Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A24W0116

Panne sèche
Simpson Air (1981) Limited
De Havilland Aircraft of Canada Limited DHC-2 Mk. I (Beaver) (hydravion) C-GMGD
Hydroaérodrome de Fort Simpson Island (CEZ7) (Territoires du Nord-Ouest), 7 NM W

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu. Les pronoms et les titres de poste masculins peuvent être utilisés pour désigner tous les genres afin de respecter la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (L.C. 1989, ch. 3).

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le 29 août 2024, l’hydravion De Havilland Aircraft of Canada Limited DHC-2 Mk. I (Beaver) (immatriculé C-GMGD, numéro de série 519), exploité par Simpson Air (1981) Limited (Simpson Air), devait effectuer un vol selon les règles de vol à vue depuis l’hydroaérodrome de Fort Simpson Island (CEZ7)Tous les lieux mentionnés dans le présent rapport sont situés dans les Territoires du Nord-Ouest, sauf indication contraire. au lac Rabbitkettle, puis un vol retour à CEZ7. Le lac Rabbitkettle se situe à environ 165 milles marins (NM) à l’ouest de CEZ7. Le vol avait pour objet d’aller récupérer des passagers et du matériel. Le pilote est arrivé à CEZ7 vers 8 hLes heures sont exprimées en heure avancée des Rocheuses (temps universel coordonné moins 6 heures)., a vérifié les conditions météorologiques et a terminé la planification du vol. Vers 8 h 15, le pilote a conduit le véhicule de carburant jusqu’au quai CEZ7, situé sur le fleuve Mackenzie, pour ravitailler l’avion. Le véhicule de carburant était un camion avec un réservoir installé dans la caisse et utilisant une pompe électrique. La pompe n’était pas équipée d’un compteur de carburant pour indiquer la quantité de carburant ajoutée à l’avion.

    D’après l’expérience du pilote, les jauges de carburant de l’avion indiquaient généralement des valeurs inférieures de quelques gallons par rapport à la réalité. Par conséquent, pour gérer le carburant, le pilote avait adopté la pratique consistant à se fier principalement aux temps de combustion moyens de chaque réservoir de carburant, qu’il avait établis au moyen d’essais informels lors d’une série de vols après l’installation d’un nouveau moteur 2 mois plus tôt. Le pilote a constaté que le plein des réservoirs de carburant principaux avant, central et arrière et de 1 réservoir de carburant à l’extrémité de l’aile (un total de 97 gallons impériaux)Capacités du réservoir de carburant (en gallons impériaux) : avant (29), centre (29), arrière (21) et 1 réservoir d’extrémité d’aile (18). équivalait à environ 4 heures 30 minutes de temps de vol. Le pilote avait emprunté la route du vol à l’étude à plusieurs reprises et savait que cela prenait habituellement un peu moins de 4 heures. Par conséquent, le pilote pensait que remplir ces 4 réservoirs de carburant serait suffisant pour effectuer le vol et atterrir avec la réserve requise de 30 minutesTransports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, sous-alinéa 602.88(3)a)(i)..

    Les réservoirs de carburant principaux avant, central et arrière se trouvent sous le plancher de la cabine et sont alimentés par 3 cols de remplissage dans un compartiment de remplissage situé sur le côté gauche du fuselage, à côté de la porte du poste de pilotage (figure 1). Les réservoirs de carburant à l’extrémité de l’aile sont alimentés par une trappe de remplissage située sur le dessus de chaque aile. Le pilote savait qu’il faut faire preuve de patience lors du ravitaillement à quai, en particulier lorsque les eaux sont agitées, car il peut s’écouler plusieurs minutes avant que le carburant, qui est alimenté par gravité, ne se dépose dans le fond des réservoirs de carburant principaux. Cela est particulièrement vrai pour le réservoir de carburant arrière en raison de son col de remplissage plus long.

    Figure 1. Réservoirs de carburant principaux de l’aéronef Beaver (Source : BST d’après les figures du manuel de vol de l’avion de De Havilland Aircraft of Canada Limited, DHC-2 Mk. I et Mk. II Airplane Flight Manual [PSM 1-2-1]
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    La routine habituelle du pilote lorsqu’il remplissait 4 des réservoirs de carburant était la suivante :

    1. Remplir le réservoir arrière jusqu’à ce qu’il semble plein.
    2. Remplir le réservoir central jusqu’à ce qu’il semble plein.
    3. Remettre du carburant dans le réservoir arrière.
    4. Remplir le réservoir avant jusqu’à ce qu’il semble plein.
    5. Remettre du carburant dans le réservoir arrière.
    6. Remplir le réservoir situé à l’extrémité de l’aile droite jusqu’à ce qu’il semble pleinLe réservoir situé à l’extrémité de l’aile gauche n’est normalement pas accessible en raison de l’orientation de l’avion au quai à CEZ7..

    En raison de l’orientation de l’avion au quai CEZ7, le pilote a dû manipuler le tuyau d’alimentation tout en se tenant sur le flotteur gauche et vérifier visuellement les niveaux de carburant à travers la trappe de remplissage du côté gauche de l’avion. Le pilote en chef de Simpson Air est arrivé au quai après que le pilote a fait le plein des réservoirs de carburant principaux. Il a tenu l’échelle pendant que le pilote ravitaillait le réservoir de l’extrémité de l’aile droite et l’a averti que les réservoirs principaux n’étaient peut-être pas aussi pleins qu’ils en avaient l’air.

    Le jour de l’événement, le niveau d’eau du fleuve Mackenzie était bas au quai à CEZ7 et les vents soufflaient du nord-ouest au-dessus de 10 nœuds, si bien qu’une houle frappait l’avion de l’arrière gauche à environ 45° (figure 2) jusqu’à son axe longitudinal. Cette condition peut donner l’impression que le réservoir de carburant est plein au niveau du col de remplissage. Pendant le ravitaillement, la houle était suffisante pour que le carburant soit ballotté et éclabousse les vêtements du pilote. Le pilote vérifie normalement les jauges de carburant avant de décoller, mais ne se souvient pas si cela avait été effectué pour le vol à l’étude.

    Figure 2. L’aéronef à l’étude au quai de l’hydroaérodrome de Fort Simpson Island (pas le jour de l’événement). La flèche indique la direction de la houle le jour de l’événement (Source : Simpson Air [1981] Limited)
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    À 8 h 50, le moteur a été démarré; le réchauffement de celui-ci et le point fixe ont été effectués. À ce moment-là, du carburant était prélevé du réservoir de carburant avant. À 9 h 01, l’aéronef a décollé en direction ouest vers le lac Rabbitkettle. L’avion ne transportant ni passagers ni fret, le pilote est monté à la puissance de croisière (28 pouces de pression d’admission [MP] et 1800 tr/min avec le mélange appauvri). Comme un fort vent de face soufflait à des altitudes plus élevées, le pilote est resté plus bas et a suivi le relief en direction ouest, grimpant jusqu’à 6500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) pour franchir les collines avant de descendre vers le lac Rabbitkettle.

    Pendant le vol, le pilote a attendu que le réservoir de carburant avant indique qu’il restait 8 gallons impériaux, puis a transféré le carburant du réservoir situé à l’extrémité de l’aile droite dans le réservoir avant. Pendant la vérification avant atterrissage, le réservoir avant était presque vide, le pilote est donc passé au réservoir central. Cela concordait avec son expérience précédente de vol au lac Rabbitkettle. Il pouvait habituellement voler de 1 heure 45 minutes à 1 heure 55 minutes avec le réservoir de carburant avant et 1 réservoir de carburant à l’extrémité de l’aile. L’appareil s’est posé au lac Rabbitkettle à 10 h 40.

    Deux passagers et environ 550 livres de matériel ont été chargés dans l’aéronef. Au lac Rabbitkettle, Simpson Air a une cache à carburant située à l’écart; cependant, le pilote avait décidé avant le départ de CEZ7 qu’il n’était pas nécessaire de prendre du carburant supplémentaire et n’a donc pas ravitaillé l’avion.

    À 11 h 12, l’avion a décollé pour effectuer le vol de retour et est monté pendant environ 15 minutes à une puissance de 30 pouces MP et 2000 tr/min avec le mélange riche jusqu’à ce qu’il atteigne une altitude de 7500 pieds ASL. Chez Simpson Air, la montée est normalement effectuée à 29 pouces MP et 1900 tr/min avec le mélange appauvri, ou à la puissance de croisière à 28 pouces MP et 1800 tr/min avec le mélange appauvri. Or, le pilote a utilisé un réglage de puissance légèrement plus élevé pour accélérer la montée en raison du relief ascendant le long de la piste (voir le tableau 1 pour les calculs du carburant après l’événement).

    Pendant la montée, le carburant était encore prélevé du réservoir de carburant central. Le temps de route calculé par le GPS (système de positionnement mondial) pour revenir à CEZ7 était d’environ 1 heure 35 minutes. Le pilote pouvait habituellement voler environ 1 heure 15 minutes avec le réservoir de carburant central. Après environ 58 minutes de vol total (y compris l’approche vers le lac Rabbitkettle) avec le réservoir central, la pression de carburant a commencé à diminuer, ce qui signifie que ce réservoir était presque vide. Même si cette situation s’est produite plus tôt que le pilote l’avait prévu, celui-ci ne l’a pas considérée comme étant anormale en raison du poids supplémentaire et de la puissance plus élevée utilisée pendant la montée à 7500 pieds ASL. Le pilote est repassé au réservoir de carburant avant afin de brûler tout carburant résiduel.

    Vers 12 h 15, après environ 10 minutes de vol sur le réservoir de carburant avant, la pression de carburant a recommencé à diminuer, de sorte que le pilote est passé au réservoir arrière. Il se souvient avoir vu le réservoir arrière indiquer qu’il était plein, mais cela n’a pas pu être confirmé par l’enquête. On estime que le passage au réservoir de carburant arrière s’est produit à environ 75 NM de CEZ7, soit environ 6 minutes (10 NM) plus tôt que lors des vols de retour au lac Rabbitkettle précédemment effectués par le pilote. Ce dernier a constaté que c’était inhabituel. Le GPS indiquait qu’il restait environ 40 minutes de vol.

    Comme le pilote avait déjà constaté qu’un réservoir de carburant arrière plein alimentait habituellement le moteur pendant 58 à 64 minutes, il a estimé qu’il atterrirait à CEZ7 avec environ 20 minutes de réserve de carburant restante.

    Vers 12 h 20, l’aéronef a survolé le lac Little Doctor. À peu près à ce moment-là, le pilote s’est souvenu avoir lu que le réservoir de carburant indiquait environ 16 gallons impériaux. C’était moins que ce qu’il s’attendait à voir; cependant, compte tenu du peu de temps de vol sur ce réservoir de carburant, il soupçonnait que les paramètres de la jauge étaient sous-évalués et a choisi de continuer vers CEZ7 plutôt que d’atterrir au lac Little Doctor, où la compagnie avait une cache à carburant.

    Vers 12 h 40, le pilote s’est souvenu que la jauge de carburant indiquait un réservoir vide. Encore une fois, cela s’est produit plus tôt qu’il ne l’avait prévu. À ce moment-là, il a commencé à envisager des options au cas où les indications de la jauge de carburant seraient exactes. En l’absence d’autres options viables, le pilote s’est dirigé vers la route du Mackenzie et l’a suivie au cas où un atterrissage d’urgence serait nécessaire. Lorsque l’aéronef se trouvait approximativement à 8 NM à l’ouest de CEZ7, à environ 1500 pieds au-dessus du sol (AGL), le moteurLe moteur est un Pratt & Whitney-USA, R-985-AN-14B. a subi une perte complète de puissance. Le pilote a pu effectuer un atterrissage forcé sur la route, atterrissant vers 12 h 50, 7 NM à l’ouest de CEZ7 (figure 3).

    Figure 3. Trajectoire de vol de l’aéronef à l’étude et emplacement de l’atterrissage forcé, avec un gros plan en médaillon du lieu de l’atterrissage forcé (Source de l’image principale et de l’image en médaillon : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Il n’y a eu aucun blessé. Mises à part quelques légères égratignures sur le dessous des flotteurs, il y a eu des dommages mineurs à l’aile gauche causés par des arbustes (figure 4). La radiobalise de repérage d’urgence de l’aéronef ne s’est pas déclenchée. Pendant l’atterrissage forcé, le pilote a pu lancer un appel de détresse sur la fréquence obligatoire (122,2 MHz) de l’aéroport de Fort Simpson (CYFS) ainsi que sur la fréquence discrète de la compagnie. Un aéronef de la compagnie a survolé l’aéronef à l’étude peu après l’atterrissage de ce dernier, et a informé Simpson Air que l’aéronef en question s’était posé en toute sécurité. Environ 20 minutes plus tard, le personnel de sauvetage de Fort Simpson est arrivé sur les lieux.

    Figure 4. L’aéronef à l’étude après l’atterrissage forcé (Source : Simpson Air [1981] Limited)
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    Renseignements sur le pilote

    Le pilote détenait une licence canadienne de pilote professionnel – avion annotée des qualifications pour les avions terrestres et les hydravions, ainsi qu’un certificat médical valide de catégorie 1. Le pilote possédait la licence et la qualification nécessaires pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur. Il s’est joint à Simpson Air en mai 2023 et comptait environ 1300 heures d’expérience de vol, dont environ 500 heures sur des aéronefs Beaver. L’une de ses tâches au sein de la compagnie consistait à former d’autres pilotes et, en tant que préposé au quai, à effectuer les procédures de ravitaillement en carburant des aéronefs Beaver.

    Inspection après l’événement

    Après l’événement, la compagnie a fait les observations suivantes :

    • Le moteur ne présentait aucun signe de défaillance mécanique.
    • Il ne restait plus de carburant dans aucun réservoir.
    • Le réservoir de carburant arrière a été rempli progressivement, et les jauges semblaient fonctionner et affichaient peut-être des valeurs inférieures à la réalité, ce qui peut être dû à la position de l’avion sur la remorque utilisée pour ramener l’avion à l’aérodrome.
    • Un roulement au sol a été effectué avec succès et aucun problème mécanique n’a été relevé.
    • La compagnie a effectué un test sur le carburant dans le camion de carburant; aucune trace de contaminant n’a été trouvée.

    Calculs de carburant après l’événement

    L’enquête a permis d’estimer le carburant requis pour le vol de retour au lac Rabbitkettle en se fondant sur les renseignements sur la consommation de carburant indiquée dans le manuel de vol de l’aéronef (tableau 1).

    Tableau 1. Exigences de consommation de carburant prévues pour le vol de retour au lac Rabbitkettle

    Routage

    Phase de vol

    Temps de vol

    Consommation moyenne de carburant (en gallon impérial/heure)*

    Besoins en carburant basés sur la consommation moyenne de carburant (en gallon impérial/heure))

    CEZ7 au lac Rabbitkettle

    Vol en entier

    1 heure 54 minutes

    20,8

    39,5

    Lac Rabbitkettle à CEZ7

    Montée (puissance augmentée)

    15 minutes

    23,1

    5,8

    Reste du vol

    1 heure 27 minutes

    20,8

    30,1

    Quantité totale estimée requise

    75,4

    Carburant non comptabilisé (97 gallons impériaux - carburant total estimé requis)

    21,6

    * D’après les données tirées du manuel de vol de De Havilland Aircraft of Canada Limited, DHC-2 MK. I et MK. II Airplane Flight Manual (PSM 1-2-1), Annexe 14 Operating data charts, Cruise power chart, p. v.

    En l’absence d’indications suggérant une défaillance liée au système de carburant, il est probable que l’avion ait décollé avec moins de carburant que nécessaire pour effectuer le vol prévu. Cette condition n’a pas été détectée jusqu’aux dernières étapes du vol à l’étude.

    Événements antérieurs de gestion du carburant

    Au cours des dernières années, il y a eu de nombreux événements impliquant des aéronefs commerciaux qui n’avaient pas suffisamment de carburant pour effectuer le vol prévuRapports d’enquête sur la sécurité du transport aérien A23C0104 (en cours), A21W0098, A19W0146 et A19C0038 du BST; ainsi que les événements aéronautiques A23W0159, A23W0090, A23O0092, A22W0099, A22C0077, A20C0068 et A19O015 du BST..

    Mesures de sécurité prises

    À la suite de cet événement, la compagnie a

    • publié une note de service rappelant aux pilotes l’importance de s’assurer qu’une quantité suffisante de carburant est chargée et que la consommation de carburant doit être surveillée de près;
    • mis en place une exigence relative à une réserve de carburant de 45 minutes pour tous les vols;
    • ajouté un compteur de carburant au camion de carburant à CEZ7;
    • créé une nouvelle liste de vérifications pour les aéronefs Beaver avec des vérifications de carburant supplémentaires;
    • installé des dispositifs de suivi par satellite avec messagerie bidirectionnelle sur tous les aéronefs.

    Messages de sécurité

    Il est essentiel que les pilotes conservent une vision claire des quantités de carburant réelles à leur disposition par rapport à celles requises. Dans un hydravion, cela peut impliquer des stratégies telles que l’utilisation de compteurs de carburant, l’attente d’un retour à des conditions d’eau calme permettant une inspection visuelle précise, la contre-vérification des jauges de carburant tout au long du vol et le chargement de carburant supplémentaire pendant les escales en route.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 13 août 2025. Le rapport a été officiellement publié le 19 août 2025.