Language selection

Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R19W0017

Déraillement en voie principale
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Train de marchandises G86742-21
Point milliaire 11,35, subdivision de Warman
Saskatoon (Saskatchewan)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 22 janvier 2019, vers 9 h 25, heure normale du Centre, le train de marchandises G86742‑21 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, roulait en direction du sud à 31 mi/h dans la subdivision de Warman, lorsqu’un serrage intempestif des freins d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché alors que le train se trouvait près de Saskatoon (Saskatchewan). Une fois le train immobilisé, l’équipe du train a constaté que 29 wagons et la locomotive de milieu de train avaient déraillé. Plusieurs wagons ayant déraillé se sont empilés sur la voie en direction nord de l’autoroute 11, une autoroute à chaussées séparées, ce qui a bloqué le passage à niveau. Certains des wagons se sont vidés de leur contenu, déversant leur chargement de céréales. La locomotive de milieu du train a pris feu; le feu a rapidement été éteint. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause, et personne n’a été blessé.

1.0 Renseignements de base

1.1 L’accident

Le 22 janvier 2019, vers 3 h 08Note de bas de page 1, le train de marchandises G86742-21 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a quitté le triage North Battleford (point milliaire 147,7) dans la subdivision d’Aberdeen, roulant vers l’est à destination d’Edmonton (Alberta), en passant par SaskatoonNote de bas de page 2 (Saskatchewan) (figure 1). Le train était composé de 3 locomotives de tête et de 104 wagons-trémies couverts chargés de céréales. En route, au silo à céréales Cargill situé au point milliaire 144,0 de la subdivision d’Aberdeen, 51 wagons-trémies couverts chargés de céréales ont été ajoutés au train, entre la 2e et la 3e locomotive. À 5 h 25, le train, d’un poids de 22 495 tonnes et d’une longueur de 9015 pieds, a quitté le site du silo à céréales Cargill. L’équipe était composée d’un mécanicien de locomotive, d’un chef de train et d’un apprenti chef de train.

Le train a poursuivi sa route vers l’est jusqu’à Warman (Saskatchewan) où il est entré dans la subdivision de Warman au point milliaire 17,2 (point milliaire 65,4, subdivision d’Aberdeen) et s’est dirigé vers le sud. Vers 9 h 23, à l’approche du passage à niveau de la route 11 au point milliaire 11,35 et au moment de le franchir, le train a eu un passage cahoteux. Vers 9 h 24, un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché. La tête du train s’est immobilisée au point milliaire 10,81.

Figure 1. Carte du lieu de l’événement (Source : Google Maps, avec annotations du BST)
Carte du lieu de l’événement (Source : Google Maps, avec annotations du BST)

Sur les lieux, 29 wagons, du 27e au 55e, ainsi que la locomotive télécommandée en milieu de train, avaient déraillé. Plusieurs wagons ayant déraillé s’étaient empilés sur les voies en direction nord de l’autoroute 11 à chaussées séparées, ce qui bloquait le passage à niveau. Certains des wagons se sont vidés de leur chargement de céréales. La locomotive télécommandée du milieu du train (IC 2699) a pris feu; les premiers intervenants ont rapidement éteint le feu.

1.2 Examen des lieux

Sur le terre-plein central de l’autoroute (entre les voies en direction nord et les voies en direction sud de l’autoroute 11), on a découvert qu’un joint isolant enrobé du rail est était endommagé (figure 2). Le joint lui-même était intact. Toutefois, à environ 3 pieds du champignon du rail, le rail s’était séparé de l’âme de rail et rompu en plusieurs morceaux. Le joint isolant enrobé et les morceaux de rail connexes ont été envoyés au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) pour un examen approfondi.

Figure 2. Photo des lieux (Source : Police de Saskatoon, avec annotations du BST)
Photo des lieux (Source : Police de Saskatoon, avec annotations du BST)

1.3 Renseignements enregistrés

L’examen des données provenant du consignateur d’événements de locomotive indiquait les faits suivants :

1.4 Conditions météorologiques

Au moment de l’événement, la température était de −11 °C et le ciel était nuageux.

1.5 Renseignements sur la subdivision

La subdivision de Warman consiste en une voie principale simple qui s’étend du point milliaire 0,0 à la jonction Chappell à Saskatoon, au point milliaire 17,3 à Warman (figure 3).

Figure 3. Carte de la subdivision de Warman (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas du rail canadien, avec annotations du BST)
Carte de la subdivision de Warman (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas du rail canadien, avec annotations du BST)

Dans cette subdivision, le mouvement des trains est régi par le système de commande centralisée de la circulation, tel qu’autorisé par le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, sous la supervision d’un contrôleur de la circulation ferroviaire posté à Edmonton (Alberta). Il y avait en moyenne 6 trains de marchandises par jour (3 trains en direction nord et 3 trains en direction sud). En 2018, le volume annuel de marchandises transitant par la subdivision de Warman était d’environ 19 millions de tonnes brutes. Le trafic ferroviaire dans cette subdivision a augmenté de façon constante depuis 2013, lorsque le volume annuel de marchandises transportées était d’environ 7,7 millions de tonnes brutes (tableau 1).

Tableau 1. Tonnage annuel transitant par la subdivision de Warman, de 2012 à 2018
Année Tonnage (en millions de tonnes brutes)
2012 9,3
2013 7,7
2014 11,0
2015 13,0
2016 14,7
2017 16,2
2018 19,1

La structure de la voie était constituée de longs rails soudés (LRS) de 100 livres fabriqués par Sydney en 1980. Les rails reposaient sur des selles de rail de 14 pouces à double épaulement fixées par 3 crampons à chaque traverse faite de bois dur (entièrement cramponnés). Les rails étaient encadrés par des anticheminants à toutes les deux traverses. Au passage à niveau, des anticheminants encadraient chaque traverse. Les traverses et le ballast en pierre concassée étaient généralement en bon état. Les cases étaient garnies et les épaulements au bout des traverses se prolongeaient sur une distance d’environ 12 pouces.

Près du passage à niveau, la voie est en alignement droit, orientée du nord au sud et présente une déclivité entre 0,2 % et 0,4 %. La voie est désignée comme une voie de catégorie 3 selon le Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada (TC), aussi connu sous le nom de Règlement sur la sécurité de la voie (RSV). La vitesse autorisée est de 40 mi/h pour les trains de marchandises et de 60 mi/h pour les trains de voyageurs.

L’autoroute 11 est une route à chaussées séparées avec 2 voies asphaltées dans chaque direction, orientée du nord-est au sud-ouest, qui traverse la subdivision au point milliaire 11,35. La distance qui sépare la voie ferrée et les 2 voies de la route qui la longent est d’environ 60 m (195 pieds). Le passage à niveau sur l’autoroute 11 est protégé par des panneaux normalisés de passage à niveau rétroréfléchissants, des feux clignotants et des cloches. Certains feux clignotants sont montés sur une structure en porte-à-faux qui s’étend au-dessus de la voie extérieure de l’autoroute.

À proximité du passage à niveau, le dispositif de signalisation du passage à niveau reposait sur 10 joints isolants (figure 4), constitués de :

Outre ces joints isolants, un certain nombre de joints ordinaires ont été installés sur la partie de la voie ferrée située sur le terre-plein qui sépare les voies en direction nord et en direction sud de l’autoroute 11 lors de travaux de réparation de la voie ferrée effectués antérieurement.

De la boue et des débris s’étaient accumulés sur le terre-plein entre les voies en direction nord et en direction sud de l’autoroute, ce qui a contaminé le ballast de la voie. De mauvaises conditions de drainage ont nécessité des travaux de calage, de fréquents soulèvements à la main et le bourrage de traverses pour remédier à la détérioration des conditions de la géométrie de la voie.

Une mise à niveau du passage à niveau, prévue pour plus tard en 2019, devait inclure l’installation de plaques de béton, des matériaux de remplissage en caoutchouc pour les ornières, des nouveaux panneaux de voie de 136 livres avec des traverses de 10 pieds au passage à niveau et des selles de rail de 14 pouces.

Figure 4. Diagramme du passage à niveau au croisement de l’autoroute 11 (Source : BST)
v

1.6 Examen du rail

1.6.1 Joint isolant

Le joint sur le terre-plein qui séparait les voies en direction nord et en direction sud de l’autoroute 11 était un joint isolant enrobé de polyuréthane situé sur le rail est. C’était l’un des joints sur lesquels reposaient les dispositifs d’avertissement de passage à niveau (figure 5).

Figure 5. Joint isolant enrobé de polyuréthane (Source : BST)
Joint isolant enrobé de polyuréthane (Source : BST)

Les éclisses qui sont restées intactes après l’événement reliaient un rail de 100 livres fabriqué en 1953 par Algoma Steel à un autre morceau de rail de 100 livres fabriqué par Algoma Steel dans les années 1920 Note de bas de page 4. Seule la partie du rail fabriqué en 1953 se prolongeant vers le sud était fissurée. Entre les éclisses, le rail datant de 1953 s’est rompu horizontalement et s’est séparé le long de l’âme (figure 6). Trois petits morceaux de champignon de rail, qui présentaient des signes importants de martèlement, ont été retrouvés. À cet endroit, l’âme présentait également des signes importants de martèlement ce qui indique que le champignon et l’âme étaient fissurés depuis un certain temps.

Figure 6. Joint isolant enrobé de polyuréthane (Source : BST)
Joint isolant enrobé de polyuréthane (Source : BST)

Trois morceaux de l’âme et de la base du rail de 1953 étaient contenus entre les éclisses. Il y avait des indications d’un frottement important entre les morceaux. Les caractéristiques du frottement suggèrent que la fissuration pourrait avoir pris naissance dans le trou d’éclissage le plus au nord. Le rail à l’extrémité sud des éclisses s’était rompu sur toute sa section. Seules de petites sections de sa face de rupture présentaient des signes de frottement. Par conséquent, les premières fissures étaient probablement celles qui se sont produites à l’intérieur de l’éclisse.

Les sections de rail qui ont été récupérées, ainsi que celles datant de 2005 et de 2017, ont été soigneusement examinées. Il a été déterminé que les 4 échantillons de rail avaient une microstructure perlitique conforme aux normes de CN, mais que celle des 2 échantillons plus anciens (des années 1920 et de 1953) était beaucoup plus grossière que celle des 2 échantillons plus récents (rail de 2005 et de 2017).

Les aciers entièrement perlitiques sont des matériaux très robustes qui ont une bonne résistance à l’usure, mais qui présentent une ductilité et une ténacité faibles par rapport à d’autres types d’acierNote de bas de page 5. La ténacité est définie comme la résistance à la propagation d’une fissureNote de bas de page 6. Par conséquent, les matériaux qui ont une plus grande ténacité ont normalement un taux de croissance plus lent pour les fissures d’une taille donnée. Un certain nombre de facteurs affectent la ténacité des aciers perlitiques, notamment la taille des colonies (grossièreté de la microstructure observée), la distance interlamellaireNote de bas de page 7, et la taille antérieure du grain austénitiqueNote de bas de page 8. La distance interlamellaire et la taille exacte du grain austénitique des 4 sections de rail examinées n’ont pas été mesurées et étaient donc inconnues. Les micrographies de chaque génération de rails ont permis de relever que les 2 rails plus récents (2005 et 2017) avaient une microstructure plus fine (colonie de plus petite taille), alors que celle des 2 rails plus anciens (1953 et des années 1920) était plus grossière (colonie de plus grosse taille). Par conséquent, les rails plus anciens avaient probablement une résistance à la fissuration moins élevée que les rails plus récents.

1.6.2 Enregistrement vidéo de la caméra orientée vers l’avant du train à l’étude

L’enregistrement vidéo de la caméra orientée vers l’avant de la locomotive de tête (CN 2278) a été examiné. On a remarqué un objet sombre sur la section du rail est, entre les voies direction nord et les voies direction sud de l’autoroute 11.

L’enregistrement vidéo de la caméra orientée vers l’avant et l’image satellite du passage à niveau ont permis de conclure que l’objet sombre était le champignon du rail manquant du joint isolant enrobé de polyuréthane situé sur le rail est au point milliaire 11,35.

1.7 Inspection des voies

1.7.1 Exigences relatives à l’inspection des voies

Selon le RSV approuvé par TC, les voies de catégorie 3 formées de LRS avec un volume compris entre 15 et 35 millions de tonnes brutes de tonnage annuel doivent :

Les voies dont le volume est inférieur à 15 millions de tonnes brutes de tonnage annuel ne nécessitent :

En plus des exigences réglementaires en matière d’inspection, les Normes de la voie de l’ingénierie du CN exigent :

1.7.2 Inspection du système de signalisation

L’instruction générale relative aux signaux et aux installations de communication GI‑301 du CN établit la fréquence des essais et de l’inspection des divers appareils du système de signalisation. En ce qui concerne les systèmes d’avertissement de passage à niveau sur les autoroutes, l’instruction GI-310(b)(3) exige que les appareils de voie soient inspectés au moins 1 fois tous les 3 mois. Cette instruction définit les joints isolants comme des appareils de voie qui doivent faire l’objet d’une inspection visuelle conformément à l’instruction GI‑332(a).

1.7.3 Inspections effectuées près du passage à niveau

Lors de la plus récente inspection visuelle effectuée le 19 janvier 2019, aucune défectuosité n’avait été constatée près du passage à niveau. Toutefois, on avait constaté que les traverses sous le joint au point milliaire 11,35 (le joint à l’étude) s’étaient quelque peu détériorées, le drainage au-dessus du passage à niveau n’avait pas toujours été adéquat et certaines sections du ballast avaient été contaminées de matière à grains fins résultant de l’effet de pompage des voies causé par le passage des trains sur le passage à niveau.

Le passage à niveau avait fait l’objet d’une inspection visuelle et d’un essai le 16 janvier 2019. Le fonctionnement des dispositifs d’avertissement de passage à niveau avait été vérifié et les joints isolants avaient été examinés. Aucune défectuosité n’avait été constatée.

La plus récente inspection de détection des défauts de rail au moyen d’un appareil détecteur de défauts de rail avait été effectuée le 30 décembre 2018. L’inspection n’avait révélé aucun défaut sur la voie près du passage à niveau. En 2018, la subdivision de Warman avait été inspectée 10 fois pour y déceler tout défaut de rail.

La dernière inspection optique des éclisses du joint près du passage à niveau, au point milliaire 11,35, avait été effectuée au moyen d’une caméra à haute vitesse le 30 décembre 2018. Aucune condition compromettant la sécurité n’avait été détectée. En 2018, 7 inspections optiques de la subdivision de Warman ont été menées. Aucune condition compromettant la sécurité n’avait été détectée près du passage à niveau.

La dernière inspection au moyen d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique de la voie avait eu lieu le 8 juillet 2018. Cinq défauts prioritaires avaient été détectés entre les points milliaires 11,29 et 11,33 (tableau 2).

Tableau 2. Résultats des inspections avec véhicule de contrôle de l’état géométrique de la voie près du passage à niveau (8 juillet 2018)
Type de défaut Gravité Écart mesuré (pouces) Point milliaire Voie
Surface* Priorité −1,68 11,33 Ouest
Nivellement transversal ** Priorité 1,42 11,33 S/O
Surface Priorité 1,71 11,30 Ouest
Surface Priorité 1,61 11,30 Est
Surface Priorité −1,37 11,29 Est

* L’écart par rapport à un profil uniforme sur l’un ou l’autre rail mesuré au point central d’un cordeau de 62 pieds.
** L’écart par rapport au plan horizontal en tout point d’une voie en tangente ou le nivellement transversal en situation de dévers inversé sur une voie qui n’est pas en tangente.

Les 3 inspections des voies avant juillet 2018 avec un véhicule de contrôle de l’état géométrique de la voie ont été effectuées en juin 2017, en août 2016 et en mai 2016.

1.8 Travaux d’entretien de la voie à proximité du passage à niveau au croisement de l’autoroute 11

Le système d’information sur les voies du CN est un système informatisé mobile d’information sur les tronçons de voie, notamment les défauts des rails, la géométrie de la voie ainsi que les registres d’inspection et d’entretien. Les coordonnées GPS (système de positionnement mondial) et les points milliaires sont utilisés pour associer l’information dans la base de données avec la structure de la voieNote de bas de page 16.

L’historique des travaux consignés dans le système d’information sur les voies et effectués sur la voie à proximité du passage à niveau (point milliaire 11,27 au point milliaire 11,37) entre janvier 2014 et janvier 2019 a été examiné. Le tableau 3 présente un résumé des travaux d’entretien effectués près du passage à niveau au croisement de l’autoroute 11.

Tableau 3. Travaux d’entretien effectués à proximité du passage à niveau au croisement de l’autoroute 11 (point milliaire 11,35, subdivision de Warman), entre 2014 et 2019
Point milliaire Date Description des travaux effectués
11,27 à 11,28 9 août 2017 Nivellement de la voie – 40,0 pieds
11,28 22 septembre 2017 Installation d’un coupon de rail – 16,083 pieds
11,28 23 septembre 2017 Installation d’un coupon de rail – 18,583 pieds
11,28 6 juin 2018 Installation d’un coupon de rail – 20,417 pieds
11,29 21 mars 2018 Installation d’un coupon de rail – 12,833 pieds
11,30 5 octobre 2015 Nivellement de la voie – 15,000 pieds
11,30 10 février 2016 Installation d’un coupon de rail – 31,375 pieds
11,30 26 janvier 2017 Installation de cales
11,30 3 mai 2017 Retrait de cales
11,31 4 août 2015 Nivellement de la voie – 30,000 pieds
11,31 12 octobre 2016 Nivellement de la voie – 25,000 pieds
11,31 15 juin 2017 Installation d’un coupon de rail – 31,583 pieds
11,31 12 septembre 2017 Remplacement de traverses – 15,000 pieds
11,31 4 octobre 2017 Installation d’un coupon de rail – 25,333 pieds
11,31 5 octobre 2017 Installation d’un coupon de rail – 50,500 pieds
11,31 17 avril 2018 Installation d’un coupon de rail – 14,917 pieds
11,33 18 novembre 2014 Installation d’un coupon de rail – 13,271 pieds
11,35 29 juillet 2015 Installation d’un coupon de rail – 15,375 pieds
11,35 9 septembre 2015 Installation d’un coupon de rail
11,35 7 juin 2016 Nivellement de la voie – 40,000 pieds
11,35 9 juin 2016 Remplacement d’un tronçon de rail – 39,000 pieds
11,35 26 janvier 2017 Installation de cales
11,35 21 avril 2017 Installation d’un coupon de rail – 22,417 pieds
11,35 3 mai 2017 Retrait de cales
11,35 10 juillet 2018 Ajustement du sectionnement de rail
11,35 14 novembre 2018 Remplacement d’une éclisse
11,35 16 novembre 2018 Installation d’un coupon de rail – 17,583 pieds
11,35 22 novembre 2018 Installation d’un coupon de rail – 14,917 pieds
11,37 21 mars 2017 Installation d’un coupon de rail – 24,333 pieds
11,37 28 mars 2017 Remplacement d’une éclisse
11,37 21 avril 2017 Soudure du coupon de rail – 2 soudures

À proximité du point milliaire 11,35, un essai de détection des défauts de rail effectué le 18 avril 2017 a relevé un emplacement où le champignon se séparait de l’âme du rail. Pour réparer le rail, un coupon de rail d’une longueur de 22 pieds et 5 pouces a été installé.

En novembre 2018, d’autres travaux d’entretien de la voie ont été effectués sur le terre‑plein de l’autoroute (figure 7), notamment :

Figure 7. Travaux d’entretien de la voie sur le passage à niveau au croisement de l’autoroute 11 (Source : BST)
Travaux d’entretien de la voie sur le passage à niveau au croisement de l’autoroute 11 (Source : BST)

1.9 Procédures pour le remplacement de rails

Lorsque des LRS sont endommagés et ont besoin d’être remplacés, la section du rail défectueuse est habituellement retirée et un rail de rechange est installé. Ce rail de rechange provient habituellement d’un rail en bon état retiré du service. Lorsqu’un rail est retiré du service, il est soumis à une inspection visuelle et un essai par ultrasons, mesuré pour déterminer l’usure du champignon et l’usure latérale, puis empilé sur un râtelier de rails en attendant d’être installé.

L’un des principaux facteurs pour le choix du rail de rechange est la compatibilité du rail sur le plan de l’usure (champignon et côté intérieur du rail) avec le rail adjacent/d’origine. Si l’usure du rail de rechange n’est pas comparable à celle des rails adjacents, le champignon ou le côté intérieur du rail doit être meulé à la main de manière à ce que les extrémités du rail de rechange correspondent aux extrémités du rail adjacent/d’origine.

Le rail de rechange utilisé pour les réparations de novembre 2018 à proximité du passage à niveau au croisement de l’autoroute 11 provenait de Saskatoon. Ce rail avait été retiré du triage CoachNote de bas de page 17 de VIA Rail Canada Inc. en 2016.

1.10 Module de la voie

Le module de la voie, ou le module d’élasticité, est une mesure de la rigidité du support vertical de la structure de la voie. Le module de la voie est une valeur composée de la rigidité individuelle des rails, des attaches, des traverses, des semelles de rail, des plaques, du ballast, du sous-ballast et de la plateforme. Plusieurs facteurs influencent le module de la voie, dont la présence de joints, la qualité et la profondeur du ballast et du sous-ballast, l’état du sol de la plateforme et l’humidité, l’étanchéité du bourrage et l’espacement des traverses. En règle générale, la voie aux ponts, tunnels, passages à niveau et aiguillages a généralement un module de la voie plus élevé (une plus grande rigidité) que la voie adjacente.

De par sa conception, la voie à chacun des passages à niveau au croisement de l’autoroute 11 aurait un module de la voie plus élevé que les rails sur le terre-plein central et de la voie adjacente au passage à niveau. Cela aurait également été le cas pendant les mois d’hiver, lorsque la plateforme sous la chaussée se solidifie davantage en raison des températures froides. Lors du passage des trains de la surface plus rigide de la route à la voie adjacente, les rails subissent des forces de flexion plus importantes en raison des différences de module de la voie. La présence de 2 coupons de rail courts adjacents (d’une longueur de 17 pieds et 11 pouces, et de 14 pieds et 11 pouces) dans une partie dont le module de la voie varie considérablement entre les 2 passages à niveau peut causer une détérioration plus rapide de la structure de la voie lorsque celle-ci est soumise à des charges.

1.11 Nivellement de la voie à proximité du passage à niveau au croisement de l’autoroute 11

L’entretien de la surface de la voie (nivellement) permet de rétablir l’alignement et le profil de la voie à son état prévu lors de la conception. Diverses bourreuses et autres machines de nivellement sont utilisées pour soulever mécaniquement les traverses de la voie et bourrer le ballast en dessous afin d’établir ou de rétablir le nivellement et l’alignement de la voie, et améliorer la stabilité de la voie. Ces machines fonctionnent plus efficacement sur de longues sections de voie qui ne sont pas entrecoupées de passages à niveau, d’aiguillages ni de ponts.

À proximité des passages à niveau au croisement de l’autoroute 11, il fallait de temps en temps effectuer des travaux d’entretien de la surface de la voie. Les travaux de nivellement de la voie sur ces passages à niveau à l’aide de grandes bourreuses sur rails étaient onéreux, car ils nécessitaient une coordination des efforts entre les autorités routières, qui devaient contrôler la circulation des véhicules sur les passages à niveau, et le chemin de fer. De plus, l’utilisation de ces machines de nivellement nécessitait une coordination entre les membres du groupe d’ingénierie du CN, car les machines étaient une ressource partagée. Par conséquent, les projets d’ingénierie nécessitant ces machines étaient généralement classés par ordre de priorité et planifiés en fonction de la disponibilité de ces machines.

Des bourreuses manuelles hydrauliques portatives à essence, une bonne solution de rechange pour les grosses bourreuses sur rail, étaient utilisées lors de travaux effectués à proximité du passage à niveau de l’autoroute 11. Bien que ces bourreuses permettaient un bourrage adéquat des traverses individuelles (remontées de boue), elles n’ont pas permis de rétablir le profil de conception de la voie ferrée. Le nivellement se fait « à l’œil » avec une règle-niveau plutôt qu’au moyen d’une machine de nivellement informatisée qui mesure la géométrie de la voie avant de procéder au soulèvement et au dressage de la voie pour rétablir l’écartement et le profil de conception de la voie.

1.12 Conformité du CN au Règlement sur la sécurité de la voie

Le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire établit les exigences minimales pour le système de gestion de la sécurité (SGS) que toute compagnie de chemin de fer doit élaborer et mettre en œuvre en vue d’atteindre le niveau de sécurité le plus élevé dans ses opérations ferroviaires. Il s’applique à toutes les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale.

Le règlement exige des compagnies de chemin de fer qu’elles élaborent et mettent en œuvre un SGS comprenant un processus visant à assurer le respect des « règlements, règles et autres instruments » ainsi qu’un processus d’évaluation des risquesNote de bas de page 18.

Le règlement exige également que la compagnie de chemin de fer inclut, dans son système de gestion de la sécurité, une procédure pour :

  1. vérifier le respect :
    1. d’une part, des exigences des règlements, normes techniques, règles et avis et documents contenant un ordre […]Note de bas de page 19

Le RSV est dans cette liste.

Le CN a élaboré un SGS qui comprend une procédure pour la révision, la mise à jour et la vérification de la conformité aux « instruments relatifs à la sécurité ferroviaire ». Dans le cadre de cette procédure, le groupe des affaires réglementaires du CN doit tenir une liste d’instruments (qui comprend, entre autres, les règles et règlements approuvés par TC) et la mettre à jour chaque année, puis informer les responsables des lieux ou les personnes en fonction concernées de tout instrument nouveau ou révisé et leur fournir une copie. Le responsable du lieu ou la personne en fonction doit alors apporter toute révision nécessaire à ses politiques, procédures, matériels de formation et manuels, veiller à ce que ses employés soient informés des changements et reçoivent toute formation nécessaire, et développer un moyen de vérifier que les employés se conforment aux règles.

Afin que le RSV soit respecté en ce qui concerne la fréquence des inspections de la voie au moyen d’un véhicule de contrôle électronique de l’état géométrique de la voie, le trafic dans les subdivisions est examiné chaque année et le système SAP du CN est mis à jour en fonction du volume de trafic prévu pour l’année à venir. Le système d’inspection de la voie de CN utilise cette information pour établir la fréquence des inspections.

Se basant sur un tonnage moyen de 14,7 millions de tonnes brutes transitant par la subdivision de Warman en 2016, la fréquence des inspections en 2017 avait été établie à 1 fois par an. En 2017, il y a eu une augmentation imprévue du trafic, attribuable aux trains déroutés et à une hausse imprévue des volumes de wagons de céréales. Par conséquent, le tonnage moyen a dépassé 15 millions de tonnes brutes dans la subdivision de Warman. Cette augmentation n’étant pas jugée permanente, la fréquence de l’inspection au moyen d’un véhicule de contrôle de l’état géométrique de la voie est restée à 1 par an en 2018. En 2018, le volume du trafic était à nouveau supérieur à 15 millions de tonnes brutes. En 2019, la fréquence des inspections au moyen d’un véhicule de contrôle de l’état géométrique de la voie a été augmentée à 2 par an.

1.13 Rapports du laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

2.0 Analyse

Les actions de l’équipe du train ne sont pas considérées comme des facteurs contributifs au présent accident. L’analyse portera principalement sur le rail brisé, l’éclisse endommagée et l’entretien de la voie.

2.1 L’accident

L’analyse de la vidéo enregistrée par la caméra orientée vers l’avant à partir de la locomotive de tête a permis de conclure que le champignon de rail d’un joint isolant du rail situé à l’est de la voie du passage à niveau qui traverse le terre-plein de l’autoroute 11 était manquant. Ce champignon s’était probablement rompu et avait été expulsé sous un train précédent avant l’arrivée du train de marchandises G86742-21 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN). Quand la tête du train est passée par-dessus l’écart du rail causé par le champignon manquant, l’impact des roues a endommagé davantage le rail jusqu’à ce qu’il finisse par se rompre sous le 27e wagon, ce qui a entraîné le déraillement de 29 wagons et d’une locomotive.

Le rail endommagé qui s’est rompu dans la partie sud du joint isolant avait probablement une fissure qui s’était formée dans un trou de boulon.

La plus récente inspection de détection des défauts du rail qui a été menée moins d’un mois avant l’accident n’avait pas permis de déceler des défauts internes dans le rail à proximité du passage à niveau. Moins d’un mois après la dernière inspection des défauts du rail, la fissure était passée d’une taille non détectée lors des inspections par ultrasons à une taille suffisamment importante pour entraîner une défaillance du rail.

Le rail qui se prolongeait au sud de l’éclisse avait été fabriqué en 1953. Les rails de cette époque étaient généralement fabriqués avec des microstructures beaucoup plus grossières que les rails actuels. Par conséquent, les rails plus anciens sont moins résistants aux ruptures et moins aptes à résister à l’apparition et à la propagation de fissures internes.

Le joint de rail endommagé était situé sur le terre-plein qui sépare les 2 voies de l’autoroute 11, dans une section de la voie qui, au cours des dernières années, avait nécessité plusieurs remplacements de rail et des travaux de nivellement. Parfois, des travaux de nivellement ponctuels ont été effectués à l’aide de bourreuses manuelles, mais il aurait été difficile de restaurer le profil de conception sans une bourreuse ou une autre machine de nivellement sur rail. Un peu plus de 6 mois avant l’événement, une inspection au moyen d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique avait révélé 5 défauts prioritaires et de nivellement transversal, indicatifs d’une détérioration de la surface de la voie. Il est probable qu’au moment de l’événement, l’état de la voie avait empiré.

Au fur et à mesure que les trains passaient de la voie mieux soutenue du passage à niveau au croisement de l’autoroute à la voie moins rigide sur le terre-plein de l’autoroute, le nivellement transversal et le tracé de la voie se détérioraient progressivement, augmentant la déformation des rails. Le fait d’être soumis à des charges au passage des trains et la présence de 2 coupons de rail adjacents relativement courts, d’une longueur respective de 17 pieds et 7 pouces, et de 14 pieds et 11 pouces, dans une zone où le module de la voie variait fortement, soit entre les 2 passages à niveau, a probablement contribué à la détérioration de la voie.

Il y a eu au cours des dernières années une hausse du trafic ferroviaire dans la subdivision de Warman, ce qui a augmenté la charge des roues sur les voies et la déformation des rails. En dépit du fait que le rail (fabriqué en 1953) du joint n’avait été posé que 2 mois auparavant et qu’il avait été testé pour vérifier qu’il n’y avait pas de défaut interne avant d’être installé, il ne pouvait pas résister à la rapide propagation de la fissure du trou d’éclissage jusqu’au champignon, ce qui a entraîné la rupture du rail.

2.2 Utilisation de rails plus anciens pour remplacer des rails présentant des défauts

Pour remplacer des rails présentant des défauts, il est pratique courante dans l’industrie ferroviaire d’utiliser des rails plus anciens qui ont été retirés du service. Avant de le faire, les compagnies de chemin de fer s’assurent que le rail est adapté à la voie sur laquelle il doit être installé et qu’il est exempt de défauts internes. Une fois le rail installé sur la voie, des inspections de détection de défauts internes du rail sont effectuées périodiquement.

Les processus de fabrication des rails se sont améliorés au fil des ans. Actuellement, comme les rails sont fabriqués avec des microstructures plus fines, leur résistance à la rupture est améliorée. Ainsi, ils résistent mieux à l’apparition et à la propagation de fissures.

Dans le cas présent, un rail plus ancien avait été installé sur la voie à proximité du passage à niveau au croisement de l’autoroute 11. À cet endroit, le rail était soumis à des forces de flexion souvent plus élevées en raison des différences de module de la voie. Par conséquent, moins de 2 mois après l’installation de l’ancien rail, une fissure horizontale s’est formée dans le rail au raccord âme-champignon. Si des rails fabriqués avec une résistance à la rupture plus faible sont installés dans des sections de voie qui sont sujettes à des cas fréquents de déformation, il y a un risque que des défauts de rail se forment et progressent vers la rupture avant que le régime d’inspection des défauts de rail ne puisse les détecter.

2.3 Exigences réglementaires relatives aux inspections des voies

Le Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada (TC), aussi connu sous le nom de Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), prescrit que les voies de catégorie 3 avec un tonnage annuel de plus de 15 millions de tonnes brutes, comme c’est le cas dans la subdivision de Warman, doivent être inspectées au moyen d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique au moins 2 fois par anNote de bas de page 20. Le trafic dans la subdivision de Warman avait augmenté au cours des 6 années précédentes; 2017 était la 1re année où le tonnage avait dépassé 15 millions de tonnes brutes. Malgré l’augmentation du volume du trafic au-delà de 15 millions de tonnes brutes, il n’y a pas eu de 2e inspection annuelle au moyen d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique au cours de la 2e moitié de 2017 ou de la 1re moitié de 2018, comme l’exige le RSV.

Si les inspections supplémentaires des voies avaient été menées comme l’exige le RSV, la voie à proximité du passage à niveau au croisement de l’autoroute 11 aurait peut-être pu être identifiée comme un endroit présentant une détérioration importante de la voie et nécessitant un entretien supplémentaire de la surface de la voie.

Comme il est de pratique courante dans l’industrie ferroviaire, le CN revoit 1 fois par an ses exigences réglementaires en matière d’inspection des voies au moyen d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique de la voie. Pour cela, CN examine le volume annuel de trafic sur chaque subdivision pour l’année ou les années précédentes et fait des prévisions sur le volume de trafic pour l’année à venir. La fréquence des inspections est ensuite définie en fonction des volumes de trafic prévus. Si, en cours d’année, les volumes de trafic ferroviaire dépassent le seuil réglementaire et la fréquence des inspections au moyen d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique de la voie n’est établie que lors de l’examen annuel suivant du volume de trafic, il se peut que les défauts de sécurité qui se forment sur la voie ne soient pas détectés, ce qui augmente le risque de défaillance et d’accident.

2.4 Registre d’entretien des voies

Le CN utilise son système d’information sur les voies pour consigner et gérer ses activités d’entretien. Pour la corrélation des données consignées avec l’emplacement des travaux sur la voie, le système utilise les points milliaires et les coordonnées du GPS (système de positionnement mondial). Les points milliaires sont consignés au 100e mille près, ce qui leur donne une précision à ±52,8 pieds. Les coordonnées GPS ont une meilleure résolution puisqu’elles sont précises à ±20 pieds. Toutefois, si plusieurs joints ou coupons de rail courts sont installés à proximité les uns des autres, il pourrait être difficile de les différencier dans le cadre du système d’information sur les voies du chemin de fer. Par conséquent, si l’on se base uniquement sur les dossiers des travaux consignés dans le système d’information sur les voies du CN, étant donné que de nombreux travaux d’entretien ont été effectués au cours des 5 dernières années sur le tronçon de voie relativement court situé sur le terre-plein qui sépare les voies en direction nord et en direction sud de l’autoroute 11, il serait difficile d’identifier le travail effectué sur chacun des joints et des coupons de rail. Bien que le système d’information sur les voies du CN soit un outil utile pour consigner les renseignements sur les travaux d’entretien des voies, il n’offre pas une précision suffisante permettant d’évaluer les travaux effectués sur tous les joints et coupons de rail installés à proximité les uns des autres.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Le champignon de rail d’un joint isolant du rail situé à l’est de la voie du passage à niveau qui traverse le terre-plein de l’autoroute 11 était manquant. Ce champignon s’était probablement rompu et avait été expulsé sous un train précédent avant l’arrivée du train de marchandises G86742-21 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.
  2. Quand la tête du train est passée par-dessus l’écart du rail causé par le champignon manquant, l’impact des roues a endommagé davantage le rail jusqu’à ce qu’il finisse par se rompre sous le 27e wagon, ce qui a entraîné le déraillement de 29 wagons et d’une locomotive.
  3.  Le rail endommagé qui s’est rompu dans la partie sud du joint isolant avait probablement une fissure qui s’était formée dans un trou de boulon.
  4. Moins d’un mois après la dernière inspection des défauts du rail, la fissure était passée d’une taille non détectée lors des inspections par ultrasons à une taille suffisamment importante pour entraîner une défaillance du rail.
  5. Au fur et à mesure que les trains passaient de la voie mieux soutenue du passage à niveau au croisement de l’autoroute à la voie moins rigide sur le terre-plein de l’autoroute, le nivellement transversal et le tracé de la voie se détérioraient progressivement, augmentant la déformation des rails.
  6. Le fait d’être soumis à des charges au passage des trains et la présence de 2 coupons de rail adjacents relativement courts, d’une longueur respective de 17 pieds et 7 pouces, et de 14 pieds et 11 pouces, dans une zone où le module de la voie variait fortement, soit entre les 2 passages à niveau, a probablement contribué à la détérioration de la voie.
  7. En dépit du fait que le rail (fabriqué en 1953) du joint n’avait été posé que 2 mois auparavant et qu’il avait été testé pour vérifier qu’il n’y avait pas de défaut interne avant d’être installé, il ne pouvait pas résister à la rapide propagation de la fissure du trou d’éclissage jusqu’au champignon, ce qui a entraîné la rupture du rail.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements. 

  1. Si des rails fabriqués avec une résistance à la rupture plus faible sont installés dans des sections de voie qui sont sujettes à des cas fréquents de déformation, il y a un risque que des défauts de rail se forment et progressent vers la rupture avant que le régime d’inspection des défauts de rail ne puisse les détecter.
  2. Si, en cours d’année, les volumes de trafic ferroviaire dépassent le seuil réglementaire et la fréquence des inspections au moyen d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique de la voie n’est établie que lors de l’examen annuel suivant du volume de trafic, il se peut que les défauts de sécurité qui se forment sur la voie ne soient pas détectés, ce qui augmente le risque de défaillance et d’accident.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1. Bien que le système d’information sur les voies de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada soit un outil utile pour consigner les renseignements sur les travaux d’entretien des voies, il n’offre pas une précision suffisante permettant d’évaluer les travaux effectués sur tous les joints et coupons de rail installés à proximité les uns des autres.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

Le Bureau n’est pas au courant de mesures de sécurité prises à la suite de l’événement à l’étude.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .