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Rapport d'enquête aéronautique A17Q0162

Collision en vol avec un drone
Sky Jet M.G. Inc.
Beechcraft King Air A100 (C-GJBV)
Aéroport international de Québec/Jean-Lesage (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Un Beechcraft King Air A100 (immatriculé C-GJBV, numéro de série B 100) (figure 1), exploité par Sky Jet M.G. Inc. sous l'indicatif de vol SJ512, effectuait un vol selon les règles de vol aux instruments au départ de l'aéroport de Rouyn Noranda (CYUY) (Québec) à destination de l'aéroport international de Québec/Jean Lesage (CYQB) (Québec) avec à son bord 2 pilotes et 6 passagers.

Figure 1. Le C-GJBV (Source : Sky Jet M.G. Inc.)
Le C-GJBV (Source : Sky Jet M.G. Inc.)

À l'approche de CYQB, l'aéronef est autorisé à faire une approche visuelle vers la piste 24. Alors que l'aéronef est en approche finale, l'équipage de conduite aperçoit un drone, de la taille d'une grosse assiette, devant l'aile gauche. Le pilote n'ayant pas le temps d'effectuer une manœuvre d'évitement, l'impact survient et le drone se désintègre.

La collision s'est produite à 18 h 02, heure avancée de l'EstFootnote 1, à une altitude radar de 2500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL)Footnote 2 et à une distance approximative de 7 milles marins du centre de la piste 24.

À 18 h 04, l'équipage de conduite déclare une urgence et poursuit l'atterrissage sans complication. Personne n'a été blessé.

Conditions météorologiques

Les conditions météorologiques au moment de la collision étaient propices au vol à vue, avec un ciel dégagé et des vents calmes.

Dommages à l'aéronef

Les dommages sont limités à une petite bosse sur le boudin de dégivrage de l'aile gauche, et des égratignures sur l'extrados de l'aile gauche (figure 2). Les dommages sont mineurs et n'ont pas eu d'impact sur l'état de navigabilité de l'aéronef. Ce dernier a été remis en service le jour même.

Figure 2. Dommages à l'aéronef (Source : Transports Canada, montage du BST)
Dommages à l'aéronef (Source : Transports Canada, montage du BST)

Espace aérien canadien

L'espace aérien canadien est divisé en 7 classes désignées par les lettres A à GFootnote 3. Chacune de ces classes est régie par une réglementation spécifique.

CYQB se trouve dans un espace aérien contrôlé de classe C. Tous les aéronefs doivent obtenir une autorisation du contrôle de la circulation aérienne (ATC) avant d'y pénétrer. Un espace aérien de classe G est un espace aérien dans lequel l'ATC n'a ni l'autorité ni la responsabilité d'exercer un contrôle sur la circulation aérienne. La collision a eu lieu dans une zone de contrôle de classe C (Figure 3).

Figure 3. Classification de l'espace aérien de l'aéroport international de Québec/Jean Lesage. L'étoile rouge indique le lieu de la collision.
Classification de l'espace aérien de l'aéroport international de Québec/Jean Lesage. L'étoile rouge indique le lieu de la collision.

Systèmes radar utilisés par le contrôle de la circulation aérienne

Les radars sont utilisés pour montrer des données telles que la position, la vitesse et l'altitude d'un aéronef, lorsque ce dernier est muni d'un transpondeur. Un radar primaire de surveillance peut détecter un aéronef à partir d'une certaine masse sans qu'il n'ait à son bord un transpondeur. De manière générale, les drones ne peuvent pas être détectés par le radar primaire de surveillance, car ils sont trop petits et principalement composés de matières plastiques.

Règles relatives à l'utilisation des drones

Les consommateurs qui désirent se procurer un drone doivent comprendre qu'il s'agit d'aéronefs aux termes de la Loi sur l'aéronautiqueFootnote 4. Tout aéronef civil volant au Canada est régi par le Règlement de l'aviation canadien (RAC).

Selon Transports Canada (TC), les drones sont catégorisés en fonction de leur utilisation :

Cependant, le RAC n'utilise pas l'appellation « drone », mais plutôt « modèle réduit d'aéronefFootnote 5 » lorsque l'appareil est exploité à des fins récréatives et « véhicule aérien non habité (UAV)Footnote 6 » lorsqu'il est exploité à des fins non récréatives.

Modèles réduits d'aéronefs

Pour l'utilisation d'un drone à des fins récréatives, la seule disposition existant dans le RAC est la suivante :

Il est interdit de faire voler un modèle réduit d'aéronef ou un cerf-volant ou de lancer un modèle réduit de fusée ou une fusée d'un type utilisé pour les feux d'artifice dans un nuage ou d'une manière qui constitue ou qui est susceptible de constituer un danger pour la sécurité aérienneFootnote 7.

Toutefois, cette disposition a été suspendue après l'émission de l'Arrêté d'urgence no 8 visant l'utilisation des modèles réduits d'aéronefs le 16 juin 2017, sauf pour les modèles réduits dont le poids ne dépasse pas 250 g. TC a émis l'Arrêté d'urgence no 8 en raison de l'augmentation du nombre d'incidents rapportés impliquant des drones. Cet arrêté d'urgence décrit les dispositions définissant les limites d'utilisation des drones; par exemple, l'interdiction d'utiliser un drone à l'intérieur d'un espace aérien contrôlé et l'obligation de le garder à vue pendant le vol. Il prescrit également les amendes imposables en cas d'utilisation illégale.

Il importe de noter qu'un certificat d'opérations aériennes spécialisées (COAS) est requis en cas d'utilisation d'un drone hors du cadre de l'Arrêté d'urgence no 8.

Bien qu'il n'existe pas de document d'orientation destiné spécifiquement aux utilisateurs qui souhaitent obtenir un COAS, on peut trouver des renseignements à ce sujet dans l'Instruction visant le personnel (IP) no 623-001, utilisée par TC pour traiter les demandes. Cette instruction est accessible sur le site Web de TC.

Véhicules aériens non habités

Les drones utilisés à des fins non récréatives ainsi que ceux pesant plus de 35 kg utilisés à des fins récréatives sont régis par les articles 602.41 et 603.66 du RAC, lesquels stipulent qu'avant d'exploiter un UAV, l'utilisateur doit obtenir un certificat d'opérations aériennes spécialisées (COAS) auprès de TC.

TC a prévu des exemptions permettant l'exploitation d'un UAV jusqu'à 25 kg sans COAS. Pour se prévaloir d'une des exemptions permettant d'exploiter un UAV sans COAS, la Circulaire d'information (CI) no 600-004Footnote 8 est le document de référence, aussi disponible sur le site Web de TC.

Rapports antérieurs d'incidents impliquant un véhicule aérien non habité

Au Canada, entre 2014 et 2017, le BST a traité 30 rapports de pilotes ayant vu un drone sur leur trajectoire de vol sans qu'il y ait de collision. Aussi, entre 2010 et 2017, le BST a traité 8 rapports relatifs à des incidents avec un drone n'impliquant pas d'aéronef. Lors d'un de ces incidents, un drone utilisé à des fins récréatives a survolé une foule lors d'un événement en plein air à Beloeil (Québec). Le drone est tombé d'une hauteur comprise entre 25 et 50 pieds, heurtant et blessant un spectateurFootnote 9.

Faits saillants

L'enquête n'a pas permis d'identifier l'utilisateur du drone impliqué dans la collision avec l'aéronef de Sky Jet M.G. Inc. On n'a pas retrouvé de débris du drone. De plus, on n'a pu établir avec certitude si le drone était utilisé à des fins récréatives ou non récréatives.

La tour de contrôle de CYQB n'avait pas été avisée d'une quelconque activité d'UAV dans la zone de contrôle de classe C sous sa responsabilité, aucun COAS n'avait été émis et aucun avis aux navigants ne faisait mention d'une telle activité pour la journée du 12 octobre 2017. La présence du drone à l'intérieur de l'espace aérien contrôlé n'a pas été détectée par le radar de la tour de contrôle de CYQB. Puisque ni TC ni NAV CANADA n'étaient au courant de l'utilisation de ce drone dans la zone de contrôle, l'enquête a conclu que la réglementation régissant l'utilisation des drones n'a pas été respectée.

Selon le type et la gravité des infractions, TC pourrait imposer à un utilisateur de drone qui contreviendrait au RAC ou à l'Arrêté d'urgence no 8, une sanction administrative pécuniaire (amende allant jusqu'à 25 000 $). Dans certains cas, un utilisateur pourrait même être inculpé d'une infraction punissable par mise en accusation ou d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Il est facile pour tout consommateur de se procurer un drone chez différents détaillants sans être mis au courant de la réglementation qui régit leur utilisation, et les détaillants n'ont pas l'obligation d'aviser les consommateurs de la réglementation en vigueur.

En 2016, TC a délivré 4381 COAS pour des UAV; en 2010, TC n'en a délivré que 66. Étant donné cette augmentation de l'utilisation d'UAV et de demandes de COAS, le système administratif chez TC n'est plus en mesure de respecter la norme de service de 20 jours pour le traitement et la délivrance de COAS. Par conséquent, il y a des effets négatifs pour les utilisateurs d'UAV; par exemple, des délais dans les activités commerciales ou une érosion de la capacité du secteur à planifier des activitésFootnote 10.

Modifications à la réglementation en vigueur relative à l'utilisation des drones

TC a proposé des modifications à la réglementation en vigueur relative à l'utilisation des drones à des fins récréatives et non récréatives. Les changements proposés sont décrits dans la Partie I de la Gazette du Canada. La proposition réglementaire a pour objet principal de diminuer les risques des systèmes d'aéronef sans pilote (UAS)Footnote 11 pour la sécurité des aéronefs avec équipage et pour les personnes et les biens au sol.

Dans sa justification du Règlement modifiant le Règlement de l'aviation canadien (systèmes d'aéronef sans pilote) proposé, TC indique ce qui suit :

La probabilité que d'autres incidents se produisent a été analysée par Transports Canada et les incidents rapportés dans les comptes rendus d'événement en vol recueillis depuis janvier 2014 ont été pris en compte. En 2014, 41 incidents liés à des infractions ont été rapportés. L'année suivante, ce chiffre a plus que doublé et est passé à 86. En 2016, le nombre d'incidents à proximité des aérodromes était de 148. Quelques-uns des comptes rendus concernent des vols à proximité de personnes ou de véhicules, mais le système de compte rendu d'événement en vol a tendance à s'appuyer sur les comptes rendus de pilotes et de contrôleurs de la circulation aérienne, donc les incidents à proximité de personnes, de véhicules ou de biens au sol ont tendance à être sous représentés dans les donnéesFootnote 12.

Mesures de sécurité

Au cours de cet incident, il n'y a eu aucun blessé, et l'aéronef n'a subi que des dommages légers. Toutefois, l'utilisation de drones près d'un aérodrome ou à l'intérieur d'un espace aérien contrôlé présente des risques sérieux pour la sécurité de l'aviation. C'est pourquoi tous ceux qui utilisent des drones, à des fins récréatives ou non, doivent connaître et respecter la réglementation, y compris l'obligation de toujours garder leur drone à vue pendant le vol. Les utilisateurs doivent également se familiariser avec les différentes classes d'espace aérien afin de se conformer à la réglementation et d'éviter des conflits avec les aéronefs. De plus, il est important que les membres du public avisent TC lorsqu'ils constatent qu'un drone est utilisé à proximité d'un aérodrome, pour que TC puisse prendre les mesures qui s'imposent.

Ceci conclut l'enquête à portée limitée du BST concernant cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .