  1. Entrer en autorotation;
  2. Maintenir une vitesse indiquée de 80 à 100 nœuds;
  3. Sortir le train;
  4. Mettre la manette des gaz à STOP avant le contact avec le sol.
1.18.1.5 Autorotation de l'hélicoptère

L'autorotation peut être définie comme une condition de vol au cours de laquelle le rotor principal est entraîné par des forces aérodynamiques, aucune force motrice ne provenant du moteur. Pendant une autorotation, la commande du cyclique sert à contrôler la vitesse, tandis que la commande de pas collectif contrôle la portance générée par le rotor principal (régime du rotor principal). Si, pendant l'autorotation, le pilote n'actionne pas correctement l'une ou l'autre de ces commandes ou même les deux, il réduit les marges de sécurité. À la différence des hélicoptères monomoteur, les risques d'avoir à faire une autorotation avec un gros hélicoptère multimoteur de type S-92A sont extrêmement faibles. En outre, les risques de blessures et les coûts de réparations découlant de la détérioration subie par des composants lors d'un exercice d'autorotation sur ce type d'hélicoptère sont élevés. En dehors des besoins de certification initiale, il est extrêmement rare de faire des exercices d'autorotation jusqu'à l'atterrissage avec un hélicoptère multimoteur lourd. La plupart des exploitants de gros hélicoptères multimoteurs limitent l'exécution d'autorotations à la formation initiale et périodique sur simulateur. Le RFM du S-92A interdit de s'exercer aux autorotations jusqu'au toucher des roues.

Pendant une autorotation, la vitesse est le principal paramètre utilisé pour contrôler le taux de descente. Une note incluse dans la procédure d'autorotation du RFM du S-92A précise que le taux de descente minimum (2 200 à 2 400 pieds par minute) est obtenu en maintenant une vitesse indiquée (KIAS) de 80 nœuds et un régime rotor compris entre 100 % et 105 %. Une vitesse plus élevée ou moins élevée ferait augmenter le taux de descente. Pour effectuer un atterrissage en autorotation en toute sécurité, il est primordial de contrôler le taux de descente. Pendant la phase d'atterrissage en autorotation, la vitesse de translation avant et le taux de descente de l'hélicoptère sont réduits au moyen d'un arrondi (qui consiste à augmenter l'assiette de cabré de l'appareil) jusqu'à ce que la vitesse de poser voulue soit atteinte. Le pilote utilise ensuite l'énergie cinétique du rotor principal pour réduire le taux de descente de l'hélicoptère, juste avant le contact avec le sol. Le fait de faire une autorotation à une vitesse supérieure à la vitesse du taux de descente minimal, mais inférieure à la VNE-AUTO (120 KIAS ), oblige l'équipage à faire un arrondi plus long ou plus agressif pour réduire la vitesse de translation avant le poser des roues, qui peut alors être exécuté en toute sécurité. Le fait de faire une autorotation à une vitesse inférieure à la vitesse du taux de descente minimal compromet énormément l'efficacité de l'arrondi et se traduit par un taux de descente très élevé juste avant le toucher des roues. Il ne serait peut-être pas possible de réduire ce taux jusqu'à un niveau acceptable avant le toucher des roues et l'impact pourrait être violent.

Au cours d'une autorotation, la commande du collectif sert à contrôler le régime rotor, lequel doit être maintenu dans la plage normale du ralenti moteur. Dans le cas du S-92A, le régime maximum permis pendant l'autorotation est de 110 % et le régime minimum, de 95 %. Le S-92A permet aussi d'adopter un régime minimum temporaire de 80 %, mais aucune limite de temps n'a été fixée. Si le régime rotor dépasse 110 %, le pilote doit tirer sur le collectif pour le ramener dans la plage normale. Si le régime descend au-dessous de la plage normale, le pilote doit abaisser le collectif. Si le régime continue de diminuer, l'angle d'attaque des pales du rotor principal finit par augmenter et les pales commencent à décrocher. Lorsque les pales amorcent un décrochage, la portance diminue et la traînée augmente, ce qui fait augmenter rapidement le taux de chute et accentue le décrochage. Il est donc crucial que le pilote évite le décrochage des pales du rotor principal en respectant la plage normale de ralenti.

Si toutes les pales de rotor décrochent, il peut s'avérer impossible de rétablir une vitesse rotor suffisante pour terminer l'autorotation jusqu'à l'atterrissage. Le RFM avertit d'ailleurs que le régime rotor [Traduction] « diminue rapidement jusqu'à un point de non-retour qui entraîne la perte de contrôle de l'hélicoptère à moins que le pilote amorce une autorotation tout de suite après une double panne moteur », et il ajoute « qu'une panne des deux moteurs nécessite une action immédiate en vue d'effectuer un atterrissage sans moteur. » Lorsque c'est le pilote qui coupe les moteurs, il doit baisser complètement le collectif pour pouvoir réduire les gaz. Le RFM indique aussi qu'une double panne moteur provoque un mouvement de lacet vers la gauche en raison de la diminution du couple. Le document précise « que le pilote doit immédiatement réduire le collectif pour maintenir le régime rotor dans les limites de sécurité ».

La procédure d'autorotation décrite dans le RFM du S-92A, qui n'indique aucune étape comme étant une vérification de mémoire, demande au pilote de réduire le collectif pour maintenir un régime rotor de 105 %, et de stabiliser l'hélicoptère à une vitesse comprise entre 80 et 100 KIAS . Les étapes de procédure suivantes demandent au pilote de sortir le train, de fermer les interrupteurs carburant et d'informer les occupants de la situation. Si le temps et l'altitude le permettent, la procédure du RFM suggère d'essayer de redémarrer un moteur ou les deux. Si le rallumage échoue, l'étape suivante consiste à effectuer l'atterrissage en autorotation conformément aux consignes du RFM.

La phase d'atterrissage de l'autorotation est un moment critique. L'un des phénomènes propre à l'autorotation est le « rapprochement rapide du sol » : le pilote a l'impression que le sol ou le plan d'eau se rapproche plus vite que prévu et il essaie de ralentir ce rapprochement en faisant un arrondi anticipé ou en augmentant le collectif prématurémentNote de bas de page 94. Or, cette action peut compromettre la gestion efficace de l'énergie du rotor et l'exécution de l'atterrissage en toute sécurité.

La procédure d'atterrissage en autorotation décrite dans le RFM du S-92A commence par une note qui informe le pilote que le régime rotor chute bien au-dessous de 96 % lorsqu'on augmente le collectif pour amortir l'atterrissage en autorotation. La note précise ensuite que cette chute de régime rotor coupe les deux générateurs. À moins que l'alternateur APU fonctionne, seul le bus batterie sera disponible pour alimenter les systèmes électriques de l'hélicoptère.

Le RFM décrit une procédure distincte pour la phase d'atterrissage de l'autorotation, laquelle n'indique toujours aucune étape comme étant une vérification de mémoire. La procédure en question demande au pilote de stabiliser l'hélicoptère dans une descente planée en autorotation à une vitesse de 80 à 100 KIAS , avec une vitesse d'arrondi d'au moins 85 KIAS . La procédure demande aussi au pilote de maintenir le régime rotor à 105 %. À 100 pieds au-dessus du sol, le pilote est censé exécuter un arrondi afin de réduire la vitesse et le taux de descente et d'augmenter le régime rotor. Lorsque la portance commence à diminuer et que l'hélicoptère commence à s'enfoncer, la procédure demande au pilote de réduire l'assiette en cabré à 10 ° maximum. Avant la prise de contact, le pilote doit tirer sur le collectif pour amortir l'atterrissage.

Un amerrissage forcé en mer présente des défis de taille, plus spécialement si l'hélicoptère est privé de rotor de queue. Même si le problème demeure rare, certains exemples montrent que des hélicoptères de taille similaire ont subi une perte de poussée du rotor de queue en pleine mer. En 1995, un Super Puma, avec à son bord deux pilotes et 16 passagers, participait à des opérations de vol en haute mer lorsqu'il a été frappé par la foudre alors qu'il traversait des nuages à 3000 pieds asl Note de bas de page 95. La boîte de transmission du rotor de queue a été arrachée. Les pilotes ont immédiatement amorcé une autorotation, coupé les moteurs et amerri en [Traduction] « posant l'appareil en douceur en dépit des vagues de six à sept mètres de haut »Note de bas de page 96 et des vents de 56 km/h . Tous les occupants ont réussi à évacuer l'hélicoptère et à embarquer à bord d'un canot de sauvetage de 14 places. Ils ont été récupérés environ une heure après l'amerrissage.

1.18.1.6 Comparaison des procédures en cas de panne BTP

À l'époque de l'accident, Cougar Helicopters utilisait aussi le S-61 pour effectuer des rotations en mer. Malgré les différences technologiques importantes entre le S-61 et le S-92A, les procédures anormales et d'urgence élaborées par Sikorsky présentent de nombreuses similitudes. Il y a toutefois deux exceptions fondamentales. Tout d'abord, les diverses procédures à suivre en cas de panne BTP sur le S-61 comprennent des vérifications de mémoire. En ce qui concerne le S-92A, aucune vérification de mémoire n'a été incluse dans les procédures d'urgence publiées. En cas d'anomalie de fonctionnement de la BTP , Sikorsky et la FAA ont considéré que les pilotes auraient le temps de consulter la procédure voulue avant que le problème ne devienne une situation d'urgence. Les vérifications de mémoire étaient donc jugées inutiles. Cependant, même s'il ne s'agissait pas d'une vérification de mémoire dans la procédure, il était demandé aux pilotes de fermer la dérivation d'huile BTP dans les cinq secondes suivant l'affichage de l'alarme rouge MGB OIL PRES. Malgré l'absence de vérification de mémoire dans la procédure d'urgence décrite dans le RFM du S-92A, certains exploitants de S-92A ont pris l'initiative d'identifier des vérifications de mémoire dans leurs listes de vérifications.

La deuxième exception concerne l'ordre dans lequel les procédures anormales et d'urgence sont présentées. Dans le cas du S-61, la procédure à suivre en cas d'anomalie de fonctionnement de la BTP commence par des vérifications de mémoire, puis elle traite la séquence la plus urgente, qui consiste à atterrir ou à amerrir immédiatement. Cela est conforme aux principes d'élaboration des listes de vérifications qui recommandent aux concepteurs d'énoncer les actions vitales au début, car c'est à cette étape que les chances de réussir les premiers éléments d'une liste de vérifications sont les plus élevéesNote de bas de page 97 et Note de bas de page 98. Si le critère propre à la directive « atterrissage immédiat » est satisfait, la liste de vérifications est terminée. S'il n'est pas satisfait, la procédure d'urgence continue et demande aux pilotes de consulter d'autres vérifications afin de déterminer si les conditions propres à la directive « atterrissage dès la première occasion » sont réunies. Dans le cas du S-92A, la procédure à suivre en cas d'anomalie de fonctionnement du circuit d'huile BTP énumère d'abord les conditions non critiques, puis les critères propres à la directive « atterrissage dès la première occasion » avant de conclure avec les critères propres à la directive « atterrissage immédiat ».

1.18.1.7 SOP de Cougar Helicopters

En vertu du RAC 704.124, Cougar Helicopters a élaboré et mis à jour des SOP qui permettent à ses membres d'équipage d'utiliser l'hélicoptère dans le respect des limites précisées dans le RFM . Les SOP du S-92A font état des procédures de communication, de la coordination des membres d'équipage, de l'utilisation des listes de vérifications et des procédures anormales et d'urgence. Les listes de vérifications des SOP sont reprises en détail dans les différents chapitres du manuel.

Les SOP de Cougar Helicopters prévoient que « généralement, les seules procédures de mémoire concernent les vérifications d'urgence qui nécessitent une action immédiate et les vérifications habituellement effectuées lorsque la charge de travail est élevée et qu'une procédure de mémoire s'avère avantageuse, comme en approche finale par exemple »Note de bas de page 99. Dans les SOP , les directives associées aux vérifications de mémoire sont encadrées et ombrées. Dans les SOP de Cougar Helicopters, des procédures de mémoire sont intégrées dans la procédure à suivre en cas de double panne moteur. Aucune vérification de mémoire ne figure dans la section des SOP consacrée aux pannes BTP.

La section 1.12.4 des SOP de Cougar Helicopters (procédures radio - tâches de l'équipage) prévoit que [Traduction] « dans les situations anormales, en l'absence du PNF ou lorsque le PNF doit effectuer d'autres tâches, le PF peut se charger des communications radio s'il le juge à propos ». De plus, aucune transmission radio autre que les transmissions liées à la sécurité avec des services de l'entreprise n'est autorisée en situation anormale ou d'urgence, excepté si elle est requise pour venir à bout de la situation.

En ce qui concerne la coordination de l'équipage, les SOP de Cougar Helicopters fournissent les directives suivantes : [Traduction]« Pendant l'exécution des vérifications d'une procédure anormale ou d'urgence, le PF doit se charger des communications externes. » Les SOP précisent aussi « qu'une fois l'exécution des vérifications terminées, le PNF doit de nouveau assumer la responsabilité d'effectuer les communications externes »

Le chapitre 7 des SOP de Cougar Helicopters comprend aussi un certain nombre de procédures anormales et d'urgence qui sont traitées dans le RFM et la liste de vérifications du S-92A. On a relevé quelques différences mineures entre le RFM et les procédures des SOP en ce qui a trait à une double panne moteur en croisière et à la procédure d'autorotation, mais ces différences n'ont pas eu de conséquences lors de l'accident relaté dans le présent document. Il y avait des différences notoires entre la procédure de panne BTP décrite dans les SOP et la version du RFM utilisée à l'époque de l'accident. L'étape de confirmation de la procédure des SOP faisait référence à une pression d'huile BTP inférieure à 35 lb/po² (supprimée de la révision 7 du RFM ) en plus de demander aux pilotes de vérifier que la température était supérieure à 130 °C . La procédure des SOP comportait les étapes répertoriées dans le RFM . Par contre, l'étape qui demande la fermeture de la dérivation lorsque le message d'alarme rouge MGB OIL PRES s'allume est présentée après que le pilote a atteint la ligne de procédure « atterrissage à la première occasion ».

La dernière partie de la procédure de panne BTP des SOP diffère considérablement du RFM notamment vers la fin, avec l'explication des conditions qui justifieraient un « atterrissage à la première occasion » ou un « atterrissage immédiat ». Les SOP ne mentionnent pas de pression minimale spécifique (p. ex. 5 lb/po² comme le RFM ); elles ne mentionnent pas non plus la présence de fumées ou de vapeurs dans la cabine et ne précisent pas qu'une panne subséquente du circuit hydraulique constitue un symptôme justifiant un « atterrissage immédiat ».

1.18.1.8 SOP de Cougar Helicopters

Le paragraphe 602.60(1) du RAC prévoit que les équipages de conduite disposent d'une liste de vérifications ou des affiches permettant l'utilisation de l'aéronef conformément aux limites précisées dans le manuel de vol de l'aéronef, le manuel d'utilisation de l'aéronef, le manuel d'utilisation du pilote ou dans tout autre document équivalent fourni par le constructeur. La liste de vérifications ou les affiches doivent également comporter des procédures applicables en situations anormales et d'urgence. Avant qu'une liste de vérifications soit utilisée, elle doit être révisée par Transports Canada. Cependant, à la différence d'un RFM , les listes de vérifications n'ont pas besoin d'être approuvées par Transports Canada avant d'être utilisées dans le poste de pilotage. Le but de la liste de vérifications est de s'assurer que l'équipage de conduite est en mesure de retrouver rapidement et de façon précise la réponse appropriée, et d'exécuter toutes les actions destinées à contenir et à gérer une situation anormale ou d'urgenceNote de bas de page 100. Idéalement, une liste de vérifications doit contribuer à surmonter les limites humaines de capacité de traitement des informations et à perfectionner le modèle mental de l'équipage en orientant l'attention des pilotes vers les systèmes appropriés et en fournissant des procédures recommandées pour garantir la sécurité du vol. Les listes de vérifications devraient être faciles à utiliser; elles devraient tenir compte des limites de performance du pilote en conditions de stress et elles devraient présenter les informations de façon logique. Une liste de vérifications mal utilisée ou mal conçue peut entraîner des conséquences désastreuses.

Pour accélérer le repérage des mesures appropriées, les listes de vérifications ou les manuels de référence rapide (QRH) sont habituellement accompagnés d'un index permettant aux pilotes de trouver la page ou le numéro d'onglet associé à un voyant d'avertissement ou d'alarme. Les titres sont normalement présentés par ordre d'importance ou alphabétique. Dans certains cas, les titres sont fidèles à la configuration du panneau annonciateur, ce afin de fournir aux pilotes des indices visuels et spatiaux facilitant le repérage rapide de la procédure recherchée. Si un titre fait défaut, ou que certains avertissements ou alarmes ne sont pas répertoriés, les pilotes doivent trouver la procédure appropriée en utilisant la table des matières ou en feuilletant les pages de la liste de vérifications. La liste de vérifications du S-92A de Cougar Helicopters se présentait sous la forme d'un manuel de référence rapide (QRH) divisé en sections et comportant des onglets permettant d'accéder plus rapidement aux sections. Il renfermait également un index des voyants et messages situé à la fin de la liste de vérifications. À l'époque de l'accident, on pensait que la première indication d'une panne BTP était accompagnée de l'avertissement jaune MGB OIL PRES, lequel orientait les pilotes vers la mesure à prendre. Par conséquent, le voyant d'alarme rouge MGB OIL PRES n'a pas été inclus dans la légende, au dos de la liste de vérifications du S-92A de Cougar Helicopters (voir l'annexe E).

La première procédure répertoriée dans la liste de vérifications du S-92A de Cougar Helicopters est la procédure Emergency Descent - Power On (descente d'urgence au moteur). Cette procédure consiste en une succession d'étapes conçues pour accélérer une descente lors d'une situation d'urgence qui peut nécessiter un atterrissage ou un amerrissage immédiat. Dans un souci de rapidité, la procédure commence par deux vérifications de mémoire. La première étape exige que le pilote descende selon les besoins à 80 nœuds. La seconde étape de la procédure consiste à lancer un appel de détresse à l'organisme de contrôle approprié. Ces deux vérifications de mémoire sont clairement identifiées comme telles au moyen d'un cadre qui les entoure. Lorsque les deux premières vérifications ont été effectuées, le reste de la procédure prépare l'équipage à amerrir ou à se placer dans une position qui permettrait d'effectuer un amerrissage contrôlé rapide en cas de nécessité (voir la figure 11).

Figure 11. Liste de vérifications du S-92A de Cougar Helicopters : Procédure de descente d'urgence au moteur
Image de la liste de vérifications du S-92A de Cougar Helicopters : Procédure de descente d'urgence au moteur

Même si le RFM a préséance sur la liste de vérifications et les SOP , les pilotes utilisent généralement la liste de vérifications lorsqu'ils font face à une situation anormale et d'urgence. À l'époque de l'accident, la révision 2 de la liste de vérifications du S-92A (publiée en octobre 2007) était la seule utilisée à Cougar Helicopters. La révision 2 de la liste de vérifications du S-92A n'avait pas été mise à jour pour inclure les modifications associées aux révisions 7 et 8 du RFM publiées, respectivement, au mois d'avril et d'octobre 2008. Plus précisément, à l'image des SOP , la procédure à suivre en cas de panne BTP (décrite dans la liste de vérifications du S-92A) en vigueur au moment de l'accident prévoyait également l'étape visant à confirmer la pression d'huile BTP inférieure à 35 lb/po², qui avait été supprimée dans la révision 7 du RFM . De plus, la liste de vérifications ne faisait pas mention des quatre notes présentes dans le RFM , et elle n'intégrait pas les modifications apportées aux mesures à prendre dans une situation « d'atterrissage à la première occasion ».

1.18.1.9 Gestion de la situation d'urgence par l'équipage de conduite du vol CHI91

L'annexe 13 de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) exige que les États qui mènent des enquêtes sur les accidents protègent les enregistreurs de conversation de poste de pilotageNote de bas de page 101. Le Canada se conforme à cette exigence en protégeant tous les équipements d'enregistrement embarqués - y compris les enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR) - en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Même si le Bureau de la sécurité des Transports du Canada (BST) peut faire usage de toute information que contiennent les enregistrements de bord dans l'intérêt de la sécurité des transports, il n'est pas autorisé à divulguer sciemment les parties d'un enregistrement de bord qui n'ont aucun rapport avec les causes ou les facteurs contributifs d'un accident ou avec l'identification des lacunes de sécurité.

On protège le contenu des CVR pour s'assurer que les pilotes continueront de s'exprimer librement et pour réserver les informations essentielles aux enquêtes de sécurité. Le BST a toujours pris très au sérieux ses obligations en la matière et il a toujours rigoureusement limité l'usage des données des CVR à ses rapports. À moins que le contenu du CVR soit requis pour appuyer une analyse et cerner un manquement important à la sécurité, il n'est pas inclus dans le rapport du BST.

Pour confirmer les problèmes de sécurité mis au jour dans cette enquête, le BST a fait un usage conséquent des données CVR disponibles dans son rapport. Dans chaque cas, les données ont été soigneusement étudiées pour s'assurer qu'elles contribuent à améliorer la sécurité.

Cette section porte sur les problèmes touchant la gestion des situations d'urgence par l'équipage de conduite, sur les mesures prises par l'équipage en réponse à un avertissement de pression d'huile BTP , sur la décision de se mettre en palier à 800 pieds, sur les mesures prises lors de la perte de poussée du rotor de queue et sur l'autorotation éventuelle.

À 9 h 45 min 14 s, lorsque l'alarme rouge MGB OIL PRES et le message sonore ont été activés, l'équipage a immédiatement désengagé le pilote automatique, fait demi-tour vers St. John's et amorcé une descente à partir de 9000 pieds asl . Peu de temps après, le PF a demandé la procédure d'urgence de la liste de vérifications du S-92A. Durant les 50 premières secondes de la descente, le couple avoisinait les 51 % et la vitesse était d'environ 100 nœuds. Cette combinaison est contraire aux dispositions de la première étape de la procédure de descente d'urgence au moteur de Cougar Helicopters, qui mentionne une vitesse de 80 nœuds comme élément de vérification de mémoire (voir la figure 11). Le pilote a baissé un peu plus le collectif pour adopter un profil de descente avec un couple d'environ 32 % puis il a accéléré à 120 KIAS vers CYYT , sur un cap magnétique assigné de 305 ° . Ces paramètres se sont traduits par un taux de descente d'environ 1800 pieds par minute, lequel a été maintenu jusqu'à ce que l'hélicoptère atteigne 6500 pieds asl . En franchissant les 6500 pieds asl , le pilote a augmenté le régime de façon constante pour atteindre environ 40 % juste avant la mise en palier à 800 pieds asl . Entre 4000 et 2000 pieds asl , le taux de descente se situait à peu près à 1300 pieds par minute (ppm). Entre le moment où l'hélicoptère a franchi les 2000 pieds asl et celui où il a été mis en palier à 800 pieds asl , son taux de descente est descendu jusqu'à environ 1000 pieds par minute.

À 9 h 45 min 21 s, le PF a parlé de la dérivation d'huile. Toutefois, au lieu de la fermer à ce moment-là, il a d'abord déclaré une urgence à l' ACC de Gander et l'a informé de la nature de l'urgence. Immédiatement après, le PF a transmis les mêmes informations au centre de régulation des vols de Cougar. Ensuite, le copilote a suggéré de ralentir. Les conversations avec l' ATC se sont poursuivies, et le commandant de bord a informé l' ATC qu'il devait se rapprocher le plus possible de la surface en raison des risques de panne catastrophique. Il a également précisé qu'il mettait le cap vers le point d'atterrissage au sol le plus proche et a mentionné le cap Spear. Le commandant s'est ensuite occupé de la dérivation d'huile BTP . Il a fermé l'interrupteur environ 77 secondes après l'apparition de l'alarme rouge MGB OIL PRES.

En cours de descente, le PNF a eu du mal à trouver la page de la liste de vérifications appropriée. Il l'a mentionné, mais le PF n'a donné aucune indication ni passé les commandes au PNF pour faciliter le repérage de la procédure d'urgence voulue. Le PF a plutôt indiqué qu'il allait donner des consignes aux passagers, mais au lieu de faire une annonce, il a établi plusieurs communications avec l' ATC . Le copilote a signalé avoir trouvé la page de procédure appropriée 2 minutes et 41 secondes après que le voyant d'alarme rouge MGB OIL PRES s'est allumé. Alors que l'équipage s'employait à trouver la procédure, il n'a aucunement fait mention des RFM , qui se trouvaient dans des porte-documents fixés derrière chaque siège pilote. Aucun indice fiable ne montre qu'un RFM a été consulté pendant la procédure d'urgence.

La procédure lue par le copilote comprenait l'étape de confirmation (pression d'huile BTP inférieure à 35 lb/po²) qui avait été supprimée du RFM en vigueur au moment de l'accident. La procédure ne correspondait pas non plus avec la version de la liste de vérifications du S-92A ni avec les SOP de Cougar Helicopters. L'article 6.11 du MEC de Cougar Helicopters (liste de vérifications de bord) prévoit ce qui suit :

[Traduction]
Les équipages de conduite doivent utiliser la liste de vérifications fournie. Lorsqu'aucune liste de vérifications n'a été fournie, ils doivent appliquer les procédures normales, d'urgence et anormales décrites dans le manuel de vol approuvé. Tous les aéronefs multimoteurs de la société sont dotés d'une liste de vérifications de compagnie.

En plus de demander la vérification de la pression d'huile BTP , l'étape de confirmation a été exécutée pour vérifier si la température d'huile BTP était supérieure à 130 °C . Le PNF a précisé que la température d'huile BTP était normale et que le problème était peut-être lié à un capteur. Le PF a admis cette possibilité, mais les pilotes ont poursuivi la procédure au cas où il aurait s'agit d'autre chose que du capteur.

À 9 h 48 min 12 s, le PNF a lu l'avertissement qui demandait de fermer la dérivation dans les cinq secondes qui suivent l'affichage de l'alarme rouge MGB OIL PRES. Les deux pilotes ont confirmé avoir effectué cette action.

À 9 h 48 min 32 s, les pilotes continuaient à lire la procédure, qui précisait que la température devait augmenter après la fermeture de la dérivation. Peu après, le PNF a signalé que la pression d'huile devait se stabiliser ou fluctuer dans une plage comprise entre 5 et 25 lb/po² et que la température devait augmenter légèrement pour passer dans le secteur rouge. À cet instant, le PF a fait remarquer que la température d'huile BTP n'avait pas augmenté après la fermeture de la dérivation, comme le prévoit le RFM . Le PF a ensuite répété qu'il pensait que les indications obtenues étaient liées au mauvais fonctionnement d'un capteur. Les pilotes n'ont pas parlé du fait que la température de l'huile n'évoluait pas comme elle doit le faire lorsque la dérivation est fermée.

À 9 h 49 min 52 s, le PNF a lu la note qui dit que [Traduction] « une fuite d'huile BTP importante ou la panne d'une pompe à huile de la BTP peut déclencher le voyant d'alarme ». C'est le seul moment où le document parle de la panne d'une seule pompe à huile BTP . Le RFM ne donne aucune autre directive concernant la panne d'une seule pompe à huile BTP . Peu après, il a été suggéré que le problème pouvait être causé par la panne d'une pompe. Les pilotes étaient d'accord sur ce fait et ils ont entamé une courte discussion au cours de laquelle ils sont partis du principe qu'il restait de l'huile dans la BTP et qu'ils ne disposaient que d'une lubrification par barbotage. À aucun moment, les pilotes n'ont fait allusion à la présence d'une deuxième pompe à huile BTP ou à ce qu'il faut faire lorsqu'une seule pompe à huile tombe en panne.

Un instant après avoir abordé la possibilité d'une panne de pompe, le pilote automatique a été engagé et l'hélicoptère a suivi un cap direct vers CYYT . Le cap a légèrement changé et l'hélicoptère s'est dirigé au nord d'une trajectoire directe vers le cap Spear. Selon les calculs de la trajectoire de vol de l'hélicoptère après le demi-tour, le fait de suivre un cap direct vers CYYT à partir de cette position aurait amené l'hélicoptère à environ 4.5 nm au nord du cap Spear (voir la figure 1).

À 9 h 50 min 23 s, alors que l'hélicoptère franchissait en descente les 2200 pieds asl , le PNF a commencé à lire les étapes de la procédure d'urgence. À 9 h 50 min 42 s, l'équipage a démarré l' APU et a enclenché le générateur. Alors qu'il approchait la fin de la procédure, le PNF a lu les conditions qui justifient un « atterrissage immédiat ». Alors qu'ils énuméraient la liste des conditions, les deux pilotes ont constaté qu'une pression d'huile BTP inférieure à 5 lb/po² constituait l'un des critères d'« atterrissage immédiat » conforme au RFM et à la liste de vérifications du S-92A. À aucun autre moment, les pilotes n'ont précisé qu'une pression inférieure à 5 lb/po² constituait l'indication secondaire d'une panne imminente de la BTP . À 9 h 51 min 35 s, soit environ 6 minutes et 26 secondes après l'affichage de l'alarme rouge MGB OIL PRES, le PNF a conclu en précisant qu'ils en étaient à l'étape « atterrissage immédiat » de la procédure d'urgence.

Le PF a accusé réception du commentaire précisant que la condition « atterrissage immédiat » avait été atteinte. Pourtant, il a fait part de son intention d'interrompre la descente à 1000 pieds. Le PNF a accusé réception de la décision d'interrompre la descente à 1000 pieds asl et a répété qu'ils étaient à l'étape « atterrissage immédiat » et que la liste de vérifications d'urgence était terminée. À ce stade, l'hélicoptère s'est mis en palier à 800 pieds asl . Peu après, le pilote automatique a été désengagé et le PF a signalé son intention de piloter l'appareil en manuel. Le PF n'a pas répondu au deuxième commentaire du PNF, qui précisait qu'ils se trouvaient à présent dans une situation qui exigeait un « atterrissage immédiat ».

Après la mise en palier, le PF a dit au PNF qu'il pensait être confronté à un problème de pompe ou de capteur et qu'il allait augmenter la puissance et évaluer le comportement de l'hélicoptère. Le PF a continué en précisant que, quelle que soit la réaction de l'appareil, il voulait rejoindre la côte le plus vite possible. Le PNF a signalé qu'il était préférable de prêter attention à toute indication secondaire découlant de l'augmentation de puissance. La puissance a été augmentée jusqu'à un régime d'environ 73 %, ce qui correspondait à une vitesse approximative de 135 nœuds. Cette combinaison régime-vitesse a été maintenue jusqu'au début de la descente finale. À ce stade, rien ne laissait entendre que l'équipage avait eu une indication secondaire, telle que la nécessité d'augmenter la puissance, un bruit, une odeur ou des vibrations.

Le PNF n'a pas remis fermement en cause le choix de l'altitude, du réglage de puissance et de la vitesse. Peu après la mise en palier, le PNF a sorti le train d'atterrissage après avoir reçu l'autorisation de le faire. Le PNF a commencé à parler du réglage de puissance optimal et a indiqué que le réglage de puissance devait répondre à un juste milieu en pareille situation, car trop de puissance pouvait précipiter la panne de la boîte de transmission et trop peu pouvait empêcher l'équipage de rejoindre la côte avant que la BTP ne lâche. Le PF a fait part de son accord, mais il n'a pas cherché à approfondir le raisonnement du copilote et il n'a pas expliqué non plus en détail sa décision d'adopter le réglage de puissance et la vitesse choisis. Le PNF a ensuite cherché à en savoir plus sur le cap suivi et a demandé s'ils se dirigeaient toujours vers le point d'atterrissage le plus proche. Le PF a dit que le cap suivi les mènerait à l'extrémité du cap Spear.

Le PNF a ensuite indiqué que cela prendrait un peu de temps pour amerrir à partir de leur altitude actuelle et il a suggéré de reconsidérer le scénario de l'amerrissage forcé. Le commandant de bord n'a pas répondu. Il a engagé le pilote automatique en programmant un cap magnétique de 290 ° , une altitude d'environ 800 pieds asl et une vitesse de 135 nœuds. À ce moment-là, les vents étaient du 210 °V à 35 nœuds et la température de l'air statique de -2 °C.

Le PNF a ensuite posé une question sur la vitesse L/D (portance/traînée) du S-92A. Le PF a semblé ne pas connaître cette formule. Le PNF l'a répétée et l'a expliquée. Le PF a précisé que vu la situation, la formule importait peu; le PNF a accusé réception. Le PF a ensuite ajouté qu'à moins de percevoir des frottements ou cognements, il poursuivrait le vol. Le PNF a accusé réception une fois de plus. Le PF a aussi indiqué qu'il effectuerait un amerrissage forcé uniquement si l'hélicoptère commençait à partir en morceaux.

Un chef pilote de Cougar qui avait rejoint le centre de régulation des vols pour prêter main forte à l'équipage du vol CHI91 a entamé une conversation radio avec les pilotes. Pendant la conversation, le PF a dit qu'il pensait être victime d'une panne de pompe. Ses soupçons reposaient sur le fait que bien que l'indicateur de pression d'huile était tombé à zéro, l'indicateur de température d'huile n'avait pas augmenté et affichait toujours des températures de fonctionnement normales. Le PF a ajouté qu'il mettait le cap sur le point d'atterrissage le plus proche, au cas où la situation se dégraderait. Le chef pilote de Cougar a accusé réception et a mentionné le fait que la température augmenterait si la dérivation d'huile BTP était fermée. Le PF a accusé réception de l'information à son tour. Le chef pilote a alors suggéré à l'équipage de passer en revue la liste de vérifications applicable en cas de descente d'urgence et d'amerrissage forcé pour se préparer à cette éventualité.

À 9 h 55 min 15 s, le régime du rotor principal oscillait entre 103 % et 107 %. Le PF, qui était en communication avec le centre de régulation de Cougar, a dit qu'ils allaient faire un amerrissage forcé. Aucune information complémentaire n'a été donnée quant à la décision ou l'obligation de faire un amerrissage forcé. Le couple est passé de 73 % à 50 % et l'hélicoptère a entamé une descente à partir de 800 pieds asl . À 9 h 55 min 22 s, le pilote a encore réduit le couple à 34 % et augmenté le cabré à environ 6 degrés. À ce moment-là, l'hélicoptère se trouvait à environ 35 nm de CYYT ; la vitesse de CHI91 était d'environ 122 KIAS (117 nœuds de vitesse sol) et elle diminuait lentement.

À 9 h 55 min 25 s, l'hélicoptère a eu un mouvement de lacet momentané à droite, qui a atteint un taux de 1,7 degré par seconde, lequel mouvement peut avoir été un mouvement de lacet intempestif non sollicitéNote de bas de page 102. Deux secondes plus tard, le pilote a baissé le couple à environ 17 %, a donné du cyclique à gauche et a mis du palonnier à gauche. L'hélicoptère a alors entamé un virage à gauche, dont l'inclinaison maximale a atteint 19 degrés avant de diminuer de nouveau. Le pilote a ensuite mis le palonnier au centre et donné du cyclique à droite. Il a également réduit la puissance ce qui a donné un couple d'environ 6 %. Pendant ce laps de temps, l'assiette s'est stabilisée à 11 degrés en cabré pendant à peu près trois secondes, puis elle est montée quelques instants jusqu'à 14 degrés en cabré avant de diminuer de nouveau. À 9 h 55 min 34 s, l'hélicoptère s'est stabilisé un court instant sur un cap magnétique de 265 ° . À 9 h 55 min 36 s, le copilote a informé l' ATC qu'ils s'apprêtaient à amerrir. Au moment de franchir 600 pieds asl , la vitesse de l'hélicoptère était de 90 nœuds (74 nœuds de vitesse sol) et elle allait en diminuant; le couple est passé à 17 %.

À 9 h 55 min 37 s, l'hélicoptère a amorcé un roulis à droite accompagné d'un lacet dans la même direction avec un taux de rotation d'environ 3,5 degrés par seconde. L'angle d'inclinaison a atteint approximativement 9 degrés à droite avec une assiette en cabré à 2 degrés. Le pilote a donné du cyclique et du palonnier à gauche, ce qui a ramené l'hélicoptère à l'horizontale. Dans les 2 secondes qui ont suivi le début du lacet à droite, le pilote a augmenté les gaz et le couple est passé d'environ 17 % à 34 %. À 9 h 55 min 39 s, alors que l'hélicoptère franchissait 500 pieds asl , le taux de descente a atteint approximativement 1200 pieds par minute. Au cours des 7 secondes qui ont suivi, le taux de descente a diminué jusqu'à environ 600 pieds par minute, alors que la vitesse sol atteignait 84 nœuds.

À 9 h 55 min 44 s, le lacet à droite a augmenté considérablement pour passer de 3,5 degrés par seconde à 20 degrés par seconde sur une période de 3 secondes. À ce moment-là, la vitesse calculée était de 84 nœuds, le couple de 32 % et l'altitude de l'hélicoptère de 475 pieds asl . Le pilote a enfoncé la pédale gauche et a donné du cyclique à gauche. L'hélicoptère a fait un roulis à gauche et a atteint momentanément une inclinaison de 10 degrés. Dans les 2 secondes qui ont suivi le lacet, l'assiette de l'hélicoptère est brièvement passée de 3 degrés en cabré à 9 degrés. Le cap a continué d'augmenter à mesure de l'augmentation du lacet à droite. Pendant le changement d'assiette en cabré, le pilote a brusquement poussé le manche vers l'avant, action qui a été immédiatement suivie par une sollicitation du cyclique vers l'arrière, qui s'est arrêtée légèrement en avant de la position neutre. Cette sollicitation a ramené l'assiette de 9 degrés en cabré à 3 degrés en piqué. Pendant le roulis à gauche, le cyclique est passé d'une sollicitation à gauche à une sollicitation importante à droite, laquelle a immédiatement été suivie par un roulis à droite rapide. La vitesse de l'hélicoptère était d'environ 80 nœuds à ce moment-là.

À 9 h 55 min 47 s, environ trois secondes après la perte d'entraînement du rotor de queue, l'équipage a coupé les deux moteurs, qui ont atteint 0 % en l'espace de 2 secondes. Après l'arrêt des moteurs, le pilote a levé le collectif et l'a maintenu pendant moins de 2 secondes à une position qui aurait coïncidé avec un couple d'environ 40 % à 50 % si les deux moteurs avaient fonctionné. Le régime du rotor principal est alors rapidement passé de 105 % à 95 %. Le collectif a ensuite été rapidement baissé, ce qui marque le début d'une autorotation, et le régime du rotor principal est brièvement remonté à 105 %. Au moment où l'hélicoptère est entré en autorotation, la vitesse est descendue à 75 nœuds et le régime rotor à 98 %. L'hélicoptère se trouvait à environ 425 pieds asl , en descente, et il franchissait un cap magnétique de 340 ° . Durant les quelques secondes qui ont suivi, l'hélicoptère a subi des changements d'assiette mineurs et il a continué à faire un roulis à droite, qui a atteint un angle d'inclinaison maximum de 57 degrés. Au moment où le cap de l'hélicoptère franchissait 360 ° M , la vitesse indiquée est rapidement descendue au-dessous de 60 KIAS , tandis que la vitesse sol est demeurée à environ 54 nœuds. Le collectif étant entièrement baissé, le régime rotor a augmenté, pour brièvement retrouver 105 %. À environ 400 pieds asl , le pilote a momentanément levé le collectif, ce qui a fait chuter le régime du rotor principal. Le régime du rotor n'est jamais remonté après cette séquence et le taux de descente a commencé à augmenter rapidement à partir de 1000 pieds par minute. Le pilote a ensuite de nouveau abaissé le collectif, puis il l'a légèrement relevé, ce qui a permis au régime du rotor principal de se stabiliser quelques instants à 92 %. Durant le virage à droite induit par le lacet, le pilote a essentiellement déplacé le cyclique vers la gauche et vers l'avant. Le lacet à droite a continué, pour s'arrêter à un cap magnétique d'environ 023 ° . L'hélicoptère s'est alors retrouvé en vent arrière (vitesse d'environ 32 nœudsNote de bas de page 103) avant l'étape d'arrondi et d'atterrissage de l'autorotation. Pendant le virage à droite, on entend le copilote encourager le commandant de bord sur la fréquence de l' ATC.

Après environ 6 secondes, les pilotes ont réussi à stabiliser les mouvements en roulis et en tangage qui se sont manifestés après le début de l'autorotation et ils ont progressivement remis l'hélicoptère à l'horizontale alors qu'il franchissait 250 pieds asl . À environ 220 pieds au-dessus de l'eau, soit à 9 h 55 min 54 s, le pilote a tiré sur le collectif, puis il a rapidement tiré sur le cyclique. Le nez de l'hélicoptère est alors passé d'un piqué de 10 degrés à un piqué de 2 degrés. Le taux de descente était alors de 3800 pieds par minute. Le régime du rotor principal a légèrement augmenté pour atteindre 93 %. Le cap s'est stabilisé à environ 018 ° M et la vitesse s'est retrouvée au-dessous des niveaux que l'on peut mesurer avec fiabilité.

À 9 h 55 min 55 s, alors que l'appareil franchissait une hauteur calculée de 163 pieds asl , le pilote a encore tiré sur le manche pour augmenter l'assiette de l'hélicoptère et il a tiré progressivement sur le collectif jusqu'en butée haute maximale. Pendant ce temps, le régime du rotor principal a commencé à chuter rapidement à partir de 93 %. Juste avant d'atteindre 90 pieds asl , on a entendu le copilote encourager le commandant de bord sur la fréquence ATC et signaler le faible régime du rotor. À 90 pieds, le régime du rotor principal a été enregistré à 81 % et il continuait de diminuer. Les assiettes en roulis et en tangage de l'hélicoptère sont passées de 2 degrés en piqué et 55 degrés d'inclinaison à droite aux valeurs définitives de 19 degrés en cabré et 2 degrés d'inclinaison à droite sur un cap de 007 ° M . Pendant le cabré final et la sollicitation du collectif, le taux de descente calculé a diminué alors que la vitesse sol a augmenté, pour atteindre les valeurs définitives enregistrées de 2300 pieds par minute et 66 nœuds. À 9 h 55 min 57 s, alors que l'hélicoptère franchissait 90 pieds asl , les données de vol n'ont plus été enregistrées.

1.18.2 Formation en gestion des ressources de l'équipage

1.18.2.1 Objectif de la CRM

L'objectif de la gestion des ressources de l'équipage (CRM) dans l'aviation est de réduire le nombre d'erreurs humaines en proposant aux équipages de conduite une variété de stratégies destinées à accentuer l'efficacité de son application. Une définition largement acceptée de la CRM précise qu'il s'agit de l'utilisation efficace de toutes les ressources humaines, matérielles et informationnelles mises à la disposition de l'équipage de conduite en vue d'assurer la sécurité et l'efficacité des opérations de vol. À la différence des programmes de formation conventionnels orientés sur les connaissances et compétences techniques requises pour piloter un aéronef, la formation sur la CRM est axée sur des connaissances cognitives et interpersonnelles importantes. Des études ont montré que les pilotes qui ont suivi une formation en CRM récente sont mieux préparés à gérer de nouvelles situationsNote de bas de page 104. Il est important de suivre des formations CRM périodiques, car les connaissances et les réflexes acquis pendant la formation CRM initiale ont tendance à se dissiper en l'absence d'un renforcement structuré, qui prend la forme d'une formation périodique et d'une rétroaction systématique en cours de formation et pendant les opérations.

1.18.2.2 Règlement canadien concernant la CRM

En 1995, le BST a émis la recommandation A95-11 qui demande à Transports Canada (TC) de mettre sur pied des directives concernant une formation sur la CRM et la prise de décision, qui soit applicable à tous les exploitants et équipages de conduite impliqués dans l'aviation commerciale. La réponse de TC à cette recommandation du BST n'a ciblé que les exploitants visés par le RAC 705 (pas ceux qui relèvent des parties 703 et 704 du RAC ). Par conséquent, le BST a estimé que l'attention accordée par TC à cette question avait été « en partie satisfaisante »Note de bas de page 105.

Selon la réponse apportée par TC à la recommandation A95-11 du BST , la formation sur la CRM ne s'applique, d'un point de vue réglementaire, qu'à l'exploitation d'une entreprise de transport aérien visée au RAC 705, une distinction motivée uniquement par la taille et la capacité de l'aéronef, et non par la complexité de l'exploitation ou par le nombre des membres d'équipage. Le 10 octobre 1996, cette mesure réglementaire est entrée en vigueur sous la forme d'une norme de service aérien commercial (NSAC) (paragraphe 725.124(39) - Formation en gestion des ressources du poste de pilotage). Après la mise en place de cette norme, le Programme de la sécurité du système de TC s'est engagé à mettre sur pied des ateliers portant sur la prise de décision du pilote (PDP), la gestion des ressources du poste de pilotage (CRM), les facteurs humains en maintenance d'aéronefs (FHMA) et le rôle de l'agent de sécurité aérienne de compagnie (CASO). À compter du 1er avril 2003, TC a cessé d'organiser ces ateliers et a indiqué, dans la publication Sécurité aérienne - Nouvelles no 1/2003, que TC « concentrait ses ressources sur les activités les plus avantageuses du point de vue de la sécurité ». La publication précisait ensuite que la Sécurité du système « réoriente son programme sur les énergies et les ressources afin de traiter de nouvelles priorités ainsi que de l'évolution de certaines questions et orientations, telles que les systèmes de gestion de la sécurité et les initiatives visant à réduire les incursions sur piste. » À la suite de cette annonce, en 2004, l'intitulé de la norme a été modifié pour devenir NSAC 725.124(39) - Formation en gestion des ressources du poste de pilotage (CRM) pour les membres d'équipage, ce afin d'étendre la portée du document au-delà des pilotes. Le reste de la norme n'a pas été modifié depuis sa mise en vigueur en 1996.

Même si la norme énumère bon nombre de sujets, le contenu à traiter dans chaque domaine n'est pas imposé. De plus, aucun cadre obligatoire ne définit l'ordre dans lequel les sujets sont présentés, chaque module pouvant être présenté sous la forme d'un module de formation indépendant. Les sujets de la CRM peuvent être traités dans n'importe quel ordre, à la discrétion de la ou des personnes qui dispensent la formationNote de bas de page 106.

Les exploitants qui relèvent de la partie 705 du RAC sont tenus de faire approuver leurs cours de formation en CRM , achetés dans le commerce ou élaborés à l'interne, par leur bureau régional de TC . Cette approbation suppose la mise en parallèle des modules proposés avec les sujets mentionnés dans le paragraphe 725.124(39) des NSAC . Par contre, les personnes qui offrent une formation en CRM ne sont pas tenues de respecter un processus de formation ou d'accréditation officiel. Le cours de formation en CRM élaboré par TC satisfait au paragraphe 725.124(39) de la norme et il est souvent utilisé à titre de référence pour la formation CRM initiale. Ce cours a été élaboré au milieu des années 1990 avec l'apparition des règlements demandant aux exploitants visés par le RAC 705 de dispenser une formation en CRM.

En dépit des nombreuses similitudes qui existent entre les différents exploitants commerciaux, les exploitants qui relèvent des parties 703 et 704 du RAC ne sont pas soumis aux dispositions du paragraphe 725.124(39) des NSAC . Par conséquent, ils ne sont pas tenus, réglementairement, de dispenser une formation en CRM . Comme ils reconnaissent les avantages offerts par une formation en CRM , beaucoup d'exploitants visés par les RAC 703 et 704 ont, de leur propre chef, offert une formation en CRM au sein de leur organismeNote de bas de page 107. Étant donné que ces exploitants ne sont pas soumis aux mêmes exigences réglementaires que les exploitants du RAC 705, leurs initiatives internes sont peu surveillées. Les entreprises de petite taille qui ont des ressources limitées cherchent souvent une aide extérieure pour l'élaboration de leur formation. Bien souvent, certains exploitants achètent des cours de formation en CRM génériques disponibles dans le commerce, mais ces cours n'abordent pas les nombreuses situations spécifiques auxquelles peuvent être confrontés les pilotes qui travaillent pour un exploitant particulier.

Le 9 octobre 2009, le BST a émis la recommandation A09-02, qui stipule :

Le ministère des Transports oblige les exploitants aériens commerciaux à dispenser une formation contemporaine en gestion des ressources de l'équipage (CRM) aux pilotes d'un taxi aérien relevant de la sous-partie 703 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) et aux pilotes d'un service aérien de navette relevant de la sous-partie 704 du RAC.

Le 13 janvier 2010, TC a formulé la réponse suivante :

Transports Canada accepte la recommandation en principe et conformément à la Directive du Cabinet sur la rationalisation de la réglementation (DCRR), le processus de réglementation débutera par une évaluation des risques plus détaillée. Transports Canada prévoit soumettre l'évaluation des risques et soutenir la recommandation au Comité de réglementation de l'Aviation civile (CRAC) au printemps 2010. La recommandation en résultant du CRAC déclenchera le processus régulateur.

En conséquence, la réponse apportée par TC à la recommandation A09-02 a été classée dans la catégorie « Intention satisfaisante ». TC n'a pas été en mesure de satisfaire aux délais fixés dans sa réponse du 13 janvier 2010. Depuis, TC a indiqué qu'une évaluation du risque au sujet de la formation en CRM pour les pilotes des exploitants relevant des parties 703 et 704 a été reçue par le CRAC le 27 octobre 2010. Le compte rendu des décisions du CRAC comprend les décisions suivantes :

Récemment, le National Transportation Safety Board (NTSB) a souligné que la nécessité d'améliorer la formation en CRM était l'une de ses priorités fondamentales en matière de sécurité aérienneNote de bas de page 108. Le NTSB a demandé à ce que la réglementation impose la formation en CRM à tous les équipages qui participent à l'exploitation d'un service de navette et d'un taxi aérien à la demande. Le 1er mai 2009, la FAA a répondu en publiant un avis de projet de réglementation (NPRM) qui exigerait que les exploitants relevant de la Partie 135Note de bas de page 109 dispensent une formation en CRM à tous les membres d'équipage, pilotes et agents de bord inclusNote de bas de page 110.

Même si, au Canada, la réglementation concernant la CRM n'a pas énormément changé depuis sa mise en place, certaines améliorations ont été apportées. Ces améliorations sont notamment le Programme avancé de qualification (PAQ), le programme de pilote vérificateur agréé (PVA) et la Licence de pilote en équipage multiple (MPL). Le PAQ consiste en un programme de formation et d'évaluation basé sur les compétences, qui est largement centré sur la CRM , y compris sur la gestion des menaces et des erreurs (TEM). Le PVA autorise des personnes agréées à effectuer des vols de vérification en demandant à ces dernières de porter leurs efforts sur les stratégies de TEM et sur le rendement. Enfin, la MPL est un nouveau programme de formation des pilotes axé sur les compétences, qui identifie la TEM comme étant une compétence pilote primordiale nécessaire pour garantir l'efficacité des opérations en équipage multiple. Outre ces améliorations, Transports Canada a publié plusieurs articles, dans sa publication Sécurité aérienne - Nouvelles, dans le but de mettre en avant des aspects propres à la CRM et les avantages offerts par la CRM en tant que moyen permettant d'éviter les accidents ou les incidents aériens. Souvent, ces articles sont fondés sur des faits établis décrits dans les rapports d'accident du BST.

1.18.2.3 Formation en CRM de Cougar Helicopters

Bien qu'aucune réglementation n'exige que les exploitants visés par les parties 703 et 704 du RAC donnent une formation en CRM , en 2005, Cougar Helicopters a volontairement mis en place une formation en CRM pour ses pilotes, ce afin d'optimiser la sécurité et de renforcer l'efficacité des équipages. La formation proposée par Cougar Helicopters consistait en des séances de formation initiale et périodique, mais celles-ci ne figuraient pas dans le MEC de Cougar Helicopters. Les périodes de formation initiale ont eu lieu dans un atelier à St. John's et le but était de faire participer les pilotes à des ateliers internes sur la CRM tous les deux ans. Des périodes de formation périodique ont été effectuées à l'occasion de la formation périodique annuelle sur simulateur dispensée par le FSI . Dans le cadre des séances périodiques sur simulateur des pilotes, le personnel de FSI évaluait les connaissances en CRM de chaque pilote et les consignait dans leur dossier de formation.

Pour tirer profit de la disponibilité des ressources opérationnelles, la première session de la formation en CRM a consisté en un atelier d'une journée et demie animé par un pilote d'ambulance arienne de la société mère de Cougar Helicopters. Les pilotes ont bien assimilé le cours. Par contre, les sessions étaient principalement axées sur les défis associés au travail des ambulances aériennes. À la suite de cette première session, la société Cougar Helicopters a conclu qu'elle devait faire appel aux services d'un pilote possédant les qualifications et l'expérience nécessaires en formation CRM , afin d'élaborer une solution de formation à l'interne. À l'époque de l'accident, la société n'avait toujours pas embauché de spécialiste pour assumer cette fonction.

En guise de mesure provisoire, les 15 et 16 novembre 2008, Cougar Helicopters avait organisé un atelier CRM de 2 jours. Les deux pilotes impliqués dans l'accident étaient à l'étranger au moment où s'est tenu l'atelier; ils n'y ont donc pas pris part. L'atelier a traité tous les éléments obligatoires répertoriés dans le paragraphe 725.124(39) des NSAC . Il était en grande partie conçu pour sensibiliser l'auditoire aux problèmes de performances humaines et il s'appuyait énormément sur des études de cas afin de montrer les différents types de performances humaines. L'atelier n'avait pas vocation à fournir aux participants des techniques de prise de décision et de communication CRM concrètes (modèles et/ou stratégies) qui seraient facilement transposables dans un environnement en équipe multiple régi par des procédures. L'instructeur qui animait l'atelier n'avait pas reçu de formation officielle destinée aux animateurs et instructeurs de CRM et il n'était pas accrédité en conséquence pour donner ce type de formation. Toutefois, la réglementation n'exigeait pas ces conditions préalables.

L'examen du dossier de formation du commandant de bord a montré que le dernier atelier de formation en CRM de Cougar suivi par ce dernier remontait au 26 septembre 2005, et que cet atelier s'était tenu au même moment que la formation PDP . Cette séance de formation avait été présentée par le pilote d'ambulance aérienne de la société mère de Cougar Helicopters. Des dossiers de formation fournis par FSI indiquent que le commandant de bord a suivi une séance de formation périodique en CRM de 2 heures le 5 janvier 2009. Durant cette séance, des sujets opérationnels d'ordre général ont été abordés, y compris sept éléments de la CRM . De plus, la séance a également traité de la planification des vols, de la masse et du centrage, des performances et du RFM approuvé.

L'examen du dossier de formation du copilote a montré que ce dernier n'avait pas pris part à une formation initiale en CRM ou à une formation PDP à Cougar Helicopters. Par contre, il avait suivi la formation sur les performances humaines en aviation militaire (PHAM) des Forces canadiennes lorsqu'il en était membre. Les dossiers de formation de FSI ont révélé que le copilote avait suivi deux heures de formation en CRM pendant le cours de transformation initiale sur S-92A, qui a eu lieu en mai 2008.

Le module de formation en CRM offert par FSI a été examiné à l'occasion de l'enquête du BST . Le module présenté pendant la formation périodique était un cours CRM abrégé, qui consistait à donner un aperçu des objectifs de la CRM et à fournir des indices quant à la perte de la conscience de la situation, aux styles de leadership, au processus de communication et au processus de prise de décision en 8 étapes. Le contenu du module coïncidait avec celui des cours de formation en CRM d'ancienne génération (générations 2 et 3), principalement axé sur le renforcement de la sensibilisation aux concepts de CRM . Étant donné la portée du module CRM proposé par FSI et du temps alloué à ce module, le cours offert pendant la formation initiale et périodique sur le S-92A ne satisfaisait ni ne visait à satisfaire aux exigences répertoriées dans le NSAC 725.124(39), et aucun règlement ne l'y obligeait.

1.18.2.4 Évolution de la CRM

Les débuts de la CRM remontent à 1979, lorsque la NASA a mis sur pied un atelier sur la gestion des ressources du poste de pilotage où l'erreur humaine était considérée comme la principale cause de plusieurs accidents importants. Depuis cette époque, plusieurs générations de formation en CRM ont vu le jour. Le concept de la première génération de programmes était très modulaire et s'inspirait de cours de formation en gestion largement fondés sur la psychologie.

En 1986, la deuxième génération de programmes CRM a commencé à se concentrer davantage sur la dynamique du groupe; l'intitulé des programmes est d'ailleurs devenu Gestion des ressources « de l'équipage » et non plus du « poste de pilotage ». À l'instar de la première génération de programmes, la deuxième génération était également très modulaire et traitait de sujets tels que la prise de décision, la promotion du travail en équipe, les stratégies de présentation des exposés, la conscience de la situation et la gestion du stress. Cette génération de cours a été marquée par une évolution des mentalités : on a commencé à parler de formation en CRM et à admettre la nécessité d'intégrer la CRM à tous les aspects de la formation et des opérations.

Au moment où les programmes de formation en CRM de deuxième génération ont débuté, une troisième génération de programmes a vu le jour. Cette génération recommandait une approche systémique de la formation et préconisait d'élargir l'auditoire cible aux autres membres d'équipage, aux agents de régulation des vols et au personnel de maintenance. Elle impliquait souvent des discussions sur les aspects organisationnels, tels que la culture de l'entreprise. Cette génération de programmes en CRM s'est également employée à intégrer la CRM à la formation et aux opérations en recensant les connaissances et comportements spécifiques qui contribueraient à améliorer la coordination des membres d'équipage, et en offrant une formation en CRM spécialisée aux pilotes inspecteurs et au personnel responsable de la formation, du perfectionnement et de l'évaluation des connaissances et comportements CRM.

La quatrième génération de formation en CRM est apparue au début des années 1990 lorsque la Federal Aviation Administration a mis en œuvre le programme PAQ facultatif. Le PAQ donnait aux exploitants une souplesse accrue en matière de formation afin qu'ils puissent répondre aux besoins de leur organisme. Le programme exigeait cependant que les exploitants dispensent une formation en CRM et un entraînement type vol de ligne (LOFT) et qu'ils intègrent la CRM à la formation technique. Du coup, certains ont eu tendance à incorporer la CRM dans les manuels et les listes de vérifications standard et à évaluer les connaissances CRM sur simulateur.

Une cinquième génération de CRM a vu le jour en réponse à une préoccupation grandissante quant au fait que la CRM ne répondait plus à son objectif initialNote de bas de page 111. Selon l'OACI, la formation en CRM vise fondamentalement à « améliorer la sécurité aérienne grâce à une utilisation efficace de stratégies de gestion des erreurs dans les domaines d'influence individuelle aussi bien que systématique », d'où sa proposition d'intégration de la gestion des menaces et des erreurs (TEM) à la CRM . La cinquième génération de CRM constitue un retour aux fondements de la CRM , qui préconise l'atténuation de l'erreur humaine, laquelle peut se définir comme étant « une action ou une inaction qui conduit à un écart par rapport aux intentions de l'équipage ou aux exigences contextuelles auxquelles il est tenu, telles que les politiques, règlements et procédures d'utilisation normalisées. » Dans le cadre de la formation en CRM , la gestion des erreurs consiste à prendre des mesures visant à réduire la probabilité que des erreurs soient commises (évitement des erreurs) ou à traiter des erreurs commises, soit en les décelant et en les corrigeant avant qu'elles aient une incidence opérationnelle (piégeage des erreurs), soit en limitant et en atténuant la gravité de celles qui prennent de l'ampleur (atténuation des erreurs). Les programmes CRM de cinquième génération incluent aussi des consignes concernant les limites des performances humaines et ils fournissent des stratégies permettant d'éviter, de piéger ou d'atténuer efficacement les erreurs que l'on peut rencontrer en vol. Les sujets traités dans les programmes d'ancienne génération sont souvent repris dans les programmes de cinquième génération, mais leurs modules sont actualisés en tenant compte du thème général de la gestion des erreurs.

La dernière génération de CRM poursuit dans la lignée des programmes de cinquième génération. Après avoir examiné une série de vérifications de sécurité de type LOSA (line operations safety audits), l'équipe de projet Human Factors Crew Resource Project de l'University of Texas a constaté que les pilotes étaient souvent amenés à gérer des menaces, des erreurs et des états indésirables d'aéronef. La TEM recommande d'analyser avec circonspection les dangers potentiels et de prendre les mesures qui s'imposent pour éviter, piéger ou atténuer les menaces et les erreurs avant qu'elles n'aboutissent à un état indésirable d'aéronef. Autrement dit, la TME fait de l'anticipation, de l'identification et de la correction les principes clés sur lesquels elle se fondeNote de bas de page 112. La TEM souligne aussi l'importance de la gestion des états indésirables d'aéronef, car elle constitue la dernière chance dont disposent les équipages pour prévenir des conséquences défavorables.

1.18.2.5 Évolution récente

Des recherches portant sur les facteurs humains et leur lien avec la CRM sont actuellement en cours, et de nouvelles initiatives continuent de voir le jour. L'intégration de la CRM à la formation et aux opérations, par le biais de SOP clairement définis, constitue un pas vers la création de processus CRM et non simplement d'une formation de sensibilisation. De nombreux exploitants ont compris que l'entraînement LOFT constituait un moyen efficace d'enseigner des connaissances CRM , car il permet aux pilotes de mettre en pratique les connaissances et de bénéficier d'un perfectionnement non négligeable.

Ces dernières années, la prise de décision a pris de plus en plus de place dans les formations en CRM . Cette approche montre que la prise de décision efficace est considérée comme l'indicateur de réussite des équipages le plus important, et que les sujets de CRM classiques offerts contribuent à faciliter la prise de décision.

Au R.-U. , la CAA a mis au point une série de conditions d'accréditation rigoureuses concernant les instructeurs en CRM (CRMI) et les examinateurs d'instructeurs en CRM (CRMIE)Note de bas de page 113. Le processus d'accréditation a été conçu pour garantir une norme d'instruction et d'évaluation CRM acceptable. Les personnes qui reçoivent cette accréditation doivent en effet satisfaire à un certain nombre de conditions préalables liées à l'expérience et démontrer qu'elles possèdent les connaissances et compétences nécessaires pour instruire ou évaluer la CRM avant de pouvoir effectivement assumer ces fonctions. Au R.-U. , le processus d'accréditation suppose aussi une procédure d'actualisation visant à s'assurer que les instructeurs et examinateurs en CRM qualifiés antérieurement satisfont toujours à la norme établie. Au Canada, l'enseignement de la CRM ne requiert aucune expérience, formation ou qualification.

1.18.2.6 Meilleures pratiques en matière de CRM
1.18.2.6.1 Meilleures pratiques en matière de CRM

Au sein de l'industrie, la norme en matière d'aéronefs à équipage multiple consiste à désigner désigné un commandant de bord (PF), chargé de piloter l'avion, et un copilote (PNF), chargé de traiter d'autres tâches liées aux communications radio, à la gestion des listes de vérifications et à l'utilisation du FMS . Cette division des tâches permet d'optimiser l'efficacité de l'équipage, de prévenir la saturation des membres d'équipage et d'éviter toute confusion concernant les responsabilités à assumer en vol.

En cas d'urgence, il est primordial que les tâches de bord soient bien réparties, afin d'optimiser l'efficacité de l'équipage et de garantir la sécurité du vol. Pour assurer une répartition judicieuse, on attribue explicitement certaines responsabilités au PF et d'autres au PNF Note de bas de page 114. En situation d'urgence, on considère généralement que le commandant de bord doit concentrer tous ses efforts sur les mesures à prendre et confier les tâches secondaires au copiloteNote de bas de page 115. Les SOP de Cougar Helicopters stipulent ce qui suit :

[Traduction]
Dans certaines situations d'urgence, il peut s'avérer plus judicieux que le commandant de bord passe les commandes de l'aéronef au copilote, ce afin de pouvoir se consacrer entièrement aux mesures correctives. Dans de nombreux cas, il est en effet préférable de mettre à profit l'expérience du commandant de bord pour gérer la situation anormale ou d'urgence plutôt que pour tenir les commandes de l'appareil.

Cette approche permet de libérer la capacité de réflexion critique du commandant de bord, qui peut dès lors mieux prendre en compte les indices extérieurs, rechercher la cause de l'urgence, parcourir les étapes de la liste de vérifications appropriée et coordonner des initiatives à l'intérieur et à l'extérieur de l'aéronef. Lorsqu'un individu essaie d'assumer trop de responsabilités, il risque de retarder ou d'omettre inutilement certaines tâches critiques.

Le commandant d'un aéronef en équipage multiple doit apprendre à reconnaître ses forces et ses faiblesses et celles des autres, et à déléguer des tâches pour mieux exploiter les ressources disponibles. Par exemple, un copilote qui a une longue expérience sur un type d'aéronef sera plus à même de rechercher la cause des pannes critiques qu'un copilote qui a moins d'expérience. En revanche, un copilote ayant peu d'expérience n'aura pas de mal à exécuter des tâches ordinaires confiées par le commandant de bord. Lorsqu'il est confronté à une tâche inhabituelle, comme d'effectuer le rapprochement entre les étapes d'une liste de vérifications ambiguë avec une urgence potentiellement critique, un copilote avec peu d'expérience risque d'être rapidement saturé. Des étapes importantes peuvent alors être retardées ou omises; les communications risquent d'être décousues et le copilote risque de revenir aux comportements appris antérieurement sur un type d'aéronef différent.

Étant donné les limites humaines en ce qui touche au traitement des informations, les pilotes doivent veiller à ne pas se laisser saturer par les tâches. Pour éviter la saturation, les pilotes doivent classer les tâches par priorité avec précaution, répartir les tâches de poste de pilotage de manière judicieuse et gérer les sources de distraction. L'une des notions essentielles unanimement reconnue dans le monde de l'aviation, en ce qui a trait à la priorité des tâches, est celle qui recommande aux pilotes de « piloter, naviguer et communiquer ». Le commandant de bord est tenu de s'assurer que cette hiérarchisation est respectée, et cette obligation est encore plus critique en situation d'urgence. Lorsque les niveaux de stress augmentent, l'équipage de conduite doit rester concentré sur les tâches critiques du moment, veiller à respecter les SOP et exécuter en temps opportun les étapes de la liste de vérifications. Le plus important en cas d'urgence est de piloter l'aéronef et de prendre immédiatement les mesures d'urgence qui s'imposent. Si des communications avec l'extérieur prennent le pas sur le pilotage et la navigation, les marges de sécurité pourront être sérieusement réduites.

1.18.2.6.2 Prise de décision

Une prise de décision efficace suppose que l'on cerne avec précision la situation dans laquelle on se trouve, que l'on évalue les implications de cette situation, que l'on élabore un ou des plans d'action, ainsi que des solutions de rechange, et que l'on mette en œuvre une ligne de conduite optimale. Il est tout aussi important que l'équipage de conduite soit capable d'identifier les changements éventuels dans la situation, et de renouveler le processus de prise de décision pour s'assurer que les changements en question ont été pris en compte et que les plans sont modifiés en conséquence. Le fait de ne pas tenir compte adéquatement des implications possibles d'une situation augmente les risques qu'une décision entraîne des conséquences défavorables aboutissant à un état d'aéronef indésirable. Des niveaux de stress qui augmentent peuvent avoir un impact défavorable sur la capacité du pilote à percevoir et à évaluer des indices propres à la situation et peuvent entraîner une diminution de l'attentionNote de bas de page 116. Bien souvent, cette diminution de l'attention peut se traduire par un biais de confirmation : un phénomène qui pousse le pilote à trouver des indices qui confortent le plan d'action choisi au point d'exclure, éventuellement, des indices critiques qui appuient une autre hypothèse moins séduisanteNote de bas de page 117. Ainsi, des conséquences potentiellement graves pourraient ne pas bénéficier de toute l'attention nécessaire au moment de définir un plan d'action optimale. Il est donc impératif que les pilotes tiennent compte du scénario le plus défavorable lors du processus de prise de décision, plus spécialement lorsqu'ils ont affaire à une situation d'urgence potentiellement catastrophique.

Un autre aspect important du processus de prise de décision est le concept de modèles mentaux partagésNote de bas de page 118. Le modèle mental d'une personne dépend énormément de la compréhension qu'elle a des situations, de ses attentes concernant l'avenir et de son expérience passée. L'expérience ou les connaissances d'un pilote joue un rôle important dans le processus de prise de décision de ce dernier. L'exposition répétée à des scénarios au moyen d'exercices pratiques, d'instruction ou d'un apprentissage informel, comme des lectures ou une discussion de groupe par exemple, contribue à préparer une personne à affronter des situations potentiellement complexes, telles qu'une urgence en vol. Plus un pilote a de l'expérience, plus son modèle mental est précis.

Dans le cas d'un équipage, tous les membres doivent s'efforcer de faire coïncider leur modèle mental. Si l'équipage ne parvient pas à atteindre cet objectif en raison des différences de personnalité, du style de communication ou des rapports d'autorité, il se peut qu'il néglige des renseignements importants au moment où il faudra étudier les conséquences possibles d'une situation et élaborer des plans et des solutions de rechange. En ce qui concerne la CRM , une communication efficace joue un rôle majeur dans la mise en conformité des modèles mentaux de l'équipage. Par contre, il est impératif que les pilotes s'entraînent et se perfectionnent pour que leurs aptitudes à communiquer soient efficaces, plus spécialement lors d'une situation d'urgence stressante.

1.18.2.6.3 Communications entre les membres d'équipage

Pour faire concorder des modèles mentaux, améliorer la conscience de la situation (CS) de l'équipage et optimiser le processus de prise de décision, les membres d'équipage doivent posséder d'excellentes aptitudes à communiquer. Cette condition peut se révéler difficile à satisfaire dans un poste de pilotage lorsque les pilotes sont soumis à des contraintes de temps ou à des priorités concurrentes, ou lorsque la chaîne d'autorité à l'intérieur du poste de pilotage est déséquilibrée. L'expression « chaîne d'autorité à l'intérieur du poste de pilotage » fait référence aux rapports qu'entretiennent le commandant de bord et le copilote à bord de l'aéronefNote de bas de page 119. Si des membres d'équipage ayant une expérience similaire travaillent ensemble, le commandant de bord ne voudra peut-être pas exercer son autorité, ou le copilote sera peut-être réticent à l'idée de s'affirmer par peur d'offenser le commandant de bord. On parlera alors de chaîne d'autorité faible à l'intérieur du poste de pilotage. S'il y a une différence d'expérience significative entre un commandant de bord et un copilote, ou si un commandant de bord doté d'une forte personnalité est associé à un copilote doté d'une personnalité non assertive, le copilote pourra être réticent à l'idée de formuler des avis susceptibles d'optimiser la sécurité. Dans ce cas, on parlera de chaîne d'autorité forteNote de bas de page 120. Les styles de communication qui peuvent ressortir du fait des personnalités de chacun peuvent nuire à l'efficacité des communications lorsque ces styles ne sont pas compatibles. Des programmes de formation en CRM actuels mettent en lumière les obstacles à une communication efficace et proposent des stratégies de communication multiples qui aident les individus à choisir la stratégie la plus appropriée en fonction de la gravité de la situation, du temps disponible et des autres personnes impliquées dans le processus de communication.

Les membres d'équipage ne doivent éprouver aucune gêne à formuler des avis au commandant de bord pour faciliter la prise de décision de ce dernier. Lorsque la chaîne d'autorité à l'intérieur du poste de pilotage est forte, en raison des niveaux d'expérience ou des personnalités, les décisions risquent fort de se fonder sur des renseignements incomplets ou imprécis. De nos jours, la formation en CRM encourage les copilotes à s'affirmer; mais cela peut s'avérer très difficile pour certains. On encourage généralement les membres d'équipage à s'affirmer lorsqu'ils ne sont pas certains d'une chose ou lorsqu'ils ont des raisons de douter du bien-fondé du plan d'action suivi. Idéalement, il faut commencer par formuler un commentaire ou une question neutre. Si cette approche ne suffit à pas à cerner le problème, le copilote doit entreprendre une démarche plus affirmative. Cette stratégie de communication progressive est difficile à adopter pour les nouveaux employés, qui craignent parfois pour leur carrière. Si l'on veut que les copilotes s'affirment, on doit les former sur les stratégies de communication progressive et leur donner la possibilité de mettre en pratique la théorie reçue.

Un commandant de bord doit mettre à l'aise les membres d'équipage en mettant en place une politique de communication ouverte. Il est important que les commandants de bord comprennent que la plupart du temps un copilote inexpérimenté a tendance à utiliser une stratégie de communication nuancée pour exprimer une opinion, qu'il hésite à s'affirmer de peur de se tromper ou de subir des remontrances pour avoir remis en cause le jugement d'un pair plus expérimenté. Pour faire comprendre au copilote que son message a été reçu et bien compris, il est conseillé aux commandants de bord de fournir des rétroactions pertinentes et en temps opportun. Le commandant de bord montre ainsi que le commentaire du copilote a été pris en compte dans son processus de prise de décision. S'il ne reçoit aucune réponse à son commentaire, celui qui l'a formulé peut avoir le sentiment que son intervention n'a pas de valeur ou qu'elle est erronée. La rétroaction permet de s'assurer que toutes les parties au processus de communication comprennent bien la situation en cours.

1.18.2.6.4 Procédures d'utilisation normalisées et listes de vérifications

Les listes de vérifications et les procédures d'utilisation normalisées (SOP) sont conçues pour faciliter la mise en place des modèles mentaux partagés et la prise de décision du pilote, notamment dans les scénarios rares comme un amerrissage par exemple. Les SOP et les listes de vérifications apportent généralement au pilote des solutions concluantes préétablies aux diverses situations en tenant compte des facteurs de risque qui peuvent échapper au pilote lors d'un scénario d'urgence. Dans la plupart des cas, la procédure à suivre décrite dans la liste de vérifications fournit au pilote le plan d'action le plus sûr qui soit. Par contre, si l'on n'enseigne pas aux pilotes comment respecter les listes de vérifications, si on ne leur offre pas de formation pratique ou de rappels à ce sujet, ces derniers risquent de ne pas suivre les procédures exigées lorsque cela s'impose.

1.18.3 Événements antérieurs et suivi

1.18.3.1 Pannes antérieures de pompe à huile de BTP

Le 26 septembre 2008, Sikorsky a émis le SSA -S92-08-006 intitulé « Rotorcraft Flight Manual Revision for Main Gearbox Malfunctions » (révision de la partie du RFM consacrée aux pannes de BTP ) à l'intention des exploitants d'hélicoptères S-92A. Ce document explique que Sikorsky a [Traduction] « mené des enquêtes sur des événements récents » ayant impliqué le circuit de lubrification de la BTP du S-92A et qu'il a « établi que certains messages de panne de BTP imminente actuellement recensés dans le RFM n'étaient pas représentatifs du rendement et de la capacité de la BTP pendant une panne. Sikorsky retirera donc les messages visés. »

La mesure la plus marquante a été le retrait du message de ]Traduction] « pression d'huile BTP inférieure à 5 lb/po² » qui figurait parmi les critères justifiant un « atterrissage immédiat ». En lieu et place de cette indication, le SSA a apporté la précision suivante :

[Traduction]
Une panne de transmission imminente peut être signalée de la manière suivante :

  1. une augmentation de la puissance nécessaire à un réglage de collectif constant;
  2. des mouvements de lacet brusques;
  3. des vibrations ou des bruits inhabituels;

La présence de symptômes multiple est l'indication hautement critique qu'une panne imminente va se produire.
Le SSA renvoyait toujours aux exigences qui prévoient ce qui suit :

[Traduction]
descendre à une altitude à partir de laquelle il est possible d'effectuer un atterrissage rapide avec un changement de puissance minimal et de voler à une vitesse nécessitant une puissance minimale. La descente doit se faire avec un réglage de puissance réduit, mais avec suffisamment de couple pour entraîner la transmission.

La directive suivante a également été fournie avant la révision du RFM :

[Traduction]
La température de la BTP , les manomètres et le détecteur de particules fournissent au pilote les indices nécessaires pour diagnostiquer une panne de BTP et prendre les mesures correctives pertinentes.

Les événements récents pris en compte par le SSA incluent un incident survenu en janvier 2008, au cours duquel le module d'entrée de la BTP d'un S-92A évoluant près de Sarawak (Malaisie) a subi une surchauffe qui a entraîné une fuite d'huile lente. Le jour de cet incident, l'équipage de conduite a reçu des indications de température d'huile BTP élevée et de pression d'huile BTP basse, accompagnées d'une odeur de brûlé; l'équipage a donc décidé de faire un atterrissage de précaution. Avant cet incident, en avril 2005, l'adaptateur cannelé Vespel d'un système d'entraînement de pompe à huile de BTP d'un autre S-92A exploité en Norvège avait subi une défaillance, qui avait été signalée au pilote sous la forme d'un message de pression d'huile BTP basse. L'hélicoptère se trouvant à proximité d'une plateforme pétrolière, les pilotes avaient procédé à un atterrissage de précaution. Dans un cas comme dans l'autre, la BTP n'a pas subi de dommages sérieux.

Le but de cette SSA était de fournir un préavis aux modifications imminentes touchant le RFM . Cougar Helicopters n'a pas diffusé de renseignements liés aux SSA , émises avant les modifications officielles du RFM , à ses équipages de conduite afin de s'assurer que ces derniers continueraient de suivre les procédures approuvées du RFM . L'enquête a établi que les révisions au RFM décrites dans la SSA -S92-08-006 n'ont eu aucune incidence sur l'événement. À la suite de l'accident, la FAA a émis un Special Airworthiness Information Bulletin suggérant de ne pas mettre en place les procédures proposées dans le bulletin SSA concerné.

1.18.3.2 Incident subi par l'hélicoptère de CHC en Australie-Occidentale le 2 juillet 2008

Le 2 juillet 2008, un hélicoptère S-92A (immatriculé VH-LOH, numéro de série 920036) exploité par Canadian Helicopters Corporation (CHC) Australia rejoint la destination de Broome (Australie) à partir d'une plateforme pétrolière en mer avec 2 pilotes et 14 passagers à son bord. L'appareil vole à 6000 pieds asl pendant environ 90 minutes lorsqu'un voyant d'alarme rouge MGB OIL PRES s'allume accompagné d'un message d'alarme sonore « Gearbox Pressure...Gearbox Pressure ». La pression d'huile BTP tombe à moins de 5 lb/po² et continue de diminuer. La dérivation d'huile BTP est fermée environ sept secondes après le message de pression d'huile faible.

Le PF , qui est le copilote, entame immédiatement une descente. Le commandant de bord choisit de poursuivre les tâches du PNF ; il exécute la liste de vérifications d'urgence et recherche l'origine du problème. Selon l'équipage de conduite, la BTP tomberait en panne progressivement plutôt que subitement. Comme le message de « pression inférieure à 5 lb/po² » coïncide avec l'activation du message d'alarme rouge MGB OIL PRES, l'équipage ne pense pas, au départ, que la pression faible est l'indication secondaire d'une panne imminente de la BTP . De plus, aucune autre indication secondaire n'est décelée et la température d'huile de la BTP reste au-dessous de 80 °C . Cela conduit l'équipage à réagir comme s'il se trouvait dans une situation exigeant un « atterrissage à la première occasion ». La baisse de pression d'huile rapide est tellement inhabituelle par rapport à l'entraînement sur simulateur que l'équipage commence par mettre en cause le bon fonctionnement d'un capteur ou d'un indicateur. Cependant, grâce à une communication efficace, les pilotes comprennent que l'alarme et l'indication de pression d'huile ne proviennent pas d'un seul capteur, ce qui balaie leur hypothèse.

Lorsque l'hélicoptère approche de la seule zone d'atterrissage convenable à proximité, le taux de descente est élevé. Les pilotes effectuent un atterrissage sans autre incident environ sept minutes après la première alarme. Le commandant de bord a précisé que s'il avait été au-dessus de l'eau et qu'il n'y ait pas eu d'autres indications secondaires, il aurait poursuivi le vol vers la rive à une altitude de 200 pieds agl et à une vitesse de 80 nœuds.

L'examen visuel initial effectué par le personnel de maintenance de CHC et un représentant local de Sikorsky a révélé que deux des trois goujons de montage de la cuve de filtre à huile BTP étaient cassés et que la cuve s'était partiellement détachée de la BTP , ce qui a entraîné une perte de pression d'huile totale. L'un des goujons de montage cassé avait été réparé le 9 juin 2008 (voir la rubrique 1.18.3.4).

Une inspection endoscopique a ensuite été réalisée afin d'évaluer l'état des composants internes de la BTP . Cette inspection a permis de déterminer que l'hélicoptère était en mesure de voler jusqu'à la base de maintenance. La BTP a été déposée et expédiée à Sikorsky le 20 juillet 2008. Elle a été démontée, remise à neuf par un atelier de révision agréé de Sikorsky, puis remise en service et installée sur un autre hélicoptère. Selon les informations disponibles à l'époque, le Australian Transport Safety Bureau (ATSB) a décidé de ne pas enquêter, et les données des FDR / CVR n'ont été ni récupérées ni analysées.

1.18.3.3 Processus de gestion de la sécurité de Sikorsky

Sikorsky a mis sur pied un programme de gestion de la sécurité. Ce programme met en œuvre plusieurs processus destinés à cerner des dangers et à gérer des risques liés à la conception initiale de l'hélicoptère et aux opérations sur le terrain, ainsi que le programme de maintien de la navigabilité. Lorsque des dangers potentiels sont identifiés, on évalue le niveau de risque associé en appliquant des processus, tels que l'évaluation des risques fonctionnels; l'analyse par arbre des causes; l'analyse des effets des modes de défaillance et l'analyse des causes courantes.

Sikorsky dispose de nombreux moyens pour déceler les dangers, notamment les rapports des exploitants ou les systèmes de surveillance des tendances en matière d'anomalies. Sikorsky compte sur son réseau de représentants techniques régionaux en tant que source importante pour identifier les risques. Pendant tout le cycle de vie d'un hélicoptère, Sikorsky désigne un ingénieur principal en sécurité des systèmes chargé de fournir des directives concernant la sécurité des concepts. Le rôle de ce dernier consiste à identifier des dangers potentiels, à évaluer des risques, à assurer le suivi des risques et à s'assurer que les risques ont été éliminés ou convenablement atténués. Lorsqu'un plan d'atténuation a été élaboré et que des mesures correctives sont mises en œuvre, Sikorsky ferme la boucle du processus de sécurité en continuant de surveiller les résultats des mesures en question. Les décisions d'atténuation visant des risques potentiels de niveau supérieur sont examinées par un comité de sécurité supérieur de Sikorsky.

Sikorsky détient la plus haute autorisation de désignation d'organismeNote de bas de page 121 délivrée par la FAA et travaille en étroite collaboration avec le Boston Aircraft Certification Office et le Rotorcraft Directorate's Aircraft Evaluation Group pour traiter les problèmes de sécurité potentiels.

1.18.3.4 Mesures de maintenance et de suivi antérieures

La cuve du filtre à huile de la BTP de l'hélicoptère immatriculé VH-LOH a été déposée puis réinstallée 17 fois pendant la durée de vie en service totale de l'appareil (1233,4 heures). Environ 58 heures de vol avant l'incident du mois de juillet 2008, le 9 juin 2008, un goujon de la cuve du filtre à huile de la BTP s'était sectionné lors de la dépose de l'écrou de montage. Comme il n'y avait ni goujon neuf ni outil approprié immédiatement disponibles, CHC avait effectué une réparation provisoire en installant un écrou auto-freiné sur le goujon sectionné après avoir pris conseil auprès d'un représentant technique local de Sikorsky. Le dispositif autobloquant de cet écrou ne s'engageait pas complètement dans la section raccourcie du goujon. Il a donc fallu percer un trou dans l'écrou afin de le freiner au fil pour le fixer. Même si le service technique de Sikorsky n'a pas été spécifiquement consulté, aucune objection technique à la réparation temporaire n'a été faite par le représentant local de Sikorsky.

À la suite de l'incident du 2 juillet 2008, Sikorsky a essayé, en vain, de se faire renvoyer les goujons défectueux. En l'absence des pièces, Sikorsky s'est fié aux photographies et aux commentaires écrits pour déterminer si un problème pouvait concerner la flotte de S-92A. En se basant sur les renseignements disponibles à l'époque, Sikorsky a pensé que la réparation effectuée sur le goujon avait probablement conduit à la perte totale de lubrifiant de la BTP . Même si Sikorsky avait entamé l'examen de conception du goujon, sans l'intervention de ses spécialistes en métallurgie, la société n'aurait pas été en mesure de déterminer à coup sûr la cause de la défaillance ni de conclure si un problème pouvait toucher la flotte de S-92A.

Le 14 juillet 2008, la Civil Aviation Safety Authority australienne et CHC ont décidé de faire inspecter les goujons sectionnés par une entreprise d'ingénierie australienne.

Le 22 juillet 2008, l'entreprise d'ingénierie australienne a examiné les goujons de montage. Les représentants de Sikorsky n'ont pas pris part à cet examen. Les conclusions préliminaires de l'entreprise australienne ont indiqué que la cassure des goujons de montage avait été probablement causée par des contraintes excessives, certainement dues à un serrage excessif des écrous. Même si le rapport a précisé que l'examen n'avait pas été fait de manière poussée et qu'il a recommandé la réalisation d'un examen métallurgique complet, les résultats ont semblé appuyer l'hypothèse de Sikorsky selon laquelle la défaillance était probablement le résultat d'une mesure de maintenance de CHC.

1.18.3.5 Mesures de maintenance et de suivi antérieures

Chaque semaine, Sikorsky organise une webémission traitant de sujets divers avec les exploitants de S-92A. Le taux de participation à ces webémissions est assez élevé et les exploitants n'hésitent pas à poser des questions ou à formuler des commentaires. Le 12 août 2008, l'émission hebdomadaire de Sikorsky a porté sur l'incident de CHC . À cette occasion, il a été précisé que même si le mode de défaillance exact faisait toujours l'objet d'une enquête, le personnel de Sikorsky avait suggéré d'accorder une plus grande attention à l'état et au filetage des boulons de fixation de la cuve de filtre. Le personnel a ensuite évoqué une réparation « non approuvée » comme étant la cause possible de la rupture. Sikorsky n'a pas reçu de rétroaction de la part des exploitants de S-92A concernant cet avis. Le personnel de Cougar Helicopters a pris part à la webémission du 12 août 2008; par contre, l'incident n'a pas suscité de préoccupation, le problème ayant été imputé à une réparation de maintenance « non approuvée ».

1.18.3.6 Examens indépendants au Canada

CHC a engagé une entreprise d'ingénierie canadienne pour examiner plus en profondeur les goujons de montage sectionnés de l'hélicoptère VH-LOH. La Australian Government Civil Aviation Safety Authority (CASA) a communiqué avec le BST et a demandé à ce dernier de superviser l'examen en son nom. Les 26 et 27 août 2008, un enquêteur du BST , accompagné d'un représentant de Sikorsky et de CHC , a pris part à l'examen des goujons de montage. Le BST a fourni un compte rendu d'examen et des commentaires à la CASA et à la FAA (le 29 août 2008). D'après les renseignements disponibles, le rapport de l'entreprise d'ingénierie canadienne daté du 25 septembre 2008 a précisé que deux goujons de montage du carter de filtre à huile avait cédé selon un mode de fatigue oligocyclique par torsion dans un seul sens ayant entraîné un sectionnement progressif. La cause la plus probable de la rupture des goujons de montage était soit un serrage initial inappropriéNote de bas de page 122 au moment où les écrous ont été installés, soit un desserrage après leur installation. Même s'il n'a pas été possible de déterminer avec certitude l'origine du problème de serrage initial, une hypothèse incriminant le grippage des goujons de montage en titane a été avancée.

1.18.3.7 Analyse et évaluation des risques subséquentes de Sikorsky

Sikorsky a reçu les goujons de montage mis en cause dans l'incident de l'hélicoptère de CHC le 4 septembre 2008. Le 9 septembre 2008, le laboratoire des matériaux de Sikorsky a rendu ses premiers résultats. Bien que des goujons de montage en titane aient été utilisés sans incident avec d'autres dispositifs de fixation pour filtres à huile de BTP , Sikorsky a commencé à se pencher sur l'emploi des goujons de montage en titane dans les cuves de filtre à huile de BTP du S-92A. Après consultation de la FAA , Sikorsky a effectué une évaluation des risques et a suggéré de remplacer les goujons de montage en titane par des goujons de montage en acier. Sikorsky a également indiqué qu'il était possible d'atténuer les risques immédiats de nouvel incident en modifiant les procédures de maintenance en vigueur. À la fin du mois de septembre 2008, Sikorsky a entamé la révision 13 du manuel de maintenance d'aéronef (AMM) du S-92A.

Le 8 octobre 2008, Sikorsky a émis l'avis de sécurité (SA) SSA S92-08-007 afin d'informer les exploitants des modifications à venir concernant l'AMM , lesquelles incluaient des procédures d'inspection améliorées provisoires applicables à la dépose et à l'installation des cuves de filtre de BTP . Ces procédures prévoyaient un examen visuel approfondi des goujons, la vérification des couples de serrage et de desserrage et le remplacement impératif des écrous en service par de nouveaux écrous.

La tâche 63-24-02-210-001 de la révision 13 de l'AMM supposait l'utilisation d'une loupe grossissant 10 fois et d'un miroir d'inspection. L' AMM énonçait les directives suivantes concernant l'inspection du filetage des goujons de montage de la boîte d'engrenage :

[Traduction]
(1) À l'aide de la loupe et du miroir d'inspection, examiner les goujons de montage de la boîte d'engrenage afin de déceler les défauts éventuels suivants :

(2) Aucun dommage de quelque sorte que ce soit n'est toléré. Si un dommage est constaté, communiquer avec le représentant local de Sikorsky. »

Le 5 novembre 2008, avec la révision 13 de l'AMM , ces procédures d'inspection améliorées sont devenues obligatoires pour l'ensemble de l'industrie. À compter de cette date, Sikorsky n'a plus reçu ni rapport faisant état de goujons de montage endommagés ni demande de remplacement de goujons de la part d'exploitants, sauf pour l'hélicoptère australien de CHC.

Le 20 octobre 2008, Sikorsky a publié l'instruction technique (IT) 92-725-35-080, qui exige le remplacement des goujons de montage en titane par des goujons en acier. Ce document interne, spécialement émis pour traiter un problème de sécurité, est entré en vigueur à compter de cette date. Il précise que les goujons de montage en titane ne doivent plus être utilisés pour la construction des nouveaux hélicoptères S-92A, et que tous les goujons de montage en titane actuellement installés doivent être remplacés par des goujons de montage en acier.

Les 4 et 9 septembre 2008 et le 4 novembre 2008, la webémission hebdomadaire de Sikorsky a fait part aux exploitants de S-92 de quelques faits nouveaux concernant leur enquête sur la perte de lubrifiant de l'hélicoptère de CHC . Le personnel de Cougar Helicopters était en ligne pour les émissions des 9 septembre et 4 novembre. Ces trois webémissions ont mis l'accent sur certains renseignements concernant les goujons en titane et les traces de dommage visibles (grippage) touchant les filets des goujons. Il a été recommandé d'utiliser un nouvel écrou à chaque installation. Les participants à la webémission ont également appris que des travaux visant à remplacer les goujons en titane par des goujons en acier étaient en cours, l'acier étant plus solide et plus résistant au grippage. Certains exploitants ayant pris part aux webémissions ont demandé quelle serait la procédure à suivre pour remplacer les goujons in situ; ils ont également demandé à quel moment l'évaluation du matériau serait disponible et ont posé quelques questions d'ordre générale sur l'utilisation du titane et de l'acier. Pendant la webémission du 4 novembre 2008, un exploitant a indiqué qu'il procédait aux mesures de couple de serrage conformément aux descriptions fournies dans le document SSA -S92-08-007 et il a demandé des précisions sur la procédure de serrage finale. Aucun commentaire n'a été formulé au sujet de l'examen visuel des filets des goujons sous un grossissement de 10 et des procédures d'inspection améliorées.

Le 28 janvier 2009, Sikorsky a publié le Bulletin de service d'alerte (ASB) 92-63-014, qui exige le remplacement des goujons de montage des cuves de filtre BTP en titane par des goujons de montage en acier, ce dans un délai de 1250 heures de vol ou un an. Le délai de conformité a été basé sur l'évaluation des risques de Sikorsky et sur le temps qu'il faudrait pour remplacer les goujons de montage in situ sans compromettre la sécurité. Au moment où l' ASB a été publié, le remplacement des goujons de montage était une mesure de maintenance incombant aux ateliers de révision et Sikorsky avait besoin de temps pour élaborer, valider et vérifier les procédures utilisées in situ. Comme l'application des procédures d'inspection améliorées était rendue obligatoire depuis la publication de la révision 13 de l'AMM , Sikorsky et la FAA ont considéré que les risques immédiats de nouvel incident avaient été atténués de manière appropriée et qu'il serait possible d'assurer la sécurité des opérations durant la période de conformité prescrite. En janvier 2009, on comptait environ 80 S-92A en service dans le monde. De plus, le S-92A était déjà en service depuis au moins 6 ans quand l'incident de CHC est survenu, lequel a été le premier cas signalé de perte totale de lubrifiant de BTP liée à la défaillance d'un goujon.

1.18.3.8 Examen des goujons de montage et des écrous de la cuve de filtre du CHI91 par le BST

La fatigue est apparue au diamètre le plus petit du premier filet complètement en prise d'un goujon et sur le rayon interne des dentelures de l'autre goujon. La présence de criques de fatigue sur le premier filet en prise d'un goujon concorde avec un serrage initial insuffisant, qui a entraîné la transmission d'une charge vibratoire excessive au goujon.

Des points d'usure ont été observés sur les filets des goujons de montage de l'hélicoptère accidenté, ainsi que sur certains goujons de montage retirés d'autres appareils de Cougar Helicopters. L'usure constatée sur ces goujons aurait été détectée sous un grossissement de 10 fois, et sur certains goujons, les dommages auraient été visibles sans grossissement (voir la zone encerclée sur la photo 15). L'examen effectué par le BST a donné à penser que les écrous et goujons de montage de l'appareil accidenté avaient accumulé suffisamment d'usure par frottement pour empêcher l'application adéquate du serrage initial durant l'installation. Le serrage initial insuffisant a fait augmenter la charge cyclique subie par les goujons de montage en cours de service et a conduit à l'apparition et à la propagation des criques de fatigue. L'examen des nouveaux goujons de montage par le BST a révélé que même si les goujons de montage ont été fabriqués avec un enduit destiné à prévenir le grippage, une usure est apparue après la première installation d'un écrou, et plus les opérations de dépose et de réinstallation de l'écrou en question étaient fréquentes, plus la détérioration s'aggravait. La cuve du filtre à huile BTP de l'hélicoptère en cause, et d'au moins trois autres appareils de Cougar Helicopters, était fixée au moyen d'écrous de fixation recouverts d'un résidu de peinture grise appliquée au moment de la fabrication de la BTP.

Photo 15. Goujon retiré d'une autre BTP de Cougar Helicopters (graduation en mm)
Image de la goujon retiré d'une autre BTP de Cougar Helicopters (graduation en mm)
1.18.3.9 Examen des méthodes de remplacement des filtres BTP de Cougar Helicopters

Le 7 novembre 2008, Cougar Helicopters a incorporé la révision 13 de l'AMM dans ses ordinateurs de maintenance et a approuvé la révision en la signantNote de bas de page 123. Les procédures de l'entreprise exigent que le personnel de maintenance soit au courant des procédures de l'AMM révisées. Ce personnel est tenu de lire toutes les nouvelles consignes et de confirmer qu'il s'est acquitté de ce devoir en signant le tableau intitulé « À lire impérativement ».

À l'époque de l'accident, les écrous montés sur les cuves de filtre BTP étaient considérés comme fiables. Par conséquent, si certains ont été utilisés, ils n'auraient pas été consignés dans les dossiers d'entretien de l'hélicoptère. Cougar Helicopters s'est inspiré d'une pratique industrielle normalisée pour déterminer l'état de fonctionnement d'un écrou autobloquant, qui remplace l'écrou lorsque le dispositif autobloquant n'assure plus efficacement sa fonction.

Entre la date de construction de l'hélicoptère et l'accident, le filtre à huile BTP de l'appareil a été changé 11 fois. La révision 13 de l'AMM était en vigueur lorsque les deux derniers remplacements de filtre à huile de BTP ont été effectués sur l'hélicoptère. À l'époque de l'accident, aucun dossier de maintenance ne faisait état de l'inspection sous un grossissement de 10 ni de l'utilisation d'une clé dynamométrique pour mesurer les couples de desserrage utilisés avec les hélicoptères S-92A de Cougar Helicopters, alors que la révision 13 de l'AMM exigeait ces étapes. Cette même révision exigeait aussi le remplacement des écrous de montage des filtres à huile à chaque dépose. Or, les écrous installés sur l'appareil étaient des écrous d'origine.

Lorsque Cougar Helicopters reçoit un ASB Note de bas de page 124, le personnel vérifie la date de conformité ou le nombre d'heures à respecter afin de déterminer le délai dans lequel il pourra exécuter les travaux demandés. Généralement, la priorité d'un ASB assorti d'un délai de conformité de 12 mois est jugée moins élevée que celle d'un bulletin dont le délai de conformité est bien plus court. Cougar Helicopters a commandé les pièces et les outils nécessaires pour exécuter le ASB 92-63-014 le 19 février 2009. Le formulaire de demande de pièces a montré que les articles constituaient une commande courante pour l'inventaire de base et le bon d'achat a précisé que les articles pourraient être expédiés dans le prochain envoi groupé.

Comme l'incident de CHC était lié à une mesure de maintenance inappropriée, Cougar a accordé moins d'importance à ce problème, et cela s'est répercuté sur la priorité d'exécution du ASB 92-63-014. De plus, étant donné qu'aucun des exploitants ayant participé à la webémission n'a dit avoir des problèmes avec les goujons de montage des cuves de filtre, les utilisateurs du S-92A semblent s'être généralement entendus pour considérer la question comme non urgente.

1.18.3.10 Mesures prises par Sikorsky

Environ deux mois après avoir abordé le problème des goujons de montage des cuves de filtre dans la webémission, Sikorsky a émis l'avis de sécurité SSA S92-08-007 en date du 8 octobre 2008. Cet avis prévoit ce qui suit :

[Traduction]
Sikorsky a appris que l'hélicoptère d'un exploitant avait été victime d'une perte de pression d'huile BTP en raison d'une fuite au niveau de la cuve de filtre. L'enquête a montré que deux des trois goujons de montage en titane de la cuve de filtre BTP avaient cédé et permis à la cuve de se déplacer. En conséquence, Sikorsky a décidé de modifier les procédures actuellement décrites dans l'AMM afin de mieux aider le personnel de maintenance à repérer les goujons de montage éventuellement endommagés lors de la dépose ou de l'installation des cuves de filtre. Il est recommandé de prendre toutes les précautions qui s'imposent durant la dépose et l'installation des cuves de filtre BTP afin d'éviter dans toute la mesure du possible de détériorer le filetage des goujons de montage.

À peu près trois mois et demi après le SSA , Sikorsky a publié l' ASB 92-63-014 à l'intention de ses clients, en date du 28 janvier 2009. Le bulletin prévoyait ce qui suit :

[Traduction]
Un dommage aux goujons de montage de filtre à huile qui passe inaperçu peut entraîner la rupture des goujons. Des procédures améliorées sont actuellement incorporées dans le manuel de maintenance dans le but d'aider le personnel à mieux repérer les dommages aux goujons de montage. Pour renforcer la fiabilité de cette pièce d'assemblage, les goujons en titane sont remplacés par des goujons en acierNote de bas de page 125.

Entre le 5 novembre 2008 et le 23 mars 2009, aucun exploitant de S-92A n'a signalé à Sikorsky avoir trouvé des goujons endommagés à l'occasion d'une inspection améliorée, et aucun exploitant n'a communiqué avec Sikorsky pour discuter des étapes des procédures améliorées.

Photo 16. Goujons renvoyés à Sikorsky
Photo des goujons renvoyés à Sikorsky

Le 23 mars 2009, la FAA a publié la consigne de navigabilité (AD) urgente 2009-07-53 pour les hélicoptères S-92A de Sikorsky. Cette consigne exige, avant la poursuite des vols, la dépose de tous les goujons de montage en titane servant à fixer les cuves de filtre aux BTP et le remplacement de ces goujons par des goujons en acier. Aucun goujon endommagé n'a été signalé à Sikorsky entre le moment où la révision 13 de l'AMM a été publiée, en novembre 2008, et l'émission de la AD 2009-07-53, en mars 2009. Par contre, plusieurs exploitants ont envoyé à Sikorsky 59 goujons de montage après s'être conformés à la AD . Sikorsky a examiné ces goujons et a constaté que leurs filets présentaient des niveaux de grippage variables, révélateurs de déposes d'écrou répétées. Certains dommages au filetage étaient visibles sans grossissement. La photo 16 montre des goujons renvoyés à Sikorsky qui présentent des niveaux de grippage divers : perte de revêtement et dommages mineurs aux filets (goujon 1), perte de revêtement et dommages modérés aux filets (goujon 2) et perte de revêtement en profondeur et dommages aggravés aux filets (goujon 3). Les dommages aux filets du goujon 3 de la photo 16 étaient visibles à l'œil nu. Sikorsky n'a pas pu indiquer la durée d'utilisation en service des goujons de montage qui ont été retournés. Cependant, si l'on se base sur la date de la révision de l'AMM, le 5 novembre 2008, sur la publication de la AD 2009-07-53, le 23 mars 2009, et sur la durée d'utilisation moyenne du S-92A, les goujons de montage proviendraient d'hélicoptères dont les cuves de filtre ont été déposées au moins trois foisNote de bas de page 126.

1.18.4 Dispositifs de flottaison d'urgence

1.18.4.1 Contexte

Partout sur la planète, les sociétés qui exploitent des plateformes pétrolières et gazières en mer font appel à des hélicoptères pour transporter leurs employés. En mer du Nord, le Royaume-Uni exploite quelques 215 installations de ce type et emploie environ 30 000 travailleurs. À titre de comparaison, le Canada compte 7 plateformes pétrolières et gazières en mer et emploie environ 2000 personnes dans ce secteur. À travers le monde, on dénombre environ 2800 plateformes en mer sur lesquelles des ouvriers travaillent régulièrement. Entre 1976 et 2009, 14 accidents d'hélicoptère mortels se sont produits au Royaume-Uni au cours de rotations d'hélicoptères desservant des plateformes en mer, et ces accidents ont fait 136 morts. Le Canada déplore un seul autre accident d'hélicoptère de plateforme pétrolière avant le vol CHI91 Note de bas de page 127. En 2004, environ 20 accidents d'hélicoptère de plateforme pétrolière ont été signalés à travers le monde.

En octobre 2008, une étude portant sur les accidents d'hélicoptère canadiens survenus en mer a révélé que la noyade était la cause première du décès des occupants, un constat qui correspond à celui d'autres travaux de recherche publiés dans d'autres paysNote de bas de page 128. De même, la CAA du Royaume-Uni a fait une étude portant sur des impacts avec plan d'eau impliquant des hélicoptères militaires britanniques et des hélicoptères civils dans le monde, ce sur la période allant de 1971 à 1992. Dans cette étude, la CAA a remarqué que la majorité des décès relevés lors des impacts sur plan d'eau d'hélicoptères militaires britanniques (83 %) et d'hélicoptères civils dans le monde (57 %) était due à la noyade.

1.18.4.2 Bien-fondé des exigences visant les dispositifs de flottaison d'urgence pour hélicoptères

L'amerrissage forcé se définit comme un atterrissage d'urgence exécuté délibérément sur un plan d'eau en vue d'évacuer l'hélicoptère le plus rapidement possible. La plupart des hélicoptères actuellement utilisés au profit de l'industrie pétrolière et gazière mondiale en mer, dont le S-92A est l'un des plus modernes, ont été certifiés pour effectuer un amerrissage conformément aux exigences du FAR 29.801 et aux directives complémentaires énoncées dans la circulaire d'information ( AC 29.2C, Amendment 29-12) de la FAA . En conséquence, un hélicoptère ainsi certifié est équipé d'un DFU fournissant une stabilité appropriée en cas d'amerrissage dans des conditions de mer raisonnablement probables correspondant au moins à une force 4 selon l'OMM.
D'après le document 2005/06 de la CAA du Royaume-Uni, intitulé Summary Report on Helicopter Ditching and Crashworthiness Research, un hélicoptère doté d'un DFU devrait, conformément aux exigences du FAR 29.801, flotter en position horizontale suffisamment longtemps pour permettre aux occupants d'évacuer l'appareil et rejoindre les canots de sauvetage. Le centre de gravité des hélicoptères est généralement haut du fait du poids des moteurs et de la BTP qui sont installés sur le toit de la cabine. Les risques que l'hélicoptère chavire sont donc énormes. Lorsqu'un hélicoptère chavire, il se renverse complètement, ce qui se traduit par une inondation complète de la cabine et l'immersion de toutes les portes et hublots. L'évacuation est alors très difficile, car tous les itinéraires d'évacuation sont immergés, et les occupants qui ne quittent pas la cabine en quelques secondes risquent de périr noyés.

Le but de la certification d'amerrissage est de garantir l'application de procédures sécuritaires concernant la mise en contact avec l'eau, la stabilité de flottaison, les caractéristiques de compensation, l'évacuation des occupants et les caractéristiques de survivance dans des conditions de mer raisonnablement probables (habituellement une mer de force 4). Le problème est que les hélicoptères des plateformes pétrolières évoluent souvent au-dessus d'une mer dont la force dépasse le niveau 4. Une étude citée dans le document2005/06 de la CAA , document qui traite du régime des vagues dans la partie septentrionale de la mer du Nord - lequel régime est considéré par les JAR-OPS 3 comme étant un « environnement hostile » -, a montré que sur une année complète, la force 4 est dépassé 36 % du temps, et 65 % du temps pendant la période de décembre à février.

Des statistiques d'Environnement Canada indiquent que la fréquence de dépassement de la force 4 dans les eaux situées au large de Terre-Neuve est supérieure à celle que l'on trouve dans « l'environnement hostile » de la partie septentrionale de la mer du Nord. Pour être plus précis, la force 4 est dépassée environ 50 % du temps au cours de l'année complète et 83 % du temps entre décembre et février. À titre de comparaison, la fréquence de dépassement de la force 6 est bien inférieure; ce niveau est dépassé 3,3 % du temps sur l'année complète et 8,9 % du temps entre décembre et février.

En 2000, la CAA a présenté les résultats de son étude sur l'amerrissage et l'impact sur plan d'eau à deux groupes de travail : le Helicopter Offshore Safety and Survivability (HOSS) des Joint Aviation Authorities (JAA) et le Water Impact, Ditching Design and Crashworthiness Group (WIDDCWG) de la FAA , des JAA et de l'industrie. Après avoir pris connaissance des résultats, les deux groupes de travail ont recommandé de modifier les exigences de navigabilité JAR/FAR 29 en vigueur afin que l'interprétation des « conditions de mer raisonnablement probables », faite dans le cadre de la certification des équipements utilisés en cas d'amerrissage, soit modifiée de manière à tenir compte des conditions de mer qui prédominent dans des zones océaniques spécifiques. Dans le cas d'un « environnement non hostile », un DFU prévu pour une mer de force 4 est approprié. Par contre, dans le cas d'un « environnement hostile », la certification des équipements utilisés en cas d'amerrissage devrait prendre en compte une norme plus élevée en ce qui concerne l'état de la mer.

1.18.4.3 Recherche et développement concernant les DFU

À la suite d'un accident d'hélicoptère mortel survenu en mars 1992 en mer du Nord, la CAA a commandé une étude de type Review of Helicopter Offshore Safety and Survival (RHOSS). Le rapport RHOSS , publié en 1995, a souligné la différence entre un amerrissage, décrit comme étant une descente contrôlée (moyennant l'activation de certaines mesures d'avertissement) dans une mer non hostile, et un écrasement, qui englobe tous les impacts non contrôlés ou involontaires avec un plan d'eau, les descentes contrôlées dans une mer hostile et les chutes d'hélicoptères à partir d'une héliplateforme. Les statistiques sur les accidents ont montré qu'il n'y a pas de différence majeure entre la fréquence des impacts sur l'eau offrant des chances de survie et les amerrissages. Le rapport a conclu qu'étant donné que des écrasements offrant des chances de survie causés par une défaillance technique ou une erreur de pilotage pourraient encore se produire, il ne serait pas raisonnable d'améliorer les mesures de sécurité en tenant compte d'un seul type d'événement.

Le rapport RHOSS a fait remarquer que les équipements de sécurité fondamentaux, tels que les dispositifs de flottaison, étaient spécialement conçus pour un scénario d'amerrissage et qu'il restait encore à optimiser les chances de survie après un écrasement. Le document a souligné l'importance d'améliorer les capacités de flottaison à la suite d'un impact sérieux avec l'eau et d'envisager notamment la possibilité d'installer des dispositifs de flottaison supplémentaires spécifiquement adaptés à un scénario d'écrasement. Le fait d'optimiser le nombre et la répartition des dispositifs de flottaison sur l'hélicoptère confère des avantages supplémentaires, car le niveau de redondance général des dispositifs est amélioré de même que leur résistance à l'écrasement.

En 1996, la FAA a mené une étude intitulée Survey and Analysis of Rotorcraft Flotation Systems. Cette étude a porté sur 67 accidents d'hélicoptère survenus au-dessus d'un plan d'eau provenant de la base de données du NTSB . L'étude a révélé que, de manière générale, les occupants ont survécu à des conditions d'impact plus graves que celles décrites dans les règlements de la FAA relatifs à l'amerrissage.

Une étude de BMT Fluid Mechanics publiée dans le document Study of Crashworthiness of Helicopter Emergency Flotation Systems ( CAA Paper 2001/2) a évalué la variabilité des forces d'impact dans l'eau imposées à des dispositifs de flottaison courants en utilisant une grande variété de scénarios d'impact avec l'eau offrant des chances de survie et de conditions de mer possibles. Les résultats de cette étude ont montré que lors d'un écrasement accompagné d'un impact violent, il y a 30 % de probabilité qu'un hélicoptère classique équipé de quatre dispositifs de flottaison coule, car il ne possède pas suffisamment d'équipements redondants pour rester à la surface de l'eau, advenant la rupture d'un ou de plusieurs dispositifs. Le document de la CAA a montré qu'une configuration à six flotteurs (composée de dispositifs de flottaison supplémentaires montés en hauteur sur les parois de la cabine) assurait la redondance voulue, car les dispositifs sont bien protégés de tous les impacts hormis des impacts latéraux. Cette étude a aussi démontré que le fait de multiplier par deux la résistance d'une configuration standard à quatre flotteurs fait augmenter la résistance à l'écrasement de 15 %.

Le CAA a également communiqué les résultats de son étude portant sur l'amerrissage et les impacts avec plan d'eau au groupe de travail HOSS des JAA et au WIDDCWG . Les deux groupes ont recommandé de modifier les exigences de navigabilité actuelles des JAR/FAR 27 et 29 concernant l'amerrissage et la résistance à l'écrasement des hélicoptères en cas d'impact avec l'eau. Ils ont demandé à ce que l'on tienne compte des avantages possibles conférés par le concept d'hélicoptère flottant sur le côté et ont demandé une étude de conception spécifique à un type d'hélicoptère afin d'appuyer le développement ultérieur de ce concept. Toutefois, le WIDDCWG recommandait également que les exigences « structurales » applicables aux conditions d'amerrissage ne devaient pas être étendues jusqu'à la prise en compte de la résistance à l'impact, et ce, en raison de la variabilité élevée des charges d'impact et du fait que les charges d'impact d'un accident auquel on peut survivre sont trop élevées pour être conçues de manière réaliste.

À la suite de ces recommandations, une étude sur l'amerrissage et la résistance à l'écrasement des hélicoptères (Study on Helicopter Ditching and Crashworthiness - EASA.2007.C16) a été menée en 2007. L'étude visait à fixer un objectif de conception concernant des dispositifs de flottaison latéraux; à déterminer l'applicabilité concrète du concept en procédant à une étude de conception initiale (rattrapage conforme au EC225); d'analyser les avantages offerts sur le plan de la sécurité ainsi que les retombées économiques; et d'étudier la faisabilité technique du concept de flottaison sur le côté. Le rapport final a recommandé d'améliorer les dispositifs de flottaison de manière à faire adopter à l'hélicoptère une attitude de flottaison sur le côté dans le but d'augmenter les chances de survie des occupants, mais il a aussi souligné la nécessité de développer de nouveaux dispositifs de flottaison et d'approfondir les recherches dans le domaine. Le rapport a également mis en avant le fait que pour l'installation spécifique retenue dans le cadre de l'étude de conception initiale (rattrapage conforme au EC225), la surcharge associée à l'ajout de dispositifs de flottaison supplémentaires supposerait le retrait d'au moins deux passagers de l'appareil ou le retrait d'une quantité de carburant équivalente. Il serait également compliqué d'atténuer les risques de déploiement accidentel des dispositifs en vol à un niveau convenable. Enfin, les coûts de développement liés à un concept de rattrapage efficace de ce type ont été estimés à plusieurs millions d'euros. L' AESA a néanmoins fait remarquer que d'autres agencements de DFU pourraient apporter des avantages similaires sans entraîner le niveau d'inconvénients mentionné dans cette étude.

1.18.4.4 Caractéristiques et développement des composants des DFU

Outre les recherches consacrées aux configurations de DFU , le BST a étudié d'autres initiatives connexes. Les DFU qui équipent le S-92A, l'un des hélicoptères les plus modernes certifiés en vertu de la FAR 29, ont été conçus pour résister aux forces prévues par le FAR 29.801 dans le cas d'un amerrissage contrôlé. Contrairement à certains autres hélicoptères modernes dont les DFU sont conçus pour résister à un déploiement en vol à des vitesses pouvant atteindre 120 nœuds et à des vitesses d'amerrissage pouvant atteindre 30 nœuds, les DFU du S-92A ne sont pas approuvés pour être déployés en vol. L'hélicoptère doit donc amerrir avant le déploiement des DFU.

1.18.4.5 Source d'alimentation électrique autonome

Il est courant que les DFU des hélicoptères soient alimentés par le bus de secours de l'appareil ou directement par la batterie principale. Au cours de certains accidents caractérisés par un impact avec l'eau offrant des chances de survie, les dispositifs de flottaison ne se sont pas activés, car l'énergie électrique nécessaire pour déclencher les mécanismes pyrotechniques (amorces) montés sur les réservoirs d'air comprimé était coupée. Le gaz n'a donc pas pu gonfler les boudins.

Une source d'alimentation électrique autonome conçue pour activer les dispositifs de flottaison à la suite d'un amerrissage en catastrophe a été mise au point et certifiée dans le but de compléter les circuits d'alimentation électriques existants. Il s'agit d'un petit dispositif léger installé à proximité des amorces et destiné à limiter les risques de coupures de courant qui seraient causées par un dommage aux faisceaux de câbles.

1.18.4.6 Technologie des générateurs de gaz à froid

Les DFU du S-92A sont fabriqués par GKN Aerospace. En février 2008, GKN Aerospace a indiqué avoir développé un DFU à gonflage direct qui met en œuvre la technologie du générateur de gaz à froid (CGG). Les bouteilles CGG stockent le gaz comprimé en tant que matière solide non comprimée dans de petits compartiments robustes et légers et non plus dans les bouteilles sous pression plus grosses dont sont actuellement dotés les hélicoptères S-92A. Les générateurs dégagent suffisamment de gaz à température ambiante, grâce à une réaction contrôlée, pour gonfler les flotteurs DFU . Ces petits compartiments, qui sont montés à côté des boudins DFU , remplacent les gros récipients sous pression conventionnels et permettent de réduire considérablement la longueur des canalisations de gaz. Les générateurs CGG ont été évalués pour le concept de DFU du S-92A; cependant, Sikorsky a considéré qu'ils n'étaient pas suffisamment élaborés pour répondre aux exigences de certification du S-92A.

1.18.5 Certification de la BTP du S-92A

1.18.5.1 Exigences de certification

La base de certification du S-92A est la partie 29 du titre 14 du Code of Federal RegulationsNote de bas de page 129. En vertu du paragraphe 29.917(b) de la partie 29, l'évaluation de la conception et l'analyse des défaillances (réalisées conformément à la modification 29-40) du système d'entraînement rotor au complet ont un double objectif. Premièrement, il s'agit de cerner toutes les défaillances qui pourraient nuire à la poursuite sécuritaire du vol ou à l'atterrissage sans incident de l'aéronef. Deuxièmement, il est question de recenser les moyens d'atténuer autant que possible les risques que de telles défaillances se produisent en mettant en œuvre des solutions à la fois techniquement réalisables et économiquement valables, tel que le précise la circulaire d'information (AC) de la FAA portant le numéro 29-2C : Certification of Transport Category Rotorcraft ( AC 29-2C). L'évaluation de la conception doit obligatoirement inclure toutes les pièces qui transmettent la puissance des moteurs au moyeu du rotor, y compris des composants tels que des boîtes d'engrenage, des freins rotor et des paliers de soutien pour les arbres de transmission. La AC 29-2C exige aussi que soient prises en compte les défaillances multiples, au cas où une défaillance principale entraînerait une défaillance secondaire.

L'alinéa 29.927(c)(1) de la partie 29 (panne des systèmes) répertorie les exigences de lubrification à respecter pour garantir le bon fonctionnement des systèmes d'entraînement rotor. La FAA a replacé les exigences dans leur contexte et a expliqué le but du règlement de certification dans des commentaires annexés à l'avis de projet de réglementationNote de bas de page 130 et au règlement finalNote de bas de page 131. Les commentaires associés à l'alinéa 29.927(c)(1) précisent que la règle s'imposait, car le gouvernement et l'industrie des giravions ont constaté que les règlements de certification tombaient en désuétude du fait des percées technologiques fulgurantes réalisées dans le domaine des giravions. La FAA a expliqué que les aéronefs de catégorie A devaient être en mesure de poursuivre leur vol suffisamment longtemps à la suite d'un problème de lubrification afin d'optimiser les chances d'atterrissage éventuelles. (C'est nous qui soulignons.)

En élaborant le règlement, la FAA était consciente que l'industrie des giravions était en mesure de satisfaire aux exigences militaires américaines selon lesquelles un système d'entraînement de rotor d'hélicoptère doit comprendre une transmission à tolérance balistique capable de fonctionner pendant 30 minutes après un impact de projectile et une perte de lubrifiant totale. La FAA était donc d'avis que l'industrie des giravions pourrait, dans son ensemble, concevoir et fabriquer des systèmes d'entraînement rotor commerciaux répondant aux normes de sécurité les plus rigoureuses. Cette démarche s'est soldée par l'intégration à l'alinéa 29.927(c)(1) d'exigences imposant des conditions de défaillance du circuit de lubrification des systèmes d'entraînement rotor plus réalistes pour les giravions de la catégorie ANote de bas de page 132.

Ce règlement, tel que proposé dans sa version initiale, s'apparentait beaucoup à l'exigence militaire américaine, en ce sens qu'il exigeait que des hélicoptères certifiés de catégorie A soient en mesure de voler pendant au moins 30 minutes dans des conditions de puissance limitée après que l'équipage ait pris conscience de la perte de lubrifiant ayant touché le système d'entraînement.

L'avis de projet de réglementation de la FAA a été publié le 27 novembre 1984. En ce qui concerne les giravions de catégorie A visés à l'alinéa 29.927(c)(1), l'avis prévoyait ce qui suit :

[Traduction]
Il est impératif de démontrer, au moyen d'essais, que chaque système d'entraînement rotor, pour lequel la défaillance probable d'un élément pourrait entraîner une perte de lubrifiant, est capable de continuer de fonctionner, même si cela n'est pas sans dommage, pendant au moins 30 minutes à un couple et à une vitesse de rotation prescrites par le demandeur, de manière à assurer la poursuite du vol après que l'équipage ait reçu un message de perte de lubrifiant.

Le règlement final de la FAA a été publié le 2 septembre 1988. Ce règlement a pris en compte les commentaires des intervenants. Au sujet de l'exigence énoncée au paragraphe 29.927(c), un intervenant a fait remarquer qu'en interprétant le règlement tel que proposé, celui-ci pourrait écarter certains systèmes de lubrification auxiliaires ou exiger la prise en compte des pertes de lubrifiant touchant des roulements autolubrifiés. La FAA a indiqué que cette ambiguïté n'était pas volontaire. La formulation du paragraphe (c)(l) a donc été revue afin de supprimer l'ambiguïté. Le règlement proposé a donc été modifié de manière à prévoir ce qui suit :

[Traduction]
À moins que les défaillances visées soient extrêmement rares, il importe de montrer, au moyen d'essais, que toute défaillance qui entraîne une perte de lubrifiant dans un circuit de lubrification à usage normal ne compromettra pas le fonctionnement sécuritaire de la BTP , même si ce n'est pas sans causer des dommages, à un couple et à une vitesse de rotation spécifiés par la personne qui demande la poursuite du vol, ce pendant au moins 30 minutes après la constatation, par l'équipage de conduite, de la défaillance du circuit de lubrification ou de la perte de lubrifiant. (C'est nous qui soulignons.)

Même si l'alinéa 29.927(c)(1) ne définit pas l'expression « extrêmement rare », certains documents réglementaires et normes industrielles précisent que cet état de défaillance ne devrait pas toucher tous les aéronefs pendant leur durée de vie totale, mais qu'il pourrait se manifester plusieurs fois pendant la durée de vie opérationnelle totale de tous les aéronefs du type. Lorsqu'on utilise des valeurs numériques, cette expression est habituellement interprétée comme étant une probabilité dans une plage correspondant à une défaillance en l'espace de 10-7 à 10-9 heures de vol.

La circulaire AC 29-2C, section AC 29.927, indique aux demandeurs la marche à suivre pour démontrer la conformité à l'alinéa 29.927(c)(1) de la partie 29. Les explications qui figurent dans la circulaire 29.927 Amendment 29-17Note de bas de page 133 précisent ce qui suit :

[Traduction]
Cet alinéa prévoit un essai destiné à démontrer qu'en cas de défaillance majeure du circuit de lubrification des systèmes d'entraînement, aucune défaillance ou mauvais fonctionnement dangereux touchant le système d'entraînement n'empêchera l'équipage d'exécuter une descente d'urgence et un atterrissage. Les modes de défaillance visés se limitent habituellement à des défaillances touchant des conduites externes, des raccords, des valves, des refroidisseurs, etc., associés à des systèmes de transmission et des boîtes d'engrenage lubrifiés sous pression.

La circulaire AC 29-2C décrit l'essai de perte de lubrifiant comme un moyen permettant de vérifier si l'huile résiduelle de la transmission peut garantir une lubrification minimale.

Au moment de la certification du S-92A, la FAA n'avait certifié qu'un seul hélicoptère, le MD900 de McDonnell Douglas, conformément à l'alinéa 29.927(c)(1). Cet hélicoptère a satisfaisait aux exigences de certification, qui prévoyaient la vidange complète de l'huile de lubrification de la BTP , l'utilisation de l'huile résiduelle uniquementNote de bas de page 134 et la continuité du fonctionnement pendant 30 minutesNote de bas de page 135. Par conséquent, il n'était pas nécessaire de tenir compte ou de définir l'éloignement d'une panne dans ce processus de certification. Avant le processus de certification du S-92A, la conformité à l'alinéa 29.927(c)(1) était démontrée en procédant à un essai incluant une perte de lubrifiant et l'utilisation d'huile résiduelle sur une transmission similaire.

1.18.5.2 Expérience de certification de la BTP du S-92A

Dans le cas du S-92A, Sikorsky a effectué une évaluation de la conception et une analyse des défaillances, et les résultats ont été approuvés par la FAA . Sikorsky et la FAA ont indiqué qu'une perte de lubrifiant de la cuve de filtre à huile de la BTP causée par la défaillance de l'un de ses dispositifs de fixation n'était pas prise en compte au moment de faire l'évaluation de conception initiale fondée sur l'historique en service, ce qui est conforme aux pratiques industrielles. Après l'incident de perte de lubrifiant de l'hélicoptère australien, Sikorsky a révisé l'évaluation de la conception en tenant compte de la cuve de filtre à huile et des dispositifs de fixation.

Tout au long du développement du S-92A, Sikorsky et la FAA s'attendaient à ce que, compte tenu des similitudes entre la BTP du S-92A et la BTP du Black Hawk S-60 de Sikorsky, la BTP du S-92A pourrait fonctionner correctement pendant 30 minutes après une perte de l'huile de lubrification. La FAA a précisé que l'essai initial était considéré comme un essai à faible risque. Du coup, Sikorsky l'a programmé très tard dans le programme de certification générale du S-92A.

Le 6 août 2002, Sikorsky a effectué l'essai de perte de lubrifiant prévu par le processus de certification initiale. La société a vidangé la BTP de son hélicoptère, a utilisé uniquement l'huile résiduelle (environ 1,3 gallons) et a continué de faire fonctionner la BTP conformément aux exigences de la AC 29-2CNote de bas de page 136. Le but de cet essai, décrit dans les documents d'essai, était de démontrer que la transmission du S-92A pouvait « continuer de fonctionner en toute sécurité pendant au moins 30 minutes à la suite d'une perte totale de l'huile de lubrification, conformément aux exigences de l'alinéa 29.927(c)(1) des FAR ».

La BTP a subi une panne catastrophique environ 11 minutes après le début de l'essai. Il a été établi que la cause principale de la perte d'entraînement provenait de la rupture des dents du pignon planétaire, rupture causée par la température excessive découlant du manque de lubrification.

1.18.5.3 Certification de la BTP du S-92A avec dispositif de dérivation du refroidisseur d'huile

À la suite de l'essai de perte de lubrifiant qui a entraîné la défaillance catastrophique, au lieu de s'attacher à redéfinir la transmission de manière à offrir une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes pour la BTP , Sikorsky a réétudié les exigences de l'alinéa29.927(c)(1). En s'appuyant sur les directives de la circulaire 29-2C et de la Rotorcraft Directorate de la FAA , Sikorsky et la FAA ont conclu que, excepté la défaillance potentielle du refroidisseur d'huile et de ses canalisations externes, toutes les autres défaillances de BTP conduisant à une perte d'huile totale étaient extrêmement rares. Ni la FAA ni Sikorsky n'ont explicitement pris en compte une défaillance de la cuve de filtre à huile de BTP , ou de ses dispositifs de fixation, dans le cadre de l'alinéa 29.927(c)(1).

Lorsqu'ils ont cherché à en savoir plus sur le sens donné à l'expression « extrêmement rare » dans le cadre de l'alinéa 29.927(c)(1), Sikorsky et la FAA se sont penchés sur ce qu'ils considéraient comme étant un critère raisonnable. Ils ont étudié des facteurs, tels que la résistance maximale, les charges très faibles, les données antérieures incluses dans les dossiers de maintenance du Black Hawk, et ont fait examiner ces critères par un certain nombre de personnes différentes chez Sikorsky et à la FAA.

Étant donné que les risques qu'un composant du système de refroidissement puisse fuir persistaient, le circuit de lubrification de la BTP a été réétudié pour incorporer une valve de dérivation. L'essai de perte de lubrifiant a été renouvelé le 16 novembre 2002 avec le dispositif de dérivation en place. Le but de l'essai était de montrer que la BTP du S-92A pouvait :

continuer de fonctionner en toute sécurité pendant au moins 30 minutes après la constatation, par l'équipage de conduite, de la perte d'huile de lubrification, ce conformément aux exigences de l'alinéa 29.927(c)(1) des FAR.

L'essai a consisté à vidanger l'huile en simulant une fuite dans le circuit du refroidisseur d'huile. L'équipage a localisé la fuite et l'a interrompue en fermant la dérivation. La BTP contenait encore environ 4,3 gallons d'huile, soit 40 % de la quantité d'huile maximale. L'essai a été répété cinq fois. À la fin des essais, la BTP n'affichait aucune indication de perte d'entraînement ou de grippage imminent, et il a été possible de la faire tourner à la main.

On n'avait pas encore utilisé, dans le passé, une valve de dérivation pour maintenir une réserve d'huile dans la BTP et satisfaire ainsi aux exigences liées à la perte de lubrifiant énoncées dans l'alinéa 29.927(c)(1) des FAR. Pourtant, la FAA a considéré que ce dispositif était parfaitement adapté aux modes de défaillances habituels recensés dans la circulaire AC 29-2C.

La valve de dérivation supposait que le pilote ferme la dérivation dans un délai de cinq secondes après le message d'avertissement MGB OIL PRES.

Le 17 décembre 2002, la FAA a remis une certification de catégorie A à l'hélicoptère S-92A, aux États-Unis.

1.18.5.4 Validation de la certification de la BTP du S-92A par les Joint Airworthiness Authorities

L' AESA a indiqué que, dans sa juridiction, les demandeurs se conformaient généralement à l'alinéa 29.927(c)(1). Autrement dit, ils procédaient à la vidange de la BTP et continuaient de la faire fonctionner uniquement avec de l'huile résiduelle. Avant que la certification du S-92A soit validée, l'Agence avait déjà testé et certifié au moins quatre hélicoptères en utilisant ces critères.

Pendant son projet de validation du S-92A, les Joint Airworthiness Authorities (JAA) ont considéré que le critère « extrêmement rare » avait été satisfait dans le contexte des JAR 29.927(c) (équivalent aux FAR 29.927(c)). Les JAA ont accepté l'évaluation de conception de Sikorsky, qui ne considérait pas que les dispositifs de fixation de la cuve de filtre à huile de la BTP puissent être à l'origine d'une fuite d'huile.

Lorsque la BTP a échoué la première fois à l'essai de perte de lubrification de 30 minutes, Sikorsky a informé les JAA qu'une modification de conception avait été apportée au circuit de lubrification de la boîte d'engrenages du rotor principal. Les JAA ont été d'accord pour dire que le circuit de dérivation du refroidisseur d'huile de la BTP était un bon moyen d'assurer le fonctionnement continu de la BTP en cas de fuite dans un composant de ce circuit. Ils ont cependant demandé à Sikorsky et à la FAA de prouver que toutes les autres défaillances de la BTP susceptibles de se traduire par une perte d'huile rapide étaient extrêmement rares. La présentation subséquente, par Sikorsky, d'une analyse des modes de défaillance possibles et de leur probabilité d'apparition a été acceptée par les JAA comme un moyen de confirmer la conformité aux exigences des JAR 29.927(c). Sikorsky a de nouveau publié les rapports appropriés et après maintes discussions avec la FAA et les JAA , ces dernières ont accepté les méthodes de conformité de Sikorsky et l'approche adoptée par la FAA pour déterminer la conformité. La décision des JAA était fondée sur des données de navigabilité pertinentes du Black Hawk, l'intégration du système de surveillance des paliers à la configuration conceptuelle de base du S-92A et l'hypothèse selon laquelle l'expérience en service sur le S-92A serait similaire sinon plus probante que celle du Black Hawk.

À l'occasion des discussions entre les JAA et la FAA , la FAA a déclaré :

[Traduction]
Le manuel de vol de l'hélicoptère ne précise pas que l'aéronef est capable de voler pendant 30 minutes à la suite d'une fuite de lubrifiant. En outre, rien n'oblige à prendre en compte d'autres défaillances de la transmission, comme la défaillance du boîtier de transmission par exemple, dans le cadre de la mise en conformité à cette règle. Le but de la règle est d'aborder la panne des refroidisseurs d'huile et la défaillance des canalisations externes associées, car ces pièces sont les plus exposées aux fuites de lubrifiant.

Le 14 mai 2004, l'hélicoptère S-92A a reçu la recommandation (validation) des JAA , et le 8 juin 2004, il a reçu la certification de type de l'AESA.

1.18.5.5 Validation de la certification de la BTP du S-92A par Transports Canada

TC a certifié les hélicoptères Bell 427 et 429 afin de répondre aux exigences de l'article 529.927 du Manuel de navigabilité (MN) (équivalent au paragraphe 29.927(c) des FAR). Le Bell 427 a été certifié, car il a satisfait à la procédure de vidange de la BTP et à la capacité de fonctionnement continu de 30 minutes avec de l'huile résiduelle seulement. Le Bell 429 a été jugé équivalent au Bell 427. Par conséquent, il a reçu une approbation basée sur les résultats d'essais du Bell 427.

Avant d'accorder une certification de type canadienne à un produit aéronautique étranger, TC examine la demande de certification en tenant compte des principes de gestion des risques. Dans le cas de la validation de la certification du S-92A, TC a procédé à un examen d'état de la navigabilité de niveau 2Note de bas de page 137, lequel a conduit les spécialistes de TC à faire un visite sur site dans le but de se familiariser avec le produit et d'étudier en quoi ce dernier était conforme aux exigences de certification. Avant d'effectuer l'examen, TC avait reçu tous les documents de discussionNote de bas de page 138 publiés par la FAA . TC a fait remarquer que sa politique de validation des produits étrangers ne prévoyait pas que ses spécialistes de l'agrément tiennent compte de documents de discussions émis par un tiers. Par conséquent, TC n'a étudié aucun des points mentionnés par les JAA.

TC a déclaré qu'à l'époque de la certification du S-92A, la cuve de filtre à huile de la BTP et ses goujons de montage n'auraient pas été pris en compte par le MN 529.927. TC demande à ce que l'huile de lubrification de la transmission soit vidangée pendant que la transmission fonctionne, et à ce que le constructeur d'origine du giravion suive la procédure d'essai conformément à la circulaire AC 29-2C. TC n'a exprimé aucune préoccupation quant au fait qu'une perte de lubrifiant de la BTP du S-92A soit considérée extrêmement rare, même s'il demandait aux constructeurs de vidanger la transmission de leurs giravions. TC exige que le demandeur démontre qu'il est capable de réussir un essai de perte de lubrifiant.

TC a publié un document qui précise qu'un délai de cinq secondes ne suffit pas au pilote pour actionner l'interrupteur de dérivation d'huile BTP . Il est inhabituel de demander au pilote d'actionner un système de ce type dans un délai si court. TC a confié que la fermeture de la dérivation devait être automatisée. Sikorsky a répondu en expliquant que le délai de cinq secondes représentait le scénario le plus défavorable. TC n'a pas accepté l'argument de Sikorsky. Pour atténuer les risques, TC a demandé à Sikorsky de fournir des directives complémentaires pour aider le pilote à déterminer si la dérivation a été fermée assez tôt pour piéger suffisamment d'huile, et à surveiller l'état de la transmission en mode dérivation. En guise de réponse, Sikorsky a révisé le RFM afin d'indiquer la plage de températures et de pressions d'huile BTP que les pilotes devraient s'attendre à voir une fois la dérivation fermée. Sikorsky a aussi précisé les symptômes qui justifieraient un atterrissage immédiat. TC a accepté la révision du RFM et le 7 février 2005, l'hélicoptère S-92A a reçu un certificat de type de TC basé sur une validation de l'approbation de la FAA.

1.18.5.6 Considérations liées au fonctionnement à sec de la BTP

Étant donné les risques propres aux opérations militaires, les composants du système d'entraînement ( BTP incluse) de nombreux hélicoptères militaires doivent satisfaire à des normes plus élevées en ce qui concerne la capacité des BTP à fonctionner sans faille pendant un certain temps après une perte totale de lubrifiant. À titre d'exemple, les caractéristiques de base concernant le système d'entraînement rotor du Black Hawk prévoient une transmission ayant une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes.

Même si les capacités de fonctionnement à sec de la BTP trouvent leur origine dans les applications militaires, on voit se répandre, au sein de l'industrie aéronautique, l'idée selon laquelle les hélicoptères qui satisfont aux exigences de certification de l'alinéa 29.927(c)(1) des FAR seront équipés d'une BTP ayant une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes. Cette impression est renforcée par bon nombre de sources, telles que les brochures des fabricants, les sites Web, les magasines et revues spécialisées. La plupart du temps, ces sources ne sont ni vérifiées ni approuvées par les fabricants d'aéronefs visés.

Lorsqu'il est question des caractéristiques de performance d'un aéronef, seul le manuel de vol de l'aéronef en question fait foi. Dans certains cas, les constructeurs indiquent la durée de fonctionnement maximale de la BTP à laquelle on peut s'attendre à la suite d'une perte de lubrifiant. Par exemple, le manuel de vol de l'EC155B précise que [Traduction] « les pilotes doivent atterrir dans un délai de 25 minutes » après l'activation du message de pression d'huile BTP faible. Le manuel de l'EC225LP prévoit un temps de vol maximum de 30 minutes à la suite d'une perte de lubrifiant de BTP . En revanche, le RFM du S-92A ne contient aucune information concernant le délai pendant lequel la BTP pourrait continuer de fonctionner après une perte de lubrifiant totale.

Même si l'expression « fonctionner à sec » n'apparaît pas dans les publications FAR/AWM/JAR ou dans les documents consultatifs connexes, on a remarqué que la FAA , TC et les JAA utilisaient l'expression de manière informelle lorsqu'ils abordaient les exigences de l'alinéa 29.927(c)(1). Abstraction faite du S-92A, les hélicoptères des catégorie A et B certifiés par la FAA , les JAA et TC conformément à l'alinéa ci-dessus, ou à un document équivalent, ont répondu aux exigences qui veut que leur BTP soit soumise à une vidange d'essai et qu'elle continue de fonctionner avec uniquement de l'huile résiduelle pendant 30 minutes.

1.18.5.7 Commercialisation du S-92A

Le lancement du programme S-92A de Sikorsky a été officiellement annoncé à l'occasion du Salon du Bourget de 1995. Dès l'annonce initiale, on a vanté les niveaux de sécurité et de fiabilité sans précédent du nouveau prototype.

Sikorsky a publié la brochure technique du nouvel hélicoptère en avril 1998 afin de faire connaître les caractéristiques et les performances de la machine aux acheteurs potentiels. Le document précisait que l'une des caractéristiques de sécurité du S-92A était son « système d'entraînement capable de fonctionner à sec pendant 30 minutes ». Ce document a été publié en 2000, bien avant n'importe quel essai de certification. À cette époque, les présentations commerciales que Sikorsky faisait aux acheteurs potentiels du S-92A indiquaient également que la BTP de l'appareil serait capable de fonctionner en toute sécurité pendant 30 minutes à la suite d'une perte d'huile totale.

L'édition 1998-1999 du Jane's All the World Aircraft, une publication aéronautique réputée récapitulant les caractéristiques techniques des aéronefs, a décrit la transmission du S-92A comme étant un train planétaire composé doté d'une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes. Ce renseignement sortait tout droit des revues techniques et des brochures commerciales, étant donné que les caractéristiques des aéronefs ne sont ni fournies ni vérifiées par les divers constructeurs d'aéronefs.

En février 2003, après les essais de certification réalisés en 2002, Sikorsky a publié une nouvelle brochure technique révisée indiquant que la BTP du S-92A pouvait [Traduction] « fonctionner en toute sécurité pendant 30 minutes à la suite d'une fuite d'huile ». Dans des articles ultérieurs traitant du S-92A et à l'occasion d'autres présentations commerciales destinées aux acheteurs et exploitants potentiels, Sikorsky a décrit la caractéristique de l'hélicoptère comme étant une capacité à fonctionner en toute sécurité pendant 30 minutes à la suite d'une fuite d'huile de la BTP . Sikorsky n'a jamais annoncé publiquement que les renseignements à caractère commercial donnés initialement au sujet de la capacité de fonctionnement à sec de la BTP manquaient de précisions.

Bien que la brochure commerciale du S-92A de Sikorsky ait été modifiée de manière à supprimer la caractéristique [Traduction] « système d'entraînement capable de fonctionner à sec pendant 30 minutes », une comparaison commerciale entre le S-92A et l'EC225, faite par Sikorsky et proposée aux clients potentiels en 2007, soulignait que l'EC225 et le S-92A étaient tous deux équipés d'une [Traduction] « transmission capable de fonctionner à sec pendant 30 minutes ». Le BST n'a pas été en mesure de déterminer le nombre de documents promotionnels de ce type qui ont pu être distribués.

1.18.6 Médias sociaux

L'Internet a considérablement élargi les possibilités de discuter et d'échanger des renseignements et des points de vue. Les forums d'Internet, une forme de média socialNote de bas de page 139, sont devenus une source d'échange de renseignements très prisée. Un forum de ce type a d'ailleurs suscité d'intenses discussions au sujet du S-92A. À partir du mois de mars 2000, avant que le S-92A soit commercialement utilisé, des internautes ont entamé des discussions concernant la mise en service du S-92A. Bon nombre de personnes qui déposaient des messages sur le forum ont décidé de garder l'anonymat. Par contre, d'autres personnes, comme l'un des principaux gestionnaires du programme S-92A de Sikorsky, lequel participait régulièrement aux discussions en ligne, ont fait le choix de se faire connaître. Pendant plusieurs années, le sujet traitant de la conformité du S-92A à la partie 29 a été longuement abordé par les membres de ce forum. D'après les discussions en ligne, il était clair que les participants savaient que le S-92A ne possédait pas de capacité de fonctionnement à sec.

L'enquête du BST a révélé qu'au moins un gestionnaire principal et plusieurs autres pilotes de Cougar Helicopters passaient régulièrement en revue les messages affichés sur le forum.

Le contenu d'un média social, tels que les forums Internet, peut également s'avérer utile pour jauger les croyances culturelles d'un groupe de population donnée, comme des pilotes d'hélicoptère. Par exemple, certains visiteurs ont précisé que les discussions les avaient poussés à vérifier les capacités de fonctionnement à sec, si tant est qu'il y en ait eu, des hélicoptères qu'ils pilotaient. Les discussions en ligne ont également montré que le pilote de plateforme pétrolière moyen continuerait de voler en direction de la côte plutôt que d'amerrir, peu importe les directives de la liste de vérifications, ce jusqu'à ce qu'il reçoive des indications secondaires précisant que la transmission est sur le point de subir une défaillance catastrophique.

1.19 Techniques d'enquête utiles ou efficaces

1.19.1 Navire de récupération

La récupération de l'hélicoptère et des victimes dans l'océan Atlantique Nord au milieu du mois de mars ne s'est pas faite sans difficultés. Le navire à moteur Atlantic Osprey et son équipage, mis à disposition par Husky Energy, ont permis à l'équipe de récupération de surmonter ces difficultés. Le navire est équipé d'un système de positionnement dynamique de classe 2 Kongsberg SDP 21. Ce système, commandé par ordinateur, est capable de maintenir automatiquement la position et le cap d'un navire dans les endroits où le mouillage et l'ancrage ne sont pas possibles grâce aux hélices et aux propulseurs du bateau. Divers capteurs transmettent des données de position et de mouvement à l'ordinateur qui renferme un modèle mathématique des effets du vent, de la traînée actuelle et de l'emplacement des propulseurs du navire. L'ordinateur calcule l'angle d'orientation et la poussée nécessaires pour maintenir le navire positionné rigoureusement au même endroit.

Le navire était également doté d'une grue à flèche National Oilwell ayant une capacité de 50 tonnes et d'un compensateur de pilonnement actif (voir la photo 17). En gros, un compensateur actif permet d'annuler les mouvements verticaux d'un navire - par rapport aux fonds marins - qui ont une incidence sur la position d'une charge suspendue en profondeur. Ce dispositif s'est révélé extrêmement important pour pouvoir récupérer l'épave efficacement et en toute sécurité.

Photo 17. Grue du Atlantic Osprey (capacité de 50 tonnes)
Photo de la grue du Atlantic Osprey (capacité de 50 tonnes)

1.19.2 Récupération de l'épave

Les opérations de récupération ont débuté le 13 mars 2009 et c'est le BST qui en a coordonné les activités. Pour mener à bien sa mission, le BST s'est vu mettre à sa disposition deux embarcations principales : Husky Energy a offert les services du Atlantic Osprey, un navire ravitailleur-remorqueur-manipulateur d'ancres de type UT722-L, et la Garde côtière canadienne a proposé ses navires basés à St. John's. Les enquêteurs régionaux du BST qui ont pris part à la récupération avaient déjà travaillé avec le Atlantic Osprey et son équipage au cours d'un exercice réalisé en 2005, et l'expérience précieuse de ces personnes a joué un rôle déterminant dans la récupération du CHI91 .

Le 13 mars 2009, alors qu'il rejoignait le port de St John's à partir de la plateforme pétrolière en mer, le Atlantic Osprey est passé par la dernière position signalée du CHI91 . Le sonar du navire a alors détecté un objet reposant au fond de la mer.

Le 14 mars 2009 à 4 h 55, le Atlantic Osprey a quitté le port de St. John's en direction du lieu de l'accident avec à son bord deux enquêteurs techniques du BST , un représentant de Cougar Helicopters, un représentant technique de Sikorsky et deux membres de la Gendarmerie royale du Canada qui représentaient le bureau du médecin légiste. Des employés de Oceaneering International Inc. et de Fugro GeoSurveys Inc. chargés de manipuler le ROV et le sonar latéral ont également pris place à bord.

Peu de temps après être arrivée sur le site, l'équipe de récupération a entamé son travail de recherche à l'aide du ROV . Quelques heures plus tard, l'emplacement de l'épave a été localisé à 47° 26′ 4.17″ N et 51° 56′ 42.52″ W , à une profondeur approximative de 169 mètres. Le ROV a été utilisé pour procéder à une première inspection de l'épave et du plancher océanique environnant. L'objectif des premières opérations consistait à récupérer les corps des occupants de l'hélicoptère et, si possible, à repérer le MPFR.

En date du 17 mars 2009, toutes les victimes avaient été récupérées, de même que le MPFR . Compte tenu de l'état de fragilité de l'épave principale, le BST en est rapidement venu à la conclusion qu'il ne serait ni efficace ni sûr de hisser l'épave principale sans la soutenir jusqu'à la surface de l'eau pour la placer ensuite sur le pont du navire. Une cage de piscine à armature métallique a été modifiée pour servir de panier de récupération. Deux pales du rotor principal ont d'abord été sectionnées sous l'eau dans le but de faire rentrer l'épave dans le panier, puis une élingue a été fixée autour de la tête du rotor principal et utilisée pour soulever l'épave afin de la placer dans le panier. On a ensuite hissé le panier jusqu'à la surface de l'eau (voir la photo 18). Le Atlantic Osprey est arrivé dans le port de St. John's avec l'épave principale à son bord dans l'après-midi du 18 mars 2009.

Photo 18. Récupération de l'épave principale
Photo de la récupération de l'épave principale

Le navire est retourné une dernière fois sur le site de l'accident le 19 mars afin de récupérer les autres débris de l'épave, y compris la queue de l'appareil et le fuselage avec le train principal. La partie arrière du fuselage, qui renferme la radiobalise de détresse et le boudin de queue, s'est cassée pendant la récupération et n'a pas été récupérée. Tout au long de la phase de récupération, la mer est restée relativement calme, ce qui est inhabituel pour cette période de l'année compte tenu du secteur. Ces conditions météorologiques ont permis de poursuivre les opérations de l'engin télécommandé, qui est limité à des vagues de 1,50 mètre ou moins, sans retard.

2.0 Analyse

L'équipage a fait demi-tour pour revenir à St. John's après avoir remarqué un voyant d'alarme rouge MGB OIL PRES accompagné d'un message d'alarme sonore : « GEARBOX PRESSURE… GEARBOX PRESSURE ». Alors que l'hélicoptère regagnait la côte, une perte d'huile dans la boîte de transmission principale a fini par causer la défaillance du pignon d'entraînement du rotor de queue. Cette défaillance a provoqué la perte d'entraînement du rotor de queue, ce qui a contraint l'équipage à entamer une descente en autorotation. Au moment de l'amerrissage, l'hélicoptère a heurté la surface de l'eau et coulé rapidement.

Pour cerner les raisons qui ont conduit à cet accident, la présente analyse se penche sur les faits, les circonstances et les facteurs sous-jacents qui ont causé ou contribué à l'accident. De nombreux risques sont par ailleurs analysés dans le but d'améliorer la sécurité aérienne.

2.1 Certification du S-92A

Au tournant des années 1980, la FAA reconnaissait qu'en raison de la croissance phénoménale de l'industrie des giravions et des conditions exigeantes dans lesquelles certains giravions évoluaient, il était nécessaire d'actualiser les normes de certification des giravions de la catégorie transport afin d'améliorer les marges de sécurité. L'un des objectifs de la mise à jour consistait à s'assurer que les hélicoptères de la catégorie A soient équipés de boîtes de transmission améliorées. Le principe était aussi de s'assurer que ces transmissions soient en mesure de fonctionner efficacement à la suite d'une perte de lubrification majeure, afin d'optimiser les chances d'atterrissage éventuelles. Alors qu'elle cherchait à fixer un délai de fonctionnement idéal, la FAA a opté pour un délai de 30 minutes, car elle savait que l'industrie était capable de concevoir et de construire des BTP ayant cette capacité. Cette exigence de fonctionnement de 30 minutes a constitué la majeure partie de l'avis de projet de réglementation.

Toutefois, pour supprimer une interprétation ambiguë quant à l'exigence de certification de 30 minutes faite par un intervenant lors de la période de commentaires, la FAA a modifié la formulation du règlement proposé afin d'inclure le qualificatif « extrêmement rare ». Cette mesure signifiait que si un mode de défaillance était considéré comme « extrêmement peu rare », le constructeur n'était pas tenu de montrer, au moyen d'essais, que pendant ce mode de défaillance, l'hélicoptère était capable de continuer de voler en toute sécurité pendant 30 minutes en cas de perte de lubrifiant. Ni Sikorsky ni la FAA n'ont envisagé la possibilité que le dispositif de fixation de la cuve du filtre à huile de la BTP puisse rompre. Partant de ce principe, la FAA a certifié le S-92A même s'il avait échoué à l'essai initial de perte de lubrifiant. À trop mettre l'accent sur le qualificatif« extrêmement rare », la FAA et Sikorsky ont perdu de vue la raison d'être de ce règlement.

Les JAA ont demandé à la FAA la raison pour laquelle elles devraient accepter le S-92A alors que l'appareil n'avait pas subi l'essai de perte de lubrifiant de la BTP , et alors même qu'elles avaient déjà certifié au moins quatre hélicoptères au regard de ce critère d'essai. Les JAA et la FAA ont échangé bon nombre de correspondances concernant la décision d'utiliser le qualificatif « extrêmement rare ». Les JAA ont fini par se ranger aux côtés de la FAA et ont certifié le S-92A.

Bien que TC ait certifié un hélicoptère en vertu du sous-alinéa 29.927(c)(1) des FAR après avoir démontré que la BTP pourrait fonctionner pendant 30 minutes à la suite d'une perte de lubrifiant, il a également accepté la certification du S-92A par la FAA . Même si TC a remis en cause l'application d'un délai de cinq secondes concernant la dérivation du refroidisseur d'huile de la BTP , en précisant qu'il recommandait que cette fonction soit automatisée, il a jugé une procédure de RFM améliorée comme étant une stratégie d'atténuation des risques acceptable.

2.2 Mesures d'atténuation prises à la suite de l'incident du S-92A australien de CHC

L'incident d'hélicoptère survenu en Australie n'a entraîné aucun dommage matériel et n'a pas fait de blessé. La défaillance semblait d'abord être liée à une réparation locale isolée. Sikorsky a porté ces premiers faits à la connaissance de ses clients et a suggéré d'accorder davantage d'attention aux attaches de la cuve de filtre.

Après qu'une entreprise d'ingénierie indépendante eut mis en cause le grippage des goujons en titane, Sikorsky a fait une étude de sécurité portant sur l'accident australien et les goujons sectionnés. Sikorsky et la FAA en sont venus à la conclusion que l'origine du problème était bien le grippage. Sikorsky a mis en œuvre un processus de gestion des risques pour évaluer objectivement l'incident du S-92 australien, en soulignant que l'appareil avait pu poursuivre son vol pendant plusieurs minutes après la perte de lubrifiant sans que cela ne détériore sérieusement l'hélicoptère. Sikorsky a élaboré des mesures de sécurité fondées sur cette évaluation, lesquelles mesures ont été acceptées par la FAA . L'avis SSA -S-92A-08-007 a été diffusé le 8 octobre 2008 afin d'avertir les exploitants que la révision 13 de l'AMM était imminente. L'objectif des exigences d'inspection améliorées obligatoires était de s'assurer que les goujons endommagés seraient repérés et déposés.

Comme la société Sikorsky pensait que les procédures de maintenance améliorées obligatoires atténueraient les risques jusqu'à un niveau acceptable, elle a fixé les délais de conformité du Bulletin de service d'alerte, qui prévoyait le remplacement des montants en titane, à une année ou 1250 heures de vol.

En date du 5 novembre 2008 (date de la publication de la révision 13 de l'AMM ), Sikorsky n'avait toujours pas reçu de rapport faisant état de goujons de montage de cuve de filtre endommagés. Par conséquent, tous les hélicoptères S-92A en service à cette époque (excepté l'hélicoptère immatriculé VH-LOH) auraient dû être équipés de goujons de montage de cuve de filtre d'origine. Les écrous de ces goujons auraient été installés et déposés au moins 3 fois, et sur des hélicoptères ayant un nombre d'heures de vol équivalent à celui de l'hélicoptère de l'accident, les écrous auraient été installés et déposés plus de 10 fois.

Les enquêteurs du BST ont examiné les nouveaux goujons et écrous de BTP du S-92A, qui sont identiques à ceux utilisés sur l'hélicoptère impliqué dans l'incident, et ont révélé que l'usure par frottements est apparue lors de la première installation des écrous et qu'elle s'est aggravée au fil des installations répétées. L'usure s'est ensuite accentuée lorsque les écrous ont été réutilisés. La AD 2009-07-53 a été émise le 23 mars 2009, soit environ cinq mois après la révision 13 de l'AMM . Pendant cette période de 5 mois, les exploitants étaient tenus de faire une inspection améliorée et de remplacer les goujons éventuellement endommagés à chaque changement de filtre à huile de la BTP.

Après la publication de la AD 2009-07-53, Sikorsky a demandé aux exploitants de lui faire parvenir les goujons qu'ils avaient retirés pour se conformer à la AD . Comme les exploitants n'étaient pas tenus de le faire, Sikorsky n'a reçu que 59 goujons envoyés par divers exploitants. Tous ces goujons, ainsi que ceux récupérés sur l'hélicoptère australien et sur celui de Cougar Helicopters, présentaient des degrés d'usure variés, ce qui est cohérent avec le nombre d'installations et de déposes d'écrous propre à chaque hélicoptère. D'après le nombre d'heures de vol mensuel moyen de la flotte de S-92A et du temps moyen entre les remplacements de filtres à huile de BTP , il est probable que la plupart, sinon l'ensemble des 59 goujons renvoyés à Sikorsky, avaient été inspectés au moins une fois pendant cette période. Étant donné qu'aucun dommage n'a été signalé, et qu'aucun problème n'a été signalé concernant la mise en conformité aux procédures d'inspection améliorées, il est probable que ces exploitants n'avaient pas exécuté les procédures exigées par la révision 13 de l'AMM ou qu'ils n'avaient pas accordé l'attention voulue aux procédures. Étant donné que les nouvelles procédures permettaient de déceler l'usure des filets, il convient de dire que la plupart des exploitants de S92-A, y compris Cougar Helicopters, n'ont pas mis en œuvre les nouvelles procédures de maintenance demandées par la révision 13 de l'AMM , et que, de ce fait, les goujons endommagés des cuves de filtre n'ont été ni décelés ni remplacés. Comme ces procédures de maintenance étaient obligatoires, le faible taux de conformité s'explique peut-être par le fait que certains exploitants n'ont pas parfaitement saisi la raison d'être des procédures améliorées et la nécessité de repérer et de remplacer les goujons endommagés. Autrement dit, ils n'ont pas pris conscience que le sectionnement des goujons de montage des cuves de filtre entraînerait une perte totale d'huile incontrôlable qui finirait par provoquer la panne de la BTP.

2.3 Panne de la BTP du CHI91

2.3.1 Généralités

Les surfaces en alliage de titane peuvent subir une usure par frottement dans certaines conditions, notamment lorsqu'on dépose ou qu'on installe un écrou. À chaque opération de ce type, le grippage de l'alliage s'accentue. Le nombre total de déposes et d'installations de l'écrou aurait accentué les conditions d'usure, de même que le fait d'utiliser le même écrou à chaque opération d'installation. Dans le cas présent, le filtre à huile de la BTP du CHI91 avait été remplacé 11 fois. La présence de peinture grise retrouvée sur les écrous des cuves de filtre de la BTP inspectés après l'accident démontre que seuls les écrous d'origine ont été utilisés et qu'aucun nouvel écrou n'a été installé comme le prévoyait l'AMM révisé en vigueur. Le grippage occasionne une augmentation de la friction. Cette friction supplémentaire empêche le serrage initial des écrous. Les écrous et goujons de l'hélicoptère de Cougar étaient suffisamment endommagés pour compromettre le serrage initial lors de l'installation. Le serrage insuffisant a fait augmenter la charge cyclique subie par les goujons en cours d'utilisation et a provoqué l'apparition et la propagation de criques de fatigue à des endroits soumis à des contraintes élevées, tel que le fond du premier filet en prise et le rayon de dentelure. La crique s'est ensuite propagée à un deuxième goujon en raison de l'aggravation des contraintes découlant du sectionnement du premier goujon. Les deux goujons se sont sectionnés en vol, ce qui a entraîné une perte d'huile subite dans la BTP.

Le démontage de la BTP de l'hélicoptère CHI91 a permis aux enquêteurs de conclure que la perte de lubrifiant a entraîné une panne catastrophique du pignon d'entraînement du rotor de queue, laquelle a provoqué la perte d'entraînement des arbres de transmission du rotor. Cette défaillance est différente de celle qui s'est produite pendant l'essai de certification initial, au cours duquel la perte d'huile de lubrification a engendré la défaillance catastrophique du planétaire et la perte d'entraînement du rotor principal. Cependant, le CHI91 n'était pas exploité selon les mêmes paramètres que ceux utilisés lors de l'essai de certification initial. Il serait donc raisonnable de s'attendre à un mode de défaillance différent. Comme le CHI91 volait à un couple et une vitesse plus élevés que les paramètres minimums mentionnés dans le RFM , il aurait fallu davantage de poussée du rotor de queue pour maintenir le cap. Or, la poussée supplémentaire se traduirait par des contraintes plus importantes pour le pignon d'entraînement du rotor de queue. Sikorsky a précisé qu'une perte d'entraînement, susceptible de toucher la transmission principale ou de queue, a plus de chance de se produire lorsque la BTP est sollicitée à puissance élevée et lorsque des changements de puissance rapides ou fréquents interviennent. Étant donné la multitude de variables qui entrent en ligne de compte dans le fonctionnement de la boîte de transmission, il n'est pas possible de déterminer exactement où se produirait une perte d'entraînement dans une situation donnée.

2.3.2 Interprétation de la capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes

La AC 29-2C décrit un essai au cours duquel l'huile est vidangée alors que la BTP fonctionne. Si l'huile est vidangé du carter (et qu'il ne reste plus que l'huile résiduelle), il serait raisonnable de penser que la boîte de transmission va fonctionner à sec. Il serait donc également raisonnable de qualifier ce type d'essai comme étant un essai de fonctionnement à sec. Ceci permet de dire qu'un hélicoptère qui satisfait aux exigences énoncées dans l'alinéa 29.927(c)(1), lequel exige de vidanger la BTP et de la laisser fonctionner pendant 30 minutes, aurait une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes.

Avant les premiers essais de certification, les documents promotionnels de Sikorsky indiquaient que le S-92A avait une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes. Cette information a été reprise par des exploitants potentiels, diverses revues spécialisées et des sources Internet. N'ayant pas pu démontrer que la BTP pouvait réussir l'essai de perte de lubrifiant, Sikorsky a modifié ses documents afin de préciser que le S-92A était capable de « voler en toute sécurité pendant trente minutes à la suite d'une fuite d'huile ». La formulation de cet énoncé était suffisamment proche de la formulation initiale, qui faisait explicitement état d'une capacité de fonctionnement à sec, pour faire croire que le S-92A avait une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes. De plus, certains faits tels que la comparaison commerciale qui précisait, en 2007, que les deux hélicoptères, l'EC225 et le S-92A, avaient une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes, montrent qu'au moins certains responsables commerciaux de Sikorsky ne savaient pas que cette capacité n'avait pas été atteinte pendant la certification, ou que certains documents commerciaux plus anciens n'avaient pas été actualisés à la suite de l'essai de perte de lubrifiant. Même si la diffusion de cette information commerciale a été limitée, elle aurait appuyé l'idée selon laquelle le S-92A était équipé d'une BTP ayant une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes.

À l'époque de l'accident, certaines personnes pensaient que le S-92A avait une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes. Cependant, au moins autant de personnes, sinon la majorité, ne se faisaient pas d'illusion sur la capacité de fonctionnement de la BTP du S-92A à la suite d'une perte d'huile de lubrification totale. Il est peu probable que des pilotes de S-92A expérimentés aient cru que le S-92A avait une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes, étant donné que cette information de performance critique ne figure dans aucun des manuels du S-92A ni dans les documents de formation. De même, lorsqu'on se penche sur les mesures prises par les pilotes, on constate qu'à aucun moment ils n'ont fait allusion au fait que la BTP du S-92A avait une capacité de fonctionnement à sec. Par contre, l'information explicite d'un RFM concernant la durée de fonctionnement approximative de la BTP à la suite d'une perte de lubrifiant pourrait aider les pilotes à prendre une décision en pareilles circonstances. Si les constructeurs n'indiquent pas clairement les performances des aéronefs en situation critique dans les manuels de vol (capacité de fonctionnement à sec par exemple), il est très probable que certains pilotes prendront des décisions basées sur des informations incomplètes ou inexactes dans les situations anormales et d'urgence.

2.4 Perte des données de l'enregistreur

De précieuses données du CVR et du FDR ont été perdues lors des dernières minutes avant l'impact. Cette perte de données a probablement été causée par l'interrupteur du détecteur d'écrasement, qui se ferme lorsqu'il est soumis à une impulsion de 5 g pendant 4 millisecondes, et encore plus rapidement lorsqu'il est soumis à des impulsions plus élevées. Même si les données du MPFR n'ont révélé aucune impulsion de 5 g ou plus juste avant la perte de puissance, la cause la plus plausible pour expliquer l'interruption de puissance du MPFR est que l'interrupteur a reçu une impulsion de 5 g ou plus suffisamment longtemps pour mettre sous tension le relais qui coupe l'alimentation du MPFR . L'alimentation du MPFR a été rétablie lorsqu'il y a eu une perte d'alimentation temporaire du bus batterie, alors que le régime rotor descendait au-dessous de 80 %, entraînant la désactivation des alternateurs principaux et l'activation de l'alternateur APU , ce qui a mis hors tension le relais pendant la coupure de courant momentanée. Le fait d'utiliser des interrupteurs détecteurs d'écrasement pour couper l'alimentation d'un CVR ou d'un ensemble combiné CVR / FDR entraînera encore probablement des pertes de données CVR ou CVR / FDR potentiellement précieuses, privant ainsi les enquêteurs de paramètres importants pour leur travail.

2.5 Procédures d'urgence et gestion de telles situations

2.5.1 Généralités

Pour mieux comprendre ce qui s'est passé avec le vol CHI91 , il est important d'analyser les procédures anormales et d'urgence énoncées dans le RFM , les SOP de Cougar Helicopters et la liste de vérifications du S-92A. Il est tout aussi important d'examiner les mesures prises par l'équipage et de déterminer si la façon de traiter la situation d'urgence a joué un rôle dans l'accident. L'analyse compare les mesures prises par l'équipage avec les procédures et les pratiques approuvées et recommandées par le RFM , en ce qui a trait à la gestion des situations d'urgence en mer.

La rubrique 2.6 contient une analyse détaillée de la gestion des ressources de l'équipage spécifique à ce vol.

2.5.2 Procédures anormales et procédures d'urgence

En situation anormale, il se peut que les pilotes aient le temps de consulter la procédure applicable avant de prendre des mesures correctives. En situation d'urgence, les délais sont plus problématiques. Les interventions immédiates de la procédure d'urgence devraient donc être clairement identifiées comme étant des vérifications de mémoire. Même s'il s'avère préférable de réduire le nombre de vérifications de mémoire du pilote, avant de supprimer quelque étape que ce soit, il faut bien tenir compte des conséquences qui pourraient découler de la nécessité de consulter une liste de vérifications avant d'agir. S'il n'est pas raisonnable de demander à un pilote de commencer par consulter la procédure d'urgence appropriée avant de prendre une mesure donnée, dans ce cas, il est probablement justifié de considérer la mesure en question comme une vérification de mémoire. Lorsque le message d'alarme rouge MGB OIL PRES est activé, les pilotes ne disposeraient pas du temps nécessaire pour consulter la procédure applicable en cas de mauvais fonctionnement de la BTP , pour lire au complet les étapes pertinentes de la procédure et activer le circuit de dérivation dans un délai de cinq secondes. La décision de ne pas qualifier des interventions immédiates comme étant des vérifications de mémoire dans la procédure à suivre en cas de panne de la BTP du S-92A est contraire aux principes de conception élémentaires des procédures d'urgence et peut retarder l'exécution de mesures vitales pour la poursuite sécuritaire du vol.

L'automatisation des systèmes d'urgence libère des ressources mentales que les pilotes peuvent consacrer à d'autres étapes de procédure et à la gestion globale de la situation. Comme le montre le présent accident, marqué par l'activation tardive du circuit de dérivation d'huile de la BTP , l'automatisation pourrait également réduire les risques d'oublier ou d'appliquer tardivement des mesures anormales ou d'urgence, lesquels risques sont liés aux limites de traitement mental des informations ou aux distractions extérieures. La décision de ne pas automatiser l'activation des systèmes d'urgence, tel que le circuit de dérivation d'huile de la BTP du S-92A, augmente les risques d'oubli ou d'application tardive de mesures critiques.

L'avis de sécurité A990002 du BST a considéré le manque de normalisation des directives d'atterrissage en cas de situation anormale et d'urgence comme étant une lacune en termes de sécurité. Bien que la CBAAC 0163 consécutive ait recommandé aux exploitants de revoir ces directives, elle n'a pas fait mention de la directive « atterrir immédiatement ». De plus, aucune norme réglementaire n'a établi de définitions communes; par conséquent, il existe une multitude de directives d'atterrissage différentes. Le pilote endosse donc la lourde responsabilité d'interpréter et d'évaluer le sens de la définition en tenant compte de la gravité de la situation. Si la directive n'est pas explicite, elle risque d'être mal interprétée par les pilotes lors d'une situation anormale ou d'urgence. L'emploi des termes « obligatoire » et « doit » dans les définitions d'« atterrir immédiatement » qui figurent dans les manuels d'autres hélicoptères fait de cette consigne une ligne de conduite très directive pour le pilote et elle appuie le processus de prise de décision de ce dernier. La définition de la directive « atterrir le plus tôt possible » qui figure dans le RFM du S-92A a un caractère directif et exige clairement du pilote qu'il pose son appareil sur le site le plus près offrant le plus de sécurité. En revanche, la définition de la directive « atterrir immédiatement » du RFM du S-92A contenait les formules « peut ne pas » et « préférable », et elle était plus suggestive que la définition « atterrir le plus tôt possible ». Le caractère subjectif de la définition de la directive « atterrir immédiatement » suppose sans doute que le pilote décide lui-même s'il faut atterrir ou amerrir ou poursuivre le vol. L'absence de normes établies concernant les définitions des directives d'atterrissage employées dans les procédures liées à des situations anormales et d'urgence peut donner lieu à une interprétation fautive des définitions en question.

2.5.3 Manuel de vol du S-92A

La procédure applicable au modèle S-61 de Sikorsky en cas de panne de la BTP demande au pilote de déterminer rapidement la nécessité d'« atterrir immédiatement ». Elle évite ainsi tout délai inutile lors d'une situation potentiellement critique et reste cohérente avec les principes de conception des listes de vérifications reconnus, qui suggèrent de traiter d'abord la situation la plus critique avant de tenir compte des conditions les moins critiques.

Dans le RFM du S-92A, les vérifications applicables en cas de panne de la BTP et de messages critiques (rouges) et non critiques (jaunes) sont regroupées dans une seule procédure, les pannes les moins critiques étant situées au début de la procédure, tandis que les plus critiques se trouvent à la fin. La décision de modifier l'ordre des procédures applicables en cas de panne de la BTP du S-92A semble avoir été fondée sur les évaluations du constructeur, selon lesquelles une panne non critique de la BTP précèderait ou serait plus probable qu'une panne urgente. Cette approche peut se traduire par des retards inutiles, car l'équipage doit d'abord exécuter les actions non critiques de la procédure avant d'atteindre la procédure applicable en cas de panne critique. Le regroupement de procédures anormales et d'urgence en une seule procédure, d'abord axée sur une situation anormale, augmente les risques d'oubli ou d'application tardive des mesures d'urgence critiques.

Dans le RFM , le préambule de la section traitant des pannes de la transmission demande aux pilotes de consulter les indicateurs de température d'huile et de pression de la BTP , ainsi que le détecteur de particules associé, pour déterminer si la BTP a un problème de fonctionnement. Dans le même ordre d'idée, l'étape de confirmation de la procédure à suivre en cas de défaillance du circuit de lubrification de la BTP demande aux pilotes de vérifier la température d'huile de la BTP . Dans le reste de la procédure, il est demandé aux pilotes de surveiller en permanence toute augmentation de la température d'huile de la BTP et/ou l'apparition éventuelle de message d'avertissement MGB OIL HOT. Le document informe également les pilotes qu'ils doivent s'attendre à une augmentation de la température d'huile de la BTP après l'activation du circuit de dérivation d'huile de la BTP . L'importance donnée à la température d'huile de la BTP a incité les pilotes à croire que la température d'huile de la BTP augmenterait s'ils étaient en présence d'une véritable panne du circuit de lubrification de la BTP . Le RFM n'a pas décrit les symptômes d'une perte d'huile de BTP totale (qui signifierait qu'on ne peut pas se fier à la sonde humide de température immergée) ou d'une panne de pompe à huile de la BTP . Par conséquent, les pilotes se sont considérablement fiés à l'affichage de température d'huile de la BTP , qui ne donnait pas les paramètres attendus. Pour justifier l'absence de changement de température, les deux pilotes ont supposé qu'ils étaient victimes d'une défaillance de capteur ou d'une défaillance de pompe à huile de la BTP . La procédure à suivre en cas de défaillance du circuit de lubrification de la BTP , telle qu'elle est décrite dans le RFM du S-92A, était équivoque et n'explicitait pas suffisamment les symptômes liés à une perte d'huile de la BTP et à une panne de pompe à huile. Ce manque de précision a conduit l'équipage à penser, à tort, qu'une pompe à huile ou un capteur défectueux était à l'origine du problème, et à conclure que l'amerrissage pouvait être différé.

Le RFM a indiqué qu'une perte d'entraînement du rotor principal ou de queue pouvait être due à un mauvais fonctionnement de la BTP pour faciliter la prise de décision des pilotes et préparer ces derniers aux conséquences qui pourraient découler d'une panne de la BTP.

Le RFM du S-92A n'a pas fourni aux pilotes une durée de temps de vol maximum recommandée à la suite d'une perte de lubrifiant. Les pilotes ne disposaient donc d'aucune directive écrite ou aide-mémoire précisant que l'aéronef ne serait probablement pas capable de poursuivre son vol en toute sécurité au-delà de 10 minutes en cas de perte de lubrifiant. Si les constructeurs n'indiquent pas clairement les performances des aéronefs en situation critique dans les manuels de vol, le risque est plus grand que certains pilotes prennent des décisions basées sur des informations incomplètes ou inexactes dans les situations anormales et d'urgence.

Dans un hélicoptère tel que le S-92A, où l'indication de pression et les messages d'avertissement et d'alarme sont générés par deux sources distinctes, l'indicateur de pression constitue une indication secondaire faisant suite à l'illumination d'un voyant d'avertissement ou d'alarme de pression d'huile. De plus, sur le S-92A, les indications de température d'huile de la BTP sont fournies par une sonde immergée. Pour les pilotes, ces deux éléments d'information sont des paramètres critiques qui peuvent l'aider à analyser une condition de perte de lubrifiant. Même s'il existe des limites en ce qui concerne le nombre de données techniques qu'un pilote devrait obligatoirement connaître, les constructeurs et les exploitants doivent s'assurer que les pilotes comprennent parfaitement la signification des indications anormales ou d'urgence et tout message d'avertissement ou d'alarme associé. Une connaissance inappropriée des systèmes augmente le risque que les pilotes s'appuient sur des connaissances acquises antérieurement en conditions anormales et d'urgence. Ce raisonnement peut donner lieu à une erreur d'interprétation involontaire concernant les symptômes liés au mauvais fonctionnement d'un système.

Les directives qui figurent dans le préambule de la section du RFM consacrée aux cas de mauvais fonctionnement de la BTP sont cohérentes avec les pratiques et normes industrielles acceptées. Même si le RFM recommande aux pilotes de voler à la vitesse qui nécessite le minimum de puissance, il ne mentionne pas une vitesse particulière (p. ex. vitesse de finesse ou vitesse L/D maximale) dans la section en question. De même, le RFM ne recommande pas une plage de « réglage de puissance réduite » aux pilotes. En l'absence de formation antérieure, d'expérience ou de connaissances propres à l'entreprise, il se peut que les pilotes aient de la difficulté à déterminer la combinaison couple/vitesse optimale pour une situation donnée à la suite d'un problème de fonctionnement du circuit de lubrification de la BTP . Dans le cas de l'accident du vol CHI91 , le manque d'information a pu avoir une incidence négative sur le processus de prise de décision du commandant de bord en ce qui concerne le profil du vol, ainsi que sur l'évaluation des risques découlant d'un amerrissage ou de la poursuite du vol. Le manque de directives et de recommandations précises dans le RFM , concernant la vitesse et le réglage de couple optimum, pourrait inciter le pilote à opter pour un profil de vol qui accélère la défaillance d'une boîte de transmission.

Le manque de directives formelles pousse les pilotes à faire appel à des expériences passées ou à des suppositions lorsqu'il s'agit de choisir un profil de vol approprié en présence d'une défaillance de transmission imminente potentielle. Même si les connaissances de l'entreprise sont précieuses, lorsqu'elles ne figurent dans aucun document, elles risquent de se perdre au fil du temps en raison de la mobilité du personnel. Dans le cas d'une situation d'urgence en mer, la fiabilité des hélicoptères modernes peut conduire à un manque de dialogue entre pilotes au sujet de la marche à suivre face à la situation d'urgence, ce qui peut entraîner une perte des connaissances de l'entreprise. À défaut d'incorporer les leçons tirées d'expériences antérieures dans les procédures et manuels en vigueur, les pilotes risquent fort de manquer d'informations utiles pour gérer en toute sécurité les scénarios d'urgence.

2.5.4 Procédures d'opération normalisées et liste de vérifications pilote du S-92A de Cougar Helicopters

Conformément aux exigences réglementaires, Cougar Helicopters possédait un RFM , une liste de vérifications pilote du S-92A et des procédures d'opération normalisées (SOP). Plusieurs procédures anormales et d'urgence du S-92A se répétaient dans chacun de ces documents. La mise en parallèle des trois types de publication a mis en lumière plusieurs différences de procédures. La plupart de ces différences avait un caractère plutôt mineur. Par contre, la procédure des SOP applicable en cas de défaillance du circuit de lubrification de la BTP présentait des différences majeures par rapport à la procédure décrite dans le RFM utilisé. De plus, la liste de vérifications du S-92A en vigueur au moment de l'accident ne faisait pas mention des dernières modifications apportées au RFM , comme le montre l'étape de confirmation qui demande au pilote de vérifier que la pression d'huile de la BTP est au-dessous de 35 lb/po². L'utilisation de publications non actualisées (RFM, SOP et listes de vérifications) accentue les risques d'oubli ou d'application tardive de certaines étapes critiques des procédures approuvées.

2.5.5 Gestion de la situation d'urgence par l'équipage du vol CHI91

Les pilotes du vol CHI91 ont été confrontés à une situation d'urgence critique rare. Au lieu de faire face à des symptômes auxquels ils auraient pu s'attendre, les pilotes ont reçu des indications qui s'éloignaient de ce qu'ils avaient appris lors de la formation initiale et périodique. Le jour de l'accident, les pilotes n'ont pas cerné avec précision les raisons de la perte complète de pression d'huile de la BTP , ce qui les a conduits à prendre certaines décisions concernant le profil de vol de l'hélicoptère. L'équipage a notamment poursuivi le vol après avoir reconnu qu'il se trouvait à l'étape « atterrir immédiatement » de la procédure d'urgence. Par la suite, il a adopté un profil de vol qui a mis en danger tous les occupants de l'appareil. Pendant les dernières secondes du vol, les pilotes ont eu du mal à maîtriser l'hélicoptère après la perte d'entraînement du rotor de queue, ce qui a contribué à la gravité de l'impact, lequel a détruit l'hélicoptère et l'a fait couler rapidement.

La décision initiale de l'équipage de retourner vers la côte et d'entamer une descente était juste étant donné les premières indications de mauvais fonctionnement de la BTP . Pendant la partie initiale de la descente, les deux pilotes ont considéré l'amerrissage comme étant une forte probabilité, comme en témoignent les échanges avec l' ATC , la demande de sortie de train, qui est le premier élément de la procédure d'amerrissage, et les commentaires concernant la préparation des combinaisons de survie.

Le RFM prévoit que [Traduction] « la descente doit se faire avec un réglage de puissance réduit, mais avec suffisamment de couple pour entraîner la transmission » en vue de l'atterrissage. Le commandant de bord a amorcé la descente en réduisant la puissance de croisière et en sélectionnant un couple d'environ 32 %. Ce réglage de puissance est conforme aux directives du RFM , qui ne mentionne pas de valeur de consigne. Il est également cohérent, même si c'est dans les valeurs limites supérieures, avec une plage de réglage de puissance pour profil de descente généralement acceptée lorsqu'on soupçonne un problème de fonctionnement de la transmission. Il est peu probable que les valeurs de couple choisies pendant la descente initiale aient accéléré la défaillance de l'entraînement du rotor de queue.

Le RFM demande aussi aux pilotes de [Traduction] « voler à une vitesse nécessitant un réglage de puissance minimum ». Le jour de l'accident, l'hélicoptère a été stabilisé à 120 nœuds, soit 40 nœuds au-dessus de la vitesse mentionnée comme étant une vérification de mémoire dans la liste de vérifications du S-92A (Procédures de descente d'urgence) et de la vitesse de finesse maximale de 80 nœuds. Une vitesse supérieure à la vitesse de finesse maximale implique un réglage de couple plus élevé. La combinaison d'une vitesse et d'un couple supérieurs à ce qui est prévu peut imposer des contraintes supplémentaires à une boîte de transmission potentiellement défectueuse et placer l'hélicoptère dans une situation qui ne permettra peut-être pas d'effectuer un atterrissage ou un amerrissage contrôlé rapidement.

La première mention relative à la nécessité d'activer le circuit de dérivation est intervenue environ 7 secondes après le délai maximum admissible de 5 secondes. L'activation effective du circuit de dérivation a été retardée de 77 secondes en raison de la priorité plus élevée accordée aux échanges avec l' ATC et la régulation des vols de la compagnie. Toutefois, compte tenu de la nature de la fuite qui s'est produite sur le CHI91 , l'activation tardive de l'interrupteur du circuit de dérivation d'huile de la BTP n'a pas constitué un facteur contributif dans l'accident.

Le PF a coordonné les premières étapes de la procédure d'urgence en demandant au PNF de trouver la liste de vérifications et de repérer la mesure à prendre. Mais le PNF a eu du mal à trouver la mesure d'urgence appropriée, et rien ne montre que le PF a aidé le PNF à trouver la page en question. Tout comme l'équipage de l'hélicoptère de CHC , il est probable que les pilotes du vol CHI91 n'aient jamais remarqué l'illumination momentanée du message d'alarme jaune MGB OIL PRES. Si l'un des pilotes avait détecté l'illumination du message, son attention se serait immédiatement réorientée vers le problème associé. Il est probable que le PNF ait consulté le dos de la liste de vérifications et qu'il ait utilisé les libellés des mises en garde et des avertissements pour essayer de repérer la page de procédure appropriée.

Dans le simulateur, les pilotes ont été entraînés à attendre un certain laps de temps entre l'activation du voyant d'avertissement et celui du voyant d'alarme. Il est donc probable que le PNF n'ait jamais été amené à repérer le voyant rouge MGB OIL PRES. Du coup, il ne savait pas que l'alarme ne figurait pas dans les libellés des mises en garde et des avertissements, qui sont énoncés au dos de la liste de vérifications. L'absence de réaction du PF laisse également croire que ce dernier ne savait pas non plus que l'alarme ne figurait pas parmi les libellés. Ces lacunes ont retardé le repérage de la page de liste de vérifications appropriée. Comme ils n'étaient pas en mesure de repérer le message d'alarme rouge MGB OIL PRES dans les titres, les pilotes ont sûrement consacré du temps supplémentaire à vérifier une deuxième fois les diverses alarmes de mise en garde et d'avertissement au cas où ils auraient manqué l'information la première fois. On ne sait pas exactement comment le PNF a fini par trouver la page appropriée. Il est possible que le PNF l'ait trouvée en repérant d'abord le message de mise en garde dans les titres et qu'il ait subséquemment consulté la procédure associée en feuilletant la section correspondante de la liste de vérifications du S-92A ou en la localisant dans les RFM , qui se trouvaient derrière les sièges de l'équipage. Comme l'a montré le présent accident, l'omission d'un message d'avertissement ou d'alarme dans une liste de référence rapide peut retarder le repérage de la mesure anormale ou d'urgence correspondante dans la liste de vérifications pilote.

Le PNF n'utilisait pas la version la plus récente du RFM , de la liste de vérifications pilote du S-92A ou des SOP de Cougar Helicopters. Il a dû utiliser une version antérieure de la procédure du RFM ou un exemplaire personnel modifié de la liste de vérifications. Pourtant, seules des différences mineures ont été relevées entre la procédure exécutée par les pilotes et la procédure du RFM pertinente. Cet écart n'a pas été considéré comme étant un facteur contributif dans l'accident.

Les pilotes ont mal diagnostiqué l'urgence, car ils connaissaient mal le circuit de lubrification de la BTP et ils s'attendaient trop à ce qu'une perte d'huile entraîne une augmentation de la température de l'huile. Par exemple, les discussions entre les pilotes concernant la possibilité d'un problème de pompe et d'une lubrification par barbotage indiquent que les pilotes ne se souvenaient pas que la BTP de l'hélicoptère était équipée de deux pompes à huile indépendantes. De même, à plusieurs reprises, les pilotes ont fait allusion à la température d'huile de la BTP et au fait que comme elle n'augmentait pas, il devait toujours y avoir de l'huile dans le circuit de lubrification. Les pilotes se sont donc fiés, à tort, à la température d'huile de la BTP , qu'ils ont considérée comme étant l'indication secondaire d'une défaillance de BTP imminente. Cette réaction montre la présence d'une faille potentielle dans les connaissances du circuit de lubrification de la BTP ou dans la formation des pilotes.

Lorsque l'on conçoit une formation portant sur des hélicoptères modernes comme le S-92A, l'un des défis consiste à déterminer l'ampleur des connaissances qu'il faut transmettre aux pilotes concernant les systèmes. Cette question a été abordée dans les NSAC et reprise dans le MEC de Cougar Helicopters, lequel précise que la formation sur les systèmes de bord devrait se limiter aux composants ou systèmes directement commandés par l'équipage de conduite. Cette philosophie d'apprentissage compense les risques liés à une connaissance limitée des systèmes par le respect des procédures approuvées. Cette démarche peut cependant poser des problèmes, lorsque les pilotes se trouvent confrontés à une situation dans laquelle ils se sentent contraints, du fait des risques liés à l'exécution de la procédure, de prendre en compte une autre option. Si un pilote cerne mal le circuit en cause, il se peut qu'il prenne une décision basée sur des renseignements imprécis ou incomplets et qu'il accentue ainsi le danger qui pèse sur les pilotes et les passagers. En conséquence, le contenu de la formation initiale et périodique doit être défini avec circonspection, le but étant de ne pas oublier les renseignements critiques qui permettent aux pilotes de diagnostiquer un mauvais fonctionnement ou une urgence. Le PTM du S-92 mentionnait bien la présence de deux pompes à huile de BTP , mais la formation consacrée aux composants du circuit de lubrification de la BTP était peut-être trop superficielle et cela explique sans doute les difficultés de diagnostic et de dépannage auxquels les pilotes ont été confrontés. Quelques incohérences ont été relevées entre le programme de formation approuvé au centre FSI et la présentation actuelle du circuit de la BTP telle qu'on la trouve dans les révisions à jour du RFM (qui fait notamment état de la pression d'huile que l'on devrait constater à la suite de la panne d'une pompe). Même si Sikorsky savait, dès 2005, que la panne d'une pompe ferait varier la pression d'huile entre 5 et 25 lb/po² et qu'elle provoquerait l'activation du voyant d'avertissement rouge MGB OIL PRES, le PTM a continué de préciser que la pression d'huile ne chuterait que jusqu'à la partie inférieure du secteur vert (environ 45 lb/po²). Il n'a pas été possible d'établir la raison pour laquelle ces incohérences n'ont pas été décelées par le personnel de Sikorsky chargé de surveiller le programme de formation du S-92.

Les deux pilotes ont reconnu avoir atteint l'étape de la directive « amerrir immédiatement » qui figure dans le RFM et la liste de vérifications du S-92A, mais ils n'ont pas considéré la pression d'huile de la BTP inférieure à 5 lb/po² comme étant l'indication secondaire fiable d'une panne de BTP imminente. Cette lacune est probablement imputable à la formation qu'ils ont reçue et à la croyance généralement acceptée selon laquelle une indication secondaire devrait être un élément quelque peu différent du problème identifié au départ. Les pilotes avaient appris, lors de la formation initiale et périodique sur simulateur S-92A, qu'une défaillance de boîte de transmission serait progressive et systématiquement précédée de bruits et de vibrations. Ce facteur a sans doute contribué à la prise de décision du commandant de bord de poursuivre le vol en direction de CYYT.

La décision de se mettre en palier à 800 pieds, d'augmenter la puissance jusqu'à un couple d'environ 73 % et de voler à 135 KIAS en direction de la côte est en contradiction avec le RFM , qui conseille au pilote de descendre à une altitude à partir de laquelle il est possible d'effectuer un atterrissage/amerrissage rapide avec un changement de puissance minimal et de voler à une vitesse nécessitant une puissance minimale. À 800 pieds asl , une vitesse de 82 KIAS se serait traduite par une puissance minimale pour un vol rectiligne en palier et par un couple d'environ 47 %. Le choix du profil de vol était également contraire à la procédure de descente d'urgence décrite dans la liste de vérifications, laquelle demande de mettre l'hélicoptère en palier à 200 pieds en préparation d'un atterrissage/amerrissage forcé éventuel. Le jour de l'accident, il s'est écoulé environ 22 secondes entre le moment où les pilotes ont compris que la BTP subissait une défaillance et le moment où ils ont perdu l'entraînement du rotor de queue. À 800 pieds asl d'altitude et à une vitesse de 135 KIAS , les pilotes disposaient de suffisamment de temps pour faire un amerrissage contrôlé avant de perdre l'entraînement du rotor de queue. Au lieu de poursuivre la descente et d'amerrir conformément aux consignes du RFM , les pilotes ont mis l'hélicoptère en palier à 800 pieds asl , en utilisant un réglage de puissance et une vitesse supérieurs à ce qui était exigé. Ce choix a probablement accéléré la perte d'entraînement du rotor de queue et considérablement réduit la probabilité de réussir un amerrissage contrôlé.

La descente finale a été amorcée environ 3,5 minutes après la mise en palier de l'hélicoptère à 800 pieds asl . Le début des variations du régime rotor, l'illumination momentanée du voyant du frein rotor et la perte d'alimentation électrique du MPFR ont probablement coïncidé avec le début de la défaillance du pignon d'entraînement du rotor de queue, qui a finalement causé la perte d'entraînement de ce rotor. Étant donné que la pression d'huile de la BTP était descendue au-dessous de 5 lb/po² avant la descente finale, et qu'il n'était pas nécessaire d'augmenter la puissance pour maintenir l'altitude, les pilotes ont dû recevoir quelques autres indications secondaires (p. ex. bruits plus intenses, retour des commandes ou vibrations) qui les ont poussés à amorcer la descente finale à partir de 800 pieds. Même si on ne connaît pas la nature exacte de ces indications secondaires en raison de la coupure d'alimentation du MPFR , elles ont été suffisamment alarmantes pour que l'équipage abaisse immédiatement le collectif et commence à descendre jusqu'à la surface de l'eau. Au début de la descente, la sollicitation des commandes correspond à une mise en descente et une décélération en vue d'un amerrissage droit devant.

À la suite du mouvement de lacet qui s'est produit à 9 h 55 min 25, le PF a augmenté le taux de descente en abaissant encore le collectif jusqu'à un couple d'environ 17 %, ce qui démontre que les pilotes ont compris que la situation se dégradait. Le virage à gauche qui a été amorcé était probablement une tentative visant à orienter l'hélicoptère dans le vent pour la descente finale et l'approche en vue de l'amerrissage. Lorsque l'hélicoptère est sorti du virage à gauche, le pilote a adopté une assiette de cabré maximale de 14 degrés dans le but de réduire la vitesse excessive, qui était d'environ 110 nœuds et qui allait en diminuant.

Le lacet à droite non sollicité à un taux d'environ 3,5 degrés par seconde et le roulis simultané à droite corroborent la perte de contrôle en lacet et la perte d'entraînement du rotor de queue. Les pilotes ont corrigé la situation en poussant le cyclique à gauche et en donnant un coup de palonnier à gauche, ce qui a momentanément remis l'hélicoptère dans une assiette quasi horizontale alors qu'il descendait vers la surface de l'eau. La sollicitation accrue du collectif qui a suivi l'amorce de lacet à droite montre que le PF n'a probablement pas pris conscience immédiatement de la perte d'entraînement du rotor de queue, car la réaction appropriée en cas de perte de poussée du rotor de queue serait d'abaisser le collectif pour réduire le couple, ce qui réduirait la tendance au lacet à droite. Par ailleurs, cette augmentation du collectif a temporairement réduit le taux de descente, ce qui a considérablement retardé la descente.

Le début du lacet à droite à un taux élevé (de l'ordre de 20 degrés par seconde), conjugué à des mouvements d'assiette et de roulis, concorde avec une perte de poussée totale du rotor de queue, tel que cela est décrit dans le RFM du S-92A. Une telle situation relèverait du défi pour n'importe quel pilote, mais dans ce cas, il se peut que la vitesse et le réglage de puissance relativement élevés au moment de la perte de poussée aient eu un effet déstabilisateur sur l'hélicoptère, en accentuant les mouvements autour des axes de tangage et de roulis. Alors qu'il réagissait à ces changements d'assiette rapides, le PF a eu du mal à garder la maîtrise de l'hélicoptère et a sollicité brusquement le cyclique et le palonnier pour essayer de rétablir l'assiette de l'appareil. Le fait de solliciter en continu et à fond le palonnier gauche n'aurait produit aucun effet sur un hélicoptère dont le rotor de queue ne fournissait plus de poussée. Cette sollicitation relève probablement de l'instinct, le pilote ayant à tout prix voulu sortir son appareil du lacet à droite non contrôlé. La sollicitation du cyclique à droite en réponse au mouvement de roulis soudain à gauche a certainement été conditionnée par le stress de la situation. Reste que cette sollicitation excessive du cyclique à droite a précipité l'hélicoptère dans un roulis à droite.

Il est peu probable que les deux pilotes aient eu l'occasion de parler des mesures à prendre pendant les quelques secondes qui ont suivi la perte de poussée du rotor de queue. Contrairement à ce que prévoit la procédure du RFM en cas de perte de poussée du rotor de queue, les moteurs ont été coupés avant de réduire le collectif en vue d'entrer en autorotation, ce qui montre que l'arrêt des moteurs n'a pas été coordonné adéquatement par les pilotes. Les pilotes ont coupé les gaz avant d'abaisser le collectif en réponse à la perte de poussée du rotor de queue. Le régime du rotor principal a donc chuté considérablement.

Alors que l'hélicoptère approchait les 400 pieds au-dessus de l'eau, les mouvements autour des axes de roulis, de tangage et de lacet ont dépassé de beaucoup les mouvements prévus dans le RFM , ce qui a rendu l'hélicoptère instable sur les axes de tangage et de roulis. Cette instabilité aurait considérablement augmenté la charge de travail des pilotes au moment même où ils tentaient une descente en autorotation. Les encouragements du copilote entendus par radio en sont d'ailleurs la preuve. Il est probable que le copilote a actionné involontairement le microphone du cyclique alors qu'il aidait le commandant de bord à tenir les commandes de l'hélicoptère pour surmonter les mouvements de tangage et de roulis et stabiliser l'autorotation de l'appareil. Les pilotes ont réussi à redresser l'inclinaison prononcée à droite sur un cap d'approche finale vent arrière, avec un régime rotor au-dessous de la plage minimale acceptable, une vitesse indiquée faible et une vitesse sol relativement élevée. L'hélicoptère s'est retrouvé dans une situation critique caractérisée par un taux de descente qui augmentait rapidement.

Voyant la surface de l'eau se rapprocher à grande vitesse, les pilotes ont dû être soumis à une certaine tension, ce qui a probablement amené le PF à lever le collectif et tirer sur le cyclique pour réduire la vitesse sol perçue et la vitesse de rapprochement avec l'eau. Cette intervention expliquerait le régime rotor et la vitesse peu élevés de l'appareil ainsi que la mauvaise estimation de la hauteur au moment d'entamer l'arrondi en autorotation. À la hauteur d'arrondi normale de 100 pieds, la vitesse indiquée était bien inférieure aux 85 KIAS minimum recommandés par le RFM . Le régime du rotor principal était lui aussi descendu à 81 %, ce qui est bien inférieur à la limite minimale moteur coupé de 95 % et au régime rotor recommandé de 105 %. Le faible régime du rotor principal et la vitesse peu élevée se seraient traduits par une perte de maîtrise des commandes importante et par une énergie cinétique faible au moment d'effectuer l'arrondi en autorotation et de solliciter le collectif en vue de l'amerrissage. En temps normal, la vitesse et le régime rotor constatés avant l'arrondi sont adoptés pendant les étapes finales de l'amortissement qui précèdent l'atterrissage en autorotation. Vu les conditions de vent arrière, la vitesse peu élevée de l'hélicoptère et le régime rotor très bas, la sollicitation précoce du collectif et du cyclique durant l'approche finale a fait chuter la vitesse de rotation du rotor principal à un point tel que les pales ont probablement décroché. Le taux de descente de l'hélicoptère a dû augmenter considérablement durant les dernières secondes qui ont précédé l'impact, ce qui a dû rendre toute manœuvre de redressement impossible à réaliser. Les pilotes ont eu du mal à maîtriser l'hélicoptère après l'arrêt des moteurs, ce qui placé l'hélicoptère dans une descente en autorotation vent arrière avec un régime rotor et une vitesse bien inférieurs aux limites mentionnées dans le RFM . Cette configuration a fait augmenter le taux de descente de manière excessive et a empêché toute possibilité de redresser l'appareil avant l'impact.

2.6 Gestion des ressources de l'équipage

2.6.1 Règlementation canadienne relative à la CRM

La réglementation actuelle exige que seuls les exploitants relevant de la sous-partie 705 du RAC dispensent une formation en gestion des ressources de l'équipage ( CRM ). Cette restriction est fondée uniquement sur la taille des aéronefs et leur capacité en passagers; elle ne prend pas en compte la complexité et l'utilisation des aéronefs. Les exploitants relevant des sous-parties 703 et 704 du RAC ne sont pas tenus de dispenser des cours de CRM . Certains exploitants organisent cette formation de leur propre chef. L'enquête a permis de déterminer que cette formation volontaire n'intègre pas forcément les notions de CRM les plus à jour. Il y a donc de fortes chances pour que les équipages qui travaillent en vertu des RAC 703 et 704 présentent des lacunes en matière de CRM.

Certains programmes de Transports Canada ( PAQ , PVA et MPL par exemple) reconnaissent clairement l'importance des cours actuels en CRM , lesquels englobent la gestion des menaces et des erreurs, pour la formation du personnel et les opérations. Malgré cette percée, la NSAC 725.124(39) n'a pas été révisée de manière à tenir compte des dernières améliorations en formation CRM , ce qui dénote un manque de cohérence de TC en ce qui touche la formation en CRM . Cette incohérence semble liée à la décision que TC a prise en 2003 et qui a consisté à mettre un terme à la CRM et aux autres ateliers du même genre afin de « réorienter les énergies et les ressources vers les nouvelles priorités », que sont les SGS et les incursions sur piste. Il semblerait que ces priorités aient relégué au second rang les initiatives de TC en matière de CRM . Même si TC continue de mettre des documents à la disposition du public sur son site Web, il accuse au moins deux ou trois générations de retard par rapport aux programmes de formation en CRM modernes, qui incluent la gestion des menaces et des erreurs. De plus, les exigences relatives aux cours de CRM périodiques n'obligent pas à réviser les matières de la formation en CRM élémentaire initiale, ce qui peut entraîner une altération des connaissances mémorisées et un retour à des comportements appris antérieurement. Les exploitants visés par la sous-partie 705 du RAC sont tenus de faire approuver leurs programmes de formation en CRM par TC , mais les programmes en question sont simplement mis en parallèle avec les éléments répertoriés dans la norme. Ils ne sont pas comparés avec des normes strictes permettant de vérifier la qualité du contenu de chaque module de formation. Les exigences sont encore moins sévères à l'égard des exploitants visés par les sous-parties 703 et 704 du RAC qui dispensent de leur plein gré une formation en CRM , ces derniers n'étant pas tenus de faire approuver leurs programmes par TC . La règlementation et les normes actuelles régissant la formation en CRM applicable aux exploitants visés par le RAC 705 n'ont pas été actualisées de manière à tenir compte de la dernière génération de formation en CRM. En conséquence, les équipages de conduite formés selon ces normes risquent de ne pas connaître les dernières techniques de gestion des menaces et des erreurs.

À la différence du Royaume-Uni, le Canada n'exige pas que les instructeurs en CRM soient soumis à un processus d'accréditation. TC ne dispose donc actuellement d'aucun moyen pour évaluer la qualité de l'instruction en CRM dispensée au Canada. Selon la structure réglementaire en vigueur, le contenu et la qualité de la formation en CRM canadienne dépendent essentiellement des individus et des organismes qui donnent la formation. En l'absence d'un niveau de surveillance réglementaire approprié, il est difficile de s'assurer que la CRM est enseignée conformément à une norme acceptable. Étant donné que les compétences des instructeurs en CRM canadiens ne sont régies par aucune norme, les équipages de conduite risquent de ne pas suivre une formation optimale.

2.6.2 Formation en CRM à Cougar Helicopters

Le fait que Cougar Helicopters veuille mettre en place volontairement un programme de formation en CRM initiale et périodique pour tous ses pilotes, et ce, en dehors de toute obligation réglementaire, démontre un attachement inconditionnel à la sécurité. L'ajout d'une formation en CRM et l'évaluation des compétences en CRM pendant la formation sur simulateur constituent un excellent moyen de consolider les connaissances en CRM enseignées et augmentent les probabilités que de telles connaissances soient mises en pratique dans le poste de pilotage. L'obligation de participer à un atelier CRM complet interne tous les deux ans permet aussi de s'assurer que les compétences en CRM primordiales sont bien assimilées. Cet atelier donne également l'occasion d'aborder différents points de vue sur la CRM en dehors du poste de pilotage.

Aucun des deux pilotes n'avait participé à un atelier CRM interne de Cougar Helicopters récemment. Le commandant de bord n'avait pas suivi d'atelier au cours des 3,5 dernières années; le copilote n'avait pas suivi d'atelier au cours des 10 mois durant lesquels il a été employé par la compagnie. Par contre, les deux pilotes ont assimilé certaines connaissances en CRM actualisées pendant leurs séances sur simulateur. Le contenu de la formation en CRM dispensée aux deux pilotes par FSI consistait en un module CRM abrégé qui abordait un nombre de documents limité en une courte période de temps. Il est peu probable que la séance de 2 heures ait pu donner aux pilotes l'occasion de consolider des réflexes de CRM susceptibles d'être mis en pratique efficacement dans le poste de pilotage. L'absence de formation en CRM moderne et actualisée a sans doute contribué aux problèmes de communication et de prise de décision éprouvés par les pilotes du vol CHI91.

2.6.3 Questions relatives à la CRM du vol CHI91

2.6.3.1 Gestion des tâches et de la charge de travail

Avant l'indication initiale de la pression d'huile de la BTP , le PF et le PNF exécutaient leurs tâches dans le respect des pratiques recommandées par l'industrie et la compagnie. Lorsque l'équipage a pris connaissance de l'alarme de pression d'huile de la BTP , la répartition des tâches de l'équipage n'a plus respecté les meilleures pratiques acceptées en matière de CRM .

Contrairement aux techniques de délégation de tâches recommandées par les SOP de Cougar Helicopters, le PF a décidé de continuer de piloter l'hélicoptère tout en essayant de gérer l'urgence et de communiquer avec l' ATC et le centre de régulation des vols de Cougar. Le PF s'est ainsi imposé une charge de travail et un stress considérables et il a frôlé la saturation. Le phénomène a été constaté une première fois 11 secondes après la première indication du problème, lorsque le PF a précisé qu'il devait opter pour la dérivation. Au lieu d'activer immédiatement le circuit de dérivation, le commandant de bord a lancé le premier appel de détresse à l' ATC . Plusieurs événements se sont ensuite enchaînés et ont entraîné un retard considérable (d'environ 77 secondes) entre le moment où l'alarme sonore de pression d'huile de la BTP a retenti pour la première fois et le moment où l'interrupteur de dérivation a été actionné. La charge de travail du PF a empêché ce dernier de prendre conscience des difficultés auxquelles faisait face le PNF et de l'aider à repérer la liste de vérifications. Le PNF n'avait pas une très grande expérience de l'hélicoptère et ne totalisait que quelques heures de vol sur l'appareil au cours des 90 derniers jours précédant l'accident. À trois reprises, le PNF a indiqué qu'il ne trouvait pas la page de liste de vérifications appropriée. Occupé à communiquer avec l' ATC et le centre de régulation de Cougar, le PF n'a fourni ni directive ni assistance verbale au PNF . Le PNF a donc mis 2 minutes et 32 secondes pour finalement trouver la bonne page. Une fois déclenchée, la procédure d'urgence a été interrompue plusieurs fois par le PF pour parler avec l' ATC et le centre de régulation de Cougar. À aucun moment, le PF n'a mis en attente l' ATC et le centre de régulation de Cougar pour pouvoir exécuter la procédure d'urgence sans interruption. Cette pratique a entraîné de sérieux retards, car il a fallu à l'équipage 6,5 minutes pour atteindre la directive « atterrir immédiatement » de la liste de vérifications. L'exécution différée des tâches critiques a empêché les pilotes de redresser la situation en équipe et d'élaborer le meilleur plan d'action possible. En voulant s'acquitter des tâches du PF et de plusieurs tâches du PNF , le pilote s'est imposé une charge de travail excessive qui a retardé l'exécution de la liste de vérifications et qui l'a empêché de prendre en compte les indices critiques dont il disposait.

2.6.3.2 Prise de décision

Les risques que représente un amerrissage pour l'équipage et les passagers peuvent grandement influer sur la décision que prend le pilote quant à la poursuite ou non du vol. Dans notre cas, les pilotes ont été confrontés à une situation urgente qui a mis à rude épreuve leur capacité de réflexion. La décision initiale des pilotes, qui consistait à revenir vers la parcelle de continent la plus proche, à voler le plus près possible de la surface de l'eau et à s'assurer que les combinaisons de survie étaient prêtes, était juste et cohérente avec les directives du RFM qui traitent des pannes de BTP potentielles. Au cours des quelques minutes qui ont suivi l'activation de l'alarme sonore, l'équipage a envisagé l'amerrissage comme étant un scénario hautement probable. À mesure que la situation évoluait, les pilotes ont été influencés par un modèle mental de la situation incomplet, qui les a amenés à conclure qu'ils étaient victimes d'une panne de pompe ou de capteur. Il est évident que les pilotes n'ont pas été influencés par un problème d'interprétation quant au temps de fonctionnement de la BTP du S-92A. Le mauvais diagnostic de l'équipage de conduite a laissé croire à ce dernier qu'il y a avait toujours de l'huile dans la BTP , et cela a eu une incidence sur le choix du profil de vol et sur la décision de rejoindre la côte plutôt que d'amerrir. Au moment où l'équipage du CHI91 s'est rendu compte qu'une pression d'huile de la BTP inférieure à 5 lb/po² justifiait d'« atterrir immédiatement », le commandant de bord a écarté la solution de l'amerrissage, car il ne percevait aucune autre indication convaincante, comme des bruits ou des vibrations inhabituels.

Même si les pilotes ont visiblement pensé qu'il y avait toujours de l'huile dans la BTP , l'hypothèse d'un atterrissage d'urgence n'a pas été totalement écartée, comme l'attestent les nombreuses références au cap Spear comme étant un site d'atterrissage d'urgence possible. De plus, les commentaires hésitants du copilote montrent que ce dernier pensait qu'il serait préférable de voler plus près de la surface de l'eau en réduisant la puissance afin d'être en mesure de faire un amerrissage contrôlé rapidement. Bien que le cap Spear ait été mentionné comme étant une solution de secours, le tracé radar du tronçon retour du vol montre que l'hélicoptère suivait une trajectoire directe vers CYYT , ce qui aurait amené l'hélicoptère à environ 4,5 nm au nord du cap Spear. De même, il est possible que les pilotes aient choisi l'altitude de 800 pieds asl pour le tronçon retour afin d'avoir une marge de franchissement du relief pour le retour vers l'aéroport une fois la ligne de rivage franchie. À ce stade, il semble que le choix du profil de vol ait été influencé par un biais de confirmation. Au lieu de piloter à une altitude et à une vitesse inférieures qui faciliteraient l'exécution d'un amerrissage rapide et contrôlé, le PF a délibérément choisi un réglage de puissance et une vitesse élevés afin d'atteindre la côte le plus rapidement possible. L'événement montre que chaque pilote a dû adopter un modèle mental différent, selon son expérience antérieure, et qu'aucun d'eux n'a fait l'effort de tenir compte du modèle mental de l'autre. Il semblerait que cette lacune soit due au niveau de stress élevé, à une saturation de tâches potentielle et à une gestion inefficace des ressources de l'équipage.

2.6.3.3 Communication entre les membres d'équipage

La personnalité de chaque membre d'équipage était très différente. Le commandant de bord était un pilote expérimenté et sûr de lui, doté de surcroît d'un style de leadership directif. Le copilote était un nouvel employé doté d'une personnalité effacée. Même si les deux hommes appréciaient voler ensemble, les caractéristiques de leur style de communication respectif ont joué un rôle important lors de cette situation extrêmement inhabituelle où le temps était un facteur critique.

Après l'activation du voyant d'alarme rouge MGB OIL PRES et du message d'alarme sonore, le copilote a émis plusieurs commentaires très pertinents dans le but d'aider le commandant de bord, mais leur formulation manquait d'assurance. Les recommandations faites par le copilote quant à la nécessité de réduire la vitesse et l'altitude s'appliquaient parfaitement à un problème de fonctionnement de BTP classique, et elles étaient probablement destinées à faciliter le processus de décision du commandant de bord. Cette initiative du copilote est sûrement liée à son expérience de vol sur Sea King, expérience professionnelle au cours de laquelle il a fréquemment mis en pratique des procédures d'urgence au-dessus de plan d'eau à l'occasion d'exercices. Alors qu'il parcourait la liste de vérifications, le copilote a fait des suggestions concernant les causes probables des alarmes, essayant ainsi de déclencher un processus d'analyse plus poussé dans le but de déterminer la meilleure façon de se sortir de la situation. Après la mise en palier de l'hélicoptère à 800 pieds asl , le copilote a évoqué une vitesse de portance/traînée (L/D), certainement dans l'idée d'attirer l'attention du pilote sur la puissance excessive appliquée en dépit d'un problème de BTP potentiel. Comme le commandant de bord n'était pas familier avec cette expression (vitesse L/D ), il en a rejeté l'idée, et le copilote n'a pas insisté pour remettre en cause le réglage de puissance choisi par le commandant de bord. Peu après, le copilote a abordé le scénario de l'amerrissage afin d'inciter le commandant de bord à dire ce qu'il avait l'intention de faire en cas d'amerrissage inévitable. Chacune de ces tentatives de communication montrent que le copilote a essayé d'optimiser la conscience de la situation et la prise de décision en dissipant des ambiguïtés. Le copilote a vraisemblablement hésité à s'affirmer du fait de sa personnalité, de son manque d'expérience au sein de la compagnie et avec l'hélicoptère et d'une chaîne d'autorité forte à l'intérieur du poste de pilotage.

Dès la première indication du problème touchant la BTP , le style de communication du commandant de bord est devenu plus directif. Au fur et à mesure que la situation évoluait, le commandant de bord ne cherchait plus activement l'appui de son copilote et n'incitait plus ce dernier à faire des commentaires, alors que le copilote possédait une grande expérience des vols et des exercices d'urgence en mer. Le commandant de bord avait du mal à comprendre que les commentaires du copilote visaient à démontrer que les décisions prises n'étaient pas les meilleures, et le commandant de bord ne cherchait pas non plus activement à approfondir les avis émis par son copilote.

La détermination du commandant de bord à vouloir atteindre la côte, conjuguée au manque d'assurance du copilote a exclu la question du profil de vol du processus de prise de décision du commandant de bord. La gestion défaillante des ressources de l'équipage s'est traduite par l'adoption d'un profil de vol dangereux.

2.7 Questions relatives à la survie des occupants

2.7.1 Généralités

De manière générale, pour que les occupants d'un hélicoptère puissent survivre à un écrasement sur la terre ferme, il faut que les forces de décélération soient tolérables, que la cabine demeure intacte et qu'aucun incendie ne se déclare à la suite de l'écrasement. Un impact violent sur plan d'eau offre des possibilités de survie bien différentes aux occupants, sans compter que l'hélicoptère peut se retrouver rapidement immergé. Dans l'accident du vol CHI91 , la force de décélération et la déformation du fuselage ont offert des possibilités de survie aux occupants, mais la rupture importante de la structure a empêché l'hélicoptère de flotter. Combinée à la force d'impact, cette dégradation a également compromis les possibilités d'évacuation des occupants.

En dépit de ses blessures graves, le survivant a réussi à évacuer l'épave alors qu'elle sombrait, et ce, en raison de son âge, de sa condition physique, de son expérience du milieu aquatique, de sa formation FES récente, de sa préparation mentale et de son instinct de survie hors du commun. Selon toutes probabilités, il s'est extirpé de l'épave à une profondeur comprise entre 20 et 30 pieds et il a été en mesure de retenir sa respiration, en dépit du choc hypothermique, suffisamment longtemps pour atteindre la surface. Un passager féminin retrouvé sans vie à la surface de l'eau a également essayé d'évacuer l'appareil après l'impact, malgré ses blessures et l'effet du choc hypothermique. Certains facteurs de survie, tels que l'âge, la condition physique, l'instinct de survie et la formation FES qu'elle avait suivie un an auparavant ont joué un rôle important dans son évacuation. Par contre, elle n'a pas été en mesure de retenir sa respiration suffisamment longtemps pour atteindre la surface, ou elle est morte noyée peu après l'avoir atteinte.

La température corporelle du survivant a chuté d'environ 0,09 °C pour chaque minute passée dans l'eau. Si ce taux de refroidissement s'était prolongé de façon constante, le corps du survivant aurait atteint la température critique de 24 °C à l'issue d'une autre période de 64 minutes. Ce délai aurait concordé avec la durée de survie maximale dans la combinaison de survie, qui est d'environ 2,5 heures. Cette durée maximale est bien moins élevée que la durée de survie prévue de quatre heures, établie en fonction de la modélisation MSEF , réalisée avec un sujet jeune, portant une combinaison raisonnablement bien ajustée et habitué à être immergé en eaux froides. Plusieurs facteurs pourraient expliquer la rapidité avec laquelle la température corporelle du survivant a chuté. Cette baisse de température est probablement due à une combinaison des effets suivants : trauma, vent, vagues, mauvais ajustement de la combinaison, exposition du visage et des mains au froid et infiltrations d'eau.

L'impact initial et les blessures graves subies par l'équipage de conduite ont certainement plongé ce dernier dans un état d'inconscience momentanée. Lorsque l'hélicoptère a commencé à sombrer dans l'eau glaciale, les deux membres d'équipage ont dû avoir un réflexe d'inspiration incontrôlé, déclenché par le choc hypothermique. Ils ont alors inhalé de l'eau de mer, ce qui a certainement causé leur noyade peu de temps après.

La force d'impact élevée, l'immersion soudaine dans l'eau glaciale et le choc hypothermique sont autant de facteurs importants qui ont compromis la survie des passagers. Certains d'entre eux ont pu se retrouver dans un état d'inconscience momentané. L'analyse des effets de la force d'impact laisse penser que certains passagers sont certainement restés conscients pendant un cours laps de temps après l'impact et pendant la phase d'immersion initiale. Les huit passagers indemnes assis à côté des hublots ou des issues avaient les meilleures chances de survie, à condition d'être prêts et préparés, tant mentalement que physiquement, à saisir les occasions d'évacuation limitées qui s'offraient. S'ils n'ont pas détaché leurs harnais de siège dans un délai de quelques secondes après le début de l'immersion de l'hélicoptère, les effets du choc hypothermique ont probablement écourté leur capacité d'apnée à 10 à 15 secondes.

Les sièges ont été écrasés sous l'effet de l'impact. Les mécanismes de la ceinture de sécurité fonctionnaient. Les effets étourdissants de l'impact, combinés aux blessures, à l'immersion, au choc hypothermique et aux problèmes de réserve d'air, auraient considérablement compliqué le repérage et le dégrafage de la boucle de ceinture du harnais de retenue dans le temps imparti. Cette conclusion est corroborée par le fait que seuls deux passagers ont réussi à détacher leur ceinture de sécurité.

En plus des autres facteurs compromettant la survie, les passagers plus sérieusement blessés ont dû supporter des douleurs variables qui les ont empêchés de se concentrer sur l'évacuation. Cette désorientation aurait vraisemblablement écourté leur réserve d'air avant celle des passagers indemnes.

Sur les huit occupants qui ont subi des blessures peu importantes, six se trouvaient à côté d'un hublot ou de l'issue la plus proche, et la dernière formation FES de ces personnes remontait à une période comprise entre 1 an et 2,5 ans. Même si des études indiquent que le fait d'avoir suivi plus récemment des formations plus réalistes offre de meilleures possibilités de survie en cas d'amerrissage, le bilan de cet accident donne à penser qu'une FES plus récente n'aurait probablement pas, à elle seule, fait de différence compte tenu de l'impact violent subi par l'hélicoptère CHI91 . Pour pouvoir survivre à un impact de cette force, bon nombre de facteurs doivent jouer en faveur du ou des survivants potentiels.

2.7.2 Normes de formation FES

L'examen indépendantNote de bas de page 140 visant la formation FES au Canada a montré que deux centres de formation satisfont aux exigences de la norme standard, mais que plusieurs aspects pourraient être améliorés. Par exemple, la norme actuelle ne fournit pas suffisamment de directives aux prestataires des services de formation concernant la durée du cours, les compétences requises des instructeurs, les exigences à satisfaire pour réussir le cours et le degré de réalisme des programmes mis en place. Même si certains organismes ont proposé des normes réclamant l'élaboration de formations FES impliquant des équipements et des vêtements représentatifs des conditions opérationnelles réelles, la norme canadienne en matière de FES n'exige pas que la formation simule des scénarios d'amerrissage réalistes représentatifs de l'environnement opérationnel réel (p. ex. immersion en eaux froides, dégagement de hublots en mode manuel, issues bloquées, sièges écrasés, etc.). Par conséquent, il se peut qu'il y ait des différences majeures en termes de formation et d'équipements entre les programmes de formation et les conditions opérationnelles réelles. Les normes actuelles qui régissent la FES au Canada ne contiennent pas suffisamment d'exigences clairement définies et réalistes concernant la formation et les équipements. Cette lacune peut créer des différences en termes de qualité de formation et de probabilité de survie des occupants à la suite d'un amerrissage ou d'un écrasement en mer.

Au Canada, la FEPS est prévue tous les trois ans. Selon certaines études, ce délai serait trop long. La fréquence de la formation joue un rôle important, car il a été démontré que l'exposition répétée à une situation, en utilisant des équipements représentatifs des conditions opérationnelles, permet de réduire les délais nécessaires pour évacuer l'aéronef. Tout comme le réalisme, la répétition permet aussi de rendre l'exécution des procédures plus automatique, ce qui facilite l'évacuation le moment venu. Enfin, une pratique intense des procédures d'urgence à chaque séance de formation périodique aiderait les participants à mémoriser durablement les connaissances et compétences requises pendant les périodes intermédiaires. Un intervalle de trois ans entre des FEPS peut donner lieu à une perte de connaissances considérable. Cette baisse de niveau pourrait compromettre l'exécution réussie des procédures d'évacuation d'un hélicoptère immergé.

À l'époque de l'accident, la plupart des équipages de Cougar Helicopters avaient suivi le programme de FES initial de cinq jours. Pourtant, le programme n'était pas obligatoire et parfois, certains équipages ne suivaient qu'une séance d' EEHI d'une journée tous les trois ans. De plus, il n'était pas demandé aux équipages d'évacuer à partir d'un des sièges pilote. Outre les problèmes liés au réalisme et à la périodicité de l' EEHI destiné aux passagers, il importe de préciser que si les équipages ne sont pas préparés et confiants à l'égard de leurs possibilités de réussir l'évacuation d'un hélicoptère immergé en position retournée, cela pourrait influencer leur décision d'amerrir, notamment lorsque la mer est très agitée.

2.7.3 Normes et Règlement de l'aviation canadien actuels traitant des combinaisons pour passagers d'aéronef

Pour que les travailleurs des plateformes pétrolières en mer disposent d'une seconde combinaison de survie, certaines combinaisons pour passagers d'aéronef, comme la E-452, ont été conçues pour satisfaire à la fois aux normes régissant les combinaisons flottantes et aux normes régissant les combinaisons pour passagers d'hélicoptère. Les exigences de ces normes en matière de flottabilité et de protection thermique se recoupent énormément. La combinaison constitue donc un compromis entre deux applications très différentes. L'évacuation type d'une plateforme pétrolière en mer se déroulerait dans des conditions météorologiques particulièrement mauvaises et les moyens de sauvetage pourraient être retardés pendant plusieurs heures. Par contre, l'amerrissage ou l'écrasement d'un hélicoptère aurait lieu dans des conditions de vol acceptables, ce qui veut dire que les moyens de sauvetage pourraient intervenir dans des délais plus raisonnables.

De plus, en cas d'amerrissage, les occupants d'un hélicoptère peuvent être appelés à passer par des petites ouvertures pour évacuer l'hélicoptère. Or, si leur combinaison est trop encombrante ou si sa flottabilité est telle qu'ils ne parviennent pas à se déplacer dans l'hélicoptère immergé, l'évacuation peut devenir impossible. Une personne de forte corpulence qui porte la combinaison pour passagers d'aéronef actuelle et les dispositifs de sécurité qui y sont fixés (PLB, lampe à éclats, etc.) aura du mal à passer à travers une ouverture comme l'un des hublots latéraux éjectables du S-92A. La combinaison pour passagers d'aéronef conçue pour répondre à la norme relative aux combinaisons flottantes possède des caractéristiques de flottabilité et de flottaison améliorées. Même si elle se révèle parfaitement adaptée en cas d'abandon en mer, la flottabilité accrue et l'encombrement de cette tenue peuvent compromettre les chances d'évacuation d'un hélicoptère immergé.

2.7.4 Mise en service des combinaisons pour passagers d'aéronef

Lorsque les combinaisons de survie E-452 ont été adoptées par Cougar Helicopters, la taille des combinaisons était déterminée au moyen d'estimations visuelles de la taille et du poids de l'utilisateur et de la facilité avec laquelle ce dernier pouvait enfiler la cagoule et se mouvoir. Lors de la mise en service des combinaisons pour passagers, en 2007, et lors des ajustements de taille pré-vol réalisés par la suite à l'héliport, on n'a pas fait vérifier par des spécialistes la taille des combinaisons des passagers en tenant compte des mensurations de ces derniers ni les dispositifs d'étanchéité de la cagoule et des poignets. En procédant aux ajustements, on s'est assuré de la facilité à se mouvoir des passagers sans se préoccuper systématiquement de la taille et de l'étanchéité des combinaisons.

Pendant la formation FES , les participants portaient une combinaison de taille identique à celle qui leur était fournie à l'occasion des vols en mer réguliers. Lorsque la combinaison n'était pas tout à fait bien ajustée, les participants s'en accommodaient et partaient du principe que la combinaison leur convenait. De plus, de nombreux passagers évaluaient la taille de leur combinaison en se basant sur le confort plutôt que sur l'ajustement, ce qui a aggravé le problème. Une combinaison bien ajustée présente un certain degré d'inconfort; cela explique pourquoi la plupart des passagers choisissaient une combinaison confortable, mais trop grande pour eux.

Le fait de se fier à des estimations visuelles de taille et de poids et à l'évaluation de la facilité du passager à enfiler sa cagoule et à se mouvoir, sans que la taille de la combinaison soit confirmée au moyen d'évaluations fonctionnelles effectuées par des spécialistes, peut amener les porteurs à utiliser des combinaisons dont la taille ne correspond pas à leur morphologieNote de bas de page 141. L'utilisation de techniques d'ajustement non conformes peut se traduire par des infiltrations d'eau excessives dans la combinaison et par une perte rapide de la température corporelle du porteur en cas d'amerrissage ou d'écrasement en mer.

2.7.5 Combinaisons de survie des équipages de conduite de Cougar Helicopters

À la différence des passagers, les équipages de conduite ne sont pas tenus par la réglementation de porter une combinaison de survie, et il n'existe que des normes ou règlements minimums traitant de l'entretien des combinaisons telles que celles que portaient les pilotes le jour de l'accident. Dans le passé, les règlements de l'aviation exigeaient que les pilotes et les passagers portent des tenues de protection. Les règlements relatifs aux combinaisons pour passagers d'aéronef qui ont fait leur apparition dans le Règlement de l'aviation canadien (RAC) ne contenaient aucune disposition concernant les combinaisons des équipages de conduite. Ce vide est probablement dû au fait que si l'on appliquait la norme régissant les combinaisons pour passagers aux équipages de conduite, la combinaison de ces derniers serait trop encombrante et trop chaude pour pouvoir piloter l'hélicoptère dans de bonnes conditions. À titre de comparaison, les exigences relatives aux combinaisons de survie énoncées par l'AESA s'appliquent clairement aux équipages et aux passagers.

Aucun problème lié à la combinaison portée par les membres d'équipage n'a été relevé dans cet accident. Par contre, l'inspection des combinaisons des équipages faite par l'exploitant peu après l'accident a montré que bon nombre d'entre elles étaient en mauvais état; les pilotes auraient donc couru des risques supplémentaires s'ils s'étaient retrouvés dans une situation de survie en eaux froides. Les règlements ou les normes traitant de l'utilisation et de l'entretien des combinaisons des équipages de conduite d'hélicoptères opérant à partir de plateformes pétrolières en mer sont réduits au minimum. Les équipages risquent donc de ne pas être protégés adéquatement en cas d'amerrissage ou d'écrasement en mer.

Les pilotes du vol CHI91 portaient une combinaison de vol bleu foncé et un gilet de sauvetage jaune vif. Les normes de l' ONGC exigent que les combinaisons pour passagers d'aéronef soient de couleur orange ou jaune international (ou d'une couleur ayant une visibilité élevée équivalente) afin de faciliter le travail de repérage des équipes de sauvetage. Malgré le fait que les combinaisons des membres d'équipage n'aient joué aucun rôle dans cet accident et que les pilotes de Cougar Helicopters portaient un gilet de sauvetage jaune vif, il importe de préciser qu'une combinaison de vol bleu foncé aurait été plus difficile à repérer en pleine mer comparativement à une combinaison répondant aux exigences de couleur énoncées par l' ONGC . Le manque de visibilité des combinaisons portées par les équipages d'hélicoptères opérant en mer réduit les chances de repérage des équipages de sauvetage en cas d'amerrissage ou d'écrasement en mer. Cette lacune peut considérablement retarder les opérations de sauvetage en conditions nocturnes et par mauvaise visibilité.

2.7.6 Radiobalises individuelles de repérage

Le Règlement de l'aviation canadien ne comprend aucune exigence relative aux radiobalises individuelles de repérage (PLB) pour les occupants d'un hélicoptère qui parcourt de longues distances au-dessus de la mer. À la différence des PLB utilisées par l'équipage de conduite, les PLB des passagers du vol CHI91 étaient conçues pour une situation « d'homme à la mer » et elles n'émettaient pas sur la fréquence 406 MHz . Autrement dit, elles n'auraient pas été captées par le système de satellites COSPAS-SARSAT, censé transmettre des paramètres de localisation au personnel SAR lors d'un amerrissage ou d'un écrasement en mer. Les PLB qui n'émettent pas sur la fréquence 406 MHz ne sont pas détectées par le système COSPAS-SARSAT. Cela signifie que le repérage, dans l'océan, des personnes équipées de cette radiobalise pourrait prendre plus de temps que prévu.

2.7.7 Dispositif respiratoire submersible de secours

Au cours de cet accident, il est probable que plusieurs occupants soient restés conscients après l'impact avec l'eau et qu'ils aient fini par manquer d'air et se noyer avant d'avoir pu évacuer l'hélicoptère qui était en train de sombrer. Même si les combinaisons pour passagers d'aéronef E-452 n'étaient pas équipées de dispositifs respiratoires submersibles de secours (EUBA), et que les règlements n'exigeaient pas qu'elles le soient, l'ajout de ce dispositif aurait rallongé le temps disponible pour évacuer l'hélicoptère immergé grâce à la réserve d'air fournie aux utilisateurs. Dans le cas d'un choc hypothermique, le réflexe de souffle coupé aurait été atténué si la personne avait eu un EUBA lui permettant d'inspirer de l'air et non de l'eau, et éventuellement de dégrafer sa ceinture de sécurité et de sortir de l'hélicoptère. Aucun règlement n'oblige les occupants d'un hélicoptère à être équipé d'un EUBA lors des vols longue durée au-dessus de l'océan. Par conséquent, les risques de noyade des occupants en cas d'amerrissage forcé ou d'écrasement en mer sont élevés.

2.7.8 Casques et visières des pilotes d'hélicoptères

Même s'ils n'ont pas été mortellement blessés durant l'impact, les deux pilotes ont été sérieusement blessés, notamment lorsqu'ils se sont frappés la tête et le visage contre le tableau de bord. Dans des conditions similaires où la force d'impact est moindre, environ dans la plage des 10 g , des pilotes sans casque ni visière peuvent subir de graves blessures et se trouver dans l'incapacité d'aider qui que ce soit au moment d'évacuer l'hélicoptère. Comme cet accident le démontre, sans une information continue et fiable sur les avantages du port du casque, les pilotes d'hélicoptères continueront de piloter sans en porter, augmentant ainsi leur risque de blessures à la tête et les empêchant de fournir l'aide nécessaire aux membres d'équipage ou aux passagers. L'absence d'exigence imposant aux pilotes de porter un casque et une visière fait courir à ces derniers des risques d'incapacité plus élevés, en raison des blessures à la tête que peuvent occasionner un amerrissage ou un écrasement. Ce type de blessure compromet la capacité du pilote à faire évacuer son appareil en toute sécurité et à augmenter les chances de survie de ses passagers.

2.7.9 Dispositifs de flottaison d'urgence

2.7.9.1 Généralités

La plupart des systèmes de l'hélicoptère, y compris le dispositif de flottaison d'urgence (DFU), sont devenus inutilisables au moment de l'impact, car le fuselage s'est immédiatement brisé, ce qui a entraîné de multiples ruptures dans les fils, câbles et canalisations du DFU.

Les faisceaux de câbles électriques reliés aux contacts d'immersion et les dispositifs de gonflage logés en partie avant ont été endommagés à différents endroits. L'appareil aurait donc été privé de l'alimentation électrique nécessaire pour activer le circuit d'amorçage et déclencher la charge des dispositifs de gonflage. Cette hypothèse est corroborée par le fait que les équipes de récupération ont retrouvé les bouteilles encore pleines. Même si le câblage électrique du DFU n'avait pas été détérioré, et que les amorces avaient fonctionné, l'état des canalisations aurait empêché le gonflage des boudins de flottaison.

2.7.9.2 Pertinence des exigences applicables aux dispositifs de flottaison d'urgence des hélicoptères

L'hélicoptère CHI91 était équipé d'un DFU certifié pour une mer de force 4 selon l'OMM. Étant donné les fortes probabilités de rencontrer des mers plus agitées (dans un « environnement hostile » par exemple) au large de Terre-Neuve, tout hélicoptère qui sillonne cette zone doit être équipé de DFU adaptés à un état de la mer supérieur à la force 4. À défaut, le renversement immédiat de l'appareil est quasiment inévitable en cas d'amerrissage, ce qui augmente les risques de perte de vies humaines.

Il se peut que d'autres hélicoptères équipés de DFU standard courent les mêmes risques s'ils évoluent au-dessus des eaux canadiennes, dans lesquelles l'état de la mer dominant dépasse une force 4.

2.7.9.3 Activités de recherche et développement futures concernant les dispositifs de flottaison d'urgence

La survie des passagers qui sont victimes d'un écrasement d'hélicoptère offrant des possibilités de survie en mer dépend, pour commencer, de leur capacité à sortir rapidement de l'appareil lorsque celui-ci se retourne et commence à couler. Des accidents antérieurs ont montré que l'état de choc, la désorientation et les effets étourdissants de l'impact sur les occupants ont souvent des conséquences préjudiciables sur la suite des événements. Dans le cas d'un écrasement en mer offrant des possibilités de survie, le DFU de l'hélicoptère constitue l'une des principales chances de réduire les risques de décès par noyade.

À l'heure actuelle, les DFU sont uniquement tenus de satisfaire aux exigences de certification concernant un amerrissage contrôlé, bien que des recherches aient montré que les écrasements dans l'eau se produisent presque aussi souvent que les amerrissages contrôlés. Les risques liés à l'écrasement sont que le DFU soit désactivé par les forces d'impact et que les occupants se noient avant d'avoir évacué l'hélicoptère qui coule. L'accident du vol CHI91 est un exemple type qui montre que les occupants ont survécu à l'impact, mais que ceux-ci se sont noyés dans l'appareil qui coulait rapidement avant d'avoir pu l'évacuer.

Les caractéristiques favorisant la survivance sur terre améliorées dont sont dotés certains hélicoptères expliquent en partie ce bilan. En effet, les aéronefs certifiés en vertu de la Partie 29 sont conçus dans le respect d'exigences de survivance rigoureuses en cas d'écrasement. Cependant, ces exigences sont en grande partie axées sur un scénario d'écrasement sur la terre ferme. Les hélicoptères certifiés en vertu de la Partie 29 ne sont pas soumis à une exigence de survivance en cas d'écrasement en mer comparable. Même si des études telles que celle du WIDDCWG réalisée en 2000 aient suggéré de ne pas étendre les exigences « structurales » jusqu'aux conditions d'amerrissage, elles ont toutefois recommandé de déployer davantage d'efforts pour améliorer la résistance à l'écrasement du DFU en tenant compte de concepts tels que celui caractérisé par une capacité de flottaison sur le côté. Étant donné les progrès technologiques et les activités de recherche et développement en cours, l'avenir devrait être prometteur et se traduire par la conception de DFU plus robustes. Si les DFU des hélicoptères de plateformes pétrolières sont uniquement conçus pour résister aux forces liées à un amerrissage, il demeure toujours possible que ces systèmes se désactivent lors d'impacts offrant des possibilités de survie, ce qui peut entraîner le décès des occupants par noyade. Même si le vol CHI91 n'est que le deuxième accident du genre au Canada, les risques sont considérables étant donné le grand nombre de travailleurs transportés vers les plateformes, pas seulement au Canada mais aussi à l'étranger.

2.7.9.4 Émetteurs de localisation d'urgence

Comme l'a indiqué la CAA , les hélicoptères ont généralement un centre de gravité élevé en raison du poids des moteurs et de la boîte de transmission du rotor principal, qui sont situés sur le toit de la cabine. En conséquence, si le DFU de l'hélicoptère n'est pas adapté, il y a des risques élevés que l'aéronef se retourne lors d'un scénario d'amerrissage.

Lorsqu'un aéronef s'écrase sur la terre ferme, un émetteur de localisation d'urgence (ELT) résistant à l'impact émettra normalement à pleine puissance après un délai nominal de 50 secondes. En cas d'amerrissage forcé, les risques que l'antenne fixe de l' ELT soit immergée avant le délai de 50 secondes sont élevés. En pareil cas, il se peut que le signal de l' ELT soit sérieusement atténué et que le système de satellites COSPAS-SARSAT ne parvienne pas à le détecter.

Comme l'a démontré l'accident relaté ici, si l' ELT n'émet pas immédiatement un signal, l'eau risque d'atténuer le signal exploitable de l'appareil. La réception du signal de l' ELT est alors compromise et les moyens SAR risquent de ne pas être déployés en temps opportun.

2.8 Systèmes de gestion de la sécurité (SGS)

Un SGS efficace peut aider à détecter et à atténuer des lacunes avant qu'elles contribuent à un accident, à condition que les processus qu'il sous-tend soient mis en œuvre rigoureusement et sans compromis. Même si un SGS peut réduire les risques d'accident, grâce à l'application de processus de sécurité proactifs, il n'est pas réaliste de croire qu'il peut prévenir tous les accidents. L'accident du vol CHI91 en est d'ailleurs la preuve. En effet, Sikorsky et Cougar Helicopters appliquaient des processus de gestion de la sécurité et des risques.

Cougar Helicopters intégrait des concepts de gestion de la sécurité modernes à ses opérations depuis plusieurs années, mais son programme n'était toujours pas intégralement appliqué et tous les éléments proactifs n'étaient pas encore utilisés de manière efficace. Il se peut qu'un exploitant possédant un SGS bien rodé ait cerné la nécessité d'appliquer des processus d'identification des dangers et de gestion des risques à tous les stades de la mise en service d'un nouvel hélicoptère, comme le S-92A, dans ses opérations. Dans notre cas, Cougar Helicopters pensait que le processus de sécurité du constructeur et de l'organisme de réglementation avait atténué tous les risques potentiels. Malgré l'engagement de Cougar Helicopters en matière de SGS , d'autres risques liés à ses opérations n'ont pas été décelés avant cet accident; ces risques sont notamment liés à l'entretien des combinaisons de vol des équipages de conduite, aux procédures d'inspection des BTP , à la formation en CRM , aux méthodes de révision des listes de vérifications et à la formation aux procédures d'urgence dispensée dans le cadre de la session de formation annuelle et périodique sur simulateur.

Un processus de gestion de la sécurité pleinement opérationnel se devrait de mettre à l'épreuve et de confirmer rigoureusement toute hypothèse sous-jacente en matière de risque de sécurité. Sikorsky n'a pas décelé de risques inacceptables concernant l'utilisation de goujons en titane avec la cuve du filtre de la BTP , et ce principalement en raison de l'expérience d'utilisation antérieure de ces pièces sur d'autres modèles d'hélicoptères de Sikorsky. Après l'essai de perte de lubrifiant qui a entraîné une défaillance catastrophique de la BTP , Sikorsky a utilisé le qualificatif « extrêmement rare » admis en vertu des exigences de l'alinéa 29.927(c)(1). Sikorsky et la FAA ont conclu que, excepté la défaillance potentielle du refroidisseur d'huile et de ses canalisations externes, toutes les autres défaillances de BTP conduisant à une perte d'huile totale étaient extrêmement rares. Ni la FAA ni Sikorsky n'ont explicitement pris en compte une défaillance de la cuve de filtre à huile de BTP , ou de ses dispositifs de fixation, dans le cadre de l'alinéa 29.927(c)(1). À la suite de l'incident de l'hélicoptère australien, Sikorsky a identifié et atténué les risques de grippage des goujons en mettant en œuvre la révision 13 de l'AMM . Cependant, l'explication du motif de cette révision et les directives figurant dans la révision du manuel de maintenance se sont révélées inefficaces pour mettre en relief les conséquences éventuelles d'un défaut de conformité.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le grippage d'un goujon de cuve de filtre de BTP en titane a empêché l'application de la force de serrage appropriée durant l'installation. Cet état de détérioration a été accentué par les multiples remplacements de filtres à huile et par la réutilisation des écrous d'origine.
  2. Des goujons de cuve de filtre à huile en alliage de titane avaient déjà été utilisés sans incident sur des types d'hélicoptères antérieurs de Sikorsky; cependant, dans le cas du S-92A, les nombreux changements de filtre à huile imprévus ont entraîné un grippage excessif.
  3. Le serrage initial insuffisant a fait augmenter la charge cyclique subie par le goujon de la cuve de filtre de BTP alors que le CHI91 était en marche, ce qui a provoqué une crique de fatigue sur cette pièce. La crique s'est ensuite propagée à un deuxième goujon en raison de l'aggravation des contraintes découlant du sectionnement du premier goujon. Les deux goujons se sont sectionnés en vol, ce qui a entraîné une perte d'huile subite dans la BTP .
  4. À la suite de l'incident australien, Sikorsky et la Federal Aviation Administration (FAA) se sont appuyés sur de nouvelles procédures de maintenance afin d'atténuer les risques de sectionnement des goujons endommagés montés sur la cuve de filtre de la BTP et n'ont pas exigé leur remplacement immédiat.
  5. Cougar Helicopters n'a pas mis en œuvre efficacement les procédures de maintenance obligatoires prévues par la révision 13 du manuel de maintenance de l'aéronef (AMM) et, par conséquent, les goujons endommagés équipant les cuves de filtre n'ont été ni décelés ni remplacés.
  6. Dix minutes après l'apparition du voyant rouge MGB OIL PRES, la perte de lubrification a entraîné une défaillance catastrophique du pignon d'entraînement du rotor de queue, laquelle a provoqué la perte d'entraînement des arbres de transmission du rotor.
  7. La procédure à suivre en cas de défaillance du circuit de lubrification de la BTP , telle qu'elle est décrite dans le manuel de vol du giravion (RFM) du S-92A, était équivoque et n'explicitait pas suffisamment les symptômes liés à une perte importante d'huile de la BTP ou à une panne de pompe à huile. C'est en partie ce manque de précision qui a conduit l'équipage à penser, à tort, qu'une pompe à huile ou un capteur défectueux était à l'origine du problème.
  8. Les pilotes ont mal diagnostiqué l'urgence, car ils connaissaient mal le circuit de lubrification de la BTP et ils s'attendaient trop à ce qu'une perte d'huile entraîne une augmentation de la température de l'huile. Les pilotes se sont donc fiés, à tort, à la température d'huile de la BTP , qu'ils ont considérée comme étant l'indication secondaire d'une défaillance de BTP imminente.
  9. Au moment où l'équipage du CHI91 s'est rendu compte qu'une pression d'huile de la BTP inférieure à 5 livres par pouce carrée (lb/po²) justifiait d'« atterrir immédiatement », le commandant de bord a écarté la solution de l'amerrissage à moins de percevoir d'autres indications convaincantes, comme des bruits ou des vibrations inhabituels.
  10. En voulant s'acquitter des tâches du pilote aux commandes (PF) et de plusieurs des tâches du pilote qui n'est pas aux commandes (PNF), le commandant de bord s'est imposé une charge de travail excessive qui a retardé l'exécution de la liste de vérifications et qui l'a empêché de prendre en compte les indices critiques dont il disposait.
  11. Les pilotes avaient appris, lors de la formation initiale et périodique sur simulateur de S-92A, qu'une défaillance de boîte de transmission serait progressive et systématiquement précédée de bruits et de vibrations, ce qui a sans doute contribué à la décision du commandant de bord de poursuivre le vol en direction de CYYT .
  12. Au lieu de poursuivre la descente et d'amerrir conformément aux consignes du RFM , les pilotes ont mis l'hélicoptère en palier à 800 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), en utilisant un réglage de puissance et une vitesse supérieurs à ce qui était exigé. Ce choix a probablement accéléré la perte d'entraînement du rotor de queue et considérablement réduit les possibilités de faire un amerrissage contrôlé réussi.
  13. La détermination du commandant de bord à vouloir atteindre la côte et le manque d'assurance du copilote ont exclu la question du profil de vol du processus de prise de décision du commandant de bord. L'absence de formation en gestion des ressources de l'équipage (CRM) moderne et actualisée a sans doute contribué aux problèmes de communication et de prise de décision, ainsi qu'au choix d'un profil de vol dangereux.
  14. En réponse à la perte de poussée du rotor de queue, les gaz ont été coupés avant l'abaissement du collectif, ce qui a entraîné une chute considérable du régime du rotor principal.
  15. Les pilotes ont eu du mal à maîtriser l'hélicoptère à la suite de l'arrêt des moteurs, ce qui a placé l'hélicoptère dans une descente en autorotation vent arrière avec un régime rotor et une vitesse bien inférieurs aux limites mentionnées dans le RFM . Cette configuration a fait augmenter le taux de descente de manière excessive et a empêché toute possibilité de redresser l'appareil avant l'impact.
  16. La violence de l'impact a certainement plongé certains passagers dans un état d'inconscience. Les autres occupants sont probablement restés conscients pendant une courte période, mais ils ont été dans l'incapacité de réagir en raison de l'impact et du choc hypothermique. Ils ont fini par manquer d'air et se sont noyés avant d'avoir pu évacuer l'hélicoptère qui était en train de sombrer rapidement.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Les normes de certification des giravions de la catégorie A n'exigent pas une capacité de fonctionnement continu sécuritaire de 30 minutes après une panne qui provoque une perte de lubrifiant de BTP , si cette panne est considérée comme extrêmement rare, ce qui met en danger les passagers et l'équipage.
  2. Dans le cas des opérations en haute mer, y compris des opérations qui ont lieu sur la côte est du Canada, une capacité de fonctionnement à sec de 30 minutes concernant la BTP ne suffit pas pour atteindre une zone d'atterrissage sûre, ce qui fait courir des risques d'amerrissage forcé.
  3. Une connaissance inappropriée des systèmes augmente le risque que les pilotes s'appuient sur des connaissances acquises antérieurement en conditions anormales et d'urgence. Ce raisonnement peut donner lieu à des erreurs d'interprétation involontaires concernant les symptômes liés au mauvais fonctionnement d'un système.
  4. La décision de ne pas qualifier des interventions immédiates en tant que vérifications de mémoire dans la procédure à suivre en cas de mauvais fonctionnement peut retarder l'exécution de mesures vitales pour la poursuite sécuritaire du vol.
  5. La décision de ne pas automatiser l'activation des systèmes d'urgence, tel que le circuit de dérivation d'huile de la BTP du S-92A, augmente les risques d'oubli ou d'application tardive des mesures critiques.
  6. Le manque de normes établies concernant les définitions des directives d'atterrissage employées dans les procédures anormales et d'urgence risque de donner lieu à une interprétation fautive des définitions.
  7. Le manque de directives et de recommandations précises dans le RFM concernant la vitesse et le réglage de couple optimum pourrait inciter le pilote à choisir un profil de vol qui précipite la défaillance catastrophique d'une boîte de transmission ayant perdu toute pression d'huile.
  8. Le regroupement de procédures anormales et d'urgence en une seule procédure, d'abord axée sur la condition anormale, augmente les risques d'oubli ou d'application tardive des mesures urgentes critiques.
  9. Si les constructeurs n'indiquent pas clairement les performances des aéronefs en situation critique dans les manuels de vol (capacité de fonctionnement à sec par exemple), le risque est plus grand que certains pilotes prennent des décisions basées sur des informations incomplètes ou inexactes dans les situations anormales et d'urgence.
  10. L'omission d'un message d'avertissement ou d'alarme dans une liste de référence rapide pourrait retarder le repérage de la mesure anormale ou d'urgence correspondante dans la liste de vérifications.
  11. L'utilisation de publications non actualisées ( RFM , procédures d'utilisation normalisées [SOP] et listes de vérifications) accentue les risques d'oubli ou d'application tardive d'étapes critiques d'une procédure approuvée.
  12. D'après les règlements en vigueur, les exploitants relevant des sous-parties 703 et 704 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) ne sont pas tenus de dispenser des cours de CRM . Il y a donc de fortes chances pour que les équipages qui travaillent en vertu des RAC 703 et 704 présentent des lacunes en matière de CRM .
  13. La règlementation et les normes actuelles relatives à la CRM et applicables aux exploitants visés par le RAC 705 n'ont pas été actualisées de manière à tenir compte de la dernière génération de formation en CRM et des exigences en matière d'accréditation des instructeurs de CRM . En conséquence, les équipages de conduite formés selon ces normes risquent de ne pas connaître les dernières techniques de gestion des menaces et des erreurs.
  14. Les normes canadiennes actuelles sur la formation élémentaire sur la survie (FES) n'articulent pas d'exigences claires et réalistes en matière de normes de formation et de matériel. Cela pourrait affecter la qualité de la formation et nuire à la survivance des occupants.
  15. Un intervalle de 3 ans entre des formations élémentaires périodiques sur la survie (FEPS) peut induire une perte de connaissances considérable. Cette baisse de niveau pourrait compromettre l'exécution réussie des procédures d'évacuation d'un hélicoptère immergé.
  16. Les combinaisons pour passagers d'aéronef conçues pour répondre à la norme relative aux combinaisons flottantes possèdent des caractéristiques de flottabilité et de flottaison améliorées. Même si elles se révèlent parfaitement adaptées en cas d'abandon en mer, la flottabilité accrue et l'encombrement de ces tenues peuvent compromettre les possibilités d'évacuation d'un hélicoptère immergé.
  17. Les règlements et les normes sur l'utilisation et l'entretien des combinaisons des équipages d'hélicoptères opérant en mer sont réduits au minimum. Cette lacune accentue les risques courus par les équipages de conduite en cas d'amerrissage ou d'écrasement en mer.
  18. Le manque de visibilité des combinaisons portées par les équipages d'hélicoptères opérant en mer réduit les chances de repérage des équipages de recherche et de sauvetage (SAR) en cas d'amerrissage ou d'écrasement en mer. Cette lacune peut considérablement retarder les opérations de sauvetage en conditions nocturnes et par mauvaise visibilité.
  19. L'absence de règlement ou de norme concernant l'utilisation de radiobalises individuelles de repérage (PLB) pour les occupants d'hélicoptères peut entraîner le recours aux mauvaises radiobalises dans le transport par hélicoptères, ce qui pourrait engendrer des retards lors du repérage d'une personne à la mer.
  20. L'utilisation de techniques d'ajustement non conformes des combinaisons pour passagers d'aéronef peut se traduire par des infiltrations d'eau excessives dans la combinaison et par une perte rapide de la température corporelle du porteur en cas d'amerrissage ou d'écrasement en mer.
  21. Aucun règlement n'oblige les occupants d'un hélicoptère à être équipé d'un dispositif respiratoire submersible de secours (EUBA) lors des vols longue durée au-dessus de l'océan. Par conséquent, les risques de noyade des occupants en cas d'amerrissage forcé ou d'écrasement en mer sont élevés.
  22. L'absence de règlement obligeant les pilotes à porter un casque et une visière fait courir à ces derniers des risques d'incapacité plus élevés, en raison des blessures à la tête que peuvent occasionner un amerrissage ou un écrasement. Ce type de blessure compromet la capacité du pilote à faire évacuer son appareil en toute sécurité et à augmenter les chances de survie de ses passagers.
  23. L'amerrissage dans des conditions météorologiques défavorables et dans une mer dont la force dépasse les capacités de résistance du dispositif de flottaison d'urgence (DFU) met en danger les passagers et l'équipage.
  24. Si les DFU des hélicoptères de plateformes pétrolières sont uniquement conçus pour résister aux forces liées à un amerrissage, il demeure un risque que ces systèmes soient désactivés en cas d'impact offrant des possibilités de survie, ce qui peut entraîner le décès des occupants par noyade.
  25. Si l'émetteur de localisation d'urgence (ELT) n'émet pas immédiatement un signal, l'eau risque d'atténuer le signal exploitable de l'appareil immergé. La réception du signal de l' ELT est alors compromise et les moyens de sauvetage risquent de ne pas être déployés en temps opportun.
  26. Le fait d'utiliser des interrupteurs détecteurs d'écrasement pour couper un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) ou une combinaison CVR /enregistreur de données de vol (FDR) entraînera encore probablement des pertes de données CVR ou CVR / FDR potentiellement précieuses, privant ainsi les enquêteurs de paramètres importants pour leur travail.

3.3 Autres faits établis

  1. Le survivant a certainement survécu à l'accident en raison de son âge, de sa condition physique, de sa préparation mentale, de son entraînement à l'évacuation d'un hélicoptère immergé (EEHI) récent, de son expérience en matière d'adaptation en eaux froides et de son instinct de survie hors du commun.
  2. Il n'a pas été possible d'établir la raison pour laquelle la température corporelle du survivant a chuté de 7,2 °C si rapidement dans l'intervalle de temps où il est resté dans une eau ayant une température d'environ 0,2 °C .
  3. Les deux organismes canadiens offrant une formation FES ont satisfait ou dépassé les normes de formation FES en vigueur.
  4. La combinaison pour passagers d'aéronef E-452 répond aux normes de l'Office des normes générales du Canada (ONGC) et elle a été considérée comme adaptée aux risques liés aux conditions opérationnelles prévalant à l'époque de l'accident.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Mesures prises par le Bureau de la sécurité des transports du Canada

4.1.1.1 Avis sur la sécurité aérienne A09A0016-D2-A1

Le 30 octobre 2009, le BST a envoyé l'avis sur la sécurité aérienne A09A0016-D2-A1 (Utilisation peu fréquente d'un casque par les pilotes d'hélicoptère) à Transports Canada et à la Helicopter Association of Canada. L'avis sur la sécurité suggérait à ces organismes d'envisager la création d'un programme de promotion conçu pour augmenter considérablement le nombre de pilotes d'hélicoptères qui portent le casque.

Lorsque l'avis sur la sécurité A09A0016-D2-A1 a été émis, Transports Canada en a repris l'intégralité dans sa publication Sécurité aérienne - Nouvelles (ASL 2/2010). Dans un article connexe, intitulé Casque protecteur pour l'équipage d'hélicoptère : une tête dure, TC a été plus loin dans le raisonnement en déclarant « Le casque est une innovation éprouvée, bien que négligée, qui augmente considérablement les chances de survie et la qualité de vie des survivants, et TC appuie son utilisation sans équivoque. »

4.1.1.2 Avis sur la sécurité aérienne A09A0016-D3-A1 (A2-A3)

Le 7 décembre 2009, le BST a envoyé l'avis sur la sécurité aérienne A09A0016-D3-A1 (Sélection des tailles des combinaisons pour passagers d'aéronef) à Transports Canada, l'avis A09A0016-D3-A2 à la Federal Aviation Administration et l'avis A09A0016-D3-A3 à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA). Les avis sur la sécurité suggéraient aux destinataires de sensibiliser les exploitants d'aéronefs évoluant en haute mer à l'importance de vérifier l'ajustement des combinaisons pour passagers d'aéronef.

TC a assuré que les exploitants canadiens organisant des vols au-dessus de plans d'eau et utilisant des combinaisons pour passagers d'hélicoptères, ou des combinaisons de survie, ont reçu une copie de l'avis sur la sécurité aérienne du BST . TC a également informé les associations aéronautiques nationales, telles que la Helicopter Association of Canada, la Northern Air Transport Association, l'Association du transport aérien du Canada et l'Association québécoise du transport aérien, de l'avis sur la sécurité du BST.

En date du 23 mars 2010, le responsable du service Produits de la direction de la certification (Product Department of the Certification Directorate) de l'AESA a envoyé une réponse précisant que les fabricants de combinaisons de survie européens jugeaient l'ajustement des combinaisons de survie primordial, tant en termes de capacité à se mouvoir que d'étanchéité, pour dépasser les exigences de conformité de navigabilité de l'ETSO (ancien CAA du Royaume-Uni, Specification no 19). Le responsable a ajouté que les titulaires européens d'ETSOA portant sur les combinaisons de survie avaient été mis au courant de l'avis sur la sécurité A09A0016-D3-A3 afin qu'ils tiennent compte du problème lié aux tailles des combinaisons dans leur concepts actuels et futurs, ainsi qu'en ce qui concerne l'utilisation des combinaisons.

4.1.1.3 Avis sur la sécurité aérienne A09A0016-D1-A1

Le 4 janvier 2010, le BST a envoyé l'avis sur la sécurité aérienne A09A0016-D1-A1 (Sikorsky S-92A Main Gear Box Oil Bypass Switch - Manual Activation) à Sikorsky Aircraft Corporation. L'avis sur la sécurité suggérait à Sikorsky Aircraft Corporation d'envisager, en coordination avec la Federal Aviation Administration, l'intégration d'un système automatique pour actionner l'interrupteur de dérivation d'huile de la boîte de transmission principale ( BTP ) dans le cadre de la conception de l'hélicoptère S-92A de Sikorsky.

4.1.1.4 Avis sur la sécurité aérienne A09A0016-D4-A1

Le 31 mars 2010, le BST a envoyé l'avis sur la sécurité aérienne A09A0016-D4-A1 (Pertinence des exigences applicables aux dispositifs de flottaison d'urgence des hélicoptères) à Transports Canada. L'avis sur la sécurité suggérait à Transports Canada de consulter les exploitants d'hélicoptères pour s'assurer que leurs aéronefs soient équipés d'un dispositif de flottaison d'urgence adapté à l'état de la mer prédominant durant leurs opérations.

Après avoir reçu l'avis sur la sécurité aérienne du BST , le service de certification des aéronefs de Transports Canada en a étudié le contenu en détail, puis a demandé à tous les surintendants régionaux, hélicoptères, d'en envoyer une copie aux exploitants d'hélicoptères susceptibles de prendre part à des opérations en haute mer. La lettre de Transports Canada avait pour but de rappeler aux transporteurs travaillant en haute mer qu'ils devraient évaluer leurs secteurs d'opérations afin de veiller à ce que leurs hélicoptères soient munis du matériel de flottaison d'urgence adéquat pour les états de mer courants.

4.1.2 Mesures prises par la Federal Aviation Administration

4.1.2.1 Bulletin spécial d'information de la navigabilité aérienne SW-09-19

Le 19 mars 2009, la Federal Aviation Administration (FAA) a émis le bulletin spécial d'information de la navigabilité aérienne SW-09-19 rappelant aux exploitants de se conformer au RFM du S-92A approuvé et non aux procédures figurant dans l'avis sur la sécurité de Sikorsky SSA -S92-08-006 émis le 26 septembre 2008, qui suggérait des modifications à venir concernant le RFM de la FAA en ce qui a trait aux procédures d'urgence applicables à la BTP.

4.1.2.2 Consigne de navigabilité urgente 2009-07-53

Le 23 mars 2009, la FAA a émis la consigne de navigabilité urgente AD 2009-07-53 visant les hélicoptères S-92A de Sikorsky. Cette consigne exigeait, avant la poursuite des vols, la dépose de tous les goujons en titane utilisés pour fixer la cuve du filtre de la BTP et leur remplacement par des goujons en acier. Cette AD a été remplacée par la AD 2009-13-01, datée du 16 juin 2009, laquelle exige les mêmes mesures que la AD en vigueur ainsi que des modifications visant le manuel de vol de l'hélicoptère (RFM).

4.1.2.3 Révisions du RFM du S-92A

Le 13 mai 2009, la FAA a approuvé les révisions du RFM traitant des procédures normales et d'urgence applicables par l'équipage en cas de mauvais fonctionnement de la BTP . Le 16 juin 2009, la FAA a émis la AD 2009-13-01 afin d'entériner l'entrée en vigueur des révisions du RFM à compter du 1er juillet 2009. Le préambule de la AD était le suivant :

[Traduction]
Ce modificatif est justifié par un accident, par les modifications récemment apportées au RFM par les constructeurs - lesquelles modifications n'étaient pas disponibles au moment de publier la AD actuelle -, et par le constat selon lequel certaines procédures normales et d'urgence propres à la BTP décrites dans le RFM manquent de clarté, peuvent prêter à confusion et induire en erreur les équipages lorsqu'un problème de fonctionnement touche la BTP , notamment en ce qui concerne l'urgence de se poser immédiatement après un message de perte de pression d'huile BTP et de pression d'huile inférieure à 5 lb/po².

Le RFM révisé comprenait des indications pour les pilotes sur le fait qu'une perte d'huile totale de la BTP peut entraîner une défaillance de la BTP en moins de 10 minutes.

4.1.2.4 Consigne de navigabilité AD 2009-25-10

Le 25 novembre 2009, la FAA a émis la AD 2009-25-10 afin d'ordonner l'inspection des filtres du système de lubrification des BTP des hélicoptères S-92A portant les numéros de série 920006 à 920109, et ce, dans un délai de sept jours. Le préambule de cette consigne explique que la modification découlait de trois rapports faisant état de filtres à huile ou de joints endommagés. Les dommages auraient été causés par l'utilisation d'un joint surdimensionné, situation qui était peut-être survenue en raison d'une erreur de numéro de pièce dans le manuel d'entretien. Si l'on relevait des dommages à l'un des deux filtres, tous deux devaient être remplacés, ainsi que les joints et les goujons, avant le prochain vol. La cuve du filtre à huile devait également être remplacée dans les 30 jours suivant le remplacement d'un filtre endommagé, et jusqu'à ce qu'elle le soit, elle devait être inspectée quotidiennement pour toute fuite. L'inspection des filtres à huile primaire et secondaire visait à déceler tout dommage éventuel pour prévenir une perte d'huile totale de la BTP , la défaillance de la BTP et la perte de maîtrise d'hélicoptère qui s'ensuivrait.

4.1.2.5 Consigne de navigabilité AD 2010-10-03

Le 27 avril 2010, la FAA a émis la consigne AD 2010-10-03 qui exigeait le remplacement de la cuve du filtre à huile de la BTP par une nouvelle cuve de la BTP à deux pièces, ainsi que le remplacement des goujons de fixation. La consigne précisait que ces mesures avaient pour but d'éviter une défaillance de l'assemblage de la cuve du filtre de la BTP en raison d'un bris des goujons de fixation ou de la cuve du filtre qui entraînerait la perte d'huile de la BTP , une défaillance de la BTP et une perte subséquente de la maîtrise de l'hélicoptère.

4.1.3 Mesures prises par l'Agence de sécurité aérienne européenne

Le 17 mars 2009, l'AESA a émis l'avis sur la sécurité (SIB) 2009-05 afin d'informer les exploitants de S-92A qu'elle prenait en compte le CCS-92A-AOL-09-0008 et non le SSA -S-92A-08-006, qui renvoyait à des modifications du RFM que la Federal Aviation Administration n'avait pas encore approuvées. Comme l'AESA pensait que certains exploitants pourraient considérer le SSA comme étant obligatoire et non comme un simple préavis de projet de modification, elle a demandé à ses exploitants de continuer d'appliquer les procédures décrites dans le RFM approuvé.

Le 8 octobre 2009, l'AESA a émis la AD 2009-0217-E - Main Rotor Drive - Main Gearbox (MGB) Lubrication System Filter Components - One-Time Inspection. Cette AD urgente exigeait une inspection unique des éléments filtrants principaux et secondaires dans le but de déceler tout dommage éventuel et, dans le cas où un filtre aurait présenté des dommages, le remplacement des goujons de la cuve de filtre et des éléments filtrants touchés. Cette AD a été annulée le 21 décembre 2009 lorsque l'AESA a adopté la AD 2009-25-10 de la FAA.

Le 26 janvier 2010, l'AESA a amis la AD 2010-0015 - Main Rotor Drive - Main Gearbox (MGB) Filter Bowl Assembly - Replacement. Cette AD demandait l'exécution des mesures suivantes, sous réserve qu'elles n'aient pas déjà été prises :

[Traduction]

  1. Au cours des 100 prochaines heures de vol ou des 60 prochains jours, selon la première échéance après la date d'entrée en vigueur de la présente AD , remplacer la cuve de filtre du système de lubrification de BTP portant le numéro de pièce 92351-15802-101 par une cuve portant le numéro de pièce 92351-15802-106, conformément aux consignes du Bulletin de service d'alerte (ASB) 92-63-022A de Sikorsky.
  2. La modification d'un hélicoptère, avant la date d'entrée en vigueur de la présente AD , conformément au ASB 92-63-022 de Sikorsky daté du 10 décembre 2009, revient à se conformer aux exigences du paragraphe (1) de cette AD.
  3. Après la date d'entrée en vigueur de la présente AD, ne plus installer de cuve de filtre de système de lubrification de BTP portant le numéro de pièce 92351-15802-101 sur quelque hélicoptère que ce soit.

La AD 2010-0015 a été annulée le 21 mai 2010 lorsque l'AESA a adopté la AD 2010-10-03 de la FAA.

4.1.4 Mesures prises par Cougar Helicopters Inc.

4.1.4.1 Amélioration du SGS

En juin 2009, Cougar Helicopters a mis en place un SGS plus complet et plus fiable dans le but de réunir toutes les pratiques de sécurité appliquées dans ses différe mars 2009, la FAA a émis la consigne de navigabilité urgente AD 2009-07-53 visant les hélicoptères S-92A de Sikorsky. Cette consigne exigeait, avant la poursuite des vols, la dépose de tous les goujons en titane utilisés pour fixer la cuve du filtre de la BTP et leur remplacement par des goujons en acier. Cette AD a été remplacée par la AD 2009-13-01, datée du 16 juin 2009, laquelle exige les mêmes mesures que la AD en vigueur ainsi que des modifications visant le manuel de vol de l'hélicoptère (RFM).

4.1.4.2 Utilisation du casque par les pilotes

Cougar Helicopters Inc. a mis en œuvre un programme de partage des frais facultatif visant à augmenter l'utilisation du casque. La direction a accepté de payer une partie des frais à tout pilote voulant se procurer un casque de marque et modèle réglementés. Le modèle retenu doit comprendre une visière de protection. L'exploitant a indiqué qu'environ 64 % de ses pilotes ont participé au programme.

4.1.4.3 Système d'enregistrement des équipements de survie

Cougar Helicopters a mis en place un système d'enregistrement des équipements de survie (SEES) qui permet de connaître les opérations de maintenance planifiées et effectuées concernant les gilets de sauvetage, les combinaisons, les casques et les radiobalises portatives des pilotes et des équipes de recherche et de sauvetage (SAR).

4.1.4.4 Tenue des équipages

Cougar Helicopters a uniformisé la tenue des équipages de conduite. À présent, tous les pilotes portent soit une combinaison en Nomex spécifiée, soit une combinaison de survie spécifiée, selon les opérations auxquelles ils prennent part.

4.1.4.5 Nouveau gilet de sauvetage des équipages

Cougar Helicopters a mis en service un nouveau gilet de sauvetage. Le gilet pour équipages d'hélicoptères HV-35C comporte une bordure réfléchissante, un couteau, un miroir à signaux, un sifflet et un emplacement destiné à l'appareil EUBA.

4.1.4.6 Listes de vérifications normales et d'urgence modifiées du S-92A

Cougar Helicopters a révisé et modifié les listes de vérifications normales et d'urgence en consultation avec Transports Canada.

4.1.4.7 Profil de descente adopté en cas de perte de pression d'huile de la BTP

Cougar Helicopters a élaboré, en consultation avec Transports Canada, un profil de descente à adopter en cas de perte de pression d'huile de la BTP , lequel a été testé et validé dans un simulateur.

4.1.4.8 Emplacement des masques de plongée pour passagers

Cougar Helicopters a retiré les masques de plongée utilisés par les passagers en cas d'amerrissage de dessous les sièges passagers afin de les réinstaller à un endroit plus facile d'accès.

4.1.4.9 Délai de déploiement des équipes de sauvetage

Pour faire suite à une recommandation provisoire du Offshore Helicopter Safety Inquiry, Cougar Helicopters Inc. a réduit les délais d'intervention des équipes de recherche et de sauvetage (SAR) exigés par les exploitants de plateformes en mer en ajoutant du personnel et un hélicoptère spécialisés dans cette mission. Des pilotes et des équipes de sauvetage sont spécialisés dans la prestation de ce service.

4.1.4.10 Carte de tâche relative aux vidanges d'huile de la BTP du S-92A

Cougar Helicopters Inc. a révisé les exigences de travail de la carte de tâche relative aux vidanges d'huile de la BTP du S-92A afin d'inclure les étapes suivantes : consigner le couple de desserrage des écrous démontés; inspecter les goujons de montage IAW S-92AA conformément à l'AMM 63-24-02-001 et mesurer et consigner le couple de serrage des écrous installés.

4.1.4.11 Programme de formation et instructeur en CRM de Cougar Helicopters

Dans le cadre des efforts soutenus que la compagnie déploie pour mettre au point un programme de formation en gestion des ressources d'équipage (CRM) interne efficace, Cougar Helicopters a embauché un pilote qualifié chargé d'élaborer et de superviser un programme de formation en CRM spécialisé répondant aux besoins spécifiques des plateformes pétrolières en mer. Le pilote en question a suivi un cours d'instructeurs en CRM qui satisfait aux conditions de formation élémentaire préalables imposées aux personnes désireuses d'être accréditées par la CAA du Royaume-Uni en tant qu'instructeurs en CRM . Un programme complet a été proposé et accepté par Cougar Helicopters.

4.1.4.12 Exigences établies en matière de formation en CRM

Cougar Helicopters a officiellement établi des exigences relatives à la formation en CRM initiale et périodique dans le manuel d'exploitation de la compagnie (MEC). Le chapitre 8 du MEC a été mis à jour. Il prévoit que toute personne nouvellement embauchée doit suivre une formation en CRM de 6 heures. Le MEC a également été mis à jour pour inclure une disposition obligeant tous les pilotes de Cougar Helicopters à suivre 2 heures de formation en CRM périodique tous les 2 ans.

4.1.4.13 Dispositif de flottaison d'urgence à cinq boudins

Pendant l'été de 2010, Cougar Helicopters a installé des dispositifs de flottaison d'urgence (DFU) à cinq boudins sur trois de ses hélicoptères S-92A basés à St. John's. Un quatrième dispositif doit être livré en janvier 2011, qui sera installé sur un autre S-92A basé à St. John's à la première occasion. Par conséquent, 75 % de la flotte de S-92A de Cougar Helicopters basée à St. John's est désormais équipée de DFU à cinq boudins.

4.1.5 Mesures prises par Sikorsky Aircraft Corporation

4.1.5.1 Sikorsky CCS-92A-AOL-09-0008

Le 14 mars 2009, Sikorsky a publié le CCS-92A-AOL-09-0008, lequel fournit quelques renseignements préliminaires sur l'accident et précise que la conformité aux publications, y compris au manuel de maintenance, au manuel d'exploitation, aux bulletins de service d'alerte et aux avis de sécurité de Sikorsky, est primordiale.

4.1.5.2 Bulletin de service d'alerte no 92-63-014A

Le 20 mars 2009, Sikorsky a publié la révision A du bulletin de service d'alerte no 92-63-014A, qui décrit les procédures à suivre pour déposer des goujons en titane et les remplacer par des goujons en acier.

4.1.5.3 Nouvelles cuves de filtre de BTP à deux pièces du S-92A

Sikorsky a conçu, homologué et mis en service une nouvelle cuve de filtre à deux pièces dotée de six écrous et boulons de fixation remplaçables. La publication de la AD 2010-10-03 de la FAA a rendu obligatoire l'installation de cette nouvelle cuve.

4.1.6 Mesures prises par la Marine Institute

La formation sur l'utilisation des dispositifs respiratoires submersibles de secours (EUBA) a été intégrée à tous les programmes de formation spécialisés visant les exploitants d'hélicoptères extracôtiers, ce à compter du 11 mai 2009. De plus, des travaux techniques destinés à permettre l'installation d'un simulateur de nouvelle génération doté de harnais à quatre points ont été réalisés.

4.1.7 Mesures prises par Survival Systems Training Limited

La formation sur les EUBA d'hélicoptères a été intégrée aux cours de FES . Des compétences en matière d'évacuation en condition d'immersion propres à l'hélicoptère S-92A ont été définies et éprouvées et elles ont donné lieu à de nouveaux protocoles de formation. Tous les travailleurs doivent désormais être capables d'évacuer l'hélicoptère à partir d'une position de siège complètement enfoncé.

4.1.8 Mesures prises par Helly Hansen

4.1.8.1 Politique relative à la sélection des combinaisons pour passagers d'aéronef

À partir du 18 mai 2009, Helly Hansen a aidé le personnel de Cougar Helicopters à vérifier la taille des combinaisons de tous les travailleurs des plateformes pétrolières. Les combinaisons ont été vérifiées au moyen d'une évaluation fonctionnelle, qui a consisté, notamment, à vérifier l'étanchéité des poignets et de la cagoule et la capacité du porteur à se mouvoir. Lorsque l'étanchéité ou la capacité à se mouvoir ne répondaient pas aux attentes, des mensurations complètes du porteur ont été prises. Les contrôles d'ajustement ont montré que sur 1600 combinaisons, 250 n'étaient pas ajustées correctement.

Ces problèmes ont été résolus, dans de nombreux cas, en remplaçant la combinaison existante par une combinaison de plus petite taille ou en apportant des modifications ciblées, consistant par exemple en l'ajout d'une cagoule de plus petite dimension. On s'attendait à ce que moins de 1 % des ouvriers ait besoin d'une combinaison intégralement faite sur mesure.

4.1.8.2 Formation du personnel de Cougar Helicopters sur l'utilisation des combinaisons

Pendant la phase de vérification des combinaisons, Helly Hansen a secondé le personnel de Cougar Helicopters afin de s'assurer que ce dernier serait en mesure de sélectionner les tailles de combinaisons appropriées le moment venu. Helly Hansen a ensuite confié au personnel de Cougar Helicopters la tâche de redéfinir la taille appropriée des combinaisons.

4.1.8.3 Nouvelles combinaisons pour passagers d'aéronef

Helly Hansen a présenté une combinaison E-452 modifiée, désignée HTS-1, permettant de remédier aux problèmes de taille relevés lors du processus de vérification des combinaisons. La combinaison HTS-1 est munie d'un système de suspension interne réglable permettant de régler la longueur de la combinaison pour optimiser son ajustement. La cagoule a été redessinée et elle comporte un système d'ajustement qui améliore son étanchéité. La combinaison HTS-1 est munie de bandes de poignet améliorées ajustables et elle est permet de changer les bandes de poignet, les bottes et les cagoules afin d'adapter la combinaison à chaque utilisateur. Comme les fuites d'eau ont été réduites, l'isolation de la région du torse a été retirée afin de réduire l'encombrement et le stress thermique.

4.1.9 Mesures prises par les exploitants des plateformes pétrolières de la côte est

Le 18 mai 2009, les exploitants des plateformes pétrolières de la côte est ont commencé à fournir des dispositifs respiratoires submersibles de secours (EUBA) de type Survival Egress Air LV2 (SEA LV2) à tous les passagers à la suite de séances de sensibilisation incluant des exposés et des démonstrations, des consignes d'embarquement à l'héliport et une formation obligatoire en milieu aquatique. Le SEA LV2 est un dispositif à air comprimé dont la bouteille est fixée sur la partie supérieure de la combinaison. L' EUBA offre au porteur l'équivalent de 21 inspirations, cette capacité étant basée sur un volume respiratoire moyen de 1,5 litre à un rythme de 10,5 inspirations par minute, ce qui équivaut à une réserve d'air d'environ 2 minutes.

4.1.10 Mesures prises par l'Office des normes générales du Canada

Avant que l' ONGC ne tienne sa réunion de novembre 2009 consacrée aux combinaisons de survie, les membres du comité ont soumis des points de discussion au groupe de travail de l' ONGC . Les points de discussion suggéraient les améliorations suivantes :

Une première ébauche a été soumise au comité le 19 octobre 2010, et le travail se poursuit sur plusieurs questions d'ordre technique. Une nouvelle version devrait être soumise au comité d'ici la fin de mars ou le début d'avril 2011. Le comité doit se rencontrer à nouveau du 14 au 17 juin 2011 afin d'étudier les commentaires reçus concernant la nouvelle version du document.

4.1.11 Mesures prises par Marine Rescue Technologies Ltd.

Le constructeur a présenté un nouveau type de radiobalise individuelle de repérage modèle AU9-HT conçue pour satisfaire aux exigences du marché évolutif des hélicoptères opérant sur des plateformes en mer. L'antenne de la radiobalise AU9-HT est directement fixée au boîtier de la PLB au moyen d'un adhésif de haute résistance qui assure l'étanchéité du raccord. Le logement du bouton de la partie frontale a été modifié. Il comporte une bride et une lèvre sur laquelle le bouton est monté. L'appareil a été éprouvé à une pression correspondant à une profondeur de 75 m et il est fabriqué à partir de matériaux ignifuges.

4.1.12 Mesures prises par la Commission d'enquête sur la sécurité des hélicoptères extracôtiers

Le 8 avril 2009, l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers (C-NLOPB) a mis sur pied une commission d'enquête sur la sécurité des hélicoptères extracôtiers (OHSI) pour faire enquête, rapport et formuler des recommandations sur :

  1. les exigences relatives aux plans de sécurité pour les exploitants et le rôle qu'ils jouent pour veiller à ce que leurs plans de sécurité approuvés par l'Office sont suivis;
  2. les obligations des exploitants d'hélicoptère en matière de recherche et de sauvetage imposées par la loi, les réglementations et les responsabilités contractuelles;
  3. le rôle du C-NLOPB et d'autres organismes de réglementation en vue d'assurer la conformité aux obligations légales en matière de sécurité des employés.

4.1.13 Mesures prises par Flight Safety International

Flight Safety International a modifié sa formation au sol initiale et périodique ainsi que sa formation sur simulateur pour bien souligner que les sondes de température de l'huile de la BTP sont des sondes humides qui ne fonctionnent bien que lorsqu'elles sont immergées dans l'huile et que les indications de température de l'huile de la BTP ne seront plus fiables à la suite d'une perte totale de la pression d'huile dans la BTP.

4.2 Mesures requises

4.2.1 Certification de la boîte de transmission principale

La dernière mise à jour importante des normes de navigabilité pour giravions a eu lieu au tournant des années 1980. La mise à jour découlait de la croissance importante dans l'industrie des giravions, ainsi que du constat fait par le gouvernement américain et l'industrie que les normes de certification ne correspondaient plus à la technologie des giravions en évolution rapide. Les normes mentionnaient particulièrement la nécessité d'un niveau de sécurité élevé dans les exigences de conception des hélicoptères.

Les exigences de conception mises à jour pour les giravions multimoteurs de transport (catégorie A) précisaient qu'une boîte de transmission principale (BTP) devait pouvoir fonctionner assez longtemps à la suite d'une perte de lubrifiant afin de favoriser un atterrissage éventuel. Cette considération a débouché sur l'imposition de l'exigence selon laquelle un appareil doit pouvoir fonctionner durant 30 minutes après une perte d'huile de la BTP . Cependant, l'inscription de la clause sur le caractère « extrêmement rare » d'une panne à la suite de l'étape des commentaires du processus d'élaboration des normes a fait en sorte qu'un hélicoptère peut être certifié sans pouvoir fonctionner pendant 30 minutes seulement à partir de l'huile résiduelle. Les giravions de catégorie A certifiés au regard de la clause « extrêmement rare » pourraient ne pas être en mesure de fonctionner pendant 30 minutes avec, pour seule lubrification, l'huile résiduelle. Ces hélicoptères risquent toujours de subir des pannes de BTP provenant de pertes totales d'huile, ce qui met les passagers et l'équipage à risque.

En conséquence, le Bureau recommande que :

La Federal Aviation Administration, Transports Canada et l'Agence européenne de la sécurité aérienne éliminent la clause « extrêmement rare » de la règle exigeant qu'un hélicoptère de catégorie A puisse fonctionner durant 30 minutes après une perte d'huile de la boîte de transmission principale pour tous les nouveaux appareils, et qu'ils fassent de même pour les appareils existants après l'octroi d'une période de transition.
Recommandation A11-01 du BST

La mise à jour des années 1980 prévoyait la possibilité de certifier un hélicoptère multimoteur avec la capacité, en cas de panne d'un des moteurs, de poursuivre le vol jusqu'à destination avec un seul moteur. Cette règle servait de complément à la norme de certification qui exigeait une capacité de fonctionnement continu de 30 minutes après la perte d'un des moteurs. Afin d'appuyer cette norme, la FAA a déclaré :

[Traduction]
À l'origine, la norme de 30 minutes était adéquate en raison des structures de route relativement courtes des transporteurs par hélicoptère de première génération. Les besoins de l'industrie quant à la norme de fonctionnement continu avec un seul moteur proviennent principalement des opérations d'hélicoptères qui desservent les plateformes de forage en mer. Bon nombre de ces activités comprennent des structures de route qui ne permettent pas d'atterrir en moins de 30 minutes en cas de panne de moteur.

Parmi les autres changements, il y avait la clause sur la capacité de la BTP de fonctionner à sec pendant 30 minutes. Cette règle se justifie par le fait que les hélicoptères de catégorie A doivent disposer d'une capacité de vol importante après une défaillance, et ce, afin de favoriser un atterrissage éventuel.

Depuis la dernière mise à jour importante des règles de certification, la technologie n'a cessé de progresser. En outre, l'industrie des hélicoptères s'est développée, en même temps que l'usage de gros hélicoptères de transport en haute mer. Le raisonnement des années 1980 au sujet du renforcement des mesures de sécurité tient toujours aujourd'hui.

Si un hélicoptère doit amerrir d'urgence sur des eaux agitées comme celles au large de la côte est canadienne, les occupants courent un risque important. Plusieurs des plateformes en haute mer sont à plus de 2 heures de vol, et de nouveaux projets d'exploitation pétrolière sont prévus encore plus loin des côtes.

Selon l'information disponible, d'autres hélicoptères sont désormais en mesure de fonctionner à sec au-delà de 30 minutes. Il est peut-être actuellement possible d'un point de vue technique, et viable sur le plan économique, de produire un hélicoptère qui puisse fonctionner plus de 30 minutes après une perte importante d'huile de la BTP . En conséquence, le Bureau recommande que :

La Federal Aviation Administration réévalue l'exigence imposée aux hélicoptères de transport de catégorie A selon laquelle ces derniers doivent pouvoir fonctionner avec une boîte de transmission principale à sec pendant 30 minutes.
Recommandation A11-02 du BST

4.2.2 Amerrissage sécuritaire et évacuation réussie

Les opérations extracôtières de transport par hélicoptère de passagers entre la côte et les plateformes de forage ont lieu sachant qu'en cas d'urgence, l'hélicoptère pourrait être forcé d'atterrir ou d'amerrir. Dans cette perspective, la vie et la sécurité des passagers et des membres d'équipage doit constituer la priorité absolue.

La plupart des hélicoptères qui desservent l'industrie du pétrole et du gaz en haute mer, y compris le S-92A, sont munis d'un dispositif de flottaison d'urgence (DFU) qui offre, en cas d'amerrissage, une stabilité raisonnable selon des « conditions maritimes assez probables » équivalentes au moins à une mer de force 4 OMM. Ce dispositif permet de maintenir l'hélicoptère debout assez longtemps pour que les occupants évacuent dans les radeaux de survie.

Cependant, les hélicoptères sont exploités fréquemment dans des régions où les mers dépassent la force 4 OMM. Par exemple, au large de Terre-Neuve, les statistiques d'Environnement Canada montrent que la mer dépasse la force 4 environ 50 % du temps durant l'année, et 83 % du temps entre les mois de décembre et février. En comparaison, la mer dépasse beaucoup moins souvent la force 6 OMM : 3,3 % du temps au cours de l'année, et 8,9 % du temps entre décembre et février.

Les hélicoptères bimoteurs ont normalement un centre de gravité élevé en raison du poids des moteurs et de la boîte de transmission principale, qui sont situés sur le toit de la cabine. Par conséquent, il est très probable qu'un tel hélicoptère chavirera après avoir amerri à moins d'être équipé d'un DFU adapté aux conditions dominantes de la mer.

Lorsque les DFU font défaut, les hélicoptères bimoteurs se renversent toujours sens dessus dessous, ce qui fait que la cabine est complètement inondée et que toutes les portes et fenêtres sont immergées. L'évacuation devient alors très difficile, les issues étant sous l'eau, et les occupants qui n'évacuent pas dès les premières secondes se noieront.

Bien que certaines démarches ont été faites à Terre-Neuve pour veiller à ce que les DFU fonctionnent sur une mer dépassant la force 4, les passagers et les équipages d'hélicoptères au Canada courent tout de même un risque lorsque les hélicoptères survolent des mers dont la force dépasse la capacité des DFU.

En conséquence, le Bureau recommande que :

Transports Canada interdise l'exploitation commerciale d'hélicoptères de transport de catégorie A en survol maritime lorsque l'état des mers ne permet pas d'amerrir de façon sécuritaire et de réussir l'évacuation de l'appareil.
Recommandation A11-03 du BST

4.2.3 Dispositifs respiratoires submersibles de secours

La noyade constitue la principale cause de décès lorsqu'un hélicoptère fait un amerrissage ou s'écrase sur un plan d'eau, et elle est à l'origine du décès des 17 victimes du vol Cougar 91. Il est probable que plusieurs occupants soient restés conscients après l'impact avec l'eau et qu'ils aient fini par manquer d'air en raison du choc thermique et se soient noyés avant d'avoir pu évacuer l'hélicoptère qui était en train de couler. Les occupants ne disposaient d'aucun moyen permettant de gagner suffisamment de temps pour décrocher leur ceinture de sécurité et évacuer l'appareil avant de se retrouver à bout de souffle.

Des études ont montré qu'habituellement, il faut prévoir entre 29 et 92 secondes pour que les occupants d'un hélicoptère immergé puissent réussir à évacuer l'aéronef. Une enquête menée auprès de 228 travailleurs de l'industrie pétrolière a montré que leur durée d'apnée moyenne dans une eau à 25 °C est de 37 secondes. La température de l'eau de l'Atlantique Nord, au large de Terre-Neuve, se situe entre 1 °C et 2 °C durant les mois d'hiver et entre 12 °C et 14 °C en été. Plus la température de l'eau est basse, plus la durée moyenne d'apnée diminue. Des études ont également montré que la durée d'apnée diminue considérablement lorsque la température de l'eau passe en dessous de 15 °C. Dans une eau près du point de congélation, la durée d'apnée chute spectaculairement entre 5 et 10 secondes. À l'époque de l'accident, la température de l'eau était d'environ 0 °C , ce qui rendait l'évacuation presque impossible, même pour une personne en bonne forme et bien entraînée en matière de procédures d'évacuation d'un hélicoptère immergé.

Chaque année, plusieurs milliers de personnes sont transportées régulièrement par hélicoptère à destination ou en provenance des plateformes pétrolières situées au large de Terre-Neuve. En cas d'amerrissage ou d'impact sur l'eau, les occupants non dotés d'un dispositif de respiration d'appoint disposeraient de très peu de temps pour évacuer l'hélicoptère immergé avant de se retrouver à bout de souffle. À Terre-Neuve, les travailleurs des plateformes disposent désormais d'un dispositif respiratoire submersible de secours (EUBA). Cependant, comme ce sont les organismes de réglementation de l'exploitation pétrolière en mer qui se sont occupés de la question, cette pratique n'est pas généralisée. En somme, d'autres opérations d'hélicoptères en survol maritime peuvent avoir lieu dans différentes régions du Canada où les occupants ne disposeront pas d'un EUBA.

En vertu de la réglementation, les passagers d'hélicoptères sont tenus de revêtir une combinaison pour passagers d'aéronef lorsqu'ils survolent une grande étendue d'eau froide. Actuellement, il n'y a toutefois aucune exigence semblable pour les EUBA en prévision de situations d'urgence. Par conséquent, les occupants courent un risque de se noyer lors d'un amerrissage d'urgence ou d'un écrasement en mer.

En conséquence, le Bureau recommande que :

Transports Canada rende obligatoires les dispositifs respiratoires submersibles de secours pour tous les occupants d'hélicoptères en survol maritime qui sont tenus de revêtir une combinaison pour passagers d'aéronef.
Recommandation A11-04 du BST

4.2.4 Manuels de vol de l'hélicoptère- Ajout de la durée de fonctionnement à sec

Les constructeurs de giravions ne sont pas tenus d'inclure dans les manuels de vol (RFM) des renseignements précisant que leurs hélicoptères ont démontré une capacité à poursuivre le vol en toute sécurité, après que l'équipage de conduite a décelé une panne du circuit de lubrification ou une perte de lubrifiant, en utilisant uniquement l'huile résiduelle du circuit. Cette capacité est couramment appelée « durée de fonctionnement à sec ». Il s'agit d'un paramètre précieux qui peut aider les pilotes lors d'une situation anormale ou d'urgence impliquant la BTP.

Comme il n'est pas obligatoire de mentionner la durée de fonctionnement à sec dans le RFM , certains constructeurs ne communiquent pas cette information aux pilotes, que ce soit dans la procédure d'urgence applicable ou dans la rubrique du RFM qui traite des limites et des performances de l'aéronef. À la suite de l'accident de Cougar Helicopters, la rubrique consacrée aux problèmes de fonctionnement de la BTP du S-92A a été modifiée de manière à inclure un énoncé informant les pilotes qu'une perte totale d'huile de BTP peut entraîner une panne de la BTP dans un délai inférieur à 10 minutes.

Le fait de mentionner une durée limite de fonctionnement à sec dans le manuel de l'hélicoptère peut appuyer la nécessité d'adopter un profil de vol recommandé lors d'une perte de lubrifiant. De plus, cette information peut influencer la prise de décision du pilote quant à la nécessité d'atterrir d'urgence dans un environnement hostile plutôt que de poursuivre le vol. Cela est particulièrement vrai lorsque l'aéronef a été certifié sans qu'il soit démontré qu'il est capable de voler en toute sécurité pendant au moins 30 minutes, ce avec uniquement l'huile résiduelle du circuit, après que l'équipage ait constaté la panne du circuit de lubrification ou la perte de lubrifiant.

Par conséquent, le Bureau est préoccupé du fait que les pilotes ne disposent pas des renseignements sur la capacité de fonctionnement à sec d'un hélicoptère, et des conséquences que cela pourrait avoir sur le processus décisionnel de l'équipage.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Liste des rapports de laboratoire

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe B - Données FDR enregistrées au cours des 12 dernières minutes du vol

(Ce document n'existe pas en français.)

Images des données FDR enregistrées au cours des 12 dernières minutes du vol

Annexe C - Données HUMS enregistrées au cours des 50 dernières secondes du vol

(Ce document n'existe pas en français.)

Images des données HUMS enregistrées au cours des 50 dernières secondes du vol

Annexe D - Procédures applicables en cas de mauvais fonctionnement de la BTP du S-92A (tirées du RFM )

(Ce document n'existe pas en français.)

Images des procédures applicables en cas de mauvais fonctionnement de la BTP du S-92A (tirées du RFM )
Images des procédures applicables en cas de mauvais fonctionnement de la BTP du S-92A (tirées du RFM )
Images des procédures applicables en cas de mauvais fonctionnement de la BTP du S-92A (tirées du RFM )
Images des procédures applicables en cas de mauvais fonctionnement de la BTP du S-92A (tirées du RFM )

Annexe E - Messages et voyants de la liste de vérifications du Cougar S-92A

(Ce document n'existe pas en français.)

Images des messages et voyants de la liste de vérifications du Cougar S-92A
Images des messages et voyants de la liste de vérifications du Cougar S-92A
Images des messages et voyants de la liste de vérifications du Cougar S-92A

Annexe F - Glossaire

AAIB
Air Accident Investigation Branch
AC
Circulaire d'information
ACC
centre de contrôle régional
AD
consigne de navigabilité
AESA
Agence européenne de la sécurité aérienne
AMM
manuel d'entretien d'aéronef
APU
groupe auxiliaire de bord
ASB
Bulletin de service d'alerte
asl
au-dessus du niveau de la mer
ASL
Sécurité aérienne - Nouvelles
ATC
contrôle de la circulation aérienne
ATPL
licence de pilote de ligne
ATSB
Bureau de la sécurité des transports australien
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
BTI
boîte de transmission intermédiaire
BTP
boîte de transmission principale
c.a.
courant alternatif
CAA
Autorité de l'aviation civile
CAODC
Canadian Association of Oilwell Drilling Contractors
CAPP
Association canadienne des producteurs pétroliers
CASO
agent de sécurité aérienne de compagnie
CCOS
Centre de coordination des opérations de sauvetage
CGG
générateur de gaz à froid
CHC
Canadian Helicopters Corporation
CHI91
Vol 491/Cougar 91 de Cougar Helicopters
CIACA
circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires
C-NLOPB
Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers
C-NSOPB
Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers
CRAC
Comité de réglementation de l'Aviation civile
CRM
gestion des ressources de l'équipage
CRMI
instructeurs en CRM
CRMIE
examinateur d'instructeur en CRM
CVR
enregistreur de conversations dans le poste de pilotage
DCRR
Directive du Cabinet sur la rationalisation de la réglementation
DEB
ELT largable
DFU
dispositif de flottaison d'urgence
É.-U.
États-Unis d'Amérique
EEC
commandes moteur électroniques
EEHI
entraînement à l'évacuation d'un hélicoptère immergé
EICAS
système d'affichage des paramètres moteurs et d'alerte de l'équipage
EGPWS
système d'avertissement de proximité du sol amélioré
ELT
émetteur de localisation d'urgence
ELT(AD)
émetteur de localisation d'urgence automatique
EUBA
dispositif respiratoire submersible de secours
FAA
Federal Aviation Administration
FC
Forces canadiennes
FCC
calculateur de commandes de vol
FDR
enregistreur de données de vol
FEPS
formation élémentaire périodique sur la survie
FES
formation élémentaire sur la survie
FHMA
facteurs humains en maintenance d'aéronefs
FMS
système de gestion de vol
FSI
Flight Safety International
g
accélération due à la pesanteur qui se manifeste à la surface de la Terre
GPS
système de positionnement mondial
HFDM
programme de suivi des données de vol
Hg
pouce de mercure
HUMS
système de surveillance des cycles de fonctionnement
IFAP
Industrial Foundation for Accident Prevention (Australia)
IFR
règles de vol aux instruments
JAR-OPS
Joint Aviation Requirement (commercial air transport operation)
JHWG
Joint Harmonization Working Group
KIAS
vitesse indiquée exprimée en nœuds
km
kilomètre
kt
nœud
L/D
rapport portance-traînée
Lb/po²
livre par pouce carré
LOFT
entraînement type vol de ligne
MEC
manuel d'exploitation de la compagnie
MFD
cran multifonction
MHz
mégahertz
MPFR
enregistreur de vol multifonction
MPL
licence de pilote en équipage multiple
MSEF
modèle de survie à l'exposition au froid
N
Nord
NASA
North American Space Agency
NDB
radiophare non directionnel
nm
mille marin
NPRM
avis de projet de réglementation
Nr
régime du rotor principal
NSAC
normes de service aérien commercial
NTSB
National Transportation Safety Board (États-Unis)
NUTEC
Norwegian Underwater Technology Centre
OHSI
Offshore Helicopter Safety Inquiry
OLF
Norwegian Oil Industry Association
ONE
Office national de l'énergie du Canada
ONGC
Office des normes générales du Canada
PAQ
programme avancé de qualification
PDP
prise de décision du pilote
PPC
vérification compétence pilote
PTM
manuel d'apprentissage du pilote
PTSS
combinaison pour passagers d'aéronef
PVA
programme de pilote vérificateur agréé
R.-U.
Royaume-Uni
RAC
Règlement de l'aviation canadien
RCC
centre de coordination des opérations de sauvetage
RFM
manuel de vol de l'hélicoptère
RHOSS
Review of Helicopter Offshore Safety and Survival
ROV
engin sous-marin télécommandé
SA
avis de sécurité
SAE
Society of Automotive Engineers
SAIB
bulletin spécial d'information de la navigabilité aérienne
SAR
recherche et sauvetage
SATOPS
Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien
SGS
système de gestion de la sécurité
SGSI
système de gestion de la sécurité intégré
sm
mille terrestre
SMC
Service météorologique du Canada
SOP
procédures d'utilisation normalisées
SSA
Sikorsky Safety Advisory
STC
certificat de type supplémentaire
TC
Transports Canada
TEM
gestion des menaces et des erreurs
TER
tableau d'évaluation des risques
UTC
temps universel coordonné
VFR
règles de vol à vue
VMC
conditions météorologiques de vol à vue
W
Ouest
WIDDCWG
Water Impact, Ditching Design and Crashworthiness Working Group
° M
degré magnétique
°
degré
°C
degré Celsius