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Rapport d'enquête aéronautique A13P0278

Décrochage aérodynamique et collision avec le relief
du Cessna C-185E, C-FQGZ
exploité par CBE Construction Ltd.
West Cracroft Island (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 24 octobre 2013, à 11 h 21, heure avancée du Pacifique, un Cessna C-185E muni de flotteurs (immatriculé C-FQGZ, numéro de série 18501691) exploité par CBE Construction Ltd. quitte l'hydrobase de Port McNeill (Colombie-Britannique) avec un pilote et 2 passagers à bord pour effectuer un vol nolisé à destination de West Cracroft Island (Colombie-Britannique). À 11 h 40, en manœuvrant en vue d'un amerrissage, le pilote perd la maîtrise de l'aéronef et celui-ci percute le relief à une altitude de 27 pieds au-dessus du niveau de la mer, sur une petite île dans Potts Lagoon, West Cracroft Island. Il n'y a pas d'incendie. L'aéronef est détruit et les 3 occupants subissent des blessures mortelles. Aucune transmission n'est reçue de la radiobalise de repérage d'urgence.

Renseignements de base

Déroulement du vol

CBE Construction Ltd. mène ses activités sous le nom commercial Air Cab à partir de l'hydrobase de Coal Harbour (Colombie-Britannique), à environ 19 milles marins (nm) à l'ouest de Port McNeill (Colombie-Britannique). Le matin du 24 octobre 2013, on a fait le plein de carburant de C-FQGZ (l'aéronef) [les réservoirs ayant une capacité de 76 gallons américains, ou 460 livres], et le pilote a effectué l'inspection prévol de l'aéronef. À 10 h 46Note de bas de page 1, après avoir discuté du plan de vol avec le propriétaire de l'entreprise, le pilote a quitté Coal Harbour pour effectuer un vol selon un itinéraire de vol d'entreprise à destination de l'hydrobase de Port McNeill (annexe A). À Port McNeill, 2 passagers ont reçu un exposé sur les mesures de sécurité et des vêtements de flottaison individuels (VFI) avant de prendre place à bord de l'aéronef. Tous les occupants portaient leur VFI durant le vol.

À 11 h 21, le vol a décollé de Port McNeill à destination d'une exploitation forestière près de Potts Lagoon, à West Cracroft Island (Colombie-Britannique). Peu après le décollage, et aux alentours d'Alert Bay (Colombie-Britannique), le pilote a discuté des conditions de vol à la radio avec le pilote d'un autre exploitant aérien qui volait dans la même région. Le pilote en cause dans l'accident a rapporté qu'il avait dû descendre à une altitude d'environ 200 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) à cause du plafond nuageux bas, mais que la vision vers l'avant était acceptable et qu'il se rendait à sa destination au-dessus de l'eau.

Potts Lagoon est un petit bras de mer abrité attenant au Clio Channel, sur la rive nord-ouest de West Cracroft Island. Cet endroit n'est pas couramment fréquenté par des aéronefs, et les pilotes qui veulent y amerrir ne peuvent compter sur aucun renseignement aéronautique.

L'aéronef devait amerrir et accoster au quai d'une exploitation forestière située sur une pointe de terre près de l'embouchure de la lagune. La péninsule entre Clio Channel et Potts Lagoon jouxtant l'exploitation forestière s'élève à une altitude de quelque 300 pieds asl. La majeure partie du terrain de West Cracroft Island autour de Potts Lagoon est densément couverte de pruche et de thuya.

Au moment de l'accident, on a observé que l'aire d'amerrissage sur la lagune présentait une quantité importante de bois flottant et de débris naturels.

À 11 h 35, près de l'embouchure de Potts Lagoon, on a aperçu l'aéronef en provenance de l'ouest. Il a survolé l'aire de triage des billes à une altitude d'environ 300 pieds asl et a poursuivi sa trajectoire pour franchir l'île et disparaître de la vue en direction nord-est (figure 1). Après un instant, l'aéronef est réapparu. Il a poursuivi son vol à basse altitude le long du rivage avant de survoler la lagune.

Figure 1. Trajectoire de vol de l'aéronef (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Carte du trajectoire de vol de l'aéronef

Peu après, l'aéronef a amorcé un virage serré à gauche pour revenir vers l'aire d'amerrissage prévue. Durant le virage, l'aéronef a effectué un mouvement de roulis très prononcé vers la gauche, accompagné d'une augmentation soudaine du bruit du moteur. L'aéronef s'est écrasé dans de grands arbres sur une petite île au centre de la lagune.

Renseignements sur le lieu de l'accident et l'épave

L'épave de l'aéronef a été examinée sur les lieux de l'accident et à l'installation régionale du BST.

L'aéronef s'est immobilisé, presque à l'envers, sur un relief densément boisé, à une altitude de 27 pieds asl sur la plus grosse de 2 îles situées à l'embouchure de Potts Lagoon (photo 1). Les arbres aux alentours du lieu de l'accident étaient d'une hauteur approximative de 75 à 80 pieds au-dessus du niveau du sol (agl). Les marques d'impact sur ces arbres révèlent que la trajectoire finale de l'aéronef suivait une route magnétique d'environ 350°, que son angle de descente était initialement de quelque 70° sous l'horizontale, et que l'angle s'est accentué à la verticale après que l'aéronef a heurté un bosquet de gros arbres (photo 2).

Photo 1. Lieu de l'accident en regardant vers le sud (Source : Sealand Aviation Ltd.)
Image du lieu de l'accident en regardant vers le su

Les dommages causés à la cellule par l'impact indiquent que le contact initial avec les arbres est survenu alors que l'aéronef se trouvait dans un piqué d'environ 15° et à un angle d'inclinaison à gauche d'environ 60°. Au moment de l'impact, l'aile gauche, le stabilisateur gauche et la dérive se sont détachés de la cellule. Des impacts latéraux subséquents sur le côté droit de la cellule et le flotteur droit n'ont fait qu'aggraver la dislocation de l'aéronef. L'épave s'est immobilisée dans un lieu circonscrit, la plupart des composants lourds se trouvant dans un rayon de 10 à 15 mètres de la cellule. On a retrouvé l'aile gauche environ 15 mètres devant l'épave principale, dans la direction du vol.

Photo 2. Épave et dommages causés aux arbres par l'impact
Image de l'épave et dommages causés aux arbres par l'impact

L'aéronef en cause dans l'accident était muni de 2 réservoirs souples de carburant, 1 dans la section intérieure de chacune des ailes. Le réservoir de l'aile gauche s'est rompu durant la dislocation initiale de l'aéronef et la séparation de l'aile gauche. Ainsi, le gros du contenu du réservoir s'est déversé à l'écart de l'aéronef et de toute source potentielle d'inflammation. Bien que l'aile droite soit demeurée fixée à la cellule, les raccords des conduites de carburant ont été endommagés durant l'accident. Le contenu de ce réservoir s'est vidé à l'intérieur de la cabine après l'accident. Des échantillons de carburant ont été prélevés des restes à l'intérieur des réservoirs et du filtre à carburant de l'aéronef. Le taux d'octane et la qualité du carburant étaient conformes, et celui-ci ne contenait aucun contaminant.

L'aéronef était muni de 2 accumulateurs dans le fuselage, derrière la cabine et à l'écart du carburant qui s'y est déversé durant l'accident. Les câbles à haute intensité étaient toujours reliés aux accumulateurs. Les raccordements électriques à l'alternateur de l'aéronef sont demeurés intacts, tout comme les fils du démarreur, ce qui a éliminé ces 2 sources potentielles d'inflammation par arc électrique. Les alentours immédiats de l'épave étaient couverts de végétation basse et de sol humide offrant peu de sources d'inflammation, sinon aucune, pour le carburant déversé.

L'examen de l'hélice et des marques qu'elle a laissées sur les arbres sur le lieu de l'accident a révélé des dommages qui correspondent à une puissance de moteur élevée au moment de l'écrasement. Les volets ainsi que leur levier sélecteur manuel indiquaient la position 10°, réglage approprié pour l'étape d'approche du vol.

L'aéronef était muni d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) conçue pour transmettre un signal de détresse aux fréquences de 121,5 et 243 MHz en cas d'accident. La radiobalise était montée à l'intérieur du fuselage de l'aéronef et raccordée à une antenne extérieure au moyen d'un câble coaxial. Durant l'accident, les forces d'impact primaires et de décélération ont été transmises à l'axe longitudinal de l'aéronef et n'ont pas activé le contacteur à inertie de la balise. De plus, le support de fixation de la radiobalise s'est rompu, tout comme le câble d'antenne.

Possibilités de survie

Les sièges du pilote et du passager avant étaient tous 2 munis de ceintures abdominales et de bretelles de sécurité fixées à la structure principale de la cellule, de part et d'autre des sièges des occupants. Le pilote et le passager qui occupait le siège avant ont tous 2 utilisé le système de retenue complet. Pendant l'accident, les 2 sièges avant ont été arrachés de leurs rails de fixation dans le plancher. Les bretelles de sécurité du pilote et du passager avant se sont rompues lorsque l'aile gauche s'est séparée de la structure du toit de la cabine. Chacun des sièges passagers arrière était muni d'une ceinture de sécurité abdominale à 2 points. Le passager qui occupait un des sièges arrière prenait place dans le siège de droite, et sa ceinture était bouclée. Le siège arrière est demeuré fixé à la cellule, et la ceinture est demeurée bouclée. Tous les occupants à bord de l'aéronef sont demeurés dans leur siège pendant l'écrasement.

La cabine de l'aéronef a été lourdement endommagée durant l'accident. De nombreux chocs contre des arbres ont fracassé le pare-brise, arraché le toit de la cabine ainsi que les 2 portes de la cabine. Le volume habitable de la cabine a été comprimé par les arbres. Ces conditions ont causé à tous les occupants des blessures auxquelles il était impossible de survivre.

Conditions météorologiques

Le jour de l'accident, il y avait des zones localisées de plafond bas et de visibilité réduite aux alentours de Port McNeill et de West Cracroft Island.

La station de compte rendu météorologique pour l'aviation la plus proche de West Cracroft Island se trouve à l'aéroport de Port Hardy (Colombie-Britannique), à 40 nm à l'ouest du lieu de l'accident. Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) de 12 h pour cette station indiquait les conditions suivantes : vents du 060° vrai (V) soufflant à 4 nœuds, visibilité de 8 milles terrestres (sm), quelques nuages à une altitude de 400 pieds agl, plafond de nuages fragmentés à 1600 pieds agl, température de 10 °C, point de rosée à 9 °C, et calage altimétrique de 30,11 pouces de mercure.

La prévision d'aérodrome (TAF) émise à Port Hardy à 11 h 38, en vigueur de 12 h, le 24 octobre, à 0 h, le 25 octobre, dans un rayon de 5 nm de Port Hardy prévoyait : vents du 030° V soufflant à 5 nœuds, visibilité supérieure à 6 sm, quelques nuages à une altitude de 400 pieds agl, et un plafond avec couvert nuageux à une altitude de 1500 pieds agl. On prévoyait que les conditions temporaires durant cette période auraient pu comprendre une visibilité de 2 sm dans la brume et un plafond de nuages fragmentés à une altitude de 400 pieds agl.

Immédiatement après l'accident, l'Aviation royale canadienne a dépêché un CC-115 Buffalo et un hélicoptère CH-149 Cormorant depuis la base des Forces canadiennes de Comox vers le lieu de l'écrasement. L'hélicoptère est arrivé sur les lieux de l'accident environ 50 minutes après l'événement en cause et a rapporté un plafond de nébulosité variable à une altitude de 400 à 500 pieds agl et des vents calmes.

Les pilotes dans la région de Port McNeill consultaient une caméra Web privée pour obtenir de l'information météorologique. Cette caméra est située à Port McNeill et orientée vers West Cracroft Island (photo 3). On ne sait pas si le pilote en cause dans l'accident avait consulté cette caméra Web avant le vol.

Photo 3. Image montrant les conditions météorologiques aux alentours de Port McNeill au moment de l'accident (Source : caméra Web et météorologique de Port McNeill)
Image montrant les conditions météorologiques aux alentours de Port McNeill au moment de l'accident

Renseignements sur l'entreprise

Air Cab exploite des hydravions monomoteurs pour effectuer des vols de jour selon les règles de vol à vue (VFR) en vertu des sous-parties 702 et 703 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Les services d'entretien sont effectués en sous-traitance. Au moment de l'accident, l'entreprise exploitait une flotte de 5 hydravions monomoteurs à l'année.

La plupart des vols effectués par l'entreprise se déroulent dans l'espace aérien non contrôlé (classe G), dans les régions éloignées de la partie nord de l'île de Vancouver (Colombie-Britannique), et la région côtière nord de la partie continentale de la Colombie-Britannique. Dans le cas de vols à une altitude inférieure à 1000 pieds agl dans l'espace aérien non contrôlé, Air Cab est autorisée à mener ses activités par visibilité aussi réduite que 1 sm tout en demeurant à l'écart des nuages. L'entreprise utilise un système de contrôle des opérations de vol de type D, qui exige des pilotes qu'ils établissent eux-mêmes leurs plans de vol exploitation et voient à la régulation des vols.

Air Cab n'était pas tenue d'avoir un système de gestion de la sécurité (SGS) approuvé. Toutefois, le manuel d'exploitation de la compagnie (COM) comprend en première page la politique de sécurité de l'entreprise, qui souligne les éléments clés d'un SGS. Le gestionnaire supérieur responsable de l'entreprise était reconnu pour sa participation directe à tous les aspects de l'exploitation. Par contre, c'est aux pilotes de l'entreprise qu'incombait la responsabilité d'adapter les opérations dans les régions éloignées pour garantir la sécurité des vols.

Pilote

Le pilote était titulaire d'une licence de pilote de ligne et il possédait les licences et les qualifications pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Avant le jour de l'accident, il avait accumulé environ 3137 heures de vol au total, dont 1682 heures aux commandes d'hydravions. Bon nombre des aéronefs qu'il avait pilotés étaient de taille et de performance semblables à celles de l'aéronef en cause dans l'accident. Il comptait 8,5 heures d'expérience aux commandes du type d'aéronef en cause.

Le pilote était récemment revenu à Port Hardy pour entrer au service d'Air Cab, mais il avait auparavant travaillé comme pilote commercial dans la région pour un autre exploitant aérien 2 ans avant l'accident. Durant cette période, il avait accumulé environ 216 heures d'expérience aux commandes d'hydravions durant une période d'emploi de 5 mois et demi. Il était également propriétaire d'un aéronef et avait effectué des vols récréatifs dans la région. Du 14 au 21 octobre 2013, le pilote avait effectué 7 vols totalisant 5,4 heures de vol, y compris sa formation. Avant sa formation en vol avec Air Cab, le dernier vol du pilote remontait à 106 jours plus tôt. Son expérience de vol la plus récente avait été aux commandes d'hydravions à l'extérieur du Canada.

Le pilote était entré au service de l'entreprise 10 jours avant l'accident. Durant cette période au service d'Air Cab, il avait terminé la formation initiale en vol et au sol de l'entreprise. Les dossiers de l'entreprise indiquent qu'il avait effectué au total 3,4 heures de vol durant 5 vols d'entraînement. Durant sa formation en vol à Air Cab, le pilote avait reçu des instructions sur la sortie de décrochage et il avait démontré la maîtrise de cette technique. Conformément à la pratique de l'entreprise, on avait mené l'aéronef jusqu'à la première indication d'un décrochage avant d'amorcer la sortie. On n'avait pas pratiqué les décrochages accélérésNote de bas de page 2, et l'entreprise n'était pas tenue d'enseigner cette technique.

L'accident est survenu le tout premier jour de travail non supervisé du pilote à Air Cab. Il ne s'était jamais rendu à la région de Potts Lagoon et n'avait jamais été aux commandes de l'aéronef en cause avant le jour de l'accident; sa formation en vol donnée par l'entreprise avait eu lieu à bord de l'un des autres hydravions C-185 de l'entreprise.

Au cours des 3 jours précédant l'accident, le pilote avait travaillé chaque jour à partir de 8 h environ jusqu'à 17 h. Au cours des 2 jours précédant l'accident, il n'avait pas piloté, mais il avait été de service aux bureaux de l'entreprise à Coal Harbour. Le jour de l'accident, il semblait de bonne humeur et reposé. Il n'y avait aucune indication de problèmes de santé qui auraient pu être un facteur dans cet accident.

Renseignements sur l'aéronef

Le Cessna C-185E muni de flotteurs avait été construit en 1970 et importé au Canada la même année. Les dossiers indiquent que l'aéronef était homologué et entretenu conformément à la réglementation en vigueur.

L'aéronef en cause dans l'accident avait été modifié à plusieurs reprises depuis sa fabrication. Ces modifications comprenaient l'installation des éléments suivants :

Ensemble pour aéronef à décollage et à atterrissage courts Robertson

L'aéronef en cause avait été modifié avec un ensemble pour aéronef à décollage et à atterrissage courts (ADAC) RobertsonNote de bas de page 3 conformément à un certificat de type supplémentaire (CTS) homologuéNote de bas de page 4. Cette modification avait été apportée par un propriétaire antérieur de l'aéronef avant que celui-ci soit acheté par Air Cab et avant qu'il soit importé au Canada. Les composants de l'ensemble ADAC Robertson installés sur le C-FQGZ comprenaient des profils rapportés de bord d'attaque des ailes pour modifier leur profil aérodynamique, des cloisons de décrochage et un système de liaison entre les volets et les ailerons. La liaison entre les volets et les ailerons permet un braquage plus prononcé vers le bas des ailerons de l'aéronef lorsque l'on sort les volets. La cambrure accrue obtenue par l'abaissement des ailerons entraîne une portance accrue durant le vol. Air Cab n'avait pas en sa possession un CTS pour l'ensemble ADAC Robertson installé sur l'aéronef en cause et, par conséquent, n'avait aucun supplément au manuel de vol ou de l'exploitant.

Ensemble pour aéronef à décollage et à atterrissage courts Sportsman (CTS SA2256WE)

Des profils rapportés de bord d'attaque des ailes ont été installés sur l'aéronef en 1988, conformément à un CTS  relatif à un ensemble ADAC Sportsman. Ces profils avaient remplacé ceux de l'ensemble Robertson installés antérieurement. Lors de l'ajout de cette modification, on avait conservé les cloisons de décrochage et le système de liaison entre les volets et les ailerons originels de l'ensemble ADAC Robertson. Aucun supplément au manuel de vol ou de l'exploitant n'avait été fourni par le fabricant pour l'ensemble ADAC Sportsman, et la réglementation en vigueur ne l'exigeait pas. Le fabricant de cet ensemble de modification recommandait aux pilotes de continuer d'adhérer aux vitesses et aux limites établies par Cessna.

Rallonges d'ailes Air Research Technologies (CTS SA00276NY, Canada SA 93-136)

Des rallonges d'ailes fabriquées par Air Research Technologies (ART) ont été ajoutées à l'aéronef en cause dans l'accident en janvier 2013, modification qui a porté la masse au décollage de 3350 à 3525 livres. On avait ajouté un supplément au manuel de vol ou de l'exploitant.

Flotteurs EDO – Aire 3430 (CTS SA832EA)

L'aéronef était muni de flotteurs de modèle 3430 de capacité supérieure. EDO n'a pas fourni de supplément au manuel de vol ou de l'exploitant pour l'utilisation de flotteurs 3430 sur un aéronef C-185E (EDO a commencé à fournir ce supplément à partir du modèle ultérieur C-185F). Par conséquent, aucun supplément n'était requis avec le CTS.

Multiples certificats de type supplémentaires

Chacune des modifications effectuées selon un CTS avait été évaluée individuellement et approuvée par l'organisme de réglementation par rapport à un aéronef de série sans autre modification.

Les organismes de réglementation approuvent les CTS individuels au terme d'essais réalisés sur un aéronef sans autre modification. Ainsi, la plupart des CTS émis par Transports Canada comprennent une attestation de compatibilité qui précise notamment ce qui suit :

Conditions : avant de procéder à cette modification, l'installateur doit s'assurer que les relations entre le travail devant être effectué et les modifications déjà incorporées ne remettront nullement en cause l'état de navigabilité du produit ainsi modifiéNote de bas de page 5.

Outre cette attestation, Transports Canada (TC) a émis l'Avis de navigabilité B045 - Compatibilité entre plusieurs modifications. L'organisme de réglementation exige de l'installateur qu'il s'assure que la ou les modifications n'auront aucune incidence sur la navigabilité du produit modifié et, si nécessaire, un nouveau supplément au manuel de vol pourrait être requis avec l'installation pour prescrire le domaine d'utilisation.

L'essai de décrochage n'avait pas figuré dans l'évaluation de la compatibilité des modifications apportées à l'aéronef faite par l'installateur, et malgré les conditions susmentionnées, l'organisme de réglementation n'exigeait pas que l'on prouve que cet essai avait été fait.

Les titulaires de CTS ne testent pas habituellement les interactions aérodynamiques entre plusieurs CTS sur un seul aéronef; dans l'événement à l'étude, ces interactions étaient inconnuesNote de bas de page 6. Par conséquent, le propriétaire ou les pilotes du C-FQGZ n'avaient ni données de performance ni ligne directrice d'exploitation relativement à la combinaison de modifications apportées à cet aéronef.

Les pilotes de l'entreprise ont reconnu que l'aéronef en cause dans l'accident présentait de bonnes caractéristiques de vol ADAC, et on estimait en général que la vitesse de décrochage de l'aéronef était d'environ 40 nœuds. Malgré cela, les vitesses au décollage et à l'amerrissage pour cet aéronef étaient semblables à celles du C-FBMO, l'autre Cessna C-185 moins modifié de l'exploitant, soit environ 60 nœuds. L'entreprise utilisait le C-FBMO pour la formation en vol, y compris celle donnée au pilote en cause dans l'accident, car on estimait qu'il était plus rapide que le C-FQGZ et plus exigeant par rapport aux techniques de pilotage.

L'aéronef avait déjà subi 3 accidents avant cet événement. Plus récemment, en septembre 2012, il avait plongé vers la surface de l'eau à une vitesse verticale élevée après avoir décroché durant un virage à gauche à basse altitudeNote de bas de page 7. L'aéronef avait été lourdement endommagé. C'est durant les réparations après cet accident que cet aéronef avait fait l'objet du CTS pour des rallonges d'ailes.

Recommandations du National Transportation Safety Board concernant les multiples certificats de type supplémentaires sur des aéronefs

Comme suite à l'écrasement de 2 aéronefs légersNote de bas de page 8 où il avait déterminé que de multiples CTS avaient été un facteur, le National Transportation Safety Board (NTSB) a diffusé une lettre de recommandation de sécuritéNote de bas de page 9 qui précise :

[traduction] Le NTSB conclut que, sans lignes directrices précises ou une liste de vérification pour aider l'installateur à déterminer l'interrelation entre les CTS, ce dernier pourrait ne pas être en mesure de s'assurer qu'une évaluation suffisante a été faite. Comme le montrent ces accidents, plusieurs CTS installés sur un aéronef peuvent se nuire mutuellement et, au bout du compte, nuire à la performance et à la structure de l'aéronef si leur interaction n'est pas bien évaluée. Par conséquent, le NTSB recommande que la FAA élabore des lignes directrices précises ou une liste de vérification pour aider les installateurs qui effectuent des modifications CTS à déterminer la compatibilité et l'interaction entre un nouveau CTS et tout CTS installé antérieurement sur un aéronef pour s'assurer que le nouveau CTS n'aura aucun effet négatif sur la résistance structurelle, la performance ou les caractéristiques de vol de l'aéronef. Au cas où les lignes directrices ou la liste de vérification indiqueraient quelque effet négatif entre les CTS, des essais additionnels ou une évaluation technique doivent avoir lieu avant d'installer un nouveau CTS.

En outre, la recommandation A-12-022 du NTSB précise notamment ce qui suit :

[traduction] La FAA ordonne aux installateurs de documenter […] comment l'installateur a déterminé la compatibilité et l'interaction entre le nouveau certificat de type supplémentaire (CTS) et les CTS installés antérieurement sur l'aéronef afin de montrer que le nouveau CTS n'aura aucun effet négatif sur la résistance structurelle, la performance ou les caractéristiques de vol de l'aéronef.

Après quoi, la Federal Aviation Administration (FAA) a répondu qu'elle « préparait une politique et des lignes directrices pour aborder les préoccupations liées à la compatibilité des CTS qui comprennent des mesures proposées visant l'installateur, le demandeur de CTS, le titulaire de l'approbation du CTS et la FAA (inspecteurs techniques et de navigabilité) »Note de bas de page 10.

En outre, la FAA a déclaré que son comité d'établissement de la réglementation aérienne (Aviation Rule Making Committee) « envisageait des recommandations visant des changements possibles à la réglementation en vue de mettre en place des méthodes d'évaluation plus efficaces de la compatibilité des CTS »Note de bas de page 11.

Surveillance de vol par système mondial de localisation

Air Cab utilisait un système de surveillance de vol fondé sur le système mondial de localisation (GPS) qui transmet la position des aéronefs de l'entreprise toutes les 5 minutes. Ce système répondait aux exigences de l'entreprise en matière de régulation et de suivi des vols. L'aéronef en cause dans l'accident était muni d'un transmetteur de position/données de bord Skytrac ISAT-100, qui utilise les signaux GPS pour déterminer, notamment, la vitesse sol, l'altitude et la trajectoire de l'aéronef. Ces renseignements étaient enregistrés et stockés dans la mémoire interne de l'appareil à intervalles de 5 secondes; ils ont fourni à l'enquête les données nécessaires pour reconstituer plusieurs des derniers vols de l'aéronef, y compris la trajectoire de vol le jour de l'accident. Le système Skytrac ne fournit aucune information de navigation aux pilotes.

Masse et centrage

Une règle à calcul circulaire et des documents papier montrant les calculs du pilote pour déterminer la masse de l'aéronef ont été retrouvés à bord de l'épave. Pour le vol en cause, le pilote avait calculé une masse au décollage de 3037 livres. Aucune trace n'a été retrouvée du calcul du centre de gravité (CG) par le pilote, et il n'a pas été possible de déterminer si le pilote avait utilisé la règle à calcul afin de déterminer le CG de l'aéronef pour le vol en cause.

Au moment de l'accident, le pilote et un passager occupaient les sièges avant de l'aéronef. Un second passager occupait le siège de droite de la deuxième rangée de sièges. D'après le poids des occupants et des articles récupérés, on a calculé que la masse de l'aéronef était de 3303 livres au moment de l'accident, soit 222 livres en deçà de sa masse maximale permise. On a également déterminé que le CG de l'aéronef était lui aussi en deçà des limites.

Décrochages

La vitesse à laquelle se produit un décrochage varie en fonction du facteur de charge de la manœuvre en cours d'exécution. Le facteur de charge est défini comme étant le rapport entre la force agissant sur les ailes et leur masse brute, et est une mesure de la tension (ou de la charge) exercée sur la structure de l'aéronef. Par convention, on exprime le facteur de charge en g (l'unité de mesure des forces d'accélération verticale) en raison de l'accélération gravitationnelle ressentie par un occupant de l'aéronef. En vol rectiligne en palier, la portance est égale à la masse, et le facteur de charge est de 1 g. Toutefois, un virage incliné en palier nécessite plus de portance. Pour ce faire, il faut augmenter l'angle d'attaque (en tirant sur la commande de profondeur), ce qui augmente le facteur de charge. Comme le facteur de charge augmente avec l'angle d'inclinaison, la vitesse à laquelle le décrochage se produit augmente également. Par conséquent, un virage serré nécessite souvent une augmentation de la poussée du moteur afin de maintenir ou d'accroître la vitesse anémométrique.

On appelle décrochage accéléré un décrochage qui survient en raison d'un facteur de charge élevé découlant, par exemple, d'un angle d'inclinaison supérieur à 30°. Les décrochages accélérés se produisent à des vitesses anémométriques supérieures en raison du facteur de charge accru auquel est soumise l'aile; en outre, ils sont généralement plus graves que les décrochages non accélérés et sont souvent inattendus. Par exemple, un décrochage attribuable à une inclinaison de 60 à 70° entraîne rapidement une perte de maîtrise de l'aéronef et une importante perte d'altitude avant que toute reprise soit possible.

La forme en section transversale (profil aérodynamique) des ailes influe sur les vitesses de décrochage d'un aéronef et ses caractéristiques de comportement au décrochage. Par conséquent, toute modification du profil aérodynamique par l'ajout d'éléments d'un ensemble ADAC ou d'une combinaison d'ensembles entraîne des changements aux vitesses de décrochage et aux caractéristiques de manœuvrabilité originelles d'un aéronef. Habituellement, l'ajout d'un ensemble ADAC réduit les vitesses de décrochage et améliore la manœuvrabilité de l'aéronef à plus basses vitesses. Ainsi, les exploitants aériens utilisent souvent les ensembles ADAC pour améliorer la capacité d'un aéronef à desservir les endroits aux aires d'atterrissage plus courtes ou plus exiguës.

Avertisseurs de décrochage

L'avertisseur de décrochage à bord d'un C-185E construit en 1970 est du type pneumatique et comprend une entrée d'air étalonnée située sur le bord d'attaque de l'aile gauche qui est raccordée à un avertisseur pneumatique situé à l'intérieur de l'emplanture d'aile, proche du coin supérieur gauche du pare-brise. Lorsque l'aéronef approche du décrochage, il se forme une basse pression au bord d'attaque de l'aile qui permet l'entrée d'air où se trouve une petite anche, qui produit un son audible. L'avertisseur de décrochage est étalonné de manière à produire un son lorsque la vitesse est de 5 à 10 nœuds au-dessus de la vitesse de décrochage réelle.

Un examen de l'avertisseur de décrochage sur l'aéronef en cause dans l'accident a confirmé la présence de tous les composants et le bon fonctionnement de l'anche. Étant donné l'ampleur des dommages au bord d'attaque et à l'emplanture de l'aile ainsi qu'à la partie supérieure de la cabine, il a été impossible de déterminer si l'entrée d'air était étalonnée pour activer l'avertisseur avant un décrochage aérodynamique. L'exploitant aérien ne se rappelait pas avoir déjà entendu cet avertisseur à bord de l'aéronef en cause dans l'accident.

L'aéronef n'était pas muni d'un dispositif linéaire d'avertissement de décrochage, comme un indicateur d'angle d'attaque, et la réglementation en vigueur ne l'exigeait pas. L'indicateur d'angle d'attaque fournit aux pilotes une référence continue de l'angle d'attaque de l'aéronef. Étant donné qu'un aéronef décroche à un angle d'attaque précis, mais à différentes vitesses anémométriques en fonction de la charge alaire, l'indicateur d'angle d'attaque offre des indications d'approche du décrochage plus exactes. Cet indicateur est particulièrement efficace en exploitation ADAC, lorsque l'aéronef vole à des vitesses proches de l'angle d'attaque critique (où la portance est à son maximum)Note de bas de page 12.

Caractéristiques de décrochage du C-185 muni de l'ensemble pour aéronef à décollage et à atterrissage courts Robertson

En 2003, après l'écrasementNote de bas de page 13 d'un hydravion C-185F modifié avec un ensemble ADAC Robertson, la Finland Safety Investigation Authority a réalisé des essais en vol avec un C-185 muni d'un ensemble ADAC Robertson pour déterminer les caractéristiques de décrochage d'un aéronef modifié avec cet ensemble. Durant les essais, on a constaté que, juste avant le décrochage aérodynamique, une séparation initiale des filets d'air avait lieu aux ailerons lorsque les volets étaient sortis soit à 10 degrés, soit à 20 degrés, et les ailerons étaient abaissés à cause du système de liaison volets-ailerons. Cette interruption de l'écoulement laminaire entraînait une dégradation du contrôle en roulis avant et durant le décrochage.

On a également constaté que, dans le cas d'un aéronef modifié avec un ensemble ADAC Robertson, la séparation des filets d'air (avec les volets sortis) commence à l'extrémité des ailes et se déplace progressivement vers l'emplanture. Cela diminue l'effet stabilisateur du vrillageNote de bas de page 14 de l'aile de l'aéronef et entraîne une entrée soudaine en décrochage. Par conséquent, la Finland Safety Investigation Authority a recommandé que [traduction] « des mesures soient prises pour informer les pilotes de façon aussi complète que possible du comportement en décrochage du Cessna 185 muni de l'ensemble ADAC RobertsonNote de bas de page 15 ».

Données sur la trajectoire du vol

Les enquêteurs ont examiné les données de surveillance de vol par GPS des 2 vols effectués par le pilote le jour de l'accident. On a comparé les données des vols effectués ce jour-là à celles de 4 segments de vol antérieurs effectués à bord de l'aéronef en cause par d'autres pilotes de l'entreprise.

Les approches d'amerrissage durant les 2 vols effectués par le pilote en cause dans l'accident ont montré qu'il avait piloté l'aéronef à des vitesses comparativement plus basses et à des angles d'inclinaison plus prononcés durant les manœuvres d'approche. Lors du dernier virage avant d'amerrir à Port McNeill, l'aéronef avait affiché un angle d'attaque proche de celui qui a entraîné le décrochage aérodynamique durant le dernier virage à Potts Lagoon.

Rapports du laboratoire du BST

Le rapport du laboratoire du BST suivant a été finalisé :

Analyse

L'examen de la cellule, du moteur et de l'hélice n'a révélé aucun signe de défaillance mécanique ayant pu contribuer à l'accident. L'angle d'inclinaison prononcé de l'aéronef, sa descente abrupte, la faible superficie de la zone de débris laissés par l'épave et la vitesse anémométrique réduite correspondent à un décrochage accéléré à une altitude qui rendait impossible toute sortie. Les marques laissées sur les arbres et les dommages à l'hélice indiquent que le moteur fonctionnait à régime élevé au moment de l'événement. L'analyse porte donc sur les facteurs qui ont entraîné un décrochage aérodynamique accéléré.

Le pilote a survolé Potts Lagoon à basse altitude avant de revenir pour l'approche et l'amerrissage. Une fois qu'il s'est trouvé au-dessus de la lagune, la présence d'arbres de grande taille et du relief a contraint le pilote à manœuvrer l'aéronef au-dessus de l'eau. Le plafond nuageux bas, de 400 à 500 pieds agl, a davantage réduit l'espace de manœuvre. Le pilote a exécuté un virage serré à gauche et a dépassé l'angle d'attaque critique des ailes, manœuvre qui a entraîné un décrochage accéléré. Les dommages causés aux arbres et à l'hélice indiquent que le pilote avait tenté de reprendre la maîtrise de l'aéronef, mais il se trouvait à une altitude qui empêchait toute sortie avant de percuter le relief.

Récemment entré au service d'Air Cab et peu familier avec l'aéronef en cause dans l'accident, le pilote avait néanmoins une certaine expérience des hydravions pour avoir effectué des vols comme pilote commercial ainsi que des vols récréatifs aux commandes de son propre appareil. Bon nombre des aéronefs qu'il avait pilotés étaient de taille et de performance semblables à celles de l'aéronef en cause dans l'accident. Toutefois, la combinaison de modifications apportées à l'aéronef en cause a conféré à ce dernier des caractéristiques de performance et de manœuvrabilité qui lui étaient propres. Par conséquent, la vitesse de décrochage réelle de cet aéronef était inconnue, et on ne pouvait que l'estimer. En outre, la combinaison de modifications a peut-être compromis la capacité de l'avertisseur de décrochage d'annoncer au pilote un décrochage imminent. Lorsque l'aéronef a décroché, la situation est survenue soudainement, en raison de la charge alaire élevée durant le virage. L'ensemble de décollage  et d'atterrissage courts (ADAC) Robertson a probablement accentué la rapidité du décrochage. Lorsque l'on installe plusieurs équipements selon des certificats de type supplémentaires (CTS) sans ligne directrice appropriée quant à la façon d'évaluer et de documenter leurs effets sur la performance et la manœuvrabilité de l'aéronef, il y a un risque accru d'accident attribuable à la performance inconnue de l'aéronef.

Étant donné l'expérience du pilote, le contraste entre la façon dont lui et les autres pilotes de l'entreprise manœuvraient l'aéronef correspond à la différence entre les attentes ou la compréhension de chaque pilote par rapport à la performance de l'aéronef. Ainsi, en l'absence de données de performance concrètes ou d'expérience par rapport aux caractéristiques de manœuvrabilité de l'aéronef en cause dans l'accident, étant donné les modifications apportées, le pilote a probablement estimé que l'aéronef était capable de voler au-delà de son enveloppe de performances réelle.

Lorsqu'ils n'utilisent pas un avertisseur de décrochage de pointe, comme un indicateur d'angle d'attaque, les pilotes doivent se fier uniquement à la vitesse anémométrique indiquée pour déterminer les vitesses de manœuvre et les angles d'inclinaison sécuritaires. Une telle pratique expose les pilotes et les passagers à des risques d'accident attribuable à un décrochage, car les vitesses de décrochage changent en fonction des charges en vol. L'indicateur d'angle d'attaque fournit au pilote une indication constante et précise du moment où un décrochage surviendra. Si l'on n'installe pas d'avertisseur de décrochage de pointe, comme un indicateur d'angle d'attaque, sur un aéronef, il y a un risque accru d'accident causé par un décrochage.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'aéronef avait fait l'objet de plusieurs modifications approuvées qui ont donné lieu à des caractéristiques de performance et de manœuvrabilité non documentées.
  2. Les attentes du pilote par rapport à la performance de l'aéronef s'appuyaient probablement sur une vitesse de décrochage réduite fondée sur une performance non vérifiée.
  3. L'aéronef a subi un décrochage aérodynamique accéléré alors qu'il se trouvait à une altitude qui empêchait toute sortie avant de percuter le relief.

Faits établis quant aux risques

  1. Lorsque l'on installe plusieurs certificats de type supplémentaires sans ligne directrice appropriée quant à la façon d'évaluer et de documenter leurs effets sur la performance et la manœuvrabilité de l'aéronef, il y a un risque accru d'accident attribuable à la performance inconnue de l'aéronef.
  2. Si l'on n'installe pas d'avertisseur de décrochage de pointe, comme un indicateur d'angle d'attaque, sur un aéronef, il y a un risque accru d'accident attribuable à un décrochage.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Bureau de la sécurité des transports du Canada

Le 18 novembre 2014, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a émis l'Avis de sécurité A13P0278-D3-A1 à Transports Canada pour souligner la valeur des indicateurs d'angle d'attaque à bord des petits aéronefs.

Air Cab

Air Cab a modifié la formation initiale et récurrente qu'elle donne à ses pilotes pour insister sur la sensibilisation aux modifications apportées aux aéronefs et leurs effets sur la manœuvrabilité de ces derniers.

L'entreprise est également en train d'incorporer un contacteur à inertie à son système de surveillance de vol comme solution de secours à la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) de ses aéronefs, et d'installer un interrupteur de détecteur d'écrasement sur les accumulateurs de ses aéronefs pour réduire les risques d'incendie.

Préoccupations liées à la sécurité

Compatibilité et interaction des certificats de type supplémentaires

Dans l'accident à l'étude, la combinaison de modifications a conféré à l'aéronef en cause dans l'événement des caractéristiques de performance et de manœuvrabilité qui lui étaient propres. Par conséquent, la vitesse de décrochage réelle de cet aéronef était inconnue, et on ne pouvait que l'estimer. En outre, la combinaison de modifications a peut-être compromis la capacité de l'avertisseur de décrochage d'annoncer au pilote un décrochage imminent.

La modification d'un aéronef dans le cadre d'un certificat de type supplémentaire (CTS) est courante au Canada, car il s'agit souvent d'une façon relativement peu coûteuse d'accroître la performance ou l'utilité d'un aéronef. Comme la plupart des CTS sont élaborés et testés par rapport à un aéronef  sans autre modification, le fabricant élaborant un CTS peut obtenir des données de performance relatives à l'effet de la modification. Toutefois, le fait de combiner un CTS avec les modifications d'autres fabricants qui élaborent des CTS peut rendre la performance de l'aéronef impossible à prédire.

En mai 2012, le National Transportation Safety Board a conclu, dans ses recommandations de sécurité A-12-021, A-12-022 et A-12-023, [traduction] « … que plusieurs CTS installés sur un aéronef peuvent nuire à la performance et à la structure de l'aéronef si la compatibilité de ces CTS n'est pas bien analyséeNote de bas de page 16 ».

À l'heure actuelle, Transports Canada exige que l'installateur évalue toute combinaison de CTS et qu'il détermine si la combinaison de CTS maintient l'état de navigabilité. Toutefois, il n'existe aucune ligne directrice réglementaire pour déterminer l'ampleur ou la portée de cette évaluation ou encore la façon dont elle doit être faite et documentée.

Au Canada, on confie l'entretien de la plupart des aéronefs légers, y compris ceux qui sont exploités à des fins commerciales, à des organismes de maintenance agréés plus modestes qui n'ont qu'une capacité limitée de réalisation d'essais aérodynamiques ou d'évaluations techniques. Il s'ensuit que l'homologation de la compatibilité et de l'interaction entre plusieurs CTS est souvent accordée au terme d'une évaluation limitée seulement.

Par conséquent, le Bureau est préoccupé par le fait que si plusieurs CTS sont installés sans ligne directrice appropriée sur la façon d'évaluer et de documenter leurs effets sur la manœuvrabilité des aéronefs, les pilotes pourraient perdre la maîtrise de ces aéronefs parce qu'ils ignorent leurs caractéristiques de performance.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .

Annexes

Annexe A – Lieu de l'accident

Carte du lieu de l'accident