Language selection

Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19C0038

Épuisement de carburant
Keewatin Air LP
Beechcraft B200, C-FRMV
Gillam (Manitoba)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 24 avril 2019, l’aéronef Beechcraft B200 de Keewatin Air LP (immatriculation C‑FRMV, numéro de série BB979), équipé pour des vols d’évacuation sanitaire, effectuait un vol de mise en place selon les règles de vol aux instruments (vol KEW202) avec 2 membres d’équipage et 2 infirmiers navigants à bord, à partir de l’aéroport international James Armstrong Richardson de Winnipeg (Manitoba) jusqu’à l’aéroport de Rankin Inlet (Nunavut), avec un arrêt à l’aéroport de Churchill (Manitoba).

À 18 h 14, heure avancée du Centre, tandis que l’aéronef volait en croisière au niveau de vol 250, l’équipage a déclaré une urgence en raison d’un problème de carburant. Ensuite, il a dérouté le vol vers l’aéroport de Gillam (Manitoba) et a entrepris une descente d’urgence. Durant la descente, les 2 moteurs de l’aéronef se sont éteints. L’équipage a tenté un atterrissage forcé sur la piste 23, mais l’aéronef s’est posé sur la surface gelée du lac Stephens, 750 pieds avant le seuil de la piste 23. Le train d’atterrissage était complètement sorti. L’aéronef a heurté la rive rocheuse du lac et a monté la rive vers la piste. Il s’est immobilisé 190 pieds avant le seuil de la piste, à 18 h 23 m 45 s, heure avancée du Centre. Aucun des occupants n’a été blessé. L’aéronef a été considérablement endommagé. La radiobalise de repérage d’urgence de 406 MHz s’est activée. Les services d’urgence sont intervenus. Il n’y a pas eu d’incendie.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

1.1.1 Contexte

Le jour précédant l’événement, le 23 avril 2019, l’aéronef Beechcraft B200 de Keewatin Air LP (Keewatin Air) (immatriculation C‑FRMV, numéro de série BB979) avait effectué un vol de l’aéroport de Baker Lake (CYBK), au Nunavut, jusqu’à l’aéroport international James Armstrong Richardson de Winnipeg (CYWG), au Manitoba. Après le vol, l’équipage n’avait trouvé aucun technicien pour ravitailler l’aéronef. Puisque ce dernier devait faire l’objet de travaux d’entretien, l’équipage a quitté l’aéroport, car son quart de travail était terminé. Du personnel d’entretien a remplacé les injecteurs de carburant du moteur droit et exécuté les essais de moteur nécessaires. L’aéronef n’a pas été ravitaillé une fois les travaux d’entretien effectués.

1.1.2 Vol dans l’événement à l’étude

Vers 15 hNote de bas de page 1 le 24 avril, l’équipage dans l’événement à l’étude, soit un commandant de bord chargé de la formation préparatoire au vol de ligne et un commandant en formation, se sont rendu au hangar de Keewatin Air en vue de réaliser un vol de mise en place selon les règles de vol aux instruments jusqu’à l’aéroport de Rankin Inlet (CYRT), au Nunavut, avec 2 infirmiers navigants. Le vol devait comprendre un arrêt à l’aéroport de Churchill (CYYQ), au Manitoba, où l’un des infirmiers devait descendre. Le vol s’inscrivait dans une formation préparatoire devant se poursuivre au cours des 2 semaines suivantes, tandis que l’aéronef et son équipage étaient affectés à CYRT.

Le commandant de bord chargé de la formation préparatoire assumait les responsabilités du premier officier (ci-après appelé le P/O) et occupait le siège de droite. Il n’avait pas obtenu le dossier de formation préparatoire précédente du commandant en formation. Le commandant en formation avait réussi son vol de contrôle de compétence du pilote (CCP), en vue d’être promu au rang de commandant de bord, et suivi la moitié de sa formation préparatoire. Le P/O considérait le commandant en formation comme le commandant de bord.

Le commandant en formation assumait les responsabilités du commandant de bord (ci-après appelé le commandant de bord) et occupait le siège de gauche lorsqu’il a entrepris les procédures de planification de vol.

À l’aide du logiciel de planification de vol de Keewatin Air, le commandant de bord a déterminé que le vol exigerait 2456 livres de carburant, quantité qu’il a inscrite dans le plan de vol exploitation (OFP), dans la case pour indiquer la quantité réelle de carburant à bord de la section sur la masse et le centrage. Dans l’OFP, CYYQ figurait comme destination, à une distance de 541 milles marins (NM) et d’une durée prévue en route de 2 h 17 min. L’aéroport de Gillam (CYGX), au Manitoba, figurait comme aéroport de dégagement. Les 2456 livres de carburant prévues devaient permettre environ 3 h 55 min de vol, ce qui aurait été suffisant pour l’aéronef d’arriver à destination, de dérouter vers l’aéroport de dégagement et d’avoir une réserve de carburant pour 45 min de vol, conformément aux exigences du Règlement de l’aviation canadien (RAC)Note de bas de page 2.

Le P/O a mené une inspection de l’aéronef préalable au vol. Durant l’inspection, il a remarqué que l’aéronef contenait environ 1600 livres de carburant. Puisqu’il préférait commander le carburant d’un technicien en ravitaillement directement, il s’est rendu au bureau concerné, dans le hangar, où il n’a trouvé personne pour prendre la commande et a décidé de revenir ultérieurement. Il s’est ensuite rendu au salon, où il a appris que le vol était retardé en attendant l’arrivée du 2e infirmier navigant. En attendant l’arrivée de l’infirmier navigant, l’équipage a chargé quelques boîtes d’eau embouteillée dans l’aéronef. Lorsque le commandant de bord lui a demandé si l’aéronef était prêt pour le vol, le P/O a répondu par l’affirmative.

Une fois le 2e infirmier navigant arrivé, l’équipage et les 2 infirmiers sont montés à bord de l’aéronef. Le commandant de bord a inscrit les données du plan de vol dans le système de gestion de vol (FMS). L’enquête n’a pas permis de déterminer si des renseignements sur la quantité de carburant à bord avaient été versés dans le FMS.

L’équipage a ensuite suivi la liste de vérification BEFORE START (avant le démarrage), dont la dernière étape consiste à démarrer le moteur, puis a circulé jusqu’à une aire de point fixe et commencé la liste de vérification AFTER START (après le démarrage). Lorsque le P/O a lu à haute voix l’élément de la liste FUEL QUANTITY (quantité de carburant), le commandant de bord a répondu en lisant le texte figurant dans cette dernière, soit « SUFFICIENT/BALANCEDNote de bas de page 3 » (suffisante et équilibrée), mais n’a pas vérifié les indicateurs de quantité carburant. Après avoir suivi la liste de vérification, l’équipage a circulé jusqu’à la piste. L’aéronef a décollé de CYWG à 16 h 39, avec le commandant de bord comme pilote aux commandes (PF) et le P/O comme pilote surveillant (PM).

À quelque 8 NM de la piste de décollage, pendant la montée de l’aéronef, le commandant de bord a effectué un calcul progressif de la consommation du carburantNote de bas de page 4. Il n’a pas regardé les indicateurs de quantité carburant durant le processus. Une distance de 533 NM a été inscrite dans la case Distance to Destination (distance à parcourir jusqu’à destination) dans l’OFP. Le commandant de bord a inscrit une quantité de carburant de 2456 livres prévue au plan de vol dans la case Fuel Required (carburant nécessaire), puis a inscrit 2206 livres dans la case Fuel Remaining (carburant restant), ce qui correspond à une différence de 250 livres. Il a également signalé au coordonnateur de vol de Keewatin Air que l’aéronef avait assez de carburant pour 3 h 55 min de vol. L’aéronef a continué sa montée et s’est mis en palier au niveau de vol (FL)Note de bas de page 5 250. Durant le reste du vol, aucun pilote n’a effectué une vérification périodique des indicateurs de quantité carburant.

À 18 h 13, lorsque l’aéronef se trouvait à environ 14 NM à l’ouest-nord-ouest de CYGX, toujours au FL 250, le voyant d’avertissement de pression de carburant gauche (L FUEL PRESS) s’est allumé, indiquant un faible niveau de carburant. L’avertissement a été presque immédiatement suivi d’une saute de puissance du moteur gauche. Le commandant de bord a alors activé la pompe d’appoint et remarqué que les indicateurs de quantité carburant présentaient 0 livre. Lorsque le commandant de bord a interrogé le P/O sur la quantité de carburant, ce dernier a constaté qu’il avait oublié de commander du carburant. L’équipage a signalé une urgence au centre de contrôle régional (ACC) de Winnipeg à 18 h 14 et entrepris une descente d’urgence. À CYYQ, les conditions météorologiques étaient marginales; par conséquent, on a décidé de dérouter l’aéronef vers l’aéroport de dégagement, soit CYGX. Toutefois, l’aéronef a maintenu le même cap vers CYYQ durant 2 autres minutes (figure 1).

Figure 1. Superposition de données GPS montrant le profil de descente de l’aéronef et les événements clés (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Superposition de données GPS montrant le profil de descente de l’aéronef et les événements clés (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

À 18 h 15, lorsque l’aéronef se trouvait au FL 220, le moteur gauche a subi une panne de carburant et une perte de puissance. L’équipage a suivi la procédure EMERGENCY ENGINE SHUTDOWN (arrêt d’urgence du moteur) du manuel de référence rapide Emergency and Abnormal Procedures Quick Reference Handbook (QRH)Note de bas de page 6 afin d’éteindre le moteur, mais l’hélice gauche a continué de tourner en moulinetNote de bas de page 7 à un régime de 1300 à 2000 tr/minNote de bas de page 8 tout au long de la descente subséquente. À 18 h 15 min 32 s, le P/O a programmé le FMS pour qu’il affiche la trajectoire menant à CYGX et demandé au commandant de bord de virer à droite, afin de suivre la trajectoire. Le P/O a déplacé les curseurs de cap, qui étaient rattachés aux 2 écrans du FMS, sur la trajectoire menant à CYGX, puis le commandant de bord a entrepris un virage à droite vers CYGX.

Le commandant de bord a réduit la puissance du moteur droit. Entre 18 h 15 et 18 h 18, la vitesse de descente se situait entre 3000 et 6000 pi/min. L’équipage a déployé le train d’atterrissage afin d’établir un angle de descente adéquat vers la piste 23. À 18 h 17, l’équipage a indiqué à l’ACC que l’urgence était liée à un problème de carburant. L’ACC l’a renseigné sur la météo à CYGX et lui a signalé qu’il avertirait les services d’urgence de CYGX. Une fois l’aéronef à environ 5000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), le P/O a obtenu le profil de navigation verticale (VNAV) de la piste 23 à partir du FMS. L’équipage a escamoté le train d’atterrissage lorsque l’aéronef a atteint la trajectoire VNAV. À 18 h 20, l’ACC a communiqué avec l’opérateur de quart de CYGX pour lui signaler l’urgence.

À 18 h 20, la vitesse anémométrique de l’aéronef était descendue à quelque 100 nœuds, et le commandant de bord peinait à maîtriser l’aéronef. Par moments, ce dernier volait sous la trajectoire VNAV. En constatant cela, le P/O a pris les commandes et a assumé le rôle de PF. À 18 h 21, l’aéronef est descendu sous les 2800 pieds ASL, et l’hélice de gauche a cessé de tourner en moulinet lorsque son régime est passé de 1300 à 0 tr/min. À 18 h 21 min 30 s, l’équipage a lancé un appel de détresse Mayday sur la fréquence obligatoire de CYGX. Lorsque son altitude est tombée sous les quelque 2000 pieds ASL, l’aéronef est descendu sous la base des nuages, et le P/O a pu identifier visuellement CYGX.

À 18 h 22 min 34 s, le moteur droit a subi une perte de puissance lorsque l’aéronef a atteint 1300 pieds ASL, soit à environ 835 pieds au-dessus du sol (AGL). L’aéronef ne pouvait plus suivre la trajectoire VNAV ni une approche visuelle adéquate vers la piste. Lorsque l’aéronef a atteint quelque 530 pieds AGL et se trouvait à environ 1 NM de la piste, l’équipage a arrêté le moteur droit et en a mis l’hélice en drapeau, pendant qu’il poursuivait son approche visuelle courbe vers la droite, en direction de la piste 23 (figure 1, image insérée).

Les volets étaient rentrés tout au long de l’approche et de l’atterrissage subséquent. L’équipage a déployé le train d’atterrissage lorsque l’aéronef a atteint environ 50 pieds AGL, puis ce dernier s’est posé sur la surface gelée du lac Stephens alors que le train était complètement sorti (figure 2).

La vitesse anémométrique de l’aéronef a permis au P/O de relever le nez de l’aéronef pendant qu’il s’approchait de la rive rocheuse du lac, à l’extrémité d’approche de la piste 23. L’aéronef a heurté la rive en cabré et glissé sur le côté droit de l’aire de piste, puis s’est immobilisé à quelque 190 pieds du seuil de la piste (figure 3).

La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de 406 MHz s’est activée, et son signal a été reçu par le Centre canadien de contrôle des missions.

Figure 2. Marques laissées par le train d’atterrissage au poser initial des roues (Source : BST)
Marques laissées par le train d’atterrissage au poser initial des roues (Source : BST)
Figure 3. Aéronef dans l’événement à l’étude près du seuil de la piste 23 (Source : Gendarmerie royale du Canada)
Aéronef dans l’événement à l’étude près du seuil de la piste 23 (Source : Gendarmerie royale du Canada)

1.2 Tués et blessés

Personne n’a été blessé.

1.3 Dommages à l’aéronef

L’aéronef a été considérablement endommagé.

1.4 Autres dommages

Plusieurs litres de liquide hydraulique ont été projetés en fines gouttelettes sur la rive rocheuse et la zone de gravier précédant le seuil de la piste 23 à partir des jambes du train d’atterrissage principal cassées. La zone de gravier a subi une abrasion mineure, mais l’environnement n’a pas été autrement endommagé.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Généralités

L’équipage était certifié et qualifié pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

Le commandant de bord s’est joint à Keewatin Air comme P/O en décembre 2017. Il détenait une licence canadienne de pilote professionnel et suivait une formation en vue d’être promu au rang de commandant de bord. Il avait réussi un CCP de commandant de bord le 16 mars 2019. Sa 1re période de formation préparatoire au vol de ligne avait eu lieu entre le 18 mars et le 6 avril 2019. Le vol à l’étude constituait le début de sa 2e période de formation de 2 semaines. Pendant le vol, il occupait le siège de gauche et devait accomplir les tâches du commandant de bord.

Le P/O s’est joint à Keewatin Air en août 2017 et a été intégré directement comme commandant de bord. Il détenait une licence canadienne de pilote de ligne et avait été chargé de la formation préparatoire au vol de ligne par Keewatin Air. Il avait réussi un CCP de commandant de bord le 16 novembre 2018. Durant le vol à l’étude, il occupait le siège de droite et devait accomplir les tâches du P/O. Il assurait la formation préparatoire du commandant de bord et devait se charger du déploiement subséquent de 2 semaines à CYRT.

Selon les dossiers de formation de l’entreprise, le commandant de bord et le P/O avaient suivi une formation en gestion des ressources de l’équipage (CRM) le 27 février 2019 et le 8 novembre 2018 respectivement et une formation de prise de décision du pilote (PDP) le 15 février 2019.

Tableau 1. Renseignements sur le personnel
  Commandant de bord Premier officier
Licence de pilote Licence de pilote professionnel (CPL) Licence de pilote de ligne (ATPL)
Date d’expiration du certificat médical 1er juin 2019 1er avril 2020
Heures de vol au total Environ 1350 Environ 3500
Heures de vol sur type Environ 1100 Environ 1350
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement 2,2 2,2
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement 72,0 84,2
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement 156,1 204,7
Heures de vol sur type au cours des 90 jours précédant l’événement 156,1 204,7
Heures de service avant l’événement 5,5 5,5

1.5.2 Aptitude au travail de l’équipage

Les membres d’équipage s’étaient présentés au travail à environ 15 h le 24 avril 2019. Ils étaient arrivés à Winnipeg la soirée précédente et avaient maintenu un rythme circadien propice à un horaire de travail commençant en milieu d’après-midi. L’horaire de travail ne posait aucun risque de fatigue et, selon des données recueillies, les membres d’équipage ont commencé leur journée de travail reposés. En outre, rien n’indique que la fatigue a contribué à cet événement.

1.6 Renseignements sur l’aéronef

1.6.1 Généralités

L’aéronef Beechcraft King Air B200 est un biturbopropulseur pressurisé à voilure fixe, fabriqué par la Beech Aircraft Corporation, qui peut accueillir 7 passagers selon une configuration de sièges standard. L’aéronef à l’étude était configuré pour effectuer des vols d’évacuation sanitaire au moyen d’un équipage composé de 2 pilotes et d’un infirmier navigant. Il était équipé d’un FMS Garmin G1000 intégré aux instruments de bord.

Les dossiers indiquent que l’aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Il ne présentait aucun défaut non réglé au moment de l’événement.

1.6.2 Système de carburant

L’aéronef avait une capacité de carburant de 544 gallons US (3808 livres)Note de bas de page 9 et un système de carburant constitué de 2 systèmes distincts, 1 pour chaque moteur. Chaque système est composé d’un sous-système principal ainsi que d’un sous‑système auxiliaireNote de bas de page 10.

Aux fins de planification du vol, la consommation de carburant des 2 moteurs totalise 800 livres au cours de la 1re heure et 600 livres par heure par la suite.

Les réservoirs de carburant principaux sont remplis par une ouverture située près de leur extrémité d’aile respective. Les réservoirs auxiliaires se trouvent dans les sections centrales des ailes gauche et droite, à l’intérieur de chaque nacelle, et sont chacun dotés de leur propre ouverture de remplissage. Le système transfert du carburant automatiquement à partir des réservoirs auxiliaires en premier, sans intervention de l’équipage.

L’aéronef est muni d’indicateurs de quantité carburant de gauche et de droite conçus pour indiquer les réserves de carburant en livres. Les 2 indicateurs de quantité carburant sont installés dans le panneau du système de carburant, du côté gauche du poste de pilotage. Ils sont difficiles à voir du siège de droite, surtout lorsque le pilote occupant celui de gauche tient le volant de commande. Le panneau susmentionné comporte un interrupteur utilisé pour afficher la quantité carburant des 2 réservoirs principaux ou des 2 réservoirs auxiliaires.

Le système Garmin 1000 permet à l’équipage d’entrer la quantité réelle de carburant à bord avant le décollage. Il peut afficher la quantité estimée de carburant restant lors de l’atterrissage, d’après des données de consommation recueillies en vol.

L’aéronef n’est équipé d’aucun système conçu pour avertir l’équipage lorsque les quantités de carburant sont faibles. Par conséquent, hormis les indicateurs de quantité carburant, les seuls composants servant à prévenir initialement l’équipage d’un épuisement du carburant consistent en des voyants qui s’allument sur le panneau annonciateur central lorsque la pression de carburant est faible en raison d’un manque de carburant utilisable.

1.7 Renseignements météorologiques

Les prévisions d’aérodrome (TAF) émises pour CYYQ à 15 h 25 et valides à l’heure d’arrivée prévue de l’aéronef étaient les suivantes :

Entre 18 h et 21 h, les changements temporaires ci‑après étaient prévus :

Entre 19 h et 21 h, on prévoyait 30 % de probabilité :

L’aéronef à l’étude s’est posé sur le lac Stephens à environ 18 h 23. Selon un message d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI) émis à 18 h 40 pour CYGX, les conditions suivantes étaient probables au moment de l’événement :

1.8 Aides à la navigation

Sans objet.

1.9 Communication

Sans objet.

1.10 Renseignements sur l’aérodrome

CYGX est exploité par la Ville de Gillam et se compose d’une piste de gravier (05/23) de 5034 pieds. L’approche de la piste 23 survole le lac Stephens et son seuil se trouve à 474 pieds ASL, soit à environ 12 pieds au-dessus du poser initial des roues de l’aéronef à l’étude sur la glace. Les services d’urgence de la Ville de Gillam fonctionnent par appel et sont situés à environ 1 SM de la porte d’accès de l’aéroport. L’aéroport est exploité 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Après les heures de travail régulières, des procédures d’appel ont été établies et où un opérateur sur appel est chargé de mettre en œuvre le plan d’intervention d’urgence.

1.11 Enregistreurs de bord

L’aéronef n’était pas équipé d’un enregistreur de données de vol (FDR) ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR), et la réglementation ne l’exigeait pas. Toutefois, le système Garmin G1000, qui enregistrait des données sur une carte mémoire Secure Digital (SD), a fourni aux enquêteurs de l’information sur la trajectoire de vol, le fonctionnement des moteurs, de même que le réglage de la radio et des instruments de navigation.

1.11.1 Recommandation du BST sur l’installation obligatoire de systèmes d’enregistrement des données de vol légers

Le BST a enquêté sur un certain nombre d’accidentsNote de bas de page 11 dont les faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs n’ont pu être déterminés en raison d’un manque de données. L’un de ces événementsNote de bas de page 12 mettait en cause un aéronef Cessna Citation 500 privé qui s’est écrasé peu après le décollage, le 13 octobre 2016. Il n’y a eu aucun survivant. L’aéronef n’était pas équipé d’un FDR ni d’un CVR.

À la suite de cet accident, le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports oblige l’installation de systèmes d’enregistrement des données de vol légers chez les exploitants commerciaux et exploitants privés qui n’y sont pas actuellement tenus.
Recommandation A18-01 du BST

En octobre 2019, Transports Canada (TC) a fourni une mise à jour concernant les activités menées par le groupe de travail sur les systèmes d’enregistrement de données de vol légers (LDR) et la prochaine réunion du groupe, prévue en mars 2020.

Le BST juge que les efforts déployés par TC pour continuer à travailler avec l’industrie par l’entremise du groupe de discussion sont considérés comme positifs. Toutefois, l’objectif à long terme de TC qui est d’élaborer éventuellement des règlements à l’intention des exploitants commerciaux et des exploitants privés qui ne sont pas tenus actuellement de munir leurs aéronefs de LDR laisse croire que TC pourrait ne pas réglementer cette exigence. De plus, aucun calendrier précis n’a été fourni en ce qui concerne la réalisation des activités du groupe de discussion et toute mise en œuvre réglementaire subséquente. 

Par conséquent, le Bureau a estimé que la réponse à la recommandation A18-01 dénotait une attention en partie satisfaisanteNote de bas de page 13.

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

L’aéronef a heurté la surface gelée du lac Stephens alors que son train d’atterrissage était complètement déployé et ses volets escamotés. Lors de l’impact avec la rive rocheuse du lac, la partie inférieure des 2 jambes du train principal a été arrachée, ce qui a endommagé les 2 nacelles et les surfaces inférieures des 2 ailes. Les canalisations de carburant principales des 2 nacelles se sont rompues à la suite de la défaillance des fixations du tourillon de train principal. Cependant, aucun carburant n’a été déversé.

Le train avant était toujours fixé à l’aéronef et déployé. Le fuselage a été déformé à l’arrière de la porte de cabine principale. Le dessous du fuselage a été endommagé par l’impact avec la rive rocheuse. La section centrale du longeron d’aile a été définitivement gauchie. L’une des hélices a été endommagée par l’impact avec le relief.

L’issue de secours d’aile était fonctionnelle. La porte de cabine principale était fonctionnelle, mais reposait horizontalement sur le sol après la séparation des jambes du train principal. Les sièges de l’équipage et de la cabine étaient toujours fixés à l’aéronef. L’examen de l’épave n’a révélé aucun déversement de carburant, hormis des résidus.

L’ELT (modèle ME-406 d’Artex; numéro de pièce 453-6603) est demeuré fixé à son support lors de l’impact. Le câble d’antenne et la prise de connexion de l’interrupteur à distance étaient toujours solidement en place.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Sans objet.

1.14 Incendie

Aucun incendie n’est survenu.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 Généralités

Le poste de pilotage et la cabine de l’aéronef sont demeurés intacts et ont constitué un espace de survie adéquat. Les 2 pilotes portaient un ensemble de retenue à 4 points. Les 2 infirmiers navigants portaient les ensembles de retenue à 3 points sur les sièges de passager latéraux de type « banquette ».

Les occupants étaient en mesure d’utiliser l’issue d’aile, qui se trouvait du côté droit; cependant, ils ont préféré sortir par la porte de cabine principale. Cette porte s’ouvrait partiellement, et reposait sur le sol en raison des dommages au train principal, mais constituait néanmoins une issue non obstruée.

1.15.2 Intervention d’urgence

À 18 h 20, l’ACC de Winnipeg a appelé l’opérateur en service de CYGX pour lui signaler que l’équipage d’un aéronef avait déclaré une urgence en raison d’un problème de carburant. Lorsque l’exploitant est arrivé sur les lieux de l’écrasement à 18 h 26, soit environ 2 à 3 minutes après l’immobilisation de l’aéronef, les occupants de ce dernier en étaient déjà sortis. Le gestionnaire de l’aéroport est arrivé à 18 h 55. L’équipage a indiqué n’avoir subi aucune blessure, n’avait besoin d’aucun soin médical et n’a soulevé aucune préoccupation relative à un déversement de carburant ou un incendie.

Vers 19 h 06, le gestionnaire de l’aéroport a communiqué avec le détachement local de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), lequel a demandé à son personnel répartiteur de prévenir les services médicaux d’urgence (SMU) et d’incendie de la Ville de Gillam. Les SMU et le service d’incendie ont été avisés à 19 h 21 et à 19 h 22 respectivement. Les SMU sont arrivés sur les lieux de l’incident à environ 19 h 22, soit approximativement 1 h après l’appel initial de l’ACC à l’opérateur en service de CYGX. Le service d’incendie est arrivé peu après, car il a eu de la difficulté à ouvrir la porte d’accès de l’aéroport.

Les SMU ont transporté l’équipage et les infirmiers navigants à l’hôpital de Gillam. Le service d’incendie a inspecté l’aéronef et a débranché les batteries de l’aéronef.

1.16 Essais et recherche

Sans objet.

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 Exploitant

Keewatin Air fournit des services principalement dans l’Arctique, conformément aux sous-parties 703 (exploitation d’un taxi aérien) et 704 (exploitation d’un service aérien de navette) du RAC. La compagnie fournit des services nolisés, mais se concentre surtout sur le transport médical et les services d’ambulance aérienne. Le manuel d’exploitation de la compagnie détaille les politiques et les procédures que son personnel d’exploitation doit respecter dans le cadre de ses fonctions Note de bas de page 14.

1.17.2 Formation préparatoire au vol de ligne

1.17.2.1 Généralités

La sous-partie 703 du RAC ne prévoit aucune formation préparatoire au vol de ligne. Cependant, Keewatin Air impose une formation préparatoire au vol de ligne à ses pilotes, afin que ses opérations soient conformes aux exigences des sous-parties 703 et 704 du RAC. Le manuel de formation de l’équipage de conduite de Keewatin Air indique comment donner la formation préparatoire Note de bas de page 15. Pour travailler efficacement dans le cadre d’une telle formation, les équipages doivent assumer des rôles et des responsabilités clairement définis. Pour assurer une prise de décision rapide, les 2 membres d’équipage d’un aéronef doivent savoir qui en est le commandant de bord.

1.17.2.2 Candidats à la formation préparatoire au vol de ligne

D’après le manuel de formation de l’équipage de conduite de Keewatin Air, les candidats à la formation préparatoire au vol de ligne doivent avoir réussi une formation initiale et un CCP Note de bas de page 16. Le manuel de formation de l’équipage de conduite liste les exigences en matière de formation préparatoire initiale du personnel affecté à un aéronef à turbopropulseur [traduction] :

  1. chaque pilote doit connaître, s’il y a lieu, la liste obligatoire des manœuvres et des procédures d’exploitation figurant à la section 4.3.2 et avoir effectué 20 heures de vol et 4 secteurs de vol obligatoires, soit 2 secteurs comme pilote aux commandes (PF) et 2 comme pilote surveillant (PM);
  2. après la réalisation des 4 secteurs obligatoires, le temps restant peut être réduit d’une heure pour chaque secteur supplémentaire effectué, pour une réduction maximale de 50 % du temps initialement exigé Note de bas de page 17.

Comme indiqué dans le manuel de formation de l’équipage de conduite [traduction], « un secteur comprend un décollage, un départ, une arrivée et un atterrissage, ainsi qu’un segment en route d’au moins 50 NM, dans le cas des opérations visées par la sous-partie 704 du RAC Note de bas de page 18 ».

1.17.2.3 Commandants de bord chargés de la formation préparatoire au vol de ligne

Keewatin Air désigne les commandants de bord chargés de la formation préparatoire au vol de ligne comme du personnel autorisé à donner la formation préparatoire. Selon son manuel de formation de l’équipage de conduite, ils constituent des pilotes instructeurs. Pendant la formation préparatoire, Keewatin Air indique que le pilote instructeur est le pilote aux commandes.

Lorsqu’un poste de commandant de bord chargé de la formation préparatoire se libère chez Keewatin Air, un avis interne est diffusé et les candidats intéressés doivent faire part de leur intérêt au gestionnaire de la formation. Après une évaluation et, si nécessaire, une vérification de compétence en vol de ligne, les candidats retenus suivent une formation de familiarisation avec le rôle et les tâches de tenue de dossiers connexes. Cette formation est donnée par le chef pilote ou le gestionnaire de la formation. Aucun document de certification n’est délivré, et aucune entrée dans le dossier de formation des pilotes n’est effectuée. Cependant, une fois qu’ils ont suivi la formation, ces pilotes sont identifiés comme des commandants de bord chargés de la formation préparatoire dans une feuille de calcul électronique portant sur l’état des pilotes de Keewatin Air.

1.17.2.4 Rôles et responsabilités

Les pilotes instructeurs doivent consigner les détails de chaque vol et les commentaires connexes dans un formulaire que les candidats doivent conserver pendant leur formation préparatoire. Une fois la formation terminée, les pilotes instructeurs doivent présenter le formulaire au chef pilote Note de bas de page 19.

Les pilotes instructeurs doivent également fournir au chef pilote et au gestionnaire de la formation de vol [traduction] « une mise à jour écrite ou verbale sur le progrès des candidats toutes les dix (10) heures de formation préparatoire au vol de ligne Note de bas de page 20 ». En outre, le gestionnaire de la formation au pilotage s’attend à ce que les pilotes instructeurs lui fournissent des comptes rendus quotidiens, ainsi qu’un formulaire hebdomadaire de formation préparatoire qu’il doit présenter aux prochains pilotes instructeurs des candidats. Ces exigences ne figurent pas dans le manuel de formation de l’équipage de conduite, mais sont plutôt signalées aux pilotes instructeurs dans un courriel du gestionnaire de la formation au pilotage.

1.17.2.4.1 Responsabilités lors du vol à l’étude

Selon l’horaire des vols, le vol dans l’événement à l’étude était un vol de formation préparatoire. Or, le P/O ne disposait pas des dossiers de formation antérieurs du commandant de bord. Les membres d’équipage s’étaient entendus pour que le commandant de bord effectue la planification du vol et le P/O, l’inspection préalable au vol.

1.17.3 Exposé préalable au vol

Les exposés préalables au vol doivent avoir lieu avant tout départ, afin de s’assurer que tous les membres d’équipage possèdent les connaissances et l’information nécessaires pour élaborer des modèles mentaux partagés des vols et pour accomplir leurs tâches adéquatement.

Les procédures d’exploitation normalisées (SOP) de Keewatin Air relatives à l’aéronef Beechcraft King Air 200 énoncent les faits suivants au sujet des exposés aux équipages [traduction] :

Au minimum, les renseignements suivants doivent être fournis de manière suffisamment détaillée à tous les membres d’équipage, afin de les aider à accomplir leurs tâches.

  • météo au départ, en route, à destination et aux destinations de dégagement;
  • charge en carburant et configuration de l’aéronef;
  • durée du vol, trajectoire de vol et travaux à effectuer;
  • destinations de dégagement privilégiées pour le bien‑être des patients;
  • tâches qui s’ajoutent à celles indiquées dans les SOP et d’autres directives Note de bas de page 21.

Bien que les SOP comprennent une liste des sujets à aborder lors des exposés préalables aux vols, aucun exposé normalisé n’a été élaboré et consigné sur une fiche ou dans un formulaire, par exemple.

D’après le manuel d’exploitation de la compagnie, le commandant de bord doit présenter un exposé au commandant en secondNote de bas de page 22 et aux membres d’équipage médicauxNote de bas de page 23 à propos de la trajectoire de vol et des conditions de vol prévues. Toutefois, on n’exige pas de discuter de la charge en carburant pendant l’exposé.

En général, les infirmiers navigants sont considérés comme étant des membres d’équipage médicaux lors des vols d’évacuation sanitaire; cependant, les 2 infirmiers navigants dans l’événement à l’étude n’ont participé à aucun exposé, car le vol était considéré comme un vol de mise en place et non un vol d’évacuation sanitaire. L’équipage considérait les infirmiers comme des passagers, car il devait les transporter jusqu’à leurs lieux de travail respectifs.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Procédures de ravitaillement

Le bureau de ravitaillement de CYWG se trouve au rez-de-chaussée du hangar de Keewatin Air. Pour commander du carburant, les pilotes doivent habituellement y téléphoner ou s’y rendre pour formuler une demande à technicien en ravitaillement. Les pilotes peuvent aussi demander du carburant par le biais du répartiteur de Keewatin Air, afin que ce dernier en commande au bureau de ravitaillement. Les aéronefs qui ne sont pas basés à CYWG sont généralement ravitaillés après chaque vol, afin d’accélérer leur départ lors d’un appel d’évacuation sanitaire. Par conséquent, le ravitaillement n’est pas toujours intégré aux tâches préalables au vol.

1.18.1.1 Quantité de carburant au départ

Des calculs ont été effectués dans le cadre de l’enquête en tenant compte du dernier moment auquel on savait que les réservoirs de l’aéronef étaient pleins. Le dernier ravitaillement au cours duquel les réservoirs de l’aéronef avaient été remplis à leur capacité maximale avait eu lieu à CYWG, après la journée de vol le 20 avril. Les 22 et 23 avril, l’aéronef avait réalisé un certain nombre de vols durant lesquels un ravitaillement de 1223,3 L avait été réalisé à CYRT le 22 avril, puis un ravitaillement de 896 L à CYBK le 23 avril, pour un total de 2263 et 1658 livres respectivementNote de bas de page 24. L’aéronef était retourné à CYWG le 23 avril, mais n’avait pas été ravitaillé.

Étant donné la durée des vols et la quantité de carburant fournie lors des ravitaillements à partir du 20 avril, l’enquête a permis de déterminer qu’il y avait aussi peu que 1300 livres de carburant à bord de l’aéronef. Lors de l’inspection préalable au vol, le P/O avait déterminé qu’il y avait environ 1600 livres de carburant à bord.

1.18.1.2 Calcul progressif de la consommation du carburant

L’objectif du calcul progressif de la consommation du carburant est de vérifier, une fois l’aéronef en palier pendant le vol de croisière, que la quantité de carburant à bord est suffisante pour poursuivre le vol comme prévu, en toute sécurité. Ce calcul fait partie des éléments de la liste de vérification CRUISE (croisière). L’OFP comprend les 3 cases suivantes dans lesquelles les résultats de ce calcul doivent être inscrits :

Pour assurer l’exactitude du calcul progressif de la consommation du carburant, il est important que la valeur inscrite dans la case Fuel Remaining soit obtenue des indicateurs de quantité carburant. Si cette valeur est plutôt obtenue du FMS, il sera impossible de savoir si le carburant à bord inscrit durant la planification de vol était erroné, et le calcul sera fondé sur des fausses données. De même, si le carburant restant est calculé d’après la quantité établie durant la planification de vol, il sera impossible de détecter si l’aéronef a reçu une quantité insuffisante de carburant lors du dernier ravitaillement.

Ni la procédure de vol de croisière dans les SOP ou ni l’OFP ne comprend des instructions sur les sources de données à utiliser ou la façon d’effectuer le calcul.

1.18.2 Listes de vérification

1.18.2.1 Généralités

Les listes de vérification indiquent aux pilotes les étapes qu’ils doivent suivre, dans un ordre précis et sans omission, lors d’opérations courantes, inhabituelles ou d’urgence. Elles n’éliminent toutefois pas tous les risques d’erreur. Leur efficacité dépend de leur exactitude et de leur clarté; de plus, les pilotes doivent être formés pour bien les utiliser.

Certaines listes de vérification sont publiées dans des documents d’aéronef, comme le manuel du pilote et le manuel de vol approuvé de l’aéronef. En outre, les compagnies aériennes établissent souvent leurs propres listes de vérification dans leurs SOP ou leur QRH. Chez Keewatin Air, des exemplaires plastifiés des listes de vérifications courantes sont placés dans le poste de pilotage.

Selon le manuel d’exploitation de la compagnie de Keewatin Air [traduction] :

Les listes de vérification élaborées par la compagnie sont au moins aussi rigoureuses que celles des fabricants et visent une exploitation des aéronefs conforme aux limites figurant dans le manuel de vol, le manuel d’exploitation, le manuel du pilote, les procédures d’exploitation normalisées (SOP) ou tout document équivalentNote de bas de page 25.

Pendant le vol à l’étude, l’équipage a consulté la liste de vérification courante Normal Checklist B-200 G1000de 2 pages, recto verso et plastifiée, et le QRH Beechcraft King Air 200 Emergency and Abnormal Procedures Quick Reference Handbook.

1.18.2.2 Normal Checklist B-200 G1000 de Keewatin Air

La liste de vérification Normal Checklist B-200 G1000 comprend 2 mentions touchant la quantité de carburant (annexe A) :

  1. Le 2e élément de la liste de vérification AFTER START (après le démarrage) est FUEL QUANTITY (quantité de carburant). Cet élément présente comme réponse SUFFICIENT/BALANCED (suffisante et équilibrée), ce qui exige des pilotes qu’ils confirment la quantité de carburant à bord, qu’ils la comparent à la quantité nécessaire et qu’ils s’assurent qu’elle est équilibrée entre les réservoirs. 
  2. Le 4e élément de la liste de vérification CRUISE (croisière) est FUEL (carburant). Cet élément présente PROGRESSIVE FUEL Calc. (calcul progressif de la consommation du carburant) comme la réponse, ce qui exige des pilotes qu’ils effectuent le calcul progressif de la consommation du carburantNote de bas de page 26.
1.18.2.3 Beechcraft King Air 200 Emergency and Abnormal Procedures Quick Reference Handbook de Keewatin Air

Pendant une situation inhabituelle ou d’urgence, les pilotes doivent consulter le QRH, qui comprend 2 procédures sur le système de carburant : une sur l’intercommunication (exploitation lorsqu’un moteur ne fonctionne pas) [CROSSFEED (ONE-ENGINE-INOPERATIVE OPERATION)] et une sur l’échec de transfert du carburant auxiliaire (lorsque le voyant de transfert ne s’allume pas) [AUXILIARY FUEL TRANSFER FAILURE (NO TRANSFER LIGHT)]. Il n’y a aucune procédure dans le QRH concernant une urgence découlant de l’épuisement du carburant.

De plus, le QRH renferme la procédure suivante que les équipages doivent suivre en cas de panne de moteur.

Figure 4. Procédure du manuel de référence rapide en cas panne de moteur d’un B200 de Keewatin (Source : Keewatin Air LP; reproduction en français : BST)
Procédure du manuel de référence rapide en cas panne de moteur d’un B200 de Keewatin (Source : Keewatin Air LP; reproduction en français : BST)

PANNE DE MOTEUR EN VOL
Moteur touché :

  1. Bouton AP/YD DISC/TRIM INTRPT

         (si enclenché) ........................................................... ENFONCER ET RELÂCHER

  1. Levier de commande ..................................COUPURE DE L’ALIMENTATION

                                                                                                                          EN CARBURANT

  1. Levier d’hélice ........................................................................MISE EN DRAPEAU
  2. Vanne coupe-feu ........................................................................................FERMER
  3. Extincteur d’incendie (si installé)

         (si l’avertissement d’incendie persiste) ...........................................ACTIVER

  1. Volets compensateurs ................... AJUSTER MANUELLEMENT LA GOUVERNE

                                                                                           DE PROFONDEUR, L’AILERON ET
LE COMPENSATEUR DE DIRECTION

  1. Pilote automatique ..............................................APPUYER SUR LE BOUTON « AP »

                                                                                                 (s’il y a lieu) pour RÉACTIVER

  1. Compensateur de direction ................. AJUSTER MANUELLEMENT AU BESOIN

                                                                                                  APRÈS UN CHANGEMENT DE
PUISSANCE OU DE CONFIGURATION

  1. TCAS II (si installé) ....................................... SÉLECTIONNER « TA » SEULEMENT
  2. Groupe électrogène ..........................................................................................DÉSACTIVÉ
  3. Allumage automatique ....................................................................................DÉSACTIVÉ
  4. Mise en drapeau automatique (si installé) .............................................DÉSACTIVÉ
  5. Dégivrage de frein (si installé) .....................................................................DÉSACTIVÉ
  6. Charge électrique ............................................................................................SURVEILLER

Dans la procédure de Keewatin, les éléments en gras doivent être appliqués de mémoire et confirmés à l’aide de la liste de vérification.

1.18.2.4 Pilot’s Check List—Normal Procedures de Beechcraft

Le document Pilot’s Check List—Normal Procedures n’est pas couramment utilisé par les pilotes de Keewatin Air, mais il est placé à bord des aéronefs. Après la section PREFLIGHT INSPECTION (inspection préalable au vol), on y trouve les 3 éléments suivants concernant le carburant, lesquels ne s’inscrivent cependant pas dans la liste de vérification Normal Checklist B-200 G1000 de Keewatin Air utilisée lors du vol à l’étude [traduction] :

    1. L’élément 27 j. sur la liste de vérification BEFORE ENGINE STARTING (avant le démarrage d’un moteur) est Fuel Quantity (Mains and Auxiliary) (quantité de carburant [réserves principale et auxiliaire]). La réponse à cet élément doit être CHECK (vérifiée)Note de bas de page 27.
    2. L’élément 14 sur la liste de vérification BEFORE TAKEOFF (Runup) (préalable au décollage [point fixe]) est Fuel Quantity, Flight and Engine Instruments (quantité de carburant, vol et instruments de moteur). La réponse à cet élément doit être CHECK (vérifiée)Note de bas de page 28.
    3. L’élément 6 sur la liste de vérification DESCENT (descente) est Fuel Balance (équilibrage du carburant). La réponse à cet élément doit être CHECK (vérifiée)Note de bas de page 29.
1.18.2.5 Surveillance du carburant

Le manuel d’exploitation de la compagnie indique ce qui suit quant à la surveillance du carburant [traduction] :

Tout le personnel de ravitaillement, de répartition et de vol doit s’assurer que le carburant à bord d’un aéronef est adéquat. Les membres d’équipage doivent surveiller de près l’état du carburant durant les vols et prêter attention à toute condition pouvant réduire les réserves de carburant. Si l’on soupçonne une défaillance du système de carburant, celle-ci doit être adéquatement identifiée et la liste de vérification appropriée suivie.

La surveillance du carburant doit être consignée dans le plan de vol exploitation (OFP) pour tous les vols, sauf dans les cas suivants :

  1. les vols qui se terminent au point de départ, par exemple : vols d’entraînement, vols d’essai après maintenance et urgences en vol;
  2. vols d’une durée inférieure à soixante (60 ou 1,0) minutesNote de bas de page 30.

Les SOP indiquent ce qui suit [traduction] :

Régulièrement pendant le vol de croisière, mais au moins une fois toutes les 30 minutes, chaque membre d’équipage doit effectuer une vérification visuelle des affichages et des commandes du poste de pilotage. Si une condition problématique est relevée, une mesure appropriée doit être prise. Parmi les éléments à vérifier, mentionnons les indicateurs, les avertisseurs, la pressurisation, la distribution de carburant et l’équilibrage. Cette liste n’est pas complèteNote de bas de page 31.

1.18.3 Facteurs humains

1.18.3.1 Gestion des ressources de l’équipage

La formation en CRM vise le développement des compétences cognitives et interpersonnelles, notamment la communication et les comportements dans un contexte de travail en équipe, et offre aux membres d’équipage des stratégies destinées à s’assurer qu’ils utilisent toutes les ressources disponibles pour élaborer des modèles mentaux partagés des vols. La formation en CRM a pour but d’accroître la conscience des erreurs humaines et des menaces organisationnelles, ainsi que de discuter des techniques, des compétences et des attitudes qui contribuent à en réduire au minimum les effetsNote de bas de page 32.

1.18.3.2 Conscience de la situation et modèles mentaux

La conscience de la situation correspond au processus de collecte de données visant à comprendre ou se faire une image mentale de l’environnement immédiatNote de bas de page 33. Les opérateurs élaborent des modèles mentaux de l’état d’un système en se basant sur leur formation et leur expérience en la matière, de même que sur les données qu’ils peuvent recueillir.

La conscience de la situation est décrite comme [traduction] « la perception des éléments dans l’environnement à l’intérieur d’un volume de temps et d’espace, la compréhension de leur signification, et la projection de leur état à court termeNote de bas de page 34 ». Elle se rapporte à la compréhension de cet environnement par une personne ou l’image mentale que cette dernière s’est faite. La conscience de la situation se caractérise par la perception d’un environnement par une personne, par la manière dont l’information perçue est traitée par cet individu afin d’en comprendre totalement le sens, de même que par la projection de cette information dans l’avenirNote de bas de page 35.

La conscience de la situation commune à tous les membres d’équipageNote de bas de page 36,Note de bas de page 37 signifie la manière dont la conscience de la situation de chaque pilote doit correspondre à celle de l’autre pilote. En ayant une compréhension commune, les membres d’équipage sont en mesure de prévoir et de coordonner leurs actions efficacement, ainsi que de gérer les menaces de manière efficace, coordonnée et sûre.

Des mesures d’atténuation sont en place pour s’assurer que les équipages élaborent, tiennent à jour et partagent leurs modèles mentaux, soit la CRM, la planification efficace du vol, l’exposé pendant le vol, les techniques de communication et les SOP, entre autres. D’autres mesures sont habituellement prises pour s’assurer que toute anomalie présente dans les modèles mentaux partagés soit relevée et éliminée : listes de vérification, balayage visuel des instruments de poste de pilotage, etc.

1.18.3.3 Fiabilité du rendement

À mesure qu’ils gagnent de l’expérience et pratiquent certaines activités courantes, les pilotes apprennent à accomplir chaque étape de leurs tâches automatiquement et plus facilement sur le plan cognitif. Par exemple, l’inspection extérieure d’un aéronef préalable au vol devient routinière, car elle est effectuée avant chaque vol. Pendant l’exécution d’une tâche routinière, la réalisation de chaque étape entraîne automatiquement celle de l’étape suivante, et ce, en y prêtant une attention minimale. Toutefois, lorsqu’une séquence comprend une tâche nouvelle ou moins routinière, davantage d’attention doit être prêtée à cette dernière pour qu’elle soit accomplie adéquatement. Dans une telle situation, l’utilisation d’un aide-mémoire, l’ajout d’un élément à une liste de vérification ou un rappel de la part d’un autre membre d’équipage peuvent notamment contribuer à se rappeler la tâche à exécuter. Lorsqu’aucune ressource de ce genre n’est mise en œuvre, surtout en présence de distractions ou d’interruptions, les pilotes peuvent se rabattre par inadvertance sur la séquence préalable qui leur est familière et ainsi oublier d’accomplir la nouvelle tâche.

Sans aide-mémoire ni autre soutien, le rendement d’une tâche nouvelle ou peu familière dépend de la mémoire prospective des personnes, soit leur capacité de se souvenir comment exécuter une action prévue, laquelle comprend quatre étapes : codage, rétention, exécution et évaluation. Après qu’une action intentionnelle a été adéquatement codée et retenue, son exécution dépend initialement de sa récupération en mémoire.

La récupération opportune d’une action prévue dépend totalement des ressources d’attention des personnes, de même que de leur mémoire de travail et à long terme. La charge de travail et les distractions influent considérablement sur l’exploitation des ressources d’attention et de la mémoire de travail et peuvent ainsi accroître les risques d’erreurs causées par un trou de mémoire Note de bas de page 38.

Si une tâche nouvelle ou moins routinière n’est pas incluse à une méthode de vérification, comme la liste de vérification dans le poste de pilotage, il est moins probable qu’une tâche omise puisse être détectée.

1.18.3.4 Effet de surprise

Dans le domaine de l’aviation, l’effet de surprise est défini comme un réflex automatique et incontrôlable provoqué par un événement intense et soudain auquel un pilote ne s’attend pas Note de bas de page 39. Des travaux de recherche montrent [traduction] « les effets de la surprise, une réaction autonome ayant des effets délétères sur la capacité traitement d’information et le rendement des pilotes lors d’événements critiques Note de bas de page 40 ». Ces effets peuvent fortement nuire à la capacité de traitement cognitif et de prise de décision, soit des compétences cruciales lors d’urgences.

Les approches de formation en matière de CRM et de PDP peuvent aider à mieux préparer les pilotes aux situations inattendues ou inhabituelles, ainsi qu’aux distractions, et à ainsi se rétablir rapidement. Par exemple, il existe des preuves qu’en développant les compétences de jugement des pilotes, on pourrait améliorer leur capacité d’identifier des événements inattendus et de s’adapter à ceux-ci Note de bas de page 41.

1.18.3.5 Charge de travail et expérience

Les équipages travaillent dans des milieux complexes qui exigent la surveillance et le suivi de multiples sources et types d’information. Or, la capacité d’attention et de traitement d’information des êtres humains est limitée. La charge de travail est une fonction du nombre de tâches à accomplir dans un délai donné, de sorte qu’elle croît lorsque ce nombre augmente ou que les délais raccourcissent Note de bas de page 42. Elle peut aussi être définie comme une demande de ressources mentales Note de bas de page 43.

Puisque les ressources des êtres humains sont restreintes, celles nécessaires à l’accomplissement d’une tâche peuvent s’avérer supérieures à celles disponibles. Le personnel soumis à une charge de travail importante peut devenir surchargé et se concentrer alors davantage sur certaines tâches, aux dépens d’autres. Dans une situation qui exige une intervention rapide, une charge de travail importante peut entraîner des erreurs humaines ou retarder la prise de décisions en nuisant au traitement d’informations pertinentes.

La gestion d’une charge de travail accrue dépend de l’expérience de la personne touchée relativement à la tâche à accomplir, de sa formation et de son niveau de compétence. Lorsqu’une personne apprend un rôle, ses compétences sont développées à partir du niveau d’un apprenti qui n’est pas encore compétent, à celui d’une personne compétente, puis à celui d’un expert. Pendant cette progression, les apprenants passent par une série d’étapes prévisibles. Lorsqu’un niveau de compétence minimal a été atteint, ils pourraient avoir atteint un niveau leur permettant d’accomplir une tâche efficacement, mais en ayant recours à beaucoup de ressources d’attention. Une fois compétents ou experts, ils accomplissent leurs tâches de manière plus automatique et en exploitant moins de ressources d’attention Note de bas de page 44.

1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

L’enquête a permis de déterminer qu’aucune panne ou défaillance d’un système de l’aéronef n’a contribué à l’accident. Durant les étapes initiales de l’enquête, il est devenu évident que l’aéronef a quitté l’aéroport international James Armstrong Richardson de Winnipeg (CYWG), au Manitoba, avec une quantité insuffisante de carburant à bord pour effectuer le vol prévu jusqu’à l’aéroport de Churchill (CYYQ), au Manitoba. La présente analyse sera axée sur la raison pour laquelle l’équipage a quitté CYWG avec trop peu de carburant à bord et sur la façon dont il a géré l’urgence subséquente. Sa conclusion consistera en une brève discussion de l’intervention des services d’urgence aéroportuaires.

2.1 Niveau de carburant avant le vol

Les procédures d’exploitation normalisées (SOP) de Keewatin Air concernant l’aéronef Beechcraft King Air 200 ne précisent pas que les aéronefs doivent être ravitaillés au terme de chaque vol. Cependant, la pratique acceptée dans l’entreprise consistait en le ravitaillement des aéronefs par leur dernier équipage, afin d’accélérer les départs en cas d’évacuation sanitaire et par politesse pour le premier équipage travaillant le lendemain. Par conséquent, la séquence des tâches préalables à un vol de comprenait pas toujours le ravitaillement des aéronefs.

Dans l’événement à l’étude, le pilote chargé de la formation préparatoire au vol de ligne a assumé le rôle de premier officier (P/O); il a effectué l’inspection préalable au vol et déterminé que l’aéronef devait être ravitaillé, ce qui diffère de la pratique courante visant à ce que l’aéronef soit ravitaillé après le vol précédent. Le P/O s’est rendu au bureau de ravitaillement pour demander du carburant, mais quand il n’a trouvé personne pour prendre sa commande, il est parti, prévoyant y retourner plus tard. Toutefois, après avoir appris que le vol était retardé en attendant l’arrivée du 2e infirmier navigant, le P/O a entrepris de charger du matériel dans l’aéronef et n’est pas retourné au bureau de ravitaillement. Lorsque le commandant de bord lui a demandé si l’aéronef était prêt, il a répondu par l’affirmative, car il avait oublié que l’aéronef devait être ravitaillé. Le P/O n’a pris conscience de cet oubli qu’après l’allumage du voyant d’avertissement de pression de carburant gauche (L FUEL PRESS).

2.2 Gestion du carburant de l’aéronef

2.2.1 Système de gestion de vol

Les données sur la quantité de carburant inscrites dans le système de gestion de vol (FMS) devraient généralement représenter la quantité réelle de carburant à bord de l’aéronef, plutôt que celle prévue aux fins d’un vol. L’enquête n’a pas permis de déterminer si de l’information sur la quantité de carburant à bord a été entrée dans le FMS. Toutefois, si la quantité réelle de carburant y avait été consignée, la quantité permettant d’atteindre la destination qui était affichée se serait avérée erronée. Puisque rien d’inhabituel n’était affiché par le FMS, l’équipage n’a pas remarqué que la quantité de carburant à bord de l’aéronef était insuffisante.

2.2.2 Éléments de la liste de vérification

Dans le document du fabricant Pilot’s Check List—Normal Procedures pour les aéronefs Beecraft, qui est placé à bord des aéronefs, mais n’est pas couramment employé, on trouve 3 éléments qui se rapportent à la quantité de carburant, après la section PREFLIGHT INSPECTION (inspection préalable au vol), dont 2 éléments qui doivent être exécutés avant le décollage. Or, ces 2 éléments ne figurent pas dans la liste de vérification Normal Checklist B ‑200 G1000 plastifiée, élaborée par Keewatin Air d’après ses SOP.

Durant le vol à l’étude, l’équipage consultait la liste de vérification Normal Checklist B ‑200 G1000. Les listes de vérification AFTER START (préalable au démarrage) et CRUISE (croisière) comportent un élément lié au carburant.

En ce qui a trait la quantité de carburant (FUEL QUANTITY), la réponse inscrite sur la liste de vérification Normal Checklist B ‑200 G1000 plastifiée était SUFFICIENT/BALANCED (suffisante et équilibrée). Cet élément de la liste vise à rappeler le pilote de comparer la quantité de carburant affichée par les indicateurs à la quantité nécessaire pour le vol. Pendant qu’il réalisait l’étape relative à la quantité de carburant (FUEL QUANTITY) sur la liste de vérification AFTER START (après le démarrage), le commandant de bord a répondu machinalement au P/O que la quantité de carburant était suffisante, sans regarder les indicateurs. De plus, cette étape de la liste n’a pas fait en sorte que le P/O se rappelle que l’aéronef n’avait pas été ravitaillé, si bien que ce dernier a quitté CYWG sans le carburant à bord nécessaire à l’exécution du vol prévu.

Les SOP prévoient des vérifications périodiques des instruments et des commandes au moins toutes les 30 minutes pendant le vol de croisière. Par conséquent, l’équipage aurait dû en réaliser au moins 2 pendant la 1re heure du vol à l’étude. Bien qu’une certaine vérification du poste de pilotage a probablement été effectuée durant le vol, les indicateurs de quantité carburant n’ont jamais été examinés. Lorsqu’il volait comme P/O, avant sa promotion, le commandant de bord n’avait pas l’habitude d’examiner les indicateurs de quantité carburant pendant ses vérifications du poste de pilotage. En outre, la configuration du poste de pilotage du Beechcraft B200 fait en sorte que si l’on est dans le siège de droite, ces indicateurs sont partiellement cachés lorsque le pilote occupant le siège de gauche tient le volant de commande. Dans l’événement à l’étude, ni le commandant de bord ni le P/O n’ont examiné ces indicateurs à l’étape de la quantité de carburant de la liste de vérification.

L’équipage n’avait pas détecté que la quantité de carburant à bord de l’aéronef était insuffisante, car les indicateurs n’étaient pas visés par leurs vérifications périodiques du poste de pilotage.

2.2.3 Calcul progressif de la consommation du carburant

En général, le calcul progressif de la consommation du carburant fait partie de la liste de vérification CRUISE (croisière), lorsque l’aéronef est en palier pendant le vol de croisière. Cependant, ni la procédure de vol de croisière dans les SOP ni le plan de vol exploitation (OFP) n’indique comment l’effectuer.

D’après une consommation de carburant de 800 livres par heure, environ 250 livres de carburant seraient nécessaires pour une montée et une mise en palier au niveau de vol (FL) 250.

Pendant le vol dans l’événement à l’étude, le commandant de bord a réalisé un calcul progressif de la consommation du carburant à environ 8 milles marins (NM) après le décollage, alors que l’aéronef était toujours en montée.

2.2.3.1 Carburant nécessaire

Lorsque le calcul progressif de la consommation du carburant est effectué, la valeur inscrite dans la case Fuel Required (carburant nécessaire) de l’OFP devrait correspondre à la quantité à bord initialement nécessaire pour effectuer le vol, moins la quantité de carburant consommée jusqu’alors.

Dans cet événement, le commandant de bord a inscrit 2456 livres (la quantité de carburant initiale établie pendant la planification du vol) dans la case Fuel Required, plutôt que 2206 livres (la quantité de carburant initiale nécessaire, moins les 250 livres exigées par la montée).

2.2.3.2 Carburant restant

Pendant le calcul progressif de la consommation du carburant, la valeur inscrite dans la case Fuel Remaining de l’OFP devrait correspondre à la quantité affichée par les indicateurs de quantité carburant.

Dans cet événement, après le démarrage des moteurs, les indicateurs de quantité carburant n’ont pas été vérifiés pour déterminer la quantité de carburant restante. L’enquête n’a pas permis d’établir avec certitude comment la quantité de carburant restante de 2206 livres (la valeur inscrite dans la case Fuel Remaining) a été calculée.

Selon les calculs effectués pendant l’enquête, la quantité de carburant initiale se situait entre 1300 et 1600 livres. En soustrayant 250 livres de ces valeurs, les indicateurs auraient affiché une quantité de carburant totale entre 1050 et 1350 livres.

En comparant la quantité de carburant nécessaire de 2206 livres à la quantité de carburant restante de 1050 à 1350 livres, il aurait été évident que la quantité de carburant restante était insuffisante pour achever le vol, ce qui aurait entraîné une évaluation plus attentive du calcul progressif. Or, l’équipage n’a pas relevé écart.

Quand l’équipage a effectué le calcul progressif de la consommation du carburant, il n’a pas comparé ses résultats aux valeurs affichées par les indicateurs et n’a donc pas remarqué que le niveau de carburant était faible à un moment où il aurait pu atterrir de manière sûre.

2.3 Réaction de l’équipage

À 18 h 13, lorsque le voyant d’avertissement de pression de carburant gauche (L FUEL PRESS) s’est allumé, l’équipage s’est aperçu que l’aéronef ne pouvait pas atteindre CYYQ et c’est à ce moment que le P/O a constaté avoir oublié de ravitailler l’aéronef. L’équipage a alors signalé une urgence au centre de contrôle régional (ACC) de Winnipeg. En raison de la surprise de l’équipage face à la situation d’épuisement du carburant, leur gestion de l’urgence s’est détériorée lorsqu’il s’est vu confronté à une charge de travail nouvelle et accrue, en raison de l’imminence d’un manque de carburant et de la perte de puissance d’un moteur et, ultimement, des 2 moteurs.

L’équipage avait peu de temps pour se préparer à une approche forcée et a immédiatement priorisé le choix d’un aéroport de dégagement adéquat. Malgré la décision de se dérouter vers l’aéroport de Gillam (CYGX), au Manitoba, l’aéronef a gardé le cap vers CYYQ durant approximativement 2 minutes.

Lorsque le moteur gauche est tombé en panne, l’équipage a suivi la procédure du manuel de référence rapide Emergency and Abnormal Procedures Quick Reference Handbook (QRH) dans le but d’éteindre le moteur. Toutefois, entre 18 h 15 et 18 h 21, l’hélice de gauche tournait toujours en moulinet à un régime de 1300 à 2000 tr/min. Le levier de commande de l’hélice n’a probablement pas été complètement réglé à la position de mise en drapeau.

À 18 h 15 min 32 s, le P/O a programmé le FMS du commandant de bord pour qu’il affiche la trajectoire vers CYGX, puis il a demandé à ce dernier de virer à droite et de suivre la trajectoire vers CYGX. Ce n’est que lorsque le P/O a déplacé le curseur de cap sur l’affichage du FMS que le commandant de bord a dirigé l’aéronef vers CYGX.

Subissant toujours l’effet de la surprise provoqué par l’urgence de l’épuisement du carburant, le commandant de bord a rapidement été submergé par les tâches à accomplir, ce qui a entraîné une réaction non coordonnée des membres d’équipage, un virage tardif vers CYGX et un prolongement de l’approche.

La traînée produite par l’hélice tournant en moulinet explique la réduction de la vitesse anémométrique de l’aéronef et la difficulté pour le commandant de bord à maîtriser l’aéronef. Bien que ce dernier tentait de descendre pour descendre jusqu’à un angle d’approche acceptable vers CYGX, la rotation en moulinet de l’hélice a probablement contribué à ce que la vitesse de descente s’avère plus grande que prévu, celle-ci frôlant parfois 6000 pi/min.

Pendant les dernières étapes de la descente, un profil de navigation verticale (VNAV) vers CYGX a été obtenu, mais la rotation en moulinet de l’hélice gauche a probablement rendu plus difficile le maintien de la trajectoire de descente. Par moments, l’aéronef descendait sous la trajectoire VNAV, et la vitesse anémométrique diminuait. Constatant que le commandant de bord maintenait la vitesse anémométrique et contrôlait la vitesse de descente difficilement, le P/O a pris les commandes et a pu accroître la vitesse anémométrique et maîtriser l’aéronef. Lorsque ce dernier a atteint 2800 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), l’hélice gauche a cessé de tourner, indiquant un déplacement des pales jusqu’à l’angle de mise en drapeau. Un atterrissage forcé aurait pu ensuite être réalisé avec succès suivant la trajectoire VNAV si le moteur droit avait été fonctionnel.

Toutefois, le moteur droit est tombé en panne en raison d’un épuisement de carburant alors que l’aéronef se trouvait à 1 NM de la piste 23, position à partir de laquelle un atterrissage forcé sur la piste visée ne s’avérait plus possible, forçant l’aéronef à se poser sur la surface gelée du lac Stephens, avant la piste.

2.4 Formation préparatoire au vol de ligne

Le vol dans l’événement à l’étude était désigné comme étant un vol de formation préparatoire au vol de ligne. Cependant, le P/O n’avait pas reçu les dossiers de formation préparatoire antérieure du commandant de bord. Durant les vols de formation préparatoire, et pour tout vol effectué par plus d’un pilote, les rôles et les responsabilités de chaque membre d’équipage doivent être bien définis; sinon, les rôles peuvent devenir flous et la rapidité de la prise de décisions pourrait en être affectée.

Dans l’événement à l’étude, le P/O croyait que son collègue assumait le rôle de commandant de bord. Toutefois, conformément à la politique de Keewatin Air, le P/O aurait dû assumer ce rôle, car il donnait la formation préparatoire au commandant de bord. Si les procédures ne sont pas élaborées pour renseigner les pilotes sur leurs rôles et leurs responsabilités lors des vols de formation préparatoire au vol de ligne, il y a un risque que les membres d’équipage ne participent pas comme prévu ou tentent d’atteindre des objectifs distincts indépendamment.

2.5 Intervention d’urgence

À 18 h 20, l’ACC de Winnipeg a signalé l’urgence à l’opérateur aéroportuaire en service à CYGX. Ce dernier est arrivé sur les lieux de l’incident à 18 h 26, soit 2 à 3 minutes après l’immobilisation de l’aéronef, dont les occupants n’ont demandé aucun soin médical et ne lui ont fait part d’aucun risque de fuite de carburant ou d’incendie.

L’opérateur aéroportuaire a prévenu les services médicaux d’urgence (SMU) et le service d’incendie à 19 h 21 et à 19 h 22 respectivement (environ 1 heure après l’avis initial de l’ACC), et les SMU sont arrivés sur les lieux de l’accident en moins de 2 minutes approximativement.

Parce que les SMU et le service d’incendie n’ont pas été alertés immédiatement au sujet de l’urgence, ils n’étaient pas présents lorsque l’aéronef est arrivé à CYGX.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Lorsque le commandant de bord lui a demandé si l’aéronef était prêt pour le vol, le premier officier a répondu par l’affirmative, car il avait oublié que l’aéronef devait être ravitaillé.
  2. Pendant qu’il réalisait l’étape relative à la quantité de carburant (FUEL QUANTITY) sur la liste de vérification AFTER START (après le démarrage), le commandant de bord a répondu machinalement au premier officier que la quantité de carburant était suffisante, sans regarder les indicateurs.
  3. L’aéronef a quitté l’aéroport international James Armstrong Richardson de Winnipeg avec une quantité insuffisante de carburant à bord pour effectuer le vol prévu.
  4. L’équipage n’avait pas détecté que la quantité de carburant à bord de l’aéronef était insuffisante, car les indicateurs n’étaient pas visés par leurs vérifications périodiques du poste de pilotage.
  5. Quand l’équipage a effectué le calcul progressif de la consommation du carburant, il n’a pas comparé ses résultats aux valeurs affichées par les indicateurs et n’a donc pas remarqué que le niveau de carburant était faible à un moment où il aurait pu atterrir de manière sûre.
  6. Subissant toujours l’effet de la surprise provoqué par l’urgence de l’épuisement du carburant, le commandant de bord a rapidement été submergé par les tâches à accomplir, ce qui a entraîné une réaction non coordonnée des membres d’équipage, un virage tardif vers CYGX et un prolongement de l’approche.
  7. Le moteur droit est tombé en panne en raison d’un épuisement de carburant alors que l’aéronef se trouvait à 1 mille marin de la piste 23, position à partir de laquelle un atterrissage forcé sur la piste visée ne s’avérait plus possible, forçant l’aéronef à se poser sur la surface gelée du lac Stephens, avant la piste.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si les procédures ne sont pas élaborées pour renseigner les pilotes sur leurs rôles et leurs responsabilités lors des vols de formation préparatoire au vol de ligne, il y a un risque que les membres d’équipage ne participent pas comme prévu ou tentent d’atteindre des objectifs distincts indépendamment.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1. Parce que les services médicaux d’urgence et le service d’incendie n’ont pas été alertés immédiatement au sujet de l’urgence, ils n’étaient pas présents lorsque l’aéronef est arrivé à l’aéroport de Gillam.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Keewatin Air LP

Après l’événement, Keewatin Air LP a réalisé une enquête interne et diffusé un bulletin de sécurité datant du 3 mai 2019 destiné aux pilotes et aux coordonnateurs de vol (annexe B). Dans le bulletin, on présente les mesures que les équipages doivent prendre à l’étape FUEL QUANTITY (quantité de carburant) de la liste de vérification AFTER START (après le démarrage). Le 28 juin 2019, elle a actualisé sa liste de vérification Normal Checklist B-200 G1000, afin qu’elle tienne compte des modifications figurant dans le bulletin de sécurité.

Dans le bulletin, on mentionne également clairement quels renseignements sur l’état du carburant les équipages doivent fournir au coordonnateur de vol après leur départ et le calcul progressif de la consommation du carburant.

4.1.2 Ville de Gillam

Le détachement de la GRC (Gendarmerie royale du Canada) et des représentants de la Ville de Gillam ont tenu une séance de compte rendu sur l’événement auquel les enquêteurs du BST étaient invités. Un certain nombre de préoccupations ont été soulevées pendant la séance, dont une relativement au délai d’intervention des services d’urgence. Par conséquent, la Ville a révisé son plan d’intervention d’urgence et a préparé un manuel de référence rapide sur les interventions d’urgence à l’aéroport de Gillam (Gillam Airport Emergency Response Quick Reference). Le manuel indique l’ordre d’avertissement des intervenants et les mesures que l’opérateur aéroportuaire en service doit prendre lorsqu’on le prévient d’une urgence ou d’un incident aéronautique.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A –Normal Checklist B-200 G1000 (plastifiée)

Annexe A - Normal Checklist B-200 G1000 (plastifiée)
Normal Checklist B-200 G1000 (plastifiée)
Annexe A - Normal Checklist B-200 G1000 (plastifiée)
Normal Checklist B-200 G1000 (plastifiée)

Annexe B – Bulletin de sécurité de Keewatin Air LP datant du 3 mai 2019

Annexe B - Bulletin de sécurité de Keewatin Air LP datant du 3 mai 2019
Bulletin de sécurité de Keewatin Air LP datant du 3 mai 2019

Source: Keewatin Air LP