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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22P0067

Perte de puissance et atterrissage forcé
Conair Group Inc.
Air Tractor, Inc. AT-802A, C-FFQS
Cranbrook (Colombie-Britannique), 20 NM S



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 2 août 2022, l’aéronef Air Tractor, Inc. AT-802A (immatriculation C-FFQS, numéro de série 802A-0629), muni de flotteurs amphibies et exploité par Conair Group Inc. sous l’indicatif Fireguard 673, effectuait des manœuvres aériennes de lutte contre les incendies à partir de l’aéroport international de Cranbrook/Canadian Rockies (CYXC) (Colombie-Britannique) avec 1 membre d’équipage à son bord. Le Fireguard 673 était le 4e aéronef d’un groupe de 4; 1 autre aéronef servait d’avion de pointage. Après avoir effectué le 8e largage d’eau sur l’incendie de Connell Ridge, le pilote du Fireguard 673 a mis de la puissance pour la montée, mais la puissance du moteur s’est remise au ralenti. Lorsqu’il a ensuite actionné le levier d’alimentation de secours, aucune autre puissance ne s’est produite. Le pilote a choisi une zone reboisée et a effectué un atterrissage forcé. Le pilote a subi des blessures mineures et a été transporté par hélicoptère pour recevoir des soins médicaux. Il n’y a eu aucun incendie après l’impact. L’aéronef a été lourdement endommagé.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 2 août 2022, Conair Group Inc. (Conair) effectuait des manœuvres aériennes de lutte contre les incendies selon les règles de vol à vue (VFR) à environ 20 milles marins au sud de Cranbrook (Colombie-Britannique), dans la région de Connell Ridge, le site de nombreux feux incontrôlés. Les manœuvres étaient effectuées par une équipe de 5 aéronefs, soit un avion de pointage Cessna 208 Caravan Note de bas de page 1 et 4 Air Tractor, Inc. (Air Tractor) AT-802A Fire Boss, des avions-citernes monoplaces et monomoteurs munis de flotteurs amphibies et transformés en fonction du système Fire Boss Note de bas de page 2. L’aéronef à l’étude, qui était l’un des avions-citernes monomoteurs AT-802A d’Air Tractor, était exploité sous l’indicatif Fireguard 673. Il volait en tant que 4e aéronef du groupe de 4 avions-citernes monomoteurs. L’équipage de l’avion de pointage, qui était composé d’un pilote et d’un officier d’attaque aérienne, planifiait et dirigeait les activités de lutte contre les incendies.

Au cours du 1er vol de la journée, les 4 avions-citernes ont effectué 10 manœuvres d’écopage, larguant au total 40 chargements d’eau sur le même incendie. Ils ont volé en formation dans une configuration en circuit entre le lieu de l’incendie et le lac Koocanusa, où ils ont effectué des chargements d’eau.

Chaque trajet entre le lac Koocanusa et l’incendie de Connell Ridge prenait environ 9 minutes, avec une montée de l’élévation du lac à environ 2500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) jusqu’à une altitude de croisière de 7500 pieds ASL. Le vol de retour vers le lac prenait environ 8 minutes; pendant presque toute la durée du vol, les avions-citernes effectuaient une descente et volaient avec les moteurs réglés à faible puissance.

Le groupe a fait une pause à 15 h 33 Note de bas de page 3 pour manger et avitailler les aéronefs à l’aéroport international Cranbrook/Canadian Rockies (CYXC) (Colombie-Britannique). Il a redécollé à environ 17 h 16 avec des réservoirs de carburant et d’agent de moussage Note de bas de page 4 Note de bas de page 5 remplis pour le 2e vol de la journée, qui consistait à poursuivre l’opération effectuée le matin.

Vers 19 h 19, immédiatement après le 7e largage d’eau du 2e vol, le pilote de l’événement à l’étude a poussé la manette des gaz pour faire augmenter la puissance du moteur. L’aéronef a subi une réduction de puissance de 2 secondes, qui n’était peut-être pas perceptible par le pilote Note de bas de page 6. La puissance est revenue et l’aéronef a fonctionné normalement. Le pilote a poursuivi sa mission de lutte contre l’incendie.

Après le chargement d’eau au lac Koocanusa, le Fireguard 673 est retourné à l’incendie de Connell Ridge pour le 8e largage d’eau. Une fois ce largage d’eau terminé, vers 19 h 37, le pilote a poussé la manette des gaz; la puissance du moteur a d’abord réagi en conséquence, mais elle est ensuite retombée de la même façon que lors de la réduction temporaire de puissance qui s’était produite après le 7e largage d’eau. Cependant, cette fois-ci, la puissance du moteur n’est pas revenue. L’aéronef se trouvait alors à environ 350 pieds au-dessus du sol (AGL).

Le pilote a mis la manette des gaz en position de ralenti, a réglé les allumeurs en mode CONTINUOUS et a poussé sur la manette des gaz. Il n’y a eu aucun changement de la puissance moteur. Il a ensuite placé la manette des gaz en position de ralenti et a actionné le levier manuel de surpassement du régulateur de carburant (également appelé levier d’alimentation de secours [EPL]); toutefois, la puissance du moteur n’a pas été rétablie.

Incapable de déterminer la cause de la réduction de puissance, le pilote a alors choisi une zone reboisée et a amorcé un atterrissage d’urgence, en gérant soigneusement son taux de descente et sa vitesse pour s’assurer qu’il atteindrait le site. Pendant la descente, le moteur s’est éteint et, en raison de contraintes de temps, le pilote n’a pas été en mesure de consulter les instruments de pilotage pour obtenir des renseignements sur le carburant ou le débit carburant. Le klaxon de l’avertisseur de décrochage a retenti à plusieurs reprises alors que le pilote amenait progressivement l’aéronef vers les arbres, que l’aéronef a percutés vers 19 h 38 (figure 1).

Figure 1. Carte montrant la trajectoire de vol de l’aéronef au 8e passage d’écopage et le lieu de l’événement (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Carte montrant la trajectoire de vol de l’aéronef au 8e passage d’écopage et le lieu de l’événement (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Alors que l’aéronef descendait vers le sol à travers les arbres, un petit arbre a été coupé et a traversé le pare-brise, frôlant le casque du pilote. Le pilote a été recouvert d’éclats de verre provenant du pare-brise fracassé. L’aéronef s’est immobilisé à environ 200 m de la bordure de l’incendie de forêt.

Le pilote a retiré les débris de verre et d’arbre de son visage et a vérifié s’il était blessé. Il a ensuite utilisé la radio de l’aéronef pour communiquer avec l’avion de pointage; toutefois, la transmission radio n’a pas été reçue. Il a ensuite utilisé une radio FM pour appeler le pilote de l’un des autres avions-citernes monomoteurs, qui a informé le pilote de l’avion de pointage que l’aéronef et le pilote étaient au sol. Le pilote de l’événement a ensuite éteint la batterie de l’aéronef. L’avion de pointage a aidé à prendre les dispositions nécessaires pour qu’un hélicoptère passe récupérer le pilote de l’événement, qui s’était rendu à pied jusqu’à un chemin forestier à proximité. Il a ensuite été transporté à CYXC pour y faire soigner ses blessures.

1.2 Personnes blessées

Le pilote de l’aéronef à l’étude a subi des blessures mineures.

Tableau 1. Personnes blessées
Gravité des blessures Membres d’équipage Passagers Personnes ne se trouvant pas à bord de l’aéronef Total selon la gravité des blessures
Mortelles 0 - - 0
Graves 0 - - 0
Légères 1 - - 1
Total des personnes blessées 1 - - 1

1.3 Dommages à l’aéronef

L’aéronef a été lourdement endommagé en raison des forces d’impact.

1.4 Autres dommages

Environ 315 litres de carburant Jet A-1 se sont déversés dans la forêt. Le réservoir de mousse de l’aéronef ne s’est pas rompu et le reste de la mousse a été récupéré.

1.5 Renseignements sur le personnel

Tableau 2. Renseignements sur le personnel
Licence de pilote Licence de pilote de ligne (ATPL)
Date d’expiration du certificat médical 1er mai 2023
Heures de vol total 11 086,0
Heures de vol sur type 668,0
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement 4,7
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement 22,3
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement 32,6
Heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours 32,6
Heures de service avant l’événement 10,5
Heures de repos avant la période de travail 15

Le pilote détenait la licence appropriée et répondait aux exigences de mise à jour des connaissances pour le vol conformément à la réglementation en vigueur.

Il a été embauché par Conair en mars 2017 dans le cadre d’un contrat saisonnier pour piloter l’AT-802. L’ensemble de son expérience sur type a été acquise en effectuant des vols liés aux activités de lutte contre les incendies de forêt. La dernière vérification de la compétence du pilote sur l’AT-802A a été effectuée le 3 avril 2022.

Selon l’examen des horaires de travail et de repos du pilote, rien n’indique que la fatigue a nui à la performance du pilote.

1.6 Renseignements sur l’aéronef

L’Air Tractor AT-802A est un aéronef monoplace à voilure basse comprenant un train à roulette de queue et est conçu tout particulièrement pour l’épandage agricole. Sa conception a été certifiée en vertu du règlement de l’aviation des États-Unis (Federal Aviation Regulations) dans la catégorie restreinte. Son exploitation au Canada est permise en vertu d’un certificat spécial de navigabilité — Restreint Note de bas de page 7 . La trémie, située entre le poste de pilotage et le moteur, a une capacité de 814 gallons américains (3081 litres). Les réservoirs de carburant sont situés dans les ailes et ont une capacité maximale de 380 gallons américains (1438 Ll).

Tableau 3. Renseignements sur l’aéronef
Constructeur Air Tractor, Inc.
Type, modèle et immatriculation AT-802A, C-FFQS
Année de construction 2015
Numéro de série 802A-0629
Date d’émission du certificat de navigabilité / permis de vol 20 avril 2016
Total d’heures de vol cellule 1055,2 heures
Type de moteur (nombre de moteurs) Pratt & Whitney PT6A-67F (1)
Type d’hélice (nombre) Hartzell HC-B5MA-3D (1)
Masse maximale autorisée au décollage 16 000 lb (7257 kg)
Types de carburant recommandés Jet A, Jet A-1, Jet B
Type de carburant utilisé Jet A-1

L’avion ne présentait aucune anomalie connue avant le vol à l’étude. Sa masse et son centre de gravité se trouvaient dans les limites prescrites, et il y avait suffisamment de carburant à bord pour effectuer le vol.

1.6.1 Conversion Fire Boss

Après sa sortie d’usine, on avait apporté des modifications à l’aéronef à l’étude pour l’adapter au rôle de lutte contre l’incendie. L’AT-802A a été transformé en fonction du système d’écopage d’eau Fire Boss, qui intégrait les changements suivants :

Conair a développé un certificat de type supplémentaire (CTS) indépendant pour la conversion Fire Boss, qui faisait passer la puissance moteur de 1350 hp sur arbre à 1600 hp sur arbre (pour le décollage) en modifiant le moteur déjà installé. La masse maximale au décollage de l’aéronef est restée de 16 000 livres Note de bas de page 8.

1.7 Renseignements météorologiques

Les équipages de conduite de la région ont signalé des turbulences modérées près du lieu de l’incendie tout au long de la journée. Il y avait également un certain cisaillement du vent associé à une turbulence mécanique au passage de la crête. Le ciel était généralement dégagé et la température relevée sur l’eau du lac Koocanusa était de 30 °C.

La station d’observation météorologique la plus proche, soit CYXC (située à environ 20 milles marins au nord du lieu de l’événement), a émis le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) suivant à 17 h :

Le METAR pour CYXC émis à 19 h indiquait ce qui suit :

Les conditions météorologiques n’ont pas été considérées comme un facteur dans le présent événement.

1.8 Aides à la navigation

Sans objet.

1.9 Communications

Sans objet.

1.10 Renseignements sur l’aérodrome

Sans objet.

1.11 Enregistreurs de bord

L’aéronef n’était pas équipé d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et la réglementation ne l’exigeait pas.

L’aéronef était toutefois muni de 2 systèmes qui avaient la capacité d’enregistrer les données de vol relatives au vol à l’étude. Ces 2 systèmes sont décrits dans les sous-sections suivantes.

1.11.1 Suivi des vols de Latitude Technologies

Un enregistreur de données de vol IONode de Latitude Technologies avait été installé à bord de l’aéronef à l’étude en décembre 2017, conformément au CTS P-LSA15-021/D Note de bas de page 9 . Le dispositif IONode est un petit système embarqué qui enregistre plusieurs paramètres de données de vol.

Le dispositif IONode a été récupéré de l’aéronef et les données de vol en ont été extraites.

1.11.2 Enregistreur de données de Perkins Technologies

L’aéronef à l’étude était également muni d’un dispositif de surveillance des alarmes et d’acquisition de données (DAAM) de Perkins Technologies. Le système DAAM est un dispositif de surveillance des systèmes d’aéronef embarqué et autonome. Le système est capable de surveiller, d’afficher et d’enregistrer des paramètres critiques de l’aéronef et du moteur. Le système a été installé par Air Tractor au moment de la construction de l’aéronef.

L’enregistreur de données DAAM a également été récupéré et les données sur le moteur en ont été extraites.

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

1.12.1 Lieu de l’accident

Lors de l’atterrissage forcé par le pilote, ce dernier a réduit la vitesse d’approche au maximum, percutant les arbres juste au-dessus de la vitesse de décrochage de l’aéronef, soit 68 nœuds en vitesse corrigée.

L’aéronef a percuté les arbres dans une assiette presque horizontale. Les flotteurs se sont rompus, se sont détachés du fuselage et ont roulé à l’envers, s’immobilisant près du bord de fuite de l’aile droite. En ralentissant, le fuselage a tourné d’environ 45° vers la droite, mais est resté à l’endroit (figure 2). Les bords d’attaque des ailes et les revêtements inférieurs du fuselage ont subi d’importants dommages. Selon les calculs, au moment de l’atterrissage forcé, l’aéronef transportait environ 315 L de carburant à son bord.

Figure 2. Lieu de l’accident (Source : Conair Group Inc., avec annotation du BST)
Lieu de l’accident (Source : Conair Group Inc., avec annotation du BST)

L’aéronef s’est immobilisé à environ 200 m de l’incendie incontrôlé de Connell Ridge. À cet endroit-là, l’aéronef tout entier risquait de prendre feu. Cependant, la direction changeante des vents et des opérations de lutte contre l’incendie continues dans le secteur ont permis de récupérer l’aéronef quelques jours plus tard.

1.12.2 Examen de l’épave

1.12.2.1 Moteur

L’aéronef à l’étude était muni d’un turbopropulseur Pratt & Whitney Canada PT6A-67F qui avait accumulé 1055,2 heures depuis sa mise en service.

Après l’accident, le moteur et les accessoires du moteur ont été expédiés à l’installation de Pratt & Whitney Canada à Saint-Hubert (Québec) pour une évaluation plus approfondie. Cette évaluation a été supervisée par le BST. Le moteur a été inspecté pour vérifier s’il présentait des dommages externes et internes; il s’est avéré qu’il était relativement intact. La section du compresseur du moteur était propre et exempte de débris. Les allumeurs ont été retrouvés en état de fonctionnement. Les détecteurs de limaille étaient exempts de débris et les conduites pneumatiques étaient serrées et ne présentaient aucune fuite.

Le moteur a ensuite été préparé pour un essai de fonctionnement dans la cellule d’essai disponible; toutefois, avant le début de cet essai, on a découvert que le réducteur était fissuré à la suite de l’impact, ce qui avait provoqué une fuite d’huile. Le moteur ne pouvait donc pas fonctionner.

À l’intérieur, le moteur ne semblait présenter aucune anomalie mécanique antérieure à l’impact qui aurait empêché le fonctionnement normal du moteur.

Un examen du filtre à air du moteur a révélé qu’il n’était pas contaminé et qu’il était en bon état de service.

Le régulateur de vitesse constante a été retiré du moteur et expédié au fabricant. Il a été testé et démonté sous la supervision du BST. Aucune anomalie n’a été relevée.

1.12.2.2 Régulateur de carburant

Le 10 juillet 2022, l’aéronef à l’étude a subi une série de réductions momentanées de la puissance en vol, similaires à celles du vol à l’étude, lorsque le pilote poussait la manette des gaz. À ce moment-là, l’aéronef avait accumulé un total de 1041,6 heures. Des employés de maintenance de Conair ont remplacé le régulateur de carburant (FCU).

Le FCU qui a été retiré de l’aéronef a été expédié à Pratt & Whitney Canada pour faire l’objet d’essais. Au moment du vol à l’étude, il n’avait pas encore été mis à l’essai. Après l’événement survenu le 2 août, le FCU qui avait été retiré ainsi que le FCU de remplacement qui se trouvait dans l’aéronef au moment de l’atterrissage forcé ont fait l’objet d’essais par Pratt & Whitney Canada.

Au cours de ces essais, qui ont également été supervisés par le BST, aucune défaillance n’a été constatée sur l’un ou l’autre des FCU.

1.12.2.3 Pompes à carburant

L’AT-802 comporte une pompe à carburant entraînée par le moteur et une pompe d’appoint électrique. Les 2 pompes sont capables d’alimenter la pompe de régulation carburant avec suffisamment de carburant à une pression minimale de 15 lb/po2.

La pompe entraînée par le moteur fonctionne en permanence lorsque le moteur est en marche. La pompe d’appoint électrique est utilisée pour le démarrage et en guise de renfort de la pompe du moteur.

L’enregistreur de données du DAAM de l’aéronef a révélé une importante réduction du débit carburant avant la réduction de la puissance du moteur.

La pompe de carburant entraînée par le moteur a été envoyée au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) pour y être analysée. Aucune anomalie n’a été constatée au cours des essais; toutefois, une certaine usure a été constatée sur les aubes directrices de la pompe carburant au cours de l’examen effectué pendant le démontage. Cette pompe a alors été expédiée à son fabricant pour un examen approfondi supervisé par le BST. L’examen supplémentaire a révélé que l’usure observée sur les aubes était normale et qu’elle n’était pas suffisamment importante pour empêcher la pompe de fonctionner comme prévu.

Lors de l’événement, la pompe d’appoint électrique n’était pas en marche pendant le vol, et le pilote ne l’avait pas mise en marche. La pompe a été retirée de l’aéronef et a fait l’objet d’essais par le BST pour s’assurer qu’elle n’entravait pas le débit carburant. Aucune anomalie n’a été relevée lors des essais.

1.12.2.4 Circuit carburant de l’aéronef

Le BST a examiné de nombreux composants du circuit carburant de l’aéronef, notamment :

Tous ces composants étaient en bon état de service, n’étaient pas contaminés et ne présentaient pas de blocages apparents.

L’aéronef à l’étude avait été avitaillé à CYXC. Tous les aéronefs de Conair exploités dans la région étaient également avitaillés à la même source avant de voler. Un échantillon de carburant a été prélevé de l’épave et inspecté visuellement pour vérifier la présence de contamination. Aucune anomalie n’a été relevée.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Selon l’information obtenue au cours de l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux ou physiologiques ont nui à la performance du pilote.

1.14 Incendie

L’aéronef n’a pas subi d’incendie avant ou après l’événement.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

Au moment de l’événement, le pilote portait un casque de vol et une combinaison de vol résistante au feu ainsi que la ceinture de sécurité à 5 points disponible. Le casque de vol était muni d’une visière, mais celle-ci était en position relevée pendant l’atterrissage forcé. Le pilote a subi des blessures mineures, dont de petites coupures au visage. Il a pu sortir de l’aéronef par la porte gauche du poste de pilotage sans difficulté.

1.15.1 Radiobalise de repérage d’urgence

La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de Kannad à bord de l’aéronef à l’étude transmet sur les fréquences de 121,5 MHz et de 406 MHz. L’ELT s’est déclenchée comme prévu à la suite de l’impact. Cependant, aucun signal n’a été reçu par les aéronefs qui se trouvaient à proximité du lieu de l’événement ou par le Centre canadien de contrôle des missions à Trenton (Ontario).

L’ELT a été retrouvée à l’intérieur de l’aéronef, fixée sur son support et toujours reliée à l’antenne par un câble coaxial. L’antenne fouet en fibre de verre de l’ELT, d’une longueur d’environ 13 pouces, s’est rompue lors de l’atterrissage forcé.

Le câble coaxial, la base de l’antenne et l’ELT ont été retirés du fuselage de l’aéronef et expédiés au Laboratoire d’ingénierie du BST aux fins d’essais.

On a constaté que le câble coaxial était fonctionnel et en bon état. L’antenne cassée fonctionnait également, même si l’intensité de son signal était affaiblie en raison de ses dommages. La batterie de l’ELT, le sélecteur de mode et l’interrupteur à force g se sont avérés fonctionnels.

L’enquête a permis de déterminer que l’intensité du signal provenant de l’antenne brisée n’était pas suffisante pour être captée à l’extérieur du lieu immédiat de l’accident. Par conséquent, le signal n’a pas été reçu par d’autres aéronefs ou par le Centre canadien de contrôle des missions.

1.15.1.1 Identification de l’ELT

Aux termes du paragraphe 605.38(4) du Règlement de l’aviation canadien (RAC) Note de bas de page 10, chaque ELT de 406 MHz doit être inscrite au Registre canadien des balises avant d’être installée dans un aéronef immatriculé au Canada. Lorsque l’aéronef à l’étude a été construit aux États-Unis, l’ELT y a été installée et a été enregistrée.

Lorsque l’aéronef a été importé au Canada, le code de l’ELT a dû être changé pour un nouveau code hexadécimal à 15 caractères (numéro 15 Hex ID) Note de bas de page 11. Le numéro Hex ID se compose du code du pays et d’autres caractéristiques d’identification qui dépendent du protocole de codage utilisé. L’ELT doit alors être enregistrée auprès du Registre canadien des balises. Conair avait changé le code de l’ELT et avait enregistré l’ELT conformément aux exigences.

Lors des essais, le signal numérique du numéro 15 Hex ID qui a été reçu par le matériel de test ne correspondait pas à l’autocollant d’identification externe situé sur le dessous du boîtier de l’ELT. L’ancien numéro 15 Hex ID provenant du codage d’origine de l’ELT aux États-Unis figurait toujours sur le boîtier (figure 3).

Figure 3. Radiobalise de repérage d’urgence retirée de l’aéronef à l’étude (Source : TSB)
Radiobalise de repérage d’urgence retirée de l’aéronef à l’étude (Source : TSB)

Il n’est pas exigé de changer ou de mettre à jour l’autocollant d’identification externe en fonction du nouveau numéro 15 Hex ID.

1.15.2 Coussins gonflables

L’aéronef était muni de l’ensemble de retenue gonflable d’AmSafe Aviation. Le système avait été installé en mars 2018 conformément au STC SA02276AK de la Federal Aviation Administration Note de bas de page 12. En cas d’accident, le coussin gonflable se déploie à partir de la ceinture-baudrier.

Le système de coussins gonflables a été retiré et expédié au Laboratoire d’ingénierie du BST pour faire l’objet d’essais. Les essais ont permis de conclure que l’ensemble de coussins gonflables fonctionnait comme prévu. L’accélération attribuable à la gravité pendant l’atterrissage forcé au cours de l’événement à l’étude n’a pas atteint le niveau d’activation de 6g requis pour que l’ensemble de retenue gonflable se déploie. Le dispositif DAAM à bord de l’aéronef a enregistré un maximum de 3,8g pendant la séquence d’atterrissage forcé.

1.15.3 Pare-brise du poste de pilotage

L’Air Tractor AT-802 est équipé d’un pare-brise à 3 panneaux en verre trempé pour éviter que des objets ne pénètrent dans le poste de pilotage. Les premiers aéronefs Air Tractor étaient munis d’un pare-brise d’une épaisseur de ¼ pouce.

En 2008, un accident s’est produit à Western Cape (Afrique du Sud), au cours duquel un gros oiseau a heurté le pare-brise d’un aéronef Air Tractor 502B, entraînant la collision de l’aéronef avec le relief Note de bas de page 13. À la suite de cet accident, Air Tractor a publié une lettre de service Note de bas de page 14 qui faisait en sorte de changer la conception de l’aéronef afin de munir celui-ci d’un pare-brise d’une épaisseur de ⅜ pouce. Ce pare-brise plus épais allait offrir une meilleure protection contre les impacts en cas de collision avec un oiseau ou un objet. L’aéronef à l’étude était muni d’un pare-brise avant d’une épaisseur de ⅜ pouce.

Pendant l’atterrissage forcé de l’aéronef à l’étude, celui-ci est entré en collision avec un petit arbre, qui a alors traversé les pare-brises avant et de droite. Les fenêtres ont éclaté dans la zone immédiate de l’impact; toutefois, la majeure partie des fenêtres sont restées intactes (figure 4). L’arbre a frôlé le casque du pilote. Le pilote a été recouvert d’éclats de verre et de débris d’arbre, ce qui lui a causé de petites coupures au visage.

Figure 4. Arbre traversant le pare-brise avant et pénétrant dans le poste de pilotage de l’aéronef à l’étude après la collision (Source : Conair Group Inc.)
Arbre traversant le pare-brise avant et pénétrant dans le poste de pilotage de l’aéronef à l’étude après la collision (Source : Conair Group Inc.)

Fait établi : Autre

La combinaison du pare-brise épais de l’aéronef et du casque de vol du pilote a réduit au minimum les blessures du pilote lorsque l’arbre a pénétré dans le poste de pilotage.

1.16 Essais et recherche

1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

Conair détient un certificat d’exploitation aérienne et exerce ses activités conformément aux sous-parties 702 (Opérations de travail aérien) et 703 (Exploitation d’un taxi aérien) du RAC. La compagnie détient également un certificat d’organisme de maintenance agréé. Ses activités de maintenance sont menées conformément à la sous-partie 573 (Organismes de maintenance agréés) du RAC.

Au moment de l’événement à l’étude, la flotte de Conair comprenait 52 aéronefs :

Conair offre les services suivants :

Au moment de l’événement à l’étude, Conair disposait d’un système de gestion de la sécurité volontaire, qui est calqué sur les exigences de la sous-partie 705 du RAC pour l’exploitation d’une entreprise de transport aérien.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Système manuel de surpassement du régulateur de carburant

Les aéronefs d’Air Tractor sont munis d’un système manuel de surpassement du FCU Note de bas de page 15 installé au moment de la fabrication de l’aéronef. Le système manuel de surpassement du FCU permet au pilote de rétablir la puissance en cas de défaillance de la régulation du carburant, par exemple en cas de perte de pression pneumatique P3 ou Py Note de bas de page 16 ou de perte de la capacité du régulateur à mesurer le carburant.

Le système manuel de surpassement du FCU est relié au moyen d’une tringlerie au levier de surpassement sur le FCU et régit l’alimentation en carburant du moteur, en cas de défaillance du FCU, en actionnant directement le robinet de carburant à l’intérieur du FCU.

Dans le poste de pilotage, le levier manuel de surpassement du FCU consiste en une poignée rouge montée sur le côté gauche, à côté du siège du pilote. La poignée est munie d’une gâchette de verrouillage à ressort qui peut être tirée pour permettre au pilote de pousser la poignée vers le plancher de l’aéronef. Le levier manuel de surpassement du FCU est conçu pour n’être utilisé qu’en cas d’urgence.

Le système manuel de surpassement du FCU de l’aéronef à l’étude a été mis à l’essai au sol par le personnel de maintenance lors du changement de FCU en juillet 2022. À ce moment-là, ce système a fonctionné comme prévu.

Pendant la séquence d’atterrissage forcé, le pilote a utilisé le système en question, qui n’a toutefois apporté aucun changement à l’état de l’aéronef ou à la puissance disponible. L’enquête n’a pas permis de déterminer pourquoi le surpassement manuel du FCU s’était avéré inefficace.

1.18.1.1 Directives sur le système manuel de surpassement du régulateur de carburant

Le supplément FAA Approved Airplane Flight Manual Supplement: Fuel Control Unit Manual Override System est annexé au manuel applicable FAA Approved Airplane Flight Manual 01-0059 for Air Tractor Model AT-802 pour les aéronefs qui ont été modifiés et équipés du système manuel de surpassement du FCU d’Air Tractor. Le manuel permet au pilote de se familiariser avec les caractéristiques et les fonctions du système.

La section 2 du supplément présente les procédures d’utilisation du système manuel de surpassement du FCU. Elle offre les renseignements suivants [traduction] :

En cas d’urgence, la manette des gaz doit être en position de poussée maximale vers l’avant pour permettre la modulation manuelle de la puissance par le levier manuel de surpassement de la régulation de carburant Note de bas de page 17.

La procédure d’utilisation est expliquée plus en détail à la section 3, qui fournit les renseignements suivants pour une situation d’urgence dans laquelle la manette des gaz ne réagit pas [traduction] :

LA MANETTE DES GAZ NE RÉAGIT PAS :

(1) Vérifiez les instruments du moteur pour vous assurer que celui-ci tourne et qu’il tourne au moins au régime normal de ralenti.

(2) Manette des gaz – Avancez-la à la position de poussée maximale vers l’avant.

REMARQUE : Étant donné que la manette des gaz sélectionne la puissance Ng [ Note de bas de page 18] cible, il est important que cette manette soit configurée de manière à sélectionner une puissance Ng élevée afin que la puissance souhaitée puisse être obtenue avec le surpassement manuel. Si une puissance Ng faible est sélectionnée, le régulateur de puissance Ng interviendra pour limiter l’autorité du surpassement manuel et entraînera une réduction de la puissance disponible par l’intermédiaire du surpassement manuel.

(3) Levier manuel de surpassement de la régulation du carburant – Au besoin Note de bas de page 19 .

Pendant l’enquête, Pratt & Whitney Canada a confirmé les renseignements ci-dessus.

1.18.1.2 Procédures d’exploitation normalisées de Conair Group Inc.

Conair a élaboré les Fire Boss Standard Operating Procedures [procédures d’exploitation normalisées du système Fire Boss](SOP) à l’intention des équipages de conduite pour chaque type d’aéronef. Les procédures documentées contribuent à normaliser les opérations de la flotte d’Air Tractor en appliquant les pratiques exemplaires établies pendant toutes les phases du vol. Les SOP doivent être appliquées conjointement avec les manuels de vol des aéronefs et leurs suppléments.

Les SOP du système Fire Boss de l’AT-802 fournissent davantage de renseignements sur les défaillances du FCU à l’intention des équipages de conduite. Une partie des directives est tirée directement du supplément sur le surpassement manuel du FCU.

Les SOP expliquent que [traduction] :

[e]n cas d’urgence, la manette des gaz doit être en position de poussée maximale vers l’avant pour permettre la modulation manuelle de la puissance par le levier manuel de surpassement de la régulation de carburant Note de bas de page 20 .

1.18.1.3 Formation sur la défaillance du FCU et liste de vérification

L’enquête a révélé que Conair forme ses pilotes à reconnaître les signes d’une défaillance du FCU et à prendre les mesures qui s’imposent. Dans le simulateur, les pilotes apprennent et s’exercent à faire ce qui suit :

La liste de vérification en cas de défaillance du FCU, qui figure dans les SOP, n’est pas un élément à mémoriser. Cette liste ne mentionne pas la position souhaitée de la manette des gaz avant que le levier manuel de surpassement du FCU ne soit avancé.

Voici la liste de vérification en cas de défaillance du FCU [traduction] :

Indications

  1. Moteur au ralenti de vol
  2. Le moteur ne répond pas aux manipulations de la manette des gaz
  • Avancer l’EPL au maximum ou autant que nécessaire
  • Avancer la manette des gaz si plus de puissance est nécessaire
  • Surveiller l’ITT [température interturbines] du moteur et le couple du moteur
  • Produit ignifuge – Larguer (à moins de 120 nœuds)
  • Surveiller l’ITT et le couple du moteur Note de bas de page 21

Lorsque le pilote a actionné le surpassement manuel du FCU pendant le vol à l’étude, la manette des gaz était en position de ralenti. Dans cette configuration, le moteur de l’aéronef produirait une puissance inférieure à la puissance maximale. Toutefois, Pratt & Whitney Canada n’a pas été en mesure de déterminer de combien la puissance disponible serait réduite.

1.18.2 Pompe d’appoint de carburant

Pendant le vol à l’étude, le pilote n’a pas pu déterminer la cause de la réduction de puissance du moteur. Il était incertain s’il était face à une panne moteur complète ou à une extinction du moteur Note de bas de page 22. Le manuel de vol de l’aéronef décrit les signes d’une extinction du moteur comme étant similaires à ceux d’une panne moteur uniquement en ce qui concerne une chute de la température interturbines, de la pression du couple et de puissance Ng Note de bas de page 23 . Le manuel rappelle également à l’équipage de conduite ce qui suit [traduction] :

N’oubliez pas que les moteurs à turbine tombent rarement en panne tant qu’ils sont alimentés en carburant. Une procédure importante à cet égard consiste à connaître l’emplacement de l’interrupteur de la pompe d’appoint de carburant et de la position CONTINUOUS de l’interrupteur d’allumage. Vous devriez faire deux choses dès que vous avez une indication de perte de puissance :

  1. Régler l’allumeur à la position CONTINUOUS.
  2. Régler l’interrupteur de la pompe d’appoint de carburant sur ON Note de bas de page 24 .

Pendant le vol à l’étude, la pompe d’appoint de carburant n’était pas activée.

1.18.3 Listes de vérification d’urgence en cas de panne moteur et d’extinction du moteur

1.18.3.1 Panne moteur en vol

Conair a mené une évaluation et, en fonction des recommandations du constructeur, a élaboré une SOP qui indique les mesures les plus importantes. Conair a créé une liste de vérification unique pour permettre aux pilotes d’exécuter un atterrissage forcé en toute sécurité tout en essayant de se rétablir d’une perte de puissance. La liste de vérification d’urgence de l’aéronef de Conair comporte une liste d’éléments précis à mémoriser en cas de panne moteur en vol :

PANNE MOTEUR EN VOL
Produit ignifuge Larguer (moins de 120 nœuds)
Vitesse 95 KIAS [vitesse indiquée en nœuds]
Manette des gaz Au ralenti
Allumeurs En continu
Pompe d’appoint Allumée
Manette des gaz Poussée
Aucune réponse…
EPL Poussée
Aucune réponse…
Hélice En drapeau
Levier de commande de démarrage Position d’extinction
Carburant Coupé
Pompe d’appoint Éteinte
Allumeurs Éteints
Radio Aviser
Sortir les volets Au besoin
Train d’atterrissage Au besoin
Interrupteur principal de la batterie Coupé (avant l’atterrissage) Note de bas de page 25

Après la réduction de la puissance du moteur, le pilote de l’aéronef à l’étude a commencé à exécuter de mémoire les éléments de la liste de vérification en cas de panne moteur, sans toutefois passer à travers toute la liste. La pompe d’appoint de carburant n’a pas été allumée, et les manettes des gaz n’ont pas été poussées avant d’avancer le levier manuel de surpassement du FCU.

1.18.3.2 Extinction du moteur en vol

La liste de vérification en cas d’extinction du moteur en vol est destinée aux cas d’extinction du moteur au cours desquels le pilote a le temps de réagir et de tenter un redémarrage.

Les SOP du système Fire Boss de Conair recommandent de se servir de la liste de vérification en cas de panne moteur lorsque le pilote n’a pas le temps de réagir ou de redémarrer le moteur.

Dans l’événement à l’étude, l’extinction du moteur ne s’est produite que dans les derniers instants du vol (annexe A). Le pilote n’était pas conscient de l’extinction, et il n’avait pas suffisamment d’altitude pour tenter un redémarrage.

1.18.4 Auto-exposé par le pilote

Les pilotes se préparent à voler en examinant les renseignements pertinents au vol qu’ils effectueront. Cette préparation peut comprendre un examen des procédures d’urgence.

Le pilote dans l’événement à l’étude avait l’habitude d’effectuer un auto-exposé quotidien avant les vols. Pour ce faire, il s’assoyait normalement dans le poste de pilotage, le moteur éteint, et il passait en revue les éléments de la liste de vérification de mémoire. Ce faisant, le pilote avait l’habitude d’exécuter la liste de vérification verbalement sans toucher les interrupteurs. Il pointait souvent chaque interrupteur du doigt en exécutant la liste à haute voix.

Pendant les 40 secondes entre la réduction de la puissance du moteur et l’atterrissage forcé, le pilote a tenté d’exécuter la liste de vérification de mémoire pour une panne moteur en vol. Plutôt que de régler l’interrupteur de la pompe d’appoint de carburant à la position d’allumage, il est possible qu’il l’ait seulement pointé du doigt comme il faisait normalement pendant son auto-exposé.

1.18.5 Prise de décisions et modèles mentaux du pilote

La prise de décisions du pilote (PDP) est un processus cognitif qui permet de choisir un plan d’action parmi diverses options. La FAA définit la prise de décisions aéronautiques comme [traduction] « une approche systématique du processus mental utilisé par les pilotes pour déterminer de manière cohérente la meilleure mesure à adopter en réponse à un ensemble donné de circonstances. Il s’agit des intentions du pilote fondées sur les plus récents renseignements à sa disposition Note de bas de page 26. » Selon une trousse didactique de Transports Canada Note de bas de page 27, la PDP est fonction du temps; ainsi, avant le vol, il y a « prise de décisions sans souci du temps » et pendant le vol, dans un environnement dynamique, il peut y avoir « prise de décisions quand le temps presse Note de bas de page 28 ».

Les modèles mentaux sont essentiels pour réagir efficacement dans des environnements dynamiques où chaque seconde compte, car ils réduisent le besoin d’évaluer une situation, ce qui prend du temps, et permettent d’agir rapidement. Dans les situations opérationnelles, on se fie à l’expérience et aux connaissances pour rapidement catégoriser la situation et choisir la marche à suivre appropriée Note de bas de page 29. Ainsi, dans les situations auxquelles on s’est souvent exercé, l’attention et les attentes sont souvent le fruit du modèle mental que l’on a de la situation, étant donné que l’expérience antérieure détermine quelle information est importante et comment la situation évoluera. Les situations exigeant une intervention rapide nécessitent une formation préprogrammée fondée sur la prévisibilité de la situation et sur les indices pour assurer une réponse adéquate dans les délais disponibles Note de bas de page 30.

2.0 Analyse

2.1 Généralités

Dans l’événement à l’étude, l’examen du moteur de l’aéronef AT-802 d’Air Tractor, Inc. a porté sur la section du compresseur, les allumeurs, les détecteurs de limaille, les conduites pneumatiques et le régulateur de vitesse constante. Le régulateur de carburant (FCU), les pompes à carburant et le circuit carburant de l’aéronef ont également été examinés. Aucun défaut susceptible d’affecter le fonctionnement normal du moteur n’a été relevé.

L’enquête n’a pas permis de déterminer la source de la réduction de puissance du moteur ni la raison de l’inefficacité du système manuel de surpassement du FCU.

Pendant l’atterrissage forcé, l’utilisation d’un casque et de la ceinture de sécurité harnais à 5 points par le pilote, le pare-brise de l’aéronef et la faible vitesse d’impact sont autant d’éléments qui ont limité les blessures du pilote. La prise de décisions par le pilote, son expérience et sa formation récente ont contribué à un dénouement positif.

Cette analyse se concentrera donc sur les facteurs relatifs à l’atterrissage forcé. Elle examinera en particulier le fonctionnement de l’aéronef, et plus précisément dans une situation de vol à basse altitude, ainsi que l’application des procédures d’exploitation normalisées (SOP) et des listes de vérification.

2.2 L’aéronef

2.2.1 Réduction de la puissance moteur

En juillet 2022, le FCU de l’aéronef à l’étude a été remplacé par le personnel de maintenance après que l’aéronef a subi une série de réductions momentanées de puissance en vol. Après avoir accumulé environ 13,6 heures de vol avec le FCU de remplacement, l’aéronef a subi une importante réduction de puissance ainsi qu’une éventuelle extinction du moteur pendant le vol à l’étude, ce qui a entraîné un atterrissage forcé (annexe A).

Au moment de l’atterrissage forcé, l’aéronef effectuait des manœuvres aériennes de lutte contre les incendies dans un ciel dégagé avec des poches de turbulence modérée, et suffisamment de carburant à bord pour le vol. En outre, la maintenance de l’aéronef était à jour et celui-ci ne présentait aucune défectuosité connue.

Les examens des composants et de la cellule effectués dans le cadre de l’enquête n’ont pas permis de déterminer la cause de la réduction de puissance.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Lors de l’application de la puissance moteur à la suite d’un largage d’eau à basse altitude, il s’est produit une réduction de puissance suivie d’une perte totale de puissance. Dans les deux cas, la raison n’a pas pu être déterminée.

2.2.2 Vol à basse altitude

Les aéronefs de lutte contre les incendies doivent être utilisés à basse altitude, ce qui comporte des risques inhérents. Pour lutter efficacement contre un incendie de forêt, les aéronefs doivent voler près de l’incendie. L’altitude à laquelle ils larguent de l’eau sur un incendie peut n’être que de 150 à 200 pieds au-dessus du sol; la marge d’erreur est donc très mince.

À une altitude aussi basse, il est très difficile de se rétablir après une défaillance de l’aéronef. Dans une telle situation, où la prise de décisions par le pilote et le temps de réaction du pilote sont essentiels pour un résultat positif, la capacité à prendre des décisions sous des contraintes de temps dépend largement des modèles mentaux et de la nécessité d’une intervention immédiate.

Dans l’événement à l’étude, 40 secondes se sont écoulées entre le moment où l’aéronef a subi la réduction de puissance du moteur et celui où il a percuté les arbres. En raison de la contrainte de temps, le pilote n’a pas été en mesure de consulter les instruments et les voyants d’alarme dans le poste de pilotage ni de parcourir ses listes de vérification. Il n’a donc pas pu déterminer avec précision l’origine de la réduction de puissance. Sa concentration était dirigée sur la réussite de l’atterrissage forcé et sur la gestion du taux de descente de l’aéronef.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

La réduction de puissance s’est produite à environ 350 pieds au-dessus du sol, ce qui n’a pas laissé suffisamment de temps au pilote pour exécuter entièrement les listes de vérification, déterminer la source de la panne et rétablir la puissance. En conséquence, un atterrissage forcé a été effectué dans une zone reboisée, ce qui a entraîné d’importants dommages à l’aéronef.

2.3 Directives, procédures et formation

Les directives sur le système manuel de surpassement du FCU, créées et contrôlées par le constructeur de l’aéronef, figurent dans le supplément au manuel de vol FAA Approved Airplane Flight Manual Supplement : Fuel Control Unit Manual Override System. Le fabricant fournit ces directives en s’appuyant sur les essais menés et sur sa compréhension du moteur de l’aéronef.

Dans le cas présent, les directives stipulent que la manette des gaz doit être en position de poussée maximale vers l’avant pour permettre la modulation manuelle de la puissance par le levier manuel de surpassement du FCU. La note fournie dans les directives explique pourquoi le levier doit être en position de poussée maximale vers l’avant.

Les SOP de Conair sont élaborées de manière à normaliser l’exploitation de sa flotte d’Air Tractor, Inc. Elles doivent être appliquées conjointement avec les manuels de vol des aéronefs et leurs suppléments. Les Fire Boss Standard Operating Procedures [procédures d’exploitation normalisées du système Fire Boss] (1 mai 2022) expliquent en détail l’utilisation du système manuel de surpassement du FCU et répètent les directives du constructeur, qui prévoient qu’avant d’utiliser le système manuel de surpassement du FCU, la manette des gaz doit être poussée complètement vers l’avant. Toutefois, la procédure sous forme de liste à puces qui suit l’explication détaillée ne mentionne pas l’obligation de pousser à fond la manette des gaz avant d’actionner le levier manuel de surpassement. Cette procédure sous forme de liste à puces est reproduite dans les listes de vérification d’urgence qui se trouvent à bord de l’aéronef.

En plus de cette disparité, la formation dispensée par Conair aux pilotes d’Air Tractor diffère des directives du fabricant en ce sens qu’elle demande aux pilotes de placer la manette des gaz en position de ralenti avant d’actionner le levier manuel de surpassement du FCU. Conformément à cette formation, après la perte de puissance survenue le jour de l’événement, le pilote a placé la manette des gaz en position de ralenti avant d’actionner le surpassement.

Lorsque la manette des gaz est en deçà du réglage maximal, l’utilisation du levier manuel de surpassement du FCU ne peut pas produire la puissance maximale du moteur, qui peut être requise en cas d’urgence pour prendre de l’altitude et s’éloigner du relief. Il est toutefois probable que cela n’a eu aucune incidence sur le résultat l’événement.

Fait établi quant aux risques

Lorsque les listes de vérification d’urgence et la formation ne reflètent pas les directives fournies par les constructeurs d’aéronefs, il y a un risque que les mesures prises dans le poste de pilotage ne permettent pas de résoudre efficacement une situation d’urgence.

2.4 Exécution des listes de vérification

Dans une situation d’urgence, telle qu’une panne moteur en vol, il est important que le pilote s’attache à piloter l’avion et à en garder la maîtrise. Il faut ensuite évaluer la situation. Cette évaluation consiste notamment à suivre une liste de vérification d’urgence, qui peut aider à résoudre le problème. Les tâches critiques qui sont de nature urgente, en plus de figurer sur les listes de vérification d’urgence, sont normalement désignées comme des éléments que les pilotes doivent mémoriser. Les éléments à mémoriser parmi la liste de vérification en cas de panne moteur en vol de l’aéronef à l’étude couvraient toutes les étapes à franchir pour faire face aux scénarios les plus courants, tels que les problèmes d’alimentation en carburant, les extinctions du moteur et les défaillances du FCU.

Dans la situation stressante créée par la réduction de puissance du moteur, plutôt que d’exécuter tous les éléments à mémoriser de la liste de vérification en cas de panne moteur en vol, le pilote a peut-être pointé du doigt l’interrupteur de la pompe d’appoint de carburant, sans le mettre à la position ON, comme il faisait dans ses préparations au vol pendant son auto-exposé. Le levier manuel de surpassement du FCU a été rapidement actionné avant de pousser les manettes de gaz à fond, ce qui n’aurait pas fourni au moteur la puissance maximale.

Le manuel de vol de l’aéronef rappelle aux pilotes qu’en cas d’indication de perte de puissance, les allumeurs doivent être réglés en mode CONTINUOUS et la pompe d’appoint de carburant doit être allumée. Lorsque la pompe d’appoint n’a pas été allumée, une tâche importante qui aurait pu aider à corriger une situation de faible débit carburant a été omise.

Fait établi quant aux risques

Lorsque les équipages de conduite n’exécutent pas chaque élément d’une liste de vérification d’urgence, il y a un risque que des tâches importantes qui pourraient remédier à la situation soient omises.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Lors de l’application de la puissance moteur à la suite d’un largage d’eau à basse altitude, il s’est produit une réduction de puissance, suivie d’une perte totale de puissance. Dans les deux cas, la raison n’a pas pu être déterminée.
  2. La réduction de puissance s’est produite à environ 350 pieds au-dessus du sol, ce qui n’a pas laissé suffisamment de temps au pilote pour passer à travers les listes de vérification, déterminer la source de la panne et rétablir la puissance. En conséquence, un atterrissage forcé a été effectué dans une zone reboisée, ce qui a entraîné d’importants dommages à l’aéronef.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Lorsque les listes de vérification d’urgence et la formation ne reflètent pas les directives fournies par les fabricants d’aéronefs, il y a un risque que les mesures prises dans le poste de pilotage ne permettent pas de résoudre efficacement une situation d’urgence.
  2. Lorsque les équipages de conduite n’exécutent pas chaque élément d’une liste de vérification d’urgence, il y a un risque que des tâches importantes qui pourraient remédier à la situation soient omises.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1. La combinaison du pare-brise épais de l’aéronef et du casque de vol du pilote a réduit au minimum les blessures du pilote lorsque l’arbre a pénétré dans le poste de pilotage.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Conair Group Inc.

À la suite de l’accident, Conair Group Inc. a pris les mesures suivantes :

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Tracé de l’historique temporel de la panne moteur

Annexe A – Tracé de l’historique temporel de la panne moteur
Tracé de l’historique temporel de la panne moteur