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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A18O0093

Collision avec le relief
Champion 7GCAA, C-FXTJ
Lac Deer, Nipissing Ouest (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Le 8 juillet 2018, un hydravion Champion 7GCAA sous immatriculation privée (numéro de série 4, immatriculation C-FXTJ) a quitté le lac Deer, près de Nipissing Ouest (Ontario), pour effectuer un vol local.

L'aéronef pouvait être piloté depuis l'un ou l'autre des sièges en tandem (un derrière l'autre), chacun de ces 2 sièges étant doté d'un manche de commande. Le propriétaire de l'avion occupait le siège avant et un passager occupait le siège arrière.

Après un décollage normal à partir du plan d'eau, l'aéronef a monté et a commencé à voler autour du lac. L'aéronef s'est ensuite mis en palier et a suivi une trajectoire de vol normale. Puis, il a amorcé un virage vers le nord pour s'éloigner du plan d'eau. Peu de temps après avoir franchi le rivage, l'aéronef s'est mis en cabré, dans un plan si prononcé qu'il était possible de voir le dessus des ailes depuis le sol. Cette mise en cabré a augmenté jusqu'à l'enfoncement de l'aile droite. L'aéronef a entamé une rotation sur son axe longitudinal dans une assiette en piqué prononcé. L'aéronef a poursuivi sa descente en vrille avant de percuter le relief vers 17 h 28Note de bas de page 1. Un incendie s'est déclaré et l'aéronef a été détruit. Les 2 occupants ont été mortellement blessés. Des témoins se trouvant à proximité du lieu de l'accident se sont rendus sur place et ont appelé le 911.

Renseignements sur le pilote

Le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Il a commencé à piloter en 1990. Depuis ce temps et jusqu'en septembre 2014, son carnet de vol personnel indiquait qu'il avait accumulé un total de 695 heures de vol. Depuis septembre 2014, le pilote avait accumulé 22 heures supplémentaires à bord de l'aéronef en cause et avait noté ces vols dans le carnet de route de l'aéronef. Il avait piloté d'autres aéronefs depuis septembre 2014. Toutefois, il a été impossible de déterminer le total d'heures de ces vols, car le pilote ne les avait pas notés dans son carnet de vol.

Selon l'enquête, rien n'indique que des facteurs physiologiques aient pu nuire au rendement du pilote.

Renseignements météorologiques

Au moment de l'événement à l'étude, les conditions météorologiques relevées à l'aéroport de North Bay (CYYB) (Ontario), situé à 34 milles marins à l'est du lac Deer, étaient les suivantes :

Selon des rapports informels, mais locaux, le ciel était ensoleillé et dégagé, le vent soufflait en rafales de 40 à 60 km/h, et il y avait des moutons sur le lac. Les conditions météorologiques n'ont pas été une cause de cet accident.

Renseignements sur l'aéronef

L'aéronef a été construit en 1965. Un examen des dossiers a permis de constater qu'il avait accumulé un total d'environ 1700 heures de vol depuis sa sortie d'usine. Depuis le remplacement du train d'atterrissage par des flotteurs, en août 2015, l'aéronef avait accumulé environ 20 heures de vol.

Selon les dossiers, le propriétaire était la seule personne à avoir piloté l'aéronef en cause depuis son achat en août 2011. Depuis, l'aéronef avait accumulé environ 43 heures de vol. La plupart des vols effectués par le propriétaire étaient de courte durée et se limitaient à la région du lac Deer.

La dernière inspection annuelle de l'aéronef a eu lieu le 2 août 2017. Entre cette date et le jour de l'accident, l'aéronef n'avait accumulé que 2 heures de vol consignées. Cette inspection annuelle consistait en un entretien périodique, c'est-à-dire : vidange d'huile, vérification de la compression des cylindres, vérification du compas et remplacement de la batterie principale. L'inspection n'a révélé aucune anomalie. On a fait tourner le moteur et on a constaté son bon état de fonctionnement.

L'inspection annuelle a été approuvée par un technicien d'entretien d'aéronefs (TEA) qualifié. Le dossier indiquait que l'inspection avait été faite conformément au calendrier de maintenance défini dans les appendices B et C de la norme 625 du Règlement de l'aviation canadien.

Site de l'accident et épave de l'aéronef

Les enquêteurs du BST se sont rendus sur les lieux de l'accident et ont examiné l'épave de l'aéronef. Les marques laissées sur les arbres à proximité indiquaient que la trajectoire de vol avant l'impact était quasi verticale. Même si l'incendie a presque entièrement consumé l'aéronef, on a déterminé que ce dernier était en très forte inclinaison à droite et en piqué prononcé lorsqu'il a percuté le relief, l'aile droite en premier.

On a examiné les systèmes de bord dans la mesure du possible, et toutes les gouvernes étaient présentes. Les dommages à l'hélice étaient caractéristiques d'un moteur en marche au moment de l'impact. Toutefois, il a été impossible de déterminer la puissance générée à ce moment.

Pendant l'examen des gouvernes, on a constaté que le câble de relèvement de la commande de profondeur était effiloché et rompu à l'endroit où il s'engagerait normalement sur la première poulie de guidage avant l'empennage. Ce câble est un câble principal de commande de vol. Il relève la gouverne de profondeur à l'application d'une tension, ce qui amplifie le cabré de l'aéronef. On a récupéré les 2 extrémités du câble rompu (figure 1) et on les a envoyées au Laboratoire d'ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) pour déterminer si les dommages se sont produits avant ou pendant l'accident.

Figure 1. Câble de relèvement de la commande de profondeur rompu
Câble de relèvement de la commande de profondeur rompu

Examen du câble de relèvement de la commande de profondeur

On a examiné le câble rompu à l'aide d'un microscope électronique à balayage. Le câble de relèvement de la commande de profondeur se composait de 7 faisceaux enroulés de 19 fils en acier inoxydable chacun. Même si l'incendie après impact a endommagé ce câble, l'examen a permis de constater que le câble présentait 2 types de ruptures :

Figure 2. Micrographie des surfaces rompues du câble de relèvement de la commande de profondeur
Micrographie des surfaces rompues du câble de relèvement de la commande de profondeur

Problèmes antérieurs avec des câbles de commande de la gouverne de profondeur

Après un accident survenu en Australie le 8 mai 2008 causé par la rupture d'un des câbles de commande de la gouverne de profondeur d'un aéronef Champion 7GCBC semblable à l'aéronef en cause, l'Australian Civil Aviation Safety Authority a publié une consigne de navigabilitéNote de bas de page 2 pour aviser les TEA et les exploitants des risques de rupture en vol de ces câbles. On a établi que la rupture dans cet événement résultait d'un cumul d'effets causés par des criques de fatigue et une non-conformité du câble aux normes de fabrication reconnues. Toutefois, ce câble ne présentait pas les signes d'usure constatés sur le câble de l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude.

Dans sa consigne de navigabilité, l'Australian Civil Aviation Safety Authority a émis la recommandation suivante aux exploitants et TEA australiens [traduction] :

Tous les câbles de commande de vol de tous les aéronefs [Champion] doivent être soumis à une inspection approfondie immédiate, et à des inspections fréquentes par la suite, conformément à l'alinéa 7-149(d) de l'article 8 du chapitre 7 de la circulaire d'information 43-13-1B de la Federal Aviation Administration, particulièrement aux endroits où ils sont en contact avec des poulies et des guide-câblesNote de bas de page 3.

Toutefois, cette consigne ne s'applique qu'à l'Australie.

Maintenance et inspection de l'aéronef

Le manuel d'entretien de l'avionneur du Champion 7GCAANote de bas de page 4 en vigueur au moment de l'accident survenu en Australie et de l'événement à l'étude comprend un calendrier de maintenance exigeant une inspection visuelle de tous les câbles de commande à un intervalle de 100 heures et des inspections annuelles.

Le 23 mai 2018, l'avionneur a publié une lettre de serviceNote de bas de page 5 relative aux câbles de la commande de profondeur. Cette lettre de service comprenait une procédure d'inspection détaillée étoffant les inspections visuelles précédemment requises, mettant l'accent sur les points de contact des câbles sur les poulies, et contenant des renseignements sur les types d'anomalies pouvant être constatés. La lettre comprenait également une nouvelle exigence de remplacement de ces câbles à un intervalle de 1000 heures. Cette lettre de service avait été publiée après la dernière inspection annuelle de l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude.

En vertu des exigences d'inspection annuelle des petits aéronefs privés du Canada, définies à l'appendice B de la norme 625 du Règlement de l'aviation canadien, la révision périodique doit comprendre les éléments à inspecter listés dans la partie I de l'appendice ou, encore, peut être effectuée conformément au calendrier de maintenance du constructeur pourvu que tous les éléments pertinents soient compris.

Parmi les éléments à inspecter listés dans la partie I de la norme, celui qui comprend les câbles de commande se lit comme suit :

Systèmes et composants – l'inspecter en vue d'y déceler un montage défectueux, des défectuosités apparentes ou un fonctionnement insatisfaisantNote de bas de page 6.

Cette liste d'éléments à inspecter est plus détaillée pour d'autres parties d'un aéronef, dont le groupe train d'atterrissage, lequel est divisé en 10 éléments précis et distincts.

Les TEA inspectent couramment les câbles de commande pendant les inspections annuelles. Toutefois, la norme ne comprend aucun autre détail qui exigerait spécifiquement l'inspection de ces éléments ni d'exigence obligeant les exploitants et les TEA à suivre les directives fournies par les constructeurs dans des lettres ou bulletins de service.

Message de sécurité

Même s'il a été impossible d'établir avec certitude que le câble de relèvement de la commande de profondeur a rompu en vol, on a établi que plusieurs fils de ce câble ont failli en raison d'une importante usure par frottement avant que les fils restants se rompent par surcharge en tension.

L'inspection des câbles principaux de commande de vol n'est pas décrite en détail dans les directives d'inspection annuelle de base pour les petits aéronefs privés. L'inspection périodique de ces câbles et leur remplacement, au besoin, pourraient prévenir une rupture possible en vol et une perte de maîtrise subséquente.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .